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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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SECTION II - LA CONSTRUCTION DES IDENTITES ET DES INTERETS DES PORTE-PAROLES

Jacques ROJOT soutient que « le comportement humain dans une organisation est stratégique. Chacun est actif dans une direction qu'il suit vers ses propres objectifs »398(*). Autant les porte-paroles utilisent l'UA pour construire leurs identités, (paragraphe I) autant elle construit aussi leurs intérêts (paragraphe II).

PARAGRAPHE I - LA CONSTRUCTION DES IDENTITES

Malgré la chute du régime du colonel KADHAFI399(*), son implication en faveur de l'UA lui a permis de reconstruire son image sur le plan international (A). De même, en défendant les principes à la base de cette organisation et par l'usage du discours de la renaissance africaine, le Président WADE s'est construit une identité multidimensionnelle(B).

A - La construction de l'image de Kadhafi sur la scène internationale

En paraphrasant ROJOT, on peut convenir que la face est la possession la plus personnelle et valorisée de l'individu400(*). En un mot, c'est le centre de sa sécurité et de son plaisir401(*). « Sauver la face »  est à cet effet le processus par lequel l'individu tentera de donner l'impression aux autres, dans des circonstances qui pourraient conduire à une situation de face perdue, honteuse ou mauvaise, que cela n'est pas le cas402(*). Pendant longtemps, le colonel KADHAFI, forcé de rester en retrait d'un système international dont il était accusé de combattre les valeurs était en posture de « mauvaise face »403(*). Ses actions pour la construction de l'UA ont participé à la construction de sa grandeur(1). A travers l'Union où il a construit l'image d'un ``roi'' généreux (2), il a pu reconstituer son image jadis perdue en Occident (3).

1- La construction de sa grandeur

Au-delà du rôle croissant du colonel KADHAFI dans la construction de l'UA, qui a magnifié son image, (a) il a fait ériger de nombreux symboles à sa hauteur dans plusieurs pays membres(b).

a- La célébration de son image lors des rencontres de l'UA

Au moment où les chefs d'Etat se donnent rendez-vous à Lomé pour parapher l'Acte constitutif de l'UA, personne ne s'attend certainement à l'honneur dont l'image du colonel KADHAFI devait se parer. Comme en terrain conquis, son ombre dominera partout sur le 36ème sommet de l'OUA. Le jour de son ouverture, des femmes massées dans les rues brandissaient les photos de KADHAFI. Dans la capitale togolaise, deux grandes pancartes plantées et sur lesquelles étaient affichées les photos de KADHAFI avaient pris d'assaut les principales artères de Lomé. Au milieu de ces pancartes, on pouvait apercevoir une minuscule photo du feu Président GNASSIMBE E. EYADEMA. De part et d'autre sur celles-ci,

pouvait-on lire en arabe et en français cette épitaphe : « le Guide du commandement populaire Islamique mondial »404(*).

Le décor planté valorisait le colonel KADHAFI par la grabataire OUA et ses pairs pour son engagement à se pencher désormais à son chevet. Pour preuve, le Président Eyadema était accueillir à la frontière Togo-Ghana le panafricaniste KADHAFI qui avait fait le déplacement de Lomé par voie terrestre. Un acte magnifiant le chantre de l'UA. Comme récompense symbolique, le Président sud-africain lui avait proposé, en 2004, de prendre la présidence de l'UA pour son rôle « central et déterminant  dans la création de l'UA »405(*). Ces divers actes posés par les populations africaines et les chefs d'Etat, explique Erving GOFFMAN, témoignent du fait que la « face » n'est que « prêtée par la société » 406(*) à l'individu. Autant elle peut lui être « retirée s'il ne se conduit pas de la façon qui est digne »407(*), autant elle lui est retournée lorsqu'il « s'ajuste »408(*).

