Interactions et ancrage territorial des industries
créatives: le cas de la Belle-de-Mai à Marseille
SEVERIN Hélène,
Master 2 Géographie du Développement,
Aix-Marseille Université, Septembre
2015
Mémoire encadré par Alexandre GRONDEAU,
maitre de conférences AMU, Laboratoire TELEMME
Jury composé de :
- Alexandre GRONDEAU, Maitre de Conférences
AMU
- Sébastien GADAL, Professeur de
Géographie AMU
Ce mémoire a obtenue la note de : /20
|
Soutenu le10 septembre 2015
|
Signature du directeur de mémoire :
SOMMAIRE
INTRODUCTION
5
PREMIERE PARTIE: CADRAGE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
7
CHAPITRE 1 : LE PHÉNOMÈNE DE
« FRICHE CULTURELLE »
11
CHAPITRE 2 : LE CLUSTER CRÉATIF
29
CHAPITRE 3 : ANALYSE DYNAMIQUE DES PROXIMITÉS
45
METHODOLOGIE
70
DEUXIEME PARTIE: LES INTERACTIONS AU PÔLE DE LA
BELLE-DE-MAI
73
CHAPITRE 1 : INDUSTRIES CRÉATIVES À LA
BELLE-DE-MAI : INFLUENCE DE L'INSTITUTIONNALISATION
77
CHAPITRE 2 : ANALYSE DES DISCOURS DES ACTEURS
105
CHAPITRE 3 : QUELLES SONT LES RÉELLES INTERACTIONS
À LA BELLE-DE-MAI ?
119
TROISIÈME PARTIE: ANCRAGE TERRITORIAL
141
CHAPITRE 1 : RÉHABILITER LA FRICHE POUR
RÉGÉNÉRER LE QUARTIER ?
143
CHAPITRE 2 : RAPPORT DES ENTREPRISES AU TERRITOIRE :
CONSÉQUENCE DE LEURS IMPLANTATIONS À LA BELLE-DE-MAI
159
CHAPITRE 3 : ENCASTREMENT INDIVIDUEL DES SALARIÉS AU
SEIN QUARTIER
179
CONCLUSION
202
TABLE DES MATIERES
205
TABLE DES ILLUSTRATIONS
210
BIBLIOGRAPHIE
215
SITOGRAPHIE
224
ANNEXES
225
REMERCIEMENTS
En préambule de ce mémoire, je souhaiterai
adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m'ont
apporté leur aide et qui ont contribué -directement ou
indirectement- à l'élaboration de ce mémoire ainsi
qu'à la réussite de cette année universitaire.
Je tiens tout d'abord à remercier Alexandre GRONDEAU,
qui, en tant que directeur de mémoire, m'a fait confiance et m'a
apporté son soutien professionnel et moral. Il m'a donné les
moyens de rebondir après une première année de Master
difficile et sa spontanéité m'a permis d'avoir de nouveau
confiance en moi et en mes capacités à la réflexion.
J'exprime également ma gratitude envers Patrick TANGUY,
responsable du pôle développement économique et
stratégique de l'AGAM, ainsi qu'à l'ensemble de cette structure.
Mon stage m'a permis de m'initié au milieu professionnel dans la joie et
la bonne humeur. Merci également au pôle ressources et
données urbaines pour leur accueil et leur gentillesse, et surtout pour
leur aide lors de mes galères SIGistes.
Sur le plan personnel, je tiens à remercier ma famille
qui a toujours cru en moi et m'a toujours soutenue dans chacune de mes
décisions. Merci à ma maman et mon papa pour leur soutien
financier surtout, moral aussi. Je suis également très heureuse
que la distance nous a finalement permis de nous rapprocher et de profiter
d'autant plus des moments familiaux.
J'adresse mes plus sincères remerciements à tous
mes proches et amis, qui m'ont toujours soutenu et encouragé.
Merci à mes camarades et amis aixois pour leur accueil
et leur gentillesse tout au long de ce Master. Je n'oublierai jamais tout les
moments passés en votre compagnie.
Merci à mes ami(e)s « auvergnats »,
pour leur soutien moral ET physique tout au long de cette année.
Enfin, merci à monnoukpour son soutienet sa
facilité à me redonner confiance en moi dans les périodes
de doute et de peur.
INTRODUCTION
Les industries créatives apparaissent, depuis le
prémisse de leur reconnaissance dans les années 1990 au
Royaume-Uni, comme des éléments essentiels de l'économie
culturelle. Depuis, elles sont classées par secteurs et regroupent les
industries de secteurs créatifs et culturels. Les institutions se
rendent de plus en plus compte depuis la création d'une nomenclature
spécifique à ces industries, de leurs enjeux économiques,
sociaux et politiques. De nombreux rapports nationaux et internationaux
très fournis étudient d'ailleurs ces questions et tentent de
donner une approche critique et subjective de cette économie
créative. Notre mémoire portera sur ces industries et plus
particulièrement sur leurs interactions et leur ancrage territorial.
Nous aurons également une approche critique de l'état de l'art de
l'économie créative et nous étudierons un cas
particulier : celui du Pôle de la Belle-de-Mai à
Marseille.
Le Pôle de la Belle-de-Mai est constitué de trois
îlots, un îlot multimédia, un îlot patrimoine et un
dernier consacré au spectacle vivant. Cet ensemble est lui même
constitué d'industries de secteur culturel et créatif. Nous nous
sommes alors demandé s'il existait des interactions entre ces trois
îlots et entre les entreprises qui les constituent ? Nous nous
sommes également posé la question de l'ancrage territorial de cet
ensemble,c'est-à-dire quel est son rapport au territoire de la
Belle-de-Mai. Finalement, nous étudierons l'impact de la présence
d'un tel pôle sur son quartier et plus largement, sur Marseille.
Nous aurons, dans un premier temps, une approche
théorique autour des concepts de Friche culturelle, de cluster et de
proximité. Nous tenterons de voir si la Friche culturelle peut
être un système productif local de type cluster où
certaines proximités permettent les échanges. Nous
développerons ensuite cette théorie autour du cas de la
Belle-de-Mai avec, en seconde partie, les interactions entre les pôles et
en troisième et dernière partie, leur ancrage.
L'objectif de ce mémoire est de montrer ou
démontrer les hypothèses suivantes :
- la culture est une ressource aux vertus
développantestrès à la mode dans le discours des
politiques locales mais qui, finalement, n'est activable qu'avec les
créatifs et leur proximité organisée;
- d'un point de vue économique, les industries
créatives permettraient de créer de l'emploi sur des territoires
qui ont été en déclin, mais ces emplois ne visent pas les
populations qui ont subit ce déclin ;
- d'un point de vue social, l'implantation de ces industries
créatives a permis la création de nouvelles formes de liens entre
un quartier en déprise et le lieu culturel ;
- d'un point de vue urbain, les événements
initiés par ces mêmes industries permettent de
« redorer » l'image parfois néfaste des villes et
dans certains cas-d'une manière plus locale -, des quartiers
défavorisés ;
- l'implantation des industries créatives n'est tout de
même pas toujours la solution miracle aux différents
problèmes que peut subir un territoire ;
- finalement, est-ce que le choix du développement des
territoires créatifs au dépend des autres ne serait-il pas
néfaste au renouvellement social ?
PREMIERE PARTIE: CADRAGE THEORIQUE
ET CONCEPTUEL
Chapitre 1 : La Friche culturelle
Chapitre 2 : Le cluster créatif
Chapitre 3 : Analyse dynamique des
proximités
Il s'agira dans cette
première partie de comprendre les enjeux liés à la culture
sur des territoires innovants où la proximité est marquante. Il
sera ainsi étudié les évolutions de la pensée sur
ce type de territoire de la part des chercheurs mais également des
politiques. Nous tenterons également de cerner l'impact de certains
territoires innovants qualifiés de modèles. Nous pourrons alors
analyser les possibilités d'adaptation de ces modèles à
échelle d'autres territoires où le contexte est
différent.
L'objectif est finalement de faire le lien entre les notions
de Friche culturelle, de cluster créatif et de proximité.
Le phénomène de Friche culturelle entre dans un
processus de redynamisation d'un territoire. C'est un phénomène
qui émane d'une volonté commune d'acteurs artistiquesde fournir
à l'ensemble de la population un outil de connaissance culturel et aux
artistes un moyen de s'exprimer.
Le paradigme qu'est le « cluster
créatif » regroupe par définition la proximité
géographique et la proximité organisée.
Concrètement, il s'agit d'interactions entre acteurs économiques
permises par une distance faible entre eux et une organisation bien
spécifique avec des règles d'usages.
En effet, l'analyse de la proximité permet de
comprendre les interactions qu'il existe entre les acteurs économiques.
Elle passe notamment par le rapport entre les dynamiques de proximités,
la localisation et l'innovation. Ces interactions sont à l'origine
notamment de la création locale de districts où se regroupent les
acteurs et où une coordination se met en place. Il faudra
néanmoins relativiser cette théorie qui n'est pas toujours
admissible dans la réalité.
Nous verrons néanmoins que même si ces termes
sont vendeurs, ils peuvent cacher une réalité tout autre. La
proximité géographique assimilée à la
proximité organisée ne permet pas forcement la création
d'un espace homogène où les interactions d'acteurs sont notables.
Dans un cluster, les relations entre les industries créatives ne sont
pas toujours - ou alors peu - visibles. Enfin, bien que la Friche culturelle a
pour but de donner une base à la connaissance culturelle, elle n'a pas
toujours pour vocation de se rapprocher de son territoire. L'industrie
créative a bien souvent peu -et même parfois pas du tout- de
conséquences positives sur les dynamiques économiques et sociales
du quartier qui l'entoure.
Chapitre 1 : Le
phénomène de « Friche culturelle »
Ce premier chapitre a pour but
d'analyser et de comprendre les principes fondamentaux de l'émergence
des Friches culturelles. Nous définirons dans un premier temps la Friche
culturelle telle que nous la connaissons aujourd'hui à travers les
prémices de ce processus. Nous verrons ensuite comment la culture permet
la résilience territoriale grâce à l'institutionnalisation
et au principe de projet urbain. Enfin, nous tenterons de mettre en lien ce
concept avec celui de la créativité territoriale, puisqu'il est
de plus en plus présent dans les discours actuels du
développement local. Ce lien nous permettra notamment d'aboutir à
notre second chapitre de cette partie théorique où nous tenterons
d'analyser le modèle du « cluster » où
justement, ces industries entrent en cohésion et où elles sont
censées se complémenter. Nous nous demanderons alors si la Friche
culturelle peut devenir un cluster. Nous appuierons notre concept sur des
exemples européens, les plus connus, où nous verrons que la
théorie est parfois toute autre que la réalité.
1. Comment la Friche culturelle est-elle
rendue possible ?
a)
Une difficile définition de ce qu'est une Friche
La géographie culturelle
est une approche qui s'est développée depuis les années
1990 seulement à travers les écoles anglo-saxonnes et
françaises. Néanmoins, il paraît difficile que ces
différentes méthodes s'accordent sur une même voix. Il
semble donc délicat de définir des objets propres à la
culture. Pour comprendre l'objet Friche culturelle il faudrait donc d'abord
comprendre ce qu'on entend par « culture » mais aussi
comment émerge l'objet Friche.
Selon Pierre Georges, la culture qualifie
« originairement une civilisation, avec sa langue, ses
croyances, ses formes d'expression artistique, le mot est désormais
employé pour désigner l'ensemble des superstructures de
l'économie et de la vie sociale : langage, traditions,
activités intellectuelles, littéraires, artistiques et
scientifiques, idéologie politique et forme de gouvernement, religion et
mythes, structures sociales... » (GEORGE P., VERGER F. 2006). La
culture se définit par des liens sociaux qui proviennent de
différents héritages et qui permettent de comprendre les
sociétés actuelles. Chaque société sur chaque
territoire dispose donc d'une culture différente. Selon Paul CLAVAL
(1995) « toutes les sociétés ne disposent pas du
même arsenal de connaissances et de techniques, et du même registre
d'interprétations et de motivations ». Mais la culture ne se
définit pas seulement par des héritages, des savoir-faire ou des
langages. C'est aussi devenu un outil de développement économique
des grandes villes notamment par les nouveaux espaces culturels qui
émergent depuis les années 1990.
C'est dans les différentes analyses de la
géographie culturelle que ces nouveaux espaces culturels sont
conceptualisés. La première difficulté réside dans
la dénonciation du territoire, qui est tantôt défini comme
des fabriques artistiques et nouveaux territoires de l'art et tantôt
comme des lieux alternatifs et espaces intermédiaires.
Selon Boris GRESILLON, qui tente de restituer les Friches
culturelles comme « phénomène » et comme
« type de lieu, les premières recherches anglophones de la
New cultural Geography s'engagent sur un modèle postmoderniste
dans le vaste champ des sciences humaines et sociales. Les précurseurs
de ces recherches sont C.MITCHELL, D.COSGROVE, J.DUNCAN, P.JACKSON et J.WATSON.
A la différence de cette école anglophone, l'école
française de la géographie ne s'engage pas directement dans une
approche postmoderniste (excepté P. CLAVAL, J.F STASZAK et C.
CHIVALLON). Les débats théoriques qui ont forgé
l'école anglophone ont eu beaucoup de mal à arriver jusqu'en
France. Plus simplement, la différence entre les deux écoles
réside dans la méthodologie d'analyse. Les français ont
choisit la multiplication des « objets » culturels donc de
terrain d'études variés plutôt qu'une analyse
théorique différente de celle de la géographie humaine.
Les premières analyses où le rapport entre géographie et
culture est mis en évidence furent éditées en 1981 par la
revue l'Espace géographique dans un numéro spécial. On y
trouve quasiment tous les précurseurs de la géographie culturelle
réunis autour de sa définition, mais qui ont d'emblée pour
réflexion de ne pas en faire une définition absolue. Aujourd'hui,
le débat sur cette géographie est rouvert, et les critiques ont
tendance à apparaître plus facilement, que se soit dans la
théorie mais aussi dans l'analyse des différents
« lieux créatifs » dont une norme à tendance
à émerger alors que chaque lieu se construit d'une façon
différente.
Bien que l'approche de cette géographie culturelle soit
récente, il existe des exemples d'expérimentation de reconversion
de Friche en lieu culturel plus anciens qu'il nous semble judicieux de
souligner. A l'instar des waterfronts des villes portuaires des
Etats-Unis depuis les années 1960, la reconversion des Friches
industrielles en France débute dans les années 1980 dans un
mouvement de culture « off » présent dans le Nord de
l'Europe. Dans les années 1970, on voit déjà
apparaître à Amsterdam avec le Melkweg et à
Bruxelles avec les Halles des Shaerbeek des espaces de reconversion.
En France, c'est en 1983 que l'on commence à voir émerger ces
lieux créatifs avec le Confort moderne de Poitiers. Il nous
semble aussi important de citer les cas de Barcelone et de Bilbao (dans les
années 1980), qui restent les grands modèles de
régénération urbaine les plus étudier. Mais
aujourd'hui, ces opérations font débat.Elles s'apparentent
finalement à des interventions à échelle urbaine et les
mettre en comparaison avec des cas comme les Friches culturelles en France
paraît être une erreur. Il faut d'ores et déjà
émettre une contradiction entre les grandes opérations de
régénérations urbaines qui émanent de politiques
étatiques de renforcement culturel et d'autres réhabilitations
industrielles locales par la culture qui émanent bien souvent d'artistes
et de politiques locales. Aussi, d'un coté on insiste sur le fait qu'il
faut cultiver sa différence et de l'autre on tente d'inculquer des
paradigmes bien définis où le processus à fonctionner. Il
semble donc primordial de prendre du recul sur ce discours très
modéliste et incitateur.
Dans un même temps, on voit de plus en plus
apparaître des lieux off, ou des lieux alternatifs, où la
culture, initiée par un groupe d'artistes,n'est pas reconnue par les
institutions. Ce sont souvent des lieux à vocation communautaire qui
entrent dans l'évolution de la création culturelle et des
caractéristiques esthétiques traditionnelles. Elsa VIVANT (2007)
tente de définir une géographie de ces lieux alternatifs. Ce sont
pour la plupart des théâtres de rue, des squats d'artistes, les
danses de rue, etc. C'est donc plus généralement l'art
dans la rue, ou l'art de la rue. Les squats d'artistes par
exemple, dont font généralement parties les Friches culturelles,
participent à un processus de revendications communautaires et de
contestation politique. C'est notamment par leur caractère
illégal que ces lieux se distinguent des lieux culturels de norme. Les
premiers squats français apparaissent dans les années 1980
à Paris et depuis, de nombreux lieux alternatifs sont apparus partout en
France. Certains sont restés à cette phase de présence
temporaire d'artistes et d'autres sont devenus des territoires de l'art
à part entière.
Finalement, les Friches ne recouvrent jamais les mêmes
lieux, d'où la difficile définition et modélisation de ces
espaces. Certaines étapes au sein des politiques institutionnelles
culturelles ont néanmoins permis de mieux cerner ces lieux et leurs
enjeux. C'est notamment le cas du rapport LEXTRAIT (rendu public en 2001), qui
est bien sûr un cas d'école. À la suite d'une demande du
secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation
culturelle Michel DUFFOUR, l'objectif de ce rapport est la reconnaissance des
Friches et des lieux intermédiaires. Ce travail porte sur 30
expériences réparties dans 11 régions. Ce sont des
expériences singulières où les normalités et le
cadrage de l'État sont refusés et donc où le risque de
l'éphémère est fort. Le premier volume présente les
monographies et expériences des squats de Grenoble, de la fiche la
Belle-de-Mai à Marseille ou encore de la Condition publique de Roubaix.
Le second volume présente les fondements de ces expériences et
définit la problématique artistique comme un moyen de production.
Ce programme va permettre a création de mission sur les Nouveaux
territoires de l'art. Cette équipe interministérielle accompagne
les projets à travers une expertise et des conseils auprès des
services déconcentrés et décentralisés1(*). On voit donc apparaître,
avec ce rapport, un réel engouement pour ces nouveaux lieux
créatifs après une longue période de développement
sans reconnaissance particulière.
Par la suite, de nombreuses études ont
été publiées sur ces expériences culturelles et
artistiques dans différents pays européens. A titre indicatif
nous pouvons citer Boris GRESILLON (2002 : Allemagne, 2002 et 2004 :
France), ANDRES (2008 : France), Fabrice RAFFIN (2000 et 2008 :
France, 2002 : Suisse), Maria GRAVARI-BARBAS (2004 : France), Elsa
VIVANT (2006 et 2009 : France), HARRIS (2006) et PRATT (2009)
(Grande-Bretagne), KUNZMANN (2004 : Allemagne), etc.
Les Friches culturelles s'inscrivent donc dans
différents mouvements de recherche. Ces mouvements traitent de la
résilience territoriale par la ressource culturelle avec des approches
de points de vues plus ou moins critiques. Notre analyse tentera de prendre en
compte ces différentes approches et de les comparer. Nous allons tout
d'abord voir comment la Friche culturelle est rendue possible et comment
l'institutionnalisation de ces lieux a pour objectif de lier projet culturel et
développement urbain. Enfin, nous tenterons de cerner comment la culture
est devenue « créative ».
b) Le temps de veille : lorsque la
culture intervient dans la question de la résilience territoriale
Le tryptique crise-culture-résilience va nous
permettre, dans la suite de notre analyse, de comprendre les conditions de vie
des Friches culturelles. La mise en place de ces nouveaux territoires de l'art
s'inscrit dans une trajectoire marquée par différentes
périodes et étapes : l'avant-Friche, le temps de veille et
l'après-Friche (ANDRES, 2008). Ce processus peut aboutir à une
pérennisation et à la transformation de la Friche culturelle,
notamment grâce à son institutionnalisation.
ï L'avant Friche -ou la crise industrielle-
Pour que les Friches culturelles voit le jour, il faut bien
entenduque l'espace soit déserté, désaffecté ou
sous occupé (DESBONS et RUBY, 2002). Ces espaces ont, au
préalable, subis une crise industrielle importante ayant entrainé
la fermeture définitive des lieux. « C'est la guerre. Une guerre
économique, avec ses replis stratégiques, ses démolitions
et ses milliers de chômeurs qui n'acceptent pas aisément d'en
être les victimes » (DATAR, 1986).
Ce sont donc des terrains vidés de toute
activité, mais aussi de toute présence humaine. Ces espaces sont
bien souvent -à quelques exceptions prés- situés en marge
des centre-ville puisque héritiers d'une époque industrielle,
militaire ou portuaire. « Ce qui n'était que des bâtiments
vétustes, devient espaces sinistrés. Ce qui était
aboutissement légitime de la ville, le lieu de travail, devient verrue,
un obstacle de liaison, une coupure profonde, entre la ville et ce qui est
devenu la Friche. » (LACOUR, 1987).
D'un coté on a les anciennes industries dont les
propriétaires se demande le devenir et de l'autre, les Friches
laissées purement et simplement à l'abandon. Dans les deux cas,
la question qui se pose est que faire de ces espaces libre ? Comment
utiliser ces espaces ? C'est alors que le temps de veille prend toute son
importance.
ï Le temps de veille -ou la culture dans la Friche-
La particularité des Friches cultuelles réside
dans le temps de veille. Lorsque l'espace est abandonné, il se pose deux
cas de figure : le premier où la Friche reste en Friche et le
deuxième où la Friche est réappropriéede
façon éphémère ou pérenne. « Le
stade de Friche est un temps d'attente où le terrain en question est
abandonné. Premier cas de figure, c'est un temps d'entre-deux durant
lequel la Friche ne fait l'objet d'aucune réappropriation.
Deuxième cas de figure, c'est un temps de veille durant lequel la Friche
est sujette à des réappropriations éphémères
ou pérennes. » (ANDRES L., GRESILLON B., 2011). Certains
espaces abandonnés sont réaménagés directement par
l'État ou par des collectivités locales en musée, en
médiathèque, parfois même en université (c'est le
cas de l'université de Jussieu aux Grands Moulins de Paris). Bien que
ces espaces soit quelques peu péjoratifs puisque la Friche fait
référence à un espace abandonné, indéfini,
inachevé (GRESILLON, 2008), il semble intéressant de les
étudier. Finalement, la question qu'il revient de se poser est comment
la culture est saisie dans ces nouveaux lieux alternatifs et surtout par
qui ? Mais aussi pourquoi ces lieux sont activés par la ressource
culturelle plutôt qu'une autre ?
Par extension, la réponse à la deuxième
question peut nous aider à comprendre la première. Le processus
d'installation de la culture et de l'art dans ces lieux en Friche entre dans un
nouveau mouvement culturel basé sur une idée de lieu insolite et
de dépaysement. Les initiatives proviennent d'associations d'artistes en
mal d'espace, qui veulent également dévier les codes classiques
et institutionnels de la culture. Leur but est d'investir des lieux
illégalement pour produire et diffuser de la culture nouvelle plus
souple où ils peuvent s'exprimer de manière totalement libre. Le
moment fondamentale est donc celui de l'appropriation des lieux et
l'installation d'artistes dans un lieu fixe pour des pratiques parfois nomades
(GRESILLON, 2008). Ces artistes, qui ont bien souvent peu de moyen, choisissent
ces lieux aussi pour cette raison. Finalement, la Friche en veille n'est pas
totalement déconnectée du cadre économique et politique.
Ces lieux peuvent même faire l'objet de soutien financier de la part des
acteurs publics. La possibilité et la pérennité de la
Friche ne dépendent donc pas du simple fait d'initiatives artistiques,
mais aussi de facteurs exogènes dont ces artistes n'ont qu'un faible
pouvoir.
ï L'après-Friche -ou la résilience du
territoire-
En aval des initiatives d'artistes, on trouve une intention
politique de régénération urbaine par la culture. Ainsi,
lorsque les artistes investissent ces lieux simplement pour s'y exprimer et
qu'une réelle association se met en place, les politiques publics voit
là un potentiel certain de développement économique.
L'après-Friche est donc la phase où de vrais projets de
réhabilitations sont décidés. Dans cette période,
le propriétaire, les collectivités locales (parfois nationales et
internationales) et des aménageurs se mettent en association pour faire
de ces lieux en Friche de nouveaux territoires culturels2(*).
C'est notamment la période où les
collectivités prennent conscience du potentiel foncier de ces nouveaux
lieux culturels. « Progressivement pourtant, la préoccupation
pour l'espace en Friche bascule vers une vision moins défavorable,
associée à une diversification fonctionnelle de la Friche qui
devient alors une opportunité en tant que potentiel foncier. »
(ANDRES L. 2006). La Friche passe alors d'une « punition »
à une « opportunité » et
d' « enjeu » à une
« action » (LACOUR, 1987). Plus largement, la reconversion
des Friches culturelles s'inscrit dans une dynamique de
régénération urbaine qui s'illustre dans des processus de
redynamisation plus ou moins interventionniste (CHASSERIAU, 2004).
c)
Le rapport de la Friche à son environnement : les limites de son
rayonnement
Comme nous l'avons expliqué
précédemment, les Friches sont des lieux ayantsubisune crise et
datant d'une époque industrielle, militaire ou portuaire. Ce sont, pour
la plupart, des espaces en marge du centre-ville, mais situés entre ce
centre et la périphérie. Il faut donc y voir un potentiel pour
agir à la fois sur le centre et sur la périphérie. C'est
par exemple le cas de la Belle-de-Mai à Marseille qui se situe entre les
quartiers Nord et le centre et peut influer sur ces deux territoires. Cette
marginalité est bien évidemment bénéfique au
processus de régénération. Par contre, dans le cas du
Tacheles qui est situé en plein centre-villede Berlin,
l'installation des artistes puis la réhabilitation a été
soumise à un phénomène de pression foncière et de
spéculation immobilière qui a rendu difficile le processus.
En revanche, le fait que la Friche culturelle soit l'aval
d'une crise économique, elle est forcement marginalisé par les
habitants. « Cette situation d'isolement, d'enfermement, est propice
à une marginalisation sociale et spatiale (activités plus ou
moins illicites : drogue, prostitution, squats, ...) ; ces usages
momentanés, temporaires, tendent à accentuer le rejet de la part
des populations environnantes vis-à-vis de ce no man's land mais aussi
le repli sur soi des usagers de la Friche. » (ANDRES L., 2006). En
fin de compte, les espaces en Friche peuvent dévaloriser le quartier
environnant, socialement et physiquement (sauvegarde du patrimoine remise en
question à cause des phénomènes de dégradation,
perte de la valeur foncière de l'îlot, voire des îlots
environnants, ...). Cette dégradation est foncièremais aussi
économique, sociale et culturelle. Elle est ainsi
caractérisée par le départ d'entreprises,la perte
d'activités, l'appauvrissement généré par une perte
de substance, économique, sociale, culturelle, civique (ADEF, 1998).
Finalement, la culture peut être perçue comme un
élément anti-crise, comme un remède. Mais pour certains
auteurs, elle peut également induire la crise. Le débat du
rapport culture-crise-résilience semble donc chargé de
contradictions.
Premièrement, il existe certains cas de Friches
culturelles qui n'arrivent pas à établir de lien avec la
population environnante. Certains artistes des Friches culturelles ont
même avoué ne pas avoir réussit à dynamiser le
quartier ou à faire accepter le nouveau lieu aux habitants (c'est par
exemple le cas des Diables bleus des Casernes d'Angély cité par
Boris GRESILLON, 2008). Pour le cas de la Friche la Belle-de-Mai par exemple,
notre analyse réalisée en 2014 sur le projet de
réhabilitation et son rapport au quartier nous a laissé penser
qu'il n'existait pas de lien entre la Friche et son environnement. Cela est
principalement dû au fait que la Friche tourne le dos à son
quartier, et donc que les habitants la pratiquent peu ou pas du tout. Mais
c'est aussi lié à l'histoire du quartier. La Friche culturelle
vient d'une ancienne manufacture de tabacs qui a fermé ses portes en
1990 et qui employait une grande partie des habitants du 3ème
arrondissement. Sa fermeture ayant entrainé un fort taux de
chômage dans le quartier, le sentiment d'appartenance des gens du
quartier a quasiment disparu et ils ne s'identifient plus à ce lieu.
Finalement, le caractère historique des Friches et leur place au sein du
milieu urbain peut jouer un rôle leur relation avec la population
environnante.
Deuxièmement, la culture ne serait pas
défaillante mais pourrait s'accroitre en temps de crise3(*). Parallèlement, le budget
dédié à la culture est aminci dans les grandes villes de
la mondialisation. Avec la compétitivité des territoires qui
s'est installée, l'enjeu culturel n'est plus prioritaire. Il faut donc
prendre en considération ces changements dans l'évolution de la
culture dans l'urbain mais aussi dans la place des artistes dans la ville. En
effet, certains d'entre eux sont installés dans des Friches qui n'ont
pas encore été institutionnalisées et qui ne le seront
sans doute pas à cause des restrictions budgétaires, et sont
ainsi perçus comme les « délaissés »
de la ville.
Enfin, la culture n'est pas seulement portée par des
artistes. Elle l'est aussi par des acteurs économiques, du tiers
secteur, des entrepreneurs et parfois mêmes des habitants. Cette multi
intervention entraine la marchandisation de la culture - en même temps
que la marchandisation de la ville. Ce marketing urbain prend finalement le pas
sur l'intégration des classes populaires. La valeur du lieu culturel et
son impact économique restent un enjeu majeur. Sa réhabilitation
participe quant à elle au développement urbain de son
environnement. Mais le caractère social est très peu
souligné et son importance semble être minimisée.
Finalement, le rapport entre la Friche culturelle et la ville
est surtout marqué par un caractère social quelques peu
ignoré, mais aussi par un développement économique et
urbain remarquable.
2. De la culture au projet urbain
a)
Institutionnalisation du projet : le pouvoir des politiques publiques dans
la visibilité de la Friche culturelle.
Les projets qui ont
émergé dès les années 1970 aux Etats-Unis et
dès les années 1980 en Europe4(*) ont permis aux différents gouvernements des
pays concernés de se mobiliser dans une démarche de
développement par la culture. Lorsque les Friches sont investies par les
artistes, les bâtiments restent à l'état brut. Ils ne sont
que très partiellement réhabilités pour répondre
aux normes de sécurité. L'artiste s'adapte au lieu et non
l'inverse. C'est là qu'intervient toute l'importance de la
visibilité et de l'institutionnalisation de la Friche.
Il existe plusieurs types de lieux culturels (ANDRES,
GRESILLON, 2011), que ce soit des Friches spontanées et rebelles, des
Friches régularisées ou encore des Friches
institutionnalisées. Les dernières étant les plus connues,
les plus pérennes et sans doute celles où les acteurs politiques
interviennent le plus, elles constituent pour eux une possibilité
certaine à la régénération urbaine. Bien sûr,
comme les autres Friches, elles proviennent d'initiatives d'artistes. Mais
c'est après le temps de veille que la Friche peut soit disparaître
soit se pérenniser par l'institutionnalisation du lieu.
Par le biais d'acteurs locaux et de politiques de
développement, les Friches culturelles deviennent des
opportunités de régénération urbaine.
« Par leur existence même, elles instaurent un point de vue sur
la culture, sur l'organisation culturelle, sur l'animation culturelle et sur
l'avenir de la culture, qui entre en concurrence avec les points de vue
déjà existants et, en particulier, le point de vue
d'emblée légitime qu'est celui des institutions publiques, de
l'État ou des collectivités territoriales. » (DESBONS
D., RUBY C., 2002).
Le déclin des espaces industriels a entrainé une
dégradation foncière, mais aussi économique, sociale et
culturelle. Finalement, les politiques publiques voient en la
réappropriation de ces lieux un excellent moyen de redynamiser le
territoire en déclin, par le bais de la ressource culturelle. Ces
politiques doivent permettre une redynamisation du territoire plus ou moins
interventionnelle par le biais d'une transformation physique et idéelle
du quartier, mais aussi une transformation en matière d'action sociale
(ANDRES, 2006). Pour comprendre le processus, prenons l'exemple que nous avons
développé dans une précédente étude
(SEVERIN, 2014) de l'ancienne usine Seita à Marseille devenue une Friche
culturelle en scission avec son quartier. La Seita était une manufacture
de tabac au sein du quartier de la Belle-de-Mai et constituait sa seule
ressource économique. La fermeture de ses portes en 1990 fut donc un
réel traumatisme pour les habitants du quartier. Elle a également
entrainé son déclin économique, social et urbain. Dans un
même temps, la ville de Marseille est à la recherche de politiques
urbaines innovantes. Elle se met donc d'accord avec l'association
Système Friche Théâtre pour son installation dans les
locaux en 1992. Cette appropriation du lieu, en collaboration avec la ville de
Marseille, a permis d'aboutir en 1996 à « un projet culturel
pour un projet urbain » pour réhabiliter la Friche. La Friche
est alors directement reliée à la politique culturelle de la
ville. Finalement, la revalorisation de ce lieu a permis de revaloriser tout un
quartier, voir toute une ville. « Cette ville qui était
considérée comme celle de la French connexion (la drogue, le
trafic de cigarettes, la mafia, etc.) est devenue la ville artistique par
excellence. Cela a été une politique générale sur
laquelle la Friche a eu un rôle
phénoménal »5(*).
La participation des collectivités locales intervient
donc dans le rayonnement du lieu culturel et dans sa visibilité.
« En découlent alors des jeux d'échelles et d'acteurs
diversifiés (acteurs économiques, politiques, professionnels de
l'espace ou encore habitants-usagers-citoyens » (BASSAND, 1996). En
effet, les enjeux des nouveaux territoires de l'art s'inscrivent à
plusieurs échelles : un quartier, une ville, une
agglomération. S'ajoute parfois d'autres acteurs selon l'ampleur et
les enjeux du projet : État et même parfois Europe. Mais le
rôle de l'échelle locale reste prédominant dans ces
interactions multi-échelles (ANDRES, 2006). Le locale joue notamment sur
le rapport entre la Friche et son territoire dans son acceptation. Le
rôle des habitants est quant à lui dans l'attractivité du
site par sa fréquentation et ses répercussions sur les
territoires alentours.
b) Le marketing urbain : pour la
compétitivité ? Ou vers un renforcement de
l'inégalité sociale ?
« La communication urbaine est d'abord et avant tout
un discours tenu par ou à l'initiative des édiles urbains, sur
des objets matériels ou intangibles. » Le marketing est un des
moyens d'action qui va agir sur les objets du discours. (BOUINOT, 2002). Il est
d'abord associé à la formulation et l'adoption d'un plan
stratégique issu de l'ensemble des acteurs de la ville qui ont pour
même objectif le développement économique à long
terme. De plus, le marketing a son « mot à dire »
sur des grands projets qui modifient le paysage urbain. Enfin, il intervient
dans les grands événements culturels, sportifs ou politiques
comme pour la candidature de Marseille en tant que capitale européenne
de la culture en 2013. Le marketing urbain apparaît donc comme un moyen
de promouvoir la ville et de la rendre compétitive. Mais quel est le but
final de la démarche marketing ? Est-ce simplement un outil de
mobilisation de ressources ? Ou prend-il en considération d'autres
développements, d'ordre social par exemple ?
La culture est portée par un grand nombre d'acteurs,
qu'ils soient économiques, d'un tiers secteur, entrepreneurs ou
même habitants. Dans une atmosphère de crise, la culture
représente la capacité de développement d'un territoire.
La culture devient donc la ressource à activer pour le
développement local. C'est à ce moment-là que le marketing
urbain prend toute son importance. On assiste de plus en plus à une
marchandisation de la ville qui passe elle-même par une marchandisation
de la culture.
Le marketing urbain n'est pas un phénomène de
mode. On voit de plus en plus apparaître systématiquement des
discours de communication de la ville de façon durable et
systémique. Aussi, le marketing urbain sert à promouvoir et
à actionner les transformations de la ville. Le marketing urbain
s'inscrit donc dans le projet de ville6(*). Sa durabilité tient au fait que la ville n'a
de cesse de se transformer et il est lié à l'image de la ville.
L'image d'une ville est un bien immatériel créé par un
ensemble d'éléments concrets (patrimoine bâti) ou abstraits
(personnalité des habitants et du territoire). Ces
éléments sont donc activés par le marketing grâce
à la médiatisation et aux événements
éphémères dont les collectivités locales sont les
auteurs. Les acteurs privés peuvent également jouer un rôle
dans le développement de l'image de la ville. Finalement, la
communication des villes a pour objectif de mobiliser les ressources du
territoire. L'institutionnalisation de la culture provient de cet objectif. Les
collectivités fournissent des aides pour la
régénération urbaine par la culture, et c'est grâce
à ce développement par la ressource culturelle que l'image de la
ville se modifie et évoluent et qu'elle peut se démarquer des
autres territoires.
Mais au fond, est-ce que la culture est vraiment un moyen de
résilience territoriale -tout du moins est-ce qu'elle l'est pour tous
les territoires? La culture de la ville ne permet-elle pas simplement de mettre
en avant ces différences avec les autres territoires ? Les lieux
culturels conservent bien évidement des résultats positifs :
la ville s'embellit, la culture crée de la richesse. Mais ce qu'il
semble important de comprendre est que la ville se pense avant de se vivre.
Alors finalement, les projets culturels et créatifs ne sont-ils pas des
éléments qui accentuent la gentrification urbaine ? A qui
profitent ces grands projets de régénération par la
culture ? Aussi, comment peut-on faire venir des personnes
extérieures et ne pas exclure les gens du quartier ? En effet, le
marketing urbain prend en quelque sorte le pas sur l'intégration des
classes populaires. L'objectif principal reste de produire et de promouvoir de
l'image pour la patrimonialisation de la ville. Cette promotion permet
notamment d'activer la ressource culture dans un projet de
régénération urbaine. Mais le pouvoir de
développement reste le plus souvent de l'ordre de l'urbain et de
l'économique. Le domaine du social n'est que très peu
avancé par les collectivités. Bien souvent, les habitants ne sont
d'ailleurs que très peu informés des réhabilitations qui
s'opèrent, ils deviennent observateurs et non plus acteurs (alors que
les projets urbains décrits par le marketing urbain doivent prendre en
considération les attentes des habitants). Le marketing urbain dont le
développement aboutit à un projet de ville devient donc un risque
d'enfermement et d'exclusion des populations alentours.
3. Quelques exemples
européens de résilience par la culture
Le processus de reconquête des Friches industrielles
entre donc dans un processus de régénération urbaine qui
dépasse le simple cadre physique des Friches et leur caractère
culturel. Ce phénomène n'a pas simplement été
perçu comme banal lorsque sa fréquence d'apparition s'est
accélérée. On peut alors se demander quels sont les enjeux
économiques de ces nouveaux lieux culturels ? Est-ce que ces lieux
engendrent seulement des impacts pour le propriétaire de la Friche ou
pour l'ensemble des acteurs autour de cet espace ? Finalement, devons-nous
étudier l'impact de la Friche seulement à l'échelle de la
structure, ou à celle du quartier, de l'arrondissement, voire de la
ville ?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous
allons étudier plusieurs exemples qui sont similaires sur certains
points et dissemblables sur d'autres.
a)
Exemples allemands : Wolfsburg et Cottbus7(*)
Wolfsburg est située en partie occidentale de
l'Allemagne et Cottbus en partie orientale. Wolfsburg a longtemps
été une ville-usine de 100 000 habitants environ. Cette ville a
suscité l'engouement de nombreux chercheurs et urbanistes et de nombreux
travaux y ont été réalisés. En 2000, l'usine
Volkswagen s'associe à la ville pour en faire une « ville
évènementiel »8(*). Le groupe automobile et la ville misent alors sur la
culture comme développeur économique. Un parc d'attraction et un
musée automobile sont créés ainsi qu'un stade modulable,
un musée d'art contemporain, un parc de loisirs incluant un complexe
aquatique et une patinoire, un complexe de cinémas, une « City
Galerie » et plus récemment une antenne universitaire. Et
toutes ces réalisations ont été érigées en
seulement dix ans. Ils ont donc totalement misé sur la culture comme
développeur urbain. La ville voit en ce projet un moyen
d'acquérir des retombées économiques surtout s'agissant du
tourisme. C'est aussi un très bon moyen de se rendre attractive et
compétitive. Volkswagen y trouve aussi son compte dans une
diversification de son économie et dans une renommée forte
auprès des touristes qui viennent désormais à Wolfsburg
pour « visiter » l'automobile. La culture apparaît
ici comme divertissement, et la ville l'a choisie pour se renouveler et attirer
des visiteurs. Mais le cas de Wolfsburg reste rare et atypique. Cet exemple
reste d'ailleurs trop récent et il n'y a pas assez de données
économiques pour vérifier son efficacité.
Concernant l'exemple de Cottbus, on se trouve dans une ville
qui a subi le déclin du textile et de la production de lignite. Cottbus
a tenté de faire asseoir cette réputation de « ville
perforée » en mettant à disposition des espaces verts
qui représentent aujourd'hui un tiers de sa surface communale. Elle a
également diversifié son offre éducative. Le pari semble
gagné puisque l'école d'architecture reçoit des
inscriptions d'étudiants venus de toute l'Allemagne. Grâce
à cette notoriété et à des subventions de l'Europe,
elle a créeune bibliothèque universitaire et communale. C'est un
investissement important dans la culture et l'éducation. L'architecture
de la bibliothèque a même fait l'objet d'un prix, et de nombreux
architectes et étudiants s'y intéressent aujourd'hui. Ce
bâtiment est devenu l'emblème de la ville. Bien que la ville a
misé sur la culture pour se redynamiser et attirer une nouvelle
population, le fait d'y ajouter un caractère éducatif à
toute son importance. Cela la rend attractive.
Ces deux exemples allemands sont donc bien différents.
D'un coté, Wolfsburg, qui, par une collaboration avec un acteur
privé qu'est le groupe Volkswagen, a su développer sa ville par
de grands aménagements culturels. On est donc dans un partenariat
public-privé. De l'autre, Cottbus, qui a pu se redynamiser par
l'éducation et la culture. C'est un partenariat avec l'Europe, donc
public-public.
b)
Exemples anglais : Birmingham
La Friche de CustardFactory(ANDRES L., 2011), à
Birmingham, illustre un partenariat privé-privé. Cette Friche
s'est développée sur une ancienne usine de crème anglaise
de deux hectares, abandonnée dans les années 1980, dans le
quartier de Digbeth, à l'Est du centre-ville. La ville, qui subit de
plein fouet la crise économique, remet alors en question son
positionnement comme ville industrielle. C'est un promoteur
spécialisé dans le développement d'entreprises
créatives et artistiques, Benny GRAY, qui rachète cette usine en
1988. Il propose alors, dans un premier temps, à trois artistes de s'y
installer. Quelques mois plus tard, c'est soixante-dix artistes qui s'y
installent grâce au marketing urbain et aux loyers abordables. Le lieu
abrite aujourd'hui de multiples industries créatives ainsi qu'un
restaurant et une boite de nuit. On a donc, d'un coté, un promoteur
privé qui veut développer de l'artistique et du créatif,
et de l'autre, les artistes voulant s'exprimer. C'est un peu un projet
gagnant-gagnant entre les acteurs. Le développement de cette Friche a
permis des retombées économiques remarquables, et la mise en
avant du responsable des projets, le promoteur, ainsi qu'une réussite et
une reconnaissance des artistes. Aujourd'hui, cette Friche est
subventionnée au niveau national, régional et européen.
Elle comptabilise trois cents entreprises et quelques sept cents
salariés. Outre sa réhabilitation et son marketing urbain, elle
s'est lancé dans une phase 2 de rénovation, avec deux nouveaux
bâtiments pour permettre son extension.
Au même titre que la CustardFactory, The Bond est un
ancien entrepôt du XIXème siècle adjacent au Grand union
canal. The Bond Compagny, acteurs privés, rachètent cet
entrepôt en 1988 pour y instaurer une démarche innovante et
créative de régénération. On y trouve aujourd'hui
des bureaux, des lieux de réunion, des cafés pour les
activités liées au multimédia et aux services des
entreprises. Ce projet a également pu être développé
grâce à des fonds locaux, régionaux, nationaux et
européens (ANDRES, CHAPAIN, 2010).
C'est donc toute une stratégie qui s'est mise en place
à Birmingham autour du développement des industries
créatives et culturelles. Bien que ces deux expériences
s'affichent en tant que leviers dans la création d'un quartier
créatif, il n'y a pas vraiment de politiques et d'actions
foncières. Finalement, c'est surtout par le biais d'acteurs
privés de type promoteurs ou propriétaires que la
régénération de ces Friches est possible. Par contre, le
rayonnement en profite à tout le territoire. On assiste donc
plutôt à des stratégies opportunistes qu'à de
véritables politiques de régénération urbaine et
culturelle.
c)
Exemple français : Reims et Marseille
Pour le cas français, prenons deux exemples qui
oscillent autour de notre concept : des Friches culturelles. On compte
vingt mille hectares de Friche en France dès la fin des années
1980. Leur transformation est donc un enjeu considérable dans la
perception du paysage urbain. La culture étant un vecteur du
développement local (selon le rapport de l'OCDE publié en 2005),
la reconversion de ces Friches en lieux culturelles semble donc être un
bon compromis. Bien que ces nombreuses réhabilitations se
caractérisent par leur diversité, il n'en demeure pas moins que
des convergences existent. Dans tout les cas, la Friche est une réponse
au manque de lieux des artistes, elle est un support à leur travail. Le
but est également d'éviter la rupture de se lieu et d'en faire,
au contraire, une mutation. Les différences qui émergent viennent
donc en aval de cette appropriation du lieu.
La Friche artistique de Reims où s'est installée
un laboratoire culturel sur une Friche d'une entreprise pharmaceutique est
notre premier exemple français. Le laboratoire est dédié
à la recherche d'innovation. Et, au-delà, il permet une
continuité du patrimoine du lieu. Il est né d'une collaboration
entre la municipalité et les acteurs locaux. Son but est de
cautériser les blessures économiques et sociales du territoire.
Aussi, le projet a pour ambition de redéfinir le rapport de l'art
à la ville. C'est donc un projet politique et un projet culturel
(JEANGIRARD, 2011).
Notre deuxième exemple concerne la Friche la
Belle-de-Mai, à Marseille, qui sera notre objet d'étude dans la
suite de ce mémoire. C'est d'ailleurs sans aucun doute la plus connue de
toutes. Elle est initiée par le Système Friche
Théâtre, et donc par des artistes, qui s'installent sur une
ancienne manufacture de tabac en 1992. Le SFT devient ensuite SCIC et va
gérer, par un bail emphytéotique avec la ville qui rachète
le bâtiment en 1998, la reconversion de cette espace. Elle suit notamment
le projet « un projet culturel pour un projet urbain »
décidé par l'architecte Jena Nouvel en 1995. La ville va ensuite
édifier deux autres pôles sur l'ancienne manufacture, un
Pôle Patrimoine et un pôle culturel. C'est donc aujourd'hui un
espace unique qui rassemble la culture, le patrimoine et le multimédia.
(ANDRES L. et GRESILLON B. (2011), DELLA CASA F. (2013), LABARTHE F. (2013))
On a donc deux cas : d'un coté Reims, dont le
laboratoire culturel a été directement décidé et
aménagé par la ville, et de l'autre Marseille, initié par
des artistes. Dans les deux cas, les politiques de développement
culturel et économique ont toute leur importance.
Nous avons définit,dans ce chapitre, ce qu'est une
Friche culturelle. C'est un lieu qui a été abandonné et
qui a fait l'objet d'une réhabilitation pour sa
régénération. Il existe différents types de
Friches : institutionnelle gérée par les
collectivités, les alternatives plus récentes, etc. Ces Friches
rassemblent toutes des artistes et quelques fois d'autres industries
culturelles et créatives. Mais existe t-il un partenariat entre ces
industries ? Est-ce que, par extension, ces Friches peuvent être des
écosystèmes d'interactions ?Nous tenterons, pour
répondre à cette interrogation, de définir dans le
prochain chapitre, le concept de cluster créatif qui est un espace
où se rassemblent des industries de même secteur autour d'un
projet commun. Cela nous permettra, pour la suite de notre mémoire, de
voir si le Pôle de la Belle-de-Mai, qui rassemble des industries
créatives et culturelles, est un cluster ou si, au contraire, il ne
fonctionne pas en synergie.
Chapitre 2 : Le cluster créatif
Le cluster est, par définition, « des
concentrations géographiques d'entreprises liées entre elles, de
fournisseurs spécialisés, de prestataires de services, de firmes
d'industries connexes et d'institutions associées (universités,
agences de normalisation ou organisations professionnelles, par exemple) dans
des domaines particuliers, qui s'affrontent mais coopèrent
aussi » (M. PORTER, 1999, p.206). C'est donc un groupe d'entreprises
et d'institutions qui ont les mêmes domaines de compétence et/ou
les mêmes secteurs d'activité. Dans notre cas d'étude, nous
parlerons des clusters créatifs, où sont regroupées des
industries du secteur créatif.Nous avons choisi d'étudier le
cluster créatif et pas simplement le cluster culturel puisque la
Belle-de-Mai regroupe des industries culturelles mais aussi créatives
(l'économie créative regroupant les industries des secteurs
culturels et créatifs). Nous tenterons ainsi, en premier lieu, de
définir ce que sont la créativité et les industries
créatives. Nous verrons ensuite comment le cluster est rendu possible,
et enfin nous montrerons ses limites.
1. De l'industrie
culturelle à l'industrie créative
a)
La créativité : émergence d'un concept économique
du XXIème siècle
Bien que le terme de créativité soit
présent dans certains travaux scientifiques du XXème
siècle, c'est au XXIème qu'il émerge au sein d'une
économie post-industrielle moderne fondée sur les savoirs. L'un
des économises le plus connu ayant étudié dans ce domaine
est J.SCHUMPETER qui, dès le XXème siècle, souligne
l'importance de la créativité dans l'économie. C'est l'un
des théoriciens pionniers qui met en lien économie et
créativité. On voit par la suite fortement apparaître la
créativité dans la théorie de l'économie
culturelle. Mais le terme d'industrie culturelle est, à son origine,
plutôt péjoratif. En effet, les premières études
avancées tendent à montrer que la culture de masse - ou
globalisée - conduirait à la perte de la créativité
et de l'artistique dans son dynamisme local. Finalement, lier économie
et culture reviendrait à uniformiser la culture à l'international
et à détruire les particularités créatrices
locales(REGOURD S., 2002).
Néanmoins, ce modèle a fortement
évolué et la culture apparaît aujourd'hui comme essentielle
dans le développement économique. L'idée qui ressort est
que la culture est devenue une économie à part entière
issue d'un processus de production. La créativité au sens propre
du terme est surtout un outil marketing. On parle d'une économie
créative c'est-à-dire de la montée en puissance de la
créativité et de la création dans l'économie
globale. La créativité permet aussi l'attractivité du
territoire (BOUQILLION P., LE CORF J-B., 2010).
La créativité a fait l'objet de nombreuses
études institutionnelles dans le monde. On trouve évidemment
l'UNESCO qui étudie l'impact de la culture sur le développement
à travers le monde. On a aussi d'autres organisations comme
l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), la
Banque interaméricaine de développement, l'OCDE, ainsi que
l'Agence exécutive Education, Audiovisuel et Culture de l'Union
européenne. L'OMPI, par exemple, prend en compte les activités
économiques donnant lieu à de la propriété
intellectuelle. Elle a d'ailleurs créé un guide pour
l'évaluation de la contribution économique des industries du
droit d'auteur. L'existence de ces nombreuses recherches est vitale dans
l'élaboration de politiques nationales et sous-nationales de soutient
à la croissance des industries culturelles et créatives. Elle
montre aussi un intérêt certain pour les industries
créatives et leur potentiel économique (IDRIS K., 2013).
b)
De l'industrie culturelle...
Actuellement l'économie et la culture sont deux
disciplines qui se croisent et se complètent de plus en plus (SCOTT,
2000). Les secteurs des industries culturelles font désormais
entièrement partie de l'économie post-industrielle ou
plutôt néo-libérale (PRATT, 2009). Ces industries ont
élu domicile dans des lieux abandonnés puisqu'elles avaient
besoin d'un espace où elles pourraient travailler en synergie ou en
réseau. Ces différents espaces font partie intégrante de
ce que l'on appelle aujourd'hui la ville
« créative ». La promotion de cette ville fait
aujourd'hui partie intégrante des politiques et stratégies des
grandes métropoles urbaines.
Les grandes métropoles mondiales se sont beaucoup
intéressées,depuis les premiers projets de réhabilitation
des Friches industrielles par la culture, aux dynamiques et impacts que
pourraient avoir ces projets sur leur territoire environnant. Les Friches
culturelles, au-delà du simple lieu de production artistique, sont
devenues de réels support aux politiques de
régénérations urbaines et de développement de
l'économie créative (LIEFOOGHE C., 2010).
