A. Actes ou infractions découlant de la
prévoyance de la loi
Certains actes ou infractions définis par la loi
semblent s'adapter aux considérations nouvelles introduites par les
nouvelles technologies de l'information et de la communication. Ces actes ou
infractions peuvent être qualifiés comme résultant de la
prévoyance de la loi.
102 Article 52 de la loi-cadre n°013-2002 sur les
télécommunications en RDC , in J.O RDC, 44e
année, n° spécial, Kinshasa, 25 janvier 2003, p.1745
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C'est le cas par exemple du secret de la
télécommunication et de toute autre forme de communication (A.1),
de la violation du secret professionnel (A.2) et des injures et imputations
dommageables (A.3).
A.1. DU SECRET DE LA TELECOMMUNICATION ET DE TOUTE
FORME DE COMMUNICATION
Le secret de la communication est garanti par l'article 52 de
la loi-cadre n°013-2002 sur les télécommunications en RD
Congo. Aux termes de cette disposition, le secret des correspondances
émises par voie de télécommunication est garanti par la
loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par
l'autorité publique et ce par nécessité
d'intérêt public prévus par loi.102 Les articles
71, 72 et 73 de la même loi prévoient des sanctions
spécifiques en cas de violations. En effet, l'article 71 punit quiconque
aura altéré, copié sans autorisation ou détruit
toute correspondance émise par voie de télécommunication,
l'aura ouvert, ou s'en sera emparé pour en prendre indûment
connaissance ou aura employé un moyen pour surprendre des communications
passées par un service public de télécommunication.
Ensuite l'article 72 punit tout agent au service d'un exploitant de service qui
aura facilité, ou qui aura intentionnellement omis,
dénaturé ou retardé la transmission d'une correspondance
par voie de télécommunication. Enfin l'article 73 qui
réprime les personnes désignées à l'article
précédent qui hors le cas où la loi les y obligerait,
auront révélé ou ordonné de révéler
l'existence ou le contenu d'une correspondance émise par voie de
télécommunication.
Etant donné que la protection véritable d'un
droit ne peut être assurée que s'il a été
aménagé par la loi, les articles 71, 72 et 73 trouvent de sens
puisqu'ils se présentent comme une façon de concrétiser
les prescrits de l'article 31 de la Constitution.
Il va donc sans dire que le secret de la communication ou de
« toute forme de communication » que protège l'article 31 de
la Constitution s'étende aux nouvelles technologies de l'information et
de la communication (NTIC). Dans la protection de ce droit, la Constitution
paraît donc très prévoyante en ce qu'elle a utilisé
une formulation qui a le mérite d'inclure même pour l'avenir, la
protection de n'importe quelle forme de communication vu l'évolution
accrue de la technologie. D'ailleurs, le terme «
télécommunication », désigne toute transmission,
émission ou réception de signes, des
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signaux, d'écrits, d'images, de son ou de
renseignements de toute nature, par fil, radioélectricité,
optique ou autres système
électromagnétique.103
A.2. LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL
Cette infraction prévue à l'article 73 du Code
pénal se révèle claire et aussi prévoyante en ce
qu'elle concerne le secret dont l'auteur avait pris connaissance lors de
l'exercice de sa profession ou de ses fonctions. Elle concerne donc une
catégorie limitée des personnes et à des circonstances
définies préalablement en vertu desquelles elle peut être
établie. Ainsi donc, l'infraction de violation du secret professionnel
concerne les personnes dépositaires par état ou par profession
des secrets qu'on leur confie. L'infraction ne pourra être établie
que si ces personnes auront révélé les informations
qu'elles possèdent en dehors de l'obligation légale ou en dehors
de la mission de rendre témoignage en justice.104
Nous estimons, à notre avis que, s'agissant de
l'infraction résultant du secret professionnel, la portée est
élargie même en ce qui concerne les TIC étant donné
que les personnes dépositaires du secret professionnel peuvent violer la
vie privée en révélant les informations obtenues dans le
cadre de l'exercice de leurs fonctions soit via Internet, soit via les
réseaux sociaux ou soit dans des forums de projection, ... En fait, en
s'abstenant de limiter le cadre de cette disposition, le législateur a
ouvert la voie de l'interprétation sur tout moyen ou toute
possibilité de révéler une information. Ce qui inclut la
voie des TIC dont il est question dans ce travail.
A.3. DES IMPUTATIONS DOMMAGEABLES ET DES
INJURES
Les infractions d'imputations dommageables et d'injures sont
organisées tour à tour par les articles 74 et 75 du Code
pénal. L'infraction d'imputations dommageables est établit dans
le chef de celui qui a méchamment et publiquement imputé à
une personne un fait précis qui est de nature à porter atteinte
à l'honneur ou à la considération de
celle-ci.105 Et celle d'injure n'est établie que si elle a
été faite publiquement.106 Le problème
posé par ces dispositions est celui de l'interprétation du
concept « public ». Et c'est là que réside d'ailleurs
la discussion.