On notera en rappel que le colonel KADHAFI a dépensé beaucoup d'argent et d'énergie pour la cause de l'Union. Sans doute une stratégie pour entretenir son image et se faire connaître. Car, à travers ses diverses entreprises sur le continent, « il a su faire beaucoup parler de lui »409(*).

b- La personnification de l'Afrique

Sa tendance à personnifier l'Afrique et parler en son nom et pour son compte s'est aussi illustrée par de nombreux symboles qu'il a fait ériger en son image dans plusieurs pays du continent, notamment dans les Etats de la Cen-sad. On peut citer entre autres le « complexe commercial El-Fateh » du Burkina-Faso410(*), et la tour KADHAFI à Khartoum au Soudan. Avant la déstabilisation dont il a été victime, KADHAFI envisageait construire d'ici à 2012 la « Kadhafi African Tower » de 60 étages à la pointe du cap Manuel à Dakar au Sénégal411(*).

Evidemment, grâce à ses multiples réalisations, son image s'est davantage améliorée. Elles lui ont construit un prestige comparable à la renommée du premier président noir d'Afrique du Sud. C'est l'observation de François Soudan pour qui, avec son « approche africaine », « Kadhafi se rachète une conduite [...], endosse les habits d'un Mandela arabe, sage et médiateur »412(*). D'où la construction de l'image du « roi » généreux.

2- La construction du « roi » généreux

On ne s'étonnera pas qu'en se faisant introniser comme « roi des rois traditionnels d'Afrique », KADHAFI s'est construit l'image d'un grand « chef traditionnel » respecté par les Africains et craint au sein de l'UA qui a accepté ses « copains ». Cette attitude témoignerait du narcissisme et de la mégalomanie d'un colonel dont l'objectif était de se sentir valeureux et utile.

Indubitablement, il s'est comporté comme un véritable chef traditionnel africain, soucieux de son peuple. Car, il a toujours généreusement et profusément partagé les biens dont il disposait avec les Africains. Au Cameroun par exemple, il a notoirement devancé l'Organisation Mondiale de la Santé en faisant des dons en médicaments pour tenter d'en finir avec les misères du choléra.

Afin de réduire le phénomène de la fuite des cerveaux et la traversée de la Méditerranée par de nombreux africains, trépassant sur les barrières électrifiées de Meili lia et de Lampedusa à cause du chômage ambiant sur le continent, le « roi » KADHAFI a réalisé des investissements salutaires dans plusieurs pays de l'UA. Depuis 2008, en effet, il avait consacré 1,5% du produit national brut libyen à l'aide au développement413(*), soit au total 35 milliards de dollars en 2011. Ce qui le place étonnamment au-dessus des Européens414(*). Dans un pays comme le Mali, outre les nombreux chantiers qu'il a financés, il payait via la Libyan African Investment Compagny (Laico) les salaires des enseignants qui touchaient 350.000 FCFA par mois415(*). Des contributions riches pour la lutte contre l'analphabétisme et la misère en Afrique, au regard des aspirations du Conseil Economique, Social et Culturel de l'UA. Il est donc évident que son décès pourrait faire des  fragilisés  sur le continent. C'est le cas dans les pays de l'UA où il était un grand bailleur de fonds et surtout de l'UA même où il était un précieux donateur. Pour cette raison, certains membres ont en vain essayé de sauver sa peau en prêchant la négociation et la médiation comme solutions pour rapprocher l'homme fort de Tripoli des rebelles. Mais, comme l'a expliqué le Président sud-africain, Jacob ZUMA, « les efforts de paix de l'Union Africaine ont été sapés par l'OTAN qui a préféré le recours aux armes pour résoudre le conflit ».

Au plus fort de son importance, l'UA est une structure qui a permis à KADHAFI d'être aimé sur le continent et même au-delà comme au Venezuela416(*). Il a pu faire naître chez de nombreux Africains le rêve de voir une Afrique « dé-vassalisée » aux couleurs yankee. Son engagement dans ce projet d'Union l'a davantage rapproché des Occidentaux qui, professionnels dans « l'art incertain de la politique » et se « prenant pour Dieu le Père » 417(*), l'avaient envoyé en enfer.

