UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1
Faculté de Droit et de Science politique
La protection des salariés face au
harcèlement sexuel Mémoire pour le Master 1- Droit
social Présenté par Emeline LOREK Année
universitaire 2014 - 2015
|
Sous la direction de Monsieur A. CHEVILLARD, Maître
de conférences à la Faculté de Droit et de Science
Politique de Montpellier , Avocat à la Cour
2
Les opinions exprimées dans ce mémoire sont
propres à leur auteur et n'engagent pas l'Université de
Montpellier 1
3
LISTE DES ABREVIATIONS
ANACT : Agence nationale pour l'amélioration des
conditions de travail
ARACT : Association régionale pour
l'amélioration des conditions de travail
CA : Cour d'appel
CARSAT : Caisse Nationale de l'Assurance Vieillesse des
Travailleurs Salariés
Cass. soc : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de
cassation
Cass. crim : Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour
de cassation
Cons. Const. : Conseil constitutionnel
CDD : Contrat de travail à durée
déterminée
CDI : Contrat de travail à durée
indéterminée
CE : Comité d'entreprise
CHSCT : Comité d'hygiène, de
sécurité et des conditions de travail
Circ. : Circulaire
CPC : Code de procédure civile
C.pèn : Code pénal
CSS : Code de la sécurité sociale
C.trav. : Code du travail
CPAM : Caisse primaire d'assurance maladie
DP : Délégués du personnel
GPEC : Gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences
IRP : Institutions représentatives du personnel
QPC : Question prioritaire de constitutionnalité
Rapp. : Rapport
Sén. : Sénat
TGI : Tribunal de grande instance
4
SOMMAIRE
INTRODUCTION 6
PARTIE I - Les mécanismes de protection
antérieurs aux
actes de harcèlement sexuel
12
Chapitre I ) L'obligation de prévention pesant
sur l'employeur 13
Chapitre II ) Le rôle des institutions internes
et externes 31
PARTIE II - Les mécanismes de protection
postérieurs aux
actes de harcèlement sexuel
43
Chapitre I ) La répression des agissements de
harcèlement sexuel 42
Chapitre II ) Le devenir du salarié victime
57
CONCLUSION 77
BIBLIOGRAPHIE 78
ANNEXES 80
5
INTRODUCTION
« Les risques psychosociaux sont l'ensemble des
facteurs qui peuvent porter atteinte à l'intégrité
physique et psychique des personnes » selon le Bureau international
du travail.
Ainsi, les risques psychosociaux (ou RPS pour les adeptes des
abréviations) recouvrent des risques professionnels qui portent atteinte
à l'intégrité physique et mentale des salariés. Il
s'agit alors du « stress, de la dépression,de la souffrance, de
l'épuisement professionnel, voire des discriminations et du suicide.
»1 ainsi que du harcèlement moral mais aussi, sujet un
peu plus tabou, du harcèlement sexuel.
Le harcèlement sexuel est un phénomène de
plus en plus présent dans notre société actuelle.
Évolution des médias, évolution des moeurs y sont pour
beaucoup. Le harcèlement sexuel s'étend désormais au
domaine public avec le harcèlement de rue, au domaine privé avec
le harcèlement dans le couple mais s'est aussi immiscé dans un
milieu au sein duquel il n'a strictement rien à faire : le milieu du
travail. En effet, le harcèlement sexuel est un des nombreux risques
psychosociaux dans l'entreprise.
Cependant, la souffrance au travail n'est pas une notion
nouvelle puisque de tout temps il y a toujours eu des rapports de domination et
d'exploitation dont les salariés pâtissent et auxquels ils sont
tenus de faire face. Monsieur Christophe Dejours, éminent psychiatre,
psychanalyste et fondateur de la psychodynamique au travail, rappelle dans ses
travaux que les chercheurs en psychopathologie ont établi que la
souffrance au travail ne mène pas forcément et de manière
catégorique à la maladie mentale et ce, en raison du fait que les
travailleurs développent d'étonnantes facultés de
défense suivant le milieu professionnel dans lequel ils évoluent.
En effet, selon ces études il s'avère que les ouvriers du
bâtiment ne développent pas les mêmes mécanismes que
les agents de la police nationale. Tant que ces mécanismes de
défenses sont effectifs , tout se passe bien mais en cas de
défaillance, le salarié ne parvient plus à contenir sa
souffrance et la maladie survient. Monsieur Dejours appelle ceci la «
décompression psychopathologique ».
En psychopathologie du travail, subsistent deux conflits :
- le premier oppose le corps et les conditions de travail
1 ) L.Lerouge, Les risques psychosociaux au travail reconnus par
le droit : le couple dignité-santé, in Lerouge L. Risques
psychociaux au travail, p.9
6
- le second oppose le mental et l'organisation du travail, c'est
à dire la répartition des tâches et
le contrôle des tâches effectuées.
Autant le travail peut générer une certaine
souffrance en raison de la relation de domination à laquelle le
salarié est soumis , autant il peut être bénéfique
au maintien d'un équilibre mental et physique.
Concernant l'expansion des risques psychosociaux, la
psychopathologie du travail a permis de trouver des causes à ce
phénomène préoccupant. Sont donc en cause les changements
sociaux intervenus dans les années quatre-vingt et qui ont
engendré de nouvelles formes d'organisation du travail qui se fondent
alors sur la mise en concurrence des individus. Les rapports de
solidarité et de coopération entre les salariés ont
été brisés entraînant alors une souffrance au
travail. Le fameux « L'enfer, c'est les autres »2
de Jean-Paul Sartre trouve alors à s'appliquer ici.
Cette mise en concurrence s'est matérialisée par
l'évaluation individualisée des performances, l'objectif de la
qualité totale de la production et le développement de la
sous-traitance.
Ensuite, la Société d'ergonomie de langue
française qui a été fondée en 1963, a pour but de
promouvoir la recherche, la pratique, l'enseignement de l'ergonomie dans la
perspective d'une meilleure adaptation des moyens et des milieux de travail et
de vie aux personnes.
L'ergonomie est la discipline scientifique qui s'occupe de la
compréhension des interactions entre les hommes et les autres
éléments d'un système. Elle vise alors à
évaluer les tâches données, l'environnement du travail afin
de vérifier si ces éléments sont bien en adéquation
avec les capacités et les limites de l'être humain.
La Société d'ergonomie a donc souligné
que les risques psychosociaux ont des effets nouveaux sur les personnes
notamment au niveau psychique et sur la société en
général. Au delà de leurs effets directs, les risques
psychosociaux ont un effet étendu qui est de remettre le monde du
travail au centre du débat politique.
L'ergonomie met en parallèle le travail et les
révélations qu'il apporte à la personne sur
elle-même. Le travail est donc perçu comme un moyen de
développement de soi. Ainsi, la prévention des risques
psychosociaux aura pour stratégie le développement du
bien-être des salariés.
Les risques psychosociaux demeurent donc complexes et sont
sujets d'études grandement et sérieusement menées tant par
des psychanalystes, que des ergonomistes et même des comportementalistes.
Ces risques font partie intégrante des relations humaines, relations
humaines qui se trouvent donc dans les relations de travail.
2 ) J-P Sartre, Huis clos, 1943
7
Le harcèlement sexuel dont il est question dans cette
étude est donc l'un des risques psychosociaux les plus « en vogue
» ces dernières années et la majorité des
éléments qui seront développés ici seront aussi
applicables aux autres risques psychosociaux, sauf subtilités.
Son cas est traité par les articles L.1153-1 et suivants
du Code du travail.
La notion de harcèlement sexuel recouvre deux
catégories de comportement subis par une victime :
- des agissements répétés ayant une
connotation sexuelle, constitutifs d'un harcèlement sexuel
- des pressions graves exercées pour obtenir un acte de
nature sexuelle, assimilées à un
harcèlement sexuel même si il s'agit d'un acte
unique.
Concernant les faits constitutifs d'un harcèlement
sexuel, avant il s'agit de propos ou de comportements qui ont une connotation
sexuelle qui portent atteinte à la dignité de la victime en
raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit
créent une situation intimidante, hostile ou offensante selon l'article
L.1153-1 1° du Code du travail.
Il s'agit donc de propos ou de comportements qui ont une
connotation sexuelle. Il ne s'agit donc pas nécessairement de contacts
physiques tels que des attouchements3. Un harcèlement sexuel
peut donc être tout à fait caractérisé par des
propos oraux ou écrits ou même des gestes obscènes. De
plus, le terme de « connotation sexuelle » ouvre une porte
suffisamment large pour englober un maximum de propos. Il n'est pas
indispensable que le caractère sexuel des propos ou actes soit explicite
et direct4.
Au niveau de leur fréquence, les juges
considèrent bien souvent qu'ils doivent avoir été commis
au moins à deux reprises afin d'être qualifiés de
harcèlement sexuel. Il peut alors s'agir de caresses furtives sur les
cheveux, les genoux... Cependant, un fait unique à connotation sexuelle
peut être qualifié de harcèlement sexuel si il justifie
d'une particulière gravité (par exemples, une pression afin
d'obtenir des faveurs sexuelles, aussi appelée chantage sexuel ou des
caresses sur les zones érogènes).
De plus, ces actes peuvent porter atteinte à la
dignité de la victime. Il s'agit alors des comportements grivois,
obscènes, des provocations, des injures, des diffamations telles que les
fausses rumeurs...
Ces actes peuvent aussi constituer une situation intimidante,
hostile ou offensante. La situation de travail dans laquelle se trouve la
victime est alors invivable. Ceci peut être le cas même si
aucune
3 ) Rapp.Sén. N°619, p.36
4 ) Circ.crim. 7 août 2012, n°2012-15
8
atteinte à sa dignité n'est constatée.
Une circulaire du 7 août 2012 a même rappelé que crée
une telle situation la personne qui importune quotidiennement son ou sa
collègue en lui adressant des messages ou des objets à
connotation sexuelle, alors que ce dernier ou cette dernière lui a
pourtant demandé de cesser ce comportement.
Les effets des actes de harcèlement sexuel sont donc
exclusifs.
Ensuite, concernant les faits assimilés à du
harcèlement sexuel, il s'agit du fait d'user de toute pression grave
dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle au
profit de l'auteur ou d'un tiers. Ceci est prévu par l'article L.1153-1
2° du Code du travail.
La pression grave recouvre des hypothèses très
diverses dans lesquelles une personne tente d'imposer un acte sexuel à
sa victime en échange d'un avantage recherché par cette
dernière comme un emploi, un contrat à durée
indéterminée, une promotion (appelée ici «
promotion-canapé ») ou encore, d'éviter une situation
dommageable comme un licenciement . Ont alors été
assimilés à du harcèlement sexuel le fait pour un
employeur de tenter d'obtenir des relations sexuelles avec ses
subordonnées en leur expliquant qu'elles ne pourront progresser dans
l'entreprise qu'en acceptant ses avances5 et, le fait de demander
des rapports sexuels en échange d'une augmentation de
salaire6.
Dans ce cas, un acte unique suffit pour être
assimilé à du harcèlement sexuel. Il peut simplement
s'agir de simples contacts physiques destinés à assouvir un
fantasme sexuel, voire à accentuer ou provoquer le désir
sexuel7.
De plus, la finalité recherchée peut être
réelle ou apparente. De ce fait, il suffit que les pressions donnent
l'impression à la victime et aux témoins qu'un acte sexuel
était recherché .
De plus, afin de caractériser un harcèlement
sexuel il faut une absence de consentement. Il convient donc d'établir
un refus explicite et de tenir compte du comportement de la victime. L'absence
de consentement peut résulter d'une demande écrite de cesser les
agissements, d'un silence permanent, d'une demande d'intervention
adressée à des collègues ou des
supérieurs8.
La participation de la victime peut aussi être prise en
compte. L'existence d'un harcèlement sexuel est donc
écarté si la victime a activement participé au contexte
grivois ayant cours parmi le personnel 9.
De plus, si la victime était une personne
vulnérable, ceci constitue une circonstance aggravante influant alors
sur les peines encourues par l'auteur des faits lorsque cette
vulnérabilité est apparente
5 ) CA Paris, 15 septembre 2011, n°09-09898
6 ) CA Douai 21 janvier 2007, n°06-150
7 ) Circ.crim. 7 août 2012, n°2012-15
8 ) idem
9 ) CA Aix-en-provence, 2 décembre 2011,
n°10-15069
9
ou connue. Par vulnérabilité, sont entendues la
maladie, une infirmité, une grossesse, une précarité
sociale ou économique...
La protection spécifique des salariés face au
harcèlement sexuel s'applique pour tous les faits intervenus dans le
cadre des relations de travail et ce, même si les agressions ont eu lieu
hors du temps et du lieu de travail10. Il suffit simplement que ces
faits aient eu lieu entre des personnes en contact en raison de leur
travail.
En France, lors d'une étude menée pour le
Défenseur des droits11 sur un panel de 1005 personnes,
représentatif de la population française âgée de 18
ans et plus. La représentativité de l'échantillon a
été assurée par la méthode des quotas (sexe,
âge, profession de l'interviewé) . Ensuite, a été
pris un échantillon de 306 personnes, représentatif des femmes
actives âgées de 18 à 64 ans. Au total, 615 femmes actives
âgées de 18 à 64 ans ont été
interrogées.
Il a été établi que deux femmes actives
sur dix ont dû faire face à une situation de harcèlement
sexuel dans leur vie professionnelle, situation principalement
caractérisée soit par des gestes et propos à connotation
sexuelle répétés soit par un environnement de blagues
à caractère sexuel.
Dans quatre cas sur dix, un collègue était
à l'origine du harcèlement, et dans trois cas sur dix, la victime
déclare qu'elle était dans une situation d'emploi précaire
au moment des faits.
Si la majorité des victimes de harcèlement
sexuel sur leur lieu de travail en ont parlé à quelqu'un,
près de trois victimes sur dix ne se sont confiées à
personne ; pour celles qui en ont parlé, il s'agissait dans la
majorité des cas de leur famille ou de proches, puis de collègues
.
Les deux tiers des victimes de harcèlement sexuel
estiment qu'elles n'ont pu compter que sur elles-mêmes pour faire face
à cette situation ; lorsqu'elles ont pu compter sur le soutien d'autres
personnes, elles citent en priorité les collègues et les proches
.
Enfin, alors que l'importance de lutter contre le
harcèlement sexuel est jugée de façon quasi-unanime par ce
panel, moins de deux employeurs sur dix ont mis en place des actions de
prévention contre le harcèlement sexuel
Ces données semblent donc alarmantes et le
harcèlement sexuel s'avère donc bien présent et bien
ancré dans les entreprises aujourd'hui. Bien que cette étude
porte sur un panel d'individus de sexe féminin, les hommes sont aussi
victimes de ce délit mais sont touchés plus rarement.
Il convient donc d'insister sur la protection du
salarié face à ce fléau, auprès des entreprises
mais aussi auprès des différents acteurs.
10 ) Cass.soc., 11 janvier 2012, n°10-11.930
11 ) Annexe 1
10
Quelles mesures peuvent donc être mises en oeuvre afin
de protéger le salarié face au harcèlement sexuel ?
Le raisonnement sera alors fait en deux temps .
Premièrement, seront étudiés les mécanismes de
protection antérieurs aux faits de harcèlement sexuel (PARTIE I)
avec le rôle de l'employeur et d'institutions internes et externes
à l'entreprise puis, seront étudiés les mécanismes
de protection postérieurs (PARTIE II) avec la répression de ces
faits et le devenir du salarié victime.
11
PARTIE I - Les mécanismes de protection
antérieurs
aux actes de harcèlement sexuel
Avant que ne soit découvert et établi un acte de
harcèlement sexuel, l'employeur est tenu d'une obligation de
prévention (Chapitre I).
En effet, il doit veiller à la sécurité
de ses salariés et ces actes délictuels de harcèlement
sexuel peuvent profondément toucher les victimes et causer de
véritables atteintes à leur santé qu'elle soit physique et
psychiques mais aussi à leur sécurité.
L'employeur n'est cependant pas le seul acteur de la
prévention . Il est assisté par des institutions internes
à l'entreprise mais aussi par des institutions externes
spécialisées (Chapitre II).
La prévention tient une place très importante
dans la vie d'une entreprise puisqu'elle permet de sensibiliser les
différents sujets et parfois d'éviter le pire et toutes les
conséquences néfastes qui en découleraient tant pour
l'employeur que son salarié.
Pour bien travailler, il faut se sentir bien au sein de son
entreprise et le proverbe « Mieux vaut prévenir que guérir
» n'a jamais trouvé place plus pertinente.
12
Chapitre I - L'obligation de prévention pesant
sur l'employeur
Afin de protéger au mieux ses salariés ,
l'employeur est tenu d'une obligation générale de
sécurité. Cette obligation est prévue dans la
quatrième partie du Code du travail intitulée « Santé
et sécurité au travail » regroupant des dispositions alliant
droit de la santé et de la sécurité, dispositions à
vocation essentiellement préventive selon Messieurs M.-T
Aubert-Monpeyssen et P.-Y Verkindt12.
De plus, l'employeur est aussi soumis à une obligation
plus spécifique de prévention des actes de harcèlement
sexuel prévue quant à elle par les articles L.1153-1 et suivants
du Code du travail. Cette obligation de prévention est donc une
obligation légale puisque prévue par les textes (Section 1) .
De plus, afin de matérialiser cette obligation,
l'employeur doit adopter des mesures de prévention nécessaires
(Section 2).
Section 1 - L'obligation légale de
prévention de l'employeur
L'employeur est chargé d'une obligation de
prévention prévue par les textes (A) et qui constitue une
véritable obligation de sécurité de résultat
pouvant engager sa responsabilité sans faute (B).
A) La base textuelle de l'obligation de
prévention
Tout d'abord, la directive-cadre européenne 89/391/CDD
du 12 juin 198913 a été transposée en droit
français par la loi du 31 décembre 199114. Ainsi,
l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité prévue
par l' article L.4121-1 qui dispose que « L'employeur prend les
mesures nécessaires pour assurer la sécurité et
protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques
professionnels , ·
2° Des actions d'information et de formation
, ·
3° La mise en place d'une organisation et de moyens
adaptés.
12 ) Verkindt P.-Y., Les troubles psychosociaux dans l'entreprise
in L'année de droit social, Lamy, coll.Axe Droit, 2010
13 ) Dir.Cons.CE n° 89/391, 12 juin 1989, JOCE 29 juin,
n°L.183, modifiée par Dir. Parl. Et Cons. CE n° 2007/30, 20
juin 2007, JOUE 27 juin, n° L.165
14 ) Loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 modifiant le
code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la
prévention des risques professionnels et portant transposition de
directives européennes relatives à la santé et à la
sécurité du travail
13
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures
pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à
l'amélioration des situations existantes. ».
Ainsi donc, l'employeur se doit de prendre des mesures , doit
mettre en oeuvre des moyens dans le but d'assurer la sécurité et
la protection de la santé physique mais aussi mentale de ses
salariés.
Cette obligation de sécurité a été
le fruit de débats houleux dès le moment où la Cour de
cassation a considéré dans une série d'arrêts en
date du 28 février 2002 (n° 99-18.389) que l'employeur était
tenu d'une obligation de sécurité « en vertu du contrat de
travail le liant à son salarié »15. La Chambre
sociale a alors suivi ce raisonnement de maintes fois , suivie de près
par la deuxième chambre civile concernant notamment les accidents du
travail et les maladies professionnelles. L'Assemblée
plénière est venue s'aligner dans cette optique par un
arrêt du 24 juin 2005 (n°03-30.038).
Mais, la Chambre sociale a par la suite rectifié son
idée en considérant tout simplement que l'employeur était
« tenu envers ses salariés ». Elle ne donne plus la cause de
cette obligation, que serait le contrat de travail, ce que se refuse encore
à faire la deuxième chambre civile.
Donc, cette obligation est-elle imposée par la loi ou
bien découle-t-elle du régime du contrat de travail ? Afin de
répondre à cette interrogation, il convient de rappeler que
l'employeur assume cette obligation certes à l'égard de ses
salarié16 ou de « son personnel »17 mais
aussi à l'égard des autres travailleurs qui se trouvent sous son
autorité. La logique veut donc que cette obligation de
sécurité ne dépende pas du contrat de travail mais soit
une obligation légale à part entière.
De plus, il semble utile de rajouter que la notion d'employeur
est prise dans un sens très large . En effet, la notion d'employeur a
supplanté celle de « chef d'établissement ». Il se
trouve que cette dernière semblait mal adaptée car il ne fallait
pas considérer que dans le cas d'une entreprise comprenant plusieurs
établissements distincts, seuls les chefs d'établissement
étaient responsables et ce, seulement à l'échelle de leur
établissement. C'est ainsi que le nouveau code du Travail a
préféré user de la notion d'employeur, beaucoup plus
adaptée. Les dispositions du Code du travail relatives à la
santé et à la sécurité visent les employeurs du
secteur privé mais aussi les établissements publics qu'ils soient
à caractère administratif, à caractère industriel
et commercial, les établissements de santé sociaux et
médico-sociaux ainsi que les ateliers des établissements publics
dispensant un enseignement technique ou professionnel. C'est donc en touchant
une majorité d'employeurs, que les dispositions décuplent leur
efficacité et leur effectivité.
15 ) P. Sargos, L'évolution du concept de
sécurité au travail et ses conséquences en matière
de responsabilité, JCP 2003, Doct.104
16 ) Cass.soc. 17 mai 2006 ; 21 juin 2006
17 ) Cass.soc. 5 mars 2008, n°06-45888
14
Ensuite , l'article L.4121-2 du Code du travail se rapproche
davantage d'une obligation de prévention à proprement parler .
Il prévoit que « L'employeur met en oeuvre les
mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des
principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques , ·
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être
évités , ·
3° Combattre les risques à la source
, ·
4° Adapter le travail à l'homme, en
particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le
choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de
production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail
cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé
, ·
5° Tenir compte de l'état d'évolution de
la technique , ·
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est
pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux , ·
7° Planifier la prévention en y
intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique,
l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et
l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au
harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont
définis aux articles L.1152-1 et L.1153-1 , ·
8° Prendre des mesures de protection collective en
leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle
, ·
9° Donner les instructions appropriées aux
travailleurs. ».
Ici, l'obligation de prévention de l'employeur est
visiblement encadrée et les champs d'application sont
délimités. Parmi cette énumération, est clairement
visé le harcèlement sexuel dans la mesure où l'employeur
doit planifier la prévention en intégrant dans celle-ci les
risques liés au harcèlement sexuel. Cette disposition
n'était pas présente dans le texte d'origine 18 et a
été rajoutée par la loi du 6 août 201219
relative au harcèlement sexuel et son article 7, emportant modification
de plusieurs dispositions du Code du travail.
L'employeur doit aussi dans le cadre de cet article
procéder à une évaluation des risques 20.
Puis, texte bien plus spécifique concernant le
harcèlement sexuel , l'article L. 1153-5 du
18 ) L'ancien article L.4121-2 , 7° du Code du travail
disposait alors « (...) 7° Planifier la prévention en y
intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique,
l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et
l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au
harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L.
1152-1 »
19 ) Loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au
harcèlement sexuel
20 ) Infra Titre I, Chapitre I, Section 2 a)
15
Code du travail prévoit que « L'employeur
prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les
faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les
sanctionner.
Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou
à la porte des locaux où se fait l'embauche, les personnes
mentionnées à l'article L. 1153-2 sont informées par tout
moyen du texte de l'article 222-33 du code pénal21 .
».
Cet article a subi de nombreuses modifications au fil des lois
portant sur les risques psychosociaux au travail.
En effet, tout d'abord, la loi du 6 août 2012
publiée au Journal officiel du 7 août 2012 et entrée en
vigueur le 8 août 2012 a eu pour objectif principal de rétablir
dans le code pénal l'incrimination de harcèlement sexuel
prévue par l'article 222-33 de ce code, qui avait été
abrogée par le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC du 4
mai 2012 22 en raison de l'imprécision de sa
rédaction. Cette loi est aussi venue modifier l'article L.1153-5 du Code
du travail en prévoyant que « L'employeur prend toutes
dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de
harcèlement sexuel.
Le texte de l'article 222-33 du code pénal est
affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à
la porte des locaux où se fait l'embauche. ».
Puis ,la loi du 4 août 201423 est venue
apporter des précisions en énumérant les personnes devant
être informées . Il s'agit de celles
énumérées par l'article L.1153-2 du Code du travail soit,
les salariés et les candidats à un recrutement, à un stage
ou à une période de formation en entreprise. De plus, elle
précise l'obligation de l'employeur qui doit prévenir les faits
de harcèlement sexuel mais aussi y mettre un terme et les sanctionner.
Son obligation est donc élargie et ne touche plus de manière
restrictive la prévention.
21 ) L'article 222-33 du Code pénal dispose : « I. -
Le harcèlement sexuel est le fait d'imposer à une personne, de
façon répétée, des propos ou comportements à
connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en
raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit
créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou
offensante.
II. - Est assimilé au harcèlement sexuel le
fait, même non répété, d'user de toute forme de
pression grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature
sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou
au profit d'un tiers.