Le lien entre économie et créativité
passe donc par l'étude de l'industrie culturelle. Cette industrie
culturelle englobe les secteurs du cinéma, de la
télévision, de la presse, des jeux vidéo, de
l'édition de livres ou de disques. Ce sont donc des secteurs qui
touchent à la production, la création et la commercialisation de
contenus créatifs de nature culturelle et immatérielle9(*).
c)
...à l'industrie créative
Bien que très souvent confondue avec l'économe
culturelle, l'économie créative doit faire l'objet d'une autre
approche puisqu'elle s'en distingue légèrement. Les industries
créatives englobent en effet les secteurs des industries culturelles,
ainsi queceux des industries créatives. On obtient donc neuf secteurs,
selon la définition de la DCMS (Department for Culture, Media and
Sport) : publicité et marketing, architecture, logiciels, musique et
spectacle vivant, édition, musées et bibliothèques,
audiovisuel, artisanat et enfin design (UNESCO, 2006).
C'est au Royaume-Uni que le terme d'industrie créative
apparaît en premier, dans les années 1990 (OCDE, 2014). Sa
définition tend alors à se substituer à celle d'industries
culturelles. Ce sont également les pionniers pour ce qui est de
l'étude de l'industrie culturelle. Ils réalisent notamment un
mapping culturel entre 1998 et 2001, et définissent à ce moment
l'industrie créative en treize domaines distincts : (1)
publicité, (2) architecture, (3) art et antiquités, (4)
artisanat, (5) design, (6) mode, (7) cinéma et vidéo, (8)
logiciels interactifs de loisir, (9) musique, (10) arts du spectacle, (11)
édition, (12) services informatiques et de logiciels, (13)
télévision et radio. Ce système de classement a permis de
nombreuses études à travers le monde.
Il sera ensuite modifié pour obtenir neuf secteurs
distincts, que nous avons définit dans le
paragrapheprécédent.
Graphique 1 : cercle
concentrique représentant les industries créatives par rapport
à l'ensemble de l'économie
Source : WorkFoundation, 2007. In Nordic
Innovation Centre. Creativeeconomy green paper for the Nordicregion,
2007, p.19.
Les industries créatives sont donc des« [...]
industries qui ont leur origine dans la créativité individuelle,
la compétence et le talent et qui ont un potentiel de richesse et de
création d'emplois par la création et l'exploitation de la
propriété intellectuelle» (SOULARD, CAMORS, 2010, p.18).
Finalement, les industries créatives sont des secteurs
importants au développement de l'économie et du rayonnement de la
ville. Elles participent à son attractivité, dans une
économie industrielle plus centrée sur l'innovation et les actifs
immatériels et moins sur la production et les actifs matériels.
Les industries créatives se développent rapidement au sein de
l'économie globale. L'économie créative revient finalement
à créer de la valeur et de l'emploi à travers la
créativité individuelle ou celle d'un petit groupe, ou encore la
compétence et les talents des entreprises. Il faut donc prendre en
compte les richesses et la propriété intellectuelle que sont
capables de mettre en place les entreprises.
Certains secteurs d'activités créatives qui se
diffusent par les nouvelles technologies de communication, comme la
publicité ou les jeux vidéo, influencent directement les
industries culturelles que sont l'édition, le cinéma et la
musique. Finalement, l'innovation et les nouvelles technologies qui constituent
les industries créatives ont un impact direct sur les industries
culturelles. Elles ne sont pas seulement liées par le fait que les
industries créatives, par définition, regroupent les industries
du secteur culturel et du secteur créatif. Elles le sont
également car elles s'inspirent les unes des autres (PARIS T., 2010).
Les nouvelles technologies constituentaussi des facteurs de croissance et
influent sur les nouveaux modes de consommation.
Concernant les politiques liées à ces industries
créatives, c'est quelques 654 milliards d'euros distribués dans
l'Europe avec une croissance de 10% par an. En Allemagne c'est 40 milliards
d'euros, en France 33,5 milliards avec une augmentation de 2,5% par an pour 5,8
millions de salariés dans le créatif. Les investissements qui
sont faits pour soutenir cette filière ne sont donc pas
négligeables. De plus en plus, les pays se rendent compte que
l'industrie créative participe au développement économique
et qu'il est important de la soutenir(BOUQILLION P., LE CORF J-B., 2010).
2. Le cluster
fondé sur des industries innovantes et compétitives
a)
FLORIDA et la classe créative
Richard FLORIDA est sans doute l'un des chercheurs les plus
connus ayant travaillé sur la créativité. Il a d'ailleurs
développé une thèse de la classe
créative10(*).
Sa théorie se base sur un lien entre le potentiel créatif d'un
espace géographique ou d'une catégorie de la population en
particulier et l'innovation nécessaire au développement
économique. Elle a été beaucoup critiquée, et
notamment d'un point de vue méthodologique puisque la définition
de la « classe créative » est assez floue et qu'il y
a un manque de rigueur dans la construction scientifique de ce concept.
La théorie de Richard FLORIDA s'inscrit dans la suite
des travaux de VEBLEN (1899) et MILLS (1951) qui avaient déjà,
à l'époque, constaté l'émergence d'une classe
sociale selon l'évolution économique urbaine. Elle fait
également suite aux travaux de l'école de Chicago qui
prônent l'influence du mode de vie urbain sur la personnalité des
individus.
La « classe créative » serait donc
une classe qui regrouperait des personnes qui élaborent de nouvelles
idées, technologies et contenus créatifs. La ville est pour lui
le lieu de la créativité et de l'innovation. Les centre-ville, du
fait qu'il concentre un plus grand nombre de population, serait à
l'origine de l'innovation (c'est également ce que défend Lewis
MUMFORD, 1970). Il définit même « the
creative ethos », soit pas traduction, des génies de la
créativité. Selon lui, the
« humancreativityismultifaceted and
multidimensional »11(*), soit par traduction la créativité
humaine est à multiples facettes et multidimensionnelle. La place des
« creative ethos » est importante dans la création
d'activités nouvelles, et c'est ce qu'il étudie dans sa
thèse.Il associe le développement des villes à la place de
ces génies créatifs. Il décrit « le capital
créatif » comme étant le capital humain qui
caractérise le potentiel d'innovation en milieu urbain. Il relie
également le développement des villes avec le principe des trois
T, c'est-à-dire la Tolérance, les Technologies et le Talent.
FLORIDA s'oppose également à certaine théorie comme celle
de Philippe AYDALOT qui place le territoire comme facteur
générateur de l'innovation et non pas l'individu (AYDALOT,
1986).
Les critiques qui ont émergées sont celles qui
remettent en cause le fait qu'une concentration dite créative engendre
l'innovation et la croissance économique. Certains chercheurs comme LANG
(2006), SHEARMUR (2006), MALANGA (2005) et KOTKIN (2004) considèrent que
la classe créative de Richard FLORIDA est inexploitable puisqu'elle n'a
pas de fondement empirique et aucune méthodologie scientifique.
Finalement, FLORIDA se base sur sa propre définition du capital humain
qui serait, selon lui, la clé du développement économique
en milieu urbain. La ville doit même, selon lui, s'adapter au besoin de
cette catégorie professionnelle pour pouvoir la faire venir et surtout
la faire rester puisqu'elle est nécessaire à son
développement économique.
Le concept de FLORIDA est tout de même repris dans de
nombreuses villes. Il semble plus simple d'attirer les
« créatifs » que d'attirer des entreprises
entières. Premièrement, c'est moins couteux et
deuxièmement, ce sera un choix personnel et non un choix de groupe.
Richard FLORIDA a d'ailleurs été consulté dans de
nombreuses villes Nord-Américaines et ses concertations ont permis la
mise en place de politiques spécifiques dans les années 2000 pour
attirer la classe créative. ZIMMERMAN décide d'étudier le
développement de ces villes en 2008, et il découvre que les
résultats à l'échelle de l'agglomération sont
inexistants12(*).Il n'y a
ni plus ni moins de créatifs dans la population depuis huit ans, les
directives ayant été mises en place en 2000. Mais FLORIDA reste
très repris.En Europe, par exemple, les politiques de
développements artistiques et culturelles se servent de sa
théorie. Le discours qui a permis ces politiques se trouve dans la
nécessaire attraction des créatifs. On trouve aussi, à
coté de ces aides au développement culturel, des politiques pour
attirer le créatif. En effet, selon FLORIDA, « the creative
ethos » choisissent une ville pour s'y installer sur la base de la
qualité de vie, de l'ambiance urbaine, de l'ouverture aux
minorités et de la vitalité des activités culturelles.
C'est donc plutôt des facteurs urbains qui ne sont pas du tout
traditionnels, comme le serait l'emploi, les rémunérations, ou
les infrastructures.
Finalement, la thèse de FLORIDA est un peu paradoxale.
Selon lui, les créatifs sont attirés par des facteurs
« soft ». Ces mêmes facteurs sont créés
par des politiques urbaines et culturelles et donc par le développement
économique. Et, toujours selon lui, le développement
économique et culturel n'est possible que par la présence de la
« classe créative ». Il serait donc
intéressant de voir, dans notre étude réalisée
à la Belle-de-Mai, pourquoi les créatifs sont venus s'installer
sur ce territoire. Nous pourrions également les interroger sur leur
mobilité,c'est-à-dire d'où viennent-ils et depuis combien
de temps sont-ils ici.
b)
PORTER pour l'innovation et la compétitivité
o de l'oubli de l'enseignement des analyses en matière
de système national d'innovation...
Selon FREEMAN (1988), l'innovation technologique ne peut se
comprendre indépendamment du contexte socio-institutionnel dans lequel
elle s'insère et qui la favorise. Puis, d'autres auteurs comme CARLSSON
et STANKIEWICZ en 1991, LUNDVALL en 1992, METCALFE, 1995, FREEMAN en 1995,
NELSON en 1988 et 1993 ont étudié ce concept d'une manière
plus approfondie. Selon eux, « l'innovation ne peut être
appréhendée uniquement d'un point de vue micro-économique
[...] mais il est nécessaire d'intégrer des
éléments contextuels à l'entreprise qui relèvent du
pays dans lequel elle est localisée. ». Ces analyses en
matière de systèmes d'innovation vus à échelle
nationale ont fait l'objet de nombreuses critiques (DELAPLACE, 2001). Ainsi, on
aboutit à une remise en question de cette étude. L'existence de
« déséquilibres régionaux dans l'innovation et
les performances de croissance » (Mac KELVEY, 1991) suppose que la
nation n'est pas l'échelle la plus pertinente et que les espaces
intra-nationaux pourraient jouer des rôles bien plus fondamentaux dans la
capacité des firmes à innover.
o ... à la nécessité d'articuler les
différentes échelles spatiales de l'innovation
C'est PORTER (1999) qui choisit le premier d'analyser
différentes échelles spatiales de l'innovation. Son étude
du concept de cluster a rapidement été utilisée comme
politique économique. Néanmoins, son analyse reste une analyse
plutôt globale des déterminants de la compétitivité
d'une entreprise. Selon lui, « la compétitivité des
firmes dans une industrie et un pays donnés peut être
analysée à partir de quatre grands déterminants
stratégiques qui se renforcent les uns les autres (le contexte de la
stratégie et de la rivalité d'entreprises, les conditions des
facteurs de production, les conditions de la demande et les industries connexes
et reliées qui constituent, au sens strict avec l'industrie
considérée, le cluster) » (DELAPLACE, 2011). Les
grappes industrielles (par traduction du terme « cluster ») sont le
produit des interactions entre ces quatre éléments. Ces quatre
déterminants représentent donc l'avantage concurrentiel des
entreprises. Le cluster ne fonctionnera donc que si ces quatre
déterminants entre en relation et pas seulement au niveau local
(toujours selon PORTER). Si ces quatre éléments entrent en
relation, alors le cluster sera une concentration géographique
d'entreprises d'un même secteur qui collaborent et qui seront en
concurrence.
PORTER voit également le cluster comme
auto-renforçant. En effet, il permettrait de stimuler les
stratégies compétitives des firmes ; et les firmes, par
leurs stratégies compétitives, renforceraient la
compétitivité du cluster. Toujours selon lui, l'organisation d'un
écosystème de type cluster permettrait l'accroissement de la
productivité des firmes et des industries, le renforcement de leur
capacité d'innovation et la stimulation du développement de
nouvelles activités et de nouvelles firmes. PORTER, contrairement
à de nombreuses théories, utilise les comportements individuels
ainsi que la dimension spatiale pour comprendre les changements. Grâce
à ce changement, on peut ainsi étudier les relations qu'ont les
acteurs entre eux et non plus les entreprises entre elles.
c)
Le modèle de la SiliconValley
La SiliconValley est un exemple notamment repris par PORTER
pour documenter son concept. Situé au Sud de San Francisco, cet espace
se réparti sur quinze kilomètres de large et cinq de long. Elle
se trouve entre Palo Alto et San José dans Santa Clara County. Santa
Clara County était une zone agricole depuis la fin du XVIIIème
siècle. L'université de Stanford y a été
créée en 1885. Son rôle dans le développement de la
« SiliconValley » a été primordial. Son
ascension a favorisé le développement de l'industrie de la
microélectronique et en retour la SiliconValley a contribué
à la reconnaissance de cette université. C'est dans la
période d'après guerre que le territoire connaît des
politiques militaires pour mieux communiquer, plus vite et de manière
plus sûre. Et c'est grâce au développement de
l'électronique mais aussi de la radio que la SiliconValley a pu se
développer.
Le professeur Fred TERMANN est l'homme visionnaire de la
SiliconValley. Il crée le StanfordResearch Institute pour permettre aux
étudiants de trouver un travail directement à la SiliconValley au
lieu de s'exiler et aussi pour fournir aux salariés des entreprises des
formations spécifiques en nouvelles technologies. Il va fortement
contribuer à la culture entrepreneuriale de la vallée : les
étudiants sont stimulés par l'enseignement des créateurs
d'entreprises pour eux-mêmes en créer de nouvelles.
Carte 1 : les
industries créatives de la Silicon Valley
Source :
https://impulsion2point0.wordpress.com/2010/11/08/credo-of-silicon-valley/
Le milieu est donc aujourd'hui particulièrement
créatif, partagé entre l'enseignement avec l'université de
Stanford et de Berkeley et les valeurs de solidarité collective que l'on
retrouve à San Francisco. Il y a une dynamique de partenariat et de
mobilité de carrière qui s'est mise en place sur le territoire.
C'est notamment lié au fait que la recherche académique et la
production se complètent. L'échec est aussi totalement
accepté. Selon la mentalité américaine, un entrepreneur
qui échoue est une personne qui a su tirer des leçons d'une
expérience et qui a acquis maturité et
persévérance. Ensuite, les entreprises de la SiliconValley se
doivent d'être coopératives et en compétition, c'est
d'ailleurs l'un des principes du cluster. Les réseaux sociaux qui se
forment permettent le partage de connaissances, des échanges, et
à terme, des partenariats. La SiliconValley est aussi un modèle
puisqu'elle a toujours su s'adapter aux crises auxquelles elle a du faire face.
Le fait qu'elle concentre des entreprises innovantes en fait un
écosystème fortement instable (crise, cycles, dépressions,
etc.). Finalement, ce qui fait le succès de la SiliconValley, c'est son
adaptabilité qui est autant un atout qu'une nécessité
(FERRARY M., 2008).
3. Importance de l'institutionnel et de la
coordination d'acteurs
a)
Le cluster en tant qu'enjeu politique
Le développement économique dont fait partie le
cluster est une vitrine du renouveau économique. Il permet
l'attractivité d'un territoire. Son objectif est de faciliter les
connexions entre le territoire local et international. Mais c'est aussi et
surtout un très bon outil marketing urbain. Plus largement, la ville
créative est un effet de mode. Aujourd'hui, le créatif est trop
souvent utilisé comme synonyme d'artiste. On en oublie l'esprit
créatif, on réduit simplement ce secteur à une aptitude.
Mais le terme créatif est vendeur. Il permet l'attractivité d'une
ville. Il lui permet d'être connue et reconnue à travers sa
capacité à créer et à rayonner.
La créativité et l'innovation sont notamment
utilisées dans les politiques de développement économique.
Ces notions font échos aux travaux de plus en plus nombreux depuis la
reconnaissance du secteur créatif en 1990 au Royaume-Uni. La notion de
créativité s'est d'ailleurs amplifiée dans le discours
suite à la théorie de Richard FLORIDA. Les villes veulent
être les plus attractives, les plus créatives. Développer
la créativité sur son territoire c'est la garantie de
développer son économie.
Le succès de la ville créative est notamment
dû aux rapports et aux politiques créatives européennes. En
effet, dès les années 2000, des rapports officiels sur la
créativité et les industries créatives sont publiés
en Europe13(*). Deux
visions différentes de la place de la créativité
ressortent de ces rapports : l'une place la créativité dans
le domaine du culturel et de l'esthétique, c'est-à-dire que la
créativité serait un secteur des industries créatives, et
l'autre s'intéresse à la diffusion de l'innovation et de la
créativité dans la société. La deuxième
vision par exemple, va s'intéresser à la notion de réseau.
Ces différentes études amènent à penser que la
créativité devient une thématique centrale dans le
renouvellement du marketing territorial. Tous les rapports parlent de
territoire créatif. Selon ces rapports, un territoire créatif
doit être attractif, il doit permettre aux entreprises de s'ancrer et il
doit avoir une tolérance culturelle et une ouverture à
l'immigration. Ces mêmes rapports préconisent également la
mise en place de mesures pour faire venir le créatif et pour le faire
rester. Le succès de la ville créative ne réside
d'ailleurs pas seulement dans ces politiques, il est aussi la
conséquence de la labellisation de l'UNESCO qui, en 2004, a crée
un réseau des villes créatives afin de « promouvoir la
coopération avec et entre les villes ayant identifié la
créativité comme un facteur stratégique du
développement urbain durable »14(*).
Finalement, être une ville créative
n'apparaît-il pas simplement comme une logique de marketing
territorial ? La ville créative est devenue en quelque sorte un
« label », un outil à l'attractivité. C'est
n'est plus seulement la clé de la réussite, la solution au
développement économique et culturel, c'est aussi un bon outil au
rayonnement de la ville. Mais sans cette labellisation, sans cet outil de
marketing, est-ce que le cluster pourrait exister ?
b) Le principe de proximité :
point clé de la réussite du cluster
En suivant le concept que nous venons de présenter, le
cluster se définit par un ensemble de créatifs qui se trouvent
sur un territoire créatif où l'innovation est possible. Mais pas
seulement. Le tout doit fonctionner en synergie et l'institutionnalisation ou
les labels ne suffisent pas : il faut qu'il y ait de la proximité
entre les créatifs. D'un coté, il faut que les acteurs soient
proches géographiquement, puisqu'ils sont sur un même espace, mais
aussi qu'il y ait une certaine organisation qui se mette en place entre eux.
- Proximité géographique :
On constate, dans toutes les définitions du concept de
cluster, l'importance de la proximité géographique. Pour que des
entreprises s'organisent et s'affrontent, il faut qu'elles soient en lien
direct, c'est-à-dire à proximité géographique. Bien
que la mobilité des acteurs et l'innovation des technologies de
communications et de transports ont permis de rapprocher les personnes qui
travaillaient autrefois à longue distance, celles-ci ne permettent pas
de créer un écosystème de type cluster. Les partenariats
à distance restent de l'ordre du contractuel, alors que les interactions
à proximité sont aussi des rapports physiques entre les acteurs.
Elles permettent aussi de mettre en concurrence des industries d'un même
secteur qui sont sur un même lieu. Leurs interactions font leur force et
leur attractivité et leur proximité fait leur
compétitivité. Certains clusters se rapprochent même du
district marshallien, c'est-à-dire qu'ils reposent sur la
proximité spatiale d'un même secteur culturel ou
créatif.
Mais au-delà du fait que la synergie d'entreprises est
importante entre les industries d'un cluster, les partenariats avec des
entreprises venues d'autres territoires ne sont-ils pas tout aussi
importants ? Dans un cluster se met en place un réseau qui permet
aux entreprises d'échanger leurs compétences et de travailler en
synergie. Mais comme nous avons pu le voir à travers la
définition de la proximité, tout est relatif. La synergie peut
tout aussi bien s'établir avec des entreprises venues d'ailleurs,
l'échange de savoir-faire aussi. Finalement, il semble important de
stipuler que, pour qu'un écosystème soit de type cluster, les
entreprises doivent obligatoirement être proches géographiquement
et être en synergie les unes avec les autres, même si elles le sont
aussi avec des entreprises de l'extérieur. C'est ce que fait d'ailleurs
PORTER, dans sa définition, puisque selon lui, un cluster est "un groupe
d'entreprises et d'institutions partageant un même domaine de
compétences, proches géographiquement, reliées entre elles
et complémentaires" (PORTER, 1999).
D'autres chercheurs, comme LEHMANN (2004) et MENZEL (2005) ont
mis en avant le fait que la proximité spatiale semblerait aller en
faveur de la diffusion de connaissances tacites et explicites. MENZEL a
d'ailleurs décrit l'« effet
cafétéria » par lequel les gens entrent en contact de
façon non formelle et échangent des informations auxquelles ils
n'auraient sans doute jamais eu accès sans cela. En fin de compte, la
proximité géographique permet de mettre les acteurs en confiance
et leur donne envie de faire des efforts supplémentaires pour que des
échanges naissent.
- Proximité organisée
La proximité organisée, qui correspond à
la corrélation entre des entreprises qui partagent des savoir-faire et
des connaissances communes, et, au même titre que la proximité
géographique, un point indispensable à la création d'un
cluster.
André TORRE (2010) par exemple, réalise un
schéma d'articulation des proximités organisées et
géographiques. Dans le cas P1, ce sont des entreprises ou personnes qui
se trouvent à proximité sans pour autant échanger.
Graphique 2 :
articulation des proximités géographique et organisée.
Source : André TORRE, 2010
La situation P2 illustre le cas où les entreprises ne
sont pas sur le même lieu et ne se rencontrent pas. La possible mise en
interactions repose sur les actions d'individus ou d'institutions. Enfin, le
cas P3 est le cas des Systèmes Localisés de Production. Ce sont
des réseaux d'innovation au sein desquels la proximité
géographique et organisée favorisent la mise en processus
d'interactions et coordinations. C'est grâce à ce rapport
proximité géographique et organisée que les entreprises
sont en synergie au sein d'un cluster.
Mais la proximité organisée doit être
déclenchée par des actions. Il doit aussi y avoir certains liens
à activer. C'est pourquoi, bien que le cluster soit souvent
défini simplement par ces deux premières proximités, la
proximité sociale et la proximité institutionnelle semblentaussi
avoir toute leur importance, c'est pourquoi nous avons choisi de dédier
notre prochain chapitre à l'étude dynamique des
proximités. Ce chapitre nous permettra ainsi de mieux comprendre les
dynamiques du cluster où proximité géographique et
organisée permettent aux entreprises d'interagir et de collaborer.
c) Les limites du cluster et du secteur
créatif
Le terme de cluster créatif est passé à
celui de territoire de la culture et de la création. Ce rapport fort
entre territoire et cluster est notamment dû à la théorie
de Richard FLORIDA selon laquelle parce qu'il y a des créatifs sur un
territoire, alors ce dernier est créatif. Mais si le cluster n'est pas
suffisant à développer un projet de territoire ? Pour qu'il
y ait projet de territoire, il faut qu'une ressource économique (par
exemple la créativité) soit déclenchée par des
acteurs au sein d'un territoire. Lorsqu'un cluster se développe sur un
territoire, certes son attractivité profite à la ville, mais ne
profite pas forcement au territoire local sur lequel il est.
De plus, le cluster est un espace où s'inventent de
nouvelles formes de précarité dans l'emploi15(*). Dans un territoire
créatif, la part des diplômés est plus importante, et donc
l'emploi n'est pas accessible aux habitants du territoire. Si l'on suit la
théorie de FLORIDA selon laquelle la ville doit faire venir les
créatifs, on peut comprendre que la ville doit attirer de l'emploi et
non en créer. L'enjeu est surtout de donner un sens à son
territoire par la créativité, et non pas de le
régénérer. Le secteur créatif est également
un secteur très fragilisant pour les individus. Les réseaux
personnels sont importants, il y a une incertitude des ressources, une
flexibilité horaire obligatoire, une individualisation, une
généralisation des formes d'emplois atypiques, une fragilisation
des statuts.
En fin de compte, le cluster créatif participe bien
à l'attractivité de la ville. En dehors de ça, il est
plutôt désavantageux pour les salariés. Il ne participe pas
systématiquement au développement du territoire local sur lequel
il est présent. Ce n'est pas lui qui va permettre le projet de
territoire. Finalement, le cluster est sur un territoire, mais parfois, il n'y
a pas de raison légitime si ce n'est le rayonnement de la ville.
Chapitre 3 : Analyse
dynamique des proximités
Ce chapitre fait suite aux deux
précédents et regroupe les différentes notions de
proximité. Il a pour but d'en définir les termes et de comprendre
leurs liens et leurs limites. Nous nous baserons notamment sur l'analyse qu'y
en est faite depuis le début des années 1990 par des
économistes, des sociologues et des géographes. Cette analyse est
en partie fondée sur le dyptique « proximité
géographique/proximité organisée ». En premier
lieu, nous rédigerons un inventaire succinct de l'analyse de la
proximité. Nous définirons ensuite plus particulièrement
les notions de proximité géographique et organisée et nous
finirons par les mettre en liens dans une perspective de développement
et d'innovation. L'analyse de se rapport qui définit notamment le
principe de cluster qui peut se développer au sein d'une Friche
culturelle va nous permettre de comprendre les limites de ces
écosystèmes.
1. L'école de la
proximité
a) Les différentes approches de la
proximité
Le groupe "Dynamiques de Proximité" composé
d'économistes, sociologues et géographes, porte depuis le
début des années 1990 une réflexion collective qui vise
à mettre en évidence des convergences et cohérences dans
les nouvelles approches théoriques de l'espace. Il se base notamment sur
le fait que l'espace n'est pas neutre et qu'il doit être pris en compte
dans les analyses. Leur ambition est d'expliquer la nature des effets de
proximité et de contribuer à la valorisation de cette espace dans
les sciences sociales. En effet, « l'objectif principal de ce groupe
de?recherche est de déterminer la nature des?effets de la
proximité et d'établir le rôle?endogène de l'espace
dans la théorie économique. » (BOSCHMA, 2004)L'approche
de la proximité se fait en deux courants majeurs qui font respectivement
appel à deux (proximité organisée et géographique)
ou trois catégories générales (proximité
géographique, organisée et institutionnelle) d'une part, et
à cinq proximités d'autre part. Les chercheurs traitent la notion
de proximité comme une catégorie avec de nombreuses implications
sociales, politiques et économiques. La notion de proximité
couvre donc de nombreuses dimensions. Le plus souvent, les chercheurs
étudient la proximité sous deux formes : géographique
et organisée. Il existe tout de même des exceptions. Certains
chercheurs vont jusqu'à étudier cinq formes de
proximité (KIRAT et LUNG, 1999 ; MASKELL et MALMBERG,
1994 ; NOOTEBOOM, 2000 ; BOSCHMA, 1999) : les deux
précédentes auxquelles s'ajoutent la proximité
institutionnelle, la proximité cognitive et la proximité sociale.
BOSCHMA, par exemple, explique que la proximité rend compte à la
fois d'un espace de relations et d'un espace de références et de
connaissances (dimensions comportementales et cognitives des formes
organisationnelles). Il différencie la coordination au sein d'un
réseau et les liens cognitifs des formes organisationnelles. On a non
plus deux mais trois proximités : la proximité
institutionnelle vient ainsi s'additionner.
D'autres chercheurs choisissent d'étudier la
proximité selon deux grandes catégories (GILLY, TORRE,
2000 ; RALLET et TORRE, 2004 ; TORRE, 2010) : la
proximité géographique et la proximité organisé.
Selon eux, « ces notions recouvrent avant tout un potentiel, offert
aux individus, aux groupes, aux actions humaines en général, dans
leurs dimensions techniques et institutionnelles, potentiel qui peut ou non
exister à un instant t et donc être mobilisable ou
activable par l'action et les représentations des acteurs humains ou non
humains. »
b) Théorie de la structuration : comment
l'étude des interactions permet de comprendre l'importance de la
proximité ?
La théorie de la
structuration provient des sciences sociales : économie, gestion,
sociologie, géographie. D'une manière générale, il
faut souligner l'importance du rôle de l'espace géographique dans
la proximité ; mais également le fait que les interactions
sont indispensables. L'intérêt de cette théorie est de ne
plus différencier le niveau micro et le niveau macro mais de les
étudier d'une façon complémentaire, en insérant les
acteurs dans un tissu de relation.Finalement, « le dualisme de la «
personne » et de la « société » devient la
dualité de l'action et du structurel » (GIDDENS, 1987). Les
interactions sont donc vectrices de dualités structurelles. Mais pas
seulement. Les interactions peuvent être unités d'analyse. En
effet, étudier les interactions entre individus revient finalement
à fonder une « méso-analyse », c'est-à-dire
analyser chaque interaction.Cette étude revient à analyser le
comportement d'un acteur et le comportement d'autrui mais aussi l'ensemble
orienté par le cadre institutionnel (GILLY, TORRE, 2000 ; PECQUEUR,
ZIMMERMANN, 2004). Ensuite, les interactions peuvent être
situées (TALBOT, 2009). Elles peuvent être situées dans le
temps (en tant qu'histoire pour la continuité et en tant que mouvement
pour les dynamiques) et dans l'espace (contrainte physique imposée et
lieu).L'interaction doit alors être distinguée du structurel.Cette
localisation d'interactions permet ainsi de mesurer leur conditionnement
(c'est-à-dire l'influence et le stimulus qu'ont les activités sur
les interactions) vers les activités économiques, productives,
commerciales, d'innovation, etc., des acteurs. (PECQUEUR, ZIMMERMANN, 2004).
Enfin, les interactions peuvent avoir un potentiel restreint. La
proximité suppose une différenciation entre les individus qui
participent à l'interaction et ceux qui en sont exclus. En
théorie, les acteurs se situent dans l'espace-temps et répondent
à la fois à une dimension spatiale et sociale. La
proximité devient alors un principe de différentiation sociale.
Elle sert donc à rendre compte des effets de l'espace
géographique et de l'espace social (donc des effets de proximité)
sur les stratégies des acteurs.
Finalement, la théorie de la structuration revient
à localiser les interactions dans le temps et dans l'espace. Les acteurs
étant eux-mêmes situés dans l'espace géographique et
dans l'espace social, cela devient un facteur explicatif des comportements
collectifs qui peuvent opérer. Les acteurs peuvent donc être aussi
bien proches géographiquement mais aussi « proches »
tout en étant éloignés.
2. Proximité cognitive,
géographique et organisée : conceptions, limites,
alternatives
La suite de l'analyse a pour but
de comprendre les différentes proximités (à travers
différentes méthodes d'analyse), comment parvient-on à ces
dimensions, ce qu'elles apportent, leurs limites, et parfois leur lien qui
permettent la création de territoires coordonnés. Nous verrons
notamment que ces proximités permettent de comprendre le principe du
cluster de manière plus approfondie et nous verrons par la suite que
d'autres proximités peuvent également jouer leur rôle dans
la création d'un système collaboratif.
Il nous semble important, avant d'évoquer l'aspect
conceptuel des catégories de proximité, de différencier
« proximité » et « distance ».
La distance doit être prise en compte en tant que séparation,
comme une expression quantitative. La proximité quant à elle, est
une expression qualitative ; elle prend en compte le fait
d'« être proche de » et « être loin
de ». La distance géographique est diminuée par les
infrastructures, les moyens de transports et de communications. Ce sont
d'ailleurs ces derniers qui permettent la proximité. La distance est
donc relative puisqu'elle est pondérée par le temps et les
coûts de transport (TORRE et RALLET, 2005).
Aussi, l'espace géographique ne doit pas uniquement
être vu comme un contexte physique avec des attributs matériels
mais également comme une association de valeurs, de
représentations (on appartient à un groupe social en même
temps qu'on dit appartenir un lieu). L'espace géographique est le lieu
de construction d'une identité commune. Néanmoins, ce n'est pas
parce que l'on se sent « proche » que des relations se
mettent forcement en place.
a) La proximité cognitive :
pour le partage de connaissances et de compétences
Selon BOSCHMA, les personnes partagent la même base de
connaissance et de compétences. Mais il est difficile de savoir ce que
l'on entend vraiment par le terme « cognitif ». NOOTEBOM
(2000) se réfère à deux conceptions : « la
capacité d'absorption » et « l'extension de la
fonction cognitive ». Autrement dit, d'un côté on a les
connaissances et les compétences des individus et de l'autre
l'accélération et l'extension de cette assimilation
(c'est-à-dire de leur capacité à intégrer de
nouvelles connaissances). Par définition, le terme cognitif renvoie au
processus d'acquisition de connaissances.
Les interactions cognitives peuvent différer selon les
acteurs et les entreprises et elles peuvent persister. Cette idée
prédomine dans l'économie évolutionniste qui insiste sur
le caractère local du développement le long des trajectoires
technologiques (ANTONELLI, 1995). PEREZ et SOETE (1988) quant à eux,
mettent l'accent sur une relation négative entre la base de
connaissances existantes d'une entreprise et les frais que les entreprises
doivent engager afin d'obtenir les connaissances indispensables d'une
technologie nouvelle. En d'autres termes, pour une nouvelle technologie il
existe un seuil de connaissance à avoir pour que cette dernière
fonctionne.
Mais la proximité cognitive a ses limites, selon si
elle est trop faible ou si elle devient trop importante (BOSCHMA,
2004) :
· pour acquérir des connaissances, il faut des
savoirs à la fois dissemblables et complémentaires. Si les
entreprises ont le même savoir et les même compétences de
base, elles ne pourront rien apprendre les unes des autres ;
· une trop faible distance entraine un enfermement,
mettant de côté toute nouvelle technologie ou nouvelle
possibilité de développement. Pour éviter cela il faut que
les entreprises conservent un accès aux sources d'information et une
certaine ouverte au monde. Cet accès aux ressources peut
apparaître sous différentes formes, mais le fait d'avoir le
même langage, d'appartenir au même groupe social, ou encore d'avoir
eu la même éducation, facilite forcement ce rapport à
l'apprentissage ;
· la proximité cognitive accroit le risque de
communication intempestive. A contrario d'une trop faible distance cognitive,
une proximité cognitive trop importante peut, en effet, nuire à
l'apprentissage. A partir du moment où les savoirs sont quasi semblables
et ne sont plus complémentaires mais bien supplémentaires,
l'apprentissage ne peut plus opérer puisque les acteurs n'ont plus rien
à apprendre les uns des autres.
Il faut donc que la distance cognitive ne soit pas trop
importante pour permettre le lien entre les entreprises et un apprentissage
efficace, et, en même temps, qu'elle ne soit pas trop petite pour
éviter l'enfermement. NOOTEBOM (2000) pense qu'un compromis entre la
distance cognitive et la proximité cognitive peut donc convenir.
Finalement, il est important de conserver à la fois une distance
cognitive (contre l'enfermement) et une proximité cognitive (pour
l'apprentissage).
Les acteurs ont donc besoin d'une proximité cognitive
sous la forme d'une base de connaissances communes s'ils veulent communiquer
entre eux mais aussi absorber et traiter ces nouvelles informations. Par
contre, ils doivent se limiter dans cette proximité pour ne pas qu'elle
nuise à l'apprentissage. Si les acteurs ont la même
proximité cognitive, ils n'auront finalement rien à apprendre les
uns des autres et se trouveront ainsi dans une enclave à
l'innovation.
La proximité sociale est une forme de proximité
définie essentiellement par les précurseurs de la
proximité en cinq mouvements. Elle est néanmoins très
liée à la proximité cognitive. Elle est issue de la
littérature relative à « l'encastrement »,
celle qui indique que les relations économiques dépendent du
contexte social et que parfois elles y sont
« encastrées » (BOSCHMA, 2004). De la même
manière, les liens et les relations sociales ont un impact sur
l'apprentissage et l'innovation. Pour que les relations soient socialement
encastrées, il faut qu'elles soient basées sur des liens amicaux
ou familiaux. Par extension, les liens liés à la religion ou
à l'ethnie ne sont pas des liens sociaux mais plutôt des liens
culturels. La capacité des organisations à interagir peut
dépendre de certains liens sociaux, comme c'est le cas pour les liens
cognitifs.
Comme nous l'avons expliqué dans la théorie de
PORTER, la dimension sociale est une condition nécessaire à la
création et au fonctionnement du cluster. Selon JOHANNES (2013), les
interactions au sein d'un cluster sont, en grande partie, libres et
informelles. « Elles résultent d'attitudes socio-culturelles
induisant la cohérence entre les éléments ».
Être en collaboration traduit le fait que les acteurs favorisent les
autres acteurs du cluster. Être en concurrence traduit le fait que ces
acteurs conservent une liberté de choix. En fin de compte, c'est le
relationnel social qui permet l'économie et la
compétitivité. On se trouve donc dans le cas inverse des
entreprises industrielles où c'est l'économie et la
compétitivité qui créent les liens sociaux. FLORIDA
décrit lui aussi le processus créatif comme un processus social
et pas seulement individuel. Selon lui, « the creativeprocessis
social, not justindividual, and thusforms of organization are
necessary. »16(*)c'est-à-dire que le processus créatif
est social et pas seulement individuel, et ainsi des formes d'organisations
sont nécessaires. C'est d'ailleurs par ce biais de la coopération
et de l'échange nécessaire à la créativité
que la proximité organisée s'établit.
Finalement, cette littérature de l'encastrement
suggère que plus l'apprentissage est interactif et plus les performances
en matière d'innovation sont importantes. Comme pour la proximité
cognitive, si la proximité sociale est trop excessive, elle peut
affaiblir les capacités d'apprentissage des organisations mais aussi
diminuer l'innovation.
b) La proximité géographique : lorsque
l'espace influx sur les interactions
Selon BEURET et TORRE (2012), « la Proximité
Géographique se rapporte à la distance entre les acteurs,
pondérée par le coût monétaire et temporel de son
franchissement. Dans son acception la plus simple, il s'agit du nombre de
mètres ou de kilomètres qui séparent deux
entités. ». Cette notion est donc liée à une
distance kilométrique entre deux entités qui peuvent être
des individus, des organisations, des villes, etc.
Puisque la proximité géographique se rapporte
à une distance à parcourir, elle est relative (RALLET, TORRE,
2004). Les caractéristiques morphologiques, la disponibilité des
infrastructures de transports, la richesse des individus qui utilisent ces
transports, la perception de la distance qui diverge selon l'âge, le
groupe social, le sexe, la profession, peuvent modifier la proximité
géographique (ou la distance par extension). Ainsi, selon la perception
des uns qui diffère de celle des autres, la proximité peut
devenir distance et vis-versa. Bien que sociale et subjective, la
proximité géographique peut être, à un instant
t, considéré comme une donnée de l'espace
physique représentant une contrainte.
TORRE (2010) ajoute à cette définition que les
actions des acteurs économique et sociaux peuvent activer ou modifier la
proximité géographique. En effet, les acteurs vont plus ou moins
chercher à se rapprocher de certaines personnes, de certains lieux. Ils
peuvent tout à fait avoir besoin d'une proximité permanente
-dû soit à une localisation jugée appropriée ou par
une installation à proximité de -, comme d'une proximité
temporaire -où il n'y a pas de changement de localisation mais seulement
des mobilités-. Aussi, la proximité n'est pas toujours choisie.
On peut alors distinguer deux types de proximité
géographique :
- Recherchée : les acteurs
cherchent à se rapprocher d'une manière temporaire ou
permanente ;
- Subie : situation ou les acteurs se
voient imposer la proximité géographique d'autres acteurs,
d'objets techniques ou de lieux, sans pouvoir se déplacer. Dans ce cas,
la proximité peut devenir négative.
De plus, certains travaux expliquent que les agents tendent
à se rapprocher pour bénéficier d'échanges de
biens, de travails, d'informations ou d'autres connaissances. C'est notamment
le cas de la théorie de KRUGMAN (1995). Selon lui, ce rapprochement qui
favorise certaines externalités conduit à une inégale
répartition des localisations d'activités productives. En effet,
les liens créés au sein d'une localité permettent de
renforcer cette dernière au détriment des autres. Chaque
producteur souhaite renforcer le marché sur un seul site, évitant
ainsi les coûts importants d'échelle (lié notamment au
transport). Néanmoins, selon RALLET et TORRE (2005) qui réalise
une certaine critique de cette théorie, les externalités ne sont
pas forcement accessible par la simple proximité géographique.
Aussi, elles n'expliquent pas le besoin de proximité
géographique.
On a tendance à expliquer le processus de concentration
spatiale par l'existence d'externalité directes de proximité
géographique. Selon RALLET et TORRE (2001), « on appelle
externalité directe de proximité géographique toute
interdépendance directe entre agents requérant la
proximité géographique pour se réaliser, quelle que soit
la forme de l'externalité, pécuniaire ou
technologique ». Selon cette explication, les personnes se regroupent
parce que la proximité géographique est nécessaire
à la réalisation de leur interaction. C'est en partie la
réponse donner par LUCAS (1988) à la question de la localisation
des activités industrielles, mais aussi par la nouvelle
géographie économique (notamment KRUGMAN, 1991) qui analyse le
rapprochement des agents économiques dans le fait qu'ils entretiennent
des relations d'échanges de biens ou de travail (d'autres auteurs
mettent l'accent sur le transfert de connaissances (FELDMAN et MASSARD,
2002)).
Malgré le fait que les externalités sont, par
définition, de proximité, cet aspect est rarement
démontré. La recherche de proximité n'est plus mise en
avant dans les stratégies des entreprises. Bien au contraire, certaines
entreprises insistent sur le fait que la mobilité est primordiale
à leur développement. Pourtant, la littérature qui traite
des questions spatiales semble admettre la proximité
géographique.
Finalement, il faut peut-être s'interroger sur le
rôle de la territorialité, de la proximité
géographique, dans une économie de plus en plus fondée sur
de la dé-territorialisation. Il faut donc intégrer d'autres
recherches à celle de la proximité purement géographique.
L'augmentation des mobilités, de la mondialisation, des liens à
distance peut diminuer le besoin de coordination locale. Cette analyse
fait notamment partie des travaux du groupe de recherches
« dynamiques de proximité », qui ont aboutie a deux
idées principales :
1. La contrainte de la proximité géographique
est très relative dans la coordination économique (RALLET et
TORRE, 2001). La concentration géographique des agents ne peut
être expliquée seulement par la proximité
géographique. Les réseaux économiques sont
encastrés dans les réseaux sociaux. Le cadre géographique
des institutions est conditionné par le jeu des institutions.
2. Il existe une diversité des échelles
spatiales qu'il faut bien sûre prendre en considération. Un agent
économique peut être à deux endroits en même temps.
Il est donc capable d'agir de façon simultanée à plusieurs
endroits. Cette vérité a d'ailleurs pris une ampleur
considérable depuis la création des TIC.
Il faut donc faire valoir l'importance de la mobilité
des hommes, des informations et des marchandises. Par exemple, en zone de
service, on pense que les employés travaillent forcement dans leur zone
d'emplois, mais ce n'est pas toujours le cas. La prestation est
délivrée souvent sur un autre lieu que le lieu administratif. Le
lieu de rattachement administratif et le lieu de travail sont souvent
différents. Cette mobilité s'est accrue avec le
développement des moyens de transports et des
télécommunications. Certaines personnes travaillent aujourd'hui a
plusieurs endroits, ou en se déplaçant. Le chercheur qui se rend
à un colloque, une tournée de médecin, un ingénieur
de maintenance, etc. peuvent être des exemples de mobilités dans
le travail. La proximité géographique peut donc être,
parfois -hors cas des services et des biens par exemple- substituer par des
voyages, une présence régulière mais non permanente (soit
une co-localisation permanente). C'est ce que RALLET (2009) appel le besoin de
« proximité géographique temporaire ». Cette
présence joue un rôle sur la localisation des entreprises. Bien
souvent, on démontre que les entreprises s'installent les unes à
coté des autres car elle sont souvent en interaction. Cette idée
est notamment présente dans le domaine de la géographie de
l'innovation comme c'est le cas du cluster que nous avons défini en
précédent chapitre. Selon FELDMAN (1999), les entreprises ont
besoin de proximité géographique pour échanger des
connaissances tacites17(*)
(échanges informels, imitations, etc.). Pour lui, les connaissances
codifiées ont besoin d'un échange physique alors que d'autres se
transmettent à distance avec les TIC. Pour les chercheurs du groupe
« dynamiques de proximité » il faut relativiser de
cette thèse qui est légèrement succincte.
Premièrement, les connaissances tacites n'ont pas toujours besoin d'une
proximité géographique. Deuxièmement, il est difficile de
traduire les usages par des géographies différentes. Enfin, les
TIC peuvent également offrir des moyens de partage ou de co-production
de connaissances tacites à distance, bien que l'échange physique
reste indispensable dans certaines interactions (surtout ceux liés au
processus de délibération ou de négociation).
Bien que la proximité géographique ne semble pas
être indispensable au développement des connaissances tacites,
dans le cas du cluster, cette proximité est nécessaire pour que
des liens se forment. Cette contrainte du face à face peut varier selon
les phases de processus de transferts (GALLAUD et TORRE, 2004). On peut avoir
besoin de proximité géographique pour établir un premier
lien. Puis, cette proximité peut se juxtaposer avec une proximité
organisée. Ainsi, la phase de co-production de connaissances
fondamentales, tacites et contextuelles se développe. Puis, la
proximité géographique peut être totalement
remplacée par la proximité organisée. Lorsque le lien est
établit, il reste seulement deux cas, selon RALLET et TORRE (2001),
où la proximité géographique est nécessaire :
la mise en place de projet d'innovation et la gestion de conflits. Dans le cas
du cluster, le projet est basé sur des interactions entre les industries
innovantes pour qu'elles puissent se développer dans un principe de
concurrence/coopération.
Les besoins en matière de proximité
géographique peuvent se poser dans la localisation des entreprises
(GALLAUD et TORRE, 2004). Les entreprises n'étant pas encore
installées auront ainsi tendance à se localiser à
proximité des firmes avec lesquels elles souhaitent tisser des liens.
Les entreprises étant déjà localisées devront soit
créer une « joint venture »18(*), soit déplacer une
partie des personnes responsables des projets d'innovations.
Enfin, nous avons vu que la proximité
géographique peut avoir des effets néfastes sur le territoire.
D'un point de vue général, TALBOT (2009) explique
qu'« être géographiquement proche et une mise en
disponibilité relationnelle peut favoriser la naissance d'une
interaction. Mais au-delà de cette idée très positive, il
ne faut pas oublier que la proximité géographique présente
aussi des effets négatifs. ». Bien qu'au tout début des
études, la proximité géographique est citée comme
possible ressources d'économies externes en économie (MARSHALL,
1898), elle apparaît aujourd'hui comme à l'origine
d'externalité négatives (TORRE et ZUINDEAU 2009). Certains
conflits peuvent exister entre les acteurs sur l'attribution de fonction
à une faible distance physique. L'espace est souvent partagé
autour de plusieurs activités : tourisme, commerce,
éducation, industrie, culture, etc. Ces activités rassemblent des
acteurs différents : employés d'État, associations,
artisans, touristes, habitants, entrepreneurs, etc. Et le fait qu'il y ait
autant d'acteurs différents fait que des conflits sur l'utilisation de
l'espace se développent. KIRAT et TORRE (2008) concluent à une
territorialisation croissante des conflits d'usage. Ainsi, la proximité
géographique peut être source de conflits et entrainer des
inégalités entre les acteurs.
c) De la proximité organisationnelle à la
proximité organisée
La notion de proximité organisationnelle est souvent
traitée de façon très large. Les notions qui reviennent
néanmoins fréquemment dans la littérature sont
« espace », « interactions »,
« organisations ». La notion de proximité
organisée fait référence au caractère agencé
des activités humaines(et non à l'appartenance à une
organisation en particulier).
Selon KIRAT et LUNG (1995), la proximité
organisationnelle « [...] lie les agents participant à une
activité finalisée dans le cadre d'une structure
particulière. [...] [Elle] se déploie à l'intérieur
des organisations - firmes, établissements, etc.- et, le cas
échéant, entre organisations liées par un rapport de
dépendance ou d'interdépendance économique ou
financière - entre sociétés membres d'un groupe industriel
ou financier, au sein d'un réseau, etc. - ». La proximité
organisationnelle a donc pour seul but de lié les agents : elle ne
peut être subit (elle est recherchée). Elle diffère de la
proximité géographique de par sa distance qui devient sociale et
non plus métrique. Par proximité sociale on entend des
concordances sur les plans cognitifs et matériels(sexe, âge,
santé, etc.). Pour qu'il y ait proximité organisationnelle, il
faut que les acteurs soient similaires socialement. Mais une faible distance
sociale ne suffit pas : ilfaut que les acteurs se coordonnent
cognitivement et politiquement. Cela passe par une organisation autour de
règles et de routines au sein d'une localisation.
D'un point de vue cognitif, la coordination permet la
réduction de l'incertitude et la sécurisation des anticipations
face aux décisions des acteurs les uns par rapport aux autres. Elle
passe par des règles mécaniques et automatiques.
D'un point de vue politique, l'organisation ne présente
pas deux acteurs sans les lier mais « deux partenaires qui doivent faire
des choses différentes et dont les rôles et les statuts sont
justement fixés par une règle établie, un usage social que
les gens suivent » (DESCOMBES, 1996, p. 297). De cette façon,
chaque acteur a une fonction qui lui est attribué de manière
à ce que les acteurs soient complémentaires. Mais même les
rôles sont fixés, une organisation doit bien évidemment
avoir une constitution juridique qui renvoie au but de cette même
organisation et surtout, qui exprime les relations de pouvoir et
d'autorité. (BAZZOLI et DUTRAIVE, 2002). Cette organisation repose ainsi
sur des règles externes (qui fondent l'existence de l'organisation) et
internes (qui organise l'exercice de pouvoir).
La proximité organisationnelle ne peut donc pas
seulement être associéeà une dimension cognitive qui
renvoie au partage de représentations, de valeurs, de savoirs, mais doit
également être régularisée par une dimension
politique qui attribue des rôles aux acteurs et permet ainsi une
coordination et un apaisement des conflits.
Une autre approche à la proximité
organisationnelle peut être faite. C'est notamment le cas de l'analyse de
BOSCHMA (2004). Selon lui, la proximité organisationnelle implique
à la fois de l'intensité et de l'autonomie. Il faut donc exclure
la proximité cognitive, bien qu'elle soit bénéfique
à l'apprentissage et à l'innovation. Ce risque s'explique dans le
fait que la création de connaissances va de pair avec l'incertitude et
l'opportunisme. Il faudrait donc instaurer des mécanismes de
contrôles. La proximité institutionnelle, par exemple, permet de
répondre à ces problèmes. On ne parle alors plus
de proximité organisationnelle mais de proximité
organisée. Néanmoins, la proximité
organisationnelle, si trop importante, peut nuire à l'innovation et
à l'apprentissage.
On peut voir ici tout le paroxysme de ce paradigme. En effet,
la proximité cognitive peut permettre la proximité
organisée, mais cela doit passer par de la proximité
institutionnelle. Néanmoins, si la proximité institutionnelle
induit trop de restriction à l'organisation, celle-ci est alors
dépourvue de tout pouvoir d'apprentissage de connaissances et
d'innovations par rapport aux organisations extérieures. Finalement, la
proximité organisée devrait être autonome, mais avec une
limite d'ouverte sur l'extérieur. D'après BOSCHMA
(2004), les réseauxne sont pasdes mécanismes qui coordonnent
les transactions, mais on peut les voir comme « une sorte de
véhicule permettant le transfert et l'échange d'information et de
connaissances dans un monde plein d'incertitudes. ». Ce principe peut
notamment s'expliquer par des échanges qui peuvent devenir
spécifiques, mais aussi par des liens trop forts qui limitent
l'accès aux ressources nouvelles, etc. Une proximité
organisationnelle excessive s'accompagne d'un manque de souplesse, alors que si
elle est trop faible, on a un manque certain de contrôle. A contrario,
une organisation plus souple permet un accès certain aux apprentissages
novateurs puisque plus large. Elle permet aussi la coordination des
interactionset la communication par une autorité centrale.
Finalement, la proximité organisationnelle est
nécessaire à la création de la connaissance par la
maitrise de l'incertitude et de l'opportunisme.
La réalisation d'une proximité organisationnelle
par le rapport cognitif au sein du réseau est possible. Elle
émane d'un système où maitrise et souplesse vont de paire.
Enfin, dans une troisième approche, BEURET (2012),
TORRE (2010) et RALLET (2002 et 2009) voit l'organisation comme favorable aux
interactions. Ils tentent de mesurer la capacité d'une organisation
à faire interagir ses membres. Il ressort ainsi deux principes :
1. Le fait d'appartenir à une organisation se traduit
par l'existence d'interaction entre ces membres. En effet, par
définition, « deux membres d'une organisation sont proches
l'un de l'autre parce qu'ils interagissent, et que leurs interactions sont
facilitées par les règles ou routines de comportement (explicites
ou tacites) qu'ils suivent. » (RALLET, TORRE, 2004). La
coopération sera donc plus facile entre personnes d'une même
entreprise ou d'un même réseau d'innovation.