3- La reconquête de son image en Occident par l'abandon des projets nucléaires et la stigmatisation du terrorisme

Longtemps jeté aux orties, le colonel KADHAFI s'est lancé comme mû par une nouvelle jeunesse dans son entreprise pharaonique d'unir l'Afrique. En agissant de la sorte, il a pu retrouver le Concert des Nations grâce aux diverses concessions faites à l'Occident. En arborant la camisole de panafricaniste, « le super terroriste » que les Américains ont tenté d'éliminer physiquement en 1986, avant d'atteindre cet objectif sous la conduite de la France le 20 octobre 2011 avait su jouer la carte de séduction sur la scène internationale au point d'apparaître comme « un bon élève »418(*).

En déclarant qu'il a « changé », il a ouvert ses portes aux firmes américaines qui ont détruit419(*) son arsenal « non conventionnel »420(*). En contrepartie, le gouvernement américain lui remettait huit avions de transport militaire C-130 achetés dans les années 1970, mais jamais livrés.

Toujours, dans sa campagne de charme en direction de Washington, KADHAFI, panafricaniste invétéré coupe les subventions aux groupes jugés « terroristes ». Il affirmait que « ces terroristes ne savent pas distinguer le blanc du noir » et se disent « agir au nom de l'islam ».

Aussi, à travers son adoubement comme Président en exercice de l'UA en 2009, le Guide libyen a pu retourner le cours de l'histoire en côtoyant les plus hautes instances du directoire international. Il a représenté l'UA au sommet du G8 de juillet 2009 à L'Aquila(Italie). La même année, il avait « défendu avec enthousiasme l'Afrique »421(*) au sommet du G20 à Londres et à la tribune des Nations Unies à New-York où il qualifia le Conseil de sécurité de l'ONU de « conseil de terreur » contre les faibles. Ce n'était pas d'ailleurs la première fois qu'il renouait avec les « grands » qui l'avaient honni pendant près d'un quart de siècle. En 2000, De la GORCE Paul-Marie tournait en dérision l'Occident suite à la réintégration du colonel KADHAFI dans le Concert des Nations par les mots ci-après : « dans les relations internationales, généralement assez sinistres, s'annonce enfin un évènement amusant : l'amorce d'un flirt, mais de plus en plus notoire entre les pays occidentaux et le colonel Mouammar KADHAFI. Fini le temps où celui-ci était stigmatisé comme le diable en personne, le voici consacré comme un sage, digne du respect dû au vice-doyen de tous les chefs d'Etat... »422(*).

« Le chien enragé », disait le Président REAGAN, était devenu en quelques années seulement, depuis son retour dans le Concert des Nations africaines, la coqueluche des chancelleries occidentales423(*). Et parfois même un passage obligatoire pour négocier avec certains pays africains424(*).

Tout comme lui, le Président WADE s'est fait une image à travers l'UA et son discours de la renaissance africaine.

C- La construction multidimensionnelle de l'image de Wade

Le Président WADE a pu se donner une visibilité par ses actions de paix et de défense de la démocratie sur le continent(1). En tenant le discours de la renaissance africaine, il a contribué à se faire valoriser sur le plan international. Ainsi, tente-t-il de plus en plus de l'utiliser pour des fins politiques sur le plan national(2).

1- La construction de son image par ses actions pour la paix et la démocratie selon les principes de l'UA

Au sein de l'UA, Me WADE essaie de jouer la carte de l'atomisation du pôle de grandeur. Lors du Symposium de Dakar sur les « Etats-Unis d'Afrique », il s'était autoproclamé comme l'un des chefs d'Etat les « plus actifs » oeuvrant pour la construction de cette organisation. Cela s'expliquerait par son implication dans plusieurs actions, ayant pour finalité de défendre énergiquement les principes insérés dans l'Acte constitutif. Dans l'organisation, tout comme à l'extérieur de celle-ci, il a souvent adopté des positions courageuses qui lui ont permis de se positionner comme un artisan de la paix(a) qui veut aussi être l'apôtre de la démocratie sur le continent(b).

a- Wade, l'artisan de la paix

Tel un sapeur pompier, le Président WADE s'est investi dans l'extinction de plusieurs conflits en Afrique. Ce, conformément à l'Acte constitutif de l'UA dont l'un des principes fait expressément allusion au « règlement pacifique des conflits entre les Etats membres de l'Union... ». En 2000, il avait recommandé la mise sur pied des « assises de la paix »425(*) au Libéria et en côte d'Ivoire. Il demandait alors au Président Charles TAYLOR de démissionner pour sauver son peuple.

A Syrte, en 2009, il sera désigné par l'UA comme médiateur pour trouver une solution de sortie de crise, suite au coup de force militaire qui avait entraîné l'exclusion de la Mauritanie de l'UA en 2008426(*). La médiation aboutira sous l'égide de sa diplomatie et d'autres acteurs à une normalisation de la situation dans ce pays en 2010. Ce que Iba DER THIAM, un proche du Président WADE, a perçu comme : « un succès éclatant pour notre diplomatie de paix ...»427(*). Il semble qu'il s'investisse également pour la démocratie dans l'UA.

b- Wade, l'apôtre de la démocratie ?

Suite à la crise électorale qui avait enflammé le Zimbabwe en 2008, alors que certains pays membres réunis à la 11ème conférence de l'UA, à Charm El-Cheikh(Egypte), tergiversaient au sujet de la nature de la sanction à infliger au Président Mugabe, le Président WADE concluait à une réorganisation pure et simple du scrutin présidentiel. Il lançait au Président zimbabwéen ceci : « vous ne pouvez pas ignorer une force politique qui est arrivée en tête au premier tour »428(*). Quelques mois avant, il avait appelé l'opposant Morgan TSVANGIRAI à ne pas se présenter au second tour de l'élection afin d' « éviter un dérapage »429(*). Une ligne de fracture était ainsi apparue entre les tenants de la realpolitik : ceux qui reconnaissant Mugabe comme Président, réclamaient son maintien au pouvoir (Omar Bongo). D'un autre côté, on avait des intraitables comme la Libérienne Ellen JOHNSON-SIRLEAF et le Sierra-léonais Ernest KOROMA qui réclamaient l'exclusion du Zimbabwe, et enfin ceux de la démocratie d'abord comme le Sénégal de WADE430(*).

Récemment encore, le Président sénégalais s'est révolté contre son homologue libyen dont il a traité le régime de « dictature sur le continent »431(*). Tel un policier à l'UA, il a tiré à boulets rouges sur le panafricaniste KADHAFI dont il ne tarissait pas d'éloges autrefois432(*). Il lui a largué ceci : «tu arrives au pouvoir par un coup d'Etat il y a plus de quarante ans, tu n'as jamais fait d'élection [...]. Je te regarde maintenant dans les yeux [...] Plutôt tu partiras, mieux ça vaudra»433(*).

Pour amener le Guide libyen à lâcher du lest, il envisageait même aller convaincre certains chefs d'Etat à Malabo afin qu'ils reconnaissent le CNT qu'il a qualifié d' « opposition historique et légitime ». Mais, comme nous l'avons déjà expliqué434(*), il sera confronté aux émeutes délirantes des populations sénégalaises qui l'accusaient de vouloir « tailler la constitution à sa mesure ».

Par ces divers actes, il veut apparaître comme le chef de l'Etat qui rappelle les autres à l'ordre lorsqu'ils sont en contradiction flagrante avec les principes démocratiques à la base de cette organisation. Grâce à son discours de la renaissance africaine, il essaie d'entretenir ce prestige.

