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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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PARAGRAPHE II : LA CONSTRUCTION DES INTERETS

Les enjeux latents des acteurs sont leurs objectifs réels368(*). Alexander WENDT démontre à cet effet que le comportement d'un Etat sur la scène internationale est guidé par les intérêts nationaux369(*). L'UA est alors une organisation qui permet à Tripoli de réaliser ses intérêts en Afrique(A), alors qu'en y agissant, le Sénégal vise non seulement à construire ses intérêts en Afrique, mais aussi sur la scène internationale à travers son discours de la renaissance africaine (B).

A- La construction des intérêts de la Libye

Le constructivisme s'interroge à la fois sur la nature de l'Etat et sur l'une des clefs de voûte de l'analyse traditionnelle de celle-ci : le concept d'intérêt national, qui selon Alexander WENDT, doit être compris comme une construction sociale370(*). Il distingue quatre types d'intérêts poursuivis par les Etats sur la scène internationale. Ce sont la survie physique, l'autonomie, le bien être économique, la valorisation collective de soi371(*). L'orientation de la politique libyenne vers la construction d'une organisation continentale en Afrique peut s'analyser comme une quête de son autonomie alimentaire et économique(1), puis de sa survie physique(2).

1- La quête de l'autonomie alimentaire et économique

Le discours libyen pour l'UA rime aussi avec Libye d'abord. Faut-il le préciser, c'est l'instinct de survie qui, en partie, conditionne l'orientation de la politique libyenne sous les tropiques. Car, en dépit de sa très grande superficie, la Libye est un territoire aride. Sur sa bande littorale, longue d'environ 2000 km, vivent 94% des Libyens. Incontestablement, cette configuration bio-climatique et topographique austère et étouffante pousse Tripoli à se tourner vers le sud du continent, espérant y retrouver des palliatifs terriens372(*)dans l'objectif d'assurer son autonomie alimentaire et économique.

Sur le plan alimentaire, l'Afrique sub-saharienne est d'un intérêt vital pour la Libye. En 2009 par exemple, KADHAFI s'était rendu dans quatre pays373(*) sub-sahariens en vue de mobiliser ses pairs et les peuples de ces pays pour le « gouvernement panafricain ». Au cours de son arrêt à Freetown (sierra Léone), où il a offert du matériel agricole, et des vivres (tracteurs, autocars, sacs de riz...) aux populations, les chefs traditionnels lui ont offert un « terrain agricole »374(*) en retour.

Le choix de ce don regorge de significations insondables. En réalité, rien ne motiverait le Guide libyen à le recevoir si ce n'est d'y faire développer l'agriculture afin d'assurer la subsistance du peuple libyen. Car, outre l'espace terrien agricole qui manque dans ce pays, l'eau et les pluies sont crucialement rares375(*). On peut donc saisir les enjeux de KADHAFI qui voulait faire de « l'autonomie alimentaire » l'une de ses priorités au sein de la Cen-Sad. Surtout que l'intérêt porté par le gouvernement libyen à investir sur l'agriculture en Afrique part du postulat qu'«  il n'y a pas de liberté pour un pays qui se nourrit hors de ses frontières »376(*). Or, dans l'imaginaire libyen, les Etats d'Afrique ne peuvent être détachés de son « espace » parce qu'ils sont d'un « intérêt vital »377(*).

Economiquement parlant, il convient de considérer les importants placements des fonds libyens en Afrique sub-saharienne comme une détermination visant à occuper économiquement et stratégiquement le continent dont la population ne cesse de grandir, dans la perspective de réaliser des gains fructueux378(*). En effet, l'économie libyenne dépend trop de l'extraction des produits pétroliers et gaziers. C'est pourquoi elle essaie de la diversifier. Ainsi, comme tous les fonds d'investissement, dignes de ce nom, « le LAP est obligé d'assurer un retour sur investissement » 379(*)Son « seul critère, c'est la ``rentabilité''. Et depuis 2006, si la Libye intervient pour aider les pays à se développer, elle le fait dans les secteurs les plus rentables et pour contrecarrer les actions des pays comme la Chine »380(*). Il paraît donc improbable que le nouveau gouvernement libyen prenne le risque de rompre tous ces liens vitaux tissés avec les Etats de l'UA. Car, autant ils sont avantageux pour ses populations, autant ils le sont aussi pour la reconstruction d'une Libye qui a subi une intervention militaire improvisée, et dont elle paiera seule le prix. Pourtant, la « Grande Jamahiriya » du colonel KADHAFI entendait surtout assurer sa survie militairement parlant.