III. - Les faits mentionnés aux I et II sont punis de
deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.
Ces peines sont portées à trois ans
d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis :
1° Par une personne qui abuse de l'autorité que lui
confèrent ses fonctions ;
2° Sur un mineur de quinze ans ;
3° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité, due à son âge, à une maladie,
à une infirmité, à une déficience
physique ou psychique ou à un état de grossesse,
est apparente ou connue de leur auteur ;
4° Sur une personne dont la particulière
vulnérabilité ou dépendance résultant de la
précarité de sa situation économique
ou sociale est apparente ou connue de leur auteur ;
5° Par plusieurs personnes agissant en qualité
d'auteur ou de complice. »
22 ) Décision QPC n° 2012-240
23) Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour
l'égalité réelle entre les femmes et les hommes
16
Enfin, un accord national interprofessionnel (ANI) a
été conclu en avril 2007 par l'organisation patronale Business
Europe Business , l'Union Européenne de l'artisanat et des PME (UEAPME),
le CEEP (Centre européen des employeurs et entreprises fournissant des
services publics ) et la CES (Confédération européenne des
syndicats) sur le harcèlement et la violence au travail. La
transposition de cet accord au niveau national est l'occasion, pour les
partenaires sociaux français, de s'emparer de ces problématiques
et parfois d'aller plus loin que les dispositions prévues à
l'échelle européenne. Syndicats et patronat sont ainsi parvenus
à un accord sur le harcèlement et la violence au travail le 26
mars 201024. Complétant la démarche lancée par
l'accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet
2008, il permet de transposer l'accord-cadre européen sur ce même
thème. Il définit les notions de harcèlement et de
violence au travail, et propose un cadre pour leur identification, leur
prévention et leur gestion. Il a pour but d'améliorer la
sensibilisation, la compréhension et la prise de conscience des
employeurs, des salariés et de leurs représentants à
l'égard du harcèlement et de la violence au travail afin de mieux
prévenir ces phénomènes, les réduire, voire les
éliminer et d' apporter aux employeurs, aux salariés et à
leurs représentants un cadre concret pour l'identification, la
prévention et la gestion des problèmes de harcèlement et
de violence au travail.
Cet ANI s'apparente davantage à un code de bonne
conduite qu'à un accord imposant des mesures contraignantes à
l'égard des employeurs. Ces derniers restent libres dans leurs moyens de
prévention et de gestion des faits délictueux 25.
B ) Une obligation de sécurité de
résultat
D'après ces normes , il appartient donc à
l'employeur de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir
les risques psychosociaux dans son entreprise et plus précisément
en ce qui nous intéresse , les risques de harcèlement sexuel.
Cette exigence est très stricte car il est tenu d'une
obligation de sécurité de résultat, obligation contenue
dans l'article L.4121-2 du Code du travail. Si le risque se réalise,
l'employeur aura donc manqué à cette obligation sauf si il
invoque un cas de force majeure26. Il n'a donc pas de droit à
l'erreur.
C'est la jurisprudence qui lui a imposé une obligation
de résultat et non pas une obligation de moyen. Il ne suffit donc pas
qu'il prenne des mesures nécessaires pour assurer la santé et la
sécurité
24 ) Annexe 2
25 ) Infra Titre I, Chapitre I, Section 2
26 )Situation imprévisible, insurmontable et
extérieure.
17
des salariés. Il doit absolument empêcher la
réalisation du risque. En effet, le simple constat qu'un dommage est
survenu et que le résultat n'a pas été atteint , suffit
à engager sa responsabilité, peu importe qu'il n'ait commis
aucune faute 27et, peu importent les mesures prises
ultérieurement pour faire cesser la situation28.
L'arrêt le plus marquant en la matière est celui
de la chambre sociale du 3 février 201029. Dans cette
affaire, une salariée victime de harcèlement moral puis sexuel
prend acte de la rupture de son contrat de travail. Afin de dire que la prise
d'acte de la rupture du contrat de travail de la salariée a produit les
effets d'une démission, les juges de la Cour d'Appel retiennent que
l'employeur n'encourt une obligation de sécurité de
résultat que dans l'hypothèse où, ne pouvant ignorer le
danger auquel était exposée la salariée, il n'a pas pris
les mesures nécessaires pour la protéger .Or, ces juges
considèrent que l'employeur aurait satisfait à son obligation car
il aurait pris des mesures afin que la salariée victime et son harceleur
ne se croisent plus dans l'entreprise. Cependant, suite à leur
rencontre, qualifiée par la Cour d'Appel de « fortuite » la
salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
La Cour de Cassation vient donc casser l'arrêt de la
Cour d'appel en considérant que « l'employeur tenu d'une obligation
de sécurité de résultat en matière de protection de
la santé et de la sécurité des travailleurs, manque
à cette obligation, lorsqu'un salarié est victime sur le lieu de
travail d'agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par
l'un ou l'autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris
des mesures en vue de faire cesser ces agissements. ». Ainsi donc, c'est
en raison de faits reprochés à son employeur que la
salarié aurait pris acte de la rupture de son contrat de travail , de ce
fait la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse car les faits invoqués justifiaient
bien la prise d'acte.
D'une sévérité et d'une dureté
extrêmes, la Cour de Cassation consacre dans cette décision
l'obligation de sécurité de résultat qui pèse sur
l'employeur . Cette décision est bel et bien en adéquation avec
la jurisprudence antérieure et notamment des arrêts du 21 juin
2006 (n° 05-43.914 à 05-43.919) qui rattachaient alors les
dispositions relatives au harcèlement à l'obligation de
sécurité de résultat.
Il y a donc une responsabilité sans faute qui est
reconnue pour l'employeur. Il doit répondre à la fois des
conséquences du harcèlement et prendre les mesures de
prévention qui s'imposent ; la sanction du harcèlement
étant la rupture du contrat de travail à ses torts et ce,
même si il avait pris des mesures adéquates. La jurisprudence de
la Cour de cassation semble pérenne puisqu'un arrêt de
27 ) Cass.soc, 21 juin 2006, n°05-43.914 à
05-43.919
28 ) Cass.soc.,3 février 2010 , n°08-41412 et 7 juin
2011 , n° 09-69903
29 ) Cass.soc., 3 février 2010, n° 08-40.144
18
la chambre sociale en date du 26 septembre 2012 (n°
11-21003 ) et un autre du 18 février 2014 ( n° 12-17.557)
délivrent la même solution.
De plus, il n'y a pas besoin d'établir que l'employeur
n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer de manière
effective la sécurité et la santé des salariés. Il
suffit juste de démontrer que le résultat n'a pas
été atteint pour qu'il en découle que la prise d'acte est
justifiée et produit les effets d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse30. Il y a donc ici un réel
désir de protection du salarié.
Il semble utile de rajouter aussi que le même
raisonnement est retenu en cas de demande de résiliation judiciaire du
contrat de travail. En revanche, la Cour de Cassation considère que la
résiliation ne se justifie pas lorsque les faits invoqués ont
cessé au moment où les juges statuent 31.
Ensuite, de manière générale la
tolérance d'un employeur ou son inaction sont de nature à
tempérer la nature de la faute commise par une salarié. Ceci est
le cas en cas de tolérance d'un employeur vis à vis des horaires
fantaisistes d'un de ses salariés dans un arrêt de la Chambre
sociale du 13 juillet 1989 (n°86-43.113) ou de l'usage du
téléphone portable à des fins privées , pratique
largement tolérée dans l'entreprise dans un arrêt de la
Chambre sociale du 1er février 2011 (n°0942.786). Dans ces deux
exemples, le licenciement pour faute grave ne saurait être
justifié et ce, en raison de la tolérance et de l'inertie trop
longtemps constatée de l'employeur.
Toutefois, ce n'est pas le cas en présence d'une
situation de harcèlement au travail. En effet, en cas de
harcèlement au travail, la tolérance de l'employeur doit rester
sans effet sur le degré de la faute commise. La justification d'un tel
raisonnement tient en l'article L.4121-1 du Code du travail et son obligation
de sécurité de résultat.
Il ne saurait être admis que le manquement d'un
employeur à son obligation aboutisse à sanctionner moins
fermement l'auteur des faits sachant que la jurisprudence considère
traditionnellement qu'il s'agit d'une faute grave. Dans un arrêt du 1er
décembre 2011(n° 10-18.920) , la Chambre sociale a donc
décidé que le fait que l'employeur n'ait pas sanctionné
par le passé le salarié pour des faits identiques
n'empêchait pas le licenciement pour faute grave du harceleur.
Cependant, bien que l'employeur puisse voir sa
responsabilité engagée même sans faute il peut tout de
même s'exonérer de sa responsabilité par un seul et unique
moyen : démontrer l'existence d'une cause extérieure
présentant les caractères de la force majeure. Il devra alors
établir le caractère irrésistible et imprévisible
de l'événement. Cependant, elle est très peu retenue en
droit du travail32.
30 ) Cass.Soc., 12 janvier 2011 , n° 09-41139
31 ) Cass.soc., 22 mars 2006 n°03-44.750
32 ) Lefebvre F., Harcèlement et risques psychosociaux,
Ed. Francis Lefebvre, 2012
19
Elle ne peut pas être admise lorsque les agissements
sont le fait de tiers à l'entreprise si ils exercent une autorité
de fait ou de droit sur le personnel. L'employeur doit alors répondre de
mauvais traitements et insultes infligés à un salarié par
l'épouse du gérant 33 ou encore de l'agression d'un
salarié par son conjoint 34.
Enfin, il peut sembler utile de rajouter ici très
succinctement que le travailleur est lui aussi tenu d'une obligation de
sécurité affirmée d'ailleurs par la directive cadre du 12
juin 198935 , obligation secondaire voire complémentaire de
celle de son employeur. Le travailleur ne bénéficie donc pas
d'une immunité ou d'une irresponsabilité en matière de
santé et de sécurité au travail. Le Code du travail
prévoit alors qu'il incombe à chaque travailleur de prendre soin
de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celle des
autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail et
ce , en fonction notamment de la formation ou des consignes
reçues36. De plus, la responsabilité du travailleur
n'exclut pas celle de l'employeur selon le dernier alinéa de l'article
L.4122-1 du Code du travail ; un même accident, un même
harcèlement sexuel peut donc entraîner la responsabilité de
chacun.
Section 2 ) Les mesures de prévention prises par
l'employeur
L'employeur étant tenu d'une obligation de
prévention liée à une obligation de sécurité
de résultat vis à vis de ses salariés, ces
dernières doivent être matérialisées.
Ce n'est pas dans le Code du Travail que l'employeur trouvera
un guide des actions de prévention adaptés aux risques
psychosociaux. Au mieux , il disposera de l'article L.4121-2 du Code du Travail
et de son évaluation des risques (A) ou encore les articles L.1321-1 et
-2 du même code à propos du règlement intérieur
(B).
En revanche, la lecture des ANI sur le stress au
travail37 et sur le harcèlement et la violence au
33 ) Cass.soc., 10 mai 2001,n°99-40.059
34 ) Cass.soc., 4 avril 2012, n°11-10.570
35 ) Supra
36 ) L'article L.4122-1 du Code du travail dispose que «
Conformément aux instructions qui lui sont données par
l'employeur, dans les conditions prévues au règlement
intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il
incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa
formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa
sécurité ainsi que de celles des autres personnes
concernées par ses actes ou ses omissions au travail.
Les instructions de l'employeur précisent, en particulier
lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des
équipements de travail, des moyens de protection, des substances et
préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature
des tâches à accomplir.
Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur
le principe de la responsabilité de l'employeur. »
37 ) Accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le
stress au travail , étendu par un arrêté du 23 avril
2009
20
travail38 semblent plus utiles. Ils guident
l'employeur en prônant l'élaboration d'une charte
éthique
( C ) , ainsi qu'une sensibilisation et une formation
adéquate des responsables hiérarchiques et des salariés
(D), sans oublier que les salariés peuvent bénéficier d'un
droit d'alerte (E).
De plus, l'ANI du 19 juin 201339 pose un principe
intéressant qui est celui de la possible mise en oeuvre d'une
démarche QVT (qualité de vie au travail) (F).
A) L'évaluation des risques
Il s'agit d'un document unique créé par un
décret du 5 novembre 200140 en vue de rendre obligatoire ,
pour toutes les entreprises et associations de plus d'un salarié,
l'évaluation des risques professionnels. A l'origine, ce document n'a
pas été créé pour les risques psychosociaux.
Cependant, ceux ci doivent y trouver leur place bien que ce fusse
délicat. En effet, il s'agit de dresser une cartographie des risques de
l'entreprise , de reconnaître l'existence de ces risques et ainsi, le
travail de prévention en amont semble déjà
commencé.
Pour satisfaire pleinement à son obligation ,
l'employeur doit évaluer et identifier précisément les
risques encourus en matière de harcèlement. Ce principe est
posé par les articles L.4121-2 et L.4121-3 du Code du travail. Il doit
donc prendre en compte les risques psychosociaux ce qui lui permettra d'adapter
ses mesures de prévention aux réalités de son
entreprise.
Au niveau géographique, l'évaluation des risques
doit se faire au niveau de chaque unité de travail de l'entreprise ou
bien de l'établissement. Ceci est prévu par l'article R..4121-1
du Code du travail. Cette notion paraissant floue, c'est par une circulaire du
18 avril 200241 qu'elle a été précisée.
La notion doit donc être comprise dans un sens très large et ce,
afin d'englober des situations très diverses en ce qui concerne
l'organisation du travail. Il peut donc s'agir d'un seul poste de travail ou
bien de plusieurs postes occupés par les travailleurs ou bien
présentant les mêmes caractéristiques. L'étendue est
donc volontairement très large.
Afin d'évaluer les risques , l'employeur devra tenir
compte des activités de l'établissement mais aussi de
l'aménagement des lieux de travail. Il ne devra pas se contenter de
faire état des risques avérés mais il devra prendre en
compte tous les éléments qui seraient susceptibles de
révéler un
38 ) Accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le
harcèlement et la violence au travail
39 ) Accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 relatif
à la qualité de vie au travail
40 ) Décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001 portant
création d'un document relatif à l'évaluation des risques
pour la santé et la sécurité des travailleurs
41 ) Circulaire DRT n° 6 du 18/04/02 pris pour l'application
du décret n° 2001-1016 portant création d'un document
relatif à l'évaluation des risques pour la santé et la
sécurité des travailleurs
21
dysfonctionnement ; il devra se servir d'indices (taux
élevé d'absentéisme, actes de violences, suicides, baisse
de productivité...). L'employeur devra aussi prendre en compte les
remarques et observations faites par les institutions représentatives du
personnel (IRP).
De plus, l'employeur se devra de prendre en compte les
caractéristiques des salariés et des emplois occupés.
Certaines personnes en raison de leur poste peuvent être plus
exposées à des risques psychosociaux que d'autres.
Cependant, le travail de l'employeur ne s'arrête pas
là. En plus d'identifier une situation de risque, il devra encore
analyser et identifier les causes .
Ensuite, cette évaluation doit répondre à
un certain formalisme. En effet, une fois l'étude menée, les
résultats sont retranscrits dans un document nommé «
document unique » (DU) ou « Document unique d'évaluation des
risques » (DUER) selon l'article R.4121-1 du Code du travail. Ce document
sera composé d'un inventaire des risques identifiés dans chaque
unité de travail. Il est mis à jour au moins une fois par an. Il
peut aussi être mis à jour dès qu'un aménagement
important modifiant les conditions de travail , de santé et de
sécurité voit le jour ou encore lorsqu'une information
supplémentaire est recueillie. Sujet à des mises à jour
fréquentes, ce document permet donc de tenir compte de l'apparition de
nouveaux risques jusque là ignorés et par la suite de modifier
les actions de prévention mises en oeuvre afin de les adapter.
L'article L.4121-3 du Code du travail admet une
dérogation à la fréquence de révision du document
unique en disposant que dans les entreprises de moins de 11 salariés, la
mise à jour pourra être moins fréquente sous réserve
que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé
et de la sécurité des travailleurs.
Concernant son utilité , le DU permet d'informer le
personnel des risques encourus dans l'entreprise. Ce document est tenu à
disposition du Comité d'Hygiène, de Sécurité et des
Conditions de Travail (CHSCT), des délégués du personnel,
du médecin du travail, des agents des services de prévention des
organismes de sécurité sociale42, du médecin
inspecteur du travail et de l'inspecteur du travail. Un arrêt de la
Chambre criminelle du 25 octobre 2011 (n°10-82.133) a même
imposé à l'employeur de communiquer à l'ensemble des
salariés les informations relatives aux risques encourus et aux mesures
de prévention correspondantes, répertoriés dans le DU.
Autre utilité, ce document doit être
utilisé dans l'établissement du rapport et du programme de
prévention présenté chaque année au CHSCT (article
R.4121-3 du Code du travail).
42 ) Article R.4121-4 du Code du travail
22
Concernant d'éventuelles sanctions, le fait pour
l'employeur de ne pas transcrire ou mettre à jour les résultats
de l'évaluation des risques peut être puni d'une amende de 1 500
€ selon l'article R. 4741-1 du Code du travail.
Ensuite, si l'employeur refuse de mettre le DU à
disposition des IRP il se rend coupable d'un délit
d'entrave43 et si il refuse de le mettre à disposition de
l'inspecteur du travail , il s'agira d'un obstacle à
contrôle44.
Toutefois, procéder à l'évaluation des
risques peut s'avérer compliqué pour l'employeur qui agirait
seul. Afin de l'aider dans cette tâche, il peut donc faire appel à
des institutions présentes dans l'entreprise (représentants du
personnel et assistant de prévention) et à des institutions
externes (inspection du travail ou organismes spécialisés) dont
le rôle sera étudié ultérieurement.45
B) Le règlement intérieur
L'employeur dispose d'une grande liberté concernant le
choix des moyens de prévention des risques psychosociaux et donc de
harcèlement sexuel. En revanche, le règlement intérieur
est une obligation qui s'impose à lui.
Le règlement intérieur est obligatoire quand au
moins 20 salariés sont occupés habituellement dans
l'entreprise46. Il permet de déterminer les conditions
d'exécution du travail , les obligations des salariés en
matière d'hygiène et de sécurité ainsi que les
règles de discipline47 .
Les articles L.1321-1 et L.1321-2 du Code du travail
précisent les clauses proscrites48 ainsi que celles qui sont
obligatoires et parmi ces dernières figurent celles relatives au
harcèlement moral mais aussi sexuel49.
Ainsi donc , doivent être inscrits dans ce
règlement intérieur les articles L.1153-1 à L.1153-6 du
Code du travail, relatifs au harcèlement sexuel. Les dispositions
relatives aux actions en justice liées au harcèlement
50 ainsi que les dispositions sur les sanctions pénales
liées aux discrimination en raison d'un harcèlement 51
doivent y figurer également .
43 ) Article L.2328-1 du Code du travail pour le CE / article
L.4742-1 du Code du travail pour le CHSCT / article L.2316-1 du code du travail
pour les délégués du personnel / article L.2146-1 du Code
du travail pour le droit syndical.
44 ) Article L.8114-1 du Code du travail.
45 ) Titre I, Chapitre II
46 ) Article L.1311-2 du Code du travail
47 ) Article L.1321-1 du Code du travail
48 ) Article L.1321-3 du Code du travail
49 ) Article L.1321-2, 2° du Code du travail
50 ) Articles L.1154-1 et L.1154-2 du Code du travail
51 ) Article L.1155-2 du Code du travail
23
En cas de modification ou de retrait de clause, les
formalités de mise en place du règlement intérieur
s'imposent. Si ces règles ne sont pas respectées, la modification
du règlement intérieur reste sans effet selon un arrêt de
la Chambre sociale du 4 juin 1969 (n°68-40.377). Ce fut notamment le cas
lorsque les articles du Code du travail furent modifiés par la loi du 6
août 2012 et par celle du 4 août 2014.
Ainsi , le projet de règlement intérieur est
soumis au CHSCT qui délivrera un avis sur les matières le
concernant. Ensuite, le Comité d'entreprise (CE) donne le sien ou ,
à défaut, les délégués du
personnel52.
Enfin, une fois que le règlement intérieur est
établi il est affiché « à une place convenable et
aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux
et à la porte des locaux où se fait l'embauche.
»53. Il est donc affiché dans deux endroits,
simultanément et ce, afin d'informer au mieux le personnel notamment en
ce qui concerne les faits de harcèlement moral ou bien sexuel.
Si le règlement n'est pas affiché, l'employeur
personne physique encourt une amende de 750 € et l'employeur personne
morale une amende de 3 750 € . Il s'agit de contraventions de la
quatrième classe à effet dissuasif afin de protéger au
mieux les droits des salariés.
Bien que le règlement intérieur soit une
obligation, d'autres documents peuvent être facultatifs. Il s'agit
notamment du cas de la charte éthique.
C ) La charte éthique
La charte éthique peut aussi être appelée
charte de bonne conduite. Il s'agit d'un document qui fixe un ensemble de
valeurs et de règles comportementales qu'une entreprise respecte et
souhaite faire respecter par ses salariés, dirigeants et parfois
même ses fournisseurs.
Cette charte vise à compléter les lois et
règlements ainsi qu'à sensibiliser les sujets de l'entreprise
afin de les pousser à avoir un comportement respectueux, convenable,
représentant au mieux la morale et l'image de l'entreprise .
Elle n'a pas de portée juridique et constitue seulement
un outil de communication avec les salariés. De plus, la circulaire DGT
(Direction Générale du Travail) 22 du 19 novembre 2008
considère que les dispositions de la charte peuvent être
considérées comme des adjonctions au règlement
intérieur et donc soumises au même régime que ce dernier.
La Cour d'Appel de Versailles a considéré dans un arrêt du
14 novembre 2007 (n°07-405)54 que la qualification
52 ) Article L.1321-4 du Code du travail
53 ) Article R. 1321-1 du Code du travail
54 ) La solution a été reprise par le Tribunal de
Grande Instance de Nanterre le 19 octobre 2007 (n°06-6460)
24
d'adjonction au règlement intérieur doit
être retenue dès lors que les dispositions de la charte
éthique relèvent essentiellement de la discipline et que leur
violation donne lieu à sanctions. Ainsi donc, cette qualification est
donc limitée selon la jurisprudence.
Concernant sa création, la charte de bonne conduite
peut être instituée par voie de convention ou d'accord collectif.
Cependant, le plus souvent il s'agit d'une décision unilatérale
de l'employeur prise en vertu de son pouvoir de direction.
Dans le cas où elle comporterait des dispositions
relevant du champ du règlement intérieur, elle doit être
soumise à l'avis des représentants du personnel puis
communiquée à l'inspecteur du travail accompagnée de
l'avis des représentants du personnel. Ensuite, elle devra être
affichée de la même manière que le règlement
intérieur soit, « à une place convenable et
aisément accessible dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux
et à la porte des locaux où se fait l'embauche. » .
En revanche, il n'y a pas de transmission obligatoire à
l'inspecteur du travail si elle ne comporte pas de dispositions relevant du
règlement intérieur ou si elle est élaborée dans
une entreprise employant moins de 20 salariés et ne comportant pas de
règlement. Toutefois, dans une telle situation , l'employeur pourra
prendre connaissance du règlement et ce, en raison de sa
compétence de contrôle de l'application de la législation
du travail. Il pourra alors établir des observations écrites si
certaines dispositions ne sont pas en adéquation avec ces normes .
Pour exemple , la Charte éthique EDF55 fixe
dans un premier temps les objectifs du groupe
en s'engageant notamment à :
- Assurer la sécurité et protéger les
personnes concernées par son activité, ainsi que la
sûreté
de ses installation et de ses ouvrages .
- Développer la compétence de ses salariés ,
reconnaître leur contribution, veiller à la qualité
de leur vie au travail et entretenir un dialogue constructif avec
eux et leurs représentants.
- Prévenir et traiter dans la vie au travail toute
situation d'injustice et de discrimination , ainsi
que toute situation de contrainte, de violence ou de
harcèlement.
- Être à l'écoute des parties prenantes de
son activité
- Garantir le droit d'alerte .
Par la suite , elle fixe les engagements de ses salariés
qui devront entre autres :
- Respecter les personnes et leurs droits , et s'interdire tout
comportement d'intolérance, de
discrimination ou de violence physique ou morale .
55 ) Annexe 3
25
- Travailler en se conformant aux règles de
sécurité et de protection de la santé.
De plus, le groupe EDF s'engage à respecter les Droits de
l'Homme ainsi que le Droit du travail .
D ) L'information et la formation des acteurs de
l'entreprise
· Informer constitue le commencement de la
prévention des actes de harcèlement sexuel. Il s'agit de
sensibiliser les sujets de l'entreprise sur ces phénomènes
perturbateurs et sur leurs conséquences. Une personne qui sait ce qu'est
un risque psychosocial pourra détecter plus simplement les
différents actes constitutifs et alerter au plus tôt sa
hiérarchie.
Pour débuter il y a bien évidemment l'affichage
des textes par l'employeur (règlement intérieur et charte
éthique) mais aussi de possibles sessions de formation sur ces
sujets.