2- Le discours de la renaissance africaine, une autre stratégie de construction de l'image de Wade

Le discours de la renaissance développé par le Président WADE apparaît comme une stratégie ayant participé à la construction de son prestige sur la scène internationale(a). C'est ce qui justifie sa tendance à le mobiliser sur le champ interne dans l'objectif de façonner une légitimité à son régime(b).

a- Une stratégie pour sa politique d'image sur le plan international

L'organisation des événements à coloration symbolique tels le FESMAN, puis l'inauguration du monument de la renaissance africaine ont construit la visibilité du président sénégalais sur le plan international. D'importantes délégations de la diaspora africaine parmi lesquelles on pouvait identifier outre des Brésiliens, les descendants des pères du panafricanisme et certains initiateurs de ce mouvement, étaient présentes à Dakar. Etait spécialement invitée, la communauté africaine-américaine. Une représentation dans laquelle figuraient des hôtes de marque tels Jessie JACKSON435(*), le fils de Marcus GARVEY et l'un des derniers survivants de la conférence de Manchester de 1945. Se réclamant « héritier de Nkrumah »436(*), le Président WADE avait aussi fait inviter la fille de ce dernier et le fils de l'éminent égyptologue et africaniste sénégalais Cheikh ANTA DIOP. Comme l'a remarqué Iba DER THIAM,  c'était «un hommage merveilleux à son président»437(*).

Ces actions en faveur d'un panafricanisme extraverti ne sont pas restées sans effet sur l'image du Président WADE à l'extérieur du continent. Comme il l'a très fièrement exprimé lui-même, « la communauté noire du Brésil, représentant plus de 80 millions d'âmes, m'a envoyé un témoignage de reconnaissance, pour avoir érigé le monument de la renaissance africaine et pour avoir accueilli les fils d'Haïti dans notre pays »438(*). Partant de ce discours, il entend façonner la légitimité de son régime sur le plan interne.

b- Une stratégie de légitimation de son régime sur le plan national

Au regard de son importance en Afrique, l'organisation panafricaine peut être considérée comme une structure que les politiciens récupèrent aux fins d'enjeux politiques dans leurs pays. S'agissant particulièrement du cas du Président WADE, il est élu comme président de la République du Sénégal le 19 mars 2000, lors du second tour. L'alternance se passe comme nulle part en Afrique, c'est-à-dire, dans une ambiance presque euphorique dans tout le pays. En 2007, il est réélu au premier tour, mais on note un fort boycott de l'opposition lors des élections législatives. Déjà, en 2005, l'homme du « Sopi » avait fait incarcérer Idrissa SECK439(*), l'ancien premier ministre et maire de Thiès. C'est alors que Wade commence à souffrir « d'une image brouillée »,440(*) d'autant qu'au-delà de la rupture avec Moustapha NIASSE, l'omniprésence de sa famille alimente malaise et suspicions. Pour beaucoup de Sénégalais, « contrairement à Wade, Léopold SEDAR SENGHOR et Abdou DIOUF n'ont jamais mélangé famille et politique. C'était impensable ». Autant la classe politique sénégalaise que certains citoyens sénégalais lui imputent ses ambitions officiellement cachées de vouloir se faire succéder au pouvoir par son fils Karim WADE441(*).

En septembre 2009, le Président WADE avait annoncé sa candidature pour la présidence de 2012 à travers les ondes de la radio Washington « La voix d'Amérique ». Mais, comme tout bon politicien, il mène une campagne afin de redorer son blason. C'est ainsi que le 3 Avril 2010, il avait suggéré à 22 présidents africains réunis à Dakar, et en présence du Président en exercice de l'UA, d'accepter cette date comme celle de la « journée de la renaissance africaine ». Or, dans l'histoire politique sénégalaise, le 3 Avril(2000) correspond curieusement au jour de son investiture comme président de la République du Sénégal442(*). A priori, cet acte est une oeuvre pour la cause panafricaine. Mais, en réalité, non dénué de calculs politiques. Il procèderait d'une  manoeuvre de récupération de la cause panafricaine au service de ses ambitions politiques dans son pays.  D'ailleurs, selon les officiels sénégalais, le monument de la renaissance africaine est la « matérialisation la plus parfaite des grands projets de l'alternance ».

Ainsi, les objectifs des acteurs ne sont toujours ni explicites ni clairs443(*). Au sein d'une structure, les individus construisent leurs intérêts quoiqu'ils semblent ne pas exister et encore moins identifiables au départ. Tel est le cas des Présidents Mouammar KADHAFI et Abdoulaye WADE dont les intérêts se sont découverts au cours de leurs actions menées au sein de l'UA.

* 398 ROJOT (J.), op. cit., p. 217.

* 399 Les mobilisations socio-politiques dites du « printemps arabe », qui ont embrasé un bon nombre de pays du Maghreb se sont soldées par une intervention armée des puissances étrangères en Libye, provoquant la capitulation de Kadhafi le 22 août 2011. Ceci en vertu de «  L'opération Harmattan » qui y a été lancée le 19 Mars 2011, suite à la résolution 1973 votée par l'Assemblée générale des Nations-Unies.

* 400 ROJOT (J.), op. cit., p. 335.

* 401 Ibid.

* 402 Ibid.

* 403 Selon ROJOT, «  Un individu peut être dit « en mauvaise face » quand une information regardant sa valeur sociale est portée de quelque manière que ce soit qui ne peut être intégrable, même au prix d'un effort dans la ligne de conduite soutenue par lui et pour lui (par les autres) ».

* 404 Voir la photo interprétée par nous, dans Jeune Afrique Economie, N°313, op. cit., p.13.

* 405 Le président Kadhafi l'avait refusée pour la raison qu'il pensait qu'il devait « laisser la place aux autres » et « aider l'Afrique à réaliser son unité continentale indépendamment de toute position officielle ».

* 406 GOFFMAN Erving, cité par ROJOT (J.), op. cit, p. 335.

* 407 Ibid.

* 408 GOFFMAN Erving, cité par ROJOT (J.), op. cit, p. 336.

* 409 YAHMED Ben Béchir, « Kadhafi, visage de l'Afrique », dans Jeune Afrique N°2509 du 8 au 14 février 2009, p. 3.

* 410 Ce complexe, situé à Ouagadougou 2000 est doté d'une cinquantaine de boutiques, de bureaux, et restaurants. Il est le plus vaste et sans équivalent au Burkina Faso. Voir Jeune Afrique N°2474 du 8 au 14 Juin 2008 p. 27.

* 411Lire MEYER Jean-Michel, « Quand le robinet libyen ne coulera plus... », dans Jeune Afrique N°2617 du 6 au 12 Mars 2011, p. 27.

* 412 SOUDAN (F.), « Kaddafi et l'Afrique. Le retour du parrain », op. cit., p. 24.

* 413Ibid.

* 414 Ibid.

* 415 Voir Jeune Afrique N° 2616 du 27 février au 5 mars 2011, p. 28.

* 416 Dans ce pays par exemple, outre le président Hugo Chavez qui a à plusieurs reprises dénoncé les exactions des forces de la coalition en Libye, les populations ont parfois manifesté leur sympathie au colonel libyen en faisant des marches de soutien.

* 417 DE LA GORCE Paul-Marie, « Kadhafi et les leçons de l'histoire », dans Jeune Afrique N°2037 du 25 au 31 janvier 2000, p. 31.

* 418 ABDALLAH Ben Ali, « Kadhafi, le bon élève arabe », dans Jeune Afrique, N°2337 du 23 au 29 octobre 2005, p. 40.

* 419 Le sénateur américain Richard, déclarait à cet effet que « Kadhafi nous a fourni en deux jours plus que ce que nous demandions en vain depuis deux ans à l'Iran », Lire Jeune Afrique N°2474 du 8 au 14 Juin 2008, op. cit., p. 41.

