Annexe 18 Rappel bibliographique sur les Objectifs et le
fonctionnement des programmes d'incitations -
programmes vouchers 124
16
1. Introduction
Dans le cadre de son appui à l'état
haïtien, la Banque Interaméricaine de Développement finance
le Programme de Transfert de Technologie aux Agriculteurs (PTTA). Ce programme
a pour objectif d'augmenter durablement le revenu agricole et la
sécurité alimentaire de 30 000 agriculteurs du Nord et du
Nord-Est d'Haïti. Le système de subvention mis en place est un
système dit de « smart subsidies » ou de subventions
intelligentes. Les agriculteurs bénéficiaires du programme
reçoivent des bons d'achat ou « vouchers » qui leur permettent
d'acquérir des biens et services agricoles auprès de fournisseurs
agréés. Ces fournisseurs référencés sont
environ deux cent.
Pour comprendre le fonctionnement de ces fournisseurs et
chercher des pistes de renforcement, la Banque Interaméricaine de
Développement a commandité une étude entre avril et
septembre 2015. Ce travail a été l'opportunité de
réaliser un travail de recherche correspondant au mémoire de fin
d'étude d'ingénieur agronome Agrocampus-Ouest au sein de l'option
Marché Organisation Qualité et Services (MOQUAS) de Montpellier
Supagro.
La problématique d'étude choisie est celle de
l'évaluation de la durabilité des biens et services
subventionnés par le PTTA et des fournisseurs impliqués
directement ou indirectement dans le programme. Analyser les différentes
composantes de la durabilité permet de caractériser et analyser
les fournisseurs dans l'objectif de mettre en oeuvre des actions de
renforcement.
Après un rappel sur le contexte haïtien et les
biens et services appuyés par le PTTA, une évaluation de la
durabilité des fournisseurs est présentée pour 4 communes
regroupées en 2 grandes zones agro-écologiques. Pour chaque
commune, une typologie dynamique des fournisseurs et de
l'offre de biens et services est établies et les
stratégies technico-économiques des fournisseurs
sont questionnées et modélisées pour en évaluer la
durabilité. Une analyse globale de la durabilité par zone agro
écologique est ensuite proposée avant de vérifier
l'adéquation de l'offre de Biens et Services aux besoins des
producteurs. Ces différentes étapes points sont enfin
complétées par une analyse transversale de la
durabilité qui reprend les questions posées et
l'ensemble des piliers de la durabilité avant de s'intéresser aux
pistes de renforcement des fournisseurs.
17
2. Haïti : un pays des Caraïbes lié
à l'agriculture 2.1. Un pays de montagnes
La République d'Haïti est située sur la
partie Ouest de l'île d'Hispaniola, partagée avec la
République Dominicaine qui en occupe les deux tiers Est. Haïti est
entouré par l'île de Cuba au Nord-Ouest, la Jamaïque à
l'Ouest, et le Venezuela au Sud. La superficie totale est de 27 750 km2 et la
population compte 10,10 millions d'habitants dont 2 millions résident
à Port au Prince, pour une densité démographique hors
capitale d'environ 360 habitants/km2. Les principales zones
agro-écologiques sont les zones de Mornes (zones montagneuses
couvrant plus de 60% de la superficie du pays), les zones de piémont et
les zones de plaines.
Figure 2 Carte d'Haïti source :
http://www.ezilon.com/
2.2. Lié à l'agriculture
Premier pays indépendant des Caraïbes en 1804,
Haïti a connu de nombreuses périodes d'instabilité
économique et politique aggravées par des catastrophes naturelles
dont les plus récentes sont le séisme de 2010 et les cyclones de
2008 et 2012. Les indicateurs socio-économiques classent actuellement
Haïti parmi les pays les plus pauvres de l'hémisphère Nord
avec un PIB estimé en 2014 à 18.31 milliards de dollars US et
58,5% de la population vivant sous le seuil de pauvreté (CIA
World Factbook, 2014).
Après avoir été le moteur de
l'économie nationale pendant les périodes coloniales et
postcoloniales avec les exportations de sucre de café, d'indigo puis de
bois [19], le secteur agricole a connu plusieurs grandes transformations qui
ont permis l'émergence d'une véritable économie paysanne
haïtienne. L'agriculture joue encore un rôle important dans l
économie (24.7% du PIB en
18
2014) et la stabilité du pays: 41% de la population vit
en milieu rural et dépend en partie de la production agricole pour
vivre. Malgré les importations massives d'aliments et l'aide
internationale, 46% de la population est encore sous-alimentée (PNUD,
2006)
L'essentiel de la production est assuré par des
exploitations familiales qui possèdent en majorité moins de 5
carreaux de terre (6.15 hectares). Ces exploitations produisent des
denrées alimentaires (haricots, maïs, tubercules...) et
commercialisent les surplus ainsi que des cultures dites de rente (café,
cacao, tabac...) quand elles en ont la possibilité. En termes de volumes
produits, les trois cultures les plus importantes sont la canne à sucre,
le manioc (à égalité avec l'igname) et les patates douces.