2. Il existe une « logique de similitude »
au sein d'une même entreprise. En effet, les personnes doivent y partager
un même système de représentations - ou ensemble de
croyances - et les mêmes savoirs. Par exemple, des chercheurs qui font
partie d'une même communauté scientifique auront des
facilités à communiquer car ils ont le même langage.
Ces deux logiques sont donc complémentaires, mais elles
sont aussi substituables.
Si l'organisation n'est pas dirigée par un
caractère institutionnelle (par définition ce n'est donc plus
vraiment une organisation mais plutôt une communauté informelle),
c'est-à-direqu'elle est dirigée par un certainnombre de
règles explicites fortes, cela peut entrainer une faible
coopération entre les acteurs. C'est alors que la proximité
cognitive entre en jeu : par la cohésion comportementale, la
convergence des représentations, la proximité organisationnelle
peut alors exister.
Finalement, la proximité organisationnelle est
dépendante d'autres proximités. La proximité cognitive,
par exemple, favorise les interactions entre les membres d'un réseau, et
peu aboutir à une proximité organisationnelle. La
proximité institutionnelle quant à elle, peut permettre de
limiter les interactions afin d'éviter, dans certains cas, le surplus
d'information ou les conflits d'intérêt. Dans le cas de la
proximité cognitive, on entre dans une certaine logique d'appartenance.
Cette logique désigne « le fait que deux ou plusieurs acteurs
appartiennent à un même graphe de relations, ou encore à un
même réseau, que leur relation soit direct ou
intermédié.» (BEURET, TORRE, 2001). La coopération
est facilitée par exemple entre chercheurs et ingénieurs qui
appartiennent à une même entreprise, à un même
consortium technologique ou à un même réseau d'innovation.
Mais des similitudes peuvent aussi être positives. Par exemple, les
normes sociales, le langage, participent aux interactions entre plusieurs
acteurs. Plus les références culturelles de deux personnes sont
correspondantes, plus elles auront des possibilités de cohésion.
Mais l'appartenance et la connectivité ne suffisent
pas. Il faut de l'action humaine ! Les potentiels des proximités
sont neutres par définition. Ce sont les actions et les perceptions qui
vont les déclencher et leur donner un penchant positif ou
négatif.
La proximité organisationnelle est donc un potentiel
aux interactions entre les entreprises (BEURET, TORRE, 2004). Puisqu'elle
constitue un potentiel, elle doit être activée ou
mobilisée. Lorsqu'elle est activée, les liens qui se tissent
entre les acteurs sont des liens en dehors de la proximité
géographique. Les deux peuvent évidemment s'ajouter, mais elles
ne sont pas immuables. Une proximité organisationnelle doit être
dirigéepar un caractère institutionnel et devient ainsi
organisée. Les proximités organisées sont en constante
construction et déconstruction, au gré des dynamiques qui fondent
les relations entre acteurs. Ces mouvements sont ainsi fondés sur les
logiques d'appartenance et de similitude. Les relations changeantes permettent
un changement de configuration des regroupements d'acteurs et de leurs
interactions.
Finalement, pour comprendre d'une manière plus
approfondie comment fonctionne un système productif local, il faut en
étudier les proximités. En effet, la proximité stimule les
interactions (BOSCHMA, 2004) et donc stimule l'innovation. Ainsi, en
théorie, le cluster est forcement rendu possible par la
proximité. Dans le cas d'une Fricheculturelle, les proximités
géographique et institutionnelle entre les acteurs sont importantes.
Cela permet à chacun de partager le lieu (que ce soit des associations,
des entreprises, etc.). S'il n'y avait pas d'institutionnalisation par le
caractère politique de la chose, il n'y aurait sans doute pas de
durabilité dans le projet. De plus, une Friche peut tout à fait
devenir, par extension, un cluster où entreprises et associations
travailleraient ensemble dans un principe de concurrence/collaboration autour
de projets communs. En fin de compte, la proximité est importante pour
créer des liens, rendre durable un système et lui permettre
d'innover. Mais il faut également faire attention à ce que la
proximité ne soit pas trop importante sinon l'apprentissage n'est pas
rendu possible. En effet, si on se trouve en présence d'un regroupement
d'entreprises de même type, avec les mêmes connaissances, le
même savoir-faire, les mêmes technologies, alors l'apport de
connaissances est impossible et les entreprises ne peuvent innover : elles
sont obligées d'aller chercher cette nouvelle connaissance ailleurs.
3. À la
croisée des proximités géographique et
organisée
Comme nous l'avons défini précédemment,
le cluster regroupe des entreprises qui partagent au minimum une
proximité géographique et une proximité organisée.
La question que l'on peut alors se poser est est-ce que cela suffit à la
durabilité d'un tel système productif local ?
a) L'importance de l'institutionnalisation dans la
création d'une coordination d'acteur
Une question se pose :
faut-il conserver la distinction entre proximité institutionnelle et
proximité organisationnelle ou les réunir sous le terme de
proximité organisée ? Comme nous l'avons définit
précédemment, la proximité organisationnelle doit
être dirigée par un certain nombre de règles communes aux
acteurs, qui permettent d'éviter les conflits d'usages. Ces
règles constituent le caractère institutionnel de la
proximité organisée. En théorie, on a tendance à
plus fréquemment étudier la proximité sous son
caractère organisé et non organisationnel. Il nous semble donc
important de faire la différence et de comprendre les outils qui entrent
en compte dans ce potentiel d'interactions.
La proximité est un phénomène
institutionnel donc c'est une ressource du structurel, mais seulement si on
distingue proximité et distance. La distance physique caractérise
la mesure métrique qui sépare deux entités. En revanche,
la proximité est un fait institutionnel non réductible. Il faut
donc différencier la croyance du fait. Les acteurs pensent avoir une
proximité les uns avec les autres alors qu'il existe une distance bien
réelle entre eux. Le fait est que cette proximité est
mentale : elle est créée par des liens institutionnels entre
les acteurs et non pas par de la distance physique. La proximité sert
également à délimiter et différencier les groupes
les uns des autres.
BOSCHMA (2004) qui est l'un des chercheurs à
étudier la proximité sous cinq formes différentes
(géographique, cognitive, organisée, institutionnelle, sociale),
analyse la proximité institutionnelle en dehorsde la proximité
organisée. Le cadre institutionnel et politique qu'il étudie est
donc de niveau macro. D'autres auteurs font la distinction entre le niveau
macro et le niveau micro. NORTH (1990) par exemple, tente de
différencier « l'environnement institutionnel » au
niveau macro et les « aménagements institutionnels »
au niveau micro. Il a pour idée que les acteurs économiques sont
« encastrés » dans les « règles du
jeu » institutionnelles et les ensembles de valeurs communes. Cette
notion d'encastrement se retrouve sur des points de vue politiques et
culturels. Lorsque des personnes et des organisations partagent le même
environnement politique et culturel, elles sont amenées à
connaître plus de relations que les autres personnes. (DI MAGGIO, ZUKIN,
1990). La proximité institutionnelle reste donc tout de même
fortement liée aux proximités organisationnelles et sociales dans
l'analyse de BOSCHMA. Finalement, l'environnement institutionnel doit
être perçu comme « ciment » de l'action
collective.
Selon la théorie de l'encastrement de GI MAGGIO et
ZUKIN (1990), la proximité institutionnelle s'appuie sur des lois et
règlements régies par un gouvernement actif et sur une structure
culturelle forte (langage, ethnie, habitudes communes, etc.). Lorsque les
organisations partagent les mêmes critères politiques et
culturels, ils sont amenés à interagir.
Alain RALLET et André TORRE (2004) soulignent
l'importance des réseaux sociaux et des institutions dans l'interaction
des acteurs. Ils mettent en lien proximité institutionnelle et
proximité géographique. La recherche de proximité
géographique débouchant sur un processus de localisation ne doit
pas être la seule explication possible. Selon LUCAS (1988) et KRUGMAN
(1991), la seule explication aux localisations des activités
industrielles se trouve dans le regroupement d'acteurs qui échangent des
relations de biens ou de services. D'autres auteurs comme FELDMAN (1999)
mettent l'accent sur le transfert de connaissances ou sur les raisons
sociologiques de ce rapprochement (FUJITA et OTA, 1993). Dans tout les cas, la
proximité intervient. Mais la démonstration en a rarement
été faite, surtout à l'époque de la globalisation
où il ne faut pas confondre recherche de proximité
géographique et localisation - notamment avec les nouvelles
mobilités qui rendent possible la proximité géographique
temporaire - lorsqu'il s'agit d'individus ou d'organisations. Finalement, la
recherche d'une proximité géographie n'entraine pas toujours un
processus de localisation et la mobilité a permis l'extension des
interactions à distance. Il paraît alors judicieux de trouver
d'autres explications au processus de localisation. Les relations
économiques encastrées dans un réseau social peuvent
être un des facteurs explicatifs ; le jeu des institutions peut en
être un autre (selon le groupe « Dynamiques de
Proximité »). Les politiques locales produisent de la
proximité géographique par la mise en place d'institutions
légitimes. Par exemple, dans le cas du cluster, le développement
des industries créatives fait partie des politiques urbaines et
culturelles puisqu'elles participent au développement économique
des territoires. Un cluster est une réunion sur un même territoire
d'entreprises, d'acteurs de la formation, d'acteurs de la recherche, qui sont
soutenus par un écosystème et des dynamiques locales, qui sont
eux-mêmes soutenus par les collectivités territoriales. Dans
certains cas, comme le cluster culturel métropolitain, ce sont les
collectivités territoriales qui ont directement impulsé la
réhabilitation d'un espace urbain, par exemple à la suite d'une
crise industrielle. Les aides et subventions des institutions marquent aussi un
intérêt certain pour le développement des industries
créatives.
Mais outre ces préoccupations quant au
développement économique et culturel urbain, la proximité
institutionnelle entre les entreprises est également fondamentale.
« Ainsi et quelles que soient les politiques mises en oeuvre et leur
efficacité, si la stratégie de l'entreprise ne coïncide pas
avec les actions mises en oeuvre dans le cadre de ces politiques scientifiques,
ces dernières seront inefficaces. » (DELAPLACE, 2011).
L'instauration de règles communes permet aux entreprises de se
rapprocher et de collaborer. Ainsi, la synergie d'entreprise se met en place
dès le moment où les entreprises sont aptes à collaborer
et à suivre un projet commun.
La coopération et même les synergies entre les
acteurs sont devenues un des objectifs clés de l'action politique
actuelle. C'est cette coordination qui doit permettre au territoire de se
développer et surtout de rayonner à l'international.
Néanmoins, tout cela semble rester de l'ordre de la théorie. En
pratique, il semblerait que, à travers des enquêtes
réalisées sur les coopérations inter-firmes (FREEL, 2002
et TETHER, 2002), les entreprises ne coopèrent pas - ou peu - avec des
organisations de proximité géographique. Les interactions de
proximité sont donc relativement faibles.
Finalement, bien que la coordination des acteurs locaux soit
devenue l'alpha et l'oméga de la politique de développement
local, elle n'est que rarement mise en pratique. La proximité
géographique est donc dépendante tant des besoins de coordination
économique que de l'encastrement des interactions sur le plan social et
institutionnel. C'est d'ailleurs la question que nous nous poserons dans notre
analyse du Pôle Belle-de-Mai : est-ce que la proximité
d'entreprises a permis la mise en place d'interactions ? Est-ce que les
proximités organisée, sociale, cognitive, institutionnelle
existent ? Est-ce que, finalement, les entreprises ont besoin d'être
en coordination économique et stratégique pour se
développer ?
b) Comment les aspects négatifs
de la proximité géographique favorisent la proximité
organisée
Bien que la mobilité soit
très présente dans l'économie actuelle, tous les acteurs
de l'économie ne sont pas mobiles. Par exemple, les biens et
infrastructures ne peuvent être déplacés. Les
infrastructures sont bien souvent construites pour développer un
territoire et pour permettre aux firmes d'obtenir une proximité
géographique ou organisée. Cette proximité
géographique peut alors être soit permanente, soit temporaire.
Mais dans d'autres cas, c'est la proximité géographique
(morphologique notamment) qui permet le développement économique.
Les activités liées à l'exploitation du sol ou du sous-sol
(et donc une partie des activités agricoles, agroalimentaires) par
exemple, ont besoin d'un certain type de territoire. Cela contraint alors
fortement la localisation à avoir recours à la proximité
géographique. La mobilité n'est donc pas toujours un facteur aux
économies contemporaines pour des raisons liées aux contraintes
naturelles, sociales et économiques.
Dans certains cas, la co-localisation est obligatoire (TORRE,
2004). Une occupation du sol qui va obliger des acteurs à être
proches localement alors qu'ils ne partagent pas les mêmes logiques peut
alors être néfaste. On entre alors dans un processus ou la
proximité géographique est une contrainte, elle est
subie19(*). La
proximité géographique a alors un rôle dans la
création d'externalités négatives, souvent sous la forme
de tensions et de conflits d'usages entre voisins ou usagers. C'est par exemple
le cas des activités source de pollution ou de nuisance sonore, mais
aussi dans la colocation d'immeuble ou de la nuisance paysagère due
à la construction de bâtiments. La seule échappatoire
semble donc être le déménagement pour les personnes et la
délocalisation pour les structures économiques. Mais dans les
deux cas, le processus est complexe, du fait de la disponibilité de la
ressource et les moyens financiers.
Comme nous l'avons exprimé, la proximité
géographique peut-être de deux formes différentes :
recherchée ou subie (et dans certains cas elle peut-être à
la fois l'une et l'autre dans la mesure où on peut vouloir se rapprocher
de quelqu'un et que d'autres entreprises soient déjà proches de
cette même personne/structure). Si elle est recherchée, elle va
permettre la mise en place d'une organisation érigée par des
institutions. Si elle est subie, elle va devenir une source certaine de
conflits d'intérêts entre les acteurs et les usagers d'un
même territoire. Nous devons alors nous poser la question de la
résolution de ces conflits et des modalités de coordination
d'acteurs. Toutefois, il semble important de préciser que la
proximité organisée n'est pas seulement un moyen de diminuer ces
tensions ; ce peut-être dans certains cas un
révélateur de tensions. Localement, la proximité
organisée apparaît comme un remède aux conflits
d'intérêts qu'ils soient politiques, culturels, ou sociaux. Elle
permet de trouver des compromis aux tensions et même de les anticiper.
Elle s'illustre sous différentes formes : les tribunaux - la forme
la plus radicale, ou encore la négociation, qui est sans doute la forme
la plus recherchée et la plus propice à la réduction de
conflits.
Finalement, lorsque la proximité géographique
est subie, qu'elle génère des conflits, elle va permettre
à la proximité organisée de se révéler et de
relever tout son intérêt sur le territoire. Elle doit tout de
même être liée à d'autres logiques pour que le
processus fonctionne, et notamment la logique de similitude qui conditionne
l'acceptation et le respect de règles communes.
c) Articulation et combinaison des
proximités
Nous avons pu voir dans notre analyse comparative sur les
proximités que proximité géographique et proximité
organisée ne sont pas des catégories absolues, ni
dépendantes. En théorie, elles n'ont pas besoin des autres
proximités pour fonctionner. Mais nous avons observé que la
réalité est toute autre et que, par exemple, la proximité
organisée n'existe que par la mise en place d'institutions (et donc par
extension par de la proximité institutionnelle). André TORRE
(2004) va plus loin dans cette approche, et tente de comprendre les liens qu'il
peut exister entre la proximité géographique et la
proximité organisée. Il explique par exemple que
l'activité humaine permet de rapprocher deux lieux (par la construction
d'infrastructures, mais aussi par l'étalement urbain, la
mondialisation). Deux villes se situant à 100 km l'une de l'autre
peuvent même devenir « proches » avec l'innovation
dans les transports. Par exemple, Marseille et Paris se situent seulement
à 3h en TGV et seulement 1h30 en avion. Pour certaines entreprises, les
collaborations se traduisent par des voyages croisés, des
réunions chez l'un puis chez l'autre. La proximité
géographique n'est plus obligatoire de façon permanente.
L'ubiquité et la mobilité, la géographie temporaire sont
ainsi deux facteurs qui ont toute leur importance dans la constitution de liens
économiques et sociaux. Finalement, la distance ne semble plus
être un problème, ni une barrière au rapprochement et aux
interactions d'acteurs. La proximité géographique (et la distance
au même titre) peut donc avoir des dimensions organisées. De la
même manière, la proximité organisée est sans cesse
impactée par des dimensions spatiales. Des réseaux peuvent se
créer au sein d'un technopôle, les acteurs économiques
peuvent conserver des liens avec leur territoire d'origine, etc. Il
paraît donc difficile d'analyser ces deux dimensions de la
proximité pour qu'elles soient substituables ou
complémentaires.
RALLET et TORRE (2004) tentent tout de même de
comprendre les combinaisons qu'il peut exister entre ces deux dimensions. Ils
pensent notamment que cela permettrait de comprendre les processus de
coordination et de communications puisque ces deux idéaux
définissent typiquement « la relation humaine inscrite dans
l'espace ».
Ils déduisent de leur approche le tableau
suivant :
Tableau 1. Le croisement
des deux proximités et ses résultats en matière
d'interactions
Sources : RALLET Alain, TORRE André,
2004.
On peut alors remarquer quatre possibilités dans la
juxtaposition des deux proximités :
1/ Lorsque la proximité géographique rencontre
la proximité géographique : rien ne se passe. Les acteurs
économiques, bien qu'agglomérés, n'ont pas de relations
entre eux. Finalement, c'est le cas qui permet de démontrer
qu'agglomération et interactions ne sont pas deux notions à
confondre - alors que certains auteurs de la littérature empirique le
font trop souvent.
2/ Lorsque la proximité géographique rencontre
la proximité organisée : c'est le cas où la
proximité géographique doit être structurée et
activée par la proximité organisée. Les réseaux
locaux, les SPL, les dispositifs de négociation, et bien
évidemment les clusters, font partis de cette déclinaison. C'est
donc la situation où la proximité géographique est
activée de manière permanente par des interactions et par le
biais de proximité organisée. Cette combinaison réside
dans une co-localisation d'acteurs engagés, dont l'articulation repose
sur des politiques spécifiques.Et c'est là toute la
difficulté du concept de cluster. Si les entreprises se rassemblent sur
un même espace autour de l'innovation et qu'elles ne communiquent pas,
rien ne se passe. Si des règles communeset politiques spécifiques
ne sont pas mises en place, rien ne se passe non plus.
3/ Lorsque la proximité organisée rencontre la
proximité géographique : la proximité
géographique peut avoir des effets négatifs. Ces effets peuvent
être combattus par la mobilisation des ressources de la proximité
organisée. La proximité organisée se transforme alors
temporairement en proximité géographique. C'est un des aspects
que nous avons pu développer précédemment, où les
effets néfastes de la proximité géographique peuvent
permettre d'activer la proximité organisée.
4/Lorsque la proximité organisée rencontre la
proximité organisée : c'est le cas des interactions
supra-locales (firmes multi-établissements, réseaux globaux
d'entreprises) où les coordinations se passent autour du partage de
normes, de règles et de représentations communes. La
coopération doit être rattachée à un
caractère institutionnel pour exister. Cela devient alors des
réseaux non territoriaux. C'est finalement une relation que l'on
remarque de plus en plus, puisque grâce aux nouvelles technologies les
acteurs n'ont parfois pas besoins de se rencontrer pour émettre des
liens, on parle même de plus en plus de dé-territorialisation.
Ces différents croisements fournissent donc une grille
d'analyse des différents modèles d'organisation
géographiques des activités. Les milieux innovateurs sont des
milieux caractérisés par le regroupement des deux
proximités. La proximité organisée peut être un
remède à la proximité géographique tout comme cette
dernière peut activée la proximité organisée. Ce
modèle économique reste très répandu, mais il faut
tout de même émettre une certaine critique. Dans certainscas, la
proximité organisée prend racine sur des relations fonctionnelles
ou identitaires fondées sur l'organisation et non sur le territoire.
Aucun lien n'est alors présent entre les deux proximités. Il faut
donc prendre en considération que le développement local peut
être défini sous différents modèles. On doit d'abord
partir de la disjonction des deux proximités pour ensuite parvenir
à leur articulation.
Pour conclure sur ce chapitre, nous avons dû, dans un
premier temps, comprendre les différences entre les notions de distance
et proximité. La clé de la compréhension des dynamiques de
proximité réside dans le fait que la perception de la distance
qui sépare deux entités n'est jamais la même.
L'appartenance au même groupe social, la pratique du même langage,
les moyens de communications, les infrastructures de transports, sont tous des
moyens pertinents de réduire le sentiment de distance et ils permettent
de rapprocher des acteurs. L'apprentissage et l'innovation sont alors
possibles. Néanmoins, une trop grande proximité cognitive ou
sociale peut rendre difficile ce processus. Ce risque de conflit peut alors
être réduit par le biais de règles communes,
d'institutions. Ainsi, pour que la jointure entre la proximité
organisée et la proximité géographique fonctionne, il faut
que les acteurs soient engagés et que la collaboration passe par des
politiques spécifiques. Par définition, c'est le cas du cluster
où l'ambition commune aux entreprises est la collaboration dans
l'innovation. Le plus important est de comprendre quelle proximité entre
en jeu sur quel type de territoire et entre quels types d'acteurs. Nous avions
émis l'hypothèse que laFriche culturelle pouvait, par extension,
être un cluster qui rassemblerait des industries culturelles autre d'un
projet commun. Les Friches culturelles étant bien souvent prises en
compte par les politiques, une certaine proximité institutionnelle se
met en place. La proximité géographique entre les associations et
entreprises est aussi évidente. Il reste à se poser la question
de la proximité organisationnelle basée sur le projet commun qui
diffère selon le territoire et la Friche étudiée.
En conclusion de cette première partie, nous pouvons
dire qu'il existe deux types de proximités qui sont les plus
étudiées par les chercheurs : la proximité
géographique et la proximité organisée. Par extension
à celles-ci, on trouve la proximité cognitive qui permet
d'échanger des connaissances, la proximité sociale qui permet
d'échanger et la proximité institutionnelle qui permet de
réguler les échanges. Lorsque l'on croise les proximités
on obtient des écosystèmes où les entreprises sont en
collaboration et en concurrence. C'est le principe du cluster. En effet, le
cluster se définit par une proximité géographique et
organisée entre des entreprises d'un même secteur culturel et/ou
créatif. Le cluster créatif est un ensemble d'industries issues
de milieux créatifs qui s'assemblent et qui collaborent. Elles
participent au développement économique de la ville. Ce sont
notamment les politiques de l'économie créative qui ont permis
leur succès et leur attractivité. Les Friches culturelles sont
également issues de ces politiques, c'est pourquoi, la question que nous
pouvons nous demander et est-ce que ces friches peuvent-être, par
extension, des clusters. Nous tenterons de donner une réponse à
cette interrogation avec le cas de la Belle-de-Mai à Marseille qui
rassemble sur un même lieu, des industries culturelles et des industries
créatives. Nous verrons si chacun des trois pôles que constituent
la Belle-de-Mai sont des clusters et si l'ensemble lui même un est un ou
si, au contraire, chacun des pôles fonctionnent différemment. Nous
verrons enfin, dans une troisième partie quel est l'ancrage territorial
de l'ensemble. Selon FLORIDA, les villes doivent attirer les créatifs
qui eux-mêmes vont développer la ville. Elles doivent aussi leur
donner envie de rester. Mais est-ce que c'est le cas à la
Belle-de-Mai ? Qu'est ce qui fait, finalement, que les industries
créatives sont ici et pourquoi restent-elles ?
METHODOLOGIE
Le travail qui va suivre portera sur les interactions entre le
Pôle Média, le Pôle Patrimoine et la Friche la Belle-de-Mai.
Ce travail a été réalisé dans le cadre d'un stage
à l'Agence d'urbanisme de l'Agglomération Marseillaise. Il a
été décidé suite à une demande de la
région d'animer un débat autour des industries créatives.
Son but est d'apporter une nouvelle approche des industries créatives et
aussi de fournir de nouvelles illustrations qui représentent les liens
au sein des industries créatives de Marseille. Mon travail portera sur
le territoire de la Belle-de-Mai, lieu emblématique de la
créativité Marseillaise. J'ai choisi de faire mon étude
sur ce territoire car c'est un lieu qui réunit à la fois des
industries créatives et des industries culturelles, réparties sur
3 pôles (Pôle Patrimoine, Pôle Média, pôle
culture vivante).
Les données dont je dispose pour analyser les
industries créatives à l'échelle de la région PACA
proviennent de l'AGAM et de l'INSEE. Je me suis notamment basée sur un
fichier qui regroupe l'ensemble des industries créatives selon les codes
NAF 200820(*).
Concernant mon étude sur le territoire de la
Belle-de-Mai, j'ai dans un premier temps répertorié touts les
articles et dossiers sur le projet de réhabilitation.
J'ai ensuite réalisé une enquête à
partir d'un questionnaire destiné aux employés des pôles
média et patrimoine et des intermittents et employés de la Friche
la Belle-de-Mai. J'ai ainsi pu obtenir sur l'ensemble des trois pôles 247
réponses soit une part représentative de 17%.
Tableau 2 :
Répartition des participants au questionnaire par îlots
Les deux prochaines parties s'appuient également sur
une enquête qui a été réalisée en 2014
à la Belle-de-Mai par l'AGAM à la demande de la direction des
Projets Économiques de la Ville de Marseille. Cette enquête
portait sur la mobilité à la Belle-de-Mai. Les personnes
interrogées furent les salariés de la Belle-de-Mai, le grand
public ainsi que les visiteurs professionnels. Le taux de réponses
étant beaucoup plus important que celui de mon questionnaire
personnel21(*), je me suis
ainsi servie de leurs données pour mon analyse sur les logements et les
transports.
Mon analyse se base également sur des entretiens que
j'ai réalisés auprès de certaines structures du Pôle
Média, du Pôle Patrimoine et de la Friche. Ces entretiens m'ont
permis de cerner les rapports entre les différents pôles mais
aussi leurs objectifs quant aux dynamiques sociales pour le quartier. Les
personnes qui ont acceptées de me répondre sont :
- Nathalie AVERSENQ, Chef de Projet Pôle
MédiaBelle-de-Mai ;
- Boris GAUBERT, Archives municipales ;
- Émilie GERARD, Centre de Conservation et de
Ressources ;
- Marion LATUILLIERE, Crèche de la
Belle-de-Mai ;
- Yann LORTEAU, Chargée de Projet, Friche la
Belle-de-Mai ;
- Roland MAY, Directeur du CICRP ;
- Susana MONTEIRO, Chargée d'Action Culturelle de la
Friche la Belle-de-Mai ;
- Dominique SAMANNI, Réserves municipales ;
- Céline SOULIERS, Directrice de l'incubateur du
Pôle Média.
Enfin, j'ai émis plusieurs hypothèses afin de
diriger mon travail et de permettre soit de les démontrer soit de les
annuler. La première est que les entreprises ne suivent pas la
même stratégie de développement malgré le fait
qu'elles se situent au même endroit. Ces entreprises, bien
qu'étant dans des écosystèmes favorable aux
échanges, n'arrivent pas forcement à corréler. La
deuxième est que les entreprisesde la Belle-de-Mai et le
quartier évoluent de façon réciproque mais pas en
synergie. La complémentarité peut s'établir entre la
Friche et le quartier mais pas entre les deux autres pôles et le
quartier.
DEUXIEME PARTIE: LES INTERACTIONS
AU PÔLE DE LA BELLE-DE-MAI
Chapitre 1 : Industries créatives à
la Belle-de-Mai : influence de l'institutionnalisation
Chapitre 2 : Analyse des discours des acteurs
Chapitre 3 : Quelles sont les réelles
interactions à la Belle-de-Mai ?
La reconversion du Pôle de
la Belle-de-Mai n'est plus un secret pour personne. Elle a fait l'objet de
nombreuses études : ANDRES L. (2006), ANDRES L. et GRESILLON B.
(2011), GRESILLON B. (2002, 2011), LABARTHE F. (2013), LANGLADEI (2003),
ROULEAU-BERGER L. (1996), DELLA CASA F. (2013), FOULQUIE P. (2010,2013). Pour
rappel, ce lieu emblématique est situé sur une ancienne
manufacture de tabac, à la Belle-de-Mai, dans le 3ème
arrondissement de Marseille. À la suite d'une forte crise industrielle,
les locaux doivent fermer leurs portes en 1990 et laissent derrière eux
plusieurs centaines d'emplois (ils étaient 1000 salariés en 1960
et 250 en 1988, deux ans avant la fermeture définitive). L'usine, qui
longe la voie ferrée, a une place stratégique dans la cité
phocéenne. Elle devient alors une Friche industrielle de grande ampleur
puisque c'est quelques 12 Ha de terrain qui se transforment en Friche.
L'opération de reconversion débute en 1992 lorsque l'association
Système Friche Théâtre investit les lieux après la
signature d'une convention d'occupation avec la Seita, propriétaire des
bâtiments. La présence d'artistes et la synergie avec des
producteurs et opérateurs va en faire un lieu culturel de
renommée. En 1995, un grand projet de réhabilitation est
décidé avec l'architecte et penseur Jean Nouvel. Ce projet de
Friche intitulé « un Projet Culturel pour un Projet
Urbain » va tenter de lier la dimension artistique et culturelle
à la dimension urbaine. L'idée est que la présence
artistique participe - et est même indispensable - au
développement urbain. La ville de Marseille devient propriétaire
des lieux en 1998 et le Pôle de la Belle-de-Mai s'inscrit au sein du
projet Marseille Euroméditerranée. En 2001/2002 le site de la
Belle-de-Mai est réparti en 3 îlots qui comptabilisent un
ensemble de 100 000 m² : un Pôle Patrimoine et institutionnel(Centre
Interdisciplinaire de Conservation et Restauration du Patrimoine, Archives
Municipales, Réserve des Musées de Marseille et de l'INA-antenne
Méditerranée), un pôle multimédia (Pôle
Média de la Belle-de-Mai) et un pôle culture vivante (Friche la
Belle-de-Mai).
L'aménagement de ces différents pôles a
permis de diversifier le territoire de la Belle-de-Mai en réunissant des
initiatives plutôt artistiques avec la Friche et plutôt
institutionnelles avec le Pôle Média et le Pôle Patrimoine.
C'est aussi un lieu d'expérience où des projets uniques sont
érigés comme les réserves des Musées (projet
centralisé unique en France) ou bien le Pôle Média choisi
par l'État comme site pîlote du premier espace national
« Culture-Multimédia » et qui est également
unique en Europe pour sa concentration d'entreprises et d'activités
autour de l'image et du son. En 2013, le Pôle de la Belle-de-Mai est
propulsé sur le devant de la scène grâce à
Marseille-Provence, Capitale européenne de la culture.
L'aménagement de la tour panorama a été, à titre
d'exemple, un des éléments clés de cette année
capitale. Aujourd'hui, le Pôle de la Belle-de-Mai est connu est reconnu
de par sa culture, sa créativité, mais aussi pour promouvoir la
création d'emplois. En effet, depuis ces débuts, ce sont quelques
400 personnes qui travaillent à la Friche, environ 1000 au Pôle
Média et 150 réparties sur l'ensemble du Pôle
Patrimoine.
Bien que le Pôle de la Belle-de-Mai regroupe des
industries à la fois culturelles et créatives, nous pouvons nous
demander si, finalement, cette proximité géographique permet la
création d'une synergie ? Est-ce que le rapprochement entre ces
industries permet une complémentarité ou au contraire, est-ce que
les industries sont totalement disjointes et ne travaillent pas ensemble ?
Nous verrons, dans cette partie, à travers l'institution des projets,
les discours politiques et de la presse, les entretiens récoltés
auprès des structures du Pôle de la Belle-de-Mai et les
questionnaires personnalisés auprès des salariés et
intermittents, si le discours autour de cette complémentarité qui
se veut optimiste a des raisons de l'être ou si, au contraire, il s'agit
simplement d'un marketing urbain fort qui permet de cacher une
réalité tout autre.
Chapitre 1 :
industries créatives à la Belle-de-Mai : influence de
l'institutionnalisation
Nous verrons, dans ce premier chapitre concernant les
interactions à la Belle-de-Mai, la place de l'institutionnalisation dans
le développement des industries créatives et de leurs
interactions. Nous tenterons de comprendre quel est l'intérêt pour
les institutions de développer la Belle-de-Mai par les industries
créatives. Nous nous appuierons notamment sur les projets de
développement de ces industries à Marseille, de leur place dans
l'économie régionale ainsi que du discours politique et de la
presse qui en est fait.
1. Politiques de développement
des industries créatives en Provence-Alpes-Côte-D'azur
a) La créativité au coeur
de la politique territoriale
La culture et la créativité font partie
intégrante, depuis les années 2000, du discours et de la
stratégie politique de la ville de Marseille. Voici les deux
schémas directeurs dont les orientations principales sont la culture et
l'attractivité :
- 2002-2012 : La culture au coeur du
débat
Dans ce schéma directeur, Marseille présente un
projet culturel de grande envergure et déjà, la question des
industries créatives y est capitale.« Elles sont, en effet, un
complément indispensable du soutien à la création. Elles
apportent à ces domaines artistiques un rayonnement et une audience
spectaculaires. Elles ont un véritable poids économique, ont un
avenir dans la révolution numérique, et exercent aussi une
influence sur la variété et la richesse des biens
culturels. »22(*). Et déjà, la Belle-de-Mai
apparaît comme moteur indispensable aux développements de ces
industries. « La Friche de la Belle-de-Mai est l'un des projets
culturels les plus innovants de ce début de millénaire. Né
à Marseille en 1990, ce concept et d'ailleurs aujourd'hui repris dans de
nombreuses métropoles européennes (Lyon, Bruxelles,
Naples.) ». La Friche apparaît donc comme un lieu
nouveau« qui permet à la culture de jouer dans la cité
un vrai rôle de développement économique. ». La
Friche apparaît comme moteur au développement économique de
la ville tout entière. Son attractivité au niveau global a permis
d'en faire un modèle et elle est surtout« porteuse de
richesses en matière d'image ». Elle joue un rôle
marketing. Elle n'est pas seulement là pour produire et créer,
elle est aussi là pour susciter l'envie d'une même
réussite. La ville parle même d'un lieu réalisant
« la 3ème époque de l'action
culturelle », c'est dire l'importance de l'image
véhiculée par le lieu.
Concernant le pôle audiovisuel et multimédia, on
nous parle de concept « original », « unique en
Europe », visant « à développer
l'économie locale ». Là aussi, l'image et le rôle
économique sont des enjeux importants dégagés.
Ajouté à cela, on peut lire dans ce rapport que le Pôle est
finalement « la mise en synergie de tous les acteurs de l'industrie
cinématographique ». Le Pôle Média serait donc un
cluster du cinéma ? On doit tout de même émettre une
réserve qu'en à la réelle collaboration entre les acteurs.
C'était un des objectifs du projet de base. Mais aujourd'hui, qu'en
est-il ? C'est là tout le fondement de notre analyse basée
sur des entretiens et des questionnaires personnels auprès des
entreprises et de leurs salariés constituant la suite de ce
mémoire.
- 2012-2020 : Marseille attractive, « un
projet pour une stratégie partenariale » :
Au sein de ce document stratégique, la ville de
Marseille présente le territoire, son diagnostic en matière
d'attractivité, et les objectifs de développement. La
stratégie conduite depuis plusieurs années est
présentée sous la forme qui suit :
· « amélioration de l'environnement
économique et de la qualité urbaine pour encourager la
création et l'installation d'entreprises et d'activités sur le
territoire marseillais ;
· le soutien à l'émergence
d'activités et de filières innovantes, mais également, le
développement de fonctions métropolitaines pour positionner
Marseille à l'échelle régionale et sud européenne
... ;
· la mobilisation des ressources et partenariats locaux
autour d'une préoccupation centrale : le développement de
l'emploi »23(*).
Dans cette continuité, la ville de Marseille souhaite
faire de l'attractivité un enjeu majeur commun à tous les acteurs
du territoire. L'ambition première présentée est de
« permettre aux acteurs de se rassembler et de construire un projet
partenarial ». On reste toujours sur cette notion de synergie, de
partenariat, renforcée depuis la précédente
stratégie 2002-2012. Dans ce nouveau document, la ville continue de
renvoyer la Belle-de-Mai à une « vitrine pour l'ensemble de la
ville ». Mais le Pôle est cette fois sujet à
l' « innovation », au
« coworking ». On est donc passé à
échelon supérieur. La collectivité exprime même le
fait que « le secteur de la Belle-de-Mai autour du Pôle
Média et des Friches culturelles pourrait devenir « un living
lab » liant industries créatives et médias
numériques. »24(*) . Pour rappel, le « living lab »
est un concept/projet lancé par un programme européen en 2006. Ce
concept se construit autour d'une coopération d'acteurs privés et
publics, d'entreprises, de laboratoires et de collectivités locales
aboutissant à des services et usages nouveaux. La Belle-de-Mai pourrait
donc s'apparenter à un lieu où les industries culturelles et
créatives se conjuguent parfaitement. La ville relie même la
Belle-de-Mai au « quartier/cluster du transmédia et des
télécentres de Marseille ».
Finalement, aux grés des stratégies de
développement culturel, la ville de Marseille commence par distinguer la
Friche et le Pôle Média en expliquant que ce sont deux facteurs de
développement économique et de marketing urbain. Par la suite,
les termes qui renvoient aux interactions entre les différents
pôles sont de plus en plus forts. On passe de
« partenariat » à « synergie »
puis à « cluster ». On voit donc toute l'importance
du discours politique dans la perception des interactions.
b) Quel est le poids de
l'économie créative dans la région ?
Ces dernières décennies, l'émergence des
nouvelles technologies ainsi que la mondialisation ont
favorisél'accélération de l'économie mondiale.
Certaines régions mondiales, dont l'Europe, ont choisi de
s'éloigner del'industrie manufacturière traditionnelle qui
constituaitune économie considérable. Le choix s'est alors
porté sur les industries de l'innovation, c'est-à-dire
l'économie de la connaissance, de l'information, de l'immatériel
et du numérique. Cette nouvelle économie, dite créative,
est aujourd'hui considérée comme une ressource pionnière
au développement économique ainsi qu'à
l'attractivité et la compétitivité des territoires.
Dans cette optique, certains territoires dont la France, ont
produit des rapports qui répertorient les industries créatives et
leur poids dans le PIB. Pour rappel, les industries dites créatives font
suite au terme industrie culturelle qui est apparu dans les années 1950.
Aujourd'hui, elles regroupent 9 secteurs d'activités culturels et
créatifs que sont le spectacle vivant, les arts graphiques et
plastiques, la musique, le cinéma, la télévision, la
radio, les jeux vidéo, les livres, la presse, journaux et
magazines25(*).
C'est donc à partir de cette nomenclature et à
la mobilisation de plusieurs bases de données que l'analyse de la
créativité peut être faite. Grâce aux bases de
données Séquoia issues de l'ACOSS et des URSSAF ainsi que le
fichier SIRENE (Système Informatique pour le Répertoire des
ENtreprises et de leurs Etablissements), nous avons puconstituernotre propre
analyse des industries créatives en région PACA.
Une première carte a pu être
dégagée. Elle représente le nombre de créatifs en
région PACA en 2013. On y remarque que l'emploi est condensé dans
les grandes métropoles que sont Aix-Marseille et Nice.
CARTE 2 : Nombre
d'emplois créatifs dans la région PACA en 2013 par commune (selon
les codes NAF)
A l'échelle de la France, l'économie
créative représente en 2003 2,3% du PNB. Le département
des Bouches-du-Rhône se situe en 2010 au 6ème rang des
départements français avec 28 335 salariés
créatifs. L'économie créative y représente 5,4% des
emplois privés26(*)
(contre 5,6% à l'échelle nationale). Concernant l'emploi, les
industries culturelles et créatives regroupaient en 2011 1,2 million de
personnes en France, soit 5% de l'emploi intérieur total27(*).
Le développement des industries créatives dans
les aires urbaines peut également s'exprimer du fait que de grands
événements culturels peuvent y être organisés,
favorisant l'expansion et la reconnaissance des industries culturelles et
créatives sur le territoire. Prenons l'exemple de Marseille Provence
Capitale Européenne de la Culture. Ce label a permis en 2013 de donner
des centaines de manifestations culturelles et artistiques sur un territoire
regroupant 97 communes. L'aspect le plus important lié à cet
événement a été le développement de 20
grands chantiers culturels à partir de 660 Millions d'euros
d'investissements. Les investissements les plus importants sont bien entendus
situés à Marseille, où les plus grandes manifestations ont
eu lieu, avec l'aménagement par exemple du MUCEM, grand musée
Méditerranéen, mais également de salles comme la Tour
Panorama à la Friche la Belle-de-Mai, qui a permis de développer
ce lieu, par un projet de construction, et de mettre en avant ce lieu où
les projets étaient surtout des réhabilitations. Finalement, des
événements de cette ampleur sont surtout de très bons
accélérateurs de l'économie créative, bien que la
question qui se pose aujourd'hui soit l'impact « après
Capitale ». Des études ont d'ailleurs déjà
été faites ou sont en cours de réalisation sur l'impact
positif qu'a eu l'événement sur le territoire durant
l'année Capitale. Cependant, un impact négatif peut aussi
s'observer après l'année « Capitale ». On
notera par exemple que Avignon a également été Capitale
Européenne de la Culture en 2000, mais qui s'en souvient ?
Aujourd'hui, le label Capitale de la Culture semble plutôt être
décerné à des villes qui ont besoin d'être
développées et redynamisées. Marseille ne
présentait pas forcement de potentiel culturel - bien que des
aménagements étaient de facto prévus dans la candidature
de la ville - contrairement à ses concurrentes que furent Bordeaux, Lyon
et Toulouse. La ville de Marseille a surtout vu en cette candidature un
potentiel au développement de son territoire en matière de
culture évidemment, mais aussi quant au développement
économique. La question qui reste en suspens aujourd'hui
est finalement de savoir si cet évènement a engendré
un impact seulement positif, avec près d'un milliard d'euros de
retombées, ou n'est-ce pas plutôt un dispositif favorisant des
inégalités sociales voir une gentrification forte ?
Concernant l'évolution des industries créatives
en région PACA, on remarque par la carte ci-contre que
l'évolution positive se fait surtout en arrière pays. Certaines
communes du Var et du Vaucluse connaissent jusqu'à 400%
d'augmentation : c'est le cas de Sault (84) et de Seillons-Source-d
`Argens (83). On trouve également 5 communes dans le Vaucluse et 4 dans
le Var qui possèdent entre 200 et 300 % d'augmentation. Ces chiffres
sont évidemment dus au fait que ces communes n'avaient aucunes
industries créatives en 2008 et qu'elles en ont 2, 3 ou 4 en 2013. Ces
chiffres sont donc peu représentatifs ; mieux vaut étudier
des cas de plus grandes villes comme Marseille, Nice ou encore Aix-en-Provence
qui sont plus représentatives des politiques de développement
économique et culturel.
Carte 3 :
évolution du nombre d'établissements créatifs en
région PACA entre 2008 et 2013 par commune (selon code NAF)
À Marseille, les évolutions sont
mitigées. Le 14ème arrondissement connaît le
plus fort taux de décroissement avec 14,8% et le 15ème
le plus fort taux d'accroissement avec 15,9%. Les arrondissements qui sont
également en décroissance sont le 6ème, le
13ème et le 12ème. Le fait que le
13ème arrondissement se trouve en décroissance semble
d'ailleurs étonnant puisque c'est un arrondissement avec une forte
dynamique d'innovation lié au Technopôle de Château Gombert.
Le 3ème arrondissement, où se trouve le quartier de la
Belle-de-Mai, connaît quant à lui un accroissement de 5,7%. Comme
nous le verrons dans la suite de ce mémoire, la création
d'entreprises à la Belle-de-Mai se maintien de manière croissante
depuis 2008. La ville d'Aix-en-Provence connaît une légère
croissance de ces industries créatives entre 2008 et 2013 avec 1,9%
d'augmentation. On observe également à Nice une
décroissance de 5% et à Toulon une croissance de 3,5%.
Ces dynamiques peuvent s'expliquer par la Stratégie
Régionale de l'Innovation qui fait partie du Contrat de Projet
Etat-Région et qui entre dans l'élaboration du Programme
Opérationnel FEDER. Cette stratégie comporte 4 orientations
stratégiques qui sont l'innovation par les pôles, l'accompagnement
de toutes les entreprises, l'économie créative et une
Méditerranée durable et enfin l'innovation sociétale et
territoriale. Bien que cette stratégie se définisse comme
« régionale », grands nombres des projets qui la
constituent se situent dans les grandes agglomérations de PACA et sur
des territoires où l'économie créative n'est plus à
démontrer. Finalement, les aides apportées aux industries
créatives et au développement des entreprises qui y sont
liées dépendent du potentiel de chaque territoire. Sur un
territoire où les industries culturelles et créatives sont, de
facto, peu représentées, les préoccupations quant à
leur développement et parfois même leur survie sont moindres. A
l'inverse, lorsqu'une ville ou commune présente un potentiel certain au
développement d'une stratégie d'innovation, elle sera d'avance
favorisée dans les projets de territoire. Ces projets de territoire
proviennent bien évidemment des régions, mais aussi des
collectivités locales. Et bien que ces institutions aient des
compétences d'échelle totalement différentes, elles jouent
toutes un rôle dans le développement économique d'un
territoire local, c'est d'ailleurs ce que nous allons voir dans le cas de notre
territoire d'étude : le Pôle de la Belle-de-Mai.
2. La place des
collectivités dans l'aménagement du Pôle de la Belle-de-Mai
et dans sa légitimité
a) Développement de la créativité
à la Belle-de-Mai : un projet en trois
« îlots » où la ville joue un rôle
majeur
Comme nous l'avons vu, l'aide à la création
d'entreprises créatives est aujourd'hui un enjeu majeur des politiques
de développement local. Les collectivités s'intéressent de
plus en plus à l'attractivité économique que peuvent avoir
les industries créatives. Dans le cas de la Belle-de-Mai, la Ville de
Marseille a très vite cerné cette opportunité
d'attractivité par le création et la créativité. Ce
territoire offre, en effet, depuis 1992 et l'installation du Système
Friche Théâtre dans l'ancienne manufacture des tabacs, un
potentiel culturel et économique au territoire de la Belle-de-Mai et
plus largement au territoire marseillais, qu'il est essentiel de
développer et soutenir. Dans cette dynamique, elle choisit, dans un
premier temps, en 1998, de racheter la totalité de l'ancienne
manufacture de tabac sur laquelle s'est déjà installé le
Système Friche Théâtre en 1992. Grâce à cette
nouvelle collaboration entre collectivités et artistes, le projet Friche
va prendre une ampleur considérable. Les différents projets de
réhabilitation qui feront suite à « un projet culturel
pour un projet urbain » vont développer la renommée
nationale et internationale de la Friche. La ville y voit alors un potentiel
d'attractivité pour Marseille et décide de développer sur
le reste de la manufacture un ensemble conjuguant industries culturelles et
industries créatives. Elle choisit alors de répartir le
territoire en 3 îlots : un îlot spectacle vivant(que
l'on pourrait regrouper dans le secteur culturel des arts et spectacles
vivants), un îlot multimédia (qui regroupe les secteurs
culturels et créatifs du spectacle diffusé, de la communication,
du design, du marketing et de la publicité, des jeux vidéo et
logiciels) et un îlot patrimoine (qui appartient typiquement au
secteur culturel du patrimoine). Ces trois îlots regroupent trois projets
aux objectifs et perspectives différentes avec trois types d'acteurs de
développement différents. Mais la place de la ville de Marseille
dans la définition de ces dits projets y reste toujours très
importante.
- L'îlot patrimoine et institutionnel :
Pôle Patrimoine
« Le Pôle Patrimoine est axé sur la
conservation et la restauration d'oeuvres d'art et
d'archives. »28(*). Dans le cas du Pôle Patrimoine, chaque
structure est gérée de manière différente mais
toujours en partenariat avec des collectivités et/ou
l'État:
- le Centre Interrégional de Conservation et de
Restauration du Patrimoine, autonome juridiquement mais partenaire de la ville
de Marseille ;
- la Conservation du Patrimoine des Musées ;
- le Fonds Communal d'Art Contemporain ;
- l'INA-Méditerranée qui conserve les archives
audiovisuelles liées aux productions radiophoniques et
télévisuelles de la région PACA et de la Corse ;
- les Archives Municipales de la ville de Marseille,
gérées par la ville.
À ces structures, nous avons ajouté pour notre
étude le centre de conservation et de ressources du MuCEM (CCR)
puisqu'il est à proximité même du site et fait
également office d'un centre de conservation du patrimoine. Il est quant
à lui placé sous la tutelle du Ministère de la Culture qui
reste donc aussi à caractère publique.
- L'îlot multimédia : le Pôle
Média
Dans le cas du Pôle Média, c'est la ville qui
gère l'ensemble du Pôle, soit la distribution et la gestion des
locaux. On y trouve bien évidemment des entreprises privées mais
aussi des entreprises publiques et même des établissements
gérés ou subventionnés par l'État ou la
Région. C'est notamment le cas de l'incubateur (labélisé
par le Ministère de l'Education Nationale, de la Recherche et de la
Technologie) et de la pépinière d'entreprise (gérée
par Marseille Innovation) qui sont des structures accueillant des entreprises
en court de création pour une durée allant jusqu'à 18 mois
pour l'incubateur et 24 mois (renouvelables) pour la pépinière.
Pour les entreprises dont le projet aboutit, une disposition d'accueil est
également développée afin qu'elles puissent louer des
locaux directement à la ville et ainsi rester au sein du Pôle
Média. On y trouve également des structures comme PRIMI
(Pôle Transmédia Méditerranée) qui est un cluster
rassemblant les filières de l'audiovisuel et du cinéma, de
l'animation, du jeu vidéo, de l'Internet et du multimédia. PRIMI
est labellisé Grappe d'Entreprises par la DATA et PRIDES par la
région PACA. Ce Pôle fait notamment partie de la dynamique
d'innovation par les Pôles de compétitivité et les
Pôles Régionaux d'Innovation et de Développement
Économique Solidaire (PRIDES) soutenue par la Stratégie
Régionale de l'Innovation.
Photo 1 : Le Pôle Média de la
Belle-de-Mai
Source : SEVERIN Hélène, 15 mai 2015
Le projet du Pôle Média entre dans le cadre d'une
politique régionale en faveur du multimédia, le projet IRIS
(Initiatives Régionales Innovations et Stratégies). Cette
politique veut faire du développement des TIC un axe prioritaire avec le
déploiement du haut débit, l'accès public à
Internet et le développement des industries multimédia dont le
Pôle Média est un moteur important. Elle ajoute également
dans ses objectifs le développement du cinéma et de
l'audiovisuel.
Finalement le Pôle Média répond à
deux objectifs principaux :
- Développement d'une filière de contenus
multimédia, audiovisuels, cinématographiques en
région ;
- Capitaliser le tournage à Marseille et en
région PACA.
Le soutien à l'économie créative
relève des administrations des ministères, des opérateurs
issus de ces ministères et des professionnels de ces secteurs
concernés. A la Belle-de-Mai, les grands partenaires financeurs
sont29(*) :
Ø L'Union Européenne,
Ø Le Conseil Régional
Provence-Alpes-Côte-D'azur,
Ø Le Conseil Général des
Bouches-du-Rhône,
Ø La ville de Marseille,
Ø Euroméditerranée, qui assure la
promotion du site,
Ø La communauté urbaine Marseille Provence
Métropole qui assure la commercialisation des locaux et l'accompagnement
des entreprises dans leur implantation.
Enfin, les acteurs que sont Marseille Innovation, l'Incubateur
Belle-de-Mai, les Studios de Marseille, l'Observatoire des Ressources
Multimédia en Éducation, le Centre Régional de
Documentation Pédagogique et l'Espace Culture Multimédia assurent
le développement du site.
Lors de notre entretien avec Nathalie AVERSENQ30(*), chargée du projet
Pôle Média, cette dernière nous explique qu'à la
création de la communauté urbaine dans les années 2000, la
ville de Marseille décide de confier les compétences
économiques à la communauté. Elle lui a également
confié les compétences facultatives. C'est en 2008 que la ville
de Marseille souhaite récupérer les compétences
facultatives. Elle crée alors la Direction Attractivité
Economique, aujourd'hui appelée Direction des Projets Economiques
(depuis 2015). Le Pôle Média fait partie de ce pôle de
direction et MPM est en charge de sa gestion. Au sein de cette direction, on
trouve un pôle développement territorial (en charge de la gestion
et de la technique) et un pôle promotion (en charge de la
commercialisation et de la promotion).
Le Pôle Média regroupe aujourd'hui quelques 900
salariés pour une cinquantaine d'entreprises. Quatre sur cinq d'entres
elles sont des TPE de moins de 10 salariés. Le groupe lié
à la série « Plus Belle la Vie » (400
emplois) et Egencia (200 emplois) regroupent les trois quarts des effectifs de
l'îlot.
- L'îlotspectacle vivant : la Friche la
Belle-de-Mai31(*)
Situé rue Jobin, la Friche la Belle-de-Mai est une
structure regroupant des artistes, des salles de spectacles et concerts, salles
de diffusion d'oeuvres, une librairie ; regroupés dans les secteurs
culturels que sont le spectacle vivant, le spectacle diffusé, le livre
et la presse. Mais on y trouve aussi une crèche et un restaurant qui ne
sont pas des industries créatives.
La Friche s'est constituée en 2007 en
Société Coopérative d'Intérêts Communs et est
désormais locataire de la ville de Marseille31(*). Les partenaires fondateurs de
la Friche sont :
Ø Le Ministère de la Culture,
Ø Le Conseil Régional PACA,
Ø Le Conseil Général
Bouches-du-Rhône,
Ø La Ville de Marseille.
Le projet initié à la Friche est basé sur
la production et la diffusion d'une culture nouvelle accessible dans une
stratégie de mixité sociale. Les acteurs associatifs qui y sont
installés ont surtout voulu créer un lieu où tout le monde
peut se regrouper et partager. « La qualité et la
quantité des projets, leur variété et leur autonomie,
garantissent la singularité du lieu32(*). »
La question qui se pose alors est pourquoi la ville
s'intéresse à ce projet culturel ? L'engouement de la ville quant
au développement du territoire de la Friche et plus
généralement de la Belle-de-Mai se trouve simplement dans la
notoriété dégagée par la Friche. Elle reste
d'ailleurs toujours engagée dans le projet.Elle participe, chaque
année à hauteur de 6 Millions d'euros au projet de
développement des 45 000 m². A titre indicatif, sur la friche du
104 à Paris, c'est 10 millions d'euros directement injectés par
les collectivités chaque année pour 10 000 m² de projet. La
contribution de la ville de Marseille reste donc faible bien que notable par
rapport à d'autres. Alain ARNAUDET, directeur de la Friche,
explique33(*) que
« si les activités culturelles apportent beaucoup aux
collectivités qui les accueillent, cette valeur ajoutée
s'apprécie plus en matière de notoriété, de lien
social ou d'animation que d'un point de vue économique. »
Photo 2 : Toit-terrasse de la Friche la
Belle-de-Mai
Source : SEVERIN Hélène, 15 mai 2015
Finalement, le seul îlot
où la ville de Marseille n'exerce pas une totale gestion est
l'îlot 3. En effet, la réhabilitation de la manufacture en une
friche culturelle est un projet qui émane du Système Friche
Théâtre, et bien que la ville soit maître d'ouvrage des
aménagements qui y sont faits, les projets sont initiés par des
acteurs associatifs. Et c'est sans doute pour cela que la Friche constitue le
seul des trois pôles dont la mixité sociale prend une large part
des objectifs de développement34(*).
b) L `utilisation du terme de
« pôle » renvoie-t-il au concept de
« cluster » ?
Les trois îlots du
Pôle Belle-de-Mai font référence à 3 pôles que
sont la Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine. On peut
remarquer par la présente phrase que le terme
« pôle » est récurrent sur ce territoire. Il
est d'abord utilisé au sein des différents projets de
réhabilitation de l'ancienne manufacture. Il est ensuite utilisé
comme référence nominative pour l'îlot multimédia
qui devient le Pôle Média et l'îlot patrimoine qui devient
le Pôle Patrimoine. Enfin, il décrit l'ensemble qui constitue le
« Pôle Belle-de-Mai ».
Mais qu'entend-on par le terme
« pôle » ? A quoi ce terme fait
référence ?
Nous pouvons supposer que l'expression
« pôle » pourrait s'apparenter à celle de
« pôle de compétitivité ». Dans sa
définition, un pôle de compétitivité est
« une combinaison, sur un espace géographique donné,
d'entreprises, de centres de formation et d'unités de recherche
publiques ou privées engagés dans une synergie autour de projets
communs au caractère innovant. »35(*). Les mots qui ressortent de
cette définition sont « synergie » et
« projets communs ». L'intérêt de ce genre de
pôle est de rassembler des industries qui gravitent autour d'un
même secteur et ainsi leur fournir la possibilité de travailler en
corrélation. Dans le cas du Pôle Média, ce sont des
entreprises de production, de création et de diffusion multimédia
et audiovisuelle qui sont regroupées au sein d'une même structure.
Concernant le Pôle Patrimoine, ce sont des établissements de
conservation des patrimoines qui se regroupent sur un même secteur
géographique. Enfin, à la Friche, ce sont des associations
d'artistes dont le but est de produire de la culture pour tous les publics.
Bien que la Belle-de-Mai ne dispose pas de centre de formation ou de recherche,
il s'agit bien d'un regroupement d'entreprises issues de mêmes secteurs
d'activités.
Finalement, la définition du « pôle de
compétitivité » se rapproche quelque peu de celle du
« cluster » que nous avons développé en
partie 1. En effet, la possible création d'une synergie donnant lieu
à des projets communs peut s'apparenter au système
« cluster ». On retrouve d'ailleurs ce rapprochement dans
plusieurs études sur les pôles média et pôles de
compétitivité en général. Au sein de l'annexe 2 du
bilan Stratec sur la pertinence d'un Pôle Média à Bruxelles
dans l'élaboration du schéma directeur de la zone levier
n°12 RTBF-VRT36(*),
le rapprochement entre pôle et cluster est clairement fait. En effet,
« le terme « pôle » s'apparente aÌ celui de
cluster qui, en urbanisme, désigne «
une unitéì urbaine, un bloc urbain dont les activités
économiques sont homogènes ». Par exemple, un Central
Business District (CBD) tel que La Défense aÌ Paris est un
cluster. »37(*). Par définition38(*), un cluster consiste en un
regroupement d'acteurs d'un même secteur dont le rassemblement constitue
un intérêt commun. La proximité géographique entre
ces entreprises permet la mise en place d'une synergie, d'une cohabitation
collaborative, d'une proximité organisée. Dans le cas d'un
cluster de type Pôle Média, les entreprises qui se rassemblent
viennent de secteurs créatifs. Bien que la proximité
géographique soitun des points fort de ce pôle, est-elle vraiment
suffisante à la création d'une synergie ? En effet, dans
certains cas de cluster, le rassemblement n'est pas obligatoire. Grâce
aux nouvelles technologies de communications, les acteurs audiovisuels et
média peuvent se rassembler virtuellement. On retrouve dans cette
affirmation tout le paroxysme du paradigme de cluster. Un cluster est un
regroupement d'entreprises dont la proximité géographique et la
proximité organisée est une nécessité. Mais la
proximité géographique, dans sa limite, n'est pas toujours
nécessaire de manière quotidienne. Le lien peut évidemment
se créer par les nouvelles communications et les nouveaux modes de
transports. Finalement, cela revient à nous questionner sur le fait que
la proximité géographique ne produit pas toujours de
proximité organisée. Dans le cas de la Belle-de-Mai par exemple,
les entreprises se sont surtout implantées là pour le prix et
pour la renommée du lieu, mais cherchaient-elles vraiment à
créer du lien avec d'autres acteurs ?
Le cluster est donc une stratégie intéressante
lorsque les acteurs se regroupent pour former un ensemble synergique où
les projets se ressemblent et s'assemblent. Il est même très
intéressant de voir des entreprises dont l'efficacité
économique augmente lorsqu'elles entrent en rapport avec d'autres
entreprises environnantes dont la réussite est certaine. Nous devons
donc nous demander, pour le cas de la Belle-de-Mai et pour la suite de notre
analyse, si des interactions existent entre les entreprises et, si elles
existent, est-ce que l'ensemble de sociétés est plus efficace
qu'une activité consolidée par une seule entreprise ?
c) Le Pôle Belle-de-Mai comme une réussite de la
ville
Nous l'avons constaté dans les deux points
précédents : les collectivités ont fort à
faire sur le territoire de la Belle-de-Mai. Et c'est bien par la
réhabilitation du Pôle Belle-de-Mai que la ville de Marseille veut
montrer sa capacité à innover, à être créatif
et attractif. Aujourd'hui, les trois îlots ont été
totalement rénovés : la Friche, bien qu'elle ne soit pas
immuable, constitue aujourd'hui un moteur dans l'économie culturelle
marseillaise ; le Pôle Média dispose de nombreux atouts dans
les secteurs du multimédia, des TIC, de l'audiovisuel ; le
Pôle Patrimoine regroupe des structures de conservation et de
restauration du patrimoine qui sont un autre potentiel à
l'économie culturelle de Marseille. Mais la réhabilitation de ces
trois pôles par les collectivités, par des promoteurs, et par des
associations, avaient bien d'autres objectifs : créer des clusters
où les entreprises travaillent en synergie autour d'un projet commun,
créer un pôle de compétitivité regroupant l'ensemble
des trois îlots où la proximité organisée viendra
s'ajouter aux rapprochement des acteurs publics, privées et associatifs.
Quelle est la position du discours politique quant à la
stratégie collaborative à la Belle-de-Mai ?
Selon Catherine KERBRAT-ORECCHIONI (2008), l'analyse de
discours doit impérativement répondre aux principes
suivants : il est nécessaire de prendre en compte la
totalité du matériel qui compose le discours ; de prendre en
compte le caractère co-construit, c'est-à-dire ses
répercutions en amont et en aval ; de prendre en compte les
facteurs contextuels les plus pertinents. Finalement, l'analyse de discours est
un outil au questionnement de son impact au-delà de son dire.
Dans le cas de la Belle-de-Mai, les politiques se servent en
effet du succès du pôle pour se légitimité ainsi que
leur politique auprès des citoyens. « Aujourd'hui, les trois
pôles « auteur, patrimoine et média » sont une
réussite »39(*) selon Jean-Claude GAUDIN, maire de Marseille.
Déjà, dès l'ouverture du Pôle Média, le maire
se félicite du travail accompli sur le territoire Belle-de-Mai. Mais la
différenciation entre les trois îlots, qui fait partie du discours
politique de manière récurrente, n'aide pas la mise en place d'un
écosystème d'ensemble favorable aux industries créatives.
Le pôle qui est, d'ailleurs, le plus mis en avant est l'îlot 2.
Selon Alain AYOT, vice-président du Conseil Régional,
« ce n'était pas dans nos compétences, mais il s'agit
d'un élément essentiel du développement de la
filière cinéma et audiovisuel en région. ».
Alain AYOT exprime par là le fait que le Pôle Média soit
une réussite, et bien que n'appartenant pas aux compétences de la
région (celle-ci faisant tout de même partie des
développeurs économiques du pôle), il apporte à la
région un outil important dans les secteurs de l'audiovisuel et du
cinéma. Les retombées d'un tel pôle de développement
ne sont donc pas simplement de l'ordre du local, mais au-delà, du
supra-local voir du global.
Jean-Noël GUERINI, président du Conseil
Général, salue « cet ouvrage, qui est le fruit d'une
collaboration entre l'ensemble des collectivités territoriales, l'Etat
et l'Europe. Cet esprit de concertation qui a présidé
d'emblée à cette opération doit perdurer. ».
Enfin, Renaud MUSELIER, ancien secrétaire d'État aux affaires
étrangères et premier adjoint, se dit « réjoui
que le monde de la culture et de l'économie se rejoignent dans ce
lieu. ». Finalement, le pôle sur lequel la ville de Marseille
semble le plus avoir « misé » est le Pôle
Média, et c'est une réussite ! La collaboration entre
différentes collectivités de différentes échelles
semble avoir fonctionné.
Lors de la candidature de la ville auprès de
l'État pour devenir l'un des 15 « quartiers
numériques », la Belle-de-Mai est de nouveau mise sous les
projecteurs. Dans un article paru le 24 septembre 2013 dans la Provence, le
titre « SiliconValley à la Belle-de-Mai »40(*) est très
évocateur. Daniel SPERLING, adjoint UMP délégué
à l'accès à Internet, souhaite faire de ce secteur
« un vivier international du numérique, ainsi qu'il avait
déjà exprimé le souhait à Fleur Pellerin, la
ministre à l'Économie numérique, en visite en septembre
2012 à Marseille. ». Le terme
« international » est ici lourd de sens. On le retrouve
d'ailleurs par la suite : « en termes de moyens et de
valorisation à l'international, c'est énorme. »Le
projet du Pôle Média est un projet global de développement,
dont le rôle principal est une nouvelle dynamique attractive de
Marseille. Fleur PELLERIN, ministre de la culture, exprime quant à elle
le fait que « cette ville a des atouts considérables et qu'il
faut développer » lorsqu'elle se rend au Pôle
Média en septembre 2012. Elle y confirme d'ailleurs que l'État
accompagnera le projet de la stratégie numérique à la
Belle-de-Mai.
Bien que le Pôle Média soit souvent mis en avant
au sein du discours politique, les deux autres îlots sont beaucoup moins
représentés. Comme nous pourrons le voir, la Friche est bien
souvent reliée au quartier et ce sont donc des acteurs locaux
associatifs qui la représentent. En vue de cette mise à
l'écart des îlots patrimoine et spectacle vivant, il est tout
à fait normal de ne trouver aucune locution politique précise
quant aux interactions entre les trois pôles. Et c'est là tout le
problème. Dès le début du projet, les trois îlots
sont différenciés ; c'est comme si, géographiquement,
ils étaient distants de plusieurs dizaines voire centaines de
kilomètres. Pourtant, ils partagent le même espace sur le
territoire. Du coup, on peut se poser la question de l'impact d'une telle
distinction : est-ce que cette différenciation reste de l'ordre du
discours politique ou est-ce qu'elle s'est reflétée sur le
discours des acteurs du Pôle Belle-de-Mai ? C'est la question à
laquelle nous tenterons de répondre dans notre prochain chapitre.
3. Étudesinstitutionnelles et
discours de la presse
« Parce qu'il est le
produit d'un champ social singulier (le champ politique), le discours politique
doit donc être étudié comme genre singulier doté
d'une certaine cohérence. » (LE BART, 2003). Le discours
politique reste principalement le vouloir-dire des acteurs politiques. Il
représente peu souvent la réalité du monde social. C'est
pourquoi les citoyens sont le plus souvent méfiants face à ce
type de discours. Il représente les idéologies et la position du
locuteur. L'étude des discours est certes une science qui remonte
à l'antiquité, mais qui prend de plus en plus d'importance dans
le champ politique avec la question de la légitimé des
élus. L'un des précurseurs de la définition d'une
théorie de l'analyse du discours en politique est Pierre BOURDIEU. Il
décrit le champ du discours politique comme un illusio,
c'est-à-dire comme un jeu dont les acteurs politiques sont les
pions et dont la possibilité et la prévisibilité ne se
fait que par le chercheur, qui se trouve ex-consensus. L'illusio
apparaît comme une croyance, voir même une contrainte puisque
qu'elle s'impose à l'ensemble du cercle politique. Elle est
intériorisée et prend la certaine forme de foi, foi qui
paraît transparente voir invisible in-consensus. Finalement, selon
BOURDIEU, on ne peut comprendre les croyances d'un champ que lorsque qu'on se
trouve à l'extérieur de ce champ, là où la croyance
n'existe plus41(*).
Mais bien que les acteurs politiques aient fait de leur
croyance une vocation, il n'en existe pas moins différentes
stratégies ou tactiques discursives. Un même professionnel de la
politique n'aura pas le même discours selon s'il agit de manière
ponctuelle, professionnelle ou collective. Il existe donc autant de discours au
sein du champ politique que de locuteurs. Finalement, le champ politique n'est
pas, comme tout champ social, une opposition entre le dedans
(l'illusio, la croyance) et le dehors (ce qui peuvent ne pas y
croire). C'est aussi une opposition entre les positions dominantes et
dominées (locuteurs en position inférieure ou latérale).
Aussi, quelle est la place des citoyens dans un champ social qui n'est pas
renfermé sur lui-même ? Le discours politique suscite de plus
en plus de méfiance. Les professionnels de la politique n'ont donc pas
le pouvoir de transmettre leur croyance. Ils ne sont d'ailleurs même plus
légitimes par leur simple statut politique. Le discours politique s'est
aujourd'hui étendu au-delà du simple champ politique.
C'est-à-dire qu'il est également utilisé par les
professionnels de la politique pour se légitimer face au citoyen.
Dans le cas de la Belle-de-Mai, quelle est l'importance de
cette linguistique particulière ? Quel rôle joue le discours
politique dans la mise en évidence et la promotion du Pôle
Belle-de-Mai ?
a) Le rapport LEXTRAIT : vers la
reconnaissance des territoires culturels ?
L'un des discours pionnier relatif
à la reconnaissance des territoires créatifs a été
apporté dans le rapport LEXTRAIT sur les nouveaux territoires de l'art.
Ce rapport édité en 2001, intitulé dans son premier volume
« une nouvelle époque de l'action culturelle » fait
suite à une demande du secrétaire d'État au Patrimoine et
à la Décentralisation Culturelle Michel DUFFOUR. On y trouve des
monographies et fiches d'expériences de nouveaux territoires de l'art
comme la Caserne d'Angely à Nice, la Gare au Théâtre d'Ivry
ou encore la Friche la Belle-de-Mai à Marseille. Ce rapport marque donc
la prise de conscience des institutions et donc des acteurs politiques de ces
nouveaux territoires de l'art, de la culture, et même de la
créativité.
Dans sa fiche détaillée sur la Belle-de-Mai,
Fabrice LEXTRAIT dresse un portrait détaillé de
l'évolution de l'ancienne manufacture de tabac de Marseille. Il
décrit le projet de réhabilitation comme une confrontationau
« gigantisme »42(*) du lieu qu'est la Belle-de-Mai. Les bâtiments
réaménagés proposent des espaces
« inouïs » au spectateur. LEXTRAIT va même
jusqu'à décrire la requalification de la Friche comme
évoquant « la poésie de ce paysage urbain ».
« De programmation en programmation, la Friche la Belle-de-Mai
devient en quelques années l'un des principaux pôles de
création, de résidence et de pratique culturelle de la
ville »43(*). On
voit déjà, avant même qu'une analyse du Pôle
Média et du Pôle Patrimoine soit faite par les politiques, le
terme « pôle » apparaître. Cette fiche rapporte
également les propos de Philippe FOULQUIE, à l'époque
directeur du Système Friche Théâtre. Il se pose d'ores et
déjà la question suivante : « et si la culture
était l'alternative économique dont cette ville et ce quartier
avaient besoin ? ». L'importance de cette interrogation va
porter ses fruits lors des projets et stratégies d'aides aux industries
culturelles décidés par l'État suite à ce
rapport.
Bien que le rapport prône la culture comme
développeur économique local, Fabrice LEXTRAIT émet
déjà des réserves quant aux orientations de la
réhabilitation de l'ancienne manufacture. « Sans avancer sur
ce terrain, il est fort possible que chaque îlot se sclérose sur
ses propres pratiques, alors que l'ambition du projet est de garantir une
transversalité réelle à l'échelle de la Friche,
à l'échelle du quartier, de la ville et de la très grande
région. »44(*). Les orientations du projet qui sont initiées
au début des années 2000 prônent la mixité sociale
et la collaboration entre les structures des 3 îlots de la Belle-de-Mai.
Néanmoins, ce projet paraît quelque peu ambitieux puisque l'impact
attendu par la réhabilitation de l'ancienne manufacture sera, selon la
ville de Marseille et ses acteurs, à échelle de la Friche, du
quartier, de la ville et même de la région. Bien que l'impact sur
la Frichen'est plus à prouver aujourd'hui, puisque le lieu subsiste
depuis maintenant 20 ans, ses répercussions sur le quartier sont bien
moindres. Par contre, l'image que le lieu culturel dégage a su profiter
à la ville de Marseille et en à fait sa renommée. Aussi,
les aménagements des deux autres îlots - patrimoine et
multimédia - se sont directement répercutés sur
l'économie de Marseille, de la région, et même - comme il
l'est parfois présenté dans le discours politique- de la France
(notamment pour les développeurs que sont l'incubateur, la
pépinière et le cluster PRIMMI classé PRIDES).
Contrairement aux relations que vont entreprendre les
différents projets avec leur territoire, les liens au sein de la Friche
sont, pour LEXTRAIT, un des éléments clés de sa
stabilité à la Friche. « En multipliant et en
diversifiant les modalités de résidence, il se crée des
interactions multiples qui favorisent les rencontres et la synergie entre les
artistes. »45(*). Pour lui, le fait que les artistes soient
résidents à la Friche permet de développer des liens entre
eux et des collaborations apparaissent.
LEXTRAIT considère également que les
salariés des autres pôles vont pratiquer la Friche puisque la
population de la Friche qui est définie dans son rapport est l'ensemble
des salariés des deux autres pôles ainsi que tous les publics
extérieurs.
À la fin de son analyse, LEXTRAIT pose la question du
devenir de la Friche. Il propose alors une alternative où
« soit le développement en trois îlots plus ou moins
réunis par des espaces communs de circulation confirme les perspectives
proposées par des gestionnaires, ...; soit un engagement plus audacieux,
continuant d'appuyer les dimensions artistiques, fondant une coordination
où chacun des trois îlots apporte ses propres contributions, pour
lui- même et pour l'ensemble, ... . »46(*). Il ajoute d'ailleurs à
cela que pour que le développement d'un éco-systéme
où tout le monde travaillerait en synergie, l'engagement politique est
très important. Pour lui, si la ville de Marseille, l'État et le
ministère de la Culture ne s'intéressaient pas à la
coordination possible entre les trois îlots, cela entrainerait
l'échec de la Friche47(*) qui « pourrait bien stigmatiser
l'impuissance de la puissance publique, son incapacité à
appréhender le nouveau, à s'occuper d'innovation. ».
Finalement, la réussite - ou l'échec - aurait des
conséquences directes sur la ville et sur sa légitimité
quant à sa puissance d'appréhension de l'innovation.
b) Le discours de la presse plutôt
tourné vers l'impact sur le quartier et vers l'institutionnalisation du
projet que sur les interactions entre les îlots
Au-delà du discours politique qui prône la
collaboration entre les collectivités et l'attractivité que
renvoi le projet, le rôle des études sur les industries
créatives et de la presse dans la perception de l'impact positif de
cette réhabilitation semble tout aussi capital. Leurs discours rend
fondamentalement le discours politique et son locuteur légitime. Traiter
du discours de la presse revient à comprendre la manière avec
laquelle les événements sont traités dans et par la
presse. Au même titre que le discours politique, le discours de la presse
appartient à la linguistique. Il constitue lui aussi un moyen de
locution et une façon d'imager un événement. Les termes
qui y seront employés seront évidemment différents selon
l'auteur mais aussi selon le contexte. Au-delà du fait que la presse
traite les événements -plus ou moins importants- et les expose au
grand public tout en leur donnant une dimension politique, elle permet aussi de
créer un sentiment d'appartenance et de mémoire. Il en revient
donc d'étudier les termes forts qui y sont utilisés, le contexte,
la nature de l'échange.
Pour sélectionner nos articles, nous avons dans un
premier temps pris les articles concernant le quartier de la Belle-de-Mai entre
1981 et 2015. Ensuite, nous avons choisi ceux dont le titre est
constitué d'un ou de plusieurs des termes suivants : Belle-de-Mai,
Friche, Pôle Média, Pôle Patrimoine, art, culture, quartier.
Bien évidemment, nous n'avons malheureusement pas pu retrouver
l'ensemble des articles sur le sujet de la Belle-de-Mai, mais nous nous sommes
concentrés sur les journaux le Méridional, la Provence, la
Marseillaise, la Croix. Nous avons ainsi réduit nos articles au nombre
de 43. Puis, nous les avons lus et analysés et n'avons gardés que
les plus pertinents pour notre étude.
Voici le tableau
récapitulatif des articles de presses dont nous nous sommes
inspirés pour notre analyse48(*):
Années
|
1981
|
1989
|
1994
|
1998
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2009
|
2011
|
2012
|
2013
|
2014
|
2015
|
Nombres d'articles de presse
|
1
|
1
|
1
|
1
|
1
|
5
|
1
|
4
|
1
|
2
|
3
|
4
|
7
|
1
|
Tableau 3 : Articles
de presses sur la Belle-de-Mai
- Projet de Friche :
La première analyse qu'il
convient de faire, est celle du projet de la Belle-de-Mai que la presse a mis
de nombreuses fois sur le devant de la scène tentant d'en faire LE lieu
référence de la culture à Marseille. Dès 1994, dans
la Provence,« l'opération résurrection de la
Belle-de-Mai semble réussie. »49(*). « Le site de la Seita s'ajoute aux 45
hectares de friches industrielles de Marseille auxquelles Christian Poitevin,
élu à la culture, rêve de donner une seconde
chance. ». On parle également des
« créateurs » de la Friche (en parlant du SFT), on a
donc déjà une référence à la création
et la créativité. Le terme
« résurrection », également utilisé
dans le titre est lourd de sens. En effet, l'auteur aurait très bien pu
choisir un terme comme « aménagement » ou
« réhabilitation », des termes qui renvoient
plutôt à une redynamisation d'un milieu urbain alors que
« résurrection » est, par définition, le
retour à la vie. Il semblerait donc que seulement deux ans après
la réhabilitation, le projet soit une réussite. Et c'est
d'ailleurs grâce à des mots comme celui-là que la Friche et
les deux autres îlots (bien que moins représentés au sein
de la presse) ont pu développer leur image. En 2002, la Provence
décrit la Friche comme un « interlocuteur
incontournable »50(*)en matière de politique culturelle.
Malgré tout, la Friche « pâtit encore, dix ans
après son ouverture, de deux handicaps majeurs. ». Le premier
handicap est le statut, le deuxième est l'image. En effet, bien que la
Friche apparaisse comme un moteur au développement économique par
la culture à Marseille, elle n'a pas vraiment eu d'impact sur son
quartier51(*), d'où
une image un peu péjorative de lieu culturel qui tourne le dos à
son territoire.Et cette image est d'autant plus représentative qu'elle
est le rapport entre les habitants du quartier et la Friche. Beaucoup
considèrent que la Friche est un « monde à
part » et qu'elle n'a rien à voir avec leur quartier. Bien que
les politiques et la presse tentent de minimiser ce rapport, il reste
très représenté et a peu changé depuis la
réhabilitation des trois îlots.
De plus, la presse insiste elle aussi sur le fait que
l'institutionnalisation du projet joue un rôle primordial. L'État
s'implique en effet dans les projets de réhabilitation.
« Soucieux d'y répondre sans chercher à
régenter, l'Etat s'implique donc, aidé des relais locaux, se
mettant à leur écoute et débloquant des fonds
spécifiques de développement. »52(*). On insiste également
sur le fait que l'accompagnement administratif est très important pour
l'intégration des artistes et le développement de la
« consommation culturelle »53(*).
En fin de compte, le discours de la presse tente de montrer au
public l'importance d'une proximité institutionnel entre les acteurs de
la Friche pour son développement. Il insiste sur le fait que les
collectivités ont participé au projet, mais ne semblent pas
s'intéresser aux interactions possibles entre les structures
développées. Il faut surtout montrer que le projet est une
réussite et qu'il a permis à Marseille d'être plus
attractive sur le plan culturel.
- Projet du Pôle Média :
Concernant le Pôle Média, les Nouvelles
Publications, dans un article de 2004, peu de temps après son
inauguration, présentent le pôle comme nouveau lieu du
numérique à Marseille. Et d'ailleurs, pour le journal,
« avec ce pôle, Marseille n'a pas lésiné sur les
moyens. »54(*).
La Provence, quant à elle, décrit ce pôle comme
étant le nouveau « cadre idéal du développement
de projets avec d'autres entreprises du cinéma, de l'audiovisuel et de
multimédia. »55(*). La Belle-de-Mai est donc une nouvelle fois mis en
avant. Mais cette fois le projet n'est pas renvoyé à un
renfermement de l'ancienne usine, à son impact sur le quartier, mais
à ses répercussions sur l'ensemble de Marseille. Et le
caractère politique du discours prend tout son effet. Le projet du
Pôle Média a entièrement été
décidé par la ville de Marseille - contrairement à la
Friche où le SFT s'est d'abord installé avant que la ville
rachète l'ensemble de l'ancienne manufacture -, c'est sans doute pour
cela que l'impact économique est d'autant plus mis en évidence.
En 2012, le « grand Pôle Média marseillais »
apparaît dans le Provence comme « symbole de dynamisme et de
créativité »56(*). Le Pôle Média reste donc un poids
important dans l'économie marseillaise. Les termes
« dynamisme » et
« créativité » utilisés doivent
permettre au lecteur de voir ce pôle comme lieu d'attractivité de
la ville de Marseille.
Bien que les projets Friche et Pôle Média soient
exprimés dans la presse, nous n'avons rien trouvé concernant le
Pôle Patrimoine. Nous n'avons également rien
répertorié concernant les interactions entre les pôles.
Bien souvent, les articles parlent du rapport entre le projet Pôle
Belle-de-Mai et le quartier, c'est-à-dire son ancrage territorial,
étudié en partie 3 de notre mémoire.
Chapitre 2 : analyse des discours des acteurs
Quels sont les liens au sein des
pôles ? Quelles sont les interactions entre les 3 pôles ?
Quels projets existent pour mettre en place ces interactions ? Est-ce que
l'ambition de la synergie est partagée par tous ? Toutes ces
questions sont celles que nous avons posées aux acteurs publics,
associatifs et privés du Pôle de la Belle-de-Mai. Leurs
réponses vont notamment nous permettre d'appréhender la
réalité est d'assimiler - ou non - l'ensemble à un cluster
créatif.
1. Une « synergie »
au sein des pôles ?
a) Interactions au Pôle Patrimoine
L'ensemble du Pôle
Patrimoine, sous-entendu le CICRP, l'INA, le Fond Communal d'Art Contemporain,
les réserves des musées de la ville de Marseille et les Archives
Municipales, est géré par l'État et la ville de Marseille.
A ces 4 structures vient s'ajouter le Centre de Conservation et de Ressources
du MuCEM (CCR, aussi appelé Réserves du MuCEM) qui est
présent sur le site de la Belle-de-Mai seulement depuis 2012.
Contrairement à la Friche ou au Pôle Média où les
acteurs sont associatifs et/ou privés, la mise en synergie du Pôle
Patrimoine est facilitée par cette proximité cognitive et
institutionnelle entre les structures.
Roland MAY, directeur du CICRP, que nous avons
rencontré le 23 avril 2015, nous a confié que son centre a
déjà été sollicité par les réserves
des musées et les archives. Le CICRP entretient d'ailleurs des liens
forts avec les Archives Municipales puisqu'il dispose d'une grande salle de
conférence de 250 places. Ils y ont d'ailleurs organisé en 2011
et 2013 des journées d'étude et des colloques. Il entretienne
également des relations avec les réserves du MUCEM.
Néanmoins, il n'y a pas de lien avec l'INA - qui n'a d'ailleurs de lien
avec personne. L'INA organisait auparavant des projections, mais depuis 5 ans
ce n'est plus le cas. M.MAY nous confie d'ailleurs qu'ils n'ont pas
« les mêmes finalités professionnelles ».
Dominique SAMANNI57(*), régisseur des collections et responsable des
réserves des musées de Marseille (nom communément
donné à la Conservation du Patrimoine des Musées), nous
confie elle aussi n'avoir aucun lien avec l'INA. Elle confirme, par contre,
avoir des partenariats avec le CICRP, les Archives Municipales et le Fond
Communal d'Art Contemporain.
Emilie GERARD, conservatrice et directrice des réserves
du MuCEM nous a accueilli dans ces locaux le 07 mai 2015. Au même titre
que les précédents entretiens, nous lui avons demandé
quels sont les partenariats que les réserves entretiennent avec les
autres structures du Pôle Patrimoine. Il existe un partenariat avec le
CICRP qui était jusqu'alors informel et qui est devenu formel par une
convention. Avec les Archives Municipales, ils entretiennent des liens
plutôt informels sur les mêmes types d'événements
comme lesjournées du patrimoine.Les liens existent plus au dans
l'aspect événementiel mais pas tellement sur des financements,
puisque les structures du pôle sont différentes ; sauf le
CICRP avec qui les réserves ont un partenariat de compétence
autre qu'événementiel. Bien qu'il n'y ait pas de convention, sur
des événements comme la fête de la mémoire qui a
réuni le CICRP, l'INA, la Friche et les Archives Municipales, chacun a
sa « valeur ajouté ». Emilie GERARD classifie enfin
les partenariats qu'ils ont avec l'ensemble du Pôle Belle-de-Mai avec en
première position le CICRP puis la Friche et enfin les Archives
municipales.
Boris GAUBERT des Archives Municipales nous explique quant
à lui, lors d'un entretien téléphonique, avoir des
relations avec le CICRP et de temps en temps avec l'INA.
Enfin, concernant l'INA Méditerranée, nous
n'avons malheureusement pas pu rencontrer de personnes pour répondre
à notre demande.
Dans le cas présent, la proximité
géographique entre les structures a permis la mise en place de
partenariats. Ces partenariats peuvent être informels comme pour des
événements ponctuels ou bien formels comme c'est le cas entre le
CICRP et les réserves du MUCEM. La proximité organisée
s'établit donc par le biais de contrat institutionnel. Finalement, nous
pouvons supposer que le Pôle Patrimoine pourrait s'apparenter à un
cluster qui réunit des industries culturelles travaillant en synergie
autour d'un projet commun : la conservation du patrimoine. En effet, les
industries culturelles du Pôle sont toutes issues du secteur public et
sont gérées par les collectivités et/ou l'État.
Bien que l'INA reste très légèrement
éloignée du caractère synergique, l'ensemble semble tout
de même fonctionner d'une manière très collaborative. La
mission de l'INA étant la concertation des fonds régionaux, son
secteur d'activité semble finalement plutôt de l'ordre du
média et de l'audiovisuel, au même titre que le Pôle
Média.
b) Interactions au Pôle
Média
Le Pôle Média de la Belle-de-Mai réunit
des industries de l'image, du son et du multimédia dans un espace de 30
000 m². Bien que ces entreprises semblent cognitivement associables, qu'en
est-il de la réalité ?
Fabien PIERRE-NICOLAS de la société NOVIWARE,
confie dans un entretien publié sur le site du Pôle Média,
que « le Pôle essaie de trouver des synergies entre les
entreprises afin de faire naître des projets à forte valeur
ajoutée pour chaque partenaire. »Le Pôle Média
est donc un outil de développement de projet commun, où le
travailler ensemble sera plus bénéfique que le travailler
séparément. Un des principes fort du cluster en temps
qu'éco-systéme favorable aux industries créatives et le
principe de concurrence-coopération.
Lorsque la question du choix du site de la Belle-de-Mai est
posée à Grégory COLPART, Société EVOLIX, la
réponse est « incontestablement la dynamique du site : le
côtoiement facile des entreprises entre elles, qu'elles soient en
incubateur, pépinière ou déjà constituées,
l'échange des expériences... ». Selon Pierre GARBEY de
Citivox,c'est « le fait d'être entouré d'entreprises
spécialisées dans le numérique, le multimédia ou
l'innovation, qui ont fait la différence. C'est cette synergie qui est
le point intéressant du Pôle, véritable carrefour
d'échanges.»58(*). Lors de notre entretien avec Céline SOULIERS,
directrice de l'incubateur, celle-ci précise que l'incubateur a deux
partenariats couverts par une convention, un avec le cluster PRIMI et un avec
la pépinière Marseille Innovation. Ils travaillent
également avec des entreprises comme Data-Observer et Galoo. Mais les
partenariats conventionnels restent des partenariats entre des structures avec
les mêmes objectifs : développer des projets pour qu'ils
deviennent des entreprises. Pour Nathalie AVERSENQ59(*), responsable du projet
Pôle Média, la « synergie professionnelle »
fait la force du Pôle Média. C'est un « immeuble
d'entreprises qui vit sa vie » et « c'est aussi une adresse
qui fait envie ».
Bien que la synergie soit la principale cause du choix des
entreprises du Pôle Média comme lieu d'installation, ce n'est pas
le cas de toutes. On peut alors se poser la question de la taille critique et
de la culture du secret d'entreprise - qui correspond à une structure
où il y a suffisamment d'entreprises qui ont le même but et qui
coopèrent ensemble-. Cela suppose donc un effectif conséquent.
Mais est-ce le cas du Pôle Média ?
Bien que beaucoup d'entreprises appartiennent à des
secteurs du multimédia et de l'audiovisuel, d'autres n'en font pas
partie.EGENCIA est une entreprise de voyages d'affaires, la
5ème au niveau mondial et la 3ème en
France, et elle n'a pas choisit la Belle-de-Mai pour ces collaborations. Cette
entreprise de 200 salariés sort en effet du contexte
« industries créatives » dans lequel le Pôle
Média s'est installé. Selon Abdelkarim DJOUHRI, « le
Pôle Média s'est montré très réactif pour
mettre à disposition des infrastructures adaptées avec une
surface et un loyer attractifs. »60(*). C'est donc les prix très attractifs du lieu
qui prônent sur l'installation de l'entreprise. D'autres entreprises
comme France Télévision ou TelFrance ne sont sans doute pas non
plus à la Belle-de-Mai pour les interactions. Ce sont des structures
très fermées qui n'entretiennent pas de lien avec les entreprises
environnantes.
Il existe aujourd'hui de nouveaux modèles où on
utilise les règles du jeu du spectacle. On a un metteur en scène
qui partage ses idées avec des acteurs et met ces acteurs en liens avec
d'autres. Chacun travail l'un pour l'autre. Mais à la Belle-de-Mai, il y
a une liberté des entreprises à venir au Pôle Média,
on n'a pas à faire à un manager, un organisateur. Concernant ce
nouveau modèle, les locaux sont loués et donc les entreprises ne
choisissent pas de venir, c'est le promoteur qui décide qui vient. Et
donc, par extension, ce sont les meilleurs de la créativité qui
viennent. C'est par exemple le cas de l'incubateur où les entreprises
qui sont installées sont choisies par MPM qui est instructeur des
dossiers. Finalement, de notre point de vue, le but au Pôle Média
est de faire de l'argent, de créer de l'emploi, et pas forcement de
créer de l'échange.
c) Interactions à la Friche
La Friche apparaît comme un
regroupement d'artistes dont le projet commun est de produire de la culture
pour tous les publics. Selon Alain ARNAUDET, directeur de la Friche, ce lieu
est devenu un « modèle économique fort ».
Point auquel il ajoute que « au moment de sa relocalisation
(îlot 3) et de l'ouverture du « Pôle
Média » (îlot 2), la Friche défend plus fortement
un travail de synergie complémentaire à son impact artistique et
culturel. »61(*). C'est donc par la synergie que la création
artistique et culturelle pourra se développer. Il ajoute à cela
que « aujourd'hui, l'intention de la Friche est de mobiliser des
acteurs sur la réalisation de projets communs ».
Concernant nos entretiens, Susana MONTEIRO, chargée
d'action culturelle de la Friche et Yann LORTEAU, chargée de la gestion
du site, nous ont confié que leurs premières ambitions
étaient de créer un lien avec le quartier et d'offrir à
Marseille un lieu culturel d'accueil de renommé. Marion LATUILLIERE,
directrice de la crèche, nous explique62(*)quant à elle que son établissement n'a
pas de partenariat financier avec d'autres structures de la Friche.
Néanmoins, la crèche à un partenariat avec les grandes
tables puisque la personne qui s'occupe des repas des enfants est
employée par le restaurant. Il leur arrive également d'aller
à la Friche pour des expositions, qu'ils ont au préalable
sélectionnées avec les parents. Ils travaillent surtout avec les
médiateurs de l'atelier le Cartelpour mettre en place ces
journées.
Finalement, ce qui ressort le plus souvent concernant la
Friche, c'est son objectif de mixité sociale et d'ouverture sur le
quartier et sur la ville. La Friche étant composée en SCIC, on
peut supposer que le caractère associatif de son organisation permet aux
artistes de travailler les uns avec les autres autour de projets
événementiels ou même à long terme.
2. Quelles interactions pour quel type
d'écosystème ?
Bien que, pour les politiques, le
Pôle de la Belle-de-Mai est un écosystème qui fonctionne en
synergie, qu'en est-il des acteurs des 3 îlots qui le constituent ?
Est-ce que des partenariats existent ? S'il existent, sont-ils
plutôt représentatifs au sein des pôles ou entre les
pôles ?
a) Un souhait de créer une collaborationentre
pôles est bien présent
Nous avons remarqué que le souhait de collaborer avec
les structures alentours est très présent dans le discours des
acteurs. Alain ARNAUDET, par exemple, explique qu'« aujourd'hui,
l'intention de la Friche est de mobiliser des acteurs sur la réalisation
de projets communs, d'associer l'ensemble du site (îlots 1, 2, 3) au
territoire et de lui (re)donner vie du même coup en optimisant l'aide
à la production, à la diffusion, à la formation et aux
structures intermédiaires. »63(*). Le directeur de la Friche a donc plusieurs
ambitions : créer du lien au sein de son pôle et rassembler
les 3 pôles au profit du territoire.
Céline SOULIERS nous explique que l'incubateur aimerait
avoir des liens avec les entreprises des autres pôles, mais que cela lui
paraît impossible. Premièrement, les entreprises ne sont pas
forcement au courant de ce qu'il se passe à coté.
Deuxièmement, on a tendance à trop différencier les trois
pôles alors qu'ils se regroupent dans un seul bâtiment. Et
troisièmement, rien n'est fait pour que les gens se connaissent et
échangent entre eux.
Roland MAY, directeur du CICRP, nous confie que si un
événement était organisé en rassemblant les trois
pôles, ils aimeraient y participer. Emilie GERARD espère quant
à elle qu'il y ait un apport du Pôle de la Belle-de-Mai sur le
quartier mais aussi un apport des pôles, dont la réhabilitation
est une réussite, les uns par rapport aux autres. Elle se pose
d'ailleurs la question de cette proximité qui est soit un mélange
social, soit peut-être plutôt un vernis social. Nathalie AVERSENQ
pense aussi qu'il y a forcement une passerelle pour créer du lien les
uns avec les autres puisque ce ne sont que des industries créatives.
Elle tente de mettre régulièrement en contact des personnes de la
Friche avec d'autres aux pôles Média. Mais ça reste du cas
par cas, il n'y a pas de projet de fond. La Friche l'a par exemple
contactée pour reloger des frichistes provisoirement au
Pôle Média. Mais la mise en réseau des entreprises n'est
pas facile, il faut surtout toutes les connaître et savoir ce qu'elles
pourraient mutuellement s'apporter. Yann LORTEAU aimerait, quant à lui,
nouer des liens avec des conservatrices du Pôle Patrimoine pour des
événements de type expositions par exemple.
La Friche et le Pôle Média ont un site Internet
commun qui permet de regrouper des informations sur des
événements ponctuels, sur les entreprises, sur l'histoire des
deux sites. Finalement, créer un projet commun regroupant les deux sites
est peut-être possible. Il faut tout de même émettre une
réserve. Le site Internet est là seulement pour jouer un
rôle d'image, et cette image véhiculée doit être
positive, elle doit faire penser aux visiteurs que les deux sites travaillent
en corrélation. Mais créer un site Internet commun ne permet pas
de créer des partenariats entre les entreprises des deux pôles, il
permet simplement de les rassembler sur le virtuel.
Finalement, tout le monde semble souhaiter que l'ensemble des
trois pôles forme un seul et unique pôle de
compétitivité rassemblant des industries culturelles et
créatives. Mais qu'en est-il vraiment ?
b) Des partenariats peu
représentatifs entre les 3 îlots
Concernant le Pôle Média, la mise en
réseau des acteurs semble être un indicateur avancé par les
pouvoirs publics pour attirer les entreprises. Mais qu'en est-il
vraiment ? A la question « existe-il des interactions avec la
Friche ? »,Céline SOULIERS, directrice de l'incubateur,
nous répond : « Nous concernant, nous avons des
interactions avec la structure ZINC à la Friche. Peut-être aussi
quelques infographistes. ». Mais tous ces partenariats restent
modestes. Céline SOULIERS ajoute à son analyse qu'« il
y a que très peu de relations avec la Friche. Les entreprises ne sont
pas forcement au courant de ce qu'il se passe à la Friche ni même
quels types de structures y travaillent. Le seul rapport qui existe vraiment
reste au moment du repas ou les frichistes viennent manger au
Pôle Média et où nous allons manger à la
Friche. » Et ce rapport, très tourné vers
l'échange au moment des repas, va se confirmer dans nos entretiens avec
des structures des deux autres pôles.
À la Friche, la crèche64(*) n'a aucune interaction avec le
Pôle Média. Néanmoins, leur projet de base a
été développé autour de la mixité sociale.
Ils ont fixé le taux de réservataires à 1/3 pour les
personnes qui habitent dans le 3ème, 1/3 pour celles qui
travaillent dans le 3ème mais n'y vivent pas et 1/3 pour les
personnes qui n'ont rien à voir avec le 3ème
arrondissement. En 2014, 31% des réservataires vivaient hors du
3ème, 32% travaillaient dans le 3ème et 37%
y vivaient. On comptait dans cette totalité 24% de personnes qui
travaillaient sur l'ensemble du site du Pôle Belle-de-Mai. Marion
LATUILLIERE nous explique que, par exemple, une actrice de Plus Belle la Vie
vient emmener son enfant à la crèche tous les jours. Il n'y a
donc pas de partenariat direct avec le Pôle Média mais des liens
particuliers avec des salariés de l'ensemble du Pôle de la
Belle-de-Mai. Elle nous confie également que « la Friche
concentre des artistes et le Pôle Média se soucie plus de faire de
l'argent avec ces entreprises, il ne peut donc pas y avoir de lien ».
Susana MONTEIRO va d'ailleurs nous confirmer le peu d'interactions notables
entre les pôles. Son explication est la suivante : « nous
avons un site commun, qui regroupe à la fois les frichistes et
les acteurs du Pôle Média mais je ne connais pas de projet commun.
Les mélanges se font plus au moment des repas du midi où les
frichistes se rendent au Pôle Média et vice
versa. »65(*).
Yann LORTEAU insiste lui aussi sur le fait que les entités sont
fondamentalement différentes. Le Pôle Média est reconnu
comme économie de marché bien que géré par le
secteur public et la Friche est reconnue comme service d'intérêt
général.
Concernant le Pôle Patrimoine, le discours est à
peu prés le même. Le CIRCP n'a aucun partenariat avec le
Pôle Média en dehors de la restauration excepté 1 ou 2 fois
pour des tournages (prêt de locaux pour le tournage de Plus Belle la
Vie). Roland MAY ajoute d'ailleurs qu'ils n'ont pas les mêmes objectifs
et qu'ils ne se connaissent finalement pas. Dominique SAMANNI des
réserves municipales nous explique également que le lien se forme
autour du repas le midi. Boris GAUBERT des Archives Municipales, nous confirme
que eux aussi n'ont aucune action entreprise avec les autres pôles. Les
Réserves du MuCEM n'ont, elles non plus, aucun lien avec le Pôle
Média. Par contre, en décembre 2014, elles ont créé
un événement autour du cirque et de la fête foraine avec la
Friche et la Crié.
On a donc, dans le discours des acteurs des trois pôles
des faits plutôt similaires. Il existe quelques interactions entre des
entreprises du Pôle Média et des entreprises de la Friche. Nous
tenterons de le confirmer à partir de nos questionnaires personnels. Les
seuls liens qui sont visibles entre les trois îlots se trouvent au moment
du repas. Les salariés du Pôle Média vont à la
Friche, les salariés de la Friche vont au Pôle Média et les
salariés du Pôle Patrimoine vont à l'un ou l'autre.
Finalement, on se retrouve un peu dans un « effet
cafétéria ». Cette théorie reprise par Menzel
(2005)passe par le fait que les gens se rencontrent de façon non
formelle (au moment du déjeuner par exemple), non prévue, et
échange des informations auxquelles ils n'auraient jamais eu
accès si cette rencontre n'avait pas eu lieu. Ce genre d'échanges
peut mettre en confiance deux personnes de deux entreprises différentes
et ainsi, à terme, faciliter la création d'un projet de
collaboration. A l'inverse, on peutégalement se demander si le fait
d'avoir son propre restaurant ne renferme pas chacun des pôles sur lui
même ? Prenons l'exemple de la Friche. Elle a son propre restaurant,
mais aussi sa propre librairie, son espace sportif, sa propre crèche -
bien que le projet comme explicité précédemment est la
mixité sociale-. En quelque sorte, la Friche s'est créée
son propre environnement où tout le monde peut vivre et échanger.
Mais cette mise en réseau - volontaire ou involontaire - n'oblige-t-elle
pas la Friche à se renfermer et à finalement, ne pas s'ouvrir
à d'autres liens ?
Le fait d'être proche géographiquement, de
travailler dans les mêmes secteurs d'activités qui constituent les
industries culturelles et créatives et de partager des moments
d'échanges informels ne favorise donc pas toujours la création de
partenariats professionnels. La différence des types d'acteurs et des
projets de développement dissociés est aussi un facteur à
prendre en considération.
3. Pourquoi
l'écosystème ne se développe pas en synergie ?
Pour résumer, les
pôles des entreprises qui ont quelques partenariats au sein de leur
structure. Les entreprises fonctionnent plus ou moins de manière
synergique. Bien qu'il y ait des exceptions, on peut considérer que ce
sont des écosystémes où l'échange est basé
sur le fait que les industries qui y sont présentes appartiennent aux
mêmes secteurs d'activités. En contrepartie, la proximité
organisée entre les trois pôles ne semble pas aboutir. Mais alors,
pourquoi, bien que le Pôle de la Belle-de-Mai semble être un
parfait système favorable aux industries créatives et
culturelles, celles-ci n'évoluent-elles pas en réseau ?
a) Une distinction récurrente
entre les pôles
La première cause possible
au fait que l'écosystème ne se développe pas en coalition
est la distinction récurrente des trois îlots. Ce discernement
n'est pas seulement présent au sein des projets et des discours
politiques, il l'est tout autant de la part des acteurs qui pratiquent le
Pôle de la Belle-de-Mai, c'est-à-dire les entrepreneurs et
salariés.
Dans le projet de réhabilitation, la distinction est
présente dès la nomination des trois pôles. La
« Friche » reste un nom plutôt péjoratif, elle
fait référence à un lieu laissé à l'abandon,
vacant. D'autres industries culturelles en France ont choisit des noms plus
accrocheurs, où l'ambition du lieu est illustrée comme
« nouveau » et non pas comme « ancien
réhabilité ». C'est par exemple le cas des Friches
Confort Moderne à Poitiers, le Tout Nouveau Théâtre
à Bordeaux ou encore les Mains d'oeuvres à Paris. En revanche,
concernant le Pôle Média, le nom est bien plus vendeur. Parler
d'un « pôle » laisse forcement penser qu'il y a de
l'échange, que c'est un réseau fort, et
« média » s'apparente aux nouvelles technologies,
aux multimédia, au développement des industries créatives.
Le « Pôle Patrimoine » quant à lui, fait
référence à un site ou des professionnels sont mis en
synergie autour de la conservation du patrimoine.
Mais la distinction entre les pôles ne se fait pas
seulement par leur nom. Elle est récurrente. Nathalie AVERSENQ, qui
gère le projet Pôle Média, nous dit avoir appris que le
Pôle Média, le Pôle Patrimoine et la Friche faisaient partie
du même bâtiment seulement en rencontrant le directeur de la
Friche.
Mais bien que cette distinction soit défavorable
à la création d'échange, n'est-elle pas nécessaire
au développement de chacun des pôles ? On peut supposer, par
exemple, que si les trois pôles étaient
« liés », la Friche pourrait, de par sa
notoriété, faire de l'ombre au Pôle Média, et que ce
dernier pourrait lui même faire de l'ombre au Pôle Patrimoine.
L'image que dégage chacun des sites lui est propre, il ne dépend
pas de son environnement alentour. Bien évidemment, si la Friche n'avait
pas été là, la ville de Marseille ne se serait sans doute
pas intéressée à la Belle-de-Mai. Et bien
évidemment, si elle ne si était pas intéressé, le
Pôle Média et le Pôle Patrimoine ne seraient sans doute pas
regroupés ici, sur un seul et même site. On peut donc se demander
si le problème ne vient pas, en amont, de la politique de la ville qui,
d'un coté, veux créer un pôle de
compétitivité avec le Pôle Média, de l'autre,
créer un centre de conservation du patrimoine pour améliorer son
attractivité et enfin, soutenir un projet associatif à la Friche
afin de développer la ville économiquement et lui donner une
meilleure image. Est-ce que le fait d'avoir des perspectives et des objectifs
aussi distincts n'est pas, finalement, un frein à la
collaboration ? Le problème vient-il des entreprises et
associations qui ne se connaissent pas et qui n'échangent pas ou de la
politique de la ville qui n'a pas, d'emblée, encouragé les
entreprises et associations à interagir ?
b) Des financements et des partenariats
différents
Au Pôle Média se
concentrent, pour la majorité, des acteurs privés et des
entrepreneurs. Concernant la gestion, le bâtiment appartient à la
ville de Marseille. Pour les partenariats, ils ne sont pas les mêmes pour
toutes les entreprises. L'incubateur, la pépinière et PRIMI ont
par exemple, des partenariats avec le département, la région, et
même parfois l'Europe. Mais les autres entreprises comme EVOLIX, Cityvox,
et même EGENCIA, n'ont pas de partenariats avec les collectivités.
