De l'efficacité des limites du pouvoir de révision constitutionnelle en droit positif congolais( Télécharger le fichier original )par Aaron DJENGO Université de Kinshasa - Licence 2015 |
A. La France168(*)Comme l'écrivent Armel le DIVELLEC, Anne LEVADE et Carlos Miguel PIMENTEL, « la question du contrôle de constitutionnalité des lois constitutionnelles peut, au seul prisme franco-français, sembler ne pas devoir être posée puisque, à trois reprises sollicité, le Conseil constitutionnel a, par deux fois, conclu à son incompétence pour statuer et, dans le troisième cas, rappelé que « le pouvoir constituant est souverain ». Bien connues et abondamment commentées, les décisions n'en méritent pas moins d'être évoquées dans la mesure où, relatives à des textes de nature différente, elles ont, en trois temps, contribué à l'affirmation de l'idée selon laquelle, en France, les lois constitutionnelles échapperaient à tout contrôle de constitutionnalité ». C'est, tout d'abord, la loi relative à l'élection du président de la République au suffrage universel direct qui, adoptée par le référendum du 28 octobre 1962, fut soumise au Conseil constitutionnel par le président du Sénat. Non exclusivement constitutionnelle par son objet, la loi voyait sa constitutionnalité contestée « tant en raison de son contenu que des irrégularités flagrantes de la procédure qui a abouti à son adoption ». Celles des dispositions de la loi qui révisaient la Constitution étaient explicitement visées, conduisant l'auteur de la saisine à considérer que « intrinsèquement, le référendum du 28 octobre 1962 était irrégulier, car la seule procédure instituée par la Constitution pour sa propre révision est celle définie par l'article 89 ». Pressentant que la nature référendaire de la loi pourrait être un obstacle au contrôle, il ajoutait que « l'exercice de la souveraineté nationale (···) n'est en effet légitime que dans le respect des règles et des procédures instituées par la Constitution. Admettre qu'il puisse en être autrement en cas de référendum conduirait nécessairement à admettre que les représentants du peuple ne sont également soumis à aucune règle constitutionnelle dans l'exercice de la souveraineté qui leur est déléguée. Ce serait donc ruiner, non seulement la base même du Droit, mais celle de toute stabilité des institutions ». L'argument n'a guère porté puisque, en appelant à la lettre autant qu'à « l'esprit de la Constitution », le Conseil constitutionnel a décidé qu'il « n'avait pas compétence pour se prononcer sur la demande susvisée du président du Sénat169(*) ». Ensuite, la deuxième étape, c'est à l'occasion du contrôle de compatibilité d'un traité avec la Constitution que le Conseil constitutionnel trouva matière à livrer son analyse quant à la nature des révisions constitutionnelles. Saisi pour la seconde fois, sur le fondement de l'article 54 de la Constitution, de la compatibilité du traité sur l'Union européenne avec la Constitution après que celle-ci avait été révisée afin de prendre en considération les incompatibilités qu'il avait, par sa première décision, révélées, le Conseil constitutionnel estima nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles il considérait devoir statuer. En premier lieu, le Conseil constitutionnel indique que, saisi d'un traité déjà examiné, après que les obstacles constitutionnels ont, par une révision, été levés, il limite son contrôle, dans le respect de l'article 62 de la Constitution, aux hypothèses dans lesquelles, d'une part, la Constitution révisée demeurerait contraire à une ou plusieurs stipulations du traité et, d'autre part, une disposition insérée dans la Constitution aurait pour effet de créer une incompatibilité nouvelle avec le trait 10. En second lieu, conscient que sa décision pouvait être perçue comme contrôlant la pertinence de la révision réalisée, le Conseil expose, en préalable, les conditions constitutionnelles d'exercice du pouvoir de révision. Ainsi considère-t-il que « sous réserve, d'une part, des limitations touchant aux périodes au cours desquelles une révision de la Constitution ne peut pas être engagée ou poursuivie, qui résultent des articles 7, 16 et89, alinéa 4, du texte constitutionnel et, d'autre part, du respect des prescriptions du cinquième alinéa de l'article 89 en vertu desquelles «la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une révision», le pouvoir constituant est souverain ; qu'il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée ; qu'ainsi rien ne s'oppose à ce qu'il introduise dans le texte de la Constitution des dispositions nouvelles qui, dans le cas qu'elles visent, dérogent à une règle ou à un principe de valeur constitutionnelle ; que cette dérogation peut être aussi bien expresse qu'implicite170(*)» . Ultime étape, enfin, une décision de 2003 donnait, pour la première fois, au juge constitutionnel l'occasion de statuer sur une loi de révision. Saisi par soixante et un sénateurs de la révision de la Constitution relative à l'organisation décentralisée de la République approuvée par le Congrès le 17 mars 2003, le Conseil constitutionnel considère, lapidaire, qu'il « ne tient ni de l'article 61, ni de l'article 89, ni d'aucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur une révision constitutionnelle », concluant, fort logiquement, à son incompétence. Abondamment commentée, la décision fut jugée prévisible, mais la prévisibilité n'emporta pas, loin s'en faut, l'assentiment. La double circonstance d'une décision laconique et d'une démonstration - convaincante autant qu'autorisée - prouvant qu'une autre solution aurait pu être envisagée contribua à ce que la doctrine analyse le raisonnement comme rigide à l'excès Si, jurisprudentiellement, le principe de l'incompétence du Conseil constitutionnel pour contrôler les lois de révision était ainsi et à la première occasion, affirmé, le « verrou » qu'il comportait sembla, un temps, de nature à relancer une dispute que l'on aurait pu croire apaisée171(*). * 168Nous devons ce développement sur la France à ces trois auteurs. Lire avec bonheur LEDIVELLEC (A.), LEVADE (A.) et PIMENTEL (C-M.), « le contrôle de constitutionalité des lois constitutionnelles », Cahiers du Conseil constitutionnel, n°27, janvier 2010. * 169Décision n°62-20 DC du 6 novembre 1962 du Conseil constitutionnel français. * 170 Décision n°93-312 DC du 2 septembre 1992 du Conseil constitutionnel français. * 171 Décision n°2003-469 du 26 mars 2003 du conseil constitutionnel français. |
|