Ces cultures sont vitales pour les producteurs mais sont en concurrence directe
avec des produits d'importation, notamment le riz.
Les agriculteurs font face à de nombreuses
difficultés pour augmenter leur productivité et vendre leurs
productions à des prix leur permettant de dégager des revenus
suffisants. L'accès aux intrants (engrais, semences...) et à
l'outillage reste très inégal selon les régions du pays et
les années. L'encadrement technique des agriculteurs est assuré
en théorie par les Services Déconcentrés de l'Etat sous la
forme de Bureaux Agricoles Communaux (BAC) mais ne disposant pour la plupart
que de moyens très limités. Les nombreux projets internationaux
de développement agricole se succédant en zone rurale proposent
un accompagnement technique et ou financier pour les producteurs ou leurs
organisations mais pendant une durée généralement courte,
ce qui limite leurs impacts à moyen et long terme. L'accès aux
marchés est limité par la faiblesse des réseaux et
infrastructures de transports ainsi que par la présence de nombreux
intermédiaires commerciaux. Enfin, les zones rurales haïtiennes
font face à un exode rural qui entraine un manque en force de travail et
une augmentation du coût de la main d'oeuvre pour les travaux
agricoles.
L'abaissement des tarifs douaniers et la libéralisation
de l'économie à partir de 1980 lors des plans d'ajustement
structurel, associés aux facteurs cités, ont entrainé
la chute de la production agricole et une paupérisation croissante des
zones rurales. Cette augmentation de la pauvreté entraine un exode rural
vers les principales villes du pays, mais ces dernières ne sont plus en
mesure de fournir du travail et des conditions de vie décentes à
leurs populations.
Après une période d'abandon du soutien à
l'agriculture, l'état haïtien a progressivement pris conscience de
l'urgence d'un appui fort au secteur agricole et a décidé
d'appuyer sa relance avec l'aide des principaux financeurs internationaux.
? L'agriculture haïtienne a su s'adapter et évoluer
face de nombreuses contraintes internes et externes en
développant une véritable économie
paysanne.
? Avec les transformations rapides de l'économie
nationale et internationale, le secteur agricole n'est plus capable
d'assurer ses rôles de maintien de l'emploi en zone rurale et de
sécurité alimentaire.
? Une part importante de la population dépend toujours
d'une agriculture qui n'est plus compétitive face aux importations
massives de produits alimentaires et dont la productivité est
limitée par : le manque d'investissement et d'accès au
matériel, les problèmes de gestion du foncier, le faible
d'encadrement technique et son inadéquation aux besoins, le manque
d'accès à des marchés rémunérateurs.
|
19
2.3. Le Programme de Transfert de Technologie aux
Agriculteurs : un programme de relance de la production agricole dans le cadre
d'une réforme de l'état haïtien
2.3.1. Le PTTA s'inscrit dans une réforme de
l'appui au secteur agricole
Le secteur des intrants agricoles est l'un des sous-secteurs
agricoles traditionnellement appuyé par l'état haïtien.
L'état subventionne actuellement le prix du sac d'engrais en fixant un
prix de référence pour les consommateurs et en payant le
différentiel avec le marché international aux importateurs. Ce
système a permis d'assurer des livraisons d'engrais aux agriculteurs
mais est critiqué pour sa lourdeur administrative, son manque de
transparence, ses effets sur le secteur privé et son coût
élevé pour l'état haïtien.
Dans ce contexte, un changement de stratégie d'appui au
secteur agricole est souhaité par l'état haïtien avec l'aval
des principaux bailleurs. Comme pour les pays qui ont abandonné les
systèmes de subventions universelles (Annexe 18),
Haïti veut passer d'une subvention de l'offre (subvention directe du
produit ou du service vendu) à une subvention de la demande
(renforcement des capacités de producteurs à acheter le bien ou
le service). Dans le Plan National d'Investissement agricole pour Haïti
(PNIA) rédigé en 2010 pour la période 2010-2016, il est
indiqué que « La stratégie à mettre en oeuvre vise
à une réduction progressive des subventions et le retrait du
secteur public de la distribution, tout en s'assurant d'une augmentation et
optimisation technique et économique de l'usage des engrais par les
agriculteurs » (PNIA, 2010).
Pour accompagner cette transition, différents bailleurs
de fonds appuient le déploiement de programmes pilotes visant à
tester des subventions se basant sur des coupons ou « vouchers ».