Elles n'ont donc, pour ainsi dire, pas de directives concernant une possible
collaboration avec d'autres entreprises du pôle. Concernant la Friche, on
est dans le même cas sauf que c'est un regroupement plutôt
associatif que privé. La Friche a bien entendu des subventions de la
ville, d'Euroméditerranée, de la région et du
département, mais les artistes, associations et entreprises qui y
travaillent n'ont pas tous les mêmes aides financières. La
crèche par exemple n'est pas aidée par la ville mais par la CAF
des Bouches-du-Rhône et le Conseil Régional. Pour le Pôle
Patrimoine, la plupart des structures sont subventionnées par la ville,
mais d'autres collectivités viennent s'ajouter. Dans le cas de l'INA par
exemple, la Corse est aussi un partenaire important.
On a donc, au sein des trois pôles, des acteurs de
statuts différents (privés, publics, associatifs) mais aussi des
financements et partenariats différents. En bref, les directives ne sont
jamais les mêmes. Pour comprendre pourquoi certaines entreprises se
mettent totalement « à part » (c'est le cas
d'EGENCIA qui est une société de voyage) il faudrait faire du cas
par cas, étudier chacun des projets et chacun des schémas
directeurs, ce serait donc un travail de longue haleine, et ce n'est pas le
sujet aujourd'hui. Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il n'y a, à ce
jour, aucune réelle proximité institutionnelle entre les
pôles qui permettrait de créer une proximité
organisée et d'en faire un cluster.
c) Attractivité et partenariat
plutôt tourné vers l'international
Enfin, un dernier point explicatif qui nous paraît pour
l'instant - en vue des entretiens réalisés et rapportés -
pertinent, est celui des autres partenariats que ceux existants sur le
territoire de la Belle-de-Mai. En effet, les entreprises et associations des
pôles ont tissé des liens plus où moins fort avec d'autres
établissements sur Marseille, en région PACA, en France et
même à l'étranger. Ces partenariats se sont construits
à partir d'échanges cognitifs, qu'ils soient proches ou
lointains. Alain ARNAUDET explique par exemple qu'il y a beaucoup de relations
internationales à la Friche: il répertorie « 180
partenariats, 120 projets internationaux (coopération, résidence,
diffusion, échanges de compétences), la moitié de la
Friche est impliquée, et 40 pays concernés dans le
monde »66(*).
Céline SOULIERS nous explique également que sur 142 projets, ils
ont accueilli 49 projets exogènes à la région PACA.
L'incubateur étant national, il ne participe pas toujours au
développement d'entreprises intra-marseillaises. Au Pôle
Patrimoine on a aussi des liens avec l'extérieur. Les réserves
municipales ont des partenariats avec les musées de Marseille, de France
et du Monde et notamment la Chine, les Etats-Unis, l'Australie.
Le fait d'avoir autant de partenariats avec d'autres
destinations peut peut-être, parfois, limiter les liens de
« proximité ». Avec les nouvelles technologies de
communications et de transports, les échanges à distance sont
parfaitement possibles. Finalement, le principe du cluster où des
industries de mêmes secteurs collaborent parce qu'elles sont proches
géographiquement - et par extension cognitivement et
institutionnellement - n'est-il pas trop simple ? Le fait d'être
proche géographiquement n'engendre pas toujours des interactions. Le
fait d'être loin peut permettre des partenariats. Le fait d'avoir des
partenariats financiers qui proviennent des mêmes institutions ne permet
pas toujours d'avoir les mêmes directives. Enfin, être des
industries créatives et culturelles sur un même territoire n'est
pas toujours encourageant. Les industries culturelles et créatives ne
regroupent-elles pas, en fin de compte, trop de secteurs ? Comment, par
exemple, des industries du patrimoine et de design pourraient tisser des
liens ?
Chapitre 3 : quelles sont les réelles
interactions à la Belle-de-Mai ?
Dans ce chapitre, il s'agira de comparer le discours des
politiques, le discours de la presse ainsi que le discours des acteurs
importants du Pôle de la Belle-de-Mai aux faits réels. Ces faits
sont basés sur un questionnaire distribué à l'ensemble des
salariés du Pôle Belle-de-Mai et dont 247 réponses ont
été retournés. Nous avons également eux
accès à différentes ressources telles que les bases de
données ACOSS, SIREN, ainsi que l'enquête mobilité
réalisé en 2014 par l'AGAM à la Belle-de-Mai.
Cette comparaison nous permettra notamment de comprendre les
distorsions qu'il peut exister entre la réalité, le discours de
la presse et les projets politiques. Le discours a parfois tendance à
trop relativiser les choses pour les rendre plus attractives pour le
territoire. Et cette affirmation n'est pas seulement plausible sur le
territoire de la Belle-de-Mai mais bien évidemment à toutes les
autres échelles. Nous proposerons d'ailleurs pour le cas de la
Belle-de-Mai des réflexions possibles à la création de
liens entre les structures des 3 pôles.
1.
Différente structure pour différents projets
a) Des acteurs trop
hétérogènes ?
Comme nous l'avons constaté précédemment,
le Pôle de la Belle-de-Mai regroupe des acteurs de différents
secteurs : privé, public, associatif. La base de données
SIREN de l'INSEE regroupe l'ensemble des établissements à
échelle nationale, leur secteur d'activité, leur effectif, leur
date de création, etc. Après avoir sélectionné les
entreprises de la Belle-de-Mai selon leur adresse, nous avons pu en
déduire une nouvelle base de données pour la suite de notre
étude. Concernant les secteurs d'activités des
établissements de la Belle-de-Mai, on constate par le schéma
ci-après que 25 sont des associations, 26 sont des SARL et 15 sont des
Sociétés Civiles Immobilières. Pourtant, la Belle-de-Mai
regroupe des industries créatives et culturelles autour du
multimédia, de l'audiovisuel, du patrimoine, du spectacle vivant.
Graphique 3 :
répartition des établissements du Pôle Média et de
la Friche la Belle-de-Mai selon le type (Source : SIREN)
On a donc, d'un coté, des associations
déclarées, qui, par définition, ne peuvent pas faire de
bénéfice, et des établissements à but lucratif qui,
au contraire, font des bénéfices. « L'association est
la convention pour laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun,
d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans
un but autre que de partager des bénéfices. »67(*) Les SCI sont des contrats
immobiliers grâce auxquels plusieurs personnes s'associent en mettant en
commun des biens immobiliers, dont elles peuvent en tirer des
bénéfices et dont elles sont également responsables en cas
de perte. La SCI a donc un objet immobilier. Une SARL peut être
composée d'un ou plusieurs associés. Lorsqu'il y a un seul
associé on parle d'EURL (SARL unipersonnelle, 5 établissements
à la Belle-de-Mai en font partie). Ce qui caractérise une SARL
c'est la responsabilité limitée des associés ; les
associés sont responsables à hauteur de leur apport. Dans une
entreprise de type SCI ou SARL, ce sont des personnes morales qui font des
bénéfices. Ce sont les personnes physiques qui décident de
la personne morale et donc du statut de l'entreprise.
On a, d'un coté, des SCI et SARL qui sont des acteurs
privées et de l'autre des associations déclarées qui sont
des acteurs associatifs. On a donc des personnes dont le but est ni plus ni
moins de faire de l'argent, et à l'inverse des acteurs qui
défendent une cause commune ou qui ne souhaitent pas faire de
l'argent.C'est le cas des artistes qui se portent en associations
déclarées, qui veulent produire et diffuser de l'art sans
forcement créer de bénéfice. De plus, on remarque que les
SCI sont des sociétés avec obligations de bien immobilier, ce
sont souvent des promoteurs. Finalement, cela revient à se poserla
question des industries créatives à la Belle-de-Mai. Sont-elles
vraiment présentes ? Nous pouvons également supposer que le
Pôle Belle-de-Mai ne peut être un cluster du fait qu'il soit
constitué en partie d'association dont le but n'est pas de produire. Ce
ne peut donc être un système productif local.
b) Une définition des code NAF un peu vague qui peut
induire en erreur
Le fait d'avoir beaucoup de structures associatives ou
collaboratives à la Belle-de-Mai n'est pas simplement lié aux
secteurs d'activités. Il faut également regarder les codes NAF
d'un peu plus prés. Grâce à la base de données de
l'ACOSS et des URSSAF répertoriant l'emploi, la masse salariale et le
nombre d'établissements du secteur privé en France, nous avons pu
déduire une carte à l'échelle de Marseille
représentant le nombre d'établissements à Marseille en
2013. Nous avons sélectionné les établissements à
Marseille puis nous avons gardé seulement les codes NAF liés
au milieu créatif, ce qui nous a permis d'obtenir le nombre
d'établissements créatifs par arrondissement.
Carte 4 : Nombre
d'établissements créatifs dans les arrondissements de la ville de
Marseille en 2013 (selon code NAF)
On remarque par la présente carte que l'on trouve le
plus d'industries culturelles et créatives dans le 1er
arrondissement. Le 3ème arrondissement où se situe la
Belle-de-Mai ainsi que le 13ème arrondissement où se
situe le technopôle de Château-Gombert, qui est le deuxième
pôle de compétitivité à Marseille, ne sont pas les
arrondissements où il y a le plus d'industries créatives. Ce
peut-être lié à la répartition de ces industries.
Dans le 3ème par exemple, à part le Pôle
Belle-de-Mai, les industries culturelles et créatives ne sont que
très peu représentées. Peut-être que dans le
1er arrondissement, bien qu'il n'y ait pas de pôle de
compétitivité à proprement dit, les établissements
peuvent très bien être dispatchés. Mais nous pensons que la
vraie réponse à apporter est celle du choix des secteurs
d'activités. Les secteurs d'activités sont définis par les
entreprises et non pas par l'INSEE comme c'est le cas des codes NAF. Une
entreprise qui, par exemple, crée un logiciel qu'elle installe ensuite
à distance où qu'elle envoie à ces clients, peut choisir
comme secteur d'activité la « vente à
distance » alors qu'elle fait partie du secteur des jeux
vidéo. L'INSEE va ensuite attribuer à cette entreprise un code
NAF qui n'aura rien à voir avec les codes NAF des industries
créatives. Cela revient donc à se demander si les entreprises
sont vraiment bien informées des enjeux du choix du secteur
d'activité au moment de la création d'entreprise.
Aussi, la nomenclature NAF ne prend pas en compte les emplois
créatifs hors filière créative comme par exemple le
marketing dans une industrie du pneumatique, le webmaster dans une
collectivité. Ces emplois créatifs hors filière sont
d'ailleurs considérés comme plus nombreux que
intra-filière. Aussi, les emplois non créatifs au sein de la
filière sont pris en compte. Le comptable d'une entreprise de
publicité est par exemple introduit dans l'effectif de l'entreprise
créative. De plus, les nomenclatures choisies pour les études
économiques ne sont pas forcement les mêmes selon les personnes
qui les réalisent. Il est donc impossible de faire une nomenclature des
industries créatives universelle. Par exemple, aux Etats-Unis, les
chercheurs considèrent qu'un match de foot est un spectacle vivant et
donc que c'est une industrie créative. Cela revient finalement à
se poser la question de la définition même du terme
« créatif ».
Pour comprendre le phénomène, prenons notre
objet d'étude du Pôle de la Belle-de-Mai. Nous avons
calculé, à partir de la base de données SIRENE et des
codes NAF attribués aux entreprises, le nombre d'industries
créatives sur le territoire de la Belle-de-Mai (en sélectionnant
les adresses du Pôle Média, du Pôle Patrimoine et de la
Friche). Nous n'avons malheureusement pas eux accès aux données
emplois par établissements -du moins le fichier n'était pas
complet-. Il aurait sans doute était d'autant plus intéressant de
les étudier pour voir l'impact des projets sur l'économie de
l'emploi créatif.
Comme on peut le constater par le schéma ci-contre,
seuls 20% des établissements de la Belle-de-Mai sont des industries
créatives.
Graphique 4 : Part
des industries créatives dans l'ensemble des établissements du
Pôle Belle-de-Mai
Cette répartition qui
semble totalement improbable en vue des projets énoncés, peut
provenir de plusieurs explications :
- les secteurs d'activités choisis par les entreprises
ne correspondent pas à leur production,
- les codes NAF attribués par l'INSEE selon le secteur
d'activité ne conviennent pas,
- les chiffres sont exacts et dans ce cas le projet et le
discours du développement des industries créatives et totalement
faux. Les pôles ne seraient finalement pas des ensembles culturelles et
créatifs mais simplement des hôtels d'entreprises quelconques.
2. Des pratiques porteuses de liens
?
Concernant les pratiques des trois pôles, nous avons
posé la question à l'ensemble des salariés grâce
à un questionnaire personnel. Nous avons réalisé ces
questionnaires notamment en rapport aux définitions du cluster
créatif qui prônent la proximité sociale et donc des
pratiques individuels. Sur 247 réponses, nous arrivons aux affirmations
suivantes : les pôles sont plutôt pratiqués dans le
cadre de la restauration ; il existe quelques partenariats contractuels
entre les entreprises ; il existe des partenariats en dehors de la
Belle-de-Mai.
a) Globalement les pôles sont plutôt
pratiquée mais surtout pour la restauration
Dans le discours des acteurs, nous avons souvent
retrouvé le constat d'un croisement entre les pôles autour de la
restauration, le midi. Est-ce vraiment le seul lien ? D'autres pratiques
existent elles ?
Le premier constat que nous pouvons faire est que la plupart
des salariés se sont déjà rendus à la Friche et au
Pôle Média. En effet :
Ø 94 % des salariés du Pôle Média
se sont déjà rendus à la Friche,
Ø 93 % des salariés du Pôle Patrimoine se
sont déjà rendus à la Friche,
Ø 83 % des salariés du Pôle Patrimoine se
sont déjà rendus au Pôle Média,
Ø 85 % des salariés de la Friche se sont
déjà rendus au Pôle Média.
Nous n'avons malheureusement pas pu avoir les données
concernant les pratiques sur le site du Pôle Patrimoine puisque nous
avons intégré ce dernier à notre étude après
avoir questionné les salariés du Pôle Média et de la
Friche68(*). Globalement,
les pratiques sont les mêmes entre les pôles. Autant de
salariés de la Friche et du Pôle Patrimoine se sont rendus au
Pôle Média et autant de salariés du Pôle Média
et du Pôle Patrimoine se sont rendus à la Friche.
Concernant ces pratiques, nous avons représenté
leurs types sous forme de graphique. Pour les pratiques de la Friche, nous
obtenons les graphiques ci-dessous :
Graphique 5 : type de
pratiques des salariés du Pôle Média à la Friche
Graphique 6 : type de
pratiques des salariés du Pôle Patrimoine à la Friche
On remarque que la Friche est le plus souvent pratiquée
pour la restauration (restaurant les Grandes-Tables et café librairie la
Salle des Machines). La crèche et le parking sont les deux lieux les
moins pratiqués. Comme expliqué précédemment, la
crèche ne prend qu'un tiers d'enfants dont les parents travaillent dans
le 3ème arrondissement. En considérant que le
Pôle de la Belle-de-Mai n'est pas le seul employeur de l'arrondissement,
il est normal qu'un taux très faible des salariés ait
accès à la crèche de la Friche. Pour le parking, chaque
pôle a son propre parking. Il est donc rare que les salariés
utilisent les parkings des autres pôles. Le cadre professionnel
(réunion, rendez-vous, etc.) recouvre une faible part des
échanges mais est non négligeable. Nous tenterons, dans la suite
de ce chapitre, de comprendre quels sont ces échanges professionnels.
Enfin, pour les autres types de pratiques, elles semblent différer selon
les pôles. En dehors des spectacles qui représentent environ le
même taux, les autres pratiques culturelles que sont les expositions et
la librairie sont bien plus pratiquées par les salariés de
Pôle Patrimoine. Cela pourrait s'expliquer de différentes
manières. Le Pôle Patrimoine regroupe des industries culturelles
et le Pôle Média des industries créatives. Selon
l'activité, les centres d'intérêts des salariés ne
sont pas forcement les mêmes. De plus, les salariés du Pôle
Média vivent, en général, plus loin69(*). On peut supposer qu'ils n'ont
pas forcement le temps de se rendre régulièrement à la
Friche pour des expositions. Bien que les expositions soient à
caractère artistique, il semblerait que pour les salariés du
Pôle Belle-de-Mai elles environnent autour du secteur patrimonial
plutôt que créatif. Enfin, pour la librairie, l'explication
peut-être la même. Il est également possible que les livres
proposés - bien que l'on y trouve de tout - ne conviennent pas aux
créatifs puisque l'écart entre le Pôle Média et le
Pôle Patrimoine est assez conséquent.
Concernant les pratiques du Pôle Média, nous
avons pu constituer les deux graphiques suivants :
Graphique 7 : types
de pratiques des salariés de la Friche au Pôle Média
Graphique 8 : types
de pratiques des salariés de Pôle Patrimoine au Pôle
Média
La restauration couvre là
aussi une large part des échanges, bien qu'ils soient plus importants en
provenance du Pôle Patrimoine. Les frichistes sont moins
nombreux à se rendre au Pôle Média pour la restauration
puisqu'ils ont déjà deux restaurants sur site. Le cadre
professionnel est peu représenté entre le Pôle Patrimoine
et le Pôle Média, il y a donc peu d'échanges professionnels
entre les deux pôles, cela reste des échanges
« cafétéria ». Mais les échanges
professionnels sont non négligeables entre la Friche et le Pôle
Média. Ils recouvrent les réunions professionnelles, les
rendez-vous, mais aussi le prêt de locaux lorsqu'il y a des travaux
à la Friche et que des frichistes sont relogés au
Pôle Média. 4 personnes sur 10 semblent avoir des échanges
avec le Pôle Média. Les autres types de pratiques
présentées par les salariés lors des questionnaires sont
des événements ponctuels de type projections de films,
castings.
b) Partenariats contractuels entre
certaines structures des 3 îlots
En dehors des pratiques personnelles des salariés entre
les pôles, nous nous sommes demandé si des échanges
contractuels existaient. Les politiques ainsi que la presse définissent
le Pôle de la Belle-de-Mai comme un pôle de
compétitivité de type cluster. Pour qu'un ensemble d'entreprises
deviennent un cluster, il faut qu'elles soient proches géographiquement,
que leur secteur d'activité soit le même et surtout qu'elles
échangent entre elles autour de projets communs et de partenariats
contractuels. La Belle-de-Mai regroupe des industries créatives et
culturelles sur un même site. Par contre, contrairement à ce qui
est avancé dans le discours politique et de la presse, les partenariats
(c'est-à-dire lorsqu'une entreprise est cliente ou prestataire d'une
autre entreprise) sont très faibles.
- Partenariats entre la Friche et le Pôle
Média:
· 75 % des salariés de la Friche connaissent des
personnes qui travaillent au Pôle Média et 9% en connaissent plus
de 10 ;
· 23% ont des interactions avec des
entreprises Pôle Média.
Graphique 9 : Types
de partenariats des salariés de la Friche avec des entreprises du
Pôle Média
· 46 % des salariés du Pôle Média
connaissent des personnes qui travaillent à la Friche ;
· 24% en connaissent plus de 10 ;
· 16 % ont des interactions avec les
associations et entreprises de la Friche.
Graphique 10 : Types
de partenariats des salariés du Pôle Média avec des
entreprises et associations de la Friche
Les financements d'événements sont des
subventions ou des aides apportées par des entreprises d'un des
îlots pour des événements organisés par des
entreprises de l'autre îlot. Les salariés de la Friche sont plus
nombreux à connaître des personnes qui travaillent au Pôle
Média que dans le cas contraire. Par contre, la moitié des
personnes du Pôle Média qui connaissent des personnes à la
Friche en connaissent au moins 10, mais ce n'est pas pour autant qu'il y a plus
de partenariats. Mais pourquoi les chiffres ne sont pas les mêmes ?
Simplement parce que les personnes interrogées n'appartiennent pas aux
mêmes entreprises. Par exemple les personnes qui travaillent pour EGENCIA
sont 200. Si l'entreprise à un partenariat avec une association d'une ou
deux personnes à la Friche, on aura dix ou vingt personnes du Pôle
Média qui travailleront en collaboration avec deux personnes de la
Friche et donc le taux ne sera pas le même. Finalement, il vaudrait mieux
étudier les partenariats par entreprises que les partenariats entre
salariés.
Concrètement, des partenariats comme par exemple la
ZINC à la Friche qui apparait à quatre reprises dans les
questionnaires des salariés du Pôle Média ne l'est qu'une
seule fois dans les questionnaires de la Friche. Ainsi, il n'y a que sept
partenariats différents sur vingt-trois énoncés par les
salariés du Pôle Média avec la Friche et quatre sur onze
entre la Friche et le Pôle Média.
De plus, des salariés du Pôle Média nous
ont répondu qu'ils avaient des interactions avec la Friche puisqu'ils y
travaillent mais que leur employeur se trouve au Pôle Média
(EGENCIA). Nous n'avons pas réussi à obtenir des informations
complémentaires sur ce partenariat mais il semblerait que la Friche - au
même titre que le Pôle Média parfois - prête ou loue
des locaux pour des entreprises du Pôle Média.
Un autre problème que nous avons noté est que
les salariés de la Friche considèrent le Pôle Patrimoine
comme appartenant au Pôle Média. En effet, un partenariat avec
l'INA et un autre avec le CICRP sont indiqués lorsque nous leur posons
la question des échanges avec la Friche, alors que ce sont des
structures de l'îlot patrimoine. Alors que dans le discours, les trois
pôles sont trop souvent différenciés, il semblerait qu'au
Pôle de la Belle-de-Mai la différenciation soit plus difficile par
les salariés. Ces confusions peuvent donc induire en erreur notre
analyse.
- Partenariats du Pôle Patrimoine avec la Friche et
le Pôle Média :
· 53 % des salariés du Pôle Patrimoine
connaissent des personnes qui travaillent à la Friche ou au Pôle
Média ;
· 26 % des salariés du Pôle Patrimoine ont
des interactions avec les entreprises ou associations de la Friche et du
Pôle Média.
Graphique 11 : Type
de partenariats entre les salariés du Pôle Patrimoine et les
entreprises ou associations de la Friche et du Pôle Média
Concernant les échanges
entre le Pôle Patrimoine et les deux autres pôles, on a peu de
différence mis à part de nouveaux types de partenariats
expliqués dans les questionnaires comme les autorisations de tournage.
Le terme « camarades de travail » peut s'apparenter
à un partenariat mais nous n'avons pas pris le risque de l'en
rapprocher. Au même titre que la Friche, des salariés du
Pôle Patrimoine ont fait la confusion des pôles et ont
intégré des partenariats avec le MUCEM et les Archives
Municipales. Finalement, sur 13 partenariats annoncés, on a seulement 9
partenariats contractuels différents.
Bien que le Pôle de la Belle-de-Mai soit
présenté comme un écosystème dédié
aux industries culturelles et créatives, les échanges sont
plutôt faibles. En moyenne -et si on enlève les erreurs de
confusion dans la définition des pôles -, on trouve 20%
d'échanges entre les salariés de la Friche et du Pôle
Média et 26% entre ceux du Pôle Patrimoine et ces deux derniers.
Par contre, si l'on élimine les partenariats
répétés plusieurs fois on a seulement huit partenariats
contractuels entre la Friche et le Pôle Média et neuf entre le
Pôle Patrimoine et ces deux derniers. Il semblerait donc que le
Pôle Patrimoine entretienne autant de liens avec la Friche et le
Pôle Média que ces deux derniers entre eux, alors que seulement
cinq structures se trouvent au Pôle Patrimoine contre soixante-dix
environ à la Friche et soixante-cinq au Pôle Média. Huit
partenariats entre cent trente-cinq entreprises représentent seulement
6% des entreprises du Pôle Média et de la Friche qui collaborent
entre elles. C'est le même cas pour le Pôle Patrimoine puisqu'il
n'y a que 6,5% d'échanges. Finalement, il ne semble pas plus facile de
créer du lien avec un pôle qui regroupe soixante-dix structures
qu'avec un pôle qui en regroupe cinq. Pour comprendre le principe d'un
cluster, il faudrait donc se poser la question du seuil d'échange entre
les entreprises mais aussi du nombre d'entreprises présentent. 6%
d'échanges paraissent dérisoires sur un territoire qui ne
regroupe que des industries culturelles et créatives. Mais alors,
pourquoi le lien ne se crée pas ? Pourquoi le Pôle de la
Belle-de-Mai ne semble pas être un cluster alors qu'il est annoncé
comme tel par les politiques et la presse? La proximité organisée
ne semble pas fonctionner alors que les industries sont, selon les politiques,
toutes du même secteur. Pourquoi sont-elles finalement situées
ici ?
c) Des partenariats en dehors de la
Belle-de-Mai plus représentés ?
Puisque les entreprises ne travaillent pas en synergie ni en
collaboration, avec qui travaillent-elles ? Pourquoi sont-elles à
Marseille, à la Belle-de-Mai, si elles n'ont pas d'interactions entres
elles ? Ce n'est sans doute pas pour le quartier puisque, mis à
part la Friche qui a toujours eu pour objectif de dynamiser le quartier, les
deux autres îlots n'ont pas de directive liée au quartier. Par
contre, ces entreprises et associations semblent avoir des partenariats avec
des entreprises implantées ailleurs. C'est par exemple le cas des
réserves des musées dont la représentante, Dominique
SAMANNI, nous a expliqué avoir des partenariats avec le monde entier.
Nous nous sommes donc interrogés sur ces partenariats et nous avons
intégré cette interrogation à notre questionnaire
personnel auprès des salariés du Pôle de la Belle-de-Mai.
Cela se traduit par les pourcentages suivants :
· 75 % des salariésdes structures auxquelles
appartiennent les salariés de la Friche ont des partenariats en dehors
de la Belle-de-Mai
Graphique 12 :
répartition des partenariats des salariés de la Friche selon
l'échelle
· 26 % des salariés du Pôle Média ont
des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai
Graphique 13 :
répartition des partenariats des salariés du Pôle
Média selon l'échelle
· 53 % des salariés du Pôle Patrimoine ont
des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai
Graphique 14 :
répartition des partenariats des salariés du Pôle
Patrimoine selon l'échelle
Lorsque l'on compare les données, on remarque que les
salariés de la Friche ont plus de partenariats en dehors de la
Belle-de-Mai que ceux des deux autres îlots. Ils ont d'ailleurs trois
fois plus de partenariats que ceux du Pôle Média. Les partenariats
à la Friche sont aussi plus dispersés concernant la distance que
pour les deux autres pôles. Les salariés du Pôle
Média n'ont aucun partenariat en dehors du territoire national.
Finalement, si l'on regarde les taux de partenariats intra-régionaux,
ont peut dire que les partenariats duPôle Médiasont
peut-être les plus ancrés sur le territoire marseillais. On y
enregistre le plus fort taux d'interaction avec des entreprises à
Marseille et seulement 10% des partenariats vont au-delà de la
région. Malgré tout, seul 26% des salariés ont des liens
avec l'extérieur. Tout en sachant désormais qu'il existe peu -
voir pas- d'interactions au Pôle de la Belle-de-Mai, les entreprises du
Pôle Média semblent renfermées sur elles-mêmes, elles
travaillent seulement et purement pour elles. On voit d'autant plus cette
écart avec les autres îlots puisque, comme nous l'ont
expliquées bon nombre de personnes lors des entretiens, le but du
Pôle Média est de faire de l'argent, de créer une
activité économique durable, alors que la Friche a un penchant
associatif, elle est très tourné vers le quartier, vers
l'international, et le Pôle Patrimoine et un centre de conservation, et
non de création de richesse ou d'une économie pérenne. La
Friche et le Pôle Patrimoine ont d'ailleurs beaucoup plus de liens infra
Belle-de-Mai. Plus de sept personnes sur dix ont des partenariats avec des
entreprises en dehors de Marseille et dans ces partenariats, 38% sont en dehors
de la région. La Friche prouve, là encore, son
attractivité qui permet de rendre Marseille compétitive sur le
plan culturel. Enfin, le Pôle Patrimoine, étant un centre de
conservation, à autant de liens avec la région qu'avec l'ensemble
de la France. Il y a aussi des collaborations avec d'autres pays, notamment
pour les prêts d'oeuvres.
Finalement, les entreprises n'ont visiblement pas choisi
d'être à la Belle-de-Mai pour la proximité
géographique et organisée avec celles déjà sur
site. Ou alors, elles l'ont choisit en vue du projet annoncé mais il
s'avère que ces liens ont du mal à se mettre en place. Le
Pôle Patrimoine a été implanté ici par la ville, le
Pôle Média aussi. La réhabilitation de ces deux
bâtiments est d'ailleurs venue après le succès de la Friche
qui elle a été décidé par une association. Et bien
que ces structures louent les locaux, les entreprises qui s'y installent sont
souvent sélectionnées selon leur profil.
Dans un cluster, le principe est simple. Les entreprises
choisissent de venir s'implanter à un endroit pour être proches
d'entreprises qui ont déjà des liens avec elles où qui
font partie du même secteur d'activité. On trouve également
d'autres cas ou c'est une seule personne qui choisit les structures qui
rejoindront du cluster afin de pouvoir y créer un projet commun. Pour
résumer, au sein des clusters, les entreprises sont en
concurrence/coopération. À la Belle-de-Mai, la concurrence est
certaine. Les entreprises du Pôle Média par exemple tentent au
mieux de tirer leur épingle du jeu et d'être les plus reconnues,
les plus productives. Mais alors, où est la coopération ?
3. Que manque t'il
au Pôle Belle-de-Mai pour être en synergie et fonctionner
comme un écosystème de type cluster ?
On a pu comprendre à
travers notre enquête, que la Belle-de-Mai ne fonctionne pas en synergie
et que ce n'est pas un écosystème. Nous avons également vu
que ce qui empêche vraiment ces rapports est la directive
d'évolution que suit chaque îlot et qui est totalement
différente. Nous nous sommes alors demandé quelles
perspectivespourraienttavoir ce pôle créatif et comment le lien
pourrait s'établir.
a) Importance du turn-over dans la
création d'interactions
La mobilité et le turn-over sont deux points importants
dans un cluster. Ce sont eux qui permettent en partie de créer ou non le
lien. La mobilité permet de créer du lien avec
l'extérieur, mais aussi d'être mobile au sein du cluster et de
pouvoir apporter son savoir-faire auprès de plusieurs entreprises et
ainsi créer des échanges. Les phénomènes
endogènes dépendent de la mobilité des personnes. Le
turn-over, s'il est trop important, ne permet pas de créer du lien
puisque les salariés n'ont pas le temps de connaître leur
territoire et les entreprises qui s'y trouvent. A la Belle-de-Mai, il n'y a pas
d'éducation ou de culture des mélanges.
Concernant le turn-over, voici un graphique
représentant la date de création des entreprises à la
Belle-de-Mai. Comme on le remarque, il y a certaines périodes de forte
création et d'autres bien plus faibles. Nous avons aussi fait le choix
de diviser les industries en industries créatives ou non (selon les
codes NAF).
Graphique 15 :
répartition des établissements du Pôle Belle-de-Mai selon
leur date de création
On remarque qu'à certaines dates, la création
d'entreprises est plus importante. 1990 marque la fermeture de la manufacture
et donc le début de l'installation du Système Friche
Théâtre. 1995 est la date à laquelle le « projet
culturel pour un projet urbain » a débuté,
déclenchant la venue de nouveaux créatifs à la Friche. Le
Pôle Média a été inauguré en 2004,
d'où le début d'une augmentation dans la création des
industries créatives qui se maintient jusqu'à aujourd'hui.
Néanmoins, nous n'avons pas eu accès aux
données sur la rotation salariale en entreprise mais simplement sur la
rotation de certaines entreprises au sein du Pôle Média. Nathalie
AVERSENQ nous a par exemple confié que pour l'année 2014, sept
entreprises sont arrivées et deux sont parties. Les industries semblent
donc plutôt récentes, c'est peut-être pourquoi les liens ne
se sont toujours pas mis en place.
Tableau 4 : période
depuis laquelle les salariés sont dans leur entreprise
On constate une nouvelle fois, grâce à
l'ancienneté des salariés de la Belle-de-Mai, que les entreprises
sont récentes et surtout que leurs salariés travaillent depuis
peu à la Belle-de-Mai. En effet, moins de la moitié des
salariés travaillent à la Belle-de-Mai depuis plus de 4 ans.
Ajouté à cela, les pépinières
d'entreprises aux pôles Média accueillent des entreprises pendant
six à vingt-quatre mois pour l'incubateur et dix-huit mois pour la
pépinière. Il semble donc difficile pour les entrepreneurs
d'avoir le temps de créer des liens avec des entreprises du Pôle
Média et encore moins avec celles de la Friche et du Pôle
Patrimoine.
On voit donc, une fois de plus, toute la difficulté de
créer un écosystème de développement en projet
commun. Chacun a ses ambitions, ses valeurs, ses projets, il semble donc
délicat de donner naissance à une synergie entre les entreprises.
Pour que celle-ci se mette en place il faudrait, par exemple, que les
entreprises restent plus longtemps sur le territoire pour pouvoir nouer des
liens et créer des échanges.
b) Quelques idées de directive pour la création
d'interactions
Enfin, la question que l'on peut se poser pour conclure sur ce
chapitre est comment créer un environnement ou concurrence et
collaboration iraient de paire à la Belle-de-Mai ?
Il faudrait, avant tout, penser les choses pour qu'elles
génèrent de la synergie.Les initiatives suivantes sont des
idées et suggestions que nous avons formulé dans le cadre de
notre stage à l'AGence d'urbanisme de l'Agglomération
Marseillaise avec notre encadrant de stage, Monsieur Patrick TANGUY ainsi que
Sylvain CRESPEL, chargé d'études en stratégies
économiques :
· Rechercher des collaborations possibles entre les
entreprises des trois îlots et organiser des rencontres entre celles-ci.
Faire connaître les entreprises en expliquant ce qu'elles font et ce
qu'elles peuvent apporter à d'autres. Initier des contrats de
partenariats en obligeant les entreprises à choisir leurs partenaires en
premier lieu à la Belle-de-Mai,
· Dans le projet Pôle Média 2, qui a
été décidé sur le site des casernes du Muy, secteur
voisin au Pôle Patrimoine, mettre en place des collaborations et
partenariats dès l'arrivée des entreprises. Peut-être que
la ville pourrait aussi sélectionner les entreprises qui ont
déjà des liens avec celles de la Belle-de-Mai, ou qui sont du
même secteur et qui pourraient donc en avoir.
Bien que ces idées ne soient que des propositions, nous
pensons que la ville devrait réellement songer à mettre en place
un partenariat entre les entreprises. Premièrement, le pôle de
compétitivité deviendrait un écosystème de type
cluster, ce qui ferait la force de cet ensemble d'industries créatives.
Deuxièmement, cela permettrait de rendre Marseille plus attractive d'un
point de vue économique et stratégique. Enfin, cette
attractivité pourrait se déverser sur le quartier de la
Belle-de-Mai, qui, nous allons le voir, ne tire pas encore son épingle
du jeu.
En conclusion de cette deuxième partie, nous pouvons
dire que les interactions sont très faibles à la Belle-de-Mai.
Nous avons, d'un coté, une Friche culturelle, de l'autre, un Pôle
Média où se réunissent des entreprises du
multimédia et,enfin, un Pôle Patrimoine où l'on trouve des
structures de conservation et de restauration du patrimoine. Nous nous sommes
demandé, au début de notre analyse, si l'ensemble fonctionnait en
synergie.
Pour rappel, selon PORTER, un cluster est "un groupe
d'entreprises et d'institutions partageant un même domaine de
compétences, proches géographiquement, reliées entre elles
et complémentaires" (PORTER, 1999). Selon FLORIDA, la « classe
créative » est fondé sur le principe que c'est un
groupe d'individus, les « créatifs », qui
développe la ville économiquement et culturellement. Et ces
« créatifs » s'y installent grâce à ce
que la ville leur propose. Dans le cas de la Belle-de-Mai, la ville a fait
venir les industries créatives en leur fournissant un loyer
alléchant et un territoire culturel. Grâce à la
notoriété que dégage la Friche, le développement
des deux autres pôles a été une réussite.
De plus, le cluster est intéressant à partir du
moment où des entreprises sont plus efficacesensembles que si elles
exerçaient leur activité seules. Au sein des îlots, on
trouve des interactions entre certaines entreprises. Bien que faible, elle
existe. Par contre, il n'y a que très peu de relation entre les
îlots, sauf au moment du déjeuner. Et même dans des moments
propices aux échanges informelles, les interactions n'arrivent pas
à ce mettre en place. De plus, les industries qui constituent le
Pôle de la Belle-de-Mai semblent trop différentes. Elles ne sont
pas toutes du même secteur, on a des industries du livre, du patrimoine,
on trouve de l'audiovisuel et des artistes, etc. les trois pôles sont
eux-mêmes différents. On a des acteurs publics, des acteurs
privés et des acteurs associatifs. Il semble donc certainement plus
compliqué de créer des liens et des partenariats entre des
entreprises dont les objectifs finaux sont totalement dissemblables. La Friche
prône la mixité sociale et veut fournir de l'art à tous les
publics, le Pôle Média veut créer une économie
autour du multimédia et le Pôle Patrimoine doit fournir à
Marseille un patrimoine intéressant.
Finalement, bien que le Pôle de la Belle-de-Mai soit
économiquement et culturellement une grande réussite, l'ensemble
ne fonctionne pas en synergie. Il manque sans doute à la Belle-de-Mai de
la proximité sociale entre les individus mais aussi et surtout une
proximité institutionnelle qui permettrait de construire un projet
commun.
TROISIÈME PARTIE:
ANCRAGE TERRITORIAL
Chapitre 1 : Réhabiliter la friche pour
régénérer le quartier ?
Chapitre 2 : Rapport des entreprises au
territoire : conséquence de leurs implantations à la
Belle-de-Mai
Chapitre 3 : Encastrement individuel des
salariés au sein quartier
Dans cette partie, il s'agira de comprendre le rapport
qu'entretiennent les pôles Média, Patrimoine et Spectacle Vivant
avec le quartier de la Belle-de-Mai. Selon notre hypothèse de
départ, nous pensons que les « entreprisesde la
Belle-de-Mai et le quartier évoluent de façon réciproque
mais pas en synergie. La complémentarité peut s'établir
entre la Friche et le quartier mais pas entre les deux autres pôles et le
quartier » (voir page 72). L'objectif est donc de
démontrer si oui ou non la réhabilitation du Pôle de la
Belle-de-Mai, qui a été très positive pour
l'attractivité de Marseille, l'a également été pour
le quartier. Est-ce que le quartier connaît un renouveau de ses
dynamiques sociales, urbaines et surtout économiques depuis le
début du projet ? En fin de compte, cette interrogation revient
à étudier l'ancrage territorial des entreprises qui constituent
le Pôle de la Belle-de-Mai.
Au même titre que pour notre seconde partie, il s'agira
dans cette partie d'étudier les discours des politiques et de la presse
et de les comparer avec ceux des acteurs de la Belle-de-Mai, puis avec nos
questionnaires et les études complémentaires
réalisées par l'AGAM.
L'objectif de cette partie est de compléter la
précédente. Après avoir étudié les
interactions entre les entreprises du Pôle de la Belle-de-Mai et avoir
compris que ces rapports sont plutôt mitigés, nous nous sommes
demandé quelles étaient leurs interactions avec leur territoire.
Le fait que ces industries créatives n'entretiennent pas de réels
rapports les unes avec les autres a-t-il un impact sur leur rapport avec le
quartier de la Belle-de-Mai ? L'objectif de ce projet de
réhabilitation était, bien évidemment, la
régénération urbaine par la culture. On a pu assister, au
fur et à mesure de l'avancé du projet, une reterritorialisation
de l'ancienne manufacture par la ressource culturelle. Mais cette nouvelle
économie de la créativité et de la culture a-t-elle des
répercutions positives sur le quartier qui, comme sa réputation
en a fait, est lequartier le plus pauvre de Marseille ? Nous verrons
ainsi, dans un premier temps, comment le quartier et le Pôle de la
Belle-de-Mai sont perçus. Nous verrons ensuite si les objectifs
avancés lors des projets ont été tenus et si les
différents îlots ont eu des répercutions sur le quartier.
Enfin, nous comparerons ces discours avec nos questionnaires et les
enquêtes complémentaires de l'AGAM pour voir si, les individus
participent à l'ancrage de leur entreprise.
Chapitre 1 :
Réhabiliter la friche pour régénérer le
quartier ?
Dans ce premier chapitre, il s'agira de définir les
bases de notre étude à l'aide des discours des politiques, de la
presse, et des acteurs du Pôle et du quartier. Nous verrons ainsi comment
le quartier de la Belle-de-Mai est perçu et en quoi la Friche, le
Pôle Média et le Pôle Patrimoine doivent favoriser sa
reconversion. Nous pourrons ainsi en déduire un premier constat
concernant l'ancrage territorial de ces trois îlots que nous comparerons
ensuite avec nos questionnaires et nos entretiens personnels. Mais, avant toute
chose, il nous a semblé judicieux de définir succinctement ce
qu'est l'ancrage territorial pour appréhender le sujet de notre analyse.
1. Définition et analyse de
l'ancrage territorial
a) L'ancrage territorial comme
l'investissement des entreprises sur leur territoire d'implantation
De plus en plus souvent, on entend parler de l'ancrage
territorial des entreprises et de leur investissement dans le système
productif territorial. À l'heure où la délocalisation des
productions est de plus en plus transcendante, les chercheurs et les
collectivités locales cherchent à comprendre pourquoi les
entreprises restent sur leur territoire ou pourquoi ne restent-elles
pas(PERRAT, J., ZIMMERMANN, J-B., 2003). Les entreprises ont tendance a
être de plus en plus nomades avec les nouvelles technologies et les
nouveaux moyens de transports (ZIMMERMANN, J-B, 2005). Pour les entreprises qui
font le choix de s'installer durablement sur un espace délimité,
la question qui se pose est pourquoi ces entreprises restent-elles ? Si
certaines firmes font le choix d'être nomades ou de se
délocaliser, c'est qu'elles n'ont pas trouvé la ressource dont
elles ont besoin pour améliorer leur profit. Au contraire, une
entreprise qui s'implante de façon pérenne sur un territoire aura
trouvé ce dont elle a besoin pour se développer.
De plus, selon FUJITA M. et THISSE J.F. (1997), le territoire
ne doit pas être considéré comme simple réceptacle
des facteurs de production. Il est le résultat d'un processus de
construction entre les différents agents économiques. Les
entreprises lient nécessairement des relations diverses avec les acteurs
locaux. Ces interactions étant plus ou moins intenses, l'ancrage
territorial qui en découle sera plus ou moins important. Finalement,
l'ancrage territorial d'une entreprise correspondrait à son
investissement productif au sein de son territoire d'implantation.
La norme ISO 26000 définit l'ancrage territorial comme
étant « le travail de proximité proactif d'une
organisation vis-à-vis de la communauté. Il vise à
prévenir et à résoudre les problèmes, à
favoriser les partenariats avec des organisations et des parties prenantes
locales et à avoir un comportement citoyen vis-à-vis de la
communauté. ». Plusieurs termes importants apparaissent :
proximité, proactif, partenariats et comportement citoyen. L'entreprise
doit donc être géographiquement proche de son territoire,
c'est-à-dire qu'elle y est implantée. Elle doit aussi jouer d'une
proximité proactive c'est-à-dire qu'elle doit anticiper les
besoins et les problèmes du territoire, et le territoire doit faire de
même pour l'entreprise. Ainsi, en anticipant les problèmes de la
communauté, l'entreprise pourra y faire face en créant une
synergie avec les acteurs locaux. Enfin, elle doit avoir un comportement
citoyen, c'est-à-dire qu'elle doit respecter une certaine
civilité, un civisme et une solidarité à l'égard de
la population de son territoire.
Finalement, l'entreprise doit anticiper les possibles
problèmes d'un territoire pour pouvoir ensuite les résoudre. Pour
se faire, elle peut utiliser la recherche et l'innovation, la médiation,
la prévention, la formation, la sensibilisation, la gouvernance, le
mécénat de compétences et bien évidemment la
concertation70(*). Ces
différentes possibilités doivent néanmoins toutes
répondre aux mêmes objectifs : comment lier les entreprises
avec des structures extérieures par des partenariats ? Comment
intégrer les initiatives locales à l'activité de
l'entreprise ?
Selon le Premier Baromètre FACE sur l'engagement social
et sociétal des entreprises sur les territoires réalisé en
avril 2010, les entreprises qui sont investies sur le plan social et
sociétal estiment que ces investissements ont des répercussions
positives sur leur image externe, leur intégration dans l'environnement
local, leur performance globale, la cohésion sociale au sein de leur
entreprise et enfin l'attractivité et la fidélisation de leurs
salariés.
Finalement, l'ancrage territorial montre la stratégie
d'implantation territoriale d'une entreprise. Les capitaux, le savoir-faire,
l'emploi et les technologies de l'entreprise vont être directement
injectés sur le territoire. Ces apports vont ainsi permettre au
territoire de se développer. Ajouté à cela, l'entreprise
va réaliser des actions en faveur de son territoire, pouvant se
manifester par un dialogue et des rencontres avec les acteurs locaux, des
partenariats locaux, un transfert de savoir-faire, la préservation de
l'emploi et du tissu économique local. Pour que la cohabitation et la
collaboration entre l'entreprise et les acteurs s'établissent, il faut
donc une certaine proximité entre elles. C'est ce que nous allons tenter
de définir dans la suite de ce chapitre.
b) Un rapport entre proximité
organisationnelle et proximité géographique
Ce qu'un territoire peut attendre d'une entreprise, c'est
donc, premièrement, le développement de la concertation sur des
projets avec des réunions participatives, des dispositifs de
médiation, etc. Ensuite, l'entreprise doit soutenir les infrastructures
sociales du territoire par exemple avec des soutiens de financements.
L'entreprise doit également donner une meilleure image du territoire et
favoriser son attractivité. Enfin, elle doit soutenir le
développement économique par des collaborations
publiques/privées ou encore par le transfert de savoir-faire. Ce
transfert de savoir-faire fait partie intégrante d'un apport de
proximité qui s'est établit entre l'entreprise et les acteurs
locaux. En effet, selon « l'ancrage territorialdes activités
industrielles et technologiques trouve ses fondements dans la conjonction entre
des aspects de proximité organisationnelle, révélateurs de
la dimension industrielle intra comme inter-firmes, et des aspects de
proximité géographique, sur lesquels se fonde la dimension
territoriale » (ZIMMERMANN J-B., 2005). En ce sens, l'ancrage territorial
repose sur des interactions firmes-territoire basées sur une
endogénéisation réciproque des deux parties. L'ancrage e
doit permettre de créer une dynamique commune entre l'entreprise et son
territoire. Finalement, la firme est proche géographiquement de son
territoire puisqu'elle y est ancrée, mais elle l'est aussi de
manière organisationnelle puisqu'elle va établir, avec les
différents acteurs publics et privés du territoire, un rapport de
force lui permettant de se développer et permettant au territoire de
faire de même.
Comme nous l'avons exprimé en première partie,
la proximité géographique peut être recherchée ou
subie. Le cas de la proximité géographique subie peut être
un cas de proximité négative au développement d'une
entreprise puisque le fait qu'on lui impose un lieu avec des acteurs, des
technologies particulières et des contraintes évidentes peut lui
empêcher d'acquérir des connaissances et un savoir-faire nouveaux.
Dans le cas d'une proximité géographique recherchée,
l'entreprise choisit le lieu où elle souhaite s'implanter. Bien souvent,
le choix est dû au fait qu'elle entretient des liens avec d'autres
entreprises du territoire. Si elle s'installe sur un territoire qu'elle a
choisi, l'entreprise aura certainement plus de facilité a tisser des
liens avec ce territoire, du moins c'est ce que nous supposons. Aussi,
certaines entreprises entretiennent des rapports seulement avec des firmes du
même secteur mais implantées sur un lieu différent. On a
alors un système productif global ou la proximité
géographique ne suffit pas à supprimer la faiblesse de la
proximité organisationnelle ou institutionnelle. Il importe donc, pour
cerner l'ancrage territorial d'une entreprise, de prendre en compte le fait
qu'elle ait soit choisi, soit subi son implantation géographique.
Concernant la proximité organisationnelle et/ou
institutionnelle, elle s'établit entre la firme et le territoire
à partir du moment où il y a une dynamique commune. Par la
médiation, la création de projet commun, la concertation, etc.,
les interactions entre l'entreprise et son territoire sont fondées de
manière organisée et parfois institutionnelle.
c) Comment le calculer ?
Outre le fait que l'ancrage territorial se mesure par une
proximité géographique et organisationnelle entre une firme et
son territoire, cela ne suffit pas. Il faut bien évidemment prendre en
compte d'autres facteurs.
Pour rappel, une entreprise doit s'investir dans la
communauté pour qu'elle ait un fort taux d'ancrage territorial. Elle
doit se fixer durablement sur un territoire délimité. Elle doit
également prendre en compte sa complexité, c'est-à-dire
connaître tous les acteurs présents et les considérer dans
son projet. La proximité organisationnelle entre la firme et le
territoire ne suffit donc pas à comprendre l'ancrage territorial. Il
faut également considérer depuis combien de temps une entreprise
est installée et son investissement dans la
communauté,c'est-à-dire les projets qu'elle peut avoir pour
favoriser les aides sociales auprès de la population du territoire. Ce
ne sont donc pas forcement des projets institutionnels ou organisés. Ce
peut être des projets de mixité sociale, de création
d'emploi, etc. Il s'agit donc du comportement de l'entreprise vis à vis
de la société. Mais c'est aussi et surtout la manière dont
se comportent les salariés de l'entreprise vis à vis de la
société,c'est-à-dire quelles relations ils entretiennent
avec le territoire.
Pour comprendre l'ancrage territorial d'une entreprise, il
faut étudier ses impacts sur la société qui l'entoure et
sur son environnement. Cette analyse peut ainsi se décliner en trois
points essentiels :
Ø l'activité économique d'une entreprise
au profit d'un territoire,c'est-à-dire la création d'emploi, les
investissements, l'aide à l'innovation, l'âge de l'entreprise, les
partenariats public/privé avec des structures du territoire, la
participation au développement local, etc.
Ø l'activité
environnementale,c'est-à-dire la maitrise des énergies, les
activités liées aux déchets, aux transports, à la
consommation de l'eau, à la biodiversité, etc.
Ø l'activité sociale, c'est-à-dire
la cohésion sociale de l'entreprise, son accessibilité par les
citoyens, le bien être des salariés, le recrutement, la
santé et la sécurité au travail, etc.
L'ancrage territorial des individus semble plus difficile
à cerner. Il est évidemment lié aux pratiques et
comportements des individus sur le territoire. Au même titre que
l'encastrement des entreprises, celui des individus prend en compte leur
rapport social et sociétal vis à vis du territoire. À
titre d'exemple, nous pouvons étudier la mobilité des individus
sur le territoire, leur rapport avec la population, leur rapport avec
l'économie locale, etc.
L'étude de l'encastrement spatial d'une entreprise
regroupe quant à elle l'encastrement des entreprises sur le territoire
spatialement parlant et l'encastrement des individus au même titre. Il
regroupe par exemple la mobilité des individus sur le territoire, la
période depuis laquelle l'entreprise est installée sur le
territoire, etc.
Il s'agira donc, dans cette partie, d'étudier l'ancrage
territorial du Pôle de la Belle-de-Mai. Nous avons d'ores et
déjà étudié les interactions entre les entreprises
des trois îlots, interactions qui restent très faibles. Ces
interactions font partie des relations entre firmes d'un même territoire,
c'est-à-dire de l'ancrage économique d'une entreprise. De plus,
il nous semble judicieux de compléter cette analyse par des recherches
concernant la durée d'implantation des entreprises, leurs
investissements sur le territoire, les partenariats qu'elles peuvent avoir avec
des collectivités, etc. Nous étudierons aussi l'activité
sociale de l'entreprise,c'est-à-dire quel est le lien entre l'entreprise
et la communauté. Ajouté à cela, nous disposons de
données concernant un panel de salariés de 250 personnes environ
reposant sur leur rapport au quartier de la Belle-de-Mai, c'est-à-dire
leur mobilité, leur consommation, etc. Nous ne disposons pas, par
contre, de données concernant les activités environnementales des
entreprises. Notre étude est plutôt portée sur le
caractère économique et social de l'ancrage qui nous semble
être le point clé du développement local (le rapport
à l'environnement étant une question bien plus actuelle). Enfin,
nous verrons ce que la réhabilitation du Pôle de la Belle-de-Mai a
apporté à son territoire. Nous tenterons ainsi de décliner
l'ancrage territoriale de l'ensemble Friche, Pôle Média,
Pôle Patrimoine selon l'encastrement des entreprises, l'encastrement des
individus et enfin l'encastrement spatial de l'ensemble.