Selon l'article L.4141-1 du Code du travail, l'employeur doit
délivrer aux salariés lors de l'embauche et aussi chaque fois que
nécessaire , une information relative aux risques liées à
leur santé et à leur sécurité.
Concernant l'affichage de textes , les employés
doivent avoir accès au règlement intérieur qui comporte
des dispositions relatives au harcèlement sexuel notamment. Au
même endroit doit se trouver l'avis indiquant les modalités
d'accès au document unique d'évaluation des risques
professionnels 56.
Ensuite, l'article L.1153-5 du Code du travail prévoit
que l'article 222-33 du Code pénal relatif au harcèlement sexuel
doit être affiché dans le lieu de travail et dans les locaux ou
à la porte des locaux où se fait l'embauche. Ceci permet donc
d'informer les salariés sur le fait que le harcèlement est un
délit sévèrement puni. Cependant, chose surprenante,
l'employeur n'encourt aucune sanction si il manque à cette obligation
d'affichage de l'article 222-33 du Code pénal.
De plus , certaines coordonnées doivent aussi être
affichées selon l'article D.4711-1 du Code
du travail telles que celles :
- du médecin du travail
- de l'inspection du travail compétente ainsi que de
l'inspecteur compétent
- des services de secours
Le manquement à cette obligation est puni d'une amende
prévue pour les contraventions de
4ème classe et est appliquée autant de fois qu'il
y a de personnes employées dans les conditions
56 ) Supra
26
susceptibles d'être sanctionnées57.
Enfin, pour aider l'employeur à remplir cette
obligation, le gouvernement a mis en place des affichettes pouvant être
utilisées afin d'informer les salariés 58.
· La formation quant à elle ne manque pas
d'importance. Il s'agit aussi d'un bon moyen de prévention des risques
psychosociaux.
Des formations peuvent seulement viser une certaine
catégorie du personnel comme par exemple le personnel des ressources
humaines qui a pour mission de définir et de piloter la mise en oeuvre
de la politique de prévention, de traiter des alertes.
Elles peuvent aussi cibler l'ensemble des salariés afin
de les aider à gérer plus facilement leur stress ou à
développer des capacités psychologiques telles que le
contrôle des émotions ou l'adoption d'attitudes mentales
efficaces. Ceci est d'ailleurs très en vogue actuellement dans les
grandes entreprises.
La formation des managers n'est pas à sous-estimer. En
effet , selon le rapport Nasse et Légeron de 200859 , la
formation des managers doit « inclure une dimension humaine de la gestion
des entreprises en mettant l'accent sur l'impact psychologique et les effets
sur la santé non seulement des organisations de travail mais aussi des
méthodes de management des hommes ».
Ils bénéficient d'une proximité certaine
avec les salariés et sont ainsi les mieux placés pour
détecter des signes témoignant d'un harcèlement sexuel .
De plus, étant gestionnaires , certaines méthodes de gestion
peuvent être facteurs de stress ou même de harcèlement , ils
doivent donc être préparés afin d'accéder aux
objectifs demandés par la hiérarchie tout en respectant la
santé mentale des salariés dont ils sont responsables.
De nombreux organismes dispensent de telles formations
relatives au management, à l'accompagnement des salariés en
souffrances, à la détection des cas de souffrance ... Ces
formations entrent dans le cadre de la formation professionnelle continue.
Elles s'effectuent donc pendant l'horaire habituel de travail et donnent lieu
au versement normal de la rémunération du
salarié60. Le coût des actions de formation est
à la charge de l'employeur . Mais, si il occupe au moins 10
salariés, il pourra ,sous conditions, imputer le coût des ces
formations sur la participation-
57 ) Article R.4741-3 du Code du travail
58 ) Annexe 4
59 ) Nasse Ph. Et Légeron P-Y., Rapport sur la
détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au
travail, mars 2008
60 ) Article L.6321-2 du Code du travail
27
formation continue ou bien, si il adhère à un
fond d'assurance formation, en demander la prise en charge ou le remboursement
à cet organisme. En revanche, si il y a moins de 10 salariés,
l'employeur ne pourra que demander la prise en charge du coût de ces
formation auprès de l'organisme collecteur.
Enfin, les membres du CHSCT ou, à défaut de
CHSCT, les délégués du personnel assurant les attributions
de ce dernier pourront bénéficier, dès leur
première désignation, d'une formation d'au moins 3
(établissements de moins de 300 salariés) ou 5 jours
(établissements de plus de 300 salariés)61 ayant pour
objet de développer leur aptitude à déceler et à
mesurer les risques professionnels . Cette formation doit être
renouvelée quand ils ont exercés leur mandat pendant 4 ans
consécutifs ou non62.
Concernant les organismes formateurs, l'employeur pourra se
tourner vers l'ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des
conditions de travail ), l'INRS ( Institut national de recherche et de
sécurité pour la prévention des accidents du travail et
des maladies professionnelles) ou encore le RFFST ( Réseau francophone
de formation en santé au travail).
E) Le droit d'alerte des salariés
Il s'agit d'un dispositif spécifique permettant
à l'employeur d'être prévenu de l'émergence dans
l'entreprise d'un risque psychosocial faisant courir un danger immédiat
à la personne qui en est victime. Ceci est très utilisé
dans les situations de harcèlement et de violence envers un
salarié.
L'intérêt de mettre en place un tel dispositif
est de pouvoir repérer et faire cesser une situation qui pourraient
avoir des effets néfastes sur la santé et la
sécurité des travailleurs. De plus, ces effets pourraient avoir
pour conséquence d'affecter la quantité et la qualité du
travail.
Le législateur a donc mis en place l'article L.4131-1
du Code du Travail qui dispose que « le travailleur alerte
immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un
motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent
pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité
qu'il constate dans les systèmes de protection ».
Dans son rapport, La responsabilité du
salarié en matière de santé et prévention des
risques
61 ) Article L.4614-15 du Code du travail
62 ) Article L.4614-14 du Code du travail
28
professionnels 63, A.Coeuret démontre
que plutôt que de délivrer un droit aux salariés, le texte
institue ,en vérité, une véritable obligation. Cette
disposition faisait d'ailleurs l'objet d'un article 13.2 dans la
directive-cadre du 12 juin 198964 ce qui prouve toute sa
portée obligatoire.
Par ailleurs, l'alerte, bien que devant être
initiée par la victime , peut être initiée par autrui. Ceci
est appréciable dans la situation où un salarié serait au
courant d'agissements répréhensibles sur la personne d'un
collègue de travail. Cependant aucune disposition législative ne
prévoit une quelconque procédure relative à un tel cas de
figure.
Seul l'article 4 § 1 de l'ANI sur le harcèlement
et la violence au travail65 prévoit que « lorsqu'une
situation de harcèlement ou de violence est repérée ou
risque de se produire, le salarié peut recourir à la
procédure d'alerte prévue en cas d'atteinte au droit des
personnes ». Cette disposition semble minime face aux risques qu'un
harcèlement sexuel peut engendrer. Un réel vide juridique
subsiste donc ici. Seule la protection du salarié qui témoigne
semble établie par l'article L.1153-3 du Code du
travail66.
Ainsi donc, il semble judicieux pour l'employeur de mettre en
place un dispositif spécial concernant ce droit d'alerte. Ceci peut
être mis en place par le biai d'une charte de prévention des
harcèlements. C'est notamment le système choisi par la
Société Air France qui a mis en place tout d'abord un processus
informel avec une phase d'écoute et de résolution du
problème en lien avec des acteurs tels que le responsable des ressources
humaines , le médecin du travail, l'assistante sociale.
Cependant si ce dispositif informel n'est pas venu à
bout du problème, un recours devant la commission locale composée
d'un responsable des ressources humaines, d'un médecin du travail, d'une
assistante sociale, d'un représentant du personnel au CHSCT et d'un
cadre peut être formé.
La commission devra alors établir des mesures
motivées et veiller à leur bonne application.
Concernant les précautions à prendre avant
d'instituer un dispositif spécifique d'alerte, l'employeur doit garder
à l'esprit que ceci doit rester un complément des
prérogatives des représentants du personnel notamment celles du
CHSCT ou des délégués du personnel67.
Il conviendra aussi de se tenir à une obligation de
discrétion et de confidentialité pendant cette
63 ) Coeuret A., La responsabilité du salarié en
matière de santé et prévention des risques professionnels,
Rapp.C.cass 2002
64 ) Supra
65 ) Supra
66 ) L'article L.1153-3 du Code du travail dispose que
«Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut
être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure
discriminatoire pour avoir témoigné de harcèlement sexuel
ou pour les avoir relatés. »
67 ) Infra Titre I, Chapitre II
29
procédure. Ainsi, la protection des données
personnelles occupera une place primordiale . Il est important de rappeler ceci
notamment dans le cas où la procédure d'alerte pourrait
être mise en oeuvre à l'aide d'une adresse électronique
censée recueillir tout signalement. De telles données seront donc
protégées par la loi « Informatique et libertés
» du 6 janvier 1978 modifiée maintes fois et dernièrement
par la loi du 17 mars 2014. Concernant les dispositifs d'alerte en
matière de discrimination et de harcèlement , le traitement
automatisé des données doit être autorisé par la
CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés). Les
demandes d'autorisation étant traitées au cas par cas, il est
conseillé à l'employeur de contacter directement la CNIL.
Enfin, dernier élément subjectif mais non des
moindres, ce dispositif d'alerte devra véritablement favoriser la
sincérité des acteurs de la mise en oeuvre dudit dispositif. En
effet, une dénonciation erronée et volontairement
mensongère pourra justifier une sanction disciplinaire et même un
licenciement et, dans les cas les plus extrêmes, être
considérée comme une diffamation ou une dénonciation
calomnieuse punies pénalement par les articles R.621-1 et 226-10 du Code
pénal .
F) La mise en place de la démarche QVT
C'est donc par un ANI du 19 juin 2013 qu'un cadre
général dans lequel entre la QVT a été
proposé notamment par le réseau ANACT (Agence nationale pour
l'amélioration des conditions de travail).
Le but est de promouvoir « les conditions dans lesquelles
les salariés exercent leur travail et leur capacité à
s'exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci. » Ces
éléments déterminent la perception de la qualité de
vie au travail qui en résulte .
Mettre en place une démarche QVT n'est pas obligatoire
mais demeure tout de même intéressant dans la mesure où la
qualité de vie au travail est intimement liée avec la
qualité des prestations fournies et donc de la bonne marche de
l'entreprise. C'est donc par le biai de formations du personnel et de
questionnaires sur la qualité de vie des travailleurs que peut se faire
une première approche. Une phase d'expérimentation peut ensuite
permettre d'explorer une nouvelle manière de travailler, un nouveau
fonctionnement qui intègrent performance et conditions d'emploi et de
travail en tirant des conclusions des résultats des enquêtes
menées dans l'entreprise.
La démarche étant nouvelle ; peu de
démarches QVT ont été initiées depuis l'ANI de
2013. Cependant cette démarche expérimentale pourrait bien se
développer largement étant donné la place de plus en plus
omniprésente des conditions de vie au travail et de la prévention
des risques psychosociaux.
30
Chapitre 2 ) Le rôle des institutions internes et
externes
Bien que l'employeur occupe une place majeure dans la
prévention des actes de harcèlement sexuel dans son entreprise ,
il n'est pas le seul acteur tenu de jouer un rôle actif.
En effet, les institutions représentatives du personnel
(Section 1) tiennent une place essentielle et ce, parce qu'elles doivent
être à l'écoute permanente des salariés ce qui en
fait des acteurs de choix étant donné qu'il leur est plus simple
de déceler une éventuelle anomalie, un éventuel risque de
harcèlement sexuel.
Néanmoins, cette prévention des risques
psychosociaux dont fait partie le harcèlement sexuel ne peut pas se
faire sans l'intervention de services extérieurs à l'entreprise
(Section 2). Ceci peut notamment se justifier par le fait que certains services
extérieurs sont spécialisés et disposent de connaissances
techniques approfondies.
Section 1 ) Le rôle des institutions
représentatives du personnel
Parmi les institutions représentatives du personnel
pouvant trouver leur place ici , une part importante sera laissée au
CHSCT , véritable acteur principal de la prévention du
harcèlement sexuel et des autres risques psychosociaux dans l'entreprise
(A) puis seront explorées les missions des délégués
du personnel (B) , du Comité d'entreprise (CE) ( C) puis des
organisations syndicales (D).
A) La place primordiale du Comité
d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail
(CHSCT)
Le CHSCT est régi par les articles L.4612-1 et suivants
du Code du travail.
Il s'agit de l'institution chargée tout
spécialement de veiller à la santé au travail. Il doit
être obligatoirement constitué dans les établissements
occupant au moins 50 salariés, si ce seuil a été atteint
pendant 12 mois consécutifs ou non au cours des trois dernières
années précédentes selon l'article 4611-1 du Code du
travail. Il est possible de voir plusieurs CHSCT au sein d'un même
établissement lorsque celui-ci occupe au moins 500 salariés. Si
une entreprise ne dispose pas de CHSCT, ce sont les
délégués du personnel qui exerceront ses missions.
Le CHSCT est composé de l'employeur ou de son
représentant qui préside le CHSCT , une délégation
du personnel, le médecin du travail et le chef du service
sécurité (tous deux assistants
31
aux séances du comité).
Le CHSCT a donc pour mission de contribuer à la
santé physique et mentale et à la sécurité des
salariés de l'établissement ainsi que de ceux mis à
disposition par une entreprise extérieure. Il doit aussi tendre à
améliorer les conditions de travail et veiller au respect de la
réglementation en la matière.
Pour ce faire, il se doit d'analyser les risques auxquels
peuvent être soumis les salariés . Il peut donc procéder
à des inspections et mener des enquêtes. Il joue alors un
rôle important en ce qui concerne la prévention des risques
psychosociaux. En effet, il peut proposer des actions de prévention du
harcèlement moral mais aussi sexuel selon l'article L.4612-3 du Code du
travail. L'employeur qui refuserait de mettre en oeuvre les actions de
prévention du CHSCT devra motiver sa décision68.
Ensuite, le CHSCT dispose d'attributions consultatives. En
effet, sous peine de délit d'entrave69 , il doit être
consulté par l'employeur avant toute décision
d'aménagement important qui modifie les conditions de santé et de
sécurité ou les conditions de travail et ce, avant la
consultation du comité d'entreprise. Il doit aussi être
consulté en cas de projets d'introduction de nouvelles technologies et
les conséquences de ce projet sur la santé et la
sécurité des travailleurs. L'article L.4612-8 du Code du travail
prévoit aussi qu'il doit être consulté sur la mise en place
d'entretiens individuels d'évaluation des salariés. Il
paraît aussi utile de rajouter que le CHSCT peut faire appel à un
expert afin de rendre un avis suffisamment réfléchi et en toute
connaissance de cause70.
De plus, au moins une fois par an, l'employeur doit soumettre
à l'avis du CHSCT un rapport écrit faisant le bilan de la
situation générale de l'hygiène,de la
sécurité et des conditions de travail dans l'établissement
et, sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et
d'amélioration des conditions de travail.
Enfin, face à un danger et notamment face à un
cas de harcèlement sexuel dans l'établissement, le CHSCT a un
rôle d'autant plus fondamental. Cette institution doit savoir faire face
au risque, doit être à l'écoute des salariés. Elle
doit donc prendre en compte et porter un intérêt particulier aux
plaintes des personnes se disant victimes d'un harcèlement et agir en
usant
68 ) Article L.4612-3 du Code du travail
69 ) L'article L.4741-1 du Code du travail prévoit une
peine d'emprisonnement d'un an et d'une amende de 3750 €.
70 ) Ceci est prévu par l'article L.4614-12 du Code du
travail mais seulement en cas de risque grave, révélé ou
non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à
caractère professionnel ou en cas de projet important de modification
des conditions de travail ou de santé et de sécurité. Le
harcèlement sexuel entre dans la première catégorie car
pouvant constituer un accident du travail.
32
d'enquêtes et d'inspections. Si le cas semble
véritablement avéré, le CHSCT peut entrer dans une phase
offensive qui est la procédure d'alerte prévue par les articles
L.4132-1 et suivants du Code du travail.
La procédure peut donc être introduite par un
représentant du CHSCT qui aurait constaté de par lui-même
ou de par l'intermédiaire d'un salarié qui aurait
témoigné ou aurait fait usage de son droit de retrait, une
situation de danger grave et imminent en alertant l'employeur.
L'avis d'un expert peut également être
sollicité.
Le représentant en question va alors consigner son avis
sur un registre spécialement tenu à cet effet dans l'entreprise.
L'employeur aura alors l'obligation de procéder à une
enquête immédiate avec, à ses côtés, le
représentant. Selon un arrêt de la Chambre sociale du 10 octobre
1989 (n°86-44.112) l'employeur ne peut pas refuser au représentant
de se rendre sur les lieux, ni de lui fournir à cet effet les moyens
nécessaires.
L'enquête devra alors déboucher sur des mesures
à prendre afin de faire cesser le risque au plus vite. Dans le cas d'un
harcèlement sexuel ceci peut passer par la convocation de l'auteur du
harcèlement , la mise en oeuvre de sanctions disciplinaires ou
l'affectation dans un autre service si ceci est possible.
Cependant, si divergence il y a sur l'effectivité du
danger ou sur les mesures à prendre, le CHSCT doit être
réuni d'urgence dans un délai maximal de 24 heures. A
défaut d'accord entre l'employeur et le CHSCT sur les mesures à
prendre et leurs conditions d'exécution, l'employeur doit saisir
l'inspection du travail qui peut utiliser la procédure de mise en
demeure ou saisir le juge des référés quand les faits
présentent un danger grave et imminent. Il convient de noter que cette
procédure d'alerte a plus une visée curative que
préventive vu qu'elle tente de remédier à une situation
dont le risque a été réalisé ou dont la
réalisation semble imminente, plutôt que de prévenir
véritablement le risque.
Ainsi donc le CHSCT dispose de moyens d'analyse, de
consultation et d'une procédure d'alerte afin de préserver les
salariés ; moyens qui peuvent être utilisés dans le cas
étudié du harcèlement sexuel.
B) Les missions des délégués du
personnel
Dans un établissement de moins de 50 salariés,
les délégués du personnel sont investis des missions
dévolues normalement au CHSCT qu'ils exercent pendant leurs heures de
délégation (articles L.4611-3 et L.2323-16 du Code du travail).
Un ANI du 13 septembre 2000 sur la santé au
33
travail et la prévention des risques professionnels
prévoit que dans un établissement dont l'effectif est compris
entre 11 et 50 salariés, les délégués du personnel
doivent s'occuper des activités de prévention des risques
professionnels.
Dans un établissement de plus de 50 salariés et
à défaut de CHSCT ,notamment en cas de carence de candidats, les
délégués du personnel ont les mêmes missions ainsi
que les mêmes moyens que les membres du CHSCT selon les articles L.4611-2
et L.2323-6 du Code du travail.
Cependant, ce n'est pas l'instance de représentation du
personnel la plus sollicitée en matière de prévention Or,
les délégués du personnel peuvent présenter
à l'employeur des réclamations individuelles ou collectives
relatives à la santé et à la sécurité ce qui
constitue un moyen de collaboration avec le CHSCT.
De plus, les délégués du personnel
peuvent être alertés et alerter aux-mêmes l'employeur de
situations pouvant être à l'origine de troubles
psychosociaux71. L'alerte peut être mise en oeuvre pour des
atteintes au droit des personnes ou une atteinte à leurs libertés
individuelles non justifiée par la nature de la tâche à
accomplir ou encore, pour des faits de discrimination et même pour des
faits de harcèlement moral ou bien sexuels qui portent atteinte à
la dignité des salariés et comportent des risques pour leur
santé mentale et même physique.
L'employeur devra procéder à une enquête
avec le délégué du personnel afin de remédier
à la situation à risque, si le cas l'impose. Durant cette
enquête les délégués du personnel doivent respecter
les droits de la personne mise en cause . Dans un arrêt de la Chambre
criminelle du 3 avril 2002 (n°01-86.730), deux
délégués du personnel ont été
condamnés pour diffamation non publique et ce, pour avoir affiché
dans un local de l'entreprise réservé au personnel, une note
laissant clairement entendre qu'un dirigeant, contre lequel était
menée une enquête, était impliqué dans des faits de
harcèlement sexuel . Ceci portait donc atteinte à sa
présomption d'innocence ; les délégués du personnel
doivent donc se montrer prudent et agir avec discrétion.
La demande d'enquête ne répond à aucun
formalisme défini mais il est conseillé qu'elle soit
écrite afin de constituer plus facilement une preuve si le juge devait
être saisi par la suite72. En effet,si il y a carence de la
part de l'employeur ou divergence sur la situation à risque, les
délégués du personnel peuvent saisir le Conseil de
prud'hommes qui statut en sa formation de référé si le
salarié intéressé par le risque ne s'y oppose pas. Le juge
pourra ordonner toute mesure afin de faire cesser l'atteinte. Cela passe par
exemple par l'ouverture d'une enquête, le rétablissement dans
ses
71 ) Article L.2313-2 du Code du travail
72 ) Lefebvre F., Harcèlement et risques psychosociaux ,
Ed.Francis Lefebvre , 2012
34
fonctions antérieures d'un salarié dont le
contrat aurait pu être modifié pour motif discriminatoire. Le juge
peut également assortir sa décision d'une astreinte afin de
contraindre l'employeur d'exécuter la décision donnée.
Cependant, cette procédure s'avère plus
offensive que préventive puisqu'il faut là aussi encore, comme
dans le cas du CHSCT, que le risque soit réalisé. Cette
procédure semble donc être un moyen de prévention
inadapté parce qu'elle se situe en aval du risque mais elle ne doit pas
être négligée car elle garde une grande part
d'utilité .
C ) Les missions du Comité d'entreprise
(CE)
Le CE est constitué dans le cadre de l'entreprise
dès lors qu'elle occupe au moins 50 salariés. Sa mise en place
est obligatoire si l'effectif de 50 salariés est atteint pendant 12
mois, consécutifs ou non, au cours des trois années
précédentes. Dans les entreprises de moins de 50 salariés,
des CE peuvent être créés par convention ou accord
collectif de travail.
Le CE est composé de l'employeur ou de son
représentant et d'une délégation du personnel .
Les problèmes généraux concernant les
conditions de travail relèvent de la compétence du CE
73. Le CE doit assurer une expression collective des salariés
permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts.
Il doit être consulté en cas de projet important
susceptible d'avoir un impact sur les conditions de travail. Il peut aussi
créer une commission d'examen pour des problèmes particuliers ;
il est donc possible d'en créer une sur le harcèlement au travail
qu'il soit moral ou sexuel. Il peut aussi, dans cette même optique de
prévention, organiser des réunions d'information pour le
personnel qui porterait sur des problèmes actuels 74.
Dans les entreprises de moins de 300 salariés, le bilan
social récapitule en un document unique les principales données
permettant d'apprécier la situation de l'entreprise dans le domaine
social. Ce bilan comporte des informations sur l'emploi, sur les conditions
d'hygiène et de sécurité, les relations
professionnelles... Le CE émet chaque année un avis sur le bilan
social ce qui lui permet d'avoir notamment une vision sociale de l'entreprise
.
De plus, le CE exerce un rôle dans le contrôle des
salariés. Il doit être informé et consulté sur les
moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des
salariés, sur les projets
73 ) Article L.2323-27 du Code du travail
74 ) Article L.2325-13 du Code du travail
modifiant les conditions de travail, après consultation
et avis du CHSCT . Il collabore ainsi avec ce dernier.
En cas de non-respect de l'obligation de consultation du CE,
le dispositif de contrôle ou d'évaluation des salariés leur
est inopposable, les éléments de preuve obtenus au moyen d'un tel
dispositif ne sont pas retenus et l'employeur peut être puni pour
délit d'entrave au fonctionnement régulier du CE (article
L.2328-1 du Code du travail).
Donc, le CE exerce des missions en lien étroit avec le
CHSCT ainsi que des missions plus générales pouvant concerner les
risques psychosociaux et plus particulièrement de harcèlement
sexuel dans l'entreprise. Malgré la place importante du CHSCT en
matière de santé et de sécurité au travail , le CE
trouve tout de même une place non négligeable complétant
l'action du CHSCT.
D) La mission des organisations syndicales
L'intervention des organisations syndicales n'est pas
prévue par un texte et demeure très restreinte en matière
de prévention des risques psychosociaux.
Elles disposent cependant de la possibilité
d'intervenir judiciairement. En effet, dans un arrêt Snecma de la Chambre
sociale du 5 mars 2008 (n°06-45.488) un employeur souhaitait mettre en
place dans son entreprise une nouvelle organisation du travail qui aurait
entraîné l'isolement d'un salarié chargé seul
d'assurer la garde et la maintenance de jour. Le CHSCT et le CE avaient
donné un avis défavorable mais l'employeur décidait quand
même de mettre en oeuvre cette nouvelle organisation. Une organisation
syndicale a alors saisit le Tribunal de grande instance (TGI) en demandant
à ce que le juge défende à l'employeur la mise en place du
dispositif. La Cour de cassation après avoir confirmé la
décision de la Cour d'appel qui suspendait la mise en oeuvre de cette
organisation a aussi rappelé qu'il est interdit à l'employeur de
prendre des mesures de nature à compromettre la santé et la
sécurité des salariés.
Les organisations syndicales disposent donc d'une vigilance
judiciaire de prévention qui, une fois mise en oeuvre, peut aboutir
à une mesure judiciaire de suspension. Ces organisations entretiennent
donc des liens quelques peu étroits avec le CHSCT et le CE et peuvent
agir elles mêmes contrairement aux autres institutions.
35
Section 2) Le rôle de services extérieurs
à l'entreprise
36
Les IRP se tenant dans l'entreprise peuvent aussi être
relayées et voir leurs actions complétées par des services
extérieurs à l'entreprise. Ceci semble justifié par le
fait que ces acteurs extérieurs disposent de connaissances techniques
particulières mais aussi parce que les risques psychosociaux dont fait
partie le harcèlement sexuel concernent de nombreux acteurs
exerçant leurs missions dans le domaine de la santé au travail.
Il y a donc le service de santé au travail (a) très largement
composé , la CARSAT (b), le réseau ANACT-ARACT (c ) et
l'inspection du travail (d) au rôle plus restreint.
A) Le rôle du service de santé au
travail
A la base, le service de santé au travail se
dénommait « service de médecine du travail ». Le
changement de dénomination a été opéré par
la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 75ce qui montrait
déjà l'évolution du service vers une approche globale de
la prévention des risques professionnels. La protection de la
santé des travailleurs ne se fait plus uniquement au niveau de la
santé physique mais se fait aussi désormais au niveau de la
santé mentale. Ce service est donc pluridisciplinaire.
Dans un accord du 23 mars 2010 sur le harcèlement et la
violence au travail76, les signataires de l'accord on rappelé
que les services de santé au travail qui associent « des
compétences médicales et pluridisciplinaires sont des acteurs
privilégiés de la prévention du harcèlement et de
la violence au travail. Outre le rôle d'information et de sensibilisation
des salariés ou de l'employeur confrontés à ces
phénomènes, ils peuvent participer à l 'élaboration
de formations adaptées et d'une politique de sécurité, au
niveau approprié de l'entreprise ». De plus, le médecin
du travail « joue dans ce cadre un rôle particulier tenant au
respect du secret médical tel qu'il est attaché à sa
fonction et auquel il est tenu ».
Tout employeur visé par l'article L.4111-1 du Code du
travail doit organiser ou bien rejoindre un service de santé au travail
selon l'article L.4621-1 du Code du travail. Il doit, de plus, afficher dans
les locaux accessibles par ses salariés l'adresse et le numéro du
médecin du travail ou du service médical du travail
compétent pour l'établissement.
Le service peut être un service propre à
l'entreprise (service autonome) ou bien un service organisé en commun
avec d'autres entreprises (service inter-entreprises). La constitution de ces
services dépend de l'importance de l'entreprise, des ses effectifs
notamment77.
75 ) Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation
sociale
76 ) Étendu par un arrêté du 23 juillet
2010
77 ) Babin M., Santé et sécurité au travail
, Ed.Lamy, Coll.Axe Droit, 2011
37
Dans ce service , le médecin du travail occupe un
rôle essentiel.
Il se doit d'assurer le suivi médical individuel des
salariés lors de ses visites et de développer des actions
notamment par le biai de l'évaluation des risques professionnels.
Au niveau de la prévention, le médecin du
travail participe à la prévention collective et ce, en
collaborant à la veille sanitaire, en s'inscrivant dans le plan
régional et national de santé au travail par la
réalisation d'enquêtes ou d'études . Il peut aussi
réaliser des actions de prévention dans les entreprises.
En effet, selon la circulaire DRT du 7 avril 200578
, « l'action du médecin du travail sur le milieu de travail
consiste dans la préparation, la réalisation et les suites
immédiates d'une intervention au bénéfice d'une entreprise
ou de plusieurs entreprises préalablement identifiées.
». Pour mener à bien ses missions dans le but
d'améliorer les conditions de travail, il a libre accès aux lieux
de travail et assiste, avec voix consultative, aux réunions du CHSCT.
Ensuite, le médecin du travail est amené
à créer des documents. Il doit établir une fiche
d'entreprise79. Elle consigne les risques professionnels et les
effectifs qui y sont exposés mais malheureusement les risques
psychosociaux ne peuvent être recensés sur cette fiche, ce qui
reste dommageable. Malgré cela le médecin peut établir des
rapports et des études permettant de recenser alors les risques
psychosociaux dans l'entreprise. Ces documents sont ensuite communiqués
au CHSCT ou à défaut , aux délégués du
personnel. Il établit d'ailleurs un rapport annuel d'activité
propre à l'entreprise si celle-ci compte plus de 300 salariés. Ce
document peut permettre de révéler l'existence de troubles
psychosociaux que ce soient des situations de stress ou de harcèlement.
De par sa connaissance des risques, le médecin du travail est un
partenaire privilégié dans leur prévention .
Puis, le médecin du travail effectue le suivi
médical des salariés qui est défini par la circulaire DRT
n°3 du 7 avril 2005 comme « l'ensemble des moyens mis en oeuvre
par le médecin du travail, dans le cadre du colloque singulier, afin de
recueillir les informations sur la santé des salariés et sur le
lien entre sa santé et sa situation de travail. Cet examen permet
à la fois, de dégager des mesures individuelles
appropriées et de recueillir des informations utiles pour l'action sur
le milieu de travail ». Ainsi donc, le suivi médical est
très étendu puisqu'il permet de révéler des risques
éventuels dans l'entreprise; le médecin du travail ne peut pas se
borner à une simple
78 ) Circulaire DRT n° 2005-03 du 7 avril 2005 relative
à la réforme de la médecine du travail
79 ) Articles D.4624-34 à D.4624-41 du Code du travail
38
analyse et des préconisations. En matière de
risques psychosociaux, le cabinet médical est souvent le premier lieu
d'expression du mal-être dans l'entreprise notamment en raison du secret
médical qui motive les salariés à se confier.
Ces visites permettent donc au médecin du travail
d'identifier des risques et de mettre en oeuvre des actions de
prévention ciblées.
De plus, en cas de constations d'un risque, le médecin
du travail doit proposer par un écrit motivé et
circonstancié des mesures. L'employeur doit prendre en
considérations ces propositions et si il refuse, il doit faire
connaître par écrit les motifs qui s'opposent à ce qu'il y
soit donné suite. Le CHSCT, l'inspecteur du travail, le médecin
inspecteur du travail ou les agents de prévention des organismes de
sécurité sociale peuvent avoir accès à ces
éléments.
Le médecin du travail peut aussi faire appel aux
compétences des CARSAT (Caisse d'assurance retraite et de la
santé au travail), de l'OPPBTP (Organisme professionnel de
prévention du bâtiment et des travaux publics) ou des associations
du réseau de l'ANACT (Agence nationale pour l'amélioration des
conditions de travail) ou, encore, des intervenants dont les compétences
ont été reconnues par ces organismes pré-cités,
afin de s'atteler à la prévention des risques.
Ainsi donc, un intervenant en prévention des risques
professionnels (IPRP) peut être sollicité afin d'apporter un appui
dans la démarche de prévention et notamment définir les
mesures à prendre en matière de santé et de
sécurité et d'amélioration des conditions de travail. Il
doit mettre en oeuvre des compétences médicales, techniques et
organisationnelles mais il ne peut pas effectuer des actes relevant de la
compétence du médecin du travail. L'IPRP a accès aux
informations relatives aux risques mais dans les conditions garantissant le
caractère confidentiel des données ainsi que la protection des
informations couvertes par le secret industriel. Il peut aussi consulter le
document unique80 et avoir connaissance des actions menées
par l'employeur. L'IPRP agit en collaboration étroite avec le
médecin du travail qui reçoit les informations
collectées.
Afin que l'intervenant agisse dans l'entreprise, une
convention est signée entre cette dernière et le service de
santé. Elle précise les activités qui seront
confiées à l' IPRP ainsi que les moyens qui lui seront
offerts81. L'avis du CHSCT et du CE doit être sollicité
avant la signature de la convention. Ce mécanisme est le
conventionnement.
Il est aussi possible d'avoir recours à l'emploi
salarié où l'entreprise embauche une personne physique en vue de
lui confier une mission de sécurité ou de santé au
travail.
80 ) Supra
81 ) Notamment l'accès aux lieux de travail.
39
B) Le rôle de la CARSAT (Caisse d'assurance
retraite et de la santé au travail)
Les organismes de sécurité sociale jouent un
rôle non négligeable en matière de prévention.
Les CARSAT notamment peuvent faire procéder à
des enquêtes en ce qui concerne les conditions de santé et de
sécurité au travail. Ces enquêtes sont effectuées
par les contrôleurs de sécurité et les
ingénieurs-conseils. Ces derniers participent à
l'élaboration et la mise en oeuvre des actions de prévention
visant directement ou indirectement les entreprises. Les équipes sont
composées d'ergonomes, de psychologues, d'experts. Une telle
diversité permet de toucher un maximum de points dans les
entreprises.
Avant d'entrer en fonction, les ingénieurs conseils
prêtent ,devant le juge d'instance, serment de ne rien
révéler sur les secrets de fabrication et les autres
procédés dont ils pourraient avoir connaissance lors de leurs
missions. La CARSAT, l'inspection du travail et l'inspection médicale du
travail peuvent tout de même échanger des informations entre
elles.
C) Le rôle du réseau ANACT (Agence
nationale pour l'amélioration des conditions de travail) - ARACT
(Association régionale pour l'amélioration des conditions de
travail)
Ce réseau propose un appui de nature
méthodologique au service des acteurs de l'entreprise en ce qui concerne
le travail, son organisation et la prévention des risques.
Ce réseau est doté de missions
générales qui sont définies par l'article R.4642-2 du Code
du travail qui dispose que « L' Agence nationale pour
l'amélioration des conditions de travail a pour objet d'entreprendre et
de favoriser toute action tendant à améliorer les conditions de
travail, notamment dans les domaines suivants . ·
1° L'organisation du travail et du temps de travail
;
2° L'environnement physique du salarié et
l'adaptation des postes et locaux de travail ;
3° La participation des salariés à
l'organisation du travail ;
4° Les méthodes d'étude et
d'appréciation des conditions de travail. A cette fin, elle est
chargée, en particulier . ·
a) De rassembler et diffuser l'information utile ;
b) D'organiser des échanges et des rencontres
;
c) De coordonner et susciter des recherches ;
d) D'inciter les constructeurs à concevoir des
machines et des bâtiments industriels adaptés ;
e) D'apporter son concours à des actions de formation
;
f) De susciter et d'encourager le développement
d'opérations et d'expériences dans les services
40
publics et les entreprises, notamment en fournissant des
informations et en donnant la possibilité de consulter des experts.
»
C'est donc à la demande de l'entreprise que le
réseau peut intervenir pour la promotion de la santé au travail,
les conditions de travail, la gestion du travail et développer des
actions de prévention des risques professionnels et des risques
psychosociaux, dont le harcèlement sexuel, bien entendu.
Ces interventions peuvent être courtes notamment dans le
cadre d'une PME. Elles durent 5 jours en moyenne et sont gratuites. D'une
manière générale, elles sont sollicitées dans la
phase amont d'un projet de l'entreprise.
Aussi, ces interventions peuvent être plus longues et
consister en l'accompagnement de l'entreprise pour la conduite d'un projet ou
bien la formations d'acteurs de l'entreprise tels que les représentants
du personnel. En revanche, ces interventions sont payantes mais peuvent
justifier le bénéfice d'une subvention du FACT (Fonds pour
l'amélioration des conditions de travail)82.
D) Le rôle de l'inspection du
travail
De manière générale, l'inspection du
travail est chargée de veiller à l'application de la
réglementation relative au travail et doit donc par la même
occasion participer à la prévention des risques professionnels et
à l'amélioration des conditions de travail (article R.8112-1 du
Code du travail) . Elle est aussi chargée de constater les infraction
à ces dispositions par procès verbal.
Cependant, ses moyens d'action semble limités en
matière de prévention des risques psychosociaux.
L'inspecteur dispose d'un droit d'entrée dans
l'entreprise afin de procéder à la surveillance et à
l'élaboration d'enquêtes. Si quelqu'un s'y oppose et fait obstacle
à l'exercice de cette fonction, ceci constitue un délit passible
d'un emprisonnement et d'une amende 83. Le CHSCT doit être
averti de la présence de l'inspecteur et peut lui présenter des
observations84 . Les délégués du personnel,
quant à eux, peuvent l'accompagner et lui soumettre la consultation de
leur registre en supplément des documents auxquels il a accès.
82 ) Selon le site internet
www.anact.fr , le montant de la
subvention du FACT dépend du niveau d'action.
· Pour une entreprise : 1 000 € TTC par jour avec 15
jours maximum d'intervention.
· Pour un groupe d'entreprises : 1 000 € TTC par jour
avec 13 jours maximum d'intervention par entreprise signataire. À cela,
s'ajoutent 2 jours maximum pour la coordination globale du projet.
83 ) Article L.8114-1 du Code du travail
84 ) Article L.4612-7 du Code du travail
Ensuite, l'inspecteur doit être prévenu des
réunions du CHSCT et peut choisir d'y participer selon l'article
L.4614-11. Il peut, par ailleurs, être consulté et notamment
lorsque les délégués du personnel le saisissent en cas de
plaintes relatives à l'application de la loi85.
Ces dispositions sont bien évidemment en rapport avec
le harcèlement sexuel étant donné que le registre des
délégués du personnel , les plaintes qui leurs sont
soumises et les observations faites par le CHSCT peuvent toucher ce
délit.
41
85 ) Article L.2313-1 du Code du travail
PARTIE II ) Les mesures de protection
postérieures aux
actes de harcèlement sexuel
Par le biai de l'alerte du salarié, du témoin ou
des institutions représentatives du personnel86 , des actes
de harcèlement sexuel peuvent être signalés et donc
réprimés. Cependant, il convient avant toute décision que
ces faits soient effectifs ; ils doivent pour cela être analysés.
L'employeur aura alors la tâche d'analyser les causes de la survenance de
tels agissements, de les caractériser correctement et de ne surtout pas
écarter la qualification de harcèlement sexuel qui peut, aux
premiers abords, surprendre et effrayer.
L'ANI du 26 mars 201087 sur le harcèlement
et la violence au travail prévoit une procédure pouvant
être mise en place afin d'identifier, de comprendre et de traiter les
phénomènes de harcèlement et de violence dans
l'entreprise. Elle prévoit donc le respect de l'anonymat des parties, un
traitement de la situation dans les plus brefs délais, le traitement
équitable des parties, le recueil d'informations suffisamment
précises et concrètes ainsi qu'une discrétion sans
faille88.
Une fois les faits caractérisés , il conviendra
de prendre des mesures de répression (Chapitre I) puisqu'il en va de la
logique que tout acte répréhensible doit être
sanctionné puis, il conviendra aussi de s'intéresser au devenir
du salarié victime de ces faits délictueux (Chapitre II).
42
86 ) Supra
87 ) Supra
88 ) Article 4.2 de l'ANI du 26 mars 2010 / Annexe 1
43
Chapitre I ) La répression des agissements de
harcèlement sexuel
Une fois, le délit de harcèlement sexuel
constaté ou même rapporté , la victime souhaitera
forcément que « justice soit faite » et entendra obtenir une
réparation pécuniaire même si aucune somme d'argent ne peut
véritablement ni réparer, ni effacer le préjudice subi
notamment d'un point de vue psychologique. Il aurait pu être envisageable
de mettre en place une procédure de médiation entre la victime et
son harceleur de manière à permettre la poursuite du contrat de
travail du salarié dans des conditions plus sereines mais, ce moyen est
uniquement applicable aux cas de harcèlement moral . En effet, les
autres risques psychosociaux ne sont pas visés par les textes et ne
peuvent donc pas faire l'objet d'une telle procédure de faveur. C'est
donc le cas du harcèlement sexuel qui ne peut faire l'objet que de
contentieux ou entraîner des mesures disciplinaires (Section 1) avec la
mise en jeu de responsabilités diverses (Section 2) .
Section 1) Les procédures de répression
La victime de harcèlement sexuel ou de
réalisation de risques psychosociaux en général peut
engager une action judiciaire devant les juridictions civiles et/ou
pénales. L'action civile se fera devant le Conseil de prud'hommes (A) et
l'action pénale devant le tribunal correctionnel (B) . Ces deux
procédures ont toutes deux des portées différentes. Tandis
que la première a pour but la réparation du dommage, la
deuxième, quant à elle, a pour but la condamnation de la personne
qui se serait rendue coupable d'agissements répréhensibles et
l'attribution de dommages et intérêts pour la victime .
De plus, hors du contentieux, la répression peut
être mise en mouvement avec une procédure disciplinaire à
l'encontre de l'auteur des faits de harcèlement sexuel par l'employeur
en vertu de son pouvoir disciplinaire (C ).
A ) Le recours devant le Conseil de
prud'hommes
Le Conseil de prud'hommes est compétent pour
connaître de tous les litiges nés à l'occasion du contrat
de travail89. Il peut donc faire cesser les agissements fautifs dont
fait partie le harcèlement sexuel et octroyer des
dommages-intérêts90.
89 ) Article L.1411-1 du Code du travail
90 ) Cass. Soc., 18 juin 2002, n° 00-44.483
44
D'ailleurs, il existe des règles spécifiques
concernant les actions en justice en matière de harcèlement.
Ainsi, les règles de preuve sont aménagées et les
syndicats peuvent mener une action en faveur de la victime . Ces règles
ne régissent que le harcèlement et non pas les autres risques
psychosociaux qui, eux, restent soumis aux règles de droit commun telles
que la charge de la preuve qui pèse sur le demandeur91, par
exemple.
Concernant l'initiative du recours, l'action en justice est
ouverte à tout salarié qui s'estime victime d'un
harcèlement sexuel , qu'il l'ait subi ou qu'il ait refusé de le
subir ou le salarié victime de discriminations suite à ces actes
ou suite au témoignage qu'il aurait apporté. De plus, tout
candidat à un emploi, à un stage ou à une période
de formation dans l'entreprise peut intenter une action devant le Conseil de
prud'hommes92.
Cette action peut être introduite dans les 5 ans qui
suivent les agissements délictueux selon l'article 2224 du Code civil.
Le point de départ de ce délai court à compter du dernier
acte de harcèlement de l'auteur présumé93.
Ensuite, cette action peut attraire la personne de l'employeur
en raison notamment de sa responsabilité civile engagée au
moindre risque psychosocial réalisé, même si il n'en est
par l'auteur. L'action peut aussi attraire l'auteur présumé du
harcèlement peu importe qu'il soit un salarié puisque le Conseil
de prud'hommes est compétent pour connaître des litiges entre deux
salariés94. Enfin, l'action peut aussi être faite
à la fois, à l'encontre de l'employeur et d'un salarié.
Ensuite, concernant la particularité du régime
de règlement du contentieux concernant des faits de harcèlement,
les organisations syndicales ont leur rôle à jouer.
En effet, les organisations syndicales représentatives
dans l'entreprise peuvent exercer en justice des actions relatives à un
harcèlement moral ou sexuel. Cependant, il faudra qu'elles aient un
accord écrit de la victime. Cette dernière pourra toujours
intervenir à l'instance engagée par le syndicat ou même y
mettre fin95.
Mais, si le salarié ne donne pas son accord, est-il
possible que le syndicat engage une action en justice dans
l'intérêt collectif de la profession ? Ceci est, de manière
générale, possible et réservé à tout
syndicat professionnel qui exercera alors une action devant la juridiction de
son choix. Il faudra cependant que les faits portent un préjudice direct
ou même indirect à l'intérêt collectif de la
profession représentée. Or, petite subtilité, une telle
action a été refusée en matière de viol et de
91 ) Article 1315 du Code civil
92 ) Article L .1154-1 du Code du travail
93 ) TFPUE, 8 février 2001 , affaire 59/09
94 ) Article L.1411-3 du Code du travail
95 ) Article L.1154-2 du Code du travail
45
harcèlement sexuel et ce, parce que les faits fautifs
ne portaient pas atteinte à l'intérêt collectif de la
profession96. Ce mode dérogatoire ne semble donc pas
applicable au harcèlement sexuel étudié ici.
Puis, concernant la charge de la preuve, un régime
particulier au harcèlement a été instauré. Trois
temps composent ce régime.
L'article L.1154-1 du Code du travail prévoit dans un
premier temps qu'en cas de litige relatif à un harcèlement
sexuel, c'est au plaignant d'établir les faits qui permettent de
présumer l'existence d'un harcèlement.
Ensuite, il incombera ensuite à la partie
défenderesse (soit l'employeur et/ou le salarié
présumé harceleur) de prouver que ces agissements ne sont pas
constitutifs d'un harcèlement sexuel et que si des décisions ont
été prises , qu'elles sont justifiées par des
éléments objectifs étrangers à tout
harcèlement97.
Enfin, le juge formera sa conviction après avoir
ordonné toutes les mesures d'instruction utiles en cas de besoin.
L'innovation tient ici en ce que la charge de la preuve du
harcèlement ne pèse pas sur le salarié victime puisque ce
dernier n'est tenu que de rapporter des faits qui permettraient de
présumer l'existence d'un harcèlement sexuel. De ce fait, le juge
ne peut pas demander au salarié de rapporter la preuve d'un lien de
causalité entre les agissements et d'éventuels problèmes
de santé98. Selon un arrêt de la Chambre sociale en
date du 19 octobre 2011, il appartient aux juges du fond de dire si tous les
faits présentés par le salarié, dès lors qu'ils
sont établis, et seulement ceux-là, pris dans leur ensemble sont
de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement
moral (en l'espèce), puis de vérifier si les
éléments de preuve fournis par l'employeur démontrent que
les agissements litigieux sont étrangers à tout
harcèlement. Les dires du salarié victime ont donc une place de
premier choix ici puisque seules des allégations motivées de
l'employeur ou du salarié présumé harceleur peuvent les
renverser , le tout sous le regard appréciatif du juge.
Enfin, seuls la victime, le témoin et le syndicat
(lorsqu'il exerce son action de substitution) peuvent se prévaloir de
cet aménagement de la charge de la preuve et ce, seulement face à
un cas de harcèlement.
Au niveau des éléments de preuve, ils doivent
être précis et circonstanciés99. De simples
allégations ne sont pas valables. Il faut donc des
éléments objectifs tels que des témoignages de
96 ) Cass. Crim., 23 janvier 2002, n° 01-83.559
97 ) Cass.Soc., 24 septembre 2008 et 22 mars 2011
98 ) Cass.soc., 30 avril 2009, n°07-43.219
99 ) CA Toulouse, 16 mars 2000 , n°98-3965
46
collègues, de tiers, des certificats médicaux...
En matière de harcèlement sexuel, des témoignages
recueillis au cours d'une enquête pénale auprès de
salariés et de clients de l'entreprise attestant que le comportement et
l'attitude du dirigeant étaient souvent déplacés ou, en
tout cas, ressentis comme tels par le personnel et la clientèle
féminins ont été considérés comme
présumant l'existence d'un harcèlement sexuel100. Une
même présomption a été retenue pour des SMS
adressés par l'employeur à sa salariée.
Cependant, selon un arrêt de la Cour d'appel de Paris du
13 décembre 2007 (n°06-7969) le salarié n'a produit aucun
élément permettant de présumer de l'existence d'un
harcèlement sexuel lorsqu'il produit seulement ses propres courriers et
réclamations.
Il est donc aisé de remarquer que les juges
désirent des éléments véritablement concrets et
objectifs. Le juge doit tenir compte de l'ensemble des éléments
évoqués et ne pas examiner isolément chaque fait
101. Le risque à examiner chaque fait de manière
isolée est d'écarter un à un les éléments
comme non probants alors qu'ensemble, une fois ajoutés les uns aux
autres ils forment un tout caractérisant un harcèlement.
La réparation du préjudice peut se faire par
l'octroi de dommages et intérêts auprès de l'employeur
et/ou du salarié harceleur. Des indemnités peuvent donc
être versées par ces deux personnes car la reconnaissance de la
responsabilité civile du salarié auteur du harcèlement
n'exonère pas l'employeur de sa propre responsabilité. Aucune de
leurs responsabilités n'est exclusive l'une de l'autre. Ces
responsabilités seront étudiés
ultérieurement102.
B) Le recours devant la juridiction pénale
Dans le cadre du procès pénal, le harceleur peut
être condamné à une peine d'amende et d'emprisonnement. Il
convient toute fois de déterminer si les faits peuvent être
poursuivis (1) et comment engager les poursuites (2).
1) Les faits justifiant l'action
pénale
Les faits justifiant une action pénale doivent
être prévus dans un text : l'infraction doit être
définie légalement . Une telle exigence s'explique par le fait
que le harceleur devait être en mesure de savoir que les actes qu'il a
commis étaient prohibés et susceptibles d' engager sa
responsabilité pénale. Il est possible de citer à titre
d'exemple les injures, les diffamations, les menaces de
100) CA Paris, 28 septembre 2011, n°10-4073
101) Cass.soc., 7 juin 2011, n°09-69.903
102) Infra Titre II, Chapitre I, Section II
47
commettre un crime ou un délit, les
harcèlements, les blessures ou homicide involontaires, les
discriminations...
Concernant, le harcèlement sexuel , cette notion a
été très controversée.
En effet, une décision de la Chambre criminelle du 29
février 2012 a considéré que présentait un
caractère sérieux au regard de la légalité des
délits et des peines, la QPC portant sur l'article 222-33 du Code
pénal103 en ce que la définition du harcèlement
sexuel pourrait être considérée comme insuffisamment claire
et précise, dès lors que le législateur s'est abstenu de
définir le ou les actes qui doivent être regardés,au sens
de cette qualification, comme constitutifs de harcèlement sexuel.
Le 4 mai 2012, le Conseil constitutionnel a
délivré une décision QPC constatant que les dispositions
de l'article 222-33 du Code pénal étaient contraires à la
Constitution comme méconnaissant le principe de légalité
des délits et des peines, en ce qu'elles permettent que le délit
de harcèlement sexuel soit punissable sans que les
éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment
définis. Ainsi, le texte a été abrogé à
compter du jour de la publication de la décision soit, le 5 mai 2012.
Les affaires qui n'étaient alors pas jugées
définitivement104 se sont heurtées à cette
abrogation.
Le Ministère de la Justice a invité les
magistrats à ne plus appliquer les règles de droit du travail
relatives au harcèlement sexuel au risque qu'elles fassent elles aussi
l'objet d'une QPC, soient abrogées et mettent en péril la
sécurité juridique déjà mise à
mal105. Un vide juridique cuisant régnait alors et afin de le
combler tant bien que mal , le Ministère de la justice a tenté de
le compenser par des mesures106 :
- les juridictions d'instruction ou de jugement qui avaient
été saisies de poursuites pour harcèlement sexuel,
avant la décision QPC, pouvaient requalifier les faits lorsque ceci
était possible en délit de violence, de harcèlement moral,
d'agression sexuelle.
- Les victimes qui ne pouvaient voir les faits
requalifiés avaient le droit, sur le fondement de l'article 1382, de
saisir le juges civil afin d'être indemnisées.
- La victime pouvait , lorsqu'elle avait déjà
saisi la juridiction répressive pour des faits de harcèlement
sexuel, demander directement à la juridiction des
dommages-intérêts réparant son préjudice et les
remboursement de ses frais de procédure non pris en charge par
l'État 107.
Les poursuites et les condamnations pour délit de
harcèlement sexuel ont alors été impossibles
103) L'article 222-33 du Code pénal était alors
rédigé ainsi : « Le fait de harceler autrui dans le but
d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'un an d'emprisonnement et
de 15 000€ d'amende »
104) Toutes celles dont les voies de recours n'étaient
pas encore expirées.
105) Circ. Crim 10.780 du 10 mai 2012
106) Circ. Crim 2012-15 du 7 août 2012
107) Cette faculté est prévue par l'article 12 de
la loi 2012-954 du 6 août 2012 et permet à la victime de gagner du
temps et de ne pas engager de nouveaux frais pour la saisine du juge civil.
48
entre le 5 mai 2012 et le 8 août 2012, date
d'entrée en vigueur du nouvel article 222-33 du Code pénal ,
définissant de manière plus précise ce délit.
Parfois, un même comportement peut être
réprimé par plusieurs textes qui entrent alors en conflit. Il
convient alors de déterminer lequel sera applicable.
A titre d'exemple, il est possible de considérer
l'interdiction de sanctionner ou de licencier un salarié qui aurait
refusé de subir des faits de harcèlement sexuel. L'article
L.1153-2 du Code du travail et l'article 225-1-1 du Code pénal entrent
en conflit. Le Code du travail prévoit alors une amende de 3 750€
et un emprisonnement d'un an tandis que le Code pénal prévoit une
amende de 45 000€ et un emprisonnement maximal de trois ans. Selon une
circulaire du 7 août 2012, la sanction la plus sévère est
appliquée. C'est donc la sanction prévue par le Code pénal
qui sera appliquée ici.
2) La procédure
Dans un premier temps , il est possible de déposer une
plainte simple. De manière générale celle ci s'effectue au
bureau de police ou de gendarmerie le plus proche. Après enquête,
cette plainte est remise au Procureur de la République qui
décidera de la suite à donner108. Cette plainte peut
aussi être adressée par la victime directement au Procureur, par
écrit et ce, en vertu des articles 40 et 40-1 du Code de
procédure pénale.
Puis, il est possible de porter plainte avec constitution de
partie civile. Celle-ci est faite par écrit devant le juge d'instruction
compétent et ne concerne que les crimes et les délits. La
contravention est exclue. En matière de délit, cette plainte
n'est recevable qu'après le dépôt d'une plainte simple que
le Procureur aurait classé sans suite ou laissé sans
réponse durant plus de trois mois109.
De plus, la victime peut également faire citer
directement l'auteur présumé du délit devant la
juridiction pénale. La victime devra alors faire établir un acte
d'huissier l'invitant à se présenter devant cette
juridiction110.
Il semble utile de rajouter que la juridiction
compétente est le tribunal correctionnel en matière de
délits tels que le harcèlement sexuel. Ce tribunal
compétent est celui du lieu où l'infraction a été
constatée ou commise ou du lieu de résidence de la personne
poursuivie. En matière de délits, est
108) Poursuites pénales, mesure alternative (sauf la
médiation puisqu'elle est non-applicable en matière de
harcèlement sexuel) ou classement sans suite.
109) Articles 85 et suivants du Code de procédure
pénale
110) Articles 390 et suivants du Code de procédure
pénale pour les délits / Articles 550 et suivants du Code de
procédure pénale pour les contraventions.
49
également compétent le tribunal du lieu
d'arrestation ou de détention111.
De plus, l'action publique se prescrit par 3 ans pour les
délits tels que le harcèlement sexuel. Cette prescription peut
être interrompue en cas de poursuite ou d'instruction112 comme
une plainte avec constitution de partie civile ou une citation directe.
Cependant, une plainte simple adressée au Procureur ne constitue pas un
acte de poursuite de de ce fait, n'interrompt pas le cours de la
prescription113.
Par la suite, le juge pénal ,dans son intime
conviction, pourra , au vu des preuves, décider si la personne
poursuivie est coupable de l'infraction. En matière pénale,
l'aménagement des règles de preuve en faveur des personnes
victimes d'un harcèlement114 est
inapplicable115.
L'infraction peut être établie par tout mode de
preuve. Cependant, ces preuves doivent avoir été discutées
contradictoirement devant lui.
Ensuite, petite particularité du recours au
pénal, les preuves produites par les parties, obtenues de manière
déloyale ou illicite, ne sont pas écartées. La Chambre
criminelle de la Cour de cassation affirme qu'aucune disposition légale
ne permet au juge répressif d'écarter pour ce seul motif un moyen
de preuve et qu'il lui appartient seulement d'en apprécier la valeur
probante après débat contradictoire 116. Un
enregistrement d'images ou de conversations, effectué à l'insu de
l'employeur ou du salarié auteur peut donc être recevable.
Enfin, étant donné que la décision
pénale s'impose au juge civil, la juridiction civile saisie d'une
demande en réparation du dommage causé par une infraction devra
surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge
répressif.
C) Le recours à une mesure
disciplinaire
En vertu de son obligation de sécurité de
résultat, l'employeur se doit de mettre fin à toute situation
engendrant des cas de souffrance au travail. Il peut donc sanctionner l'auteur
des faits et le licencier (2).
Tout d'abord, seul un comportement fautif peut faire l'objet
d'une sanction disciplinaire mise en oeuvre par l'employeur (1). C'est donc le
cas du comportement qui porte atteinte à la santé physiques et
morale des salariés.
111) Articles 381, 382, 521 et 522 du Code de procédure
pénale
112) Article 7 du Code de procédure pénale
113) Cass. Soc., 11 juillet 2012 , n° 11-87.583
114) Article L.1154-1 du Code du travail , Supra
115) Cons. Const. 12 janvier 2002, n° 2001-455 DC
116) Cass. Crim., 11 juin 2002 , n°01-85.559
1) 50
Les faits fautifs
L'employeur demeure libre concernant le choix de la sanction
mais elle doit tout de même être proportionnelle à la faute
commise sous peine d'annulation par le juge. De plus, lorsqu'un
règlement intérieur est en vigueur dans l'entreprise, l'employeur
ne peut pas prononcer d'autres sanctions que celles qui y sont
prévues117. Les sanctions pécuniaires sont interdites
par l'article L.1331-2 du Code du travail.
La loi dispose que tout salarié ayant
procédé à des actes de harcèlement sexuel est
passible d'une sanction disciplinaire118.
La Cour de Cassation considère que les faits de
harcèlement sexuel commis par un salarié sont de nature à
rendre impossible le maintien de leur auteur dans l'entreprise et constitue
nécessairement une faute grave119. Il y a donc ici une
véritable protection du salarié victime et une véritable
sévérité envers un salarié présumé
harceleur. Sa présence dans l'entreprise est rendue impossible ; il
n'est même pas possible de simplement séparer les deux
salariés120.
Une fois que le harcèlement sexuel est établi,
l'employeur est fondé à licencier l'auteur de ces agissements
après lui avoir notifié une mise à pied conservatoire , au
besoin. Cependant, il n'est pas obligé de prononcer une sanction d'une
telle dureté. Il peut aussi choisir de prononcer une mutation
disciplinaire121, une rétrogradation122 ou une
mise à pied disciplinaire123. Le juge n'a alors pas son mot
à dire concernant la sanction et ne peut ni aggraver la sanction
donnée , ni ordonner le licenciement de l'auteur 124.
L'employeur engagera tout de même sa responsabilité pour
manquement à son obligation de prévention du harcèlement
s'il ne prend pas les mesures adaptés visant à faire cesser ces
faits et si il a permis que de tels comportements persistent.
2) La sanction disciplinaire
Afin de sanctionner un salarié, l'employeur doit
respecter des règles en matière disciplinaire. Selon l'article
L.1332-4 du Code du travail, la procédure disciplinaire doit être
engagée dans les deux mois qui suivent la date à laquelle
l'employeur a eu connaissance des faits délictueux. Si
117Cass. Soc., 26 octobre 2010 , n°09-42.740
118) Article L.1153-6 du Code du travail
119) Cass. Soc., 5 mars 2002, n°00-40.417 et 24 septembre
2008, n°06-46.517
120 ) Cass. Soc., 24 octobre 2012, n° 11-20.085
121 ) CA Douai, 30 juin 2009, n°09-356
122 ) CA Metz, 27 mai 1997 , n° 96-3038
123 ) Cass. Soc., 2 février 2011 , n°09-42.824
124 ) Cass. Soc., 1er juillet 2009 , n°07-44.482
51
l'employeur tarde à prononcer sa sanction , il ne pourra
plus se prévaloir de la faute grave125. L'engagement de la
procédure peut être engagé de deux manières
différentes :
- le prononcé d'une mise à pied conservatoire en
cas de faute grave126
- la convocation à un entretien préalable 127
L'employeur sera alors tenu de vérifier
l'effectivité et la gravité des faits lorsqu'ils sont
portés à sa connaissance. Il n'a pas à attendre une
éventuelle saisine du Conseil de prud'hommes ou de la juridiction
pénale128.
Cependant, une fois le délai de deux mois passé
, l'employeur n'a en principe aucun moyen d'agir de manière
disciplinaire concernant le fait prescrit et ce, sauf si un nouveau fait fautif
est constaté , à condition que les deux fautes découlent
d'un comportement similaire.
Concernant, l'entretien préalable, il est obligatoire
sauf si la sanction prévue est un avertissement ou une sanction de
même nature qui n'a pas d'incidence sur la présence dans
l'entreprise, la fonction, la rémunération, la carrière du
salarié selon l'article L.1332-2 du Code du travail.
Le salarié est convoqué à cet entretien
par une lettre remise en main propre contre décharge ou par lettre
recommandée avec accusé de réception. Ladite lettre
indiquera alors l'objet de la convocation, la date, le lieu, l'heure de
l'entretien et la possibilité de se faire assister par une personne de
son choix appartenant au personnel de l'entreprise. En l'absence d'institutions
représentatives du personnel, il faudra mentionner la faculté de
se faire assister par un conseiller de son choix inscrit sur une liste
départementale129 et le lieu où trouver cette
liste130. De plus, si le licenciement disciplinaire est
envisagé, il faudra l'indiquer dans la lettre de convocation.
L'entretien se tiendra alors dans les deux mois qui suivent la
convocation et si la sanction envisagée est un licenciement, l'entretien
ne pourra se tenir moins de cinq jours ouvrables après la
présentation de la convocation131.
Lors de cet entretien, l'employeur doit expliquer le motif de
la sanction prévue et laisser le salarié s'expliquer. Ce qu'il
pourrait dire lors de l'entretien ne peut constituer une cause de licenciement,
sauf abus.
125 ) Cass. Soc., 24 novembre 2010 , n°09-40 .928
126 ) Cass.Soc., 15 avril 1996, n°93-40.113
127 ) Cass. Soc., 5 février 1997, n°94-44.538
128 ) F.Lefebrve , Harcèlement et risques psychosociaux,
Ed. Francis Lefebvre , 2012
129 ) Cass.Soc., 19 juillet 1995 , n°91-44.832
130 ) Cass.Soc., 20 juin 2000, n°98-41.386
131 ) Article L.1232-2, alinéa 3 du Code du travail
52
Concernant la notification de la sanction, elle doit
préciser les motifs de cette décision.
Lorsque la sanction consiste en une modification du contrat de
travail, l'employeur doit recueillir l'avis du salarié qui peut refuser
ou accepter. En cas de refus, le salarié peut alors voir une autre
sanction prononcée contre lui comme un licenciement pour faute grave si
les faits le justifient132.
La sanction est notifiée par lettre recommandée
avec accusé de réception et est adressée au salarié
plus de deux jours ouvrables après la date de l'entretien selon les
articles L.1332-2 et L.1232-6 du Code du travail. La sanction disciplinaire
doit être notifiée dans le délai maximum d'un mois
après la date de l'entretien même si le salarié ne s'est
pas présenté133.
Enfin, un éclairage succinct doit être
apporté dans le cas particulier de la sanction à l'encontre des
salariés protégés. Le salarié
protégé, en cas de faute grave, peut se voir notifié une
mise à pied dans l'attente d'une décision définitive
à son encontre.
Le Comité d'entreprise peut être consulté
afin d'émettre un avis si le licenciement concerne un
délégué du personnel ou un membre du comité
d'entreprise, y compris un représentant syndical. Le Comité
d'entreprise devra alors recevoir des informations précises afin de se
prononcer en toute connaissance de cause.
Ensuite, après cet avis, l'employeur doit saisir
l'inspecteur du travail d'une demande de licenciement dans les 15 jours qui
suivent l'avis du Comité d'entreprise. Après enquête, il
devra rendre sa décision dans un délai de 15 jours, 8 jours en
cas de mise à pied conservatoire.
Cette décision peut faire l'objet d'un recours
hiérarchique devant le Ministre chargé du travail dans un
délai de deux mois à compter de la notification de l'inspecteur
ou un recours devant la juridiction administrative.
Section 2) Les responsabilités pouvant
être engagées
Devant le Conseil de prud'hommes et la juridiction
pénale, plusieurs responsabilités peuvent être
engagées et ce, séparément ou conjointement. La victime
d'un harcèlement sexuel peut obtenir la réparation de son
préjudice en réclamant des dommages et intérêts
auprès de l'auteur du harcèlement et/ou de l'employeur puisque
l'engagement d'une de ces responsabilité n'exonère pas l'autre.
Ainsi, la responsabilité du salarié auteur du harcèlement
sexuel peut être engagée (A) , ainsi que celle de l'employeur (B)
mais non pas celle de l'entreprise, personne morale (C).
132 ) Cass. Soc., 11 février 2009, n°06-45.897
133 ) Article L.1332-2 du Code du travail
53
A) La responsabilité du salarié auteur
du harcèlement
Est ici visée la situation lors de laquelle l'auteur du
harcèlement est un salarié et non pas l'employeur. Il peut
s'agir, à titre d'exemples, du harcèlement sexuel
opéré par un supérieur hiérarchique sur un
salarié de l'entreprise ou encore d'un salarié qui
harcèlerait son collègue.
Étant donné qu'aucun contrat ne lie alors la
victime et son harceleur, il semblerait que la responsabilité civile
délictuelle puisse être mise en oeuvre. L'article 1382 du Code
civil qui dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause
à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé à le réparer ». Il importe donc peu que
la faute soit intentionnelle ou non puisque la responsabilité de
l'auteur pourra tout de même être engagée en raison du
préjudice qu'il a causé.
Ensuite, les articles L.4122-1 et L.1152-1 du Code du travail
ont trouvé à s'appliquer afin de retenir la responsabilité
du salarié auteur dans un arrêt de la Chambre sociale en date du
21 juin 2006 134. Cette décision a admis qu' « engage sa
responsabilité personnelle à l'égard de ses
subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des
agissements répétés de harcèlement moral. ».
En appliquant ces articles du Code du travail et non pas l'article 1382 du Code
civil, les juges ont été contraints de se baser sur le
caractère intentionnel de la faute. Il semble qu'une solution similaire
aurait pu être retenue en matière de harcèlement sexuel.
La victime pourra donc engager la responsabilité civile
du salarié harceleur ainsi que sa responsabilité pénale
puisque dans cette matière chacun est responsable de son propre fait.
De plus, le salarié harceleur pourra aussi très
bien recevoir une sanction disciplinaire de la part de son
employeur135.
B) La responsabilité de l'employeur
La responsabilité de l'employeur peut être
engagée sur le principe de la responsabilité contractuelle dans
la mesure où l'article L.1221-1 du Code du travail dispose que «
le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun
». Il convient de noter qu'en matière de
responsabilité, le régime contractuel prime sur le régime
délictuel et de ce fait, en cas d'inexécution contractuelle,
seule la responsabilité contractuelle sera engagée.
L'employeur est responsables des obligations contractuelles
dont il est tenu par le biai du contrat de travail le liant à son
salarié. En matière de harcèlement sexuel et de risques
psychosociaux de manière général, l'employeur pourra donc
voir sa responsabilité engagée sur le fondement de
134 ) Cass.Soc., 21 juin 2006, n°05-43.920
135 ) Supra
54
l'exécution de bonne foi du contrat et sur l'obligation
de sécurité de résultat. L'exécution de bonne foi
du contrat repose sur l'existence de conditions de travail convenables et
l'obligation de sécurité de résultat repose sur la
protection de la santé physique et mentale des salariés.
En cas de harcèlement sexuel, la responsabilité
civile de l'employeur est nécessairement engagée même si il
n'est pas l'auteur des faits fautifs et ce, en vertu de son obligation de
sécurité de résultat. L'absence de faute de l'employeur
n'empêche pas sa condamnation à verser des dommages et
intérêts en réparation du préjudice subi par la
victime 136 et ce, même si il avait pris des mesures pour
faire cesser le harcèlement 137 .
Un arrêt important de la Chambre sociale du 6 juin 2012
a décidé que l'obligation pour l'employeur de prendre des mesures
de prévention du harcèlement et l'interdiction du
harcèlement à l'encontre de certains salariés sont des
obligations distinctes et que de ce fait, la méconnaissance de chacune
de ces obligations peut ouvrir droit à des réparations
spécifiques, à condition que le salarié justifie de
préjudices distincts. Autrement dit, la double indemnisation n'est pas
automatique.
Enfin, la responsabilité de l'employeur peut être
retenue lorsque le harceleur n'est pas un salarié de l'entreprise mais
une personne extérieure pouvant exercer une autorité de fait sur
les salariés . Tel est le cas d'un formateur extérieur qui
viendrait former les salariés de l'entreprise.
C) La responsabilité de l'entreprise
écartée
L'entreprise peut être mise en cause sous certaines
conditions. Les infractions pénales commises par une personne physique
ayant la qualité d'organe ou de représentant d'une personne
morale engagent la responsabilité pénale de cette personne morale
si ces infractions ont été commises pour son
compte138.
Le représentant de la personne morale est le chef
d'entreprise mais aussi le salarié qui dispose de certains pouvoirs qui
lui ont été délégués139.
En théorie, toutes les infractions peuvent engager la
responsabilité de la personne morale si les conditions sont
réunies.
Cependant, en pratique, les choses sont quelques peu plus
complexes. En effet, certaines infractions telles que le harcèlement
sexuel ou même l'agression physique, ne devraient pas être
considérées comme commises pour le compte de l'entreprise. Il n'y
a en effet, pour ces infractions,
136 ) Cass.Soc., 21 juin 2006, n°05-43.903
137 ) Cass.Soc., 7 juin 2011, n° 09-69.903
138 ) Article 121-2 du Code pénal
139 ) Cass.Crim., 15 mai 2007, n°05-87.260
55
aucun intérêt pour l'entreprise .
Néanmoins, cette responsabilité peut aussi
être mise en oeuvre lorsque sont prises des mesures discriminatoires
à l'encontre de la victime ou du témoin de harcèlement
sexuel pour ce qui nous intéresse ici.
Afin de compléter ces propos, il peut être utile
de rajouter que concernant le harcèlement moral, la mise en jeu de la
responsabilité de la personne morale semble envisageable notamment
lorsque ce harcèlement est la conséquences de méthodes de
gestion puisque réalisées pour le compte de l'entreprise .
De plus, la responsabilité pénale de
l'entreprise, personne morale, peut se cumuler avec celle de la personne
physique qui aurait commis l'infraction pour son compte au sens de l'article
121-1 du Code pénal. Ce principe connaît tout de même une
exception : si la personne physique est auteur d'un dommage lié à
une faute d'imprudence de négligence ou de manquement à une
obligation de sécurité, seule la responsabilité de la
personne morale sera engagée. Ceci semble tout de même peu
applicable en matière de harcèlement sexuel puisque même si
il peut s'agir d'un manquement à une obligation de
sécurité , la responsabilité de la personne morale ne
saurait être engagée car, comme dit plus haut, le
harcèlement sexuel ne semble pas entrer dans les conditions de l'article
121-2 du Code pénal.
56
Chapitre 2 ) Le devenir du salarié victime
Le salarié victime de harcèlement sexuel au sein
de son entreprise est un salarié fragilisé, un salarié qui
a besoin d'un suivi particulier (Section 1). En effet, le harcèlement
sexuel a des conséquences sur la santé tels que des troubles
musculo-squelettiques ou des douleurs chroniques liés aux stress,
à l'angoisse, à la crispation. Il peut aussi avoir des
conséquences psychologiques telles que la dépression pouvant
mener ,dans les cas les plus graves, au suicide.
De plus, le salarié victime de harcèlement
sexuel a tout à fait le droit de rester dans son entreprise et de
poursuivre son activité mais, il peut être tenté de vouloir
mettre fin à son calvaire ou s'éloigner d'un lieu de travail
chargé de souvenirs en rompant la relation contractuelle qui le lie
à son employeur. Les conséquences pécuniaires et
juridiques varieront alors selon le mode de rupture utilisé.
Section 1) Le suivi médical de la victime
Tout d'abord, le salarié consultera dans la plupart des
cas un médecin (A) . Ce dernier sera alors sollicité afin de
mettre fin à la situation. Alors que le médecin traitant aura
vocation à prescrire des médicaments et un arrêt de
travail, le médecin du travail qui est en charge de la surveillance de
l'état de santé des travailleurs devra donc se prononcer sur
l'aptitude du salarié à occuper son poste de travail.
A l'occasion de la consultation, le médecin pourra
alors reconnaître un accident du travail ou une maladie professionnelle
qui donnera droit au salarié à des indemnités (B).
Mais, malgré l'octroi d'indemnité et
l'arrêt du travail, un suivi psychologique s'avère parfois
nécessaire afin de prévenir de vrais drames (C).
A) La consultation d'un médecin
Cette consultation peut être faite auprès d'un
médecin traitant (1) ou auprès du médecin du travail
(2).
1) La consultation du médecin traitant
Un salarié en situation de souffrance notamment en cas
de harcèlement sexuel peut s'adresser à son médecin
traitant afin d'obtenir une prise en charge et/ou un arrêt de travail.
Ceci est d'ailleurs le mode opératoire le plus commun.
Il peut obtenir la prescription de médicaments tels que
des anxiolytiques, des somnifères, des
57
antidépresseurs... Ces médicaments ont souvent
pour conséquences d'entraîner des effets secondaires qui
affecteraient le travail. Il est donc conseillé au salarié d'en
avertir l'employeur notamment par le biai d'un certificat médical. Cela
aura pour but de le protéger contre toute discrimination
éventuelle liée à son état de santé.
Le médecin traitant peut aussi prescrire un arrêt
de travail si le salarié se trouve incapable d'exercer correctement sa
prestation.
2) La consultation du médecin du
travail
Ensuite, le salarié peut aussi s'adresser au
médecin du travail qui a pour mission d'éviter toute
altération de la santé des travailleurs. Il dispose d'une mission
de prévention140 en amont et de moyens d'action en aval.
A l'occasion de l'examen d'un salarié en
activité, ce dernier peut lui faire part du harcèlement sexuel
dont il est victime. En effet, le salarié bénéficie au
moins tous les deux ans d'un examen médical pratiqué par le
médecin du travail. Ce dernier doit s'assurer que le salarié
dispose de bonnes aptitudes pour le poste qu'il occupe141.
L'employeur organise cette visite et à défaut il encourt des
sanctions et peut même être amené à verser des
dommages et intérêts au salarié142. Cette visite
peut aussi être ponctuelle et peut être organisée à
la demande du salarié. Ce dernier pourra, lors de sa visite, aborder la
situation malsaine dont il est la victime et solliciter l'intervention du
médecin du travail. Il ne pourra en aucun cas faire l'objet d'une
sanction disciplinaire liée à ces dires143.
Le médecin du travail devra alors réagir. Il
dispose de différents moyens d'intervention selon la gravité des
faits.
Dans un premier temps, le médecin doit informer
l'employeur qui sera tenu de mettre fin à la situation. Mais, le
médecin étant tenu au secret médical, il ne peut, sans
autorisation de la supposée victime, dénoncer les faits qui lui
ont été relatés et l'identité de ladite
victime.Sans autorisation, il pourra seulement attirer l'attention de
l'employeur sur l'existence de faits de harcèlement sexuel dans son
entreprise.
Ensuite, le médecin du travail pourra procéder
à une enquête étant donné qu'il dispose d'un libre
accès aux lieux de travail144.
S'il constate l'existence d'un risque, il peut proposer
à l'employeur des mesures d'ordre général afin de faire
cesser cette situation (formations et prévention dans le cas du
harcèlement sexuel). Ces
140 ) Supra
141 ) Article R.4624-16 du Code du travail
142 ) Cass.Soc., 5 octobre 20120, n° 09-40.913
143 ) Article R.4624-17 du Code du travail
144 ) Article R.4624-3 du Code du travail
58
mesures feront alors l'objet d'un écrit motivé
et circonstancié par lui. Si l'employeur refuse de mettre en oeuvre de
telles mesures, il doit faire connaître son motif à l'inspecteur
par un écrit145. Ces échanges seront tenus à la
disposition du CHSCT ou des délégués du personnel , de
l'inspecteur du travail et du médecin inspecteur du
travail146.
Le médecin du travail peut aussi proposer à
l'employeur des mesures individuelles, telles que des mutations ou des
transformations de postes si la santé physique et mentale du
salarié est menacée. L'employeur pourra toujours refuser la mise
en oeuvre de telles mesures dans un écrit motivé. En cas de
harcèlement moral ou sexuel exercé par un supérieur
hiérarchique, le médecin du travail peut proposer à
l'employeur le changement d'affectation de la victime afin de la soustraire
à la situation dangereuse. L'employeur devra alors chercher un
reclassement dans un poste similaire, assorti d'une rémunération
équivalente , sans lien avec le harceleur.
Si le médecin pense que le salarié ne peut pas
reprendre son travail , il peut être déclaré inapte. Cette
inaptitude peut très bien être constatée par tout examen
médical opéré par le médecin du travail
147. La déclaration d'inaptitude sera effectuée lors
d'un second examen médical. Cependant, si le danger est grave et
imminent, la déclaration d'inaptitude peut être faite lors du
premier examen seulement148. Ce danger sera alors mentionné
sur l'avis d'inaptitude149. Il convient de rappeler ici qu'un tel
avis d'inaptitude ne permet pas au salarié de bénéficier
d'indemnités journalières de sécurité sociale. Il
devra donc aller chez son médecin traitant pour obtenir un arrêt
de travail.
B) La reconnaissance d'un accident du travail ou d'une
maladie professionnelle
La reconnaissance du caractère professionnel du
harcèlement sexuel a des conséquences avantageuses pour la
victime. Elle peut ainsi obtenir des indemnités plus importantes que
celles servies dans le cadre de l'assurance maladie. Il convient alors qu'un
accident du travail (1) ou une maladie professionnelle (2) soit reconnu et
qu'en vertu de cette reconnaissance, la victime puisse toucher des prestations
(3).
1) La caractérisation d'un accident du
travail
Selon l'article L.411-1 du Code de la sécurité
sociale, l'accident du travail est l'accident survenu par le fait ou à
l'occasion du travail à toute personne travaillant, à quelque
titre ou à quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs. La
jurisprudence a donc retenu trois critères de
145 ) Article L.4624-3, I du Code du travail
146 ) Article L.4624-3, III du Code du travail
147 ) Cass.Soc., 8 avril 2010, n°09-40.975
148 ) Article R.4624-31 du Code du travail
149 ) Cass.Soc., 19 février 2005, n°03-40.765
59
l'accident du travail :
- le caractère soudain de l'événement
- une lésion corporelle ou psychique
- un lien entre l'accident et le travail
De plus, il existe une présomption
d'imputabilité qui prévoit qu'est considéré comme
accident du travail, la lésion qui survient au temps et au lieu de
travail. Cette présomption pourrait donc aisément jouer en
matière de harcèlement sexuel puisque bien souvent les faits
délictueux sont effectués alors que le salarié se trouve
sur son lieu de travail afin d'y effectuer sa prestation.
Concernant le caractère soudain de
l'événement, la jurisprudence a assoupli cette notion :
l'événement à l'origine de la lésion doit pouvoir
être localisé dans le temps.
Par exemple, l'état dépressif consécutif
à un harcèlement (moral, en l'espèce) peut ne pas
être prise en charge à titre d'accident du travail150
sauf si la victime prouve qu'une succession d'événement est
à l'origine de la lésion. Cependant, un tel état peut
très bien être reconnu en tant que maladie professionnelle sur
expertise individuelle .
Le caractère important ici, consiste en ce que ce soit
un fait précis survenu au cours ou à l'occasion du travail auquel
il est possible de donner une date certaine et faire présumer un lien
avec le travail 151. Le moment précis du fait
délictuel permet de différencier l'accident du travail avec la
maladie professionnelle qui , quant à elle, est le résultat d'un
processus à évolution lente152.
Puis, au niveau de la lésion, elle peut être
physique ou psychique153 mais doit être apparue brutalement
à la suite d'un incident professionnel, peu importe la date
d'apparition154. Dans le cas du harcèlement sexuel, la
lésion sera surtout psychique en raison du choc émotionnel ou de
la nervosité que de tels agissements peuvent engendrer.
Enfin, la lésion doit avoir pour cause l'incident.
C'est ici que peut jouer la présomption d'imputabilité. Cette
présomption résulte donc de l'article L.411-1 du Code de la
sécurité sociale dont il résulte alors qu'est un accident
de travail imputable au travail, l'accident qui survient par le fait ou
à l'occasion du travail soit au temps et au lieu de travail. La victime
n'aura donc aucune preuve à apporter concernant le lien de
causalité entre son accident et son activité professionnelle.
150 ) Cass. 2° Civ., 24 mai 2005, n°03-03.480
151 ) Cass.Soc., 30 janvier 1985 , n°83-15.420
152 ) Cass.Soc.,21 janvier 1971, n°69-11.655
153 ) Par exemple, suite à une agression sur le lieu de
travail : Cass.2ème Civ., 15 juin 2004, n° 02-31.194
154 ) Cass.Soc., 2 avril 2003, n°00-21.768
60
Cette présomption trouve aussi à s'appliquer
à tout incident survenu alors que le salarié était sous la
subordination de son employeur, sous son autorité.
A titre d'exemple et toujours en se raccrochant au
harcèlement sexuel, le suicide qui surviendrait sur le lieu de travail
en lien avec les faits délictueux serait d'office reconnu comme accident
du travail. Quant au suicide qui surviendrait en dehors du lieu de travail mais
toujours en lien avec les faits de harcèlement , la présomption
d'imputabilité ne jouerait pas mais le suicide serait tout de même
reconnu en tant qu'accident du travail étant donné son lien avec
les faits dont était victime le salarié. Il reviendra alors, dans
ce dernier cas, aux ayants-droits de la victime d'apporter la preuve du fait
accidentel et de la lésion mais aussi le lien de causalité les
liant. Concernant la dépression qui découlerait de faits de
harcèlement sexuel, cet apport de preuve est le même et peut
être initié par la victime. En effet, un accident qui se produit
à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la
subordination de l'employeur constitue un accident du travail dès lors
que le salarié établit qu'il est survenu par le fait du
travail155. Il conviendra dans ces cas , que l'employeur,
désireux de ne pas voir ses charges pour risques professionnels
augmenter, prouve que la cause d'un suicide ou d'une dépression ne
réside pas dans le travail mais dans des éléments
personnels (difficultés privées et personnelles) ou que
l'état pathologique de dépression ou de trouble psychologique
était déjà préexistant.
La preuve occupe donc une place très importante en ce
qui concerne le harcèlement sexuel puisque ne créant pas de
lésions physiques, ce sont des lésions psychologiques qui
apparaissent et celles-ci ne se matérialisent pas toujours sur le lieu
et au temps de travail ce qui empêche la présomption
d'imputabilité de jouer un rôle ici.
2) La caractérisation d'une maladie
professionnelle
La maladie professionnelle se définie comme le
résultat d'une série d'événements à
évolution lente, auxquels on ne peut assigner une origine et une date
certaines.
L'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale
pose une présomption d'imputabilité. En effet, est
présumée d'origine professionnelle toute maladie
désignée dans un tableau de maladies professionnelles .
Cependant, dès lors que le tableau ne trouve pas
à s'appliquer, le législateur offre deux possibilités de
reconnaissance de maladie professionnelle à l'article L.461-1
alinéa 3 et 4 du Code de la sécurité sociale.
Premièrement, si une ou plusieurs conditions tenant au
délai de prise en charge, à la durée
155 ) Cass.2ème Civ., 22 février 2007,
n°06-11.632
61
d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne
sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un
tableau de maladie professionnelle peut être reconnue d'origine
professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement
causée par le travail habituel de la victime.
En second lieu, une maladie non désignée dans un
tableau peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est
établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le
travail habituel de la victime et qu'elle entraîne soit le
décès de celle-ci ou une incapacité permanente au moins
égale à 25%156 reconnue sur expertise individuelle.
De plus, lorsque le tableau ne s'applique pas,
l'éventuelle origine professionnelle ne peut être reconnue
qu'après un avis du Comité régional de reconnaissance des
maladies professionnelles. Ce Comité est composé du
médecin-conseil régional ou de son représentant, du
médecin inspecteur régional du travail et de l'emploi ou de son
représentant, d'un professeur des université , praticien
hospitalier. Le Comité doit être saisi par la caisse. Afin de se
prononcer il se basera sur des indices matériels tels que des
témoignages, des expertises...
La jurisprudence est très rare concernant l'application
de la reconnaissance d'une maladie professionnelle aux risques psychosociaux.
Pour ce qui est du harcèlement sexuel et les risques psychologiques
qu'il peut entraîner, le deuxième mode trouvera à
s'appliquer . Ainsi, a été qualifié de maladie
professionnelle, le syndrome dépressif réactionnel
déclaré par une salariée, responsable de la
comptabilité, dès lors que le comité régional a
retenu un lien direct et essentiel entre les conditions de travail habituelles
et la maladie déclarée157.
En cas de désaccord avec la décision du
Comité et de la caisse qui refuserait de reconnaître une maladie
professionnelle, la victime peut faire établir la reconnaissance du lien
de causalité entre sa pathologie et son activité professionnelle
en saisissant la commission de recours amiable puis les juges du fond.
En revanche, lorsque le caractère professionnel a
été reconnu par la caisse, l'employeur qui viendrait à le
contester peut le faire selon les règles du contentieux
général soit, un premier recours obligatoire devant la commission
de recours amiable dans un délai de deux mois puis en cas de refus ou en
l'absence de réponse, une saisine du tribunal des affaires de
sécurité sociale.
3) Les indemnités dues en cas d'accident du
travail ou de maladie professionnelle
En cas d'arrêt de travail lié à une cause
professionnelle, le salarié a droit à une indemnité
journalière plus importante qu'en cas d'arrêt de travail «
simple ». En effet, l'indemnisation est plus
156 ) Pour ce taux : Article R.461-8 du Code de la
sécurité sociale
157 ) CA Versailles, 23 février 2012, n° 10-02406
62
élevée et débute le jour même de
l'arrêt de travail alors que les indemnités journalières de
maladie sont versées après application d'un délai de
carence de 3 jours. Le salaire du jour de l'accident reste cependant à
la charge de l'employeur.
Le salarié aura aussi droit à des prestations en
nature et contrairement à l'assurance maladie, il y aura ici une prise
en charge du ticket modérateur et un système de tiers payant.
Ceci est applicable à la victime du harcèlement
sexuel si ses troubles psychiques y sont liés et donc, si un accident du
travail ou une maladie professionnelle est reconnu.
Le salarié victime doit informer l'employeur dans la
journée où l'incident s'est produit ou au plus tard dans les
vingt-quatre heures. Cette déclaration sera faite par lettre
recommandée si elle n'est pas faite à l'employeur directement sur
le lieu de l'incident.
L'employeur doit, quant à lui, informer la caisse
primaire d'assurance maladie (CPAM) dont relève le salarié
victime par lettre recommandée avec avis de réception dans les
quarante-huit heures. Le point de départ de ce délai est
fixé au moment de la connaissance par l'employeur de la survenance de
l'accident ; quand l'accident est intervenu dans les locaux de l'entreprise,
l'employeur est réputé avoir été averti
immédiatement158. Si l'employeur ne déclare pas
l'accident, le salarié pourrait se retrouver privé de prestations
et se retourner alors contre son employeur.
Lors de la déclaration d'un accident ou d'une maladie
professionnelle, l'employeur pourra émettre des réserves. Ceci
est très fréquent en matière de harcèlement moral
ou sexuel. Ces réserves sont motivées et ne peuvent porter que
sur le temps, le lieu de travail ou l'existence d'une cause totalement
étrangère au travail159.
La CPAM a alors 30 jours en cas d'accident et trois mois en
cas de maladie pour statuer sur le caractère professionnel des
lésions. Depuis le 1er janvier 2010, le point de départ de ce
délai est la date à laquelle la caisse a reçu la
déclaration d'accident ou de maladie.
La caisse pourra alors avoir recours à des
enquêtes et consulter le Comité régional de reconnaissance
des maladies professionnelles en cas de maladie suspecte.
La notification de la décision de la CPAM se fait avec
mention des voies et délais de recours offerts à la victime en
cas de refus160.
Le salarié victime de harcèlement sexuel dont le
préjudice est reconnu accident du travail ou maladie professionnelle
pourra alors percevoir des prestations en nature. Il n'aura pas de ticket
modérateur et de ce fait, son taux de prise en charge sera fixé
à 100% du tarif applicable dans les
158 ) Cass.Soc.,17 juillet 1961
159 ) Cass.Soc., 12 juillet 2001, n° 99-21.762
160 ) Supra pour la reconnaissance de la maladie
professionnelle
63
limites du tarif conventionnel. Il bénéficiera
aussi d'un système de tiers payant et n'aura rien à
avancer sauf en cas de dépassement d'honoraires.
Selon l'article L.431-1 du Code de la sécurité
sociale, le salarié bénéficiera alors de :
- la couverture des frais médicaux, chirurgicaux,
pharmaceutiques et accessoires
- des frais liés à l'accident et aux
prothèses dentaires
- des frais de transport de la victime à sa
résidence habituelle ou à l'établissement hospitalier
- d'une façon générale, la prise en charge
des frais nécessités par le traitement, la réadaptation
fonctionnelle, la rééducation professionnelle et le
reclassement de la victime.
Ces prestations sont accordées qu'il y ait ou non
interruption de travail .
Concernant les prestations en espèces,
l'indemnité journalière est calculée à partir du
salaire brut du mois précédant l'arrêt de travail. Ce
salaire est ensuite divisé par 30,42 et est ainsi obtenu le salaire
journalier de base pris en compte dans la limite de 0,834% du plafond annuel de
la sécurité sociale soit 317,25€ pour l'année
2015.
Ensuite, le montant de ces indemnités
journalières évolue dans le temps.
En effet, pendant les 28 premiers jours qui suivent
l'arrêt de travail , l'indemnité journalière est
égale à 60% du salaire journalier de base161.
Dès le 29ème jour d'arrêt de travail,
l'indemnité journalière est majorée et est portée
à 80% du salaire journalier de base162.
Cette indemnité journalière ne peut
dépasser le montant du gain journalier net perçu par le
salarié selon le dernier alinéa de l'article R.433-4 du Code de
la sécurité sociale.
Enfin, l'employeur est parfois tenu de verser tout ou partie
de sa rémunération à la victime d'accident du travail ou
de maladie professionnelle163 en vertu de la loi ou d'une
disposition conventionnelle. Mais il convient tout de même de se montrer
prudent sur cette possibilité . Les indemnités versées par
la sécurité sociales ne se cumulent pas avec le salaire maintenu.
L'employeur peut alors soit maintenir sa rémunération au
salarié et dans ce cas percevoir à sa place les indemnités
ou, lui verser une indemnité complémentaire ou
différentielle.
C) Le suivi psychologique
Ce suivi peut être opéré par des organismes
(1) ou des professionnels (2).
161 ) Article R.433-1 du Code de la sécurité
sociale
162 ) Article R.433-3 du Code de la sécurité
sociale
163 ) Articles L.1226-1 et suivants du Code du travail
64
1) Les organismes
De nombreux organismes ont vu le jour afin d'accompagner les
personnes qui ont été victimes de harcèlement sexuel dans
leur entreprise. Parmi eux , les plus spécialisés semblent
être l'AVFT et les CIDFF régionaux.
- L'association européenne contre les violences faites
aux femmes (AVFT)164 est une association qui a pour champ d'action
et de réflexion la lutte contre toutes les formes de violences contre
les femmes tout en étant spécialisée dans la
dénonciation des discriminations sexistes et des violences sexistes et
sexuelles au travail. Compte tenu de cette spécificité, l'AVFT
s'attache à ce que les employeurs remplissent leurs obligations
légales et jurisprudentielles en matière de harcèlement
sexuel, de protection et de sécurité des salariés et
salariées.
Elle dispose de moyens de formations, d'analyse et de veille
juridique et se charge notamment d'accompagner les victimes. Pour se faire,
elle dispose d'un standard téléphonique qui recueille les appels.
Une victime peut donc contacter l'association par téléphone pour
une première approche. Elle peut ensuite être conviée
à Paris , au siège social , afin de prévoir ensemble des
moyens d'action. Ces actions se feront ensuite sur l'employeur et sur la
médecine du travail. L'objectif est de leur rappeler les règles
de droit et de s'enquérir de connaître les mesures qui seront
prises tout en collaborant avec l'inspection du travail.
Cette organisation s'avère donc tout à fait
compétente en matière de harcèlement sexuel et offre un
accompagnement de qualité pour la victime par le biai d' un
véritable soutien moral lors de la procédure.
- Les CIDFF (Centre d'Information sur les droits des femmes et
des familles ) sont été
créés en 1972 à l'initiative de
l'État, dotés d'une mission d'intérêt
général et implantés sur tout le territoire, le
réseau national des 114 CIDFF, dirigé par le CNIDFF (Centre
National d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles), propose des
services spécialisés d'information et d'accompagnement des femmes
victimes de violences.
L'expertise du CNIDFF est régulièrement
sollicitée par les cabinets ministériels et les instances
parlementaires dans le domaine de la lutte contre les violences faites aux
femmes et plus généralement dans le domaine de
l'égalité entre les femmes et les hommes.
L'action au quotidien des CIDFF pour les femmes victimes de
violences Des équipes professionnelles au service des femmes (juristes,
psychologues, travailleurs sociaux, conseillères
164 )
www.avft.org
65
familiales et conjugales...) pour :
-Une information juridique, quelle que soit la nature de ces
violences : violences au sein du couple, viols et agressions sexuelles,
harcèlement sexuel, mutilations
-Un accompagnement global des femmes victimes dans leurs
démarches policières, judiciaires, médicales,
psychosociales, sociales et professionnelles.
-L'animation de groupes de parole.
-La formation des professionnels travaillant au contact des
femmes victimes de violences : police, gendarmerie, travailleurs sociaux,
médecins, magistrats...
-La prévention active des violences faites aux femmes :
Interventions au sein des établissements scolaires, organisation des
journées de sensibilisation en direction du grand public et des
entreprises.
La salariée victime pourra donc se tourner vers le
CIDFF de sa région afin d'obtenir des informations et être
accompagnée.
2) Les professionnels
Hormis ces organismes spécialisés, le
salarié qui aurait subi des faits de harcèlement sexuel pourra
aussi se tourner vers un praticien afin de chercher un soutien psychologique en
dehors de l'entreprise. En amont, ce praticien pourra prendre conscience de
l'état de la victime et en aval, il pourra contribuer à soigner
un trouble psychique.
Un psychiatre peut donc avoir un rôle à jouer. Il
s'agit d'un médecin spécialisé dans les troubles
psychiatriques qui peut prescrire des traitements médicamenteux
(antidépresseur et anxiolytiques).
Un psychologue peut aussi être consulté. Il a
suivi une formation universitaire en psychologie.Le titre de psychologue est
protégé, ce qui veut dire que tous les psychologues doivent avoir
une licence et une maîtrise en psychologie, ainsi qu'un D.E.S.S. ou un
D.E.A. avec un stage professionnel, toujours dans la filière
psychologie.
En dehors de ces deux professions réglementées,
le salarié pourra aussi consulter un psychothérapeute ou un
psychanalyste.Ces titres ne sont pas contrôlés en France; il
n'existe pas de réglementation précise quant à l'exercice
de ces professions, et aucun programme universitaire ne mène à
des diplômes pour ces professions. Le titre de psychothérapeute
peut alors être utilisé par des psychologues et des psychiatres
qui offrent des services de psychothérapie, mais aussi par toute autre
personne, qu'elle possède une formation adéquate ou non. Le
psychanalyste quant à lui utilise la psychanalyse
développée par Sigmund Freud. Face à ces deux
professionnels il conviendra d'être vigilant et de se renseigner au
préalable sur leur parcours.
66
Section 2) L'avenir du contrat de travail de la victime
La victime d'un harcèlement sexuel peut être
placée en arrêt de travail. Pendant ce temps, son contrat est
suspendu dans l'attente de sa réintégration. Si il a
été absent au moins 30 jours, sa réintégration est
subordonnée à un examen médical pratiqué par le
médecin du travail . Si l'arrêt de travail était de moins
de 30 jours, l'employeur devra informer le médecin du travail pour que
celui-ci apprécie l'opportunité d'organiser une visite
médicale. Il conviendra donc d'étudier le devenir du contrat de
travail en cas de réintégration ou d'impossibilité de
reclasser suite à un arrêt de travail (A).
Le salarié peut aussi, de son plein gré, choisir
de mettre fin à son contrat de travail en démissionnant (B), en
prenant acte de la rupture (C ) ou demander la résiliation judiciaire de
son contrat (D).
A) Les situations possibles après un
arrêt de travail
Tout arrêt de travail pour accident du travail d'au
moins 30 jours impose d'organiser une visite de reprise auprès du
médecin du travail (1) . En cas de reconnaissance d'une maladie
professionnelle liée au harcèlement sexuel, cette visite est
obligatoire et ceci, peu importe la durée de l'arrêt de
travail165. Le but de cet examen est de vérifier l'aptitude
du salarié à reprendre son poste de travail (2) ou d'envisager un
reclassement (3) qui, si il s'avère impossible, peut déboucher
sur une rupture du contrat de travail (4). Tant que cette visite n'a pas eu
lieu, le contrat de travail est réputé suspendu même si le
salarié a repris son poste et perçoit son
salaire166.
1) L'organisation de la visite
Concernant l'initiative de l'organisation de la visite, c'est
à l'employeur qu'elle incombe. Dès qu'il a connaissance d la fin
de l'arrêt de travail, il doit saisir le médecin du travail afin
de fixer une date d'examen et ce, même si le salarié refuse de
reprendre le travail167. Selon l'article R.4624-23 du Code du
travail, cette visite doit avoir lieu dans les 8 jours qui suivent la reprise
du travail par le salarié. L'employeur devra informer le salarié
de la date de cette visite par tout moyen.
En cas de carence de l'employeur, le salarié peut
prendre directement rendez-vous avec le médecin du travail et en
informer son employeur. A défaut d'information de l'employeur, cette
visite
165 ) Article R.4624-24 du Code du travail
166 ) Cass.Soc. 22 mars 1989, n° 86-43.655
167 ) Cass.Soc., 19 juin 2001, n°99-40.868
67
ne sera pas qualifiée de visite de reprise et n'en aura
pas les effets168.
L'employeur qui manque à son obligation d'organiser la
visite encourt des sanctions pénales prévues par l'article
L.4745-1 du Code du travail et peut être condamné à verser
des dommages et intérêts au salarié.
Si le salarié refuse de passer cette visite de reprise
sans motif légitime, l'employeur peut lui interdire de reprendre le
travail. Si le salarié persiste malgré les relances de
l'employeur, il commet une faute grave pouvant justifier son
licenciement169.
2) La décision du médecin du
travail
Le médecin du travail va, lors de cette visite, se
prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre le travail.
· Le salarié peut être
déclaré apte. Dans ce cas, il retrouve son
précédent emploi. Si il n'est plus disponible ou n'existe plus,
il doit être réintégré dans un emploi similaire
assorti d'une rémunération équivalente selon l'article
L.1226-8 du Code du travail, principe repris par la Chambre sociale le 25
février 1997170. L'emploi similaire est celui qui garanti un
poste de même niveau, sans impact négatif sur la
rémunération et la qualification du salarié 171.
Si le salarié refuse de reprendre le travail pour
lequel il a été déclaré apte , il commet un acte
d'insubordination. Si il persiste, il commet une faute grave pouvant justifier
un licenciement. Ceci semble courant pour les salarié victimes de
harcèlement sexuel qui appréhendent leur retour dans
l'entreprise. D'autres solutions s'offrent alors à eux.
· Le salarié peut être
déclaré apte avec réserves. Le salarié est
autorisé à reprendre son travail sous conditions. Le
médecin peut formuler des propositions individuelles
d'aménagement ou de transformation de poste172. En cas de
désaccord de l'employeur avec l'avis du médecin du travail, les
parties peuvent exercer un recours devant l'inspecteur du travail dans un
délai de deux mois173.
Si le salarié conteste la compatibilité de son
poste avec les recommandations du médecin du travail, l'employeur doit
saisir à nouveau ce dernier pour avis174.
Si l'employeur ne parvient pas à trouver un poste
compatible avec ces recommandations, il peut solliciter auprès du
médecin du travail une seconde visite en vue de constater l'inaptitude
du salarié.
168 ) Cass.Soc., 20 janvier 2010, N°08-44.240
169 ) Cass.Soc., 17 octobre 2000, n°98-46.334
170 ) Cass.Soc., 25 février 1997, n° 94-41.351
171 ) Cass.Soc., 26 mai 2010, n° 08-43.152
172 ) Article L.4624-1 du Code du travail.
173 ) Articles L.4624-1 et R.4624-31 du Code du travail
174 ) Cass.Soc., 23 septembre 2009, n° 08-42.629
68
Il ne peut cependant pas reclasser de sa propre initiative le
salarié sans tenir compte des préconisations
formulées175.
· Le salarié peut être
déclaré inapte. Dans ce cas, sauf en cas de danger
immédiat pour le salarié ou si, au cours des 30 jours
précédant cet examen , le salarié a
bénéficié d'une visite de pré-reprise, son
inaptitude médicale ne sera constatée qu'à l'issue d'une
seconde visite médicale.
Les deux examens seront espacés d'au moins deux
semaines. Bien souvent, lors de la première visite, le médecin du
travail fixe déjà la date de la seconde. Si ceci n'est pas fait,
l'employeur devra se charger de prendre ce rendez-vous.
Pendant cette période qui sépare les deux
examens le salarié doit rester à la disposition de son employeur
qui lui fournira du travail et le rémunérer normalement.
Si le médecin prononce finalement l'inaptitude du
salarié, il en informe les parties par écrit. Le salarié
qui travaillait encore doit cesser son activité et l'employeur doit
engager une procédure de reclassement. Cette décision peut
être contestée par le salarié et l'employeur dans un
délai de deux mois devant l'inspecteur du travail.
3) L'obligation de reclassement de
l'employeur
L'employeur peut donc être amené à
reclasser son salarié. L'employeur doit donc proposer un autre emploi et
ceci, peu importe que le salarié fusse sous contrat à
durée indéterminée176 ou
déterminée177. L'employeur ne peut jamais
échapper à son obligation de reclassement.
Lorsque l'inaptitude du salarié est d'origine
professionnelle notamment en raison des troubles psychiques liés au
harcèlement sexuel, les délégués du personnel
doivent être consultés. Cette consultation est postérieure
à la constatation régulière de l'inaptitude et
antérieure à la proposition de reclassement. Pour ce faire,
l'employeur devra fournir aux délégués un maximum
d'éléments afin qu'ils se prononcent en toute connaissance de
cause. Il peut être dispensé de cette obligation lorsqu'il
justifie de l'absence de délégués du personnel par un
procès-verbal de carence. En cas de licenciement pour inaptitude
d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement sans
consultation préalable des délégués du personnel ,
ce licenciement est réputé sans cause réelle et
sérieuse ce qui ouvre droit pour le salarié à des
indemnités178. Lorsque l'inaptitude est d'origine
professionnelle suite à un harcèlement sexuel notamment, et hors
réintégration, cette indemnité sera
175 ) Cass.Soc., 14 juin 2007, n°06-41.377
176 ) Articles L.1226-2 et L.1226-10 du Code du travail
177 ) Article L.1226-20 du Code du travail
178 ) Cass.Soc., 13 décembre 1995, n°92-44.490
69
alors égale aux 6 derniers mois de salaire si
l'intéressé a au moins 2 ans d'ancienneté et appartient
à une entreprise de 11 salariés et plus179. Ceci est
aussi applicable lorsque l'obligation de reclassement n'a pas été
respectée.
Cette consultation qui n'aurait pas eu lieu constitue aussi
un délit d'entrave aux fonctions des délégués du
personnel180.
Concernant le poste recherché par l'employeur, il doit
être approprié aux indications de l'avis du médecin du
travail et le plus ressemblant possible à l'emploi que le salarié
occupait précédemment. Après des actes de
harcèlement sexuel, le salarié peut être
véritablement fragilisé notamment par la prise de
médicaments du type antidépresseur. Il est alors possible de
recourir à des mutations, des transformations de poste ou des
aménagements du temps de travail selon les articles L.1226-2 et
L.1226-10 du Code du travail.
Le reclassement sera recherché parmi les postes
disponibles dans l'entreprise même ceux qui feraient l'objet d'un contrat
à durée déterminée181.
La recherche se fera alors dans l'entreprise ou dans les
entreprises du groupe parmi celles dont les activités, l'organisation ou
le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie
du personnel182.
Les propositions qui seront faites au salarié devront
être précises et notamment préciser la qualification, les
horaires et la rémunération183. La salarié sera
alors en droit d'accepter ou de refuser. Si il refuse, ceci ne constitue pas
une faute. L'employeur devra seulement reprendre les recherches et proposer
d'autres postes.
En cas d'absence de poste disponible, il pourra engager une
procédure de licenciement en raison de l'impossibilité de
reclassement184. Cependant, avant toute procédure de
licenciement, l'employeur doit informer le salarié de son
impossibilité de le reclasser. En cas de manquement à cette
obligation le salarié pourra percevoir des dommages et
intérêts réparant le préjudice
subi185.
4) L'éventuelle rupture du contrat
En cas de refus par le salarié ou d'impossibilité
de reclasser, l'employeur peut être amené à
179 ) Article 1235-3 alinéa 2 du Code du travail
180 ) Cass.Crim., 26 janvier 1993
181 ) Cass.Soc., 23 septembre 2009, n°08-44.060
182 ) Cass.Soc., 16 novembre 2011, n°10-19.518
183 ) Cass.Soc., 7 mars 2012, n°10-18.118
184 ) Cass.Soc., 26 janvier 2011, n°09-43.193
185 ) Cass.Soc., 9 mai 1990, n° 86-41.874
70
prononcer un licenciement ou la rupture anticipée du
contrat à durée déterminée.
Dans un contrat à durée
indéterminée, l'employeur doit respecter la procédure de
licenciement pour motif personnel prévue par les articles L.1232-1 et
suivants du Code du travail soit, convocation à un entretien
préalable, notification du licenciement plus de deux jours ouvrables
après l'entretien par lettre recommandée avec avis de
réception, assistance du salarié par une personne de son choix...
La lettre de licenciement devra mentionner l'inaptitude du salarié et
l'impossibilité de reclassement.
Si ce salarié est un salarié
protégé, il doit respecter la procédure spéciale
avec demande d'autorisation préalable à l'inspecteur du
travail186.
Concernant les indemnités, face à une
inaptitude d'origine professionnelle, l'employeur doit verser à son
salarié :
- une indemnité spéciale de
licenciement187
- une indemnité compensatrice d'un montant égal
à celui des salaires et avantages perçus s'il
avait travaillé pendant le préavis.
Ces indemnités ne seront pas dues si le refus du
salarié d'occuper un poste que l'employeur lui avait proposé est
abusif188. Dans ce cas, le salarié n'aura que
l'indemnité légale de licenciement.
Attention cependant au cas où l'employeur serait
à l'origine des faits de harcèlement sexuel. Dans ce cas
là, le licenciement prononcé par lui serait sans cause
réelle et sérieuse et ouvrirait droit à des
indemnités prévues par l'article L.1235-3 du Code du
travail189.
Dans un contrat à durée
déterminée, l'employeur peut rompre avant son
échéance ce contrat en cas d'impossibilité de reclassement
ou de refus du salarié190.
Aucune procédure n'est vraiment à respecter si
ce n'est que la formalisation de la rupture par écrit. Si le
salarié est un salarié protégé, l'employeur sera
tenu de respecter la procédure de licenciement spéciale avec
demande d'autorisation à l'inspecteur du travail.
Le salarié obtiendra tout de même dans le cas
d'une inaptitude liée à un harcèlement sexuel dans son
entreprise au double de l'indemnité légale de licenciement
puisque cette inaptitude est liée à un
186 ) Article L.2411-1 du Code du travail
187 ) L'article R.1234-2 du Code du travail prévoit que
cette indemnité ne peut être inférieure à
1/5ème de mois de salaire multiplié par le nombre d'années
d'ancienneté. S'y ajoutent 2/15ème de mois de salaire par
année au delà de 10 ans d'ancienneté.
188 ) Article L.1226-14, alinéa 2 du Code du travail
189 ) Supra
190 ) Article L.1226-20 du Code du travail
71
accident du travail ou à une maladie
professionnelle191. Cette indemnité peut être
proratisée si le salarié travaillait dans l'entreprise depuis
moins d'un an et s'ajoutera alors à l'indemnité de
précarité qui est en principe égale à 10% de la
rémunération due à
l'intéressé192.
B ) La démission du salarié
Parce que rester dans une entreprise où il a
été victime de harcèlement sexuel l'affecte toujours, le
salarié peut décider de démissionner.
Pour être valable la démission doit être
consentie librement par le salarié et être volontaire et
non-équivoque.
Ainsi, la volonté de démissionner ne peut pas
se présumer. Il faut donc que cette volonté soit expresse. Par
exemple, l'employeur ne pourra pas déduire de l'absence de son
salarié son envie de démissionner.
De plus, la démission ne peut pas être
équivoque. En effet, si le salarié dans sa lettre de
démission reproche à son employeur des faits, des manquements
à ses obligations contractuelles , ceci ne peut pas constituer une
démission. En effet, dans un arrêt de la Chambre sociale du 24
octobre 2001193, les juges ont décidé que la lettre de
démission adressée à l'employeur qui fait état de
griefs à son encontre, est équivoque. Ceci pourrait être
plausible dans le cas de faits de harcèlements sexuels qui motiveraient
une démission. Dans ce cas, la démission n'en est pas une et est
considérée comme une prise d'acte de la rupture. La «
démission » produit alors les effets d'un licenciement sans cause
réelle et sérieuse ou d'un licenciement nul pour le
salarié protégé.
Le salarié peut aussi remettre en cause sa
démission après sa notification dans un délai raisonnable.
Elle sera analysée, là aussi,, comme une prise d'acte et produira
les effets similaires. Il devra cependant rapporter la preuve que les faits
reprochés à l'employeur étaient antérieurs à
la rupture du contrat.
De tels comportements sont fréquents en cas de
harcèlement sexuel puisque le salarié fait état parfois
dans sa lettre de démission de ces faits délictuels qui
motiveraient sa décision de quitter l'entreprise.
Enfin, le consentement du salarié doit être
libre. Ceci découle de l'article 1109 du Code civil qui prévoit
que le consentement n'est pas valable si il est donné par dol, sous la
violence ou par erreur.
191 ) Article L.1226-20 du Code du travail
192 ) F.Lefebvre, Harcèlement et risques psychosociaux,
Ed.Francis Lefebvre, 2012
193 ) Cass.Soc., 24 octobre 2001, n° 99-45.579
72
A défaut de consentement valable, la démission
est alors nulle et devient un licenciement sans cause réelle et
sérieuse194. Ceci semble aussi très fréquent en
matière de harcèlement sexuel puisque l'employeur de mauvaise foi
peut être tenté de faire pression sur le salarié afin qu'il
quitte l'entreprise et que les faits de harcèlement sexuel ne
s'ébruitent pas. Le salarié en souffrance au travail peut
très bien se trouver dans un état psychique anormal et dans ce
cas, sa démission ne saurait être valable195.
Selon un arrêt de la Chambre sociale en date du 17 mars
2010196, le salarié doit choisir le terrain de contestation
sur lequel il va jouer. En effet, il ne peut pas invoquer un vice du
consentement et demander que cet acte de démission devienne une prise
d'acte en raison de griefs allégués.
Au niveau du formalisme, la démission n'est pas
soumise à la formation d'un écrit. Elle peut donc être
orale sans toutefois omettre l'expression de la volonté
non-équivoque du salarié. Il est tout de même
conseillé de faire un écrit qui constituera un moyen de
preuve.
Les conséquences de la démission sont la rupture
du contrat de travail et ce, sans accord préalable de l'employeur.
En cas de rétractation, cette dernière ne
produit aucun effet dès lors que la volonté de
démissionner a été établie et que l'employeur a
reçu la lettre de démission même si elle a eu lieu dans un
bref délai197. Seul l'employeur a le pouvoir d'accepter cette
rétractation et dès lors, le contrat de travail se poursuivra
normalement.
La démission n'ouvre droit à aucune
indemnisation pour le salarié. Néanmoins, si elle a
été contestée ou a fait l'objet de réserves, elle
peut être perçue comme un licenciement sans cause réelle et
sérieuse et les conséquences indemnitaires seront alors les
mêmes que pour une prise d'acte. Le salarié souhaitant
démissionner devra tout de même respecter un éventuel
préavis souvent présent dans les conventions collectives ou les
usages en vigueur dans l'entreprise.
Il se peut que le salarié touche des allocations
d'assurance chômage si, et seulement si, sa démission est
présumée légitime c'est à dire, intervenue à
la suite d'un acte délictueux dont le salarié affirme avoir
été victime lors de l'exécution de son contrat de travail
et si il a dépose une plainte auprès du Procureur de la
République. Ceci est tout à fait possible en matière de
harcèlement sexuel qui est un délit pénal et qui peut donc
justifier une telle plainte.
194 ) Cass.Soc., 10 novembre 1998 , N°96-44.299
195 ) Cass.Soc., 26 septembre 2006, n°05-40.752
196 ) Cass.Soc., 17 mars 2010, n°09-40.465
197 ) Cass.Soc., 13 juillet 1988, n° 85-45.798
73
C) La prise d'acte de la rupture
Le salarié peut aussi prendre acte de la rupture de
son contrat de travail ce qui aura pour effet de rompre immédiatement la
relation de travail. Ceci est possible lorsque l'employeur n'a pas
exécuté ses obligations en matière de prévention et
de protection contre les actes de harcèlement sexuel. Le salarié
victime peut alors considérer son contrat de travail comme rompu.
Aucun formalisme particulier n'est requis là non plus.
Il est conseillé de formuler un écrit afin qu'aucune
ambiguïté ne subsiste quant à la date de rupture. La prise
d'acte ne découle pas obligatoirement du salarié directement.
Elle peut être présentée par un conseil en son
nom198 à condition qu'elle s'adresse à l'employeur.
Ceci peut être intéressant lorsque la victime de
harcèlement sexuel fait appel à un conseil pour l'accompagner
dans ses démarche. Ceci peut être fort rassurant pour elle et d'un
réel soutien.
La prise d'acte entraîne la rupture du contrat de
travail.
Le salarié n'est pas tenu par un préavis
puisque la cessation du contrat est effective à la date de notification
de la prise d'acte. Dans le cas où cette prise d'acte est verbale, la
date de notification est celle où l'acte est notifié
verbalement.
Si le salarié a notifié sa décision par
un écrit par une lettre simple ou une lettre recommandée, il est
considéré que le contrat de travail est rompu à la date
d'envoi de ce courrier199.
Si l'employeur prononce un licenciement aux torts du
salarié postérieurement à la prise d'acte de la rupture,
ceci est sans incidence 200.
De plus, le salarié qui aurait pris acte de la rupture
de son contrat de travail ne pourra pas rétracter son acte valablement.
Dans ce cas, l'employeur pourra toutefois ne pas tenir compte de la prise
d'acte et poursuivre le contrat de travail.
La prise d'acte de la rupture suppose la saisine du juge qui
devra se prononcer sur la qualification de la rupture. Elle produira alors les
effets d'un licenciement si les manquements de l'employeur sont suffisamment
graves ou, les effets d'une démission dans le cas contraire.
En cas de reconnaissance d'une démission, aucune
indemnité de rupture ne sera allouée au salarié qui peut
être condamné à verser à son employeur une
indemnité compensatrice de préavis201
198 ) Cass.Soc., 4 avril 2007, n°05-42.847
199 ) Cass.soc.,4 avril 2006, n°04-44.540
200 ) Cass.Soc., 19 janvier 2005, n°02-41.113
201 ) Cass.Soc. 4 février 2009, n°07-44.142
74
et même des dommages et intérêts pour
rupture abusive.
En cas de reconnaissance d'un licenciement par les juges du
fond en raison de manquements graves de la part de l'employeur, cette prise
d'acte est considérée comme un licenciement sans cause
réelle et sérieuse ou, nul pour le salarié
protégé.
En matière de harcèlement sexuel ou même
moral, ces agissements justifient la rupture aux torts e l'employeur peu
important qu'il ait pris des mesures en vue de faire cesser les agissements
fautifs202 ou que l'auteur ait quitté
l'entreprise203. Le régime spécial de preuve en
matière de harcèlement trouve à s'appliquer ici : le
salarié doit seulement établir les faits de harcèlement
sexuel.
Le licenciement sans cause réelle et sérieuse
ouvre droit pour le salarié à l'indemnité de
préavis, l'indemnité de licenciement204 et même
des dommages et intérêts pour licenciement
abusif205.
Cependant, en matière de harcèlement sexuel ou
moral, le Code du travail prévoit que toute rupture du contrat de
travail en raison de faits de harcèlement est nulle. La Cour de
cassation semble fort hésitante en la matière. En effet, dans un
arrêt elle a décidé que la rupture devait produire les
effets d'un licenciement sans cause réelle et
sérieuse206 et dans une autre affaire que la prise d'acte
était assimilée à un licenciement nul207. Cette
nullité entraînerait alors la possibilité pour le
salarié de demander sa réintégration dans l'entreprise
mais ceci semble peu probable si il a été victime de
harcèlement sexuel.
D ) La résiliation judiciaire du contrat
Ici, le salarié victime de harcèlement sexuel
peut demander au Conseil de prud'hommes de prononcer la rupture du contrat de
travail. Il devra fonder sa demande sur les éventuels manquements de
l'employeur à son obligation de prévenir les actes de
harcèlement sexuel et de faire cesser cette situation.
Pendant le déroulement de cette procédure, le
contrat de travail se poursuit selon des conditions normales. Cependant,
l'employeur peut prononcer un licenciement entre l'introduction de la demande
et la solution donnée. Dans ce cas particulier, le juge devra rechercher
dans un premier temps si la demande de résiliation était
justifiée et si elle ne l'est pas, il pourra se prononcer sur le
202 ) Cass.Soc. 3 février 2010, n°08-44.019
203 ) Cass.Soc.26 septembre 2012, n°11-21.003
204 ) Supra
205 ) Cass.Soc., 28 septembre 2011, n°09-67.510
206 ) Cass.Soc., 3 février 2010, n°08-44.019
207 ) Cass.Soc., 28 septembre 2011, n°10-18.520
75
licenciement notifié par l'employeur208. Le
salarié peut tout de même demander au juge de statuer à
titre principal, sur le bien-fondé de son licenciement, sans examiner
préalablement la demande de résiliation209.
Les juges du fond seront aussi amenés à
rechercher si les manquements invoqués par le salarié lors de la
demande de résiliation sont d'une gravité suffisante pour
justifier cette rupture du contrat de travail. Ils disposent donc d'un pouvoir
souverain sauf en matière de harcèlement moral ou sexuel. En
effet, dans ce cas un tel agissement justifie bien évidemment la
résiliation judiciaire aux torts de l'employeur.
En se basant seulement sur le manquement à
l'obligation de sécurité de résultat210 dont
l'employeur est tenu, la victime de harcèlement sexuel est fondée
à demander la résiliation de son contrat aux torts de l'employeur
qui aurait manqué à son obligation211 et ce, sauf si
l'auteur du harcèlement a quitté l'entreprise. En matière
de prise d'acte, la solution est toute contraire sur ce dernier point.
Si le juge prononce la résiliation judiciaire, elle
prend effet au jour de la décision qui la prononce212.
Cette résiliation produit les effets d'un licenciement
sans cause réelle et sérieuse213. L'employeur devra
donc verser une indemnité compensatrice de préavis214,
une indemnité de congés payés 215et des
dommages et intérêts pour licenciement abusif. Le salarié
aura aussi droit aux allocations de chômage.
En cas de rejet de la demande par les juges, le contrat de
travail se poursuit et l'employeur ne pourra prononcer le licenciement de son
salarié en prenant pour motif cette demande.
208 ) Cass.Soc., 16 février 2005, n°02-46.649
209 ) Cass.Soc., 26 septembre 2012, n°11-14.742
210 ) Supra
211 ) Cass.Soc., 21 février 2007, n°05-41.741
212 ) Cass.Soc., 14 octobre 2009, n° 07-45.257
213 ) Cass.Soc., 20 janvier 1998, n°95-43.350
214 ) Cass.Soc., 28 avril 2011, n°09-40.708
215 ) Cass.Soc., 2 décembre 2003 , n°01-46.229
76
CONCLUSION
Le harcèlement sexuel peut donc être
apparenté à un fléau qui touche malheureusement un grand
nombre de salariés dans les entreprises et ce, qu'ils soient hommes ou
femmes bien que la majorité des faits délictueux recensés
touchent les individus de sexe féminin.
La protection des salariés est vitale pour une
entreprise puisque cette dernière représente en quelque sorte une
figure paternelle et protectrice à laquelle ils sont soumis. Ce sont les
travailleurs qui permettent à une entreprise de s'étendre, de
grandir, de prendre de l'ampleur. Il est donc normal qu'en contrepartie elle
les protège de tout élément perturbateur et dangereux pour
leur santé surtout alors qu'ils participent, de par leur travail,
à son expansion.
Cette protection doit alors se faire en amont mais aussi en
aval.
L'employeur est tenu d'une obligation de prévention
assimilée à une obligation de sécurité de
résultat mais ne trouve pas seul dans l'accomplissement de sa mission.
Les organisations internes et externes jouent aussi un rôle important et
donc non négligeable notamment en ce qu'elles veillent à la bonne
application des règles et, sont parfois plus performantes puisqu'elles
sont plus proches des salariés et plus qualifiées pour faire face
à des situations difficiles.
En aval, toute une procédure de répression est
mise en place et des régimes de responsabilité peuvent être
mis en jeu. Le salarié se sentira, en effet, bien plus
protégé si la personne à l'origine de son calvaire est
punie. Il se sentira conforté et sa souffrance n'en sera que plus
allégée.
De plus, son suivi médical est indispensable dans la
mesure ou le harcèlement sexuel peut avoir des répercussions
post-traumatiques importantes à l'origine de suicides, de
dépressions nerveuses...
Enfin, l'avenir du contrat de travail est aussi mis en danger
face à un tel risque. Le salarié victime n'a pas parfois pas
envie de rester dans son entreprise après avoir tant souffert dans ces
lieux. Il peut donc choisir d'y mettre fin par des moyens adaptés ou
être déclaré inapte si les conséquences
médicales du harcèlement sexuel sont beaucoup trop graves.
Les dispositions applicables au harcèlement sexuel
sont, pour la majorité, applicables aux autres risques psychosociaux
notamment au harcèlement moral, proche cousin du harcèlement
étudié dans ce mémoire qui, lui aussi, a des
conséquences dramatiques sur les salariés et prend des formes
très variés ce qui pose de véritables problèmes
quant à sa preuve et son indemnisation.
77
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
· C.ABOUT, Je suis harcelé(e) au travail , 25
questions-réponses pour agir, Ed. Dans la poche, Coll.Droit dans la
poche, 2014
· F.LEFEBVRE , Harcèlement et risques
psychosociaux, Ed.Francis Lefebvre, Coll. Dossiers pratiques, 2012
· B.HAUBOLD, Les risques psychosociaux,
Ed.Organisation, Coll .Ressources humaines, 2010
· C.KATZ, Victimes de harcèlement sexuel, se
défendre, Ed. Le bord de l'eau, Coll.Clair& net, 2007
· P. MORVAN, Droit de la protection sociale,
Ed. LexisNexis, Coll. Manuel, 2013
· A.BILHERAN , P.ADAM, Risques psychosociaux en
entreprises , les solutions psychologiques et juridiques, Ed.Armand Colin,
2011
· P-H ANTONMATTEI , A.DERUE, S. FANTON-QUINTON,
D.JOURDAN, M.MORAND, G.VACHET, J.VANTAL, P-Y VERKINDT , Les risques
psychosociaux , identifier, prévenir, traiter, Ed.Lamy, Coll. Lamy
Axe Droit, 2010
Articles
· C.LEBORGNE - INGELAERE, « L'employeur face au
harcèlement sexuel : incidence de son inertie et encadrement de sa
réaction », JCP S 2014, 1321
· C.RADE, « Harcèlement, obligation de
sécurité de résultat, obligation de prévention
», Dr.social 2010 , p.472
Codes
· Code du travail
· Code pénal
· Code de procédure pénale
· Code de la sécurité sociale
· Code civil
78
Sites internet
·
www.stop-harcelement-sexuel.gouv.fr
·
www.anact.fr
·
www.ameli.fr
·
www.avft.org
·
www.souffrance-et-travail.com
·
www.travail-emploi.gouv.fr
·
www.vosdroits.service-public.fr
·
www.officiel-prevention.com
·
www.editions-tissot.fr
·
www.humanite.fr
·
www.psychologie.com
·
www.psychologue-saint-raphael.fr
·
www.legifrance.fr
·
www.femina.fr
79
ANNEXES
· Annexe 1 : Enquête IFOP sur le
harcèlement sexuel menée pour le Défenseur des droits
entre le 15 et le 24 janvier 2014 sur un panel de femmes âgées
entre 18 et 64 ans.
· Annexe 2 : ANI sur le harcèlement et la
violence au travail du 26 mars 2010
· Annexe 3 : Charte éthique EDF
· Annexe 4 : Affichettes du
gouvernement
ANNEXE 1
Enquête IFOP sur le harcèlement sexuel
menée pour le Défenseur des droits entre le 15 et le 24
janvier 2014 sur un panel de femmes âgées entre 18 et 64 ans.
Question : Au sujet du
harcèlement sexuel, dans votre vie professionnelle vous est-il
vous-même arrivé d'avoir à faire face à une
situation de harcèlement sexuel ?
16%
4%
80%
Oui , une fois
Oui, plusieurs fois Non, jamais
13%
41%
18%
6%
22%
Un collègue L'employeur
Un supérieur hiérarchique direct
Un client Autre
80
Question : Qui est (ou était)
à l'origine de cette situation ?
Question : Au moment des faits que
nous évoquons, étiez-vous, oui, plutôt ou non, pas
spécialement... ?
22%
30%
24%
25%
Dans une situation d'emploi précaire
Dans une situation personnelle d'isolement
Dans une situation affective difficile
Dans une situation financière difficile
Question : Si vous avez parlé de
cette situation à quelqu'un , qui était-ce ?
6%
3%
4%
4%
6%
15%
34%
27%
1%
81
Famille et entourage
Collègues
Un membre de la direction
Le médecin traitant
Les IRP
Le médecin du travail
L'inspection du travail
Une association
Autre
82
ANNEXE 2
Accord du 26 mars 2010 sur
le harcèlement et la violence au
travail
PREAMBULE
Le respect de la dignité des personnes à tous les
niveaux est un principe fondamental qui ne peut être transgressé,
y compris sur le lieu de travail. C'est pourquoi le harcèlement et la
violence, qui enfreignent très gravement ce principe, sont
inacceptables. Les parties signataires les condamnent sous toutes leurs
formes.
Elles estiment qu'employeurs et salariés ont un
intérêt mutuel à traiter, notamment par la mise en place
d'actions de prévention, cette problématique, qui peut avoir de
graves conséquences sur les personnes et est susceptible de nuire
à la performance de l'entreprise et de ses salariés. Elles
considèrent comme étant de leur devoir et de leur
responsabilité de transposer, par le présent accord, l'accord
cadre autonome signé par les partenaires sociaux européens le 15
décembre 2006 sur le harcèlement et la violence au travail.
Prenant en compte :
? les dispositions des législations européenne et
nationale qui définissent l'obligation
de l'employeur de protéger les salariés contre le
harcèlement et la violence sur le
lieu de travail ;
?t le fait que le harcèlement et/ou la violence au travail
peuvent prendre différentes
formes, susceptibles :
- d'être d'ordre physique, psychologique et/ou sexuel,
- de consister en incidents ponctuels ou en comportements
systématiques,
- d'être exercés entre collègues, entre
supérieurs et subordonnés, ou par des
tiers tels que clients, consommateurs, patients,
élèves, etc.,
- d'aller de cas mineurs de manque de respect à des
agissements plus graves,
y compris des délits, exigeant l'intervention des pouvoirs
publics,
les parties signataires reconnaissent que le harcèlement
et la violence peuvent affecter
potentiellement tout lieu de travail et tout salarié,
quels que soient la taille de l'entreprise, son
champ d'activité ou la forme du contrat ou de la relation
d'emploi.
Cependant, certaines catégories de salariés et
certaines activités sont plus exposées que
d'autres, notamment, s'agissant des agressions externes, les
salariés qui sont en contact avec le
public. Néanmoins, dans la pratique, tous les lieux de
travail et tous les salariés ne sont pas
affectés.
Le présent accord vient compléter la
démarche initiée par l'accord national interprofessionnel du 2
juillet 2008 sur le stress au travail (signé le 24 novembre 2008) dont
les dispositions abordent les aspects organisationnels, les conditions et
l'environnement de travail.
Il vise à identifier, à prévenir et à
gérer deux aspects spécifiques des risques psychosociaux - le
harcèlement et la violence au travail.
Dans cette perspective, les parties signataires
réaffirment leur volonté de traiter ces questions en raison de
leurs conséquences graves pour les personnes ainsi que de leurs
coûts sociaux et économiques. Elles conviennent, en
conséquence, de prendre des mesures de protection collective visant
à améliorer la santé et la sécurité au
travail des salariés, de veiller à l'environnement physique et
psychologique du travail. Elles soulignent également
83
l'importance qu'elles attachent au développement de la
communication sur les phénomènes de harcèlement et de
violence au travail, ainsi qu'à la promotion des méthodes de
prévention de ces phénomènes.
Sans préjudice des dispositions législatives et
réglementaires en vigueur, le présent accord traite des formes de
harcèlement et de violence au travail qui ressortent de la
compétence des partenaires sociaux et correspondent à la
description qui en est faite à l'article 2 ci-dessous.
ARTICLE 1 : OBJECTIFS DE L'ACCORD
Le présent accord a pour objectifs :
- d'améliorer la sensibilisation, la compréhension
et la prise de conscience des
employeurs, des salariés et de leurs représentants
à l'égard du harcèlement et de la
violence au travail afin de mieux prévenir ces
phénomènes, les réduire et si
possible les éliminer ;
- d'apporter aux employeurs, aux salariés et à
leurs représentants, à tous les
niveaux, un cadre concret pour l'identification, la
prévention et la gestion des
problèmes de harcèlement et de violence au
travail.
Ces objectifs s'imposent à l'ensemble des entreprises,
quel que soit leur effectif. Les modalités
retenues pour les atteindre devront être adaptées
à la taille des entreprises.
ARTICLE 2 : DEFINITION, DESCRIPTION ET IDENTIFICATION DU
HARCELEMENT ET DE LA VIOLENCE AU TRAVAIL
1. Définition et description
générale
Le harcèlement et la violence au travail s'expriment par
des comportements inacceptables d'un ou plusieurs individus ; ils peuvent
prendre des formes différentes (physiques,
psychologiques, sexuelles), dont certaines sont plus facilement
identifiables que d'autres. L'environnement de travail peut avoir une influence
sur l'exposition des personnes au harcèlement et à la
violence.
Le harcèlement survient lorsqu'un ou plusieurs
salariés font l'objet d'abus, de menaces et/ou d'humiliations
répétés et délibérés dans des
circonstances liées au travail, soit sur les lieux de travail, soit dans
des situations liées au travail.
La violence au travail se produit lorsqu'un ou plusieurs
salariés sont agressés dans des circonstances liées au
travail. Elle va du manque de respect à la manifestation de la
volonté de nuire, de détruire, de l'incivilité à
l'agression physique. La violence au travail peut prendre la forme d'agression
verbale, d'agression comportementale, notamment sexiste, d'agression physique,
...
Les incivilités contribuent à la
dégradation des conditions de travail, notamment pour les
salariés qui sont en relation quotidienne avec le public, et rendent
difficile la vie en commun. Les entreprises qui laissent les incivilités
s'installer, les banalisent et favorisent l'émergence d'actes plus
graves de violence et de harcèlement.
Le harcèlement et la violence au travail peuvent
être exercés par un ou plusieurs salariés ou par des tiers
avec pour but ou pour effet de porter atteinte à la dignité d'un
salarié, affectant sa santé et sa sécurité et/ou
créant un environnement de travail hostile.
Les phénomènes de stress lorsqu'ils
découlent de facteurs tenant à l'organisation du travail,
l'environnement de travail ou une mauvaise communication dans l'entreprise
peuvent conduire à des situations de harcèlement et de violence
au travail plus difficiles à identifier.
2. Cas particulier de harcèlement et de violence
au travail
84
Certaines catégories de salariés peuvent être
affectées plus particulièrement par le harcèlement et la
violence en raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle,
de leur handicap, ou de la fréquence de leur relation avec le public. En
effet, les personnes potentiellement exposées à des
discriminations peuvent être plus particulièrement sujettes
à des situations de harcèlement ou de violence au travail.
3. Violences faites aux femmes
En ce qui concerne plus particulièrement les violences
faites aux femmes, la persistance des stéréotypes et des tabous
ainsi que la non reconnaissance des phénomènes de
harcèlement sexuel, nécessite une forte sensibilisation à
tous les niveaux de la hiérarchie et la mise en place de politiques de
prévention, et d'accompagnement dans les entreprises. Il s'agit
notamment d'identifier ces stéréotypes et de les
démystifier en réfutant les représentations
erronées de la place des femmes dans le travail. Une telle
démarche s'inscrit notamment dans une approche volontariste et
opérationnelle pour combattre ces phénomènes qui peuvent
se révéler dans le cadre du travail au travers de situations de
harcèlement et de violence au travail.
ARTICLE 3 : ENGAGEMENTS DES EMPLOYEURS ET DES
SALARIES
Aucun salarié ne doit subir des agissements
répétés de harcèlement qui ont pour objet ou pour
effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter
atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa
santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel.
De même, aucun salarié ne doit subir des agressions
ou des violences dans des circonstances liées au travail, qu'il s`agisse
de violence interne ou externe :
- la violence au travail interne est celle qui se manifeste entre
les salariés, y compris le personnel d'encadrement,
- la violence au travail externe est celle qui survient entre les
salariés, le personnel d'encadrement et toute personne extérieure
à l'entreprise présente sur le lieu de travail.
En conséquence, l'employeur prend toutes les mesures
nécessaires en vue de prévenir de tels
agissements :
? Les entreprises doivent clairement affirmer que le
harcèlement et la violence au travail
ne sont pas admis. Cette position qui peut être
déclinée sous la forme d'une « charte
de référence » précise les
procédures à suivre si un cas survient. Les procédures
peuvent inclure une phase informelle, durant laquelle une
personne ayant la confiance
de la direction et des salariés est disponible pour
fournir conseils et assistance.
? La diffusion de l'information est un moyen essentiel pour
lutter contre l'émergence et
le développement du harcèlement et de la violence
au travail. A cet effet, la position ci-dessus,
lorsqu'elle fait l'objet d'un document écrit ou de la
« charte de référence », est
annexée au règlement intérieur dans les
entreprises qui y sont assujetties.
ARTICLE 4 : PREVENTION, IDENTIFICATION ET GESTION DES
PROBLEMES DE HARCELEMENT ET DE VIOLENCE AU TRAVAIL
L'employeur, en concertation avec les salariés et/ou leurs
représentants, prend les mesures nécessaires en vue de
prévenir et gérer les agissements de harcèlement et de
violence au travail. A cet effet, il apparaît important de recenser, le
cas échéant, les phénomènes de harcèlement
ou de violence au travail afin d'en mesurer l'ampleur, d'en appréhender
les circonstances, et de
85
rechercher les mesures de prévention adéquates.
Le harcèlement et la violence au travail ne peuvent se
présumer. Toutefois, en l'absence de dénonciation explicite, les
employeurs doivent manifester une vigilance accrue à l'apparition de
certains indicateurs ou indices tels que des conflits personnels
répétés, des plaintes fréquentes de la part de
salariés, ou des passages à l'acte violents contre soi-même
ou contre d'autres.
1. Prévention des problèmes de
harcèlement et de violence au travail
? Une meilleure sensibilisation et une formation adéquate
des responsables hiérarchiques et des salariés réduisent
la probabilité des cas de survenance de harcèlement et de
violence au travail. Aujourd'hui, la formation au management proposée
dans les différentes écoles ou universités ne prend pas
suffisamment en compte la formation à la conduite des équipes.
Aussi, ces programmes de formation doivent davantage intégrer la
dimension relative à la conduite des hommes et des équipes, et
aux comportements managériaux.
Cette sensibilisation et cette formation passe par la
mobilisation des branches professionnelles qui mettront en place les outils
adaptés à la situation des entreprises de leur secteur
professionnel.
Ainsi, les outils nécessaires pourront être
élaborés afin de favoriser la connaissance des employeurs et des
salariés des phénomènes de harcèlement et de
violence au travail et de mieux appréhender leurs conséquences au
sein de l'entreprise.
? Par ailleurs, les mesures visant à améliorer
l'organisation, les processus, les conditions et l'environnement de travail et
à donner à tous les acteurs de l'entreprise des
possibilités d'échanger à propos de leur travail
participent à la prévention des situations de harcèlement
et de violence au travail.
En cas de réorganisation, restructuration ou changement de
périmètre de l'entreprise, celle-ci veillera à penser,
dans ce nouveau contexte, un
environnement de travail équilibré.
Les branches professionnelles s'emploieront avec les
organisations syndicales de salariés à aider les entreprises
à trouver des solutions adaptées à leur secteur
professionnel.
? Lorsqu'une situation de harcèlement ou de violence est
repérée ou risque de se produire, le salarié peut recourir
à la procédure d'alerte prévue en cas d'atteinte au droit
des personnes.
? Les parties signataires rappellent que les services de
santé au travail qui associent des compétences médicales
et pluridisciplinaires sont les acteurs privilégiés de la
prévention du harcèlement et de la violence au travail. Outre
leur rôle d'information et de sensibilisation des salariés ou de
l'employeur confrontés à ces phénomènes, ils
peuvent participer à l'élaboration de formations adaptées
et d'une politique de sécurité, au niveau approprié de
l'entreprise.
Le médecin du travail joue dans ce cadre un rôle
particulier tenant au respect du secret médical tel qu'il est
attaché à sa fonction et auquel il est tenu.
? Dans le cadre des attributions des institutions
représentatives du personnel, le
86
CHSCT agit, en lien avec le comité d'entreprise, pour la
promotion de la prévention des risques professionnels dans
l'établissement. Il peut notamment proposer des actions de
prévention en matière de harcèlement et de violence au
travail. En cas de refus de l'employeur, ce refus doit être
motivé.
2. Identification et gestion des problèmes de
harcèlement et de violence au travail
? Sans préjudice des procédures
préexistantes dans l'entreprise, une procédure appropriée
peut être mise en place pour identifier, comprendre et traiter les
phénomènes de harcèlement et de violence au travail.
Elle sera fondée sur les éléments suivants,
sans pour autant s'y limiter :
? il est dans l'intérêt de tous d'agir avec la
discrétion nécessaire pour protéger la dignité et
la vie privée de chacun ;
? aucune information, autre qu'anonymisée ne doit
être divulguée aux parties non impliquées dans l'affaire en
cause ;
? les plaintes doivent être suivies d'enquêtes et
traitées sans retard ;
? toutes les parties impliquées doivent
bénéficier d'une écoute impartiale et d'un traitement
équitable ;
? les plaintes doivent être étayées par des
informations détaillées ;
? les fausses accusations délibérées ne
doivent pas être tolérées, et peuvent entraîner des
mesures disciplinaires ;
? une assistance extérieure peut être utile Elle
peut notamment s'appuyer sur les services de santé au travail.
? Dans le respect de ces orientations, une procédure de
médiation peut être mise en oeuvre par toute personne de
l'entreprise s'estimant victime de harcèlement ou par la personne mise
en cause.
Le choix du médiateur fait l'objet d'un accord entre les
parties.
Le médiateur s'informe de l'état des relations
entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions
qu'il consigne par écrit en vue de mettre fin au conflit.
? L'employeur peut avoir recours aux compétences
pluridisciplinaires du service de santé au travail dès
l'identification de phénomènes de harcèlement et de
violence au travail jusqu'à la mise en oeuvre d'actions de
prévention.
? Les employeurs, en concertation avec les salariés et/ou
leurs représentants, établissent, revoient et suivent ces
procédures pour assurer leur efficacité, tant en matière
de prévention qu'en matière de traitement des problèmes
éventuels.
ARTICLE 5 : SANCTIONS A L'ENCONTRE DES AUTEURS DE
HARCELEMENT ET DE VIOLENCE AU TRAVAIL ET MESURES D'ACCOMPAGNEMENT
DES
SALARIES HARCELES OU AGRESSES
1. Sanction à l'encontre des auteurs de
harcèlement ou de violence
S'il est établi qu'il y a eu harcèlement ou
violence, des mesures adaptées sont prises à l'égard du ou
des auteur(s). Le règlement intérieur précisera les
sanctions applicables aux auteurs des agissements de harcèlement ou de
violence.
2. Mesures d'accompagnement des salariés
harcelés ou agressés
87
Aucun salarié ne peut être sanctionné,
licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou
indirecte, notamment en matière de rémunération, de
formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification,
de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour
avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement ou
de violence ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les
avoir relatés. La(les) victime(s) bénéficie(nt) d'un
soutien et, si nécessaire, d'une aide à leur maintien, à
leur retour dans l'emploi ou à leur réinsertion.
Des mesures d'accompagnement prises en charge par l'entreprise
sont mises en oeuvre en cas de harcèlement avéré ou de
violence, pouvant porter atteinte à la santé. Celles-ci sont
avant tout destinées à apporter un soutien à la victime,
notamment au plan médical et
psychologique.
S'agissant des agressions par des tiers, l'entreprise pourra
prévoir des mesures d'accompagnement, notamment juridique, du
salarié agressé.
L'employeur, en concertation avec les salariés ou leurs
représentants, procédera à l'examen des situations de
harcèlement et de violence au travail lorsque de telles situations sont
constatées, y compris au regard de l'ensemble des éléments
de l'environnement de travail : comportements individuels, modes de management,
relations avec la clientèle, mode de fonctionnement de l'entreprise.
ARTICLE 6 - PROMOTION, SUIVI ET EVALUATION
Les parties signataires assureront la diffusion et la promotion
du présent accord auprès des salariés et des entreprises.
Elles s'attacheront également à la situation dans les TPE/PME.
Elles insistent sur le rôle fondamental que doivent jouer les branches
professionnelles en la matière.
Les partenaires sociaux établiront un rapport annuel
conjoint, communiqué aux partenaires sociaux européens dans le
cadre du suivi du déploiement de l'accord autonome européen. A
l'issue d'un délai de deux ans suivant la publication de
l'arrêté d'extension de l'accord, les partenaires sociaux se
réuniront pour évaluer la mise en oeuvre de l'accord à
tous les niveaux.
ARTICLE 7 : EXTENSION
Les parties signataires demanderont, à l'initiative de la
partie la plus diligente, l'extension du présent accord.
Paris, le 26 mars 2010
88
ANNEXE 3
Charte éthique EDF (extraits)
89
ASSURER SANTÉ ET SÛRETÉ
Assurer la sécurité et protéger la
santé des personnes concernées par son activité, ainsi que
la sûreté de ses installations et de ses ouvrages
CHART£ £DlQDE W GRODPE CM EIX.AGEMEMS GGOOP£
PRÉVENIR
DISCRIMINATION ET
HARCÈLEMENT
Prévenir et traiter dans la vie au travail toute situation
d'injustice ou de discrimination, ainsi que toute situation de contrainte, de
violence ou de harcélement
CHARTE EE7MQHE DU GROUPE EDF ENCAGEMENTS GROUFE
&
RESPECTER LES OPINIONS
Respecter les croyances et les opinions de chacun ainsi que les
organisations politiques, syndicales et religieuses sans apporter de soutien
à aucune en particulier
CHARTE EEFIQIIE CU GROUPE EDF ENGAGEMENTS GROUPE
ÊTRE
81..
À L'ÉCOUTE DES AUTRES
Être à l'écoute des parties prenantes de son
activité : salariés, clients, fournisseurs, actionnaires,
associations et pouvoirs publics, et leur fournir l'information qui leur est
due
90
CHARTE fT3110UE DU GROUPE EDF ENGAGEMENTS
GROUPE
91
AGIR
AVEC ÉTHIQUE
Ne pas imposer à un salarié un
objectif contraire aux valeurs et aux engagements éthiques
du Groupe
CHARTE E11 IQUE DU GROUPE EDE Et ·GAGEMEMS GROUPE
GARANTIR
LE DROIT D'ALERTE
Garantir à tout salarié, face à une
situation contraire aux valeurs et aux engagements éthiques du Groupe,
le droit d'alerter, en toute confidentialité et sans risque de
représailles, son management ou un interlocuteur dédié
dans sa société, ou, si nécessaire, en dernier recours, la
Commission éthique et déontologie du Groupe
Op 12
CHARTE ETHIQUE DU GROUPE EDE EHG4GEMEMS GROU
U
92
93
ANNEXE 4
Affichettes du gouvernement
94
95
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION 6
PARTIE I - Les mécanismes de protection
antérieurs aux
actes de harcèlement sexuel 12
Chapitre I ) L'obligation de prévention pesant
sur l'employeur 13
Section 1 ) L'obligation légale
de prévention de l'employeur 13
A) La base textuelle de l'obligation de prévention 17
B) Une obligation de sécurité de résultat
20 Section 2 ) Les mesures de prévention
prises par l'employeur 20
A) L'évaluation des risques 23
B) Le règlement intérieur 24
C ) La charte éthique 24
D) L'information et la formation des acteurs de l'entreprise26
E ) Le droit d'alerte des salariés 28
F) La mise en place de la démarche QVT 30
Chapitre II ) Le rôle des institutions internes
et externes 31
Section 1 ) Le rôle des institutions
représentatives du personnel 31
A) La place primordiale du CHSCT 31
B) Les missions des délégués du personnel
33
C) Les missions du CE 35
D) La mission des organisations syndicales 36
Section 2 ) Le rôle de services
extérieurs à l'entreprise 36
A) Le rôle du service de santé au travail 37
B)
96
Le rôle de la CARSAT 40
C) Le rôle du réseau ANACT-ARACT 40
D) Le rôle de l'inspection du travail 41
PARTIE II - Les mécanismes de protection
postérieurs aux
actes de harcèlement sexuel 43
Chapitre I ) La répression des agissements de
harcèlement sexuel 44
Section 1) Les procédures de
répression 44
A) Le recours devant le Conseil de prud'hommes 44
B) Le recours devant la juridiction pénale 47
1) Les faits justifiant l'action pénale 47
2) La procédure 49
C) Le recours à une mesure disciplinaire 50
1 ) Les faits fautifs 51
2) La sanction disciplinaire 51
Section 2) Les responsabilités
pouvant être engagées 53
A) La responsabilité du salarié auteur 54
B) La responsabilité de l'employeur 54
C) La responsabilité de l'entreprise
écartée 55
Chapitre II ) Le devenir du salarié
victime 57
Section 1 ) Le suivi
médical 57
A) La consultation d'un médecin 57
1) La consultation du médecin traitant 57
2) La consultation du médecin du travail 58
B) La reconnaissance d'un accident du travail ou d'une
97
maladie professionnelle 59
1) La caractérisation d'un accident du travail 59
2) La caractérisation d'une maladie professionnelle 61
3) Les indemnités dues 62
C) Le suivi psychologique 64
1) Les organismes 65
2) Les professionnels 66
Section 2) L'avenir du contrat de
travail 67
A ) Les situations possibles après un arrêt de
travail 67
1) L'organisation de la visite 67
2) La décision du médecin du travail 68
3) L'obligation de reclassement de l'employeur 69
4) L'éventuelle rupture du contrat de travail 70
B) La démission 72
C) La prise d'acte de la rupture 74
D) La résiliation judiciaire 75
CONCLUSION 77
BIBLIOGRAPHIE 78
ANNEXES 80
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