L'objectif affiché étant que « le Programme de Coupons
Productifs prenant ainsi la relève de la gestion des subventions
publiques au secteur agricole » (Programme Triennal d'appui à
la Relance Agricole 2012-2015).
Avec les coupons imprimés, les agriculteurs ont
accès à des biens et services agricoles partiellement ou
entièrement subventionnés selon les programmes. Les biens et
services agricoles sont inclus dans des paquets techniques qui
correspondent à un ensemble de pratiques, de biens et de services visant
à améliorer la productivité agricole. Ces paquets sont
définis lors de la conception des programmes et ciblent des productions
particulières. Le terme « incitation » peut être
utilisé pour désigner les vouchers. Cette dénomination
renvoie à la nature des programmes qui veulent appuyer les productions
agricoles en favorisant l'implication de l'agriculteur dans le système
de subvention.
20
Voici les différents programmes mis en oeuvre pour
tester la stratégie de sortie d'une subvention de l'offre vers une
subvention de la demande.
Nom du programme
|
Financeur
|
Montant total
|
Départements
|
Durée
|
|
|
|
5 M USD
|
|
2010-2014
|
|
|
BID
|
30 M USD
|
|
2009-2014
|
|
|
|
12 M USD
|
Sud
|
2013-2016
|
Maitre
|
Programme de
Renforcement des
Services Publics
|
Banque
Mondiale
|
40 M USD
|
Sud
Sud Est
|
2011-2016
|
d'oeuvre
MARDNDR
|
Agricoles (RESEPAG I)
Programme de
AVANSE
|
USAID
|
80 M USD
|
Sud
Nord
|
2013-2018
|
|
Mitigation des
Désastres Naturels
(PMDN)
Nord
Programme de
Transfert de
Technologies aux
Agriculteurs (PTTA)
BID-
GAFSP
Nord
Nord Est
Tableau1 : liste des programmes d'incitation par la
demande en Haïti (source: auteur)
MARNDR
Projet de Sécurité
Alimentaire en Haïti
(SECAL)
AFD - UE
MARNDR
MARNDR
USAID-DAI
Ces programmes ont vocation à être comparés
et leurs résultats analysés pour permettre au
Ministère de l'Agriculture, des Ressources Naturelles et
du Développement Rural (MARNDR) de définir
une Politique de subvention des intrants agricoles appuyant la
relance du secteur agricole.
? L'état haïtien passe d'un système de
subvention de l'offre à un système de subvention de la demande
pour appuyer le secteur agricole
? Ce système de subvention se base sur l'attribution de
coupons « vouchers » qui permettent aux agriculteurs
d'acquérir des intrants à prix subventionné
? Pour tester les modalités optimales de mise en oeuvre et
de subvention, différents programmes pilotes sont mis en place. Ils
doivent permettre de concevoir une nouvelle politique d'appui à
l'agriculture
|
21
2.3.2. Le programme PTTA a pour objectif d'augmenter
durablement la production agricole en lien avec l'émergence d'un
marché des biens et services structuré par des
fournisseurs.
Le Programme de Transfert de Technologie aux Agriculteurs
(PTTA) est financé par la Banque Interaméricaine de
Développement et le GAFSP, et mis en oeuvre par le MARNDR
d'octobre 2011 à octobre 2016. Ses deux grandes composantes sont la
promotion et l'adoption de technologies agricoles durables et adaptées
et le renforcement du Service National Semencier. Ses objectifs sont :
? l'augmentation de la productivité et du revenu
agricoles
? l'adoption de nouvelles pratiques
? l'émergence et développement d'un marché
des biens et services agricoles ? le renforcement du service national
semencier
Au travers de coupons ou « vouchers », les
agriculteurs ont accès à des biens et services auprès de
fournisseurs agréés qui sont définis comme « un
individu, d'une entreprise privée ou toutes autres organisations
capables de fournir les intrants ou services nécessaires à la
mise en oeuvre des paquets techniques proposés » (Manuel
d'incitations actualisé des projets du MARNDR, avril 2015). En plus
de l'appui aux agriculteurs, le PTTA souhaite aider à la constitution
d'un registre national d'agriculteurs, ainsi qu'un registre de fournisseurs
d'intrants et de services agricoles. Les producteurs éligibles au
programme ne le sont qu'une seule fois. L'objectif du programme
étant que l'augmentation du revenu agricole permise grâce à
l'adoption du paquet technique soit réinvestie dans l'achat de biens et
services agricoles.
Les filières et productions agricoles ciblées
initialement sont variées : café, cacao, noix de cajou,
céréales (riz et maïs), tubercules (igname, manioc et
patate), cultures maraîchères (oignon, tomate, piment, carotte et
betterave), des fruits (citrus, ananas et figue-banane), la banane plantain et
élevage. Initialement le projet PTTA devait intégrer la partie
aval de la production en plus de renforcer la productivité agricole.
Pour des raisons d'organisation entre bailleurs le PTTA a été
scindé en deux et la partie d'appui aux filières est devenue le
projet RESEPAG 2 financé par la Banque Mondiale. Nous aborderons en
partie7 et 8 les conséquences négatives de cette scission.
2.3.3. La mise en oeuvre du programme est
réalisée par un ensemble d'acteurs
interdépendants
Les départements du Nord et du Nord Est ont
été choisis pour la mise en oeuvre du programme car ils
présentent un potentiel agricole important et sont proches de
marchés économiques en croissance. L'ensemble du territoire
couvert par le programme a été divisé en trois zones
opérationnelles ou « lots » gérés chacun par une
organisation non gouvernementale ou des consultants contractualisés par
le MARNDR appelés opérateurs de services (OPS). Ce sont ces OPS
qui gèrent la mise en oeuvre opérationnelle du programme et son
application. Les communes couvertes par le PTTA et les zones
gérées par les OPS sont rappelées en
annexe.
BID
PTTA
MARNDN
OPS
Agriculteurs
1
BAC
1 $
2
Fournisseurs
2
BNC
3
Contrôle Supervision Coordination
Décaissement
Circulation du voucher
Vente de Biens ou Services
d'approvisionnement
SNS
Figure 3 Fonctionnement opérationnel du PTTA
(source : auteur)
On peut résumer le fonctionnement théorique du
programme en trois grandes étapes.
1) La Banque Nationale de Crédit émet les coupons
donnant accès au bien ou au service. L OPS distribue les coupons aux
bénéficiaires
2) Les agriculteurs bénéficiaires échangent
les coupons contre le bien ou le service indiqué et le signent. Le
fournisseur apporte le coupon à l OPS qui contrôle le travail du
fournisseur
3) Après validation du coupon par l OPS, celui-ci est
envoyé a la BNC qui décaisse la valeur du coupon au
fournisseur
22
Unité R d'exécution
Coordination
régionale PTTA
La coordination entre OPS et le suivi de la mise en oeuvre du
programme sont assurés par des cadres du MARNDR engagés
exclusivement pour le PTTA au sein de la Coordination Régionale du PTTA.
Le suivi national et le relais avec les acteurs liés (BNC, BID, autres
programmes...) est effectué par l'Unité d'Exécution du
Programme basée à Port au Prince.
La BNC a été choisie comme opérateur pour
gérer les flux financiers liés aux coupons. Elle reçoit
les demandes d'impression de coupons envoyées par les OPS, les imprime
et les renvoie. Une fois les coupons utilisés, la BNC est en charge de
payer les fournisseurs. La vitesse de paiement des fournisseurs est donc
dépendante de sa capacité à gérer
le système d'incitation.
Filières
Les fournisseurs occupent une place centrale dans
l'exécution du programme. S'assurer de leur bon fonctionnement et de la
pertinence des biens et services proposés est donc fondamental pour la
réussite ou du programme. La Banque Interaméricaine de
Développement et le MARNDR ont donc sollicité un travail
d'analyse et d'évaluation des fournisseurs dans le but de «
caractériser, analyser les contraintes au développement et
proposer des actions de renforcement des fournisseurs de biens et services
agricoles. » (TDR stage BID)
? Le PTTA est un programme pilote de subvention par la demande et
se base sur l'utilisation d'incitations sous formes de coupons
? Au travers de la subvention de biens et services agricoles il
vise le transfert de technologies et de techniques agricoles
«durables»
? Les biens et services subventionnés sont
délivrés par des fournisseurs
? La Banque Interamericaine de Développement et le
Ministère de l'Agriculture Haïtien ont sollicité un travail
d'analyse de ces fournisseurs
|
23
3. Problématique et méthodologie de travail
3.1. Formulation de la problématique
La composante 1 du PTTA correspond à la «
Promotion de l'adoption de technologies agricoles améliorées et
durables », notamment via des fournisseurs de biens et de services qui
doivent être capable de proposer aux producteurs
bénéficiaires les différents éléments
techniques identifiés par le programme.
Les fournisseurs de Biens et Services s'insèrent dans
un système d'acteurs, ou mésosystème
plus ou moins influencé par la présence de programmes de
soutien au développement de l'agriculture. Un mésosystème
peut être défini comme « « un ensemble organisé
et finalisé de relations qui est doté d'une dynamique autonome,
mais qui n'en est pas moins ouvert sur et en interaction avec, d'autres
sous-systèmes (De Bandt, 1988).