* 420 Le courant constructiviste permet d'expliquer cette attitude des puissances occidentales comme les Etats-Unis par exemple, qui ne cautionnent  « la distribution des armes hors de leurs frontières qu'en fonction des Etats destinataires. Ils en acclameront la détention par les Anglais mais en auront peur lorsqu'elles se retrouveront entre les mains des Nord Coréens et des Iraniens », Cf. LAMBORN (C.A.) et LEPGOLD (J.), op. cit, p. 46.

* 421 Propos d'Ali Triki, rapportés par Jeune Afrique N° 2509 du 8 au le 14 février 2009, p. 37.

* 422 DE LA GORCE Paul-Marie, op. cit., p. 31.

* 423 Pratiquement, tous les grands leaders politiques du monde occidental ont rendu visite au leader libyen. Il s'agit de Tony Blair, ex-premier ministre britannique, de l'intransigeante et ex-secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice du président du conseil italien, Silvio Berlusconi... Il était également reçu en grande pompe en France (2007) et en Italie (2010).

* 424 TALLA Blaise-Pascal, « Un prophète nommé Kadhafi », dans Jeune Afrique Economie, NO 372, mars- avril 2008, pp. 82-86.

* 425 Voir le site Internet http://www.ugb.sn/, consulté le 28 août 2011.

* 426 YERIM SECK C., « Sommet des crises », dans Jeune Afrique N°2529 du 28 juin au 4 juillet 2009, p.13.

* 427 THIAM IBA DER, http://www.ladepechediplomatique.com/_a1438.html.,

consulté le 16 avril 2011.

* 428 Cité par BOISBOUVIER Christophe, « Parfum de guerre froide », dans Jeune Afrique, N°2478 du 6 au 12 juillet 2008, p.48.

Discours du président Wade diffusé sur les antennes de Radio France Internationale le 11 juin 2011.

* 429 Voir OUAZANI Chérif, « Mugabe-show à Charm el- Cheikh », dans Jeune Afrique, op. cit., pp. 47- 48.

* 430 Evidemment, le président Wade se fondait sans doute stricto sensu sur les dispositions de l'Acte constitutif qui n'a pas inscrit les cas de « fraudes » électorales dans ses principes, comme motif d'exclusion d'un Etat de l'organisation tel qu'on l'observe pour des gouvernements issus d'un coup d'Etat. Voir L'article 4(p) de l'Acte Constitutif en annexe.

* 431Extrait du discours du président Wade diffusé sur les antennes de RFI le 9 juin 2011.

* 432 Voir la page 103 de cette thèse.

* 433Wade Abdoulaye cité par DEDET (J.) et FOURNIER (V.), dans Jeune Afrique, op. cit., p. 13.

* 434 Voir ladite explication en note de page no 266 à la page 79.

* 435 JESSIE Jackson fut le compagnon de lutte de Martin Luther King pour les droits civiques et l'égalité raciale et par ailleurs premier noir candidat à une élection présidentielle aux Etats-Unis d'Amérique.

* 436 Il l'a déclaré lors d'une interview accordée à Africa24 le 11 septembre 2011.

* 437 THIAM IBA DER, http://www.ladepechediplomatique.com/_a1438.html.,

consulté le 16 avril 2011

* 438 Entretien avec ROUAMBA (A.), voir http://www.rewmi.com/ op.cit.

* 439 Ce dernier était accusé d'atteinte à la sécurité de l'Etat et de détournements de fonds. Se référer à GHORBAL (S.), op. cit., p. 64.

* 440 Ibid.

* 441 Suite à sa sortie médiatique subséquente aux vagues de contestation qui ont émaillé le climat socio-politique sénégalais, le 23 juin 2011, le président Wade avait qualifié son projet soumis à l'Assemblée Nationale, visant à faire élire un vice-président, objet de la pomme de discorde, d' « idée généreuse » et de « véritable démocratie ». Idée que ne partagent les jeunes regroupés au sein du Mouvement « Y'EN A MARE ». Discours au peuple sénégalais le 14 juillet 2011 sur la RTS.

* 442 Entretien avec un diplomate camerounais, le 27 avril 2011.

* 443 ROJOT (J.), op. cit., p. 217.

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