1- La survie physique

En oeuvrant pour un « conseil de défense » en Afrique, l'enjeu pour la Libye était avant tout de dissuader toute nouvelle excursion militaire externe sur son territoire. A vraie dire, le colonel KADHAFI avait très mal digéré les bombardements de l'aviation militaire américaine qui avaient rasé son palais et tué sa fille adoptive en 1986. Il était donc à la recherche constante d'un contrepoids militaire face aux menaces ennemies perçues à l'extérieur (l'Occident) et autour de ses frontières(Israël). Lors du FESMAN de Dakar, le 14 décembre 2010, le colonel KADHAFI avait exprimé cette anxiété lors de son discours au pied du monument de la renaissance africaine. Il lança ceci : « à bas l'impérialisme! Il faut que l'Afrique ait une seule armée (...) qui se composerait d'un million de soldats (...). La Libye n'est même pas capable de protéger ses eaux territoriales toute seule »381(*). A l'instar de la Libye, le Sénégal poursuit aussi ses intérêts à l'UA.

B- La construction des intérêts du Sénégal

Les intérêts du Sénégal sont construits tant au sein de l'UA, (1) que par l'usage du discours de la renaissance africaine sur la scène internationale(2).

1- La construction de ses intérêts au sein de l'UA

Dans le débat concernant la relation entre structure et agent et entre système et acteur, les holistes pensent qu'« un agent n'existe pas indépendamment de la structure dans laquelle il agit, car celle-ci a à la fois un effet causal et constitutif sur lui : non  seulement son comportement est affecté par cette structure, mais aussi et surtout ses intérêts et son identité sont construits par cette structure »382(*). L'UA apparaît ainsi comme une structure internationale au sein de laquelle le « petit pays » qu'est le Sénégal poursuit ses intérêts nationaux. Car, une politique étrangère régionalisée lui permettrait de sortir de son étroitesse économique.

En effet, comparé à nombre de pays du continent africain, le Sénégal est assez pauvre en ressources naturelles383(*). Ses principales recettes d'exploitation proviennent de la pêche et du tourisme384(*). Il espère que la construction d'une entité comme l'UA l'amènerait à retrouver sa position d'antan en Afrique occidentale385(*). Comme dans l'UE où il existe un mécanisme de solidarité économique pour ses membres les plus démunis386(*), le Sénégal réduirait sa dépendance économique vis-à-vis de l'extérieur à travers le parrainage des « plus grands ». Car, il « est l'un des pays les plus aidés au monde, grâce aux donateurs étrangers »387(*). Surtout, le président Wade entend, à travers cette construction, sortir de la spirale de l'endettement qui fait vivoter l'économie de son pays. Il s'explique : « j'aurais  pu me passer de la dette s'il y avait les Etats-Unis d'Afrique »388(*) car, « les mieux lotis devraient servir les plus économiquement faibles »389(*).

De par sa participation à la naissance du NEPAD, le Sénégal avait, seul, reçu quatre priorités des dix que compte ce projet de développement390(*). Selon la feuille de route tracée par l'UA, il devait construire le chemin de fer reliant Dakar à Djibouti, puis Djibouti à Libreville. A la lumière des réalités, cela s'est rendu impossible. Néanmoins, comme l'a déclaré le Président WADE en 2010, «  je ne pourrai pas tout réaliser, mais je commencerai par le Dakar-Bamako avant de quitter le pouvoir... »391(*). Son discours de la renaissance africaine lui permet de constituer ses intérêts sur la scène internationale.

2- La construction de ses intérêts sur la scène internationale à travers le discours de la renaissance africaine

En parlant au nom de l'UA, notamment par l'usage du discours de la renaissance africaine, le Sénégal entend occuper une position de leadership en Afrique afin de réclamer ses intérêts sur la scène internationale. Pour y parvenir, il mobilise diverses références de ce discours.

D'abord, ce discours renferme un des principes chers à la charte de l'ONU tel la paix. En oeuvrant pour celle-ci en Afrique, le Sénégal adopte une posture morale découlant de la vision kantienne, dont l'objectif est de « sauvegarder la paix »392(*) perpétuelle. C'est pourquoi, voulant valoriser ses fonctions internationales en 2005, le Sénégal avait déclaré sa candidature pour l'obtention d'un siège au conseil de sécurité de l'ONU afin de « porter la voix de l'Afrique »393(*). Dakar motivait sa candidature par la stabilité politique du pays, son modèle démocratique, son armée républicaine, sa longue expérience dans le domaine du maintien de la paix : plus de trois généraux sénégalais ont commandé les forces onusiennes, sa diplomatie et son engagement en faveur des causes africaines394(*).

De même, en introduisant dans le processus de construction de l'UA les « représentations culturelles » qui ont pris une « importance considérable dans l'analyse des relations internationales » 395(*), les autorités sénégalaises annonçaient que « l'enjeu était de positionner Dakar comme le carrefour du monde »396(*). C'est ce qu'explique la mobilisation de la diaspora lors des différentes manifestations panafricanistes. En 2010 par exemple, avant la tenue du FESMAN, le Président sénégalais s'était rendu aux Etats-Unis d'Amérique. Au cours de sa visite, il a rencontré des hommes d'affaires, des leaders politiques, les milieux économiques, artistiques et universitaires. Comme l'a expliqué Iba DER THIAM, l'objectif était de les inviter au FESMAN, mais aussi, de négocier pour le pays « une coopération prochaine, extrêmement prometteuse, dans le domaine de l'habitat social, des industries et du commerce »397(*).