Services
publiques
de fond
SNS
Programmes de développement
Fournisseurs
BNC
Filières
commerciales
Agriculteurs
intrants
Figure 4 Système d'acteurs autour des fournisseurs
du PTTA (source : auteur)
Bailleurs
Filières
L'observation du système autour des fournisseurs et de
leurs rôles dans le programme PTTA
permet de poser la problématique de l'étude en
formulant la question suivante :
« Les actions menées dans le cadre du PTTA
auprès des bénéficiaires via des fournisseurs
permettent-elles de développer une offre de biens
et services durable ? »
Plusieurs hypothèses structurent le travail d'analyse :
Pour être durable, l'offre de biens et services
impulsée par le PTTA doit être à la fois :
24
Hypothèse 1 : une activité bien
gérée par les fournisseurs, viable économiquement pour ces
derniers (durabilité des structures)
Hypothèse 2 : et adaptée aux besoins des
producteurs (durabilité des services rendus)
Si les hypothèses 1 et 2 ne peuvent être
complètement vérifiées, il conviendra de répondre
à la dernière hypothèse :
Hypothèse 3 : les actions
développées dans le cadre du PTTA ne permettent pas actuellement
d'assurer la durabilité des biens et des services aux producteurs
bénéficiaires, des actions spécifiques peuvent être
identifiées afin d'améliorer les impacts du programme pour
développer des services plus durables.
Les questions liées à la durabilité
renvoient à différents concepts et référentiels.
L'analyse de la durabilité des fournisseurs peut être
décomposée en 6 piliers : Technique, Economique et Financier,
Social, Environnemental, Organisationnel, Juridique et Institutionnel. Cette
approche transversale et structurée en grands points d'analyse parait
pertinente dans le cas d'un travail de compréhension et
d'évaluation. Dans le cas de l'étude commanditée, un
fournisseur doit obtenir des résultats dans tous les champs de la
durabilité pour considérer que son fonctionnement et son offre de
service sont durables.
La durabilité technique, économique et
financière des fournisseurs priment sur les autres car sans ces
durabilités, aucun autre pilier de durabilité ne peut être
atteint. Nous voulons savoir en priorité si l'offre de biens et
services est adaptée aux besoins des agriculteurs (durabilité
technique), notamment sa composante de suivi-conseil ; et si cette
offre est viable économiquement et dans quelles conditions
(durabilité économique et financière). Au travers
de ces deux composantes nous allons donc nous intéresser en particulier
à l'adaptation des services à la demande et
à leur gestion.
A chaque pilier de la durabilité correspondent une ou
plusieurs questions et des sous hypothèses liées. Chaque question
principale est ensuite divisée en questions secondaires puis
sous-questions. Ce sont ces sous-questions structurées et
adaptées qui donne une grille d'analyse de la durabilité des
fournisseurs du PTTA. Cette grille est ensuite adaptée dans les
questionnaires utilisés lors du recueil de données.
25
3.2. Les questions et hypothèses
liées
Durabilité technique
|
L'offre de services (intrants,
équipements
et prestations de service) accompagnée par le
PTTA est-elle adaptée aux besoins des producteurs ?
|
· Le PTTA a permis de développer une offre de
service diversifiée sur le territoire
· la qualité de l'offre de service est fonction
des compétences techniques des fournisseurs et de leur accès
à des moyens et des dispositifs adaptés
· l'offre de service est durable si elle est de
qualité et si elle s'insère dans un dispositif de soutien aux
services
· Les agriculteurs désirent des intrants
adaptés aux spéculations, livrés au bon moment et de
qualité
· En l'absence de compétences techniques
cohérentes l'offre n'est pas adaptée donc non durable
· Le service de conseil est inclus dans une offre de
service plus
large, il n'est pas forcément
rémunéré mais fait partie des services associés
aux services principaux
|
Durabilité économique
|
Quelles sont les performances
économiques et financières
des fournisseurs ?
|
· la qualité et la durabilité d'un service
est liée aux performances
économiques de l'activité et aux
capacités de gestion du fournisseur
· le projet PTTA modifie la gestion de la
trésorerie et les stratégies économiques des
fournisseurs
|
Durabilité juridique
|
Quel est le statut du fournisseur par
rapport à ses clients (particuliers, OP...)
?
|
· La nature du contrat influence la dépendance du
fournisseur au système d'approvisionnement
· L'environnement juridique peut appuyer ou limiter
le développement des fournisseurs
|
Durabilité sociale
|
Quelles sont les retombées économiques
et sociales des activités de services agricoles?
|
· les services appuyés par le PTTA ont permis une
augmentation des rendements agricoles
· un marché des biens et services agricoles est
en émergence grâce aux systèmes de coupons
subventionnés et doit être soutenu jusqu'à son autonomie
|
Durabilité environnementale
|
Quelles sont les conséquences pour la
santé humaine et l'environnement des activités de l'agriculteur
et du fournisseur ?
|
· Les intrants délivrés peuvent impacter
les cultures environnantes et l'environnement
· Les doses d'intrants prescrites dans les paquets
techniques ne sont pas respectées
· Les producteurs et les fournisseurs ne sont pas
protégés contre les produits chimiques
|
Durabilité organisationnelle et
gouvernance
|
· Comment les fournisseurs s'organisent-ils
pour répondre à la demande?
· Dans le cas des fournisseurs liés
à des organisations de producteurs : comment s'organise le
travail?
|
· Les groupements d'agriculteurs sont une force pour
attirer une offre de service de qualité
· Les compétences techniques sont détenues
par les employés plus que par les dirigeants des entreprises
· La coordination du travail des fournisseurs est
liée à l'ancrage territorial
|
|
Tableau 2 Questions et hypothèses liées
pour chaque pilier de la durabilité (source : CB, auteur)
26
C'est donc en cherchant à répondre à
l'ensemble de ces questions et en évaluant l'état d'avancement
des fournisseurs par rapport à ces thématiques qu'il va
être possible de proposer une analyse de la durabilité des
fournisseurs de biens et services dans le cadre du PTTA.
Répondre à ces questions nécessite une
méthodologie de travail associant enquêtes de terrain, analyses de
données et restitutions aux acteurs concernés.
? Le but de l'étude est de comprendre les structures
appelées fournisseurs et d'analyser leur
fonctionnement en lien avec leur mésosystème
? Suivant les objectifs du programme PTTA, l'analyse
proposée est une analyse de la durabilité des fournisseurs et
de l'offre de biens et services
? Cette analyse est structurée en 6 points : Technique,
Economique et Financier, Social, Environnemental, Organisationnel, Juridique
et Institutionnel
? Après structuration des questions et des
hypothèses, la problématique est résumée avec la
question suivante « Les actions menées dans le cadre du
PTTA auprès des bénéficiaires via des fournisseurs
permettent-elles de développer une offre de biens et services durable
? »
|
3.3. Méthodologie
3.3.1. Etapes de travail et résultats
Par définition, il existe de nombreux types de
fournisseurs. Il est donc nécessaire
d'appréhender
leur diversité, de la
comprendre et de l'évaluer selon les
différents critères de la durabilité. Cela a fait l'objet
d'un travail qui s'est décomposé en 7 phases (Annexe 14).
La première étape a permis la compréhension
du mésosystème autour des fournisseurs,
d'appréhender leur diversité et de raisonner le
choix des zones d'enquêtes. Les critères de sélection de
ces zones sont :
o L'application du PTTA depuis au moins un cycle de
subvention. Le but est d'avoir une première évaluation des effets
du programme sur l'offre de biens et services dans le temps ;
o La mise en oeuvre de diagnostics agraires. Cette
méthodologie permet d'avoir une analyse des effets du programme sur les
systèmes de production ce qui facilite l'analyse
27
de la pertinence des paquets techniques et de leur adaptation
aux besoins des agriculteurs ;
o Les paquets techniques des zones étudiées
couvrent l'ensemble des productions agricoles renforcées par le PTTA. Ce
critère permet d'avoir un regard global sur les effets du PTTA ;
o Les fournisseurs semblent en partie issus de la zone. Ce
lien initial à la zone est choisi comme un facteur de durabilité
du fournisseur. L'origine des fournisseurs est vérifiée avec les
listes fournies par les OPS.
Au regard des ces critères les zones d'enquêtes
retenues sont :
? Milot
? Dondon
? Saint Raphael
? Le Nord-Est Rizicole : Fort-Liberté, Ferrier,
Ouanaminthe
Ces communes peuvent être regroupées en deux
grandes zones agro-écologiques : les zones
agroforestières (Milot, Dondon) et les zones
irriguées(Saint Raphael et le Nord-Est rizicole).
La deuxième phase du travail a consisté
à réaliser un total de 90 enquêtes qualitatives
auprès des fournisseurs des zones retenues (200 fournisseurs ont
été référencé par le PTTA au total).
L'échantillon a été raisonné pour enquêter
l'ensemble des fournisseurs officiels et des individus ou structures non
fournisseurs officiels mais liés à l'approvisionnement des
fournisseurs. Cette phase a permis de comprendre les trajectoires et les types
de fournisseurs présents pendant le programme PTTA.
Pour vérifier si l'offre de biens et services est
adaptée à la demande des agriculteurs, 50
enquêtes ont été réalisée en phase 3. Ces
enquêtes ont été menées auprès des
producteurs et des acteurs des principales filières agricoles
concernées par le PTTA. Les producteurs enquêtés ont
été choisis de manière à couvrir l'ensemble des
campagnes PTTA pour chaque zone ainsi que des producteurs non
bénéficiaires. Les diagnostics agraires réalisés
sur ces mêmes zones sont fondamentaux pour comprendre le fonctionnement
des systèmes de productions agricoles et les effets ou non du PTTA sur
ces systèmes.
Après une phase d'analyse des résultats (phase
4), 20 enquêtes technico-économiques quantitatives
détaillées (phase 5) ont été
réalisées pour permettre un approfondissement des
stratégies économiques les plus représentatives des types
de fournisseurs observés. Les phases 6 et 7 ont été
consacrées à l'analyse transversale des durabilités et
à la rédaction du mémoire en lien avec la recherche de
pistes d'amélioration et de renforcement des fournisseurs comme de leur
offre.
28
3.3.2. Limites de l'étude
La récolte de données qualitatives a pu
être gênée en début de travail par une
méfiance des fournisseurs comme des agriculteurs vis-à-vis des
enquêteurs. Certains acteurs ont pensé que nous étions dans
la conception d'un nouveau programme de développement, ce qui a pu
biaiser certaines enquêtes.
Au niveau économique le calcul des marges
dégagées est complexifié par la sous-traitance de certains
services par les fournisseurs. Le prix des services sous-traités est
très variable au sein d'une même commune selon les secteurs, la
disponibilité du service au moment du besoin et les relations entre
vendeurs de service, fournisseur et agriculteur bénéficiaire, ce
qui limite les possibilités d'évaluer correctement l'argent
gagné par les fournisseurs sur ces opérations.
De plus, l'analyse des paiements réalisés par
la BNC aux fournisseurs est freinée par l'absence d'harmonisation dans
les noms des coupons imprimés entre campagnes. De même, les
retards d'impression comme de paiement des incitations entrainent un
chevauchement des décaissements dans le temps.
Enfin, les modalités d'exécution du PTTA
peuvent varier entre OPS ce qui peut entraver la compréhension du
fonctionnement du programme mais un des résultats de l'étude est
la clarification de la mise en oeuvre du PTTA dans les différentes
zones, sa compréhension et sa comparaison.
Avant de décrire l'évolution des fournisseurs
dans chaque commune retenue, la description des principaux chiffres par zone
permet d'avoir une vision globale des dépenses du programme.
? L'analyse des fournisseurs est divisée en 7
étapes de travail
? Les enquêtes ont été menées sur 4
communes où le PTTA est en cours d'application et qui correspondent
à deux grandes zones agro-écologiques :
o Zones agroforestières : Milot, Dondon
o Zones irriguées : Saint Raphaël, Fort
Liberté, Ferrier, Ouanaminthe
? L'objectif final de l'analyse est :
o Comprendre les effets du PTTA sur les fournisseurs
o Vérifier si l'offre de biens et services est
adaptée
o Proposer un bilan global du PTTA en lien avec des pistes
d'amélioration de l'offre de biens et services et de renforcement des
fournisseurs
|
29
4. Quels biens et services choisis et pour quelles zones
?
4.1. Un choix de subventions effectué par des
groupes de producteurs et de fournisseurs
Deux phases clés ont lieu avant la distribution des
coupons: l'adaptation des paquets techniques et l'enregistrement des
fournisseurs et des bénéficiaires. Le choix des biens et services
délivrés par zone agro-écologique est défini dans
le Manuel d'incitation. L'OPS adapte les paquets
techniques prédéfinis aux conditions locales en lien avec les
BACs et les acteurs agricoles locaux au cours d'au moins deux rencontres :
· la première avec des agriculteurs
sélectionnés par l'OPS avec l'appui du BAC
· la deuxième avec des fournisseurs
Après ces rencontres, le paquet est défini et
la valeur de chaque bien et service est fixée. Les prix fixés par
le projet doivent ne pas provoquer une distorsion sur les marchés locaux
pendant et après le projet tout en permettant aux fournisseurs de
dégager une marge suffisante.
4.2. Les variations dans la mise en oeuvre du programme
entrainent une première différenciation des
fournisseurs
L'ensemble des biens et services subventionné a
été délivré par des fournisseurs enregistrés
par les opérateurs de service CA17 (communes de Fort
Liberté, Ferrier, Ouanaminthe) et CECI-AAI(communes de
Dondon, Milot, Saint Raphaël). Sur l'ensemble des communes
étudiées plus de 122 fournisseurs ont
participé au programme.
Les fournisseurs des zones gérées par CECI
délivrent l'ensemble des biens et services indiqués dans le
paquet technique. Cela signifie que si un fournisseur ne réalise pas
toutes les activités lui-même, il va sous-traiter
les autres à des fournisseurs et vendeurs non officiels. Il
reste néanmoins le fournisseur de référence et
récupère l'argent décaissé par la BNC.