2. La Belle-de-Mai : un quartier
où pauvreté et insécurité dominent
Avant d'étudier l'ancrage territorial des entreprises
du Pôle de la Belle-de-Mai, il semble bien évidemment essentiel
d'étudier le territoire. Nous nous baserons sur des discours de la
presse, des politiques et des acteurs du pôle pour comprendre quels sont
les enjeux du territoire. Nous nous demanderons ainsi comment ces
différents acteurs voient le territoire ? En quoi les projets de
Friche, Pôle Média et Pôle Patrimoine peuvent être une
solution ? Ces interrogations nous permettront de comprendre si les
acteurs de développement sont conscients des problèmes du
territoire et quelles sont les perspectives qu'ils proposent. Nous pourrons
ainsi cerner les différents enjeux du territoire pour voir, par la
suite, si les entreprises les ont pris en compte et si elles se sontinvesties
dans la résolution des problèmes.
a) Le quartier « le plus
pauvre d'Europe »
Nous nous sommes interrogés, dans un premier temps, sur
la perception du quartier. Et ce que l'on entendou litle plus souvent dans les
discours, que ce soit auprès des politiques, des acteurs locaux ou de la
presse, c'est que la Belle-de-Mai est un quartier où
insécurité et pauvreté dominent très
largement.Depuis que le quartier existe, il expose de grandes
inégalités tant sur le plan social que sur le plan
économique. Et ces problèmes de développement se sont
intensifiés avec la fermeture de la manufacture des tabacs. En 1989, La
Belle-de-Mai fait déjà les grands titres. Dans le
Méridional, un des titres marquant sur la Belle-de-mai est
« Belle-de-Mai, quand stoppera-t-on la
paupérisation ? ». Les journalistes semblent se rendre
compte de la paupérisation qui a toujours sévi dans le quartier,
et qui s'est maintenue depuis la fermeture de la manufacture en 1990. En effet,
ce quartier était particulièrement tourné vers
l'industrie. En 1869, seulement quelques années après
l'urbanisation et l'industrialisation du quartier notamment avec l'implantation
de l'usine Seita, 57% des habitants y étaient employés71(*). Dès l'urbanisation du
quartier, l'habitat apparaît comme « malsain et
précaire »72(*). À coté de cela, la ville de Marseille
favorise le développement de l'industrie par l'aménagement de
voies commerciales, de trottoirs, etc. On comprend alors que
déjà, à l'époque, la municipalité ne cherche
pas forcément à améliorer le coté habitation et vie
sociale du quartier. Et le fait de se soucier aussi peu du devenir du quartier
va faire en sorte que ce dernier se paupérise, son
insécurité et sa vétusté n'en étant
qu'amplifiées.
Le quartier doit finalement être rentable tout au plus,
et ne doit être voué à une vie sociale. En 2002,
c'est-à-dire 10 ans après l'implantation du SFT à la
Belle-de-Mai et donc le début de la reconversion de l'ancienne
manufacture, le territoire semble pourtant toujours abandonné. Il
semblerait même que les politiques se rendent enfin compte des
problèmes à la Belle-de-Mai.
Lisette NARDUCCI, maire du 2èmesecteur,
constate la grande difficulté que représente la Belle-de-Mai.
Elle considère le quartier comme « un quartier populaire et
populeux »73(*),
et le compare même à un « village ».Elle pense
également qu'il y a « une difficulté sociale et
économique qu'il ne faut pas ignorer. Il y a une concentration de
familles en grande précarité, les voyants sont au
rouge. ».
M.VOUYOUCAS, ancien directeur du Gyptis (cinéma) fait
lui aussi part de sa détresse dans la Provence74(*), et se demande si
« le quartier est abandonné à la saleté et
à la laideur ? ». Ce à quoi il
ajoute« Ensemble, nous devons entreprendre des travaux
d'aménagements sans lesquels tout autre projet ne peut
fonctionner. ». Finalement, selon lui, la Friche n'a pas
profité au quartier, qui reste toujours très pauvre. Il faudrait
sans doute rénover le quartier dans son ensemble pour qu'une nouvelle
dynamique positive apparaisse. Sans quoi, les autres projets, que se soit la
Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine ne pourraient
fonctionner. Pourtant, aujourd'hui, en 2015 soit plus de vingt ans après
l'implantation de la Friche et dix ans de développement des projets
Pôle Média et Pôle Patrimoine, les projets semblent
ancrés sur le territoire75(*). Cela revient à nous demander si le fait qu'un
projet économique évolue sur un territoire qui n'évolue
pas en fait forcement un projet non durable ? Ou si, au contraire, le
territoire et l'entreprise évoluent de manière totalement
disjointe. Il se pourrait alors que, malgré le fait qu'une entreprise
réussisse à se développer et à se créer un
capital important, le territoire sur lequel elle est implantée n'arrive
pas à suivre ce mouvement et que, au contraire, l'écart
économique et social se creuse un peu plus. C'est en tous cas ce qu'il
semble se passer à la Belle-de-Mai.
b) Une conscience des problèmes
universelle sur le territoire
Un deuxième constat que nous pouvons faire un sein des
discours est celui de la conscience universelle des problèmes du
quartier dans son développement et qu'il semble urgent de s'en
défaire. Ce constat commence dès les années 1980,
c'est-à-dire 10 ans avant la fermeture de la manufacture qui a
entrainé encore plus de déclin au sein du quartier. Dans un
article paru dans le journal Le méridional le vendredi 16 janvier 1981,
Jean BETTOIA rapporte une enquête réalisée auprès
des habitants du quartier. Certains expriment un sentiment de changer de
« planète ... lorsqu'on arrive à la
Belle-de-Mai. »D'autres expliquent qu'ils ne veulent «
nullement être discriminatifs, mais il existe une telle différence
de physionomie entre ces lieux et les « beaux quartiers »
qu'on est forcé d'insister sur ce contraste criard. ». Ils
ajoutent également que « le quartier est sale, à
l'abandon ». Au-delà du fait que le quartier est pauvre, les
habitants semblent se sentir délaissés et même
abandonnées, face aux inégalités et à
l'insalubrité. Dominique SAMANNI, Directrice des réserves
municipales, nous confie également que « lorsque les visiteurs
se rendent à sa structure à pieds depuis Saint-Charles, ils se
rendent compte de la grande différence qui règne entre
l'insécurité et la fracture sociale du quartier et la
Friche. »76(*).
Lisette NARDUCCI, maire du 2ème secteur,
constate elle aussi le problème, mais tente de le minimiser. Elle
explique la chose suivante : « Vous savez, je reçois les
CIQ tous les mois pour faire le point sur les dossiers. Il y a une
économie souterraine. En même temps, il y a une vie tout à
fait normale. Il y a un savoir vivre ensemble mais cela ne veut pas dire qu'il
n'y a pas de problèmes. D'une manière générale,
cela se passe plutôt bien. On n'a pas les grands règlements de
compte. On a notre « petite bande ». Il y a quelques
individus qui foutent la pagaille. » Ce à quoi elle ajoute
« pendant trente ans rien n'a été fait. Mais cela
commence à changer. Depuis que je suis maire, j'ai fait remonter la
nécessité de l'intervention des pouvoirs publics. ... C'est
en train de bouger. Tout n'est pas encore très visible. Ca va sortir de
terre. La Belle-de-Mai est en mouvement. On avait touché le fond, on a
amorcé la remontée. »77(*). Pour Mme NARDUCCI, les choses sont donc en train de
changer, depuis qu'elle a été élue. La tendance s'est
inversée même si les choses ne sont pas encore visibles. Mais cela
ne relève-t-il pas simplement du discours politique à la veille
d'une élection municipale (les propos ayant été tenus
en 2013 et les élections ayant eu lieu en 2014) ? Est-ce que les
habitant ont eux aussi l'impressions que les choses changent ? Nous avons
également pu voir sur le site internet de la mairie du
2ème secteur, que la description du quartier de la
Belle-de-Mai ne se fait que par son Pôle Média, sa Friche et son
Pôle Patrimoine. On rapporte même le fait que « ce lieu
vit au rythme du cinéma, de la télévision et de la
culture. »78(*).
Finalement, dans le discours politique, les problèmes de la
Belle-de-Mai, bien que constatés, semblent quelque peu cachés
derrière le succès des industries créatives du
pôle.
Mais pour certains, le vrai problème n'est pas le fait
que le quartier soit pauvre ou insécurisé, c'est le fait que
personne ne s'en soit préoccupé. Et bien que le maire constate
que les politiques n'ont été que trop peu présentes
à la Belle-de-Mai pendant plus de trente ans, son discours est bien plus
optimiste que d'autres. Selon le directeur du CIQ, Serge PIZZO, « la
crise des années 70 est venue saccager cette belle
vitalité. ... Les pouvoirs publics ont laissé ce
quartier à l'abandon pendant plus de 30 ans. »79(*).
Finalement, on a tendance à rejeter la faute sur la
Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine, mais ce constat
semble légèrement irraisonné. La question de
l'accès à la Friche se fait par exemple de plus en plus
pressante80(*)
étant donné le nombre de salariés, artistes et visiteurs
qui s'y rendent. Mais lorsque la Friche n'était qu'une manufacture de
tabac, la question ne se posait pas. Les gens se rendaient naturellement sur le
site puisqu'ils devaient y aller pour travailler. Aujourd'hui, on dit que la
Friche est inaccessible, mais elle ne l'est pas plus que du temps industriel...
Il semble donc quelque peu irrationnel d'accuser la Friche. Le problème
qui devrait par contre être mis en évidence est le fait que la
municipalité n'a pas développé de vrai projet de
territoire. Elle a simplement décidé de soutenir des projets
culturels et créatifs mais ne semble pas avoir donné de
directives sur l'intégration de la population dans ces projets.81(*) La question que nous pouvons
par conséquent nous poser est quel est le réel
intérêt à développer la culture et la
créativité sur un territoire aussi
défavorisé ?
3. Quel est l'intérêt de la
culture au sein des projets à la Belle-de-Mai
a) La culture comme clé de
développement ?
Pour AndonisYOUYOCAS82(*), directeur du Gyptis en 1989, la culture est
également indispensable au développement d'un territoire. Il
explique que pour lui, « il faut savoir si les gens veulent aller au
théâtre et ce qu'ils souhaitent y voir. ». Constat
auquel il ajoute : « à mon avis, d'ailleurs tant en
peinture qu'en musique, Marseille ne valorise pas ses créateurs,
d'où cette hémorragie permanente. ... Je le dis bien haut :
les gens investiront à Marseille quand il y aura une vie culturelle
très intense. Si on veut sortir la ville de son désert culturel
il faut absolument valoriser la création à tous les
niveaux. ». Pour l'ancien directeur du Gyptis, la culture est
l'élément clé du développement du quartier. Si l'on
développe la ressource culturelle et qu'on la met en avant, elle
permettra au quartier de se dynamiser, d'attirer de nouveaux investisseurs et
surtout de rendre Marseille attractive.
De plus, pour certains acteurs politiques, favoriser
l'implantation d'artistes dans la ville lui permettrait de se
développer. Fabrice LEXTRAIT par exemple, connu pour son rapport sur les
nouveaux territoires de l'art, pense que les artistes souhaitent travailler
avec leur territoire. En effet, la proposition des artistes « s'adresse au
public non pas en tant que consommateurs mais en tant spectateurs
intégrés au processus de création. Et, surtout, de
travailler en profondeur et en proximité avec une population. ... Il est
vrai que de nombreux artistes ressentent comme une nécessité de
travailler en rapport étroit avec un territoire, une ville, un quartier.
Beaucoup d'entre eux, mais pas tous, souhaitent que leur travail alimente le
« débat démocratique ». Les artistes cherchent un
public « exclus de la « consommation culturelle »83(*). Cette idée selon
laquelle l'artiste veut participer à la vie de la société
et veut favoriser des liens avec les habitants peut se rapporter à la
définition de l'ancrage territorial selon laquelle les firmes
participent au développement local et doivent s'intégrer d'un
point de vue social et sociétal.
D'autres, quant à eux, préfèrent penser
que ce sont les liens sociaux et les réhabilitations urbaines qui
peuvent permettre à un territoire de se développer. Robert
SEBAOUI84(*), ancien
directeur de la maison pour tous, pense que son établissement doit
« jouer à fond un rôle de moteur pour essayer de
dynamiser le quartier sur l'axe de l'animation sociale. ». De plus,
il se pose la question du « pourquoi ne pas programmer une
réhabilitation comme au Panier ou comme en
centre-ville ? ». Finalement, pour lui, la culture n'est pas
forcement la clé du développement à la Belle-de-Mai. C'est
plutôt la réhabilitation urbaine et surtout le partage et la
cohésion sociale qui doivent être développés.
b) Projets proposés pour
répondre aux enjeux : les ambitions
Le projet du Pôle de la Belle-de-Mai par d'un constat
alarmant : « le site de la Seita s'ajoute aux 45 hectares de
Friches industrielles de Marseille auxquelles Christian Poitevin, élu
à la culture, rêve de donner une seconde
chance. »85(*).
On a donc, d'un coté, un territoire en Friche, abandonné, et de
l'autre, des acteurs locaux qui souhaitent le réhabiliter par la
culture. Le SFT apparaît alors comme « les
créateurs » de cette résurrection. Ce sont eux qui, les
premiers, se sont installés à la Belle-de-Mai et ont
changé l'image du quartier. Selon Michel DUFFOUR, alors
secrétaire d'Etat du Ministère de la Culture, « il faut
des réponses politiques à ces propositions atypiques. Mais il ne
s'agit pas d'enfermer dans des cases. Nous ne cherchons pas à
écrire les aventures à leur place. »86(*). Pour que la culture
s'installe durablement sur le territoire, il faut donc que la Friche
s'institutionnalise. Et c'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé en 1998
lorsque la ville décide de racheter l'ancienne manufacture.
En partant de ce constat, nous nous sommes demandé
quels étaient les projets de développement des trois pôles
et surtout quelles étaient leurs ambitions. Nous avons donc, d'un
coté, la Friche, lieu dédié à la culture et au
spectacle, dont l'ambition est de donner une vision nouvelle de la culture
à un public toujours plus grand. On peut supposer, en suivant la
définition, que la Friche culturelle doit participer à l'ancrage
territorial puisque ce sont des artistes qui utilisent et s'approprient la
ressource culturelle tout en la territorialisant afin que la population et que
le territoire se les approprient (l'artiste et la ressource). Le Pôle
Média, est un espace qui regroupe des entreprises de l'audiovisuel et du
multimédia. Créé en 2004, il est aujourd'hui un lieu
incontournable où se regroupent un incubateur, une
pépinière, un cluster, et des entreprises créatives. Le
Pôle Patrimoine regroupe quant à lui des structures
dédiées à la conservation et à la restauration du
patrimoine. Il semblerait donc, en apparence, que les trois îlots ne
soient pas des projets de territoire où le quartier et la population
seraient intégrés aux ambitions de développement, bien que
la Friche culturelle doit quand même répondre à certaines
de ces exigences (d'autant que le projet de Friche est devenu « un
projet culturel pour un projet urbain » en 1995).Nous n'avons
malheureusement pas eu accès aux projets en phase idéique, ni
même aux ambitions avancées par les politiques. Mais nous pouvons
cependant supposer que le développement du quartier n'était pas
la question de départ. Le but du projet était surtout de donner
une nouvelle image à la culture et à la créativité
à Marseille afin de rendre la ville plus attractive. Nous nous sommes
alors demandé, sur la base de cette supposition, si les projets ont
été une réussite d'un point de vue économique,
urbain et social.
c) Quelles ont été les
conséquences de la réhabilitation ?
Richard MARTIN87(*), homme de théâtre et de culture,
explique en 1981 qu'« on ne peut oeuvrer pour la culture qu'avec une
multitude d'opérations authentiques de la région. J'ai
l'impression qu'on favorise ici des « opérations
parachutées » de prestige, mais combien
coûtent-elles ? ». Pour lui, les opérations de
réaménagement qui font état, en 1981 à la
Belle-de-Mai, ne sont pas des opérations initiées par la
région et donc elles ne peuvent améliorer le quartier. Il
s'inquiète d'ailleurs du coût de ces opérations. Mais
aujourd'hui, bien que les opérations de réhabilitation des trois
îlots de la Belle-de-Mai ont été en partie
subventionnées par la région, il n'en est pas moins qu'elles
n'ont pas profité au quartier ! Et pourtant, selon la presse locale
et les politiques, cette réhabilitation est une réussite pour le
quartier. Déjà, en 1994, le journal la Provence explique que
« l'opération résurrection de la Belle-de-Mai semble
réussie. »88(*). Il semblerait donc qu'en quatre ans, de
l'installation du SFT à la Friche à la date de cet article, tout
ait changé.Ensuite, la Friche apparaît comme élément
clé du développement du quartier. « À partir de
là, la FricheBelle-de-Mai s'imposera au gré des changements
d'équipes municipales et des relances économiques comme un
interlocuteur incontournable. »89(*).
Pourtant, ce n'est pas le constat de tout le monde. Alain
ARNAUDET, par exemple, Directeur de la Friche, explique que « la
présence de la Friche n'a, pour l'heure, pas transformé le
quartier... Du point de vue financier et économique, la Friche a
toujours été à la limite, en tant que projet. Mais un pas
a été franchi avec les nouveaux aménagements en cours.
Désormais il devrait y avoir des incidences sur le quartier quant
à la vie économique et culturelle. Mais il faut également
qu'elle s'organise autour. Nous voulons contribuer à améliorer la
vie économique et sociale du quartier, mais aussi qu'il conserve son
caractère populaire et accessible, qu'il ne soit pas emporté par
une gentrification toujours possible avec ce type de
projet. »90(*).
Finalement, bien que la presse semble très optimiste quant à
l'impact du Pôle Belle-de-Mai sur le quartier, les acteurs de cette
réhabilitation semblent bien plus rationnels. Nous verrons d'ailleurs
dans notre chapitre deux que les autres acteurs du Pôle de la
Belle-de-Mai pensent que le problème ne vient pas du fait que le
quartier soit défavorisé, mais bien du fait que les projets
culturels n'ont aucune directive à visée sociale, c'est au bon
vouloir de l'entrepreneur de s'investir dans le quartier.
Enfin, du coté des politiques, ce qui est surtout mis
en avant, ce sont les projets, et non pas leur rapport au quartier. Jean Claude
GAUDIN, par exemple, lorsqu'il exprime son point de vue sur la
Belle-de-Mai, se dit satisfait des nouvelles dynamiques et pense que
« aujourd'hui, les trois pôles « auteur, patrimoine
et média » sont une réussite. »91(*). Nous n'avons malheureusement
trouvé que très peu de discours politiques concernant l'ancrage
territorial des entreprises à la Belle-de-Mai. Bien souvent, les
politiques constatent le fait que le quartier est pauvre et que le pôle
est une réussite, mais il font rarement le rapprochement entre les deux.
Finalement, cela nous rapporte à notre interrogation
précédente à savoir pourquoi la faute est rejetée
sur le Pôle Belle-de-Maiet pourquoi les politiques ne se demandent pas si
le problème ne vient pas des directives de développement des
industries culturelles et créatives qui ne prennent pas forcement en
compte le quartier.
Chapitre 2 : rapport
des entreprises au territoire : conséquence de leurs implantations
à la Belle-de-Mai
1. Des projets qui prennent de plus en
plus en compte la population
Dans la définition de l'ancrage territorial,
l'entreprise doit se rapprocher de son territoire d'un point de vue social et
d'un point de vue sociétal. Concernant le social, nous nous sommes
demandé en quoi les pôles Média, Patrimoine et Spectacle
vivant intègrent la population locale. Et ce sont les propos que nous
avons recueillis dans la presse et lors de nos entretiens qui argumenteront nos
idées dans cette sous-partie. Nous verrons ensuite comment les
entreprises participent à la vie sociétale du quartier de la
Belle-de-Mai.
a) Un projet Friche qui tente de
s'ouvrir sur le quartier
Le projet de Friche est le premier à voir le jour
à la Belle-de-Mai. Ce projet basé sur une cohabitation entre
artistes n'avait pas, au début de l'initiative, un objectif d'ouverture
sur le quartier. C'est d'ailleurs le constat que fait Philippe FOULQUIÉ
en 1998. Selon lui : « nous n'avions au départ ni l'intention,
ni les moyens, de modifier son architecture globale. Mais le but n'est pas de
fonder un couvent d'artistes, plutôt de les mettre dans la ville, et de
voir comment elle peut se les approprier.»92(*). Finalement, les objectifs du projet de base
étaient de fournir à des artistes un espace où ils
pourraient s'exprimer. C'était d'ailleurs non pas aux artistes de
s'approprier la ville mais bien à la ville de se les approprier.
C'est-à-dire que le développement du milieu artistique et
culturel à la Belle-de-Mai devait d'abord profiter aux artistes avant de
profiter au quartier. Philippe FOULQUIÉ ajoute également le
constat que « la Friche de la Belle-de-Mai reste une usine.
Protégée par d'immenses remparts, entourés de tunnels,
elle tourne le dos au quartier et regarde vers la voie
ferrée. ». Tout compte fait, la Friche semble n'être la
que pour les artistes, et non pas pour développer le quartier. En effet,
« curieusement, cette notoriété semble exercer peu
d'influence sur le quartier. ». Des habitants s'étaient
d'ailleurs, lors des portes ouvertes, « déplacés en
voisins »93(*).
La Friche est donc installée sur le leur, mais ne semble pas vraiment
lui appartenir. En tous cas, elle ne s'est pas encore territorialisée et
les habitants ne se sentent pas concerné par ce nouveau lieu culturel.
Et ce constat, beaucoup d'acteurs de la Friche et du quartier le font.
Graziella VÉGIS du théâtre Massalia explique par
exemple que « si la proximité joue en sa faveur, le quartier
n'occupe pas vraiment une place plus importante que les autres ? Si les
gens viennent nous voir spontanément, on aura gagné quelque
chose. » Ange ANDREANI, président du CIQ pense quant
à lui « qu'il faudrait faire un effort pour l'ouvrir
d'avantage au quartier. Il y a un manque de communication, cela fonctionne en
vase close. ». Le président de l'association des
commerçants, Alfred SANTORO confirme que « cet endroit
fermé et en retrait par rapport au centre villageois, fait un peu
bunker. ». La Friche est donc repliée, elle tourne le dos
à son quartier. « Pour les habitants, c'est un peu effrayant,
ces grosses institutions, » témoigne Renée
ORABONA94(*). Il y a
visiblement un grand manque de communication : les habitants voient la
Friche comme une inconnue, ils n'osent pas forcement s'y rendre, ils ne savent
même pas ce qu'il s'y passe. Mais pour les acteurs locaux, c'est à
la Friche de s'ouvrir au quartier, et non l'inverse ! On a donc, d'un
coté, le président de la Friche qui pense que la ville doit
s'approprier les artistes et de l'autres, des personnes qui participent
à la vie associative du quartier, qui pensent que c'est aux artistes de
s'ouvrir à la ville.
Rappelons tout de même que l'ancrage territorial se
définit par les moyens mis en place par les entreprises pour se
rapprocher de leur territoire et pour participer à son
développement local. Cette directive ne semble donc pas du tout
adoptée par la Friche, tout du moins au début de son
implantation. En effet, par la suite, les acteurs vont se rendre compte qu'en
se rapprochant de leur quartier et en faisant de la mixité sociale un
des objectifs de la Friche, ils pourraient faire de ce lieu un lieu d'exemple
et de renommée où culture et cohésion sociale
s'assemblent.
C'est notamment depuis le projet de Jean NOUVEL,
« un projet culturel pour un projet urbain », que la Friche
a décidé de se tourner vers on quartier. Jean NOUVEL est alors
président du Système Friche Théâtre et il va
demander, à Mathieu POITEVIN, architecte, de faire un projet à la
Friche où projet urbain et projet culturel seront indissociables. Le but
de se projet est de pérenniser la Friche en l'institutionnalisant. Les
besoins des artistes sont pris en compte, et de nouveaux aménagements
sont faits pour le permettre d'avoir plus de possibilité. Ajouté
à cela, le choix de s'ouvrir sur le quartier apparaît dans ces
nouveaux aménagements. Philippe FOULQUIE rappelle que « la
complexité a été d'ouvrir le site sur le quartier. Il ne
faut pas oublier qu'au début, c'était une usine fermée. Au
bout de dix ans, on a installé une crèche et tenté de
créer des liens avec le quartier. »95(*). Alain ARNAUDET, son
successeur, confie lui aussi qu'ils travaillent « à
l'ouverture de la Friche sur le quartier. Cela a été l'un des
axes majeurs de la rénovation de la Friche. Il faut créer un
espace public poreux. ». Bien que les éléments
culturels ne semblent pas vraiment favoriser la mixité sociale (le
public qui se rend aux expositions et spectacles est différent du
quartier), d'autres lieux favorisent l'ouverture sur le quartier. En tête
de liste, on trouve évidemment le Street Park. Mais on trouve aussi
d'autres lieux fréquentés par les habitants, comme la
crèche. La crèche a d'ailleurs fait de la mixité sociale
son objectif principal, c'est ce que nous rapporte Marion LATUILLIERE,
Directrice de la crèche, lors de notre entretien le 15 avril 2015. Elle
nous explique comment fonctionne le projet de la façon
suivante : « Notre projet de base a été
développé autour de la mixité sociale. Nous avons
fixé le taux de réservataires à 1/3 pour les personnes qui
habitent dans le 3ème, 1/3 pour celles qui travaillent dans
le 3ème mais n'y vivent pas et 1/3 pour les personnes qui
n'ont rien avoir avec le 3ème arrondissement. En 2014, 31%
des réservataires vivaient hors du 3ème, 32%
travaillaient dans le 3ème et 37% y vivaient. On comptait
dans cette totalité 24% de personnes qui travaillaient sur l'ensemble du
site du Pôle Belle-de-Mai. De plus, nous réalisons beaucoup de
sorties sur le site du quartier, notamment au parc avec les plus grands et au
cinéma Gyptis (qui appartient d'ailleurs à la Friche). Nous
aimerions également mettre en place des sorties marchées. Nous
avons été sollicitésdès le début par la
Maison Départementale de la Solidarité du quartier et
également celle du quartier des Chartreux dans le 4ème
arrondissement pour mettre en place un principe d'accueil d'urgence (pour
éviter notamment les placements d'enfants). Ce sont six places à
mi-temps qui sont remplies quasiment tout le temps. ».
D'autres projets vont également voir le jour, comme les
nouveaux équipements sportifs qui sont actuellement en construction. Ces
équipements seront gratuits et mis à disposition des habitants du
quartier. Susanna MONTEIRO nous explique que « le projet est de
créer de nouveaux équipements sportifs et un espace d'atelier
dédié à la pratique artistique. Les travaux vont
débuter en juin, au sein de la Friche. Ces nouveaux équipements
sportifs seront notamment mis à disposition des écoles du
quartier. L'espace atelier constituera une base pour les associations du
quartier pour le développement de soutien scolaire,
etc. »96(*).
Bien que tous ces projets tentent de prendre en compte la
population locale, il semble opportun de signaler le fait que cette population
est plutôt jeune. Susana MONTEIRO, chargée d'action culturelle
à la Friche, nous explique par exemple les rapports qu'entretiennent la
Friche et le quartier.« Nous avons plusieurs projets de partenariat
avec certaines structures sociales du quartier. La maison pour tous de la
Belle-de-Mai pour qui nous disposons d'ateliers de pratique pour les
enfants le mercredi et pendant les vacances à la Friche. La Maison
Départementale de la Solidarité avec qui nous avons
monté un projet autour de la population de Roms, notamment pour les
alphabétiser. Aussi, nous avons mis en place une maison d'accueil pour
les enfants de personnes touchant le RSA. C'est une quarantaine d'enfants
environ, non scolarisés, qui viennent surtout le mercredi pour
s'instruire. Les centres aérés avec qui nous avons des
partenariats pour les enfants. Ce sont des projets surtout tournés vers
le cinéma ; les enfants vont par exemple tourner un film aux
vacances d'avril. Des gouters gratuits sont également donnés le
mercredi, pour les enfants. Et enfin les associations de quartier avec
qui nous entretenons des partenariats pour l'alphabétisation des femmes
par exemple. Les associations ont notamment accès à la Friche
gratuitement pour donner des cours aux femmes en difficulté. ... On
a donc tout un volet sur l'action éducative : par exemple une
convention de trois ans avec le collège de la Belle-de-Mai est mis en
place avec 6 projets par an. Ces projets se traduisent par la mise à
disposition des jardins participatifs, de studios photos ou du
théâtre pour les enfants. » Le fait que la population
visée soit plutôt jeune ou défavorisée peut faire
émerger un nouveau rapport entre laFriche et le quartier. Par le biais
du jeune public, l'image positive véhiculée va se refléter
sur la population moins jeune, et ainsi ouvrir de nouvelle porte au partage et
à la mixité sociale à la Friche.
Mais, bien que des projets aboutissent en étroite
collaboration avec les associations de quartier, le constat reste sans
appel : la Friche n'est que très peu fréquentée
par les gens du quartier. La population qui se rend sur le lieu culturel
reste en effet bien différente socialement parlant de celle du quartier.
Pour Yann LORTEAU, « les habitants du quartier ont souvent d'autres
choses à se préoccuper que de venir à la Friche. Bien
qu'il y ait des événements gratuits comme le Mad'inFriche, les
48H chrono, ou encore certaines programmations musicales ou
cinématographiques, le reste des spectacles est payant et bien souvent
pas accessible au petit budget des gens du quartier »97(*).
Finalement, tous ces projets ont fait en sorte que les
habitants du quartier commencent à voir la Friche comme un moyen de se
développer et de rendre le territoire plus attractif. Anne PFISTER, du
collectif citoyen « brouettes et compagnies » exprime par
exemple son point de vue : « Personnellement, je
m'intéresse plus au devenir de ce quartier qu'à son histoire et
je crois à sa valeur et à sa future véritable place dans
la ville de Marseille. Vous trouverez quelques renseignements historiques sur
le site de la Friche de la Belle-de-Mai qui, depuis quelques années, a
fait un effort visible d'ouverture vers le quartier »98(*).
b) Des activités au Pôle
Patrimoine qui ne facilitent pas le lien avec les habitants du quartier
Comme nous l'avons expliqué dans notre partie 2, le
Pôle Patrimoine constitue un secteur d'activité voué la
conservation et la restauration du patrimoine. En apparence, il n'y a donc
aucune directive sociale. Mais nous avons tout de même posé la
question au directeur des structures qui constituent ce pôle pour savoir
si oui ou non, ils ont fait en sorte de s'ancrer sur le territoire d'un point
de vue social. Et notre hypothèse de base n'a pu qu'être
confirmée.
Roland MAY, directeur du CICRP, nous confit que son
établissement n'a aucun lien avec le quartier. Ils n'ont pas de vocation
publique à la différence des Archives Municipales qui sont
ouvertes au public. Il nous explique que la structure est « un lieu
de travail, de recherche et de restauration. »99(*). Il explique
également qu'ils réalisent tous les trois mois des
conférences ouvertes à tous, même au gens du quartier. Ils
ont également été sollicités une fois par le
comité de quartier pour l'organisation d'une visite, mais elle n'a
jamais eu lieu. Ils ont réalisés une fois une journée du
patrimoine, en 2007, et ont pu recevoir 360 personnes dans un week-end. Mais
c'est un événement difficile à organiser et ils ne peuvent
pas recevoir plus de personnes. Il affirme tout simplement qu'ils n'ont
« pas d'ancrage avec le quartier ». La structure a une
activité plutôt dédiée à la Ville, et non au
quartier. De plus, les seules personnes qui s'y rendent sont des personnes qui
connaissent le lieu et qui ont des liens avec la structure. Finalement, il
semble impossible de créer un lien fort entre le CICRP et le quartier,
ce n'est d'ailleurs pas sa vocation.
Concernant les réserves municipales, Dominique SAMANNI
nous confie que leurs visiteurs peuvent être des artistes très
côtés, mais aussi des personnes qui travaillent pour le
Ministère de la Culture. Une fois de plus, un rapport avec le quartier
semble impossible. La directrice des réserves s'alarme d'ailleurs des
problèmes dont souffre le quartier. « Je me demande comment le
quartier ne s'en sort pas après toutes ces rénovations ?
Sans doute que la fracture sociale est trop importante »100(*) nous rapporte t-elle.
Boris GAUBERT, directeur des Archives Municipales, nous
explique quant à lui qu'ils organisent des manifestations ouvertes au
public mais qu'ils n'ont pas d'actions avec le quartier et pas de
manifestations conçues pour attirer spécifiquement les gens du
quartier.
Emilie GERARD, conservatrice et directrice des réserves
du MUCEM, nous rapporte les propos suivants : « nous n'avons pas
vocation de travailler seulement avec le quartier, mais on a tout de même
des micro événements tournés vers le quartier uniquement,
comme par exemple la fête de la mémoire du quartier. Par contre,
on a des événements ponctuels avec les associations du quartier
autour de la collection, de la photo, de travail d'écriture et de
lecture. On a un intermédiaire pour les activités publiques, qui
sont plutôt des activités « public champ
social ». Ce sont des interventions ponctuelles, à petite
échelle et assez régulières. Mais ce n'est pas très
lisible. Il faudrait peut être créer une bibliothèque de
quartier mais ce n'est pas fait car la direction ne veut pas. ... Je ne
pense pas que les gens du quartier viennent ici. J'ai déjà
rencontré une personne qui, en passant la porte, m'a dit « ah
mais vous êtes ouverts au public ? ». Il y a donc une
certaine surprise des gens que le lieu soit ouvert. De plus avant que l'on ait
le panneau à l'entrée, à moins de passer devant chez nous
pour aller à la Friche, nous étions invisibles. ... Les
gens du quartier ne savent même pas ce qu'il se passe ici. On attire le
plus souvent les gens qui vont à la Friche. Nos réserves sont
visitables, en plus de la petite salle d'expo. Nous avons entre 300 et 400
visites par mois tout de même. »101(*).
Finalement, même si les structures qui constituent le
Pôle Patrimoine sont ouvert au public de façon ponctuel ou
permanente, la population de la Belle-de-Mai ne s'y rend pas et ne semble
même pas s'y intéresser ce qui rend difficile la mise en place de
lien sociaux et sociétaux avec le quartier.
c) Un Pôle Média
très renfermé sur lui-même
Enfin, concernant le Pôle Média, le constat est
sans appel : il n'y a aucun lien entre les entreprises et le quartier.
Lorsque nous nous sommes rendus pour la première fois sur les lieux,
nous nous sommes d'ailleurs demandé si le lieu était accessible
au public ou si seulement les personnes qui y travaillent peuvent y entrer.
Céline SOULIERS, directrice de l'incubateur, nous
confie les propos suivant : « À ma connaissance, il n'y a
aucun lien entre les entrepreneurs de notre incubateur et le quartier.
L'incubateur et le Pôle Média sont basés en
général dans le quartier simplement et purement par rapport aux
politiques de la ville. Dans notre cas c'est également dû au fait
que la pépinière d'entreprise se trouve juste à
coté. ... Notre structure étant basée sur des projets
novateurs, nous ne sommes pas accès sur un public
défavorisé (alors que dans le quartier c'est le cas). Nous sommes
en lien avec la recherche publique et donc les personnes qui développent
leur projet ici sont de niveau cadre supérieur. ... Nous n'entrons pas
non plus dans des missions d'insertion comme ça peut être le cas
à la Friche. Aucune demande de l'État ne nous a été
transmise sur un quelconque investissement pour le quartier. Nous restons quand
même dans une mission sociale et économique mais pas pour le
quartier. A savoir que le Pôle Média ne fait pas parti des zones
franches urbaines qui sont des zones où les gens du quartier environnant
doivent être pris en compte. Il faut également ajouter que le
Pôle Média reste un passage pour nos entrepreneurs et ils n'ont
pas forcement le temps de mettre en place des liens avec le
quartier»102(*).
Nathalie AVERSENQ qui est en charge du projet Pôle
Média, confirme également le fait qu'il n'existe aucune vocation
sociale au sein du pôle. « Notre vocation est de faire un
écosystème. Si les gens du quartier peuvent y entrer il n'y aura
aucun problème. Mais nos élus ne nous le demandent pas. Il y a
une certaine culpabilité de dire qu'il faut absolument aider le quartier
».
2. Des projets qui s'intéressent
très peu au développement économique du quartier
Finalement, même s'il n'y a pas beaucoup de liens
sociaux, certaines structuresintègrent le rapport au quartier d'un point
de vue social dans leurs projets. C'est le cas par exemple de la Friche qui
souhaite offrir un espace sportif pour les habitants du quartier ou encore qui
souhaite aider les plus défavorisés. C'est aussi le cas de la
crèche qui a fait de la mixité sociale un des objectifs
principaux de son projet. Mais c'est aussi le cas au Pôle Patrimoine
où des événements ponctuels rassemblant les habitants du
quartier sont de plus en plus à l'ordre du jour. Par contre, le
Pôle Média n'a aucune vocation sociale (même si
l'idée du projet de studio rencontre pour Plus belle la vie a
été énoncé). Comme nous l'avons vu, son but est
d'abord et avant tout de créer de l'économie par le biais des
industries créatives. Mais est-ce que cette économie profite au
quartier ? Ou est-ce qu'elle profite seulement aux institutions qui
subventionnent et aux entreprises ? Aussi, est-ce que les deux autres
pôles ont vocation à développer une économie qui
participerait à l'économie locale ?
a) Quelques projets pour le
développement économique du quartier
Un des projets ambitieux où industries culturelles et
quartier défavorisé tentent de tisser un lien est sans aucun
doute celui du Gyptis. Yann LORTEAU, nous explique, lors de notre entretien, le
projet : « le Gyptis est un cinéma implanté dans
le quartier, qui est financé et géré par la Friche. Bien
qu'il reste un cinéma d'art et d'essai, tout l'intérêt
réside dans sa programmation. Nous mettons en place des séances
de famille et nous avons les tarifs les plus bas de Marseille (2,50 euros la
séance). Le but était donc de faire des propositions qui
conviennent à la population du quartier ». Le cinéma a
donc un objectif évidemment social, puisqu'avec des tarifs attractifs et
des offres qui conviennent à la population il permet de la rassembler,
mais il est aussi un bon moyen de redorer l'image du quartier et de le
redynamiser.Certains sont d'ailleurs très optimistes.
« Non le quartier n'est pas abandonné ! Les
choses changent ! » s'estpar exemple
félicitée lors de l'inauguration du GyptisLisette Narducci (PRG),
maire du 2e secteur (2e-3earrondissements)103(*). Ce projet montre
également bien le fait que la Friche souhaite de plus en plus s'ouvrir
sur le quartier. C'est d'ailleurs ce que Alain ARNAUDET dit : il s'agit
de « désenclaver la Friche sur le quartier, et
désenclaver le quartier sur Marseille »104(*). C'est finalement en se
rapprochant du quartier et en créant de la proximité avec les
associations, la population, que le quartier pourra s'en sortir.
Un autre projet, qui n'est pour l'instant qu'une idée,
qui permettrait de redynamiser le quartier d'un point de vue économique,
serait initié par la ville de Marseille sur le secteur du Pôle
Média. Nathalie AVERSENQ qui est en charge du projet Pôle
Média, nous explique qu'« Il y a la question de Plus
belle la viequi meurtrit tout le monde : tout le monde voudrait
visiter leurs locaux et rencontrer les acteurs. C'est sans doute quelque chose
qui aiderait le quartier et nous y réfléchissons
évidemment. Si on avait un showroom il y aurait énormément
de gens qui voudraient le visiter. Des activités connexes au sein du
quartier pourraient ainsi se développer. Ça aurait un
succès fou, cela pourrait avoir un impact très positif sur le
quartier. Mais il faudrait trouver le foncier, car au Pôle Média
c'est impossible. Notre objectif est de réaliser ce projet rapidement,
et nous aurions même dû le faire avant »105(*). Bien que ce projet ne soit
encore qu'une idée, il montre bien le fait que les entrepreneurs et
politiques commencent à se demander comment le Pôle Belle-de-Mai
pourrait enfin aider le quartier.
b) Globalement, les initiatives sont
faibles et la greffe ne prend pas
Nous l'avons décrit dans la définition de
l'ancrage territoriale : pour que les entreprises soient ancrées il
faut qu'elles établissent une certaine proximité avec le
quartier. La proximité géographique à la Belle-de-Mai est
forcement avérée. Les entreprises et associations sont
disposées au sein de trois îlots qui constituent le Pôle de
la Belle-de-Mai. Même si cet ensemble, comme nous l'avons vu, tourne le
dos au quartier, il y a bien une proximité géographique entre les
deux. La deuxième proximité qui doit être
avérée est une proximité organisée entre les
entreprises et les structures du quartier. Les entreprises doivent participer
au développement local, elles doivent mettre en place une collaboration
avec des entreprises ou associations du quartier, elles doivent participer
à l'innovation, etc. Mais pour le cas de la Belle-de-Mai, il semblerait
que les entreprises n'ont pas conscience des enjeux du quartier et qu'elles ne
s'intéressent pas à son développement. Il n'y a pas de
médiation avec les acteurs locaux, sauf pour certains
événements ponctuels où les associations de quartier
entrent en contact avec des entreprises du pôle, mais ce sont des
événements très rares et souvent à caractère
social. Concernant la formation, il n'existe aucune offre de la part du
Pôle Belle-de-Mai. Il y a eu comme idée de remplacer la
maternité (actuellement en friche) en espace dédié
à la recherche et à la formation, mais elle sera finalement
transformée en logements (dans tous les cas, le Pôle Belle-de-Mai
n'avait rien à voir avec ce projet). De plus, nous avons expliqué
en partie 2 le fait que le turn over était un bon indicateur de
proximité organisée entre les entreprises. Mais il l'est aussi
entre les entreprises et le quartier. Pour rappel, la plupart des entreprises
sont très récentes et la plupart des salariés sont
à la Belle-de-Mai depuis moins de 4 ans, il semble donc difficile
d'établir un lien de façon durable. Par exemple, si une personne
va s'intéresser au devenir du quartier et qu'elle est ensuite
amenée à changer d'entreprise ou tout simplement de territoire,
il est alors plus difficile pour l'entreprise de s'intéresser au
développement économique du quartier.
Les industries qui constituent les trois îlots sont des
industries du secteur créatif et culturel. Nous pouvons donc
également émettre l'hypothèse que ces industries,
étant surtout tournées vers la culture, n'auraient pas d'autres
ambitions et peut-être même possibilités que de
développer de la culture au sein du quartier. Par exemple, Susana
MONTEIRO, chargée d'action culturelle de la Friche, explique que -en
parlant de la Friche-« nous avons financé la
réhabilitation du cinéma Gyptis rue Loubon. On y trouve notamment
des séances organisées par la Friche pour les enfants des
associations de quartier. Par contre, nous ne finançons aucun
aménagement de type logements sociaux, etc. ». Le Gyptis
étant un cinéma, il appartient bien au secteur culturel. Par
contre, elle nous confirme bien qu'ils n'intègrent pas d'autres aides
dans leur budget de subventions annuelles.
On constate également, dans le discours des acteurs,
que l'impact du pôle sur le quarier n'est pas forcement visible. Patrick
ALARY, qui préside la Fédération des Professionnels de
l'Immobilier de Provence, pense par exemple que « créer un
équipement culturel quelque part, c'est toujours une bonne chose pour un
quartier, cela le rend plus attractif. Cela dit, je pense que la Belle-de-Mai
reste un secteur très en retard. »106(*).Béatrice SIMONET,
secrétaire générale du Système Friche
théâtre pense quant à elle qu'« on ne
prétend pas apporter une solution aux problèmes du quartier, l'un
des plus pauvres d'Europe. C'est vrai qu'il n'y a pas eu de transformation
rapide du quartier, de « boboïsation », comme à
Berlin ou à Liverpool »107(*). Enfin,Robert ROSSI, du groupe de rock Quartiers
Nord exprime son point de vue : « je ne suis pas
très optimiste. Prenez le Pôle Média... au départ,
on disait que les salariés viendraient s'installer à la
Belle-de-Mai. Pensez donc : c'est un monde à part qui a son propre
restaurant, qui ne se mélange pas »108(*). Finalement, on a, d'un
coté, les optimistes que sont les politiques et qui tentent de
démontrer que le pôle a eu un impact positif sur le
quartier ; et les autres, les acteurs du pôle et les acteurs locaux,
qui ont un discours bien plus pessimiste.
Il semble tout de même important de signaler que nous
n'avons pas assez de données pour soutenir ce que nous avançons.
En effet, lors de nos entretiens mais aussi dans la presse ou dans le discours
politique, la préoccupation est surtout de l'ordre du social,
c'est-à-dire pourquoi le quartier reste aussi défavorisé
même après d'aussi grands projets. Les réponses qui
ressortent le plus souvent concernent donc le rapport qu'ont les entreprises
avec le quartier d'un point de vue social et sociétal, et non pas
économique. On peut alors se demander pourquoi ce rapport entre
développement de l'industrie créative et développement
économique du quartier n'est jamais mis en avant ? Le fait que le
quartier soit aussi défavorisé fait sans doute oublier aux
entreprises le fait qu'elles pourraient participer à son
développement économique. Finalement, le fait qu'il soit aussi
défavorisé est aussi une preuve que les projets de
développement des trois îlots n'ont pas fonctionné sur le
quartier. Peut-être aussi est-ce dû au fait que le
développement local ne faisait pas partie du projet de base et que les
politiques ne se rendaient pas compte du potentiel d'une telle
réhabilitation. Finalement, la question de la participation au
développement économique, nous nous la poserons par la suite
lorsque nous analyserons les pratiques du quartier par les salariés des
trois îlots. Nous pourrons ainsi analyser l'encastrement individuel qui
pourra nous emmener à des conclusions -bien que subjectives- quant
à la participation des entreprises au développement local. C'est
d'ailleurs ce que Serge PIZZO, Président du CIQ de la Belle-de-Mai,
explique : « l'arrivée de la Friche, des structurelles
culturelles, a freiné cette dégringolade. Et ces
salariés, ils consomment aussi dans le quartier, les commerces de bouche
y ont trouvé leur compte. Avec la population, le pont a
été fait et un événement comme la Belle fête
de mai y contribue»109(*).
3. Finalement, est-ce que ces projets
ont vraiment profité au quartier ?
Comme nous l'avons vu, les projets de Friche, Pôle
Média et Pôle Patrimoine s'intéressent très peu au
développement économique du quartier. Ils tentent par contre, de
plus en plus, d'intégrer la population défavorisée du
quartier à leur site. Nous allons donc voir, à travers les
discours des politiques et des acteurs, si ces idées et/ou projets ont
profité au quartier. Nous comparerons ces discours avec les chiffres de
l'INSEE sur le quartier. Nous verrons ainsi s'il s'agit plutôt d'un
marketing urbain fort revendiquant l'ancrage territorial des entreprises pour
attirer d'autres entreprises ou s'il s'agit simplement de la
réalité.
a) Comment est perçu le rapport
entre Pôle Belle-de-Mai et quartier par les politiques et les acteurs
locaux ?
Bien que des projets ou des partenariats pour le quartier
existent, on peut se demander si ceux-ci ont eu des effets positifs sur le
quartier. Est-ce qu'un projet d'une telle envergure a profité à
un quartier aussi défavorisé ? Certaines hypothèses
apparaissent dans le discours des acteurs locaux et des politiques. Lisette
NARDUCCI, maire des 2ème et 3ème
arrondissements, tente par exemple de traiter la chose de façon
optimiste. Selon elle, « c'est une dynamique et des lieux où
se rencontrer.[...] Quand j'organise une concertation, maintenant, tout le
monde est là ! Les gens, ici, ont envie d'apporter leur pierre
à ce quartier »110(*). Mais le problème ne semble pas venir du fait
que les acteurs s'intéressent ou non au devenir du quartier, il
semblerait que se soit autre chose.Le Président du CIQ par exemple,
exprime sont point de vue en donnant une idée alternative :
« pourquoi ne pas englober toute la Belle-de-Mai dans
Euroméditerranée et pas seulement la partie du
Pôle-Média et de la Friche ? [...] Ce qui a sauvé
la Belle-de-Mai c'est la Friche et le Pôle Média. Près de
1500 personnes viennent y travailler chaque jour »111(*). Finalement, selon lui, la
réhabilitation a profité au quartier. Et le fait
d'intégrer le quartier au projet Euroméditerranée pourrait
permettre d'approfondir cette dynamique. Corinne BARBEREAU, restauratrice,
pense quant à elle que la Friche a été un excellent outil
de dynamisme positif sur le quartier. « Grâce à elle, il
y a un renouvellement de la population à la Belle-de-Mai, qui autrefois
déclinait. »112(*).
Mais d'autres sont beaucoup moins optimistes, c'est notamment
le cas des acteurs du pôle. Yann LORTEAU par exemple, nous explique que
des choses sont faites pour le quartier. Mais il ajoute que « tout
est relatif. On fait des choses mais ça reste un impact insuffisant par
rapport à la population ». Finalement, la population et le
quartier ne semblent pas être touchés par cette
réhabilitation, mais pourquoi ? Est-ce que finalement, le discours
optimiste ne relève t-il pas simplement d'un marketing urbain pour
attirer de nouvelles entreprises à venir s'installer sur le Pôle
Belle-de-Mai ?
b) Le développement de ces
projets culturels a-t-il profité au quartier sur le plan
social ?
Nous avons pu décrire plusieurs projets et/ou
idées qui permettraient de mettre en lien les entreprises qui
constituent les pôles avec la population du quartier. C'est notamment le
cas de la crèche, d'événements ponctuels comme les 48H
chrono et des nouveaux terrains sportifs à la Friche, et de partenariats
ponctuels entre les structures du Pôle Patrimoine et les associations de
quartiers. Concernant le Pôle Média, l'objectif d'intégrer
la population dans le projet n'est pas à l'ordre du jour. Finalement, on
peut supposer que bien qu'une ouverture sur le quartier est faite de
façon ponctuelle et est de plus en plus incitée, la
réhabilitation du Pôle Belle-de-Mai ne semble pas avoir
profité au quartier sur le plan social. Et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, la population qui travaille à la
Belle-de-Mai et celle qui vie dans le quartier sont totalement
différentes. Concernant la précarité annoncée dans
les discours des politiques et des acteurs, elle se confirme par les chiffres
de l'INSEE. La Belle-de-Mai s'inscrit ainsi plus largement dans un territoire
pauvre qui est le troisième arrondissement de Marseille. Le revenu
médian de la ZUS (zone urbaine sensible Saint-Mauront, Bellevue,
Cabucelle) par unité de consommation est de 5 853 € en 2010 contre
16 128 € à Marseille. De plus, la population est très
dépendante des aides sociales. 37,6% des habitants dépendent
à 100% des aides contre 23% à Marseille. La part des allocataires
bénéficiaires de la CMUC atteint 29,4% contre 11,9% à
Marseille. On est donc sur un territoire très précaire, et
où les niveaux d'études et de qualifications sont très
faibles.
Au Pôle Belle-de-Mai, selon notre enquête
réalisée auprès des salariés des trois îlots,
1,62% des salariés ont un niveau d'étude CAP ou BEP, 0,81% ont un
BEPC ou brevet des collèges, 12,96% ont un BP ou un Baccalauréat,
31,98% sont diplômés de l'enseignement supérieur court et
51,82% sont diplômés de l'enseignement supérieur long,
seulement 0,81% sont sans diplôme (sur un panel de 247
réponse). En comparaison, dans le troisième arrondissement,
on a 19,17% des habitants qui ont un niveau d'étude CAP ou BEP, 13,92%
ont un BEPC ou brevet des collèges, 11,94% ont un BP ou un
Baccalauréat, seulement 6,4% sont diplômés de
l'enseignement supérieur court et 5,93% de l'enseignement
supérieur long, enfin 42,65% sont sans diplôme (sur une population
totale de 15 ans et plus non scolarisée en 2009 de 29 098 personnes).
Finalement le fait que le pôle d'industries créatives ne profite
pas au quartier est sans doute également dû à ce grand
écart social entre les salariés et les habitants. Le fait est que
plus l'écart est important, plus les centres d'intérêts
sont éloignés. De plus, le Pôle Belle-de-Mai reste un lieu
très culturel qui n'attire pas forcement cette population
défavorisée. Bien que tarifs préférentiels soient
mis en place à la Friche par exemple pour attirer cette population peu
aisée, celle-ci ne se sent pas forcement concernée par ce qu'il
s'y passe.Selon Yann LORTEAU, « le plus important c'est de
créer l'envie de venir. Finalement, à la Friche,on a jamais
été capable de créer du désir pour les gens du
quartier pour qu'ils viennent voir ce qu'il s'y passe. »113(*). Le constat semble donc sans
appel : le Pôle Belle-de-Mai, au-delà des différences
avec le quartier, n'a pas réussi à attirer sa population et
à créer de lien social avec celle-ci.
c) Le développement de ces
projets culturels a-t-il profité au quartier sur le plan
économique ?
Comme nous le savons, pour qu'il y ait ancrage territorial
économiquement parlant entre entreprise et territoire, il faut qu'il y
ait une certaine synergie entre ces deux ensembles. Pour qu'il y ai une
synergie, il faut de la proximité géographique et de la
proximité organisée, elle même composée d'une
proximité organisationnelle et d'une proximité institutionnelle.