A travers l'UA, le Sénégal et la Libye construisent leurs grandeurs. A partir de la perception qu'ils ont d'eux-mêmes et que les autres Etats ont construite d'eux, ils recherchent leurs intérêts tant sur les plans régional qu'international. Par ailleurs, les porte-paroles qui sont des acteurs agissant pour le compte de leurs Etats construisent également leurs identités et leurs intérêts.

* 368 ROJOT (J.), op. cit., p. 219.

* 369 Cité par BATTISTELLA (D.), op. cit., p. 282.

* 370 BATTISTELLA (D.), « l'intérêt national. Une notion, trois discours », op. cit., pp. 151-152.

* 371 WENDT Alexander, cité par BATTISTELLA (D.), Théories des relations internationales, op. cit., p. 75.

* 372 A titre de rappel, les terres arables libyennes sont d'ordre de 2% seulement.

* 373 Il s'agissait de la Sierra Léone, du Libéria, de la Guinée Conakry et du Mali

* 374 Lire « Kadhafi   roi des rois d'Afrique », dans Jeune Afrique N°2505 du 11 au 17 janvier 2009, p. 53.

* 375 S'il est vrai que le projet pharaonique de « Grande rivière souterraine » ou « artificielle » estimé à 25 milliards de dollars, et dont l'objectif était de récupérer l'eau potable du sud aride(bassins de Murzuq, de Kufra, de Sarir...) pour la côte, a permis la distribution de l'eau dans les grandes villes du littoral (Tripoli et Benghazi ou Syrte), il faut tout de même relever que les nappes phréatiques de la Libye s'épuisent assez rapidement. Au Nord du pays par exemple, l'accroissement exponentiel de la population, puis de l'activité industrielle et agricole ont augmenté les besoins des populations en eau. Ce qui a par conséquent détérioré la qualité de cette eau. Aussi, l'eau potable est souvent polluée à cause des rencontres souterraines avec les eaux salées de la méditerranée, qui produisent un impact négatif sur l'agriculture et les sols, d'où la mauvaise productivité agraire. Cf. 37 années de travail et de donation, op. cit., p. 37.

* 376 « No Independence to a Nation that eats from beyond its borders », 37 années de travail et de donation...op. cit., p.17.

* 377 OTAYEK René, « La Libye et l'Afrique : assistance financière et stratégie de puissance », dans Politique africaine, I (2), mai 1981, p. 77.

* 378 Des 6,1millions des Libyens, 6 % seulement vivent dans d'autres régions du pays en dehors du Nord où sont concentrées les grandes villes. Les industries ne peuvent donc réellement prospérer dans les régions peu peuplées.

* 379 Voir MEYER (J.-M.) / LEJEAL (F.), « A coups de pétrodinars », op. cit., p. 26.

* 380 Ibid.

* 381 Voir le site Internet http://www.europe1.fr, consulté le 31 décembre 2010.

* 382 BATTISTELLA (D.), op. cit, p. 276.

* 383 DUMONT Gérard-François et KANTE Seydou, « Le Sénégal. Une géopolitique exceptionnelle en Afrique », dans Géostratégiques N° 25, 10/09, p. 128.

* 384 Ibid.

* 385 Pendant la période coloniale, le Sénégal jouissait du privilège d'abriter la capitale de l'Afrique Occidentale Française(AOF). Cela lui a permis de bénéficier des faveurs du colon français qui y a implanté d'importantes multinationales, faisant de lui l'un des pays les plus industrialisés de l'AOF. Entretien avec un diplomate camerounais, op.cit.

* 386 TONRA (B.), op. cit., p. 347.

* 387 Voir GHORBAL samy, « Pourquoi Wade ne fait plus rêver ? », dans Jeune Afrique l'Intelligent du N° 2337 du 23 au 29 octobre 2005, p. 66.

* 388 ROUAMBA (A), « A coeur ouvert avec le président Wade », entretien précité.

* 389 WADE (A.), « L'Afrique et le monde », op. cit., p. 80.

* 390 Il s'agit du transport, des Nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC), de l'environnement et des télécommunications

* 391 Xinhuanet, « Construction du chemin de fer Dakar-Bamako : le président Wade annonce des négociations avec la Chine », http:// www. malijet.com, consulté le 14 avril 2011.

* 392 Cf. BATTISTELLA (D.), Théories de relations internationales, op. cit., p. 474.

* 393 Voir DURMONT (G.-.F) et KANTE (S.), op. cit., p. 120.

* 394 Ibid.

* 395 JUNG (D.), op. cit., p. 96.

* 396 SOW Cécile, « renaissance africaine à Dakar », dans Jeune Afrique, du 20 au 26 mai 2007, N°2419, p. 85.

* 397 THIAM IBA DER, http://www.ladepechediplomatique.com, op. cit.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway