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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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2- La quête du renfort auprès des autorités traditionnelles africaines

Le Guide libyen a pu réunir autour de lui une très grande assemblée des autorités traditionnelles africaines comptant plus de 15 000 membres181(*). A ces derniers, il avait assigné la tâche d'oeuvrer tant à l'intérieur de l'Union qu'à l'extérieur de celle-ci, notamment dans leurs pays respectifs pour l'édification de l'UA. Cette mobilisation des chefs traditionnels dont on pourrait avec un grand intérêt interroger le rôle dans la construction d'une organisation aussi importante que l'UA peut être perçue comme une nouveauté dans les relations internationales africaines.

C'est les 28 et 29 août 2008 à Benghazi(Libye) que le colonel Kadhafi met sur pied une association dénommée « Forum des rois, sultans, princes, cheiks et chefs coutumiers africains ». Le 30 août 2008 dans la même ville, cette assemblée des chefs traditionnels d'Afrique intronise le « Frère Guide de la Grande Jamahiriya libyenne et populaire socialiste » qui prend désormais le nom de « Mouammar Kaddafi, Guide de la Jamahiriya arabe libyenne, rois des rois traditionnels d'Afrique »182(*). Originaires de divers pays, les membres de cette assemblée partagent tous le fait d'avoir hérité du pouvoir traditionnel dans leur localité d'origine. De plus, elle est composée de personnalités aux profils impressionnants. On a entre autres profils importants, TCHIFFI ZIE Jean Gervais, chef des chefs Krou du village Gagnoa en Côte d'Ivoire, ex-Directeur Général de la société d'investissement italo-ivoirienne ; leur doyen  KACHALLA KACHER, sultan de N'djamena au Tchad, ancien fonctionnaire de l'administration territoriale. D'autres profils captivants se retrouvent parmi les têtes couronnées qui entouraient souvent le « Roi des rois » à l'occasion des rencontres importantes sur le plan continental. Aux côtés de TOUSSA SON SALEME BAGUIDI XIII, roi de Sifalo au Bénin, ex-adjudant-chef, son compatriote DJIGLA TOY IKPODEGBE, roi d'Allada, est Docteur en Sciences Economiques. Contrairement à CHIA LOUSSY MANSOUR, homme d'affaires, d'autres sont des politiciens. Il s'agit de MWAMI MUNONGO, roi des Bayéré et sénateur en République Démocratique du Congo ou de l'Amenokal BAJAN AG HAMATOU, député à l'assemblée nationale malienne.

Comme nous le constatons, les chefs sélectionnés dans diverses localités répondent dans la majorité aux profils majestueux. L'imposition de ces autorités d'un autre genre à ses pairs par le Guide obéit à une double logique. D'abord, le souci pour la Libye de faire représenter les peuples tel que KADHAFI l'a développé dans son bréviaire, Le Livre vert, qu'il essaie d'appliquer à l'Afrique. Ensuite, la volonté de voir ces autorités influer sur ses pairs. Ces derniers sont investis d'une lourde mission assignée par le Guide libyen qui était par ailleurs leur bras financier. Selon la princesse Olga TOLMACH de la tribu Nzinga au Mozambique, leur présence au sein de l'UA est une « victoire pour la base populaire ». Car « au début, explique-elle, il n'existait pas de réclamation au niveau des chefs d'Etat ». En ce qui concerne « les rois, émirs, leur rôle est de peser de leur poids au niveau social, de faire pression sur les gouvernements africains pour réaliser les ambitions d'un peuple... et tôt ou tard construire l'Union Africaine et les Etats-Unis d'Afrique, conclue- t- elle ». Dans une interview accordée à Jeune Afrique, Ali S. TRIKI, l'ancien ministre libyen chargé des Affaires pour l'UA, a réitéré cette position lorsqu'il a déclaré que : « si le Guide a pris contact avec les rois traditionnels, c'est pour mobiliser les masses populaires du continent en faveur de l'Union »183(*). En recourant ainsi à la « diplomatie traditionnelle », « la Libye veut contourner les Etats et collaborer directement avec les structures tribales »184(*).

Le colonel Kadhafi trouverait surtout auprès des chefs traditionnels une légitimité qu'il avait du mal à conquérir auprès de certains chefs d'Etat avec lesquels il était plutôt contraint de discuter et parfois d'égal à égal. De plus, en saisissant directement la base qui, semble-t-il est dans une large mesure acquise à sa cause en Afrique, il espérait influencer sur les gouvernements des dits pays via les populations mobilisées par ses mandataires, d'autant que bon nombre parmi eux sont des députés et chefs traditionnels à la fois. Cette stratégie qui vise à créer de puissants réseaux de socialisation capables de modifier l'attitude des gouvernements des pays sur la question de l'Union, va en droite ligne avec le discours du colonel KADHAFI sur la place des peuples dans la construction des organisations. Selon lui, les gouvernements africains devront suivre l'exemple de l'UE qui est non pas une émanation des « gouvernements européens, mais des peuples européens »185(*). C'est ce qui explique sans doute la préférence que prenait souvent le Guide libyen à se rendre dans plusieurs pays africains par voie terrestre, dans le cadre de sa campagne de sensibilisation sur la question de l'Union186(*). Car, à l'occasion de ces sorties continentales, il collaborait directement avec les populations africaines dans divers pays. Depuis 2010, le forum des chefs traditionnels africains, par la voix de leur porte-parole Jean Gervais ZIE demande à l'Union de créer au sein de l'organisation une structure où ils auront un rôle d' « observateurs ». Acteur central dans le processus de construction de l'Union, la Libye de KADHAFI agit sur tous les fronts. Elle n'est pas restée indifférente face à l'offre européenne du projet méditerranéen qu'elle a qualifié d'indigne et mobilisé le Maghreb pour en boycotter le lancement et le succès.

* 181 YERIM SECK (C.), « Au secours, Kaddafi arrive !», op. cit., p. 36.

* 182 YERIM SECK (C.), « Au secours, Kaddafi arrive !», op. cit., p. 36.

* 183 Lire cette interview dans Jeune Afrique N° 2509, op. cit., p. 37.

* 184 Entretien avec un diplomate camerounais en service à l'Ambassade du Cameroun à Addis-Abeba le 27 avril 2011.

* 185 Voir Jeune Afrique Economie, N° 313 du 6 août 2000, op. cit., p. 17.

* 186 Voir KOUNOU Michel, « Gouvernement de l'Union Africaine. Accra : un rendez-vous manqué », dans Terroirs, revue africaine de sciences sociales et de philosophie, EBOUSSI BOULAGA Fabien (dir.), Academia Africana, 3-4/2007, p. 91.

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