Concernant la proximité géographique, elle a été
établie, d'abord avec le territoire, puis pour les pôles entre
eux. Concernant la proximité organisée, s'il est prouvé
qu'elle existe, alors les entreprises doivent se développer de
façons parallèles et complémentaires.
Emilie GERARD, Directrice des réserves du MUCEM, nous
explique qu'elle « espère tout de même qu'il y a un
apport du Pôle Belle-de-Mai sur le quartier. Mais aussi un apport des
pôles les uns par rapport aux autres. La proximité est importante
avec les autres pôles. La réhabilitation est une réussite
d'un point de vue urbain. Mais est-ce que c'est un mélange social ou
plutôt un vernis social ? C'est la population aisée qui vient
ici, elle repart tout aussi vite et ne prend pas le temps de
s'intéresser au quartier. »114(*). Il semblerait donc qu'un des problèmes
énoncés par les acteurs soit le fait qu'il y ai trop de
différences sociales entre les habitants du quartier et les visiteurs du
Pôle Belle-de-Mai. Mais nous pensons que cet écart est tout aussi
important entre les habitants et les salariés.
Le 3ème arrondissement de Marseille est le
plus précaire (devant le 1er et le 2ème
arrondissement) avec un indice de 26,2 points alors que la moyenne nationale
est de 8 points.Cet indicateur calculé par l'INSEE prend en compte
les formes les plus fréquentes
de précarité : monétaire, liée à
l'emploi, des familles en difficulté et au logement. Cet
indice augmente entre 1999 et 2009 soit en même temps que la population.
Le 1er et le 3eme arrondissement sont les plus défavorables
au niveau de l'emploi sur la métropole de Marseille. La question de la
formation et de l'accès à la mobilité est une question
centrale. 25 % des personnes ayant terminé leurs études se
retrouvent sans emploi. L'insertion professionnelle est donc un réel
problème dans la question de l'emploi.
La hausse du chômage progresse plus vite à la
Belle-de-Mai qu'en moyenne sur Marseille. 29,4% de la population déclare
être au chômage en 2009, contre 17,3% à Marseille. En 2010,
on comptait 2 147 demandeurs d'emploi de catégorie ABC115(*) sur une population de 13 629
personnes (chiffre 2009). Les femmes et les plus de 50 ans sont
particulièrement concernés par cette hausse. On relève une
hausse de 11,2% pour les femmes par rapport à 2009 contre 7% à
l'échelle de Marseille. Cela peut s'expliquer par la faiblesse des
niveaux de qualifications qui rend les habitants du quartier
particulièrementvulnérables à la crise économique.
Le décrochage scolaire est également important sur ce
territoire.Parmi les 18-24 ans, seuls 36,7% sont scolarisés (60,1%
à Marseille). De plus, 64% des demandeurs d'emploi n'ont qu'un niveau
baccalauréat, contre 56,6% à l'échelle de Marseille.En
2009, 35,1% de la population est sans diplôme, ce qui reste
particulièrement élevé (24.4% à Marseille).
À l'échelle du troisième arrondissement,
en 2009, les cadres ne représentent que 2,3% des 15 ans et plus, les
artisans et commerçants 2,55%, les professions intermédiaires
8,56%, les employés 18,6% et les ouvriers 15,1%. Au Pôle
Belle-de-Mai, on trouve 40,98% de cadres, 41,8% d'employés, 0,82%
d'ouvriers, 6,97% de professions intermédiaires et 9,43% d'artisans,
commerçants et chefs d'entreprises (selon notre enquête
réalisée auprès des salariés du pôle, avec
244 réponses). Il semble finalement compliqué que le Pôle
Belle-de-Mai profite au quartier en matière de développement
économique en vue de ces chiffres. En effet, les entreprises ne peuvent
par exemple pas fournir d'emplois aux habitants du quartier qui n'ont pas du
tout les mêmes qualifications que les salariés des îlots. Il
semble également compliqué de fournir une formation qui,
premièrement, conviendrait aux niveaux d'études des habitants du
quartier et, deuxièmement, profiterait au développement de
l'entreprise.
Nathalie AVERSENQ nous confirme également que le
développement économique du quartier par les projets du
Pôle Belle-de-Mai est impossible. Concernant le Pôle Média
par exemple, le but est de « créer de l'emploi pour le
marché, et non pour le quartier ». L'objectif de départ
était finalement de rassembler des entreprises sur un seul territoire et
créer un écosystème. Mais il y a eu un problème
d'explication entre les pouvoirs publics et le quartier, car le but
n'était pas de développer le quartier, mais simplement un
écosystème d'industries créatives.
Finalement, les entreprises et plus globalement les projets
que sont la Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine, ne
semblent pas avoir d'encastrement territorial. Le seul encastrement territorial
que les entreprises ont est dû au fait qu'elles soient implantées
à la Belle-de-Mai et donc qu'elles ont une proximité
géographique avec celle-ci. Par contre, il n'y a pas vraiment de
directive concernant une intégration de la population et une incitation
au développement local. Bien que la Friche soit de plus en plus proche
du quartier, le Pôle Belle-de-Mai reste très en retrait par
rapport à son territoire.
Chapitre 3 : encastrement
individuel des salariés au sein quartier
L'ancrage territorial, comme défini
précédemment, se décline en trois points :
l'encastrement des entreprises (c'est-à-dire les relations qu'ont les
entreprises avec le territoire), l'encastrement des individus (le rapport
qu'ont les salariés avec le territoire) et enfin l'encastrement spatial
(des entreprises et des individus). Après avoir étudié
l'encastrement des entreprises et leur encastrement spatial, nous allons donc
étudier, dans ce dernier chapitre l'encastrement des individus, pour
pouvoir donner une conclusion plus significative sur l'ancrage territorial des
entreprises.
1. Les
consommations des salariés dans le troisième arrondissement
a) Comment se mesure la consommation des salariés dans
le troisième arrondissement ?
Afin de calculer l'encastrement des individus sur le
territoire, nous avons réalisé une enquête pour savoir
quels sont leurs types de consommation sur ce territoire, leurs
récurrences, etc. Nous avons donc, sur un total de 247 réponses,
obtenu les résultats qui vont suivre. Bien que ce panel ne
représente qu'environ 17% des salariés du Pôle
Belle-de-Mai, nous tenterons d'en tirer un certain nombre de conclusions nous
amenant à comprendre l'ancrage territorial des associations et
entreprises des pôles. Nous avons notamment demandé aux
salariés s'il leur arrivait d'avoir recours à de la consommation
de biens ou de services dans le troisième arrondissement ; si oui,
quelle en était la fréquence ; quel était le type de
ces consommations ; et pourquoi y avaient-ils recours ? Nous avons
choisi de poser la question à échelle de troisième
arrondissement car les données majeures de l'INSEE dont nous disposons
et que nous avons analysées précédemment étaient
aussi à échelle du troisième arrondissement.
Après analyse des questionnaires, nous obtenons les
graphiques suivants :
Graphique 16 : taux
de consommation de biens ou de services dans le troisième arrondissement
par les salariés du Pôle de la Belle-de-Mai
On constate qu'une grande majorité des salariés
ont recours à des biens ou des services dans le troisième
arrondissement. La Friche étant la structure où le plus grand
nombre de salariés consomment dans le troisième, cela confirme
l'hypothèse que c'est la structure la mieux ancrée. En effet, non
seulement la Friche a élaboré des projets pour intégrer
les gens du quartier à son activité, mais il semblerait que les
salariés font également l'effort de s'y rendre et de participer
à l'économie locale.
Le Pôle Patrimoine garde un taux relativement
élevé de consommation de ces salariés dans le
troisième arrondissement. Environ 85% d'entre eux se sont
déjà rendus dans l'arrondissement pour des achats. Il semblerait
donc que bien que les structures du Pôle Patrimoine soient très
renfermées et très peu ouvertes sur le quartier (et sur tout
autre quartier d'ailleurs puisque mis à part les réserves du
MUCEM et les archives, aucune structure n'accueille du public), les
salariés restent tout de même proches de leur quartier.
Enfin, le Pôle Média est l'îlot où
le taux de consommation des salariés dans le troisième
arrondissement est le plus faible. En effet, seulement 57% des salariés
ont déjà consommé dans le troisième, soit un peu
plus de la moitié. Ce chiffre est faible lorsque l'on voit l'ampleur du
Pôle Média qui rassemble quasiment 1000 personnes. Finalement, les
salariés, autant que leur entreprise, ne semblent pas
s'intéresser à ce qu'il se passe dans le quartier et plus
largement dans le troisième arrondissement.
Graphique 17 :
récurrence des consommations de biens ou de services des salariés
dans le troisième arrondissement
Concernant la récurrence de ces consommations
exposée dans le graphique ci-dessus, on remarque que les taux sont quasi
les mêmes pour tous les pôles. Une part faible mais notable des
salariés qui consomment dans le troisième le font tous les jours,
soit 14,6 pour la Friche, 10,6% pour le Pôle Média et 12,8% pour
le Pôle Patrimoine (attention : ces taux sont basés sur
l'ensemble des salariés qui consomment dans le troisième, et non
sur l'ensemble des salariés). Ensuite, on a entre 35% et 45% qui
consomment 1 à 2 fois par semaine, environ 40% le font une fois par mois
et seulement 5 à 10% une fois par an. Il semblerait donc que les
salariés se rendent tout de même dans le troisième
arrondissement dans le but d'y consommer, ce qui est un bon point pour
l'économie locale. Mais la récurrence est assez faible : les
salariés ne s'y rendent que de façon ponctuelle, ce qui ne permet
pas de dynamiser le territoire.
Les deux pôles culturels que sont la Friche et le
Pôle Patrimoine semblent donc être constitués d'individus
qui sont plus ancrés sur le territoire que le Pôle Média
qui rassemble des industries créatives. Cela revient à se
demander en quoi le secteur d'activité peut jouer sur les relations
qu'on les individus avec leur environnement ? Finalement, est-ce que les
créatifs sont plus renfermés sur eux-mêmes ? Est-ce
qu'ils ne restent pas simplement en groupe de créatifs et ne s'ouvrent
pas au reste du monde ? Est-ce que, au contraire, les individus qui
appartiennent au secteur culturel ne sont pas plus ouverts ? Ces questions
reviennent à nous demander si, finalement, une Friche culturelle n'est
pas forcement plus ancrée qu'un cluster créatif, dans sa
façon d'être spontanée, mais aussi dans la manière
des artistes de faire un chemin au milieu de la ville. Le cluster
créatif ne serait-il pas, au contraire, moins ancré, par son
caractère institutionnel fort, et son but principal de créer un
écosystème et non pas d'offrir une culture nouvelle comme c'est
le cas dans la Friche. En fin de compte, toutes ces questions reviennent
à nous demander si la Friche peut être un cluster, et si le fait
qu'elle devienne un cluster ne va pas la renfermer sur elle même ?
Toutes ces questions sont des interrogations auxquelles il serait difficile de
répondre en un seul mémoire. Il faudrait sans doute des
années de recherche, de comparaison, et d'études de cas pour en
tirer des conclusions acceptables. Notre but ici est simplement de
démontrer l'ancrage territorial des entreprises à la
Belle-de-Mai, et non pas de savoir si la Friche culturelle peut devenir un
cluster.
b) Les types de consommations de biens ou de services des
salariés dans le troisième arrondissement
Après avoir questionné les salariés sur
le fait qu'ils sont amenés ou non à acheter dans le
troisième arrondissement, nous leur avons demandé quels
étaient le ou les types de ces consommations. Nous avons ainsi
déduit le graphique suivant :
Graphique 18 : type
d'achats de biens ou de services dans le troisième arrondissement
Ensuite, nous avons demandé aux salariés quels
étaient leurs types de consommation. Etudier le type de consommation
revient finalement à nous questionner sur comment le territoire est
perçu par les salariés et peut donner des perspectives de
développement pour attirer encore plus d'individus. On remarque tout
d'abord que les commerces de proximité et les supermarchés sont
en tête de liste. Au moins 75% des salariés qui consomment le font
dans des commerces de proximité c'est-à-dire la Poste, la banque,
la boulangerie, la charcuterie, etc. Concernant les supermarchés, c'est
au moins 58% d'entre eux. Les sorties et loisirs arrivent en troisième
position. Les salariés du Pôle Média sont ceux qui vont le
moins souvent dans le troisième pour leurs loisirs, ceux du Pôle
Patrimoine sont ceux qui y vont le plus pour la même raison. La
restauration a un taux très faible dans la part des consommations mais
reste notable. Les salariés du Pôle Média sont ceux qui
vont le plus dans l'arrondissement pour se restaurer. Pourtant, ils ont leur
propre restaurant. Nous avons également vu dans notre
précédente partie que les échanges entre les pôles
avaient le plus souvent lieu au moment des repas, la Friche et le Pôle
Média ayant leur propre restaurant. Mais il semblerait que les
salariés vont également consommer dans le quartier lors de leur
pause déjeuner. Mais cela représente une très faible part
des salariés (environ 5% du total). Enfin, les écoles, les
marchés, et les associations ont les taux de consommations les plus
faibles. Les salariés ne semblent pas utiliser les écoles de
l'arrondissement et préfèrent sans doute mettre leurs enfants
dans une école de leur quartier. Les marchés sont
également très peu fréquentés. Quant aux
associations, il semblerait que les salariés n'en connaissent quasiment
pas l'existence.
Les salariés fréquentent donc l'arrondissement
surtout pour y acheter, c'est-à-dire soit faire leurs courses, soit
sortir, soit se restaurer. Les biens et services que sont l'éducation et
les associations sont les moins utilisés, et même dans certains
cas pas sollicités du tout. On peut donc en conclure que les
salariés voient le quartier comme un territoire où l'on peut
consommer. Finalement, c'est sans doute que le quartier offre assez de
commerces pour que les salariés aient envie de s'y rendre. Par
extension, on peut se demander si la précarité du quartier vient
vraiment de son offre ou si elle vient du fait que la population qui y a
toujours vécu, qui est en majorité immigrée, est
défavorisée.
c) Pourquoi les individus consomment - ou ne consomment pas -
dans le troisième arrondissement ?
Enfin, après avoir demandé aux salariés
s'ils consommaient dans le troisième arrondissement et quels
étaient leur type de consommations, nous leur avons demandé les
raisons pour lesquelles ils ont recours ou non à ces biens et services.
Les interrogés devaient cocher une réponse parmi plusieurs
propositions et pouvaient, s'ils le souhaitaient, ajouter une remarque.
Nous avons ainsi obtenu les graphiques suivants :
Graphique 19 : les
raisons pour lesquelles les salariés ont recours à des achats de
biens ou de services dans le troisième arrondissement
La quasi totalité des salariés qui consomment
dans le troisième semblent le faire parce que le territoire est à
proximité de leur travail. Une nouvelle fois, la proximité
géographique a toute son importance. Du fait que les salariés
sont sur un territoire, ils sont amenés à s'y rendre et à
y consommer. Par extension, la proximité géographique permettrait
donc de créer une certaine économie locale entre les individus et
le territoire. Les entreprises pourraient ainsi profiter au quartier pour son
développement et les individus pourraient s'y rendre pour favoriser le
maintien de l'économie locale. En contre partie, si l'économie
locale est maintenue et que le territoire se développe, alors il sera
plus attractif et les entreprises voudront s'y installer de façon
durable. Cette affirmation se confirme par le fait que les prix,
l'attractivité du quartier et la proximité du logement restent
des raisons avec des taux bien plus faibles que la proximité du travail.
Le fait que les prix soient attractifs ou que le logement se trouve sur le
territoire est peu pris en compte par les salariés. Ils
préfèrent finalement privilégier la proximité
même avec leur lieu de travail. Pourtant, c'est seulement 2,4 à
6,3% d'entre eux qui trouvent que le quartier est attractif. On peut donc
supposer que, bien que le quartier ne soit pas attractif, il offre assez de
propositions pour répondre au besoin des salariés.
Concernant les tribunes libres, ce qui est ressorti pour la
Friche est « l'échange avec les personnes »,
« la qualité des propositions » et
« l'intérêt pour les propositions artistiques et
culturelles ». Les autres raisons avancées par les
salariés sont donc d'ordre personnel et culturel. Pour le Pôle
Patrimoine, on trouve « des intérêts ciblés :
produits asiatiques, consommations culturelles : la Friche, Gyptis, officines
socio-culturelles » mais aussi « j'aime la Belle-de-Mai :
quartier populaire, pittoresque par endroits, etc. ». Là
encore, les raisons sont soit personnelles et affectives soit culturelles. Cela
confirme ce que nous disions sur le fait que les salariés de la Friche
et du Pôle Patrimoine étaient sans doute plus
intéressés par les offres culturelles que ceux du Pôle
Média, qui sont biens plus renfermés sur eux-mêmes et qui
restent en groupes de créatifs. La seule tribune libre que nous avons eu
au Pôle Média est « mes parents habitent la
Belle-de-Mai ». Cela reste donc de l'ordre du personnel et
affectif.
Enfin, en comparaison, les raisons pour lesquelles les
salariés ne consomment pas dans le troisième arrondissement sont
les suivantes :
Graphique 20 : les
raisons pour lesquelles les salariés n'ont pas recours à des
achats de biens ou de services dans le quartier
Il semblerait, cette fois-ci, que les raisons
évoquées ne sont pas du tout les mêmes selon le lieux de
travail. À la Friche, 75% des personnes qui n'ont jamais recours
à des achats de biens ou de services ont évoqué la raison
des offres qui sont peu attractives. 50% disent que c'est soit par
préférence, soit du fait qu'elles n'ont pas de proximité
avec le quartier et 25% pensent que c'est à cause des prix. En
comparaison, aucun salarié du Pôle Média et du Pôle
Patrimoine ne se rend dans le troisième en raison des prix peu
attractifs. Le problème des offres peu attractives est moins
présent au Pôle Média (39%) et l'est encore moins au
Pôle Patrimoine (14%). La proximité et les
préférences sont par contre un problème majeur pour les
salariés du Pôle Média. Le manque de temps est une raison
seulement évoquée au Pôle Patrimoine. Concernant les
tribunes libres, seuls quelques répondant du Pôle Patrimoine y ont
participé. Nous pouvons rapporter les dits suivants :
« je ne consomme pas dans le troisième arrondissement,
j'achète le déjeuner du midi, j'habite loin c'est
compliqué pour moi de transporter les courses de la maison en transports
en commun », « c'est mal famé et c'est
Harlem », « je fais une journée continue et
rentre chez moi dès la fin de mon travail », « pas
le temps », « manque de commerces attractifs ».
Il semblerait que le manque de temps soit bel et bien une des raisons les plus
évoquées par les salariés du Pôle Patrimoine.
Finalement, si l'on veut schématiser le tout - de
manière évidement imparfaite -, les salariés de la Friche
qui ne consomment pas dans le troisième pensent que les offres sont peu
attractives. Il est tout de même indispensable de rappeler que cela ne
représente que 7,7% des salariés qui ont répondu au
questionnaire, et donc c'est une faible part des salariés de la Friche
qui semble avoir une mauvaise image du quartier. Au Pôle Média,
les salariés qui ne se rendent pas dans le troisième ne le font
pas par préférence. On peut d'ailleurs se demander si
« la préférence » ne rejoint pas le fait que
le quartier est peu attractif et donc qu'il ne souhaite pas s'y
intéresser. Enfin, au Pôle Patrimoine, on manque de temps, et
c'est la raison pour laquelle on ne s'intéresse pas au quartier. Mais
avant d'avoir des conclusions trop hâtives, il faut rappeler qu'une
partie non négligeable, voir très importante des salariés
se rend dans le troisième arrondissement et y consomme.
2. Rapport au territoire et impressions
liées à son attractivité
Nous verrons dans ce sous chapitre, quel est le rapport
qu'entretiennent les salariés avec le territoire de la Belle-de-Mai.
Nous allons tout d'abord étudier leur mobilité avec d'un
coté la mobilité résidentielle et de l'autre le turn-over.
Nous verrons ensuite comment les salariés jugent le quartier en
matière d'équipements et enfin comment ils perçoivent la
réhabilitation par rapport au quartier.
a) Importance de la mobilité dans
le rapport de l'individu au territoire
Mobilité résidentielle :
Nous avons analysé, dans notre précédent
sous-chapitre, le rapport qu'ont les individus avec leur territoire. Ce rapport
est un rapport de consommation puisqu'il se définit par les pratiques
qu'ont les salariés du pôle dans le troisième
arrondissement dont fait partie le quartier de la Belle-de-Mai. Après
analyse, il semblerait que ces pratiques diffèrent selon l'îlot
où les salariés travaillent et selon des critères
personnels. Dans ces critères, que ce soit pour les personnes qui
consomment ou celles qui ne consomment pas, plusieurs explications
ressortent : la proximité du travail, la proximité du
logement, les offres, les prix, le temps. Il semblerait donc que la
mobilité fasse partie de ces justifications, c'est pourquoi nous avons
décidé d'étudier les lieux de résidence des
salariés. Avec seulement 246 réponses à notre
questionnaire et ayant la possibilité d'avoir une base de données
plus fournie, nous nous sommes basés sur l'enquête
accessibilité réalisée par l'AGAM en 2014 (730
réponses). Après analyse, nous sommes parvenus à la
cartographie suivante :
Carte :
répartition des salariés du Pôle Belle-de-Mai selon leur
commune de résidence principale
Tout d'abord, on remarque que la plupart des salariés
vivent dans le département des Bouches-du-Rhône. On remarque
également que les taux de répartition les plus
élevés se trouvent à Aix-en-Provence, Allauch et Marseille
(bien que ceux-ci ne se situent qu'entre 1% et 10%). On a donc une
répartition assez homogène sur le département
excepté Marseille où se concentrent 78,49% des salariés.
Lorsque l'on se concentre sur Marseille, on remarque que les
salariés sont également répartis de façon
homogène. Les arrondissements où se concentrent le plus de
salariés sont les 1er, 4ème,
5ème et 6ème. Le 3ème
arrondissement ne concentre que 4,54% des salariés. On peut donc se
demander en quoi joue cette proximité du logement dans le rapport des
salariés au territoire. Elle a forcement un impact sur leur
consommation. En effet, une personne qui vit dans un quartier aura tendance
à plus consommer dans ce quartier pour des questions de
proximité, de gain de temps, et même de préférence
dans certains cas.
Mais on peut aussi se demander comment les salariés du
pôle qui vivent dans le troisième ont été
amenés à s'y installer. Est-ce qu'ils ont choisi leur lieu de vie
par rapport à leur lieu de travail ? Dans ce cas la
proximité géographique entre le lieu de travail et le territoire
aurait un rôle. Est-ce qu'ils ont choisi leur lieu de travail par rapport
à leur lieu de vie ? Dans ce cas c'est la proximité du
territoire avec l'entreprise qui joue un rôle. Finalement, est-ce que le
fait que leur lieu de travail soit à la Belle-de-Mai les a incité
à s'installer dans le quartier, c'est-à-dire est-ce que le fait
d'être tous les jours sur ce territoire leur a donné l'envie de
s'y installer ? Si tel est le cas, alors ces salariés sont d'autant
plus ancrés que les autres. Ils vont consommer dans le quartier parce
qu'ils y travaillent mais aussi parce qu'ils y vivent. Ils vont
également avoir un rapport citoyen différent des salariés
qui vivent en dehors du territoire. Plus il y a de salariés qui vivent
sur le territoire, plus leur encastrement est fort. Finalement, dans le cas de
la Belle-de-Mai où très peu de salariés vivent dans le
troisième arrondissement, on peut se demander si le fait qu'ils y vivent
ne fausse pas plutôt les résultats, c'est-à-dire que quoi
qu'il arrive, ils auront un rapport au territoire et des consommations plus
importantes qu'un salarié qui n'y vit pas. On ne peut donc pas vraiment
mesurer l'impact du lieu de vie sur l'encastrement territorial d'un
salarié, bien qu'il semble judicieux de le prendre en
considération puisqu'une personne qui ne vit pas sur le territoire aura
forcement été incitée par une cause externe pour y
consommer. En revanche, si l'on avait obtenu des taux bien plus forts de
salariés qui résident dans le troisième arrondissement,
nous aurions alors pu en conclure que l'encastrement des salariés
était conséquent et qu'il serait dû au fait que leur
travail est à proximité géographique du territoire et que
leur lieu de vie l'est également. On peut donc considérer que la
proximité géographique entre travail et territoire à la
Belle-de-Mai joue davantage sur l'encastrement que celle entre logement et
territoire.
Le turn-over :
Au même titre que le lieu de résidence, le
turn-over semble pouvoir jouer sur l'encastrement des salariés. Comme
nous l'avons expliqué en seconde partie, le pôle est
constitué d'entreprises récentes mais aussi de salariés
qui sont sur le territoire depuis peu de temps. La pépinière
d'entreprise et l'incubateur reçoivent par exemple des entreprises
pendant une durée définie de vingt-quatre mois maximum. De plus,
au sein de ces regroupements d'entreprises, peu d'entrepreneurs sont
présents. Ils viennent bien souvent seulement pour des réunions
et rendez-vous. Ils n'ont donc pas forcement le temps de s'intéresser
à ce qu'il se passe dans le quartier. C'est d'ailleurs au Pôle
Média que l'on a le taux le plus faible de salariés qui ont
déjà eu recours à des achats de biens ou des services dans
le troisième arrondissement avec seulement 57% du total.
Ensuite, les salariés de l'ensemble du pôle sont
sur le site depuis moins de 5 ans pour 60% d'entre eux116(*). C'est donc 60% de
salariés qui ont eu peu de temps pour découvrir le quartier et
s'intéresser à son offre. Pourtant, les raisons qui ressortent le
plus souvent à la question « pourquoi ne consommez-vous pas
dans le troisième arrondissement ? » sont les offres peu
attractives, la proximité et les préférences personnelles.
Le manque de temps est seulement cité au Pôle Patrimoine. Il
semblerait donc que les salariés ne se rendent pas dans le quartier pas
parce qu'il ne le connaissent pas, mais parce qu'ils préfèrent
tout simplement aller ailleurs.
b) Un territoire pas assez attractif
Nous avons précédemment constaté que les
salariés avaient plutôt tendance à se rendre dans le
troisième arrondissement de façon régulière ou
ponctuelle. La plupart d'entre eux s'y rendent parce que c'est à
proximité de leur lieu de travail ou de leur logement.
L'attractivité du territoire est la dernière cause de leur
consommation. Nous nous sommes donc demandé pourquoi, selon les
salariés, le territoire n'est pas attractif.
Lors de l'enquête accessibilité
réalisée par l'AGAM en 2014, la question des équipements a
été posée aux salariés. Et la plupart d'entre
eux117(*)sont
insatisfaits des équipements dont dispose le quartier.
Graphique 21: un
niveau d'équipements jugés insatisfaisant (source :
enquête accessibilité Belle-de-Mai, AGAM, septembre 2014)
Comme le montre le graphique ci-dessus, le niveau
d'équipements est en majorité jugé insuffisant. Les
banques, assurances et les commerces alimentaires sont les deux types
d'équipements jugés qui satisfont le plus les salariés.
Les sports et les loisirs sont quant à eux les équipements qui
satisfont le moins les salariés. Finalement, aucun des neuf types
d'équipements énoncés ne recueillent plus d'un tiers des
avis favorables. De plus, l'analyse des tribunes libres conforte ces
données. Les salariés expliquent par exemple qu'ils aimeraient
avoir une offre plus diversifiée pour ce qui est de la restauration que
ceux du Pôle Média et de la Friche. Ils sont donc prêts
à se rendre dans le quartier si l'offre se dynamise.
Un sentiment d'insécurité ressort
également de ces tribunes libres. Certains parlent d'agression, de
dégradations, d'un certain coté anxiogène du quartier.
Cela confirme donc également ce qui est ressorti de la presse et du
discours politique. Pour certains, le quartier est même peu convivial et
il n'y a rien à y faire.
Finalement, même si, nous l'avons vu, les
salariés consomment régulièrement ou ponctuellement
à la Belle-de-Mai et plus largement dans le troisième
arrondissement, il semblerait qu'ils n'en pensent pas moins qu'ils ne disposent
pas d'une offre attrayante. Ce discours est assez redondant avec celui de la
presse et des politiques qui disent que le quartier lie
insécurité et précarité et qu'il a besoin de se
diversifier.
c) Un pôle qui profiterait au
quartier selon les salariés
En contre partie du fait que les salariés trouvent que
le quartier n'est pas assez dynamique, il semblerait que, selon eux, le
Pôle Belle-de-Mai a pourtant favorisé ce dynamisme et ils se
disent même plutôt satisfaits, dans l'ensemble, de travailler
à la Belle-de-Mai. Comme nous le montre le graphique ci-dessous,
travailler à la Belle-de-Mai est agréable pour 75% des
salariés.
Graphique 22 : taux de salariés qui
pensent que travailler à la Belle-de-Mai est
agréable/désagréable
Pour conforter ce constat, près des deux tiers des
salariés pensent que travailler à la
Belle-de-Mai est valorisant professionnellement.
Graphique 23 : Taux de salariés qui
pensent que travailler à la Belle-de-Mai est valorisant d'un point de
vue personnel/professionnel.
Par contre, seulement la moitié d'entre eux pensent que
c'est valorisant personnellement. Il faut sans doute faire le lien entre ce
constat mitigé et le fait que le quartier n'a, selon les
salariés, pas assez d'équipements ; qu'il y a de
l'insécurité et de la précarité ; qu'il n'est
pas attirant. Il semble néanmoins évident de signaler que
malgré ces différents constats, les salariés
considèrent pour moitié que travailler dans le quartier est une
bonne chose. Et d'ailleurs, ils pensent aussi que le pôle a
été une bonne chose pour le quartier.
Comme nous le constatons avec le graphique ci-contre, qui
représente le ressenti des salariés sur l'impact du pôle
sur le quartier, c'est 67,9% d'entre eux qui pensent que cela a eu un impact
positif.
Graphique 24 : ressenti des salariés quant
à l'impact du pôle sur la Belle-de-Mai
De plus, seulement 1,6% d'entre eux pensent que cela a eu un
impact négatif. Nous avons également demandé aux
salariés ayant un avis neutre ou positif sur quel plan le pôle
avait eu un impact. Nous avons ainsi obtenu les réponses
suivantes :
Graphique 25 : types d'impacts du Pôle
Belle-de-Mai sur le quartier énoncé par les salariés
Pour 76,8% d'entre eux, le pôle a eu un impact culturel
sur le quartier. C'est sans doute la réponse la plus convenable et la
plus plausible. Le Pôle Belle-de-Mai étant un lieu qui
réunit industries culturelles et industries créatives, il a
forcement permis au quartier d'élargir son offre dans ce secteur. Pour
les trois autres raisons, il semblerait que ce soit plus difficile à
comprendre. On a environ 44% des salariés qui considèrent que
cela a eu un impact social et urbain et 35% qui pensent que cela a eu un impact
économique. Il semblerait donc que les entreprises et les
salariés n'ont pas la même vision des choses. D'un coté on
a les entreprises, qui pensent que le pôle n'a pas profité au
quartier, que la précarité y persiste voir qu'elle y a
été renforcée, que le pôle n'a pas permis de
redynamiser l'économie et que la vie sociale est toujours aussi
difficile. Et de l'autre, on a les salariés, qui pensent que le
pôle a permis de créer une certaine richesse au sein du quartier
par la ressource culturelle.
Finalement, si l'on croise tous ces éléments,
que se soit la consommation, le logement, les considérations des
salariés en matière d'équipements, d'impact du pôle,
les avis sont plutôt mitigés. On a d'un coté ceux qui
consomment parce qu'ils sont a proximité du quartier ou parce qu'il
considèrent qu'il est attractif et de l'autre ceux qui ne consomment pas
par préférence ou parce que l'offre n'est pas assez attractive.
On a aussi ceux qui pensent que travailler à la Belle-de-Mai est
valorisant et ceux qui pensent le contraire. Ceux qui considèrent que le
quartier de la Belle-de-Mai ne dispose pas d'assez d'équipements et donc
n'est pas assez attractif et ceux qui considèrent que l'offre y est
plutôt intéressante. Enfin, il y a ceux qui pensent que le
pôle a eu un bon impact sur le quartier et d'autres qui sont plus
réservés. Tout semble donc être une question d'encastrement
personnel : chacun pratique le quartier d'une manière
différente et c'est aussi ça qui fait l'ancrage territorial. Si
les individus étaient trop encastrés, alors cela impacterait sans
doute le développement de leur entreprise. Et au contraire, s'ils ne
sont pas assez encastrés, alors la distinction entre l'entreprise et le
quartier serait récurrente et le développement de lien serait
impossible. Nous nous sommes donc demandé quelles pourraient être
les perspectives pour la Belle-de-Mai et en quoi le quartier pourrait,
aujourd'hui, se développer.
3. Perspectives de développement
de la Belle-de-Mai
a) Quel est l'avenir des liens entre
quartier et pôle ?
On se demande tout le temps pourquoi il n'y a pas de liens
entre le quartier et les pôles, ou du moins s'il y en a. Mais finalement,
pourquoi devrait-il y en avoir ? Yann LORTEAU par exemple, se fait la
réflexion suivante : « Publiquement personne ne va
critiquer la Criée parce qu'ils ne travaillent pas avec le
quartier. ». On a donc tendance à très vite dire des
choses sur le rapport entre la Friche et le quartier.
Un projet de développement par la culture doit, de
façon certaine, profiter à son territoire. Mais dans le cas de la
Belle-de-Mai, nous ne sommes pas dans un projet de développement local
où il a été question d'intégrer le quartier. La
question ne s'est posée qu'après la réhabilitation et les
collectivités locales ne s'intéressent pas vraiment aux liens
entre pôle et quartier, ce qui les rend d'autant plus difficiles. Ce
serait finalement aux entreprises de les mettre en place et de les
gérer. C'est d'ailleurs la définition même de l'ancrage
territorial : les entreprises doivent s'intéresser à leur
territoire et tenter de développer une collaboration avec les acteurs
locaux pour que chacun s'enrichisse de l'autre. De plus, le fait qu'il n'y ait
pas d'encastrement des entreprises n'a pas empêché celles-ci, et
par extension les pôles, de se développer. Finalement, pourquoi
les pôles ou les collectivités devraient se soucier de
créer de l'ancrage si cela n'empêche pas aux entreprises de
s'installer et de se développer ?
On a peut-être tendance à trop souvent rejeter la
faute sur les entreprises. Il faut aussi prendre en considération les
moyens donnés à l'action pour mesurer l'impact de cette action
sur le territoire. On considère trop souvent la Friche par exemple comme
un lieu dédié au quartier. Mais non, c'est un lieu
dédié au public de Marseille et de l'extérieur.
Finalement, le plus important serait peut-être de créer de l'envie
pour que les gens du quartier viennent au pôle et s'intéressent
à ce qu'il s'y passe.
b) Le pôle peut-il être
considéré comme cluster créatif ?
Après nos nombreuses analyses de l'encastrement des
individus et de l'encastrement de entreprises, on peut se demander si le
pôle peut ou non se définir en tant que cluster créatif.
Par définition, un cluster créatif se développe sur un
territoire créatif. Pour rappel, un territoire créatif n'est pas
seulement une concentration de créatifs, mais c'est surtout un ensemble
de créatifs réunis dans des lieux où ils se sentent bien
et où les conditions d'innovation sont bonnes. À la Belle-de-Mai,
bien que la moitié des salariés disent se sentir biens au
pôle et aiment y travailler, cela ne représente pas la
majorité d'entre eux. Toujours selon la définition que nous avons
donnée en première partie, les pouvoirs publics ne peuvent pas
fabriquer les « créatifs », mais ils peuvent par
contre faire en sorte qu'ils viennent s'installer sur leur territoire. Il faut
donc qu'ils fassent en sorte que le territoire offre des conditions favorables
et que la qualité de vie attire ces talents. Mais à la
Belle-de-Mai, rien n'a été fait pour permettre aux
salariés se sentir bien depuis le début de la
réhabilitation. Même si le quartier a connu quelques
rénovations, cela ne lui a pas permis de se redynamiser et la
précarité y est toujours très importante. De plus, le
territoire créatif a bien évidemment des inégalités
de niveau de vie mais celles-ci ne sont pas fortes par définition. La
cohésion sociale y est bonne, ainsi que la sécurité des
biens et des personnes. Il propose des moyens d'éducation et de
recherche, favorise la diversité des équipements, des hommes et
de l'environnement. Il favorise la créativité et l'innovation. Si
un territoire répond à toutes ces exigences, alors il est
créatif, permet l'innovation et donne les moyens au cluster de se
développer. Mais à la Belle-de-Mai, la réalité est
tout autre. Les inégalités sociales entre salariés et
habitants sont très fortes, aucun programme de recherche ou
d'éducation n'est mis à disposition des créatifs, et
surtout, il n'y a aucune initiative pour la diversité des offres.
Finalement, ces différents constats confortent notre analyse en seconde
partie selon laquelle le pôle n'est pas un cluster. Ces différents
points ajoutés au fait qu'il n'y ait pas de liens entre les acteurs
confirment donc que le pôle ne fonctionne pas en synergie et qu'il n'y a
pas de cohésion avec le territoire. On apprend aussi que dans le cas
présent, le territoire où se développent les industries
créatives n'est pas un territoire créatif, ce qui va donc
à l'encontre de la théorie selon laquelle un cluster ne se
développe qu'au sein d'un espace qui favorise l'innovation et la
créativité. Finalement, le fait qu'il n'y ait pas de liens entre
les entreprises est-il dû à leur politique de développement
ou au fait que le quartier ne soit pas un territoire créatif ?
c) Les casernes du Muy : un projet
collaboratif et participatif
En dernier lieu de se chapitre, nous avons choisi de nous
intéresser au devenir du quartier et plus particulièrement aux
possibilités de développement qui s'offrent à lui. Outre
le fait que le Pôle Belle-de-Mai doit développer des projets pour
prendre en compte le quartier, de nouveaux projets mis en place par les
collectivités montre bien une prise de consciente et un
intérêt pour son renouveau. L'exemple des caserne du Muy est bien
sûr le plus important, puisque sur ce territoire va naître le
projet Pôle Média 2.
La concertation a été un des points forts de ce
projet. On peut y voir une nouvelle forme de considération de la
population. En effet, pour la première fois, la concertation avec les
habitants s'est déroulée avant le projet, afin de connaître
leurs attentes et leurs idées. La prise en compte de la jeunesse,
l'activité économique, l'emploi, la culture sont des pistes de
développement proposées par les habitants pour que « la
greffe prenne ». Tous ont en tête le cas de la Friche,
merveilleux outil culturel qui « n'a hélas pas réussi
à attirer les gens du quartier »118(*).
Il faut comprendre l'importance de l'atelier
« quartiers libres » à la Belle-de-Mai où des
médiateurs ont été embauchés pour mettre en place
des séances de réflexions avec les gens du quartier pour faire un
projet selon leurs attentes. La Belle-de-Mai a l'avantage d'être un
quartier central, de se trouver à proximité même de la gare
Saint-Charles. Mais cela n'empêche pas à ce quartier d'être
fortement enclavé119(*). La Friche, le Pôle Patrimoine et le
Pôle Média étaient censés désenclaver ce
quartier -tout du moins participer à son renouveau- mais aujourd'hui on
constate que ça n'a en rien favorisé la diminution de la
pauvreté et de l'insécurité dans le quartier. Aujourd'hui,
la municipalité cherche d'autres solutions pour diminuer les clivages
qui persistent sur le territoire. « Quartiers libres »
constitue donc la consultation des citoyens pour le projet d'aménagement
du quartier Saint-Charles-Belle-de-Mai qui représente 140 hectares.
Cette concertation qui fait couler beaucoup d'encre dans la presse locale
concerne également le devenir des casernes du Muy. Ces casernes
représentent environ 7 hectares et elles aussi participent à
l'enclavement du quartier par rapport au reste de Marseille. Cet enclos
renfermé était occupé jusqu'en 2015 et appartient
aujourd'hui à la ville de Marseille. Et depuis, la ville veut en faire
un projet de développement pour le quartier.
« Il faut raccorder la Belle-de-Mai au centre ville,
construire un pôle d'attractivité économique à
l'échelle métropolitaine »120(*) insiste Laure-Agnès
CARADEC, adjointe à l'urbanisme. Ce à quoi répond Robert
ASSANTE, « on est collectivement responsable, ça fait
cinquante ans qu'on loupe le 3ème arrondissement ».
Les gens trouvent que leur quartier s'est appauvri, que l'habitat s'est
dégradé et que la population reste repliée sur
elle-même. » C'est le premier constat que rédigent les
gens du quartier lors de la première réunion à la Friche
la Belle-de-Mai. Un autre constat qui se présente très vite
à l'appel c'est l'apport du Pôle de la Belle-de-Mai sur le
quartier. L'un des habitants pense plus particulièrement qu'il faudrait
« construire un pôle d'attractivité économique, mais,
attention, la Friche et le Pôle Média déjà
implantés fonctionnent en vastes clos et ne génèrent pas
d'activité pour les habitants »121(*). Actuellement, en juin 2015,
la concertation est entrée dans une seconde phase. On sait par contre
qu'un projet de Pôle Média 2 verra le jour sur site.
On voit donc, à travers ce projet de concertation
importante, que la ville a aujourd'hui enfin considéré le cas du
quartier de la Belle-de-Mai. Par son initiative de concertation, elle rapproche
les gens du quartier avec les entrepreneurs. Et par le projet Pôle
Média 2, elle réutilise un système économique qui
fonctionne déjà sur le même territoire pour de nouveau
réhabiliter le quartier et développer l'offre de la ville. La
question qui se pose aujourd'hui est est-ce que ce nouveau pôle va
profiter au quartier ? Est-ce que, comme les autres îlots, il
tournera le dos au quartier ? Mais surtout, est-ce que la ville va donner
des directives pour que les entreprises intègrent le quartier dans le
projet et ainsi les inciter à s'ancrer sur le territoire ?
Pour conclure sur cette partie, il faut tout d'abord rappeler
que la proximité entre le lieu de travail et le territoire est
essentielle dans l'encastrement des individus et de leur entreprise. Elle se
créé de deux manières différentes :
géographique et organisationnelle. La proximité organisée
s'est avérée très faible sur le territoire de la
Belle-de-Mai : les entreprises n'ont pas d'interactions avec les acteurs
locaux et n'ont pas pour projet d'aider le territoire à se
développer. Finalement, les entreprises qui sont au Pôle
Belle-de-Mai constituent un monde à part, où
créativité et création de richesses sont les seules
finalités. Par contre, la proximité géographique est bien
entendu assurée. Cette proximité, bien que le Pôle
Belle-de-Mai reste un élément qui tourne le dos au quartier, a
permis de donner au pôle une certaine territorialité.
Malheureusement, cette proximité géographique qui, ajoutée
à la proximité organisationnelle, doit former un système
organisé où firmes et territoire se développent de
manière concordante et réciproque, ne semble pas être
avéré sur le territoire de la Belle-de-Mai.
CONCLUSION
En conclusion générale de ce mémoire,
nous pouvons tout d'abord rappeler notre problématique de départ
qui était la suivante :
Nous nous étions alors interrogés sur les
rapports que pouvaient avoir les industries créatives et leurs liens
avec le territoire. Nous nous étions également demandé si,
par le biais d'interactions au sein d'un pôle, celui-ci pouvait devenir
un cluster.
Dans le cas des friches culturelles, il s'agit d'un
rassemblement sur un même lieu abandonné d'artistes et
associations qui souhaitent créer et offrir une nouvelle forme de
culture. Lorsque, au sein d'une friche culturelle, les intermittents
travaillent ensemble sur un même projet de développement, ceux-ci
développent une certaine proximité organisationnelle.
L'étude de cette proximité ajoutée aux proximités
géographique, institutionnelle, cognitive et sociale nous a permis de
mieux comprendre le principe du cluster créatif. En effet, au sein d'un
cluster, les entreprises sont obligatoirement proches géographiquement
mais le sont également de façon organisée. Cette
proximité organisée se met d'ailleurs bien souvent en place par
une institutionnalisation du projet entre firmes. Un cluster joue donc sur de
nombreuses proximités qui en font un Système Productif Local
durable.
Nous nous sommes alors demandé si la friche culturelle
pouvait être un cluster. Nous avons alors supposé qu'il
était tout à fait possible qu'il y ait des interactions en son
lieu mais le fait qu'elle soit constituée d'associations n'en fait pas
un SPL. Par contre, nous avons émis l'hypothèse qu'un ensemble de
pôles rassemblant des industries culturelles et créatives
pourraient être un cluster. Nous avons ainsi comparé ce
schéma au Pôle de la Belle-de-Mai. Après analyse, nous
avons vu que les entreprises avaient une certaine proximité
organisationnelle au sein de chaque pôle. Nous avons ensuite
constaté que ces entreprises ne partageaient pas forcement de liens avec
celles des autres pôles. Il ne semble pas non plus exister de
proximité institutionnelle donnant des directives aux trois îlots
quant à de possibles interactions. De plus, la plupart des
établissements ne sont pas des industries créatives. Nous avons
supposé que cela était dû à l'attribution des
secteurs d'activités et des codes NAF mais aussi que ces données
pouvaient tout à fait être correctes. Dans ce cas, la
différence entre discours politique, projets institutionnels et
réalité est tout à fait conséquente. Ainsi, nous
pouvons en conclure que le Pôle Belle-de-Mai ne peut être un
cluster puisque, hormis une proximité géographique entre
entreprises, rien ne montre une synergie entre les pôles.
Concernant notre problématique sur l'ancrage
territorial des entreprises, nous avons réparti notre travail selon deux
axes d'analyse. D'un coté, nous avons rapporté les dires des
acteurs locaux pour cerner le rapport qu'entretiennent les industries avec le
quartier. Nous avons ensuite questionné les salariés pour
analyser leur encastrement. Nous avons ainsi conclu à de grandes
divergences selon les pôles :
La Friche, bien que tournant le dos à son quartier d'un
point de vue physique, tente de plus en plus de faire de l'intégration
de la population un de ces objectifs d'avenir ;
Le Pôle Média n'a pas de directives sociales ou
sociétales et ne s'intéresse pas vraiment au quartier ;
Le Pôle Patrimoine, en dehors d'évènements
ponctuels de type journées du patrimoine où la population est
invitée à se rendre sur le site, a pour seul objectif la
conservation et la restauration du patrimoine.
La Friche semble donc être la plus ancrée sur le
territoire par ces projets d'intégration et ce malgré la
réticence de la population à son égard.
De plus, la réhabilitation de l'ancienne manufacture
n'a pas vraiment eu d'impact positif sur le quartier. En effet,
l'insécurité et les inégalités sociales perdurent
depuis la fermeture de la manufacture des tabacs. Pourtant, le Pôle
semble se développer sans aucun problème. Finalement, lorsque
dans la théorie le territoire doit être attractif et innovant pour
attirer les industries créatives et pour leur permettre de se
développer, dans la réalité, territoires et industries
créatives se développent de manières totalement
disjointes.
Concernant l'encastrement des individus, là aussi des
inégalités apparaissent. Mais, globalement, les salariés
consomment dans le 3ème arrondissement. Certains le font
parce qu'ils y vivent, d'autres par choix et beaucoup le font parce qu'ils y
travaillent. Pourtant, la plupart des salariés sont insatisfaits des
équipements dont le 3ème arrondissement dispose. Le
lieu de travail et la proximité avec le quartier semblent donc jouer un
rôle dans l'encastrement des individus et surtout dans leur consommation.
En règle générale, les salariés sont
également satisfaits de travailler à la Belle-de-Mai
professionnellement parlant. D'un point de vue personnel, le fait que le
quartier est insécurisé et insalubre ressort assez souvent.
En fin de compte, même si les salariés ne
s'intéressent pas toujours au quartier et à ces nombreux
problèmes, ils leurs arrivent de s'y rendre et participent ainsi
à l'économie locale.
Pour finir, nous pouvons dire que les vrais problèmes
à la Belle-de-Mai sont souvent cachés derrière un discours
politique qui met seulement en avant la réussite économique des
pôles. On rejette trop souvent la faute sur le pôle et plus
particulièrement sur la Friche quant à son renfermement vis
à vis du quartier. Mais le projet de départ était de
développer de la culture pour Marseille, et non pas de redynamiser le
quartier. Le but de l'ensemble était de donner à la ville un
pôle créatif la rendant plus attractive et lui permettant
d'être concurrente dans l'économie mondiale.
L'institutionnalisation du projet et le discours des politiques sont donc
très importants dans la perception de ce pôle et des entreprises
qui y sont implantées.
Notre mémoire et notre analyse des interactions et
ancrage territorial de la Belle-de-Mai nous ont amenés à nous
questionner sur le rôle du marketing territorial dans le
développement d'un écosystème où les entreprises
fonctionneraient de manière synergique entre elles et avec leur
territoire. Nous pourrions également nous demander l'influence qu'ont eu
les pôles les uns par rapport aux autres. Par exemple, est-ce que le fait
que le développement des industries créatives se fasse sur un
territoire où une friche culturelle existait déjà leurs a
permis de se développer plus rapidement ? Finalement, est-ce que la
présence d'une friche culturelle peut influencer le développement
d'un cluster créatif dont la proximité géographique est
notable.
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE
3
INTRODUCTION
5
PREMIERE PARTIE: CADRAGE THEORIQUE ET CONCEPTUEL
7
CHAPITRE 1 : LE PHÉNOMÈNE DE
« FRICHE CULTURELLE »
11
1. Comment la Friche culturelle est-elle rendue
possible ?
11
a) Une difficile définition de ce qu'est une Friche
11
b) Le temps de veille : lorsque la culture intervient dans
la question de la résilience territoriale
15
c) Le rapport de la Friche à son environnement : les
limites de son rayonnement
18
2. De la culture au projet urbain
20
a) Institutionnalisation du projet : le pouvoir des
politiques publiques dans la visibilité de la Friche culturelle.
20
b) Le marketing urbain : pour la
compétitivité ? Ou vers un renforcement de
l'inégalité sociale ?
22
3. Quelques exemples européens de
résilience par la culture
24
a) Exemples allemands : Wolfsburg et Cottbus
25
b) Exemples anglais : Birmingham
26
c) Exemple français : Reims et Marseille
27
CHAPITRE 2 : LE CLUSTER CRÉATIF
29
1. De l'industrie culturelle à l'industrie
créative
29
a) La créativité : émergence d'un concept
économique du XXIème siècle
29
b) De l'industrie culturelle...
30
c) ...à l'industrie créative
31
2. Le cluster fondé sur des industries
innovantes et compétitives
34
a) FLORIDA et la classe créative
34
b) PORTER pour l'innovation et la compétitivité
36
c) Le modèle de la Silicon Valley
38
3. Importance de l'institutionnel et de la
coordination d'acteurs
39
a) Le cluster en tant qu'enjeu politique
39
b) Le principe de proximité : point clé de la
réussite du cluster
41
c) Les limites du cluster et du secteur créatif
43
CHAPITRE 3 : ANALYSE DYNAMIQUE DES PROXIMITÉS
45
1. L'école de la proximité
45
a) Les différentes approches de la proximité
45
b) Théorie de la structuration : comment
l'étude des interactions permet de comprendre l'importance de la
proximité ?
46
2. Proximité cognitive, géographique
et organisée : conceptions, limites, alternatives
47
a) La proximité cognitive : pour le partage de
connaissances et de compétences
48
b) La proximité géographique : lorsque
l'espace influx sur les interactions
51
c) De la proximité organisationnelle à la
proximité organisée
56
3. À la croisée des proximités
géographique et organisée
60
a) L'importance de l'institutionnalisation dans la
création d'une coordination d'acteur
61
b) Comment les aspects négatifs de la proximité
géographique favorisent la proximité organisée
64
c) Articulation et combinaison des proximités
65
METHODOLOGIE
70
DEUXIEME PARTIE: LES INTERACTIONS AU PÔLE DE LA
BELLE-DE-MAI
73
CHAPITRE 1 : INDUSTRIES CRÉATIVES À LA
BELLE-DE-MAI : INFLUENCE DE L'INSTITUTIONNALISATION
77
1. Politiques de développement des industries
créatives en Provence-Alpes-Côte-D'azur
77
a) La créativité au coeur de la politique
territoriale
77
b) Quel est le poids de l'économie créative dans la
région ?
80
2. La place des collectivités dans
l'aménagement du Pôle de la Belle-de-Mai et dans sa
légitimité
85
a) Développement de la créativité à
la Belle-de-Mai : un projet en trois « îlots »
où la ville joue un rôle majeur
85
b) L `utilisation du terme de
« pôle » renvoie-t-il au concept de
« cluster » ?
92
c) Le Pôle Belle-de-Mai comme une réussite de la
ville
94
3. Études institutionnelles et discours de la
presse
97
a) Le rapport LEXTRAIT : vers la reconnaissance des
territoires culturels ?
98
b) Le discours de la presse plutôt tourné vers
l'impact sur le quartier et vers l'institutionnalisation du projet que sur les
interactions entre les îlots
101
CHAPITRE 2 : ANALYSE DES DISCOURS DES ACTEURS
105
1. Une « synergie » au sein des
pôles ?
105
a) Interactions au Pôle Patrimoine
105
b) Interactions au Pôle Média
107
c) Interactions à la Friche
109
2. Quelles interactions pour quel type
d'écosystème ?
110
a) Un souhait de créer une collaboration entre pôles
est bien présent
110
b) Des partenariats peu représentatifs entre les 3
îlots
112
3. Pourquoi l'écosystème ne se
développe pas en synergie ?
114
a) Une distinction récurrente entre les pôles
115
b) Des financements et des partenariats différents
116
c) Attractivité et partenariat plutôt tourné
vers l'international
117
CHAPITRE 3 : QUELLES SONT LES RÉELLES INTERACTIONS
À LA BELLE-DE-MAI ?
119
1. Différente structure pour
différents projets
119
a) Des acteurs trop hétérogènes ?
119
b) Une définition des code NAF un peu vague qui peut
induire en erreur
121
2. Des pratiques porteuses de liens ?
124
a) Globalement les pôles sont plutôt pratiquée
mais surtout pour la restauration
125
b) Partenariats contractuels entre certaines structures des 3
îlots
128
c) Des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai plus
représentés ?
132
3. Que manque t'il au Pôle Belle-de-Mai pour
être en synergie et fonctionner comme un écosystème de
type cluster ?
135
a) Importance du turn-over dans la création
d'interactions
135
b) Quelques idées de directive pour la création
d'interactions
137
TROISIÈME PARTIE: ANCRAGE TERRITORIAL
141
CHAPITRE 1 : RÉHABILITER LA FRICHE POUR
RÉGÉNÉRER LE QUARTIER ?
143
1. Définition et analyse de l'ancrage
territorial
143
a) L'ancrage territorial comme l'investissement des
entreprises sur leur territoire d'implantation
143
b) Un rapport entre proximité organisationnelle et
proximité géographique
145
c) Comment le calculer ?
146
2. La Belle-de-Mai : un quartier où
pauvreté et insécurité dominent
148
a) Le quartier « le plus pauvre d'Europe »
149
b) Une conscience des problèmes universelle sur le
territoire
151
3. Quel est l'intérêt de la culture au
sein des projets à la Belle-de-Mai
153
a) La culture comme clé de développement ?
153
b) Projets proposés pour répondre aux enjeux :
les ambitions
154
c) Quelles ont été les conséquences de la
réhabilitation ?
156
CHAPITRE 2 : RAPPORT DES ENTREPRISES AU TERRITOIRE :
CONSÉQUENCE DE LEURS IMPLANTATIONS À LA BELLE-DE-MAI
159
1. Des projets qui prennent de plus en plus en
compte la population
159
a) Un projet Friche qui tente de s'ouvrir sur le quartier
159
b) Des activités au Pôle Patrimoine qui ne
facilitent pas le lien avec les habitants du quartier
164
c) Un Pôle Média très renfermé sur
lui-même
166
2. Des projets qui s'intéressent très
peu au développement économique du quartier
167
a) Quelques projets pour le développement
économique du quartier
167
b) Globalement, les initiatives sont faibles et la greffe ne
prend pas
169
3. Finalement, est-ce que ces projets ont vraiment
profité au quartier ?
171
a) Comment est perçu le rapport entre Pôle
Belle-de-Mai et quartier par les politiques et les acteurs locaux ?
172
b) Le développement de ces projets culturels a-t-il
profité au quartier sur le plan social ?
173
c) Le développement de ces projets culturels a-t-il
profité au quartier sur le plan économique ?
175
CHAPITRE 3 : ENCASTREMENT INDIVIDUEL DES SALARIÉS AU
SEIN QUARTIER
179
1. Les consommations des salariés dans le
troisième arrondissement
179
a) Comment se mesure la consommation des salariés dans le
troisième arrondissement ?
179
b) Les types de consommations de biens ou de services des
salariés dans le troisième arrondissement
182
c) Pourquoi les individus consomment - ou ne consomment pas -
dans le troisième arrondissement ?
184
2. Rapport au territoire et impressions liées
à son attractivité
188
a) Importance de la mobilité dans le rapport de l'individu
au territoire
188
b) Un territoire pas assez attractif
192
c) Un pôle qui profiterait au quartier selon les
salariés
193
3. Perspectives de développement de la
Belle-de-Mai
196
a) Quel est l'avenir des liens entre quartier et pôle ?
196
b) Le pôle peut-il être considéré comme
cluster créatif ?
197
c) Les casernes du Muy : un projet collaboratif et
participatif
198
CONCLUSION
202
TABLE DES MATIERES
205
TABLE DES ILLUSTRATIONS
210
BIBLIOGRAPHIE
215
SITOGRAPHIE
224
ANNEXES
225
TABLE DES ILLUSTRATIONS
GRAPHIQUES :
GRAPHIQUE 1 : CERCLE CONCENTRIQUE
REPRÉSENTANT LES INDUSTRIES CRÉATIVES PAR RAPPORT À
L'ENSEMBLE DE L'ÉCONOMIE
32
GRAPHIQUE 2 : ARTICULATION DES PROXIMITÉS
GÉOGRAPHIQUE ET ORGANISÉE. SOURCE : ANDRÉ TORRE, 2010
43
GRAPHIQUE 3 : RÉPARTITION DES
ÉTABLISSEMENTS DU PÔLE MÉDIA ET DE LA FRICHE LA
BELLE-DE-MAI SELON LE TYPE (SOURCE : SIREN)
120
GRAPHIQUE 4 : PART DES INDUSTRIES CRÉATIVES
DANS L'ENSEMBLE DES ÉTABLISSEMENTS DU PÔLE BELLE-DE-MAI
124
GRAPHIQUE 5 : TYPE DE PRATIQUES DES SALARIÉS
DU PÔLE MÉDIA À LA FRICHE
126
GRAPHIQUE 6 : TYPE DE PRATIQUES DES SALARIÉS
DU PÔLE PATRIMOINE À LA FRICHE
126
GRAPHIQUE 7 : TYPES DE PRATIQUES DES SALARIÉS
DE LA FRICHE AU PÔLE MÉDIA
127
GRAPHIQUE 8 : TYPES DE PRATIQUES DES SALARIÉS
DE PÔLE PATRIMOINE AU PÔLE MÉDIA
128
GRAPHIQUE 9 : TYPES DE PARTENARIATS DES
SALARIÉS DE LA FRICHE AVEC DES ENTREPRISES DU PÔLE MÉDIA
129
GRAPHIQUE 10 : TYPES DE PARTENARIATS DES
SALARIÉS DU PÔLE MÉDIA AVEC DES ENTREPRISES ET ASSOCIATIONS
DE LA FRICHE
129
GRAPHIQUE 11 : TYPE DE PARTENARIATS ENTRE LES
SALARIÉS DU PÔLE PATRIMOINE ET LES ENTREPRISES OU ASSOCIATIONS DE
LA FRICHE ET DU PÔLE MÉDIA
131
GRAPHIQUE 12 : RÉPARTITION DES PARTENARIATS
DES SALARIÉS DE LA FRICHE SELON L'ÉCHELLE
133
GRAPHIQUE 13 : RÉPARTITION DES PARTENARIATS
DES SALARIÉS DU PÔLE MÉDIA SELON L'ÉCHELLE
133
GRAPHIQUE 14 : RÉPARTITION DES PARTENARIATS
DES SALARIÉS DU PÔLE PATRIMOINE SELON L'ÉCHELLE
133
GRAPHIQUE 15 : RÉPARTITION DES
ÉTABLISSEMENTS DU PÔLE BELLE-DE-MAI SELON LEUR DATE DE
CRÉATION
136
GRAPHIQUE 16 : TAUX DE CONSOMMATION DE BIENS OU DE
SERVICES DANS LE TROISIÈME ARRONDISSEMENT PAR LES SALARIÉS DU
PÔLE DE LA BELLE-DE-MAI
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 17 : RÉCURRENCE DES CONSOMMATIONS
DE BIENS OU DE SERVICES DES SALARIÉS DANS LE TROISIÈME
ARRONDISSEMENT
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 18 : TYPE D'ACHATS DE BIENS OU DE SERVICES
DANS LE TROISIÈME ARRONDISSEMENT
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 19 : LES RAISONS POUR LESQUELLES LES
SALARIÉS ONT RECOURS À DES ACHATS DE BIENS OU DE SERVICES DANS LE
TROISIÈME ARRONDISSEMENT
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 20 : LES RAISONS POUR LESQUELLES LES
SALARIÉS N'ONT PAS RECOURS À DES ACHATS DE BIENS OU DE SERVICES
DANS LE QUARTIER
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 21: ENQUÊTE ACCESSIBILITÉ
BELLE-DE-MAI (SOURCE : AGAM, SEPTEMBRE 2014)
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 22 : TAUX DE SALARIÉS QUI PENSENT
QUE TRAVAILLER À LA BELLE-DE-MAI EST
AGRÉABLE/DÉSAGRÉABLE
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 23 : TAUX DE SALARIÉS QUI PENSENT
QUE TRAVAILLER À LA BELLE-DE-MAI EST VALORISANT D'UN POINT DE VUE
PERSONNEL/PROFESSIONNEL.
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 24 : RESSENTI DES SALARIÉS QUANT
À L'IMPACT DU PÔLE SUR LA BELLE-DE-MAI
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
GRAPHIQUE 25 : TYPES D'IMPACTS DU PÔLE
BELLE-DE-MAI SUR LE QUARTIER ÉNONCÉ PAR LES SALARIÉS
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
CARTES:
CARTE 1 : LES INDUSTRIES CRÉATIVES DE LA
SILICON VALLEY
38
CARTE 2 : NOMBRE D'EMPLOIS CRÉATIFS DE LA
RÉGION PACA EN 2013 PAR COMMUNE (SELON LES CODES NAF)
81
CARTE 3 : ÉVOLUTION DU NOMBRE
D'ÉTABLISSEMENTS CRÉATIFS EN RÉGION PACA ENTRE 2008 ET
2013 PAR COMMUNE (SELON CODE NAF)
84
CARTE 4 : NOMBRE D'ÉTABLISSEMENTS
CRÉATIFS DANS LES ARRONDISSEMENTS DE LA VILLE DE MARSEILLE EN 2013
(SELON CODE NAF)
122
CARTE : RÉPARTITION DES SALARIÉS DU
PÔLE BELLE-DE-MAI SELON LEUR COMMUNE DE RÉSIDENCE PRINCIPALE
ERREUR ! SIGNET NON
DÉFINI.
TABLEAUX:
TABLEAU 1. LE CROISEMENT DES DEUX PROXIMITÉS ET
SES RÉSULTATS EN MATIÈRE D'INTERACTIONS
66
TABLEAU 2 : RÉPARTITION DES PARTICIPANTS AU
QUESTIONNAIRE PAR ÎLOTS
71
TABLEAU 3 : ARTICLES DE PRESSES SUR LA BELLE-DE-MAI
102
TABLEAU 4 : PÉRIODE DEPUIS LAQUELLE LES
SALARIÉS SONT DANS LEUR ENTREPRISE
137
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l'Agence d'urbanisme de Marseille
-
www.developpement-durable.gouv.fr : site du gouvernement concernant le
développement durable
- www.euromediterranee.fr :
site officiel de la structure euroméditerranée
- www.laFriche.org: site de la
Friche la Belle-de-Mai
- www.marseille-innov.org :
site du programme Marseille-Innovation
- www.belledemai.org : site de
l'incubateur de la Belle-de-Mai eu sein du Pôle Média
- www.insee.fr : site officiel de
l'INSEE consulté pour récupérer les donnée utiles
sur la ville de Marseille et ces arrondissements (emplois, logements, CSP,
revenus, etc.)
- www.cg13.fr : site officiel du
Conseil Général des Bouches du Rhône
-
http://www.oecd.org/fr/france/aix-marseille.htm : lien officiel vers le
rapport de l'OCDE sur la métropole d'Aix-Marseille
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http://www.marseille.fr/siteculture/les-lieux-culturels/la-Friche-de-la-belle-de-mai
: lien officiel du site de la mairie de Marseille dédié à
la culture.
-
http://www.francecreative.fr : site officiel des industries culturelles
et créatives en france
-
http://quartierslibres.jenparle.net/bibliotheque/17/documents
: site officiel des projets quartiers libres en France
ANNEXES
- Codes NAF détaillés 2008
- Questionnaire type pour les salariés
- Libellé de la nature juridique des entreprises du
Pôle Belle-de-Mai
- Questionnaire type pour les acteurs du pôle
- Exemples d'entretiens
Codes NAF des industries
créatives :
J Information et communication?58.2 Édition de
logiciels
58.21 Édition de jeux électroniques
58.29 Édition d'autres logiciels?59 Production de films
cinématographiques, de vidéo et de programmes de
télévision ; enregistrement sonore et édition musicale
59.1 Activités cinématographiques, vidéo
et de télévision?59.11 Production de films
cinématographiques, de vidéo et de programmes de
télévision 59.12 Post-production de films
cinématographiques, de vidéo et de programmes de
télévision 59.13 Distribution de films cinématographiques,
de vidéo et de programmes de télévision 59.14 Projection
de films cinématographiques
59.2 Enregistrement sonore et édition musicale?59.20
Enregistrement sonore et édition musicale
60 Programmation et diffusion?60.1 Édition et diffusion
de programmes radio
60.10 Édition et diffusion de programmes radio 60.2
Programmation de télévision et télédiffusion
60.20 Programmation de télévision et
télédiffusion 63 Services d'information
63.1 Traitement de données, hébergement et
activités connexes ; portails Internet 63.12 Portails Internet
M Activités spécialisées,
scientifiques et techniques?71 Activités d'architecture et
d'ingénierie ; activités de contrôle et analyses
techniques
71.1 Activités d'architecture et d'ingénierie
71.11 Activités d'architecture
71.12 Activités d'ingénierie 73 Publicité
et études de marché
73.1 Publicité?73.11 Activités des agences de
publicité
74 Autres activités spécialisées,
scientifiques et techniques 74.1 Activités spécialisées de
design
74.10 Activités spécialisées de design
74.2 Activités photographiques
74.20 Activités photographiques?74.9 Autres
activités spécialisées, scientifiques et techniques
n.c.a.
74.90 Autres activités spécialisées,
scientifiques et techniques n.c.a.
R Arts, spectacles et activités
récréatives?90 Activités créatives, artistiques et
de spectacle
90.0 Activités créatives, artistiques et de
spectacle 90.01 Arts du spectacle vivant
90.02 Activités de soutien au spectacle vivant 90.03
Création artistique?90.04 Gestion de salles de spectacles
91 Bibliothèques, archives, musées et autres
activités culturelles?91.0 Bibliothèques, archives, musées
et autres activités culturelles
91.01 Gestion des bibliothèques et des archives?91.02
Gestion des musées?91.03 Gestion des sites et monuments historiques et
des attractions touristiques similaires 91.04 Gestion des jardins botaniques et
zoologiques et des réserves naturelles
93 Activités sportives, récréatives et de
loisirs 93.2 Activités récréatives et de loisirs
93.21 Activités des parcs d'attractions et parcs
à thèmes 93.29 Autres activités récréatives
et de loisirs
S Autres activités de services?94 Activités
des organisations associatives
94.9 Activités des autres organisations
associatives?94.99 Activités des organisations associatives n.c.a.
J Information et communication 58 Édition
58.2 Édition de logiciels?58.21 Édition de jeux
électroniques 58.29 Édition d'autres logiciels
61 Télécommunications?61.1
Télécommunications filaires
61.10 Télécommunications filaires 61.2
Télécommunications sans fil
61.20 Télécommunications sans fil 61.3
Télécommunications par satellite
61.30 Télécommunications par satellite 61.9
Autres activités de télécommunication
61.90 Autres activités de
télécommunication 63 Services d'information
63.1 Traitement de données, hébergement et
activités connexes ; portails Internet 63.12 Portails Internet
Section C : INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE?18 IMPRIMERIE
ET REPRODUCTION D'ENREGISTREMENTS
18.1 IMPRIMERIE ET SERVICES ANNEXES 18.12Z-A Imprimerie de
labeur
18.12Z-B Sérigraphie de type imprimerie 18.13Z-A
Travaux de préparation d'impression 18.13Z-B
Graphisme-décoration?18.13Z-C Activités graphiques
n.c.a.?18.14Z-Z Reliure et activités connexes
32 AUTRES INDUSTRIES MANUFACTURIÈRES?32.1 FABRICATION
D'ARTICLES DE JOAILLERIE, BIJOUTERIE ET ARTICLES SIMILAIRES
32.12Z-Z Fabrication d'articles de joaillerie et de
bijouterie
32.13Z-Z Fabrication d'articles de bijouterie fantaisie et
articles similaires 32.2 FABRICATION D'INSTRUMENTS DE MUSIQUE
32.20Z-A Lutherie?32.20Z-B Facteur d'orgues?32.20Z-C
Fabrication d'autres instruments de musique
Section J : INFORMATION ET COMMUNICATION 58
ÉDITION
58.1 ÉDITION DE LIVRES ET PÉRIODIQUES ET AUTRES
ACTIVITÉS D'ÉDITION?58.19Z-P Edition d'imprimés
fiduciaires, imprimés commerciaux, formulaires imprimés
Section M : ACTIVITÉS SPÉCIALISÉES,
SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES?74 AUTRES ACTIVITÉS
SPÉCIALISÉES, SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES
74.1 ACTIVITÉS SPÉCIALISÉES DE
DESIGN?74.10Z-P Conception de modèles pour étalages et
décoration
74.2 ACTIVITÉS PHOTOGRAPHIQUES?74.20Z-Q Studio de
photographie?74.20Z-R Portrait, reportage?74.20Z-S Photographie industrielle et
publicitaire?74.20Z-T Laboratoires techniques de développement et de
tirage
Section R : ARTS, SPECTACLES ET ACTIVITÉS
RÉCRÉATIVES?90 ACTIVITÉS CRÉATIVES, ARTISTIQUES ET
DE SPECTACLE
90.0 ACTIVITÉS CRÉATIVES, ARTISTIQUES ET DE
SPECTACLE 90.01Z-P Spectacles de marionnettes?90.03A-P Restauration d'objets
d'art
Section C : INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE?26 FABRICATION
DE PRODUITS INFORMATIQUES, ÉLECTRONIQUES ET OPTIQUES
26.1 FABRICATION DE COMPOSANTS ET CARTES ÉLECTRONIQUES
26.11Z-A Fabrication de composants électroniques (hors capteurs
solaires) 26.11Z-B Fabrication de capteurs solaires
photovoltaïques?26.12Z-Z Fabrication de cartes électroniques
assemblées
26.2 FABRICATION D'ORDINATEURS ET D'ÉQUIPEMENTS
PÉRIPHÉRIQUES 26.20Z-Z Fabrication d'ordinateurs et d'autres
équipements informatiques
26.3 FABRICATION D'ÉQUIPEMENTS DE COMMUNICATION
26.30Z-Z Fabrication d'équipements de communication
26.4 FABRICATION DE PRODUITS ÉLECTRONIQUES GRAND PUBLIC
26.40Z-Z Fabrication de produits électroniques grand public
26.5 FABRICATION D'INSTRUMENTS ET D'APPAREILS DE MESURE,
D'ESSAI ET DE NAVIGATION ; HORLOGERIE 26.51A-Z Fabrication d'équipements
d'aide à la navigation?26.51B-Z Fabrication d'instrumentation
scientifique et technique?26.52Z-Z Horlogerie
26.6 FABRICATION D'ÉQUIPEMENTS D'IRRADIATION
MÉDICALE, D'ÉQUIPEMENTS ÉLECTROMÉDICAUX ET
ÉLECTROTHÉRAPEUTIQUES
26.60Z-Z Fabrication d'équipements d'irradiation
médicale, d'équipements électromédicaux et
électrothérapeutiques 26.7 FABRICATION DE MATÉRIELS
OPTIQUE ET PHOTOGRAPHIQUE
26.70Z-A Fabrication de matériels photographiques et
cinématographiques
26.70Z-B Fabrication d'instruments d'optique?26.8 FABRICATION
DE SUPPORTS MAGNÉTIQUES ET OPTIQUES
26.80Z-Z Fabrication de supports magnétiques et
optiques
Questionnaire type pour les salariés de la
Friche :
I. Ancrage territorial
1. Habitez-vous à Marseille ?
OUI NON Ne Se Prononce Pas
2. Si oui, dans quel arrondissement ?
................
3. Si non, dans quelle commune ?
................
4. Comment vous rendez-vous sur votre lieu de travail ?
Transports individuels
Transports en communs, précisez
À pieds
5. Si vous venez en transports individuels, où vous
garez-vous ?
Parking de la Friche
Autres parking du quartier
Dans le troisième
Autres, précisez ..........
6. Vous arrive t-il de faire des achats ou d'avoir recours
à des services dans le 3ème arrondissement ?
OUI NON
7. Si oui, quelles en sont la nature ?
1. Sortie, loisir
2. Commerce de proximité
3. Supermarché
4. Ecole, crèche
5. Autres, précisez ............
8. Vous effectuez ces consommations de biens ou de services
à hauteur de (pour chaque réponse précédente)
:
1-2 fois par an
1-2 fois par mois
1-2 fois par semaine
Tous les jours
9. Pourquoi consommez-vous dans le 3ème
arrondissement plutôt qu'ailleurs?
Proximité du travail
Proximité du logement
Prix
Offre
Autres, précisez ............
10. Si non, pourquoi ne consommez-vous pas dans le
3ème arrondissement ?
Prix
Offre
Proximité/préférence
Autres, précisez ............
II. Interactions pôle culture/Pôle Média
1. Connaissez vous quelqu'un qui travaille à la
Friche la Belle-de-Mai (pôle culture) ?
OUI NON
2. Si oui, combien de personnes ?
1-2
2-5
5-10
Plus de 10
3. Travaillez-vous avec une personne/structure/entreprise du
pôle culture ?
OUI NON
4. Si oui, avec qui ?
.............................................................................................................
5. Sous quelle forme se traduisent ces liens ?
Partenariats, préciser ................
Financement d'événements
Autres, préciser .....................
6. Aussi, travaillez-vous avec une
personne/structure/entreprise du Pôle Média ?
OUI NON
7. Si oui, avec qui ?
..............................................................................
.
...........................................................................
8. Sous quelle forme se traduisent ces liens ?
Partenariats, préciser .............................
Financement d'événements
Autres, préciser ...........................
9. Avez vous des partenariats avec d'autres types de
structures ?
OUI NON
10. Si oui, sur quels territoires se situent-elles ?
Marseille
PACA
France
Etranger, précisez .....................
11. Etes-vous déjà allé à la
Friche la Belle-de-Mai ?
OUI NON
12. Si oui, à quelle fréquence ?
1-2 fois par ans
1-2 fois par mois
1-2 fois par semaine
Tous les jours
13. Pour quelles raisons vous rendez vous à la Friche
la Belle-de-Mai ?
Exposition
Restauration
Librairie
Spectacle - concert
Crèche
Parking
Autres, précisez ........................
14. Au contraire, pour quelles raisons ne vous rendez-vous pas
ou peu à la Friche ?
Prix (restauration, spectacle, concert)
Spectacle, concert, expo ne m'intéresse pas
Pas d'enfants
Autres, précisez ......................
15. Comment évaluez-vous l'impact de la Friche (dans
son ensemble) sur le 3ème arrondissement ?
Positif
Négatif
Neutre
16. Pour vous, cet impact est :
Économique
Culturel
Social
Urbain
III. Personnalité
1. Sexe ?
Homme Femme
2. Age ?
18-25 ans 25-40 ans 40-60 ans + de 60 ans
3. Niveau de diplôme ?
Sans diplôme
Certificat d'étude primaire
BEPC, brevet des collèges
CAP ou BEP
BP ou Baccalauréat
Diplôme de l'enseignement supérieur court (BTS,
licence, etc.)
Diplôme de l'enseignement supérieur long (master,
doctorat, etc.)
4. Où avez-vous fait vos études ?
Marseille
PACA
France,
Étranger : précisez .............
5. Avez-vous des enfants ?
0 1 2 3 4 et plus
6. Au sein de quelle entreprise travaillez-vous ?
..................................
7. Nature de votre emploi ?
Artisans, commerçants et chef d'entreprise
Cadres et professions intellectuelles supérieures
Professions intermédiaires
Employés
Ouvriers
Autres, précisez ...................
8. Depuis combien de temps travaillez-vous dans cette
entreprise ?
- de 1 ans 1-2 ans 2-4 ans 4 ans et +
|
Libellé de la nature juridique des entreprises
du Pôle Belle-de-Mai
|
3
|
Activité des médecins généralistes
|
1
|
Activités combinées de soutien lié aux
bâtiments
|
1
|
Activités d'architecture
|
1
|
Activités de clubs de sports
|
1
|
Activités de conditionnement
|
1
|
Activités de santé humaine non classées
ailleurs
|
2
|
Activités de sécurité privée
|
1
|
Activités de soutien au spectacle vivant
|
1
|
Activités des agences de publicité
|
1
|
Activités des infirmiers et des sages-femmes
|
2
|
Activités des marchands de biens immobiliers
|
1
|
Activités des organisations professionnelles
|
1
|
Activités des sociétés holding
|
3
|
Activités des syndicats de salariés
|
1
|
Activités hospitalières
|
1
|
Arts du spectacle vivant
|
5
|
Autres activités de soutien aux entreprises n.c.a.
|
1
|
Autres activités liées au sport
|
2
|
Autres activités récréatives et de
loisirs
|
1
|
Autres commerces de détail alimentaires en magasin
spécialisé
|
1
|
Autres commerces de détail spécialisés
divers
|
2
|
Autres commerces de détail sur éventaires et
marchés
|
4
|
Autres enseignements
|
1
|
Autres intermédiaires du commerce en produits divers
|
1
|
Autres organisations fonctionnant par adhésion
volontaire
|
10
|
Autres travaux de finition
|
2
|
Autres travaux spécialisés de construction
|
1
|
Boulangerie et boulangerie-pâtisserie
|
2
|
Coiffure
|
1
|
Comm. de gros d'éqpts et composants électroniques
et de télécomm.
|
1
|
Comm. dét. fleurs, plantes, etc, animaux de cie et leurs
aliments
|
1
|
Comm. détail de quincaillerie, peintures et verres
(mag.< 400 m2)
|
1
|
Comm. détail pain pâtisserie & confiserie
(magasin spécialisé)
|
2
|
Comm. détail viandes & produits à base de
viande (magas. spéc.)
|
1
|
Commerce d'alimentation générale
|
3
|
Commerce de détail alimentaire sur éventaires et
marchés
|
1
|
Commerce de détail d'habillement en magasin
spécialisé
|
1
|
Commerce de détail de biens d'occasion en magasin
|
1
|
Commerce de gros (commerce interentreprises) non
spécialisé
|
2
|
Commerce de gros d'autres biens domestiques
|
1
|
Commerce de gros de produits pharmaceutiques
|
1
|
Conseil pour les affaires et autres conseils de gestion
|
3
|
Construction de maisons individuelles
|
1
|
Création artistique relevant des arts plastiques
|
3
|
Débits de boissons
|
1
|
En attente de chiffrement sans activité
|
2
|
Enregistrement sonore et édition musicale
|
1
|
Enseignement de la conduite
|
1
|
Entretien corporel
|
1
|
Entretien et réparation de véhicules automobiles
légers
|
1
|
Fabrication de matériel médico-chirurgical et
dentaire
|
1
|
Formation continue d'adultes
|
1
|
Ingénierie, études techniques
|
1
|
Location de logements
|
7
|
Location de terrains et d'autres biens immobiliers
|
17
|
Location et location-bail d'articles de loisirs et de sport
|
1
|
Messagerie, fret express
|
1
|
Organisation de foires, salons professionnels et
congrès
|
1
|
Production de films et de programmes pour la
télévision
|
2
|
Production de films pour le cinéma
|
1
|
Recherche-développement : autres sciences physiques et
naturelles
|
1
|
Réparation de machines et équipements
mécaniques
|
1
|
Restauration de type rapide
|
3
|
Restauration traditionnelle
|
2
|
Soins de beauté
|
1
|
Télécommunications filaires
|
2
|
Traduction et interprétation
|
1
|
Transports routiers de fret de proximité
|
2
|
Transports routiers de fret interurbains
|
1
|
Questionnaire type posé aux acteurs du pôle
Belle-de-Mai :
- en quoi consiste votre projet de développement ?
- est-ce que des collectivités vous aide de maniére
subventionnelle ?
- connaissez-vous des entreprises des autres
pôles ?
- avez-vous des liens avec ces entreprises ?
- avez vous des liens avec le quartier ?
- avez vous des projets pour le quartier ?
- que pensez-vous de l'impact de la réhabilitation sur le
quartier ?
Exemples d'entretiens :
Entretien avec Celine SOULIERS - Directrice
de l'incubateur du Pôle média - réalisé le 15 avril
2015 par Hélène SEVERIN
Catherine SOULIERS nous explique le principe du projet
incubateur, on peut d'ailleurs y voir l'importance des directives de
l'État et de la ville de Marseille dans le processus :
« Les projets incubateurs sont des projets
initiés par l'Etat pour aider le milieu de la recherche innovante. Il
existe 29 incubateurs au total en France. Celui de la Belle de Mai date de
1999. Notre but est d'accompagner des projets d'entreprise de la
première idée jusqu'au premier client. Ces projets sont tous
issus d'idées très créatives et sont dédiés
au domaine du numérique. 30% de nos projets seulement se trouvent hors
PACA, pour la plupart ce sont des entrepreneurs qui viennent de Marseille et
d'Aix-en-Provence. Les entreprises restent entre 18 et 24 mois. Dans la
majorité des cas, le projet aboutit (environ 80%) et 70% d'entre eux
sont encore en activité au bout de 5 ans. Pour chaque entreprise
créée c'est entre 4 et 5 emplois créés. En 15 ans
ont a aidé 153 projets à aboutir.Une grande partie des
entrepreneurs sont amenés par des agences prescripteurs comme les
pépinière d'entreprise par exemple. On est également
très présent sur internet (sur notre site, sur twitter, etc.).
Enfin, on met en place des ateliers de sensibilisation à
l'entreprise.
Notre accompagnement se passe autour de plusieurs axes :
de l'individuel ; du collectif avec les déjeuners, les work shop
par exemple ; et aussi la possibilité de fournir un espace
d'accueil, notamment lorsque les entrepreneurs ne vivent pas forcement à
Marseille et ont besoin de locaux pour leur rendez-vous et/ou
réunions.
Concernant le financement des projets, on a une enveloppe
dédiée à chacun d'eux sous forme de tiers-payant. C'est
à dire que l'on gère surtout la prestation d'expertise mais que
c'est aux chefs d'entreprise de gérer les relations avec les
partenaires. Les projets sont financer à partir des aides du
Ministère de l'enseignement et de la recherche innovante, des
remboursements des anciens incubateurs, de la Région PACA, de la Ville
de Marseille, du Conseil Général du Vaucluse et des Bouches du
Rhône, des cotisations des membres. 75% de nos financements viennent du
milieu public. »
INTERACTIONS :
A la question « existe-il des interactions avec la
friche ? », Madame SOULIERS nous a répondu :
« Nous concernant, nous avons des interactions avec la structure ZINC
à la friche. Peut-être aussi quelques infographistes qui peuvent
être des partenaires de certains de nos projets mais à ma
connaissance il y a que très peu de relation avec la friche. Les
entreprises ne sont pas forcement au courant de ce qu'il se passe à la
friche ni même quel type de structure y travail. Le seul rapport qui
existe vraiment reste au moment du repas ou les frichistes viennent
mangé au pôle média et où nous allons manger
à la friche. »
A votre connaissance existe-il des liens entre les
entrepreneurs de l'incubateur et le quartier ?
A ma connaissance non. L'incubateur et le pôle
média en général sont basés dans le quartier
simplement et purement par rapport au politique de la ville. Dans notre cas
c'est également dû au fait que la pépinière
d'entreprise se trouve juste à coté.
Notre structure étant basée sur des projets
novateurs, nous ne sommes pas accès sur un public
défavorisé (alors que dans le quartier c'est le cas). Nous sommes
en lien avec la recherche publique et donc les personnes qui développent
leur projet ici sont de niveau cadre supérieur.
Nous n'entrons pas non plus dans des missions d'insertion
comme ça peut être le cas à la friche. Aucune demande de
l'État nous à été transmise sur un quelconque
investissement pour le quartier. Nous restons quand même dans une mission
sociale et économique mais pas pour le quartier. A savoir que le
pôle média ne fait pas parti des zones franches urbaines qui sont
des zones où les gens du quartier environnant doivent être pris en
compte. Il faut également ajouter que le pôle média reste
un passage pour nos entrepreneur et il n'ont pas forcement le temps de mettre
en place des liens avec le quartier
Rencontre avec Marion LATUILLIERE -
Directrice de la crèche à la friche la Belle de Mai - Entretien
réalisé par Hélène SEVERIN le 15 avril 2015
Mme LATUILLIERE nous a également fournit en
documentation les données clés de la crèche
Avez vous intégré les personnes qui
travaillent sur le site de la friche et les personnes du quartier dans votre
projet de crèche ?
Notre projet de base a été
développé autour de la mixité sociale. Nous avons
fixé le taux de réservataires à 1/3 pour les personnes qui
habitent dans le 3ème, 1/3 pour celle qui travaillent dans le
3ème mais n'y vivent pas et 1/3 pour les personnes qui n'ont
rien avoir avec le 3ème arrondissement. En 2014, 31% des
réservataires vivaient hors du 3ème, 32% travaillaient
dans le 3ème et 37% y vivaient. On comptait dans cette
totalité 24% de personne qui travaillaient sur l'ensemble du site de la
friche.
Nous avons 50 places par jour à la crèche. En
2014 nous avons accueillit 123 enfants.
Avez vous des liens avec le quartier ?
Nous réalisons beaucoup de sortie sur le site du
quartier, notamment au parc avec les plus grands et au cinéma Gibtsy
(qui appartient d'ailleurs à la friche). Nous aimerions également
mettre en place des sorties marchées.
Nous avons été sollicité dés le
début par la MDS du quartier et également celle du quartier des
Chartreux dans le 4ème arrondissement pour mettre en place un
principe d'accueil d'urgence (pour éviter notamment les placements
d'enfants). Ce sont 6 place à mi-temps qui sont remplis quasiment tout
le temps.
Est-ce que la région ou la ville de Marseille vous
donne certaines directives ?
Nos financements proviennent principalement de la CAF et du
Conseil Régional. Mais nous n'avons pas vraiment de directive. Ils nous
demandent simplement de prendre en compte les familles monoparentales et en
situation de handicape. Le texte qui rédige l'accueil de la
crèche spécifie d'ailleurs un accueil pour tous. La ville ne
finance pas de projet alors que la CAF et le Conseil Régional peuvent le
faire.
Pour conclure sur cet entretien, je dirais qu'il n'existe pas
vraiment de lien entre la friche et le pôle média car il y a
trop de différence. La friche concentre des artistes et le pôle
média se soucis plus de faire de l'argent avec ces entreprises.
Avez vous des partenariats avec la friche et/ou le
pôle média ?
Nous n'avons pas de partenariats financiers avec la friche et
le pôle média. Le seul partenariat que nous avons est celui avec
les grandes tables puisque la personne qui s'occupe de nos repas est
employée chez eux. Il nous arrive d'aller à la friche pour des
expositions, que nous avons au préalable sélectionné avec
les parents. Nous travaillons aussi avec les médiateurs du Cartel.
Rencontre avec Susana MONTEIRO -
Chargée d'Action Culturelle de la friche la Belle de Mai - entretien
réalisée par Hélène SEVERIN le 07 avril 2015
Quelles sont les interactions que vous menez avec le
quartier de la Belle de Mai ?
Nous avons plusieurs projets de partenariat avec certaines
structures sociales du quartier.
La maison pour tous de la Belle de Mai : ces liens
se traduisent par des atelier de pratique pour les enfants le mercredi et
pendant les vacances à la friche.
Maison Départementale de la
Solidarité : nous avons monté un projet autour de la
population de Roms, notamment pour les alphabétiser. Aussi, nous avons
mis en place une maison d'accueil pour les enfants de personnes touchant le
RSA. C'est une quarantaine d'enfants environ, non scolarisés, qui
viennent surtout le mercredi pour s'alphabétiser.
Centres aérées : partenariat pour
les enfants. Ce sont des projets surtout tourné vers le
cinéma ; les enfants vont par exemple tourner un film aux vacances
d'avril. Des gouters gratuit sont également donné le mercredi,
pour les enfants.
Associations du quartier : partenariat pour
l'alphabétisation des femmes par exemple. Les associations ont
accès à la friche gratuitement pour donner des cours aux femmes
en difficultés.
On a donc tout un volet sur l'action éducative :
par exemple une convention de 3 ans avec le collège de la Belle de Mai
est mis en place avec 6 projets par an. Ces projets se traduisent par la mise
à disposition des jardins participatifs, de studios photos ou du
théâtre pour les enfants.
Enfin, un nouveau projet d'investissement a été
décidé. L'idée est de créer de nouveaux
équipements sportifs et un espace d'atelier dédié à
la pratique artistique. Les travaux vont débuter en juin, au sein de la
friche. Ces nouveaux équipements sportifs seront notamment mis à
disposition des écoles du quartier. L'espace atelier constituera une
base pour les associations du quartier pour le développement de soutien
scolaire, etc.
Ces interactions visent quel genre de
population ?
Les projets visent plutôt une population jeune. Ma
mission depuis que je suis à ce poste est de se rapprocher des jeunes et
des familles sur d'autres temps que le week-end et les vacances.
Quels moyens sont utilisés pour mettre en place les
différents projets ?
Ce sont pour la plupart des co-financements. Nous utilisons
notre fond de co-production qui provient pour l'essentiel des financements
publics.
Financez-vous des aménagements dans le quartier de
type sociaux ?
Nous avons financé la réhabilitation du
cinéma Gibsy rue Loubon. On y trouve notamment des séances
organisées par la friche pour les enfants des associations de quartier.
Par contre, nous ne finançons aucun aménagement de type logements
sociaux, etc.
Quelle est la place des collectivités locales dans
ces liens ?
Les collectivités locales ne s'intéressent pas
vraiment à ces liens. Ce sont à nous de les mettre en place et de
les gérer. Elle participe seulement à notre fond de co-production
dont nous nous servons ensuite pour ces co-financements.
À votre connaissance, existe t-il des interactions
entre le pôle média et la friche ?
Je ne suis en charge de l'action culturelle à la friche
que depuis 1 an, je n'ai donc pas assez de recul. Néanmoins, à ma
connaissance, il n'existe pas d'interaction directe entre les deux structures.
Nous avons un site commun, qui regroupe à la fois les frichistes et les
acteurs du pôle média mais je ne connais pas de projet commun. Les
mélanges se font plus au moment des repas du midi où les
frichistes se rendent au pôle média et vis versa.
* 1 « Mission des
Nouveaux territoires de l'art-Institut des Villes ». Ressource
disponible en ligne :
http://www.artfactories.net/-Mission-Nouveaux-Territoires-de-l-.html
* 2 Cette phase fera l'objet
d'une analyse plus approfondis en 2. De la culture au projet urbain
* 3 Alexandre GRONDEAU,
introduction au colloque « crise,
résilience, culture», le 27 mars 2015 à la MMSH
d'Aix-en-Provence
* 4 Projets que nous avons
énuméré en 1.a dont font partie les waterfront
aux Etats-Unis, Glasgow, Barcelone ou encore Bilbao
* 5 Entretien entre ANDRES L.
et Fabrice LEXTRAIT, 2006
* 6 Le projet de ville
représente l'ensemble des actes volontaires de transformation de la
ville qui peuvent se représenter sous formes de projets urbains ;
c'est une intention globale qui guide l'action. (ROSEMBERG-LASORNE, 1997)
* 7Boris GRÉSILLON,
« La culture comme alternative au déclin : mythe ou
réalité ? », Géocarrefour[En ligne], Vol.
86/2 | 2011, mis en ligne le 05 mars 2012, Consulté le 20 mars 2012. URL
: http://geocarrefour.revues.org/8305
* 8Ibid, p7
* 9 Selon la
définition de l'OCDE.
* 10 TREMBLAY Remy et
TREMBLAY Diane-Gabrielle, 2010, La classe créative selon Richard
FLORIDA, un paradigme urbain ?, Presses universitaures de Rennes,
222p.
* 11 FLORIDA Richard, 2002,
The Rise of the Creative Class, New-York, BookHolders, p21
* 12ZIMMERMANN
Jean-Benoît, 2008, « Le territoire dans l'analyse économique
» in Proximité géographique et proximité
organisée, Revue française de gestion, n° 184, p.
105-118.
* 13 Dont les
suivants :
Department for Culture, Media and Sport, UK.
CreativeBritain: New Talents for the New Economy, 2008. ;
DutchMinistry of EconomicAffairs et Ministry of Education,
Culture and Science. Culture &Economy. Our Creativepotential,
2005. ;
European Commission. The economy of culture in Europe,
2006. ;
FederalMinistry of Economics and Technology and
FederalGovernmentCommissioner for Culture and the Media. Culture and
Creative Industries in Germany, Research Report, 2009. ;
KEA, study for European Commission. The impact of culture on
creativity, 2009. Nordic Innovation Centre. Creativeeconomy green paper for the
Nordicregion, 2007. ;
Santagata, Walter. White paper on creativity: Towards an
Italian model of development, 2009. ;
World IntellectualPropertyOrganization, Ministry of Culture of
the Republic of Bulgaria. Wipostudy of the economic contribution of the
copyright-based industries in Bulgaria, 2007.
*
14http://fr.unesco.org/creative-cities/content/propos
* 15 VIVANT Elsa,
2009,Qu'est-ce que la ville créative ?,
Presses universitaires de France, coll. « La ville en
débat », 89 p., EAN : 9782130578833.
* 16 FLORIDA Richard, 2002,
The Rise of the Creative Class, New-York, BookHolders, p21
* 17 Les connaissances
tacites sont des connaissances personnelles de types informels, non
codifiées, qui font appel à l'expérience et au
savoir-faire de l'individu qui les possède.
* 18 Principe de
coentreprise
* 19 Voir chapitre 3.2.b
* 20 Pour rappel, le code
NAF (Nomenclature d'Activités Française) est un code que l'INSEE
attribue à chacun des secteurs d'activités économiques (en
ce qui concerne les industries créatives, une nomenclature
détaillée est disponible en annexe).
* 21 Pour l'enquête de
l'AGAM, c'est la chef de Projet Pôle Média Belle-de-Mai, Nathalie
AVERSENQ, qui a transmis le questionnaire. Ils ont ainsi pu obtenir 730
réponses.
* 22Marseille 2002-2012, la
culture au coeur du débat, schéma directeur culture
Dossier du schéma directeur culture, de la ville de
Marseille
* 23 Marseille attractive,
un projet pour une stratégie partenariale, ville de Marseille,
Délégation Générale Ville Durable et Expansion,
Direction de l'attractivité Économique », P.7
* 24Ibid, p.33
* 25 La définition
des secteurs diffère selon les études. Nous avons choisi la
nomenclature de l'UNESCO qui reste la plus reprise.
* 26Selon le rapport de la
Chambre de Commerce et d'Industrie des Bouches-du-Rhône de 2012, p.8
* 27Ibid, p.35
* 28
http://www.marseille.fr/siteculture/les-lieux-culturels/la-Friche-de-la-belle-de-mai/le-pôle-patrimoine,
site de la ville de Marseille consulté le 18 mai 2015
* 29 Information recueillie
en aout 2003 par l'Observatoire des Territoire Numérique
* 30 Réalisé
le 20 mai 2015
* 31 Bien que la ville de
Marseille soit propriétaire des lieux depuis 1998, elle a confié,
via un bail, la responsabilité foncière à la SCIC.
* 32
http://ancien.laFriche.org/,
consulter le 13 mai 2015
* 33Ibid, audit de
Marc Bollet, Président & Alain Arnaudet, Directeur / Système
Friche Théâtre
* 34 Cette affirmation sera
développée dans la troisième partie du mémoire dont
la directive est l'ancrage territorial du Pôle Belle-de-Mai
* 35
https://www.univ-nantes.fr/82467798/0/fiche___pagelibre/&RH=VALO&RF=1327082384526,
consulté le 21 juin 2015
* 36
https://urba.irisnet.be/fr/lesreglesdujeu/pdf/20110418%20RTBF%20VRT_%20annexe%202%20rapport%20Pôle%20m-aedia.pdf,
consulté le 02 juillet 2015
* 37Ibid, p4/51
* 38 Se rapporter au I.3.Le
cluster créatif
* 39 La Provence, 19 juin
2004, « La Belle-de-Mai a tout pour séduire
Hollywood », Florent PROVANSAL
* 40 La provence, 24
septembre 2013, SiliconValley à la Belle-de-Mai ? Delphine
TANGUY
* 41 BOURDIEU, 1998
* 42 LEXTRAIT Fabrice, 2001,
p.70
* 43Ibid, p.71
* 44Ibid
* 45Ibid, p.73
* 46Ibid, p.75
* 47 Sous-entendu ici comme
l'ensemble des trois pôles. Bien souvent, le terme Friche est
utilisé pour décrire le Pôle de la Belle-de-Mai dans son
ensemble puisqu'il fut le premier projet décidé sur l'ancienne
manufacture des tabacs, une référence en matière de
réhabilitation. Néanmoins, la partie
« Friche » est aujourd'hui présente seulement sur
l'îlot culture et spectacle vivant.
* 48 Il reste à titre
indicatif. Nous n'avons pas pu répertorier tous les articles qui
parlaient du Pôle Belle-de-Mai. Nous en avons malgré tout
sélectionné une large part, ou du moins ceux qui nous ont parules
plus pertinents.
* 49 La Provence, 25 avril
1994, « Friches : opération
résurrection »
* 50 La Provence, 03 février
2002, « système Friche » mode d'emploi, Patrick
MERLE
* 51 C'est le constat que nous
réaliseront en partie 3 de ce mémoire
* 52 La Provence, 02 février
2002, « l'art en dehors des sentiers battus », Patrick
MERLE
* 53La croix, 19 juin 2001,
Les nouveaux jardins culturels, Geneviève WELCOMME,
* 54 Nouvelles Publications
N°9278, 16 juillet 2004, « le Pôle
MédiaBelle-de-Mai enfin inauguré »
* 55 La Provence, 22
novembre 2004, Florent PROVANSAL, « Ils veulent tous aller à
la Belle-de-Mai »
* 56 La Provence, 28
septembre 2012, « Fleur PELLERIN : « cette ville a des
atouts considérables. » », Guillaume AUBERTIN
* 57 Entretien avec
Dominique SAMANNI, réalisé le 24 avril 2015
*
58http://www.mediaterranee.com/0122012-marseille-le-pôle-media-de-la-belle-de-mai-abrite-bien-des-talents.html#sthash.Ws83YjJv.dpuf,
consulté le 10 mai 2015
* 59 Entretien avec
Nathalie AVERSENQ, chef de projet Pôle Média,
réalisé le 20 mai 2015
* 60
http://www.pôlemedia-laFriche.com/content/cest-vous-qui-le-dîtes-1,
consulté le 25 juin 2015
* 61ancien.laFriche.org,
consulter le 13 mai 2015,?Marc Bollet, Président & Alain Arnaudet,
Directeur / Système Friche Théâtre
* 62 Entretien avec Marion
LATUILLIERE, directrice de la crèche, réalisé le 7 avril
2015
* 63ancien.laFriche.org,
consulter le 13 mai 2015,?Marc BOLLET, Président & Alain ARNAUDET,
Directeur / Système Friche Théâtre
* 64Ibid
* 65 Rencontre avec Susana
MONTEIRO - Chargée d'Action Culturelle de la Friche la Belle-de-Mai -
entretien réalisée par Hélène SEVERIN le 07 avril
2015
* 66ancien.laFriche.org,
consulter le 13 mai 2015,?Marc Bollet, Président & Alain Arnaudet,
Directeur / Système Friche Théâtre
* 67 Selon l'article premier
de la loi association du 1er juillet 1901
* 68 En effet, après
discussions avec Patrick TANGUY et Sylvain CRESPEL lors de notre stage à
l'AGAM, nous avons jugé opportun de prendre en compte le Pôle
Patrimoine à notre questionnaire.
* 69 Partie 3, chapitre 3
* 70 Selon la norme ISO
26000
* 71 CLAIR S. (2003)
* 72Ibid
* 73La Provence,
dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013
* 74 La Provence, 16 mai
2002, Des idées neuves pour la Belle-de-Mai et National, C.P
* 75 Dans le sens physique
du terme ; ne pas faire de rapprochement avec l'ancrage territorial qui
est le sujet de notre étude.
* 76 Propos recueillis le 24
avril 2015
* 77La Provence,
dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013
* 78
http://www.mairie-marseille2-3.com/nos-quartiers/belle-de-mai/,
consulté le 20 juillet 2015
* 79Ibid
* 80 Direct matin Provence,
20 février 2014, Belle-de-Mai : et si on améliorait
l'accès au pôle ?
* 81 C'est le constat que
nous ferons dans la suite de cette partie, notamment par les entretiens
réalisés auprès des acteurs du Pôle Belle-de-Mai
* 82 Le méridional,
jeudi 27 avril 1989 Belle-de-Mai : quand stoppera-t-on la
paupérisation ?
* 83 La croix, 19 juin 2001,
Les nouveaux jardins culturels,Geneviéve WELCOMME
* 84Ibid
* 85 La Provence, 25 avril
1994, Friches : opérations résurrection.
* 86 La Provence, 02
février 2002, L'art en dehors des sentiers battus, Patrick
Merle
* 87 Le méridional,
Marseille, vendredi 16 janvier 1981. Vivre à la
Belle-de-Mai
* 88 La Provence, 25 avril
1994, Friches : opérations résurrection.
* 89La Provence, 03
février 2002, « système Friche » mode
d'emploi, Patrick Merle
* 90La marseillaise, 18 mai
2012, « S'y rendre spontanément, comme on irait à
la plage », propos de Alain ARNAUDET, recueillis par Antoine
PATEFFOZ,
* 91La Provence, 19 juin
2004, La Belle-de-Mai a tout pour séduire Hollywood,
Florent PROVANSAL
* 92 La Provence, le 11
février 1998, Friche : la culture a pris racine au bord du
quartier, Frederic STURLESI.
* 93Ibid
* 9420 minutes, 10
février 2011, « la Friche, îlot
« bobo » à la belle-de-mai?, Laurent BERNERON
* 95La Provence,
dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013
* 96Rencontre avec Susana
MONTEIRO - Chargée d'Action Culturelle de la Friche la Belle-de-Mai -
réalisée par Hélène SEVERIN le 07 avril 2015
* 97 Entretien
réalisé le 22 avril 2015
* 98
https://lemistralien.wordpress.com/tag/belle-de-mai/,
consulté le 25 juillet 2015
* 99 Entretien
réalisé le 23 avril 2015
* 100 Propos recueillis le
24 avril 2015
* 101 Entretien
réalisé le 07 mai 2015
* 102 Propos recueillis le
15 avril 2015
*
103http://blogs.mediapart.fr/edition/visages-de-marseille/article/071014/le-quartier-de-la-belle-de-mai-laboratoire-du-futur
* 104La Provence, 11 mai
2012, Friche et culture ont-elles vraiment changé la
Belle-de-Mai, Marie-Eve BARBIER et Delphine TANGUY
* 105 Propos recueillis le
20 mai 2015
* 106La provence, 11 mai
2012, Friche et culture ont-elles vraiment changé la Belle-de-Mai,
Marie-Eve BARBIER et Delphine TANGUY
* 107Ibid
* 108La Provence,
dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013
* 109La provence, 11 mai
2012, Friche et culture ont-elles vraiment changé la Belle-de-Mai,
Marie) Eve BARBIER et Delphine TANGUY,
* 110La provence, 11 mai
2012, Friche et culture ont-elles vraiment changé la Belle-de-Mai,
Marie-Eve BARBIER et Delphine TANGUY
* 111La Provence,
dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013
* 112Ibid
* 113 Propos recueillis le
22 avril 2015
* 114 Propos recueillis le
07 avril 2015
* 115Demandeurs
d'emploi de catégories A, B, C : demandeurs d'emploi tenus de
faire des actes positifs de recherche d'emploi, et étant sans emploi (A)
ou ayant exercé une activité courte (B) ou longue (C ; plus de 78
h. au court du mois)
* 116 Données :
enquête accessibilité Belle-de-Mai, AGAM, 2014
* 117 Entre 62% et 97% du
total des répondants (681) ont participé à cette question
selon le thème
* 118 La Provence, 17
novembre 2014, projet des casernes Belle-de-Mai
* 119 Enclavement qui est
lui aussi dû à la proximité de la gare Saint-Charles
puisque de longs murs longent le quartier le rendant sordide
* 120Gomet', 18 novembre
2014
* 121Gomet', 18 novembre
2014
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