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La dualité étude-travail chez les étudiants

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par Seydina Ousmane Ndong
Université de Poitiers - Master1 2015
  

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3.6. Approche réflexive de notre terrain

Comme dans toute recherche, il est toujours nécessaire de faire une approche contextuelle des conditions de production des discours recueillis dans cette enquête. En effet, la situation de recueil des données, peut d'une manière ou d'une autre influer sur les réponses que nous obtentions de nos répondants. L'idée étant donc de montrer comment notre implication dans cette recherche peut influer sur notre détermination en tant que chercheur. De ce point de vue, nous devons à tout pris prendre conscience cette dimension humaine, prendre compte finalement de la légitimité de notre observation.

Tout d'abord, il est important de préciser que, comme toute étude en sciences sociales, la démarche d'enquête utilisée connait aussi ses limites. En effet, faudrait il souligner que la méthode qualitative ne génère pas de données statistiques et les résultats ne peuvent être extrapolés à l'ensemble de la population. Ainsi, avec le nombre de personnes interrogées et qui n'excède pas 11 répondants et la spécificité de cette recherche qui est à caractère exploratoire, je ne peux pas m'autoriser à une généralisation exponentielle des résultats à l'ensemble de la population étudiante dans la ville de Poitiers. C'est pour cette raison que les données qualitatives sont relativement peu concluantes au plan statistique et qu'elles ne devraient être utilisées à titre de pourcentages ou de chiffres que dans une approche de quantification des informations qualitatives. Il s'agit donc ici d'une recherche empirique qualitative à caractère exploratoire qui devrait plutôt alimenter la compréhension de cette dualité études-travail.

Un deuxième obstacle d'ordre épistémologique peut aussi être évoqué. Il est lié à la position que j'ai par rapport à mon objet d'étude. En plus de mon statut de chercheur, rappelons que socialement, je suis enraciné dans cette recherche car étant étudiant étranger venant du Sénégal et ayant déjà effectué une activité rémunérée. En d'autres termes je suis sujet et objet de ma recherche ou encore observateur et observé. Cependant, cette position ne devra en aucun cas être prise comme un atout pour la validité des données recueillies. En effet si la distance sociale du chercheur par rapport à son objet d'étude peut être un obstacle pour sa recherche, il en est de même pour sa proximité ou son implication dans la recherche. C'est dans cette perspective d'ailleurs que Mara Viveros, une anthropologue colombienne souligne que :

« Un des risques auquel on est exposé quand on fait de l'anthropologie chez soi, c'est de rester aveugle à sa propre culture. Comment s'étonner de ce que nous vivons quotidiennement dans la société dans laquelle nous sommes nés? Comment avoir le regard étonné de l'étranger quand on étudie le comportement d'une population qui participe de sa propre culture ? Le chercheur a un double statut, d'acteur et d'observateur de la société. Comment passer de l'un à l'autre sans mélanger les genres ? » (Viveros, 1990)

De toutes les manières, les conditions concrètes d'exercice de l'enquête commandent en grande partie l'attitude du sociologue, tout autant que l'objet qu'il étudie. Aucune science, et surtout pas la sociologie, n'est produite dans un milieu préservé des influences du monde extérieur. (Javeau, 1986) Dés lors l'importance réside dans la réflexivité en analysant à la fois les refus et les acceptations d'enquête.

Analyser les refus et les acceptations d'entretien.

Tout au début de la recherche, j'avais pensé qu'avec la proximité avec mess enquêtés, je ne serais pas confronté à des problèmes de refus. Mais à travers les premières démarches, ces présupposés de départ se sont très vite infirmés. D'abord au moment de fixer les rendez-vous avec les informateurs, quelques unes des personnes contactées m'ont systématiquement refusé des entretiens en me faisant savoir qu'ils ne sont pas à l'aise en parlant de ce sujet. Encore plus, ils me mettaient même en garde en me demandant de faire attention à ce que je dirai.

En effet, ces cas de refus pourraient s'expliquer par le caractère de du sujet qui est un peu sensible. Le travail des étudiants étrangers pendant les années d'études reste d'actualité. Aujourd'hui les étrangers sont parfois traités avec un soupçon de fraude. L'idée est que certains viendraient en France avec le statut « étudiant » ou « malade » avec pour seul but de s'installer définitivement en France et de profiter du système.14(*) Notamment avec la circulaire de Guéant qui a suscité un tollé dans le monde des étudiants étrangers. Malgré son abrogation le 31 mai 2012, beaucoup se souviennent encore de cette épisode et reste très vigilant. Voilà pourquoi, en refusant d'accorder un entretien, certains étudiants m'ont fait savoir qu'ils ne sont pas à l'aise de parler de leur vie parce qu'ils ne savent pas entre les mains de qui, ce mémoire peut tomber. D'autres soutiennent que l'information qu'ils donneront pourrait peut être servir contre eux.

De même, devant chaque année justifier au niveau de la préfecture qu'ils réussissent à leurs examens et qu'ils sont assidus aux cours magistraux, beaucoup d'étudiants n'aimeraient surtout pas parler de leurs activités rémunérées car dépassant largement le nombre d'heures autorisées pour un travail. D'autres par contre sont plutôt réticents car ayant peur de la préfecture qui pose souvent des problèmes aux étudiants lors du renouvellement des titres de séjours. Persuadés que certains sont venus pour s'installer, le passage à la préfecture est une véritable épreuve pour les étudiants étrangers et surtout ceux venant des pays sous développés.

Toutefois, ces cas de refus ne devraient en aucun cas être considérés comme des biais à la recherche car ils font parti de la recherche en sociologie. Ces refus de terrain devraient être considérés comme normaux et nous renseignent sur les enjeux qui tournent autours de cette problématique de recherche.

Quand aux personnes qui ont accepté de me parler, faudrait-il de même être vigilant aux réponses données. Il faut toujours tenir compte du fait qu'on a affaire à des êtres humains, doués de raison, capable d'innovations et de motivations. Ils acceptent de parler parce qu'ils ont des dispositions et des intérêts à parler. Etant Sénégalais qui effectue une étude auprès d'autres sénégalais et faisant parti de l'Association des Sénégalais, cette proximité sociale que j'entretiens avec la population d'étude peut pousser mes enquêtés à vouloir être à la hauteur de ce que j'attends d'eux. D'où une tentative parfois d'en diminuer ou d'en rajouter aux informations au risque de fausser la réalité sous prétexte de me satisfaire ou de bien me faire comprendre D'ailleurs, certains des enquêtés n'hésitent pas à demander après l'entretien si je suis satisfait des réponses qu'ils m'ont données. D'autres encore me proposer un autre rendez-vous si jamais je ne suis pas satisfait des réponses. Ce qui semble intéressant à souligner dans la mesure où ceci peut être un biais pour mon travail Cette tentative de vouloir rendre service ou encore d'être à la hauteur des attentes peut soulever la question sur la fiabilité de leurs propos. D'où la nécessité d'établir des stratégies de distanciation par rapport aux interlocuteurs. Ce que Gérard Althabe a nommé « l'opération fondatrice ». « L'absence de vigilance à l'égard de la perspective engendrée par l'opération fondatrice a des effets singulièrement négatifs dans la pratique d'enquête, cela d'autant plus que chercheur et sujets vivent dans un même monde social, partagent normes et codes, un langage surtout. Dans sa rencontre avec les sujets, l'ethnologue court le risque de perdre son autonomie, de se voir imposer par ses interlocuteurs des réponses que seule la démarche d'investigation peut fournir. [...] Il lui faut donc reconquérir en permanence son autonomie ; celle-ci passe par la distance qu'il réintroduit dans chaque rencontre, les représentations que les sujets lui donnent de leur monde social ou de celui des autres étant replacées dans la problématique de l'édification du mode de communication et interprétées dans ce cadre » (Althabe, 1990) Dés lors, il s'agira alors, parce qu'étant très proche de mon terrain, d'adopter en permanence des stratégies d'autonomie. Quelle que soit la proximité que j'entretiens avec mes enquêtés, il faudra mettre en oeuvre des stratégies marquant une dés-implication dans les jeux sociaux.

Deuxième Partie :

Analyse des données

* 14 Op.cit, Elimbi Y., p.25.

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