Chapitre 4
Les modèles structurels sont des modèles du
risque de crédit où une entreprise donnée est
considérée en cessation de paiement lorsque la valeur de ses
actifs ne suffit plus à faire face à sa dette. Dans cette
approche initiée par Merton (1974) ;la valeur de la dette est
évaluée à l'aide de la théorie des options :
l'action de l'entreprise et sa dette y apparaissent comme des produits
dérivés sur la valeur totale de ses actifs.
La popularité de ce modèle a permis la diffusion
des idées de Merton et a transformé en quelques décennies
la vision du risque de crédit. Le modèle développé
par Moody's KMV pour estimer les probabilités de défaut ou le
modèle Credit Grade de JP Morgan sont de parfaites
illustrations de cette tendance. Les modèles à la Merton»
sont toujours largement utilisés pour valoriser la dette risquée,
modéliser le spread de crédit, évaluer la
qualité d'une signature, établir des liens entre le risque
equity et le risque de crédit, etc.
Après avoir présenté le modèle de
base tel que l'introduit Merton dans son article fondateur, nous
décrivons, suivant Hull, Nelken et White, comment il peut être
implémenté. Nous étendons ensuite le modèle de
Merton dans la direction des modèles dits «de premier instant de
passage» et traitons l'exemple du modele Credit Grade de JP
Morgan. Les exemples retenus mettent en évidence le lien entre risque de
crédit et risque equity.
4.1 Modélisation du défaut d'une entreprise
:
4.1.1 Préteurs, emprunteurs, produits
Les marchés de la dette regroupent plusieurs types
d'intervenants :
. Les emprunteurs
. Les préteurs (investisseurs privés ou
institutionnels)
. Les agences de notation qui sont des organismes
indépendants dont le métier est d'attribuer une note
représentative du risque de crédit associé ua n'importe
quel type d'émission obligataire.
Les produits traités sur les marchés financiers
sont divers. Les plus simples et les plus anciens sont les obligations, qui
sont émises par des Etats (en France Obligation au Trésor (OAT),
emprunts russes, Government Bonds americains, etc...), des administrations
(Unedic en France qui a lancé en 2006 une opération de
titrisation de ses créances pour un montant de 1.5 Mds ), des villes
(Municipality bonds aux Etats-Unis), des grandes entreprises (France Telecom,
EDF, Sodexho) dont des banques (BNPP, Société
Générale, Crédit Agricole, etc ). Des produits
dérivés sont ensuite apparus : les CDS (Crédit Default
Swap) ou plus généralement les dérivés de
crédit classiques et enfin encore plus récemment des produits
plus complexes tels que les CDO (Collateralized Debt Obligations) ou
First-to-Default
Chapitre 4 Les modèles structurels
Notons enfin l'existence de produits dits hybrides tels que
les obligations convertibles qui permettent d'échanger de la dette
contre des actions.
Le marché de la dette représente un volume
important des échanges. Au premier trimestre 2005, 360 milliards d'Euros
d'obligations avaient été émis (en Europe) pour un total
de 805 milliards de dollars au niveau mondial. Par ailleurs, le montant de
produits structurés s'élevait à 67 milliards d'euros et
l'ensemble des prêts syndiqués ua 250 milliards de dollars. Enfin,
notons que le marché de la dette est en croissance soutenue depuis
plusieurs années, et notamment la standardisation des produits
structurés.
Figure 4.1.1: Croissance du marché de la dette
(source :J.P.Morgan) 4.1.2 Les obligations risquées
Reprenons notre exemple France Telecom. Aujourd'hui, en 2006,
France Telecom souhaite lever des fonds pour financer une acquisition
importante ou une avancée technologique. En raison de contraintes
fiscales, d'un cours boursier défavorable, France Telecom souhaite
Chapitre 4 Les modèles structurels
financer son opération via l'émission d'un
emprunt sur les marchés financiers sous la forme de bons aux porteurs.
L'intérêt proposé est de 6% et la maturité de
l'opération 4 ans.
France Telecom va se tourner vers une banque qui s'engage
à placer sur les marchés financiers les titres émis, au
prix de 100. Afin de parvenir à ce chiffre, la banque "testera" les
marchés et demandera-en conséquence à France Telecom
d'ajuster à la hausse ou à la baisse le taux
d'intérêt proposé (le coupon).
La banque garantira ensuite à France Telecom la vente
de tous les titres, s'engageant ainsi à prendre ceux qu'elle n'aura pas
placés. On dira alors que la banque est collée (risque de colle)
aux titres France Telecom.
Les titres sont émis au 1er septembre 2006. Un
échéancier est mis en place suivant lequel :
l Au 01.09.2006, FT perçoit 100
l aux 01.09.2007, ..., 01.09.2009, France Telecom verse le
coupon de 6 au porteur
l le 01.09.2010, France Telecom verse au porteur le dernier
coupon de 6 et rembourse le principal de 100.
Figure 4.1.2:Echéancier des paiements pendant la
durée de vie de l'obligation.
Chapitre 4 Les modèles structurels
Un porteur qui a acheté l'obligation France Telecom au
01.09.2006 peut la revendre sur le marché obligataire. Le prix
d'échange est fixé par le marché et on assiste à
une cotation de
l'obligation France Telecom aux cotés d'autres
obligations. Un exemple de cotation est le suivant :
Plusieurs informations sont rassemblées autour de la
cotation :
l nom de l'émetteur
l qualité de crédit de l'émetteur (rating
attribué par une agence de notation)
l maturité de l'obligation
l coupon
La cotation est un prix (en l'occurrence 111.93) auquel on
associe un taux, le taux actuariel. Le taux actuariel est le taux qui
égalise prix d'achat (la jambe fixe) et flux à venir (la jambe
variable).Il reflète la rémunération exigée pour le
risque pris (risque de taux et risque de non-remboursement), qui dépend
donc de la qualité de crédit de l'emprunteur (l'émetteur),
du coupon et de la maturité de l'obligation. Le taux de rendement
actuariel ñ est donc solution de
l'équation :
.
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