103 Article 4.1 de la loi-cadre n°013-2002 sur les
télécommunications en RDC in J.O RDC, 44e
année, n° spécial, Kinshasa, 25 janvier 2003, p.1745
104 Lire à ce sujet l'article 73 du décret du 30
janvier 1940 portant code pénal
105 Voir article 74 du décret du 30 janvier 1940
portant code pénal tel que modifié et complété
à ce jour par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006, in J.O
RDC, 47e année, Kinshasa, Aout 2006
106 Voir article 75 du décret du 30 janvier 1940
portant code pénal tel que modifié et complété
à ce jour par la loi n°06/018 du 20 juillet 2006, in J.O
RDC, 47e année, Kinshasa, Aout 2006
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Par « publiquement », on sous-entend directement les
lieux ou endroits fréquentés par plusieurs personnes ou plus
encore, des endroits où l'on peut se retrouver à plus d'une
personne. Cela suppose donc des lieux comme l'église, le stade, le
marché ou super marché, arrêt-bus ou à
l'intérieur d'un bus,...
La question qui se pose est cependant de savoir si
actuellement l'internet peut être considéré comme un lieu
public ? Ou mieux, peut-on établir les infractions d'imputations
dommageables et/ou d'injures en se fondant sur une publication faite sur
internet ou sur des réseaux sociaux ? La question a une réponse
dans le texte qui l'organise et même, la possible interprétation
à faire quant à ce ne peut assortir des discussions. Il
apparaît évident que le caractère « public »
conditionnant l'établissement de cette ou de ces infractions
paraît clair quant aux possibilités d'interprétations qu'il
ouvre dans le domaine des TIC.
Et même si le caractère serait étendu
jusqu'au cyberespace, que dire de l'établissement du régime de
responsabilité des auteurs de ces infractions dès lors qu'ils
agissent de façon anonyme lorsqu'ils commettent ces faits ? Sur cette
question, la législation pénale congolaise demeure silencieuse,
et donc la répression des infractions d'injures publiques et
d'imputations dommageables qui se commettraient par voie du cyberespace n'est
pas certaine encore qu'il n'existe pas encore en droit congolais une
législation sur la cybercriminalité. Les mesures telles que la
fermeture du site ou les poursuites engagées contre les tenants du site
qui devraient normalement être prises en pareil situations, ne sont
jusque-là pas encore prévues par une quelconque loi.
B. Actes ou infractions dont la qualification et/ou
l'interprétation prête à des discussions
Il existe des infractions qui sont de nature à soulever
un débat quant à leurs établissements par le fait qu'il
faut avant tout passer à une interprétation évolutive pour
leurs applications. D'autres par contre ne sont jusque-là pas encore
prévu par un quelconque texte légal pourtant posant un
problème sur la confidentialité des données. C'est le cas
par exemple de la violation du secret des correspondances ou des lettres (B.1),
des délits de presse (B.2) et de la prise de connaissance ou la
soustraction des données stockées dans une banque privée
(B.3).
B.1. DU SECRET DE CORRESPONDANCE OU DES
LETTRES
Dans la législation congolaise, ce droit est
protégé par les articles 71 et 72 du code pénal. Il n'est
pas difficile de constater que si l'article 72 tend à protéger
particulièrement la secret de la correspondance contre les
indiscrétions des agents de poste en punissant le fait de
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révéler l'existence et le contenu d'un objet
confié à la poste, l'article 71 assure, par contre,
l'inviolabilité des lettres, c'est-à-dire la
sécurité des correspondances dans tous les cas où la
disposition de l'article 72 n'est pas applicable ; elle ne se limite donc pas
à viser l'agent de poste qui se rendrait coupable de ces faits mais
aussi les simples particuliers qui peuvent supprimer ou ouvrir la
correspondance.1°7 La portée de cette disposition est
cependant limitée car la protection qu'elle offre est d'autant plus
réduite qu'elle la limite non seulement au service ou au circuit postal
mais également qu'elle vise la période intervenant entre le
moment où la lettre est confié à la poste et le moment de
délivrance à son destinataire.
Il en résulte que pour qu'une personne revendique la
violation de sa vie privée sur base de cette disposition, il faut que la
correspondance ait utilisé seulement la voie postale. Dès lors,
tous les moyens autres que la voie postale sont écartés.
Plusieurs auteurs dont Liévin MBUNGU
TSENDE1°8 et Emile-Lambert OWENGA ODINGA1°9,
affirment que la formulation de cette disposition est préjudiciable aux
victimes des atteintes à la vie privée par e-mail, par courrier
électronique, SMS mobile et autres procédés technologiques
modernes dès lors qu'elle ne va pas au-delà des correspondances
confiée à la poste ; pratique qui semble disparaître
actuellement. Le spécial dérogeant sans doute au
général, la position des auteurs sus évoqués n'est
à notre avis pas acceptable. Il résulte de l'article 71 de la loi
sur les télécommunications que les communications
électroniques et celles qui empruntent la voie de l'écrit
électronique à l'instar des messages par E-mail ou par
téléphone sont aussi protégées. Dans notre
entendement, les expressions « Correspondances émises par voie
de télécommunication » et « toute autre forme
de communication » dont il est fait mention à l'article 71
précité comportent sans nul doute, les nouvelles formes
d'écritures ou de correspondances et notamment la messagerie et les
courriers éléctroniques.
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