Les fournisseurs des zones gérées par CA17 sont
plus spécialisés par grande catégorie de biens (vente
d'intrants...) ou service (labour, assistance technique...), la
sous-traitance des activités est donc moins importante.
· Les biens et services subventionnés appuient des
productions cibles par zone agro-écologique
· Les zones agro forestières ont reçu plus
d'argent que les zones irriguées malgré un nombre de
bénéficiaires moindre, car le PTTA dépense plus par
producteur en zone agroforestière
· Cette différence d'investissement sous-entend
une augmentation de production espérée rapide dans les zones
irriguées et à moyen et long terme dans les zones de Mornes
· Les fournisseurs peuvent être en charge de la
totalité du paquet technique ou juste de quelques biens ou services
suivant l'opérateur de service
|
Zones irriguées 6890 bénéficiaires 2
259 455 USD
Figure 5 Zones choisies pour l'étude (source :
Google Earth_)
Zones agroforestières 4337
bénéficiaires
4 309 209 USD
Bien ou service
|
Dépenses du PTTA (USD)
|
%
|
Préparation de sol
|
620896
|
27
|
Semence Riz
|
172515
|
8
|
Semence Piment
|
89735
|
4
|
Semence Carotte
|
4612
|
0.20
|
Semence Tomate
|
1472
|
0.07
|
Semence Oignon
|
95106
|
4
|
Semence Poireau
|
185075
|
8
|
Application phyto.
|
13365
|
1
|
Produits phytosanitaires
|
113087
|
5
|
Repiquage
|
170250
|
8
|
Engrais
|
653950
|
29
|
Asst. Tech.
|
139534
|
6
|
Tableau 3 Dépenses du PTTA en zones
irriguées (source : auteur)
Bien ou service
|
Dépenses du PTTA (USD)
|
%
|
Préparation du sol
|
1168796
|
27
|
Arbres de couverture
|
118462
|
3
|
Plantules Café
|
981269
|
23
|
Plantules cacao
|
201698
|
5
|
Semences igname
|
1086370
|
25
|
Drageons Banane
|
254900
|
6
|
Taille
|
20588
|
0
|
Contrôle scolytes
|
91264
|
2
|
Sac de compost/fumier
|
250927
|
6
|
Boutures de canne
|
9385
|
0
|
Cayeux d'ananas
|
7319
|
0
|
Asst. Tech.
|
118232
|
3
|
Tableau 4 Dépenses du PTTA en zones
agroforestières (source : auteur)
30
4.3. Quels biens et services dans les zones
d'étude ?
31
5. Les zones forestières
5.1. Dondon
5.1.1. Une commune liée à la production
caféiere
Figure Figure 6 6 Dondon Dondon (photo (photo: :
auteur)auteu
Dondon est une commune du département
du Nord située en zone de montagnes (Mornes)
semi-humides à humides. Plus de 27 322 habitants
(IHSI, 2005) y sont répartis dans 5 sections
communales : Matador, Brostage, Laguille, Haut du
Trou, Bassin Caïman. Les systèmes de
productions
actuels sont principalement de type agro-forestier
avec des associations de cultures vivrières (banane,
maïs, pois, igname, arbre à pain, manguier, arbre
véritable...) et de rente (café). La caféiculture y est
pratiquée depuis le XVIIIe siècle et le secteur agricole s'est
progressivement restructuré à partir des années 1970 avec
l'émergence de différentes coopératives
caféières en réaction à la monopolisation de la
transformation et de la vente du café par de grandes compagnies
exportatrices. Les filières dominantes à Dondon sont le
café avec des organisations bien structurées et la filière
fruits avec deux organisations fonctionnant en coopératives. La
production de café a chuté depuis une dizaine d'année
suite à la cumulation de plusieurs facteurs : exode de la main d'oeuvre
en République Dominicaine, développement de ravageurs du
café (nématodes, pourridiés, scolytes), vieillissement des
parcelles et leur non-renouvellement. Les acteurs économiques
clés de Dondon sont les quatre 4 principales coopératives
caféières :
Coopérative agricole Vincent Ogé (COPAGVOD)
|
860 membres
|
Coopérative des Productions Agricoles de Dondon
(COPROCAD)
|
400 membres
|
Coopérative Agricole Capois la Mort (KKKLD)
|
430 membres
|
Coopérative Agricole Gabard Levaillant (CACGAVA)
|
900 membres
|
Tableau 5 Présentation des coopératives
caféières de Dondon (source : auteur)
La KKKLD et CAGGAVA sont membres du réseau RECOCARNO
qui est un réseau de coopératives caféières
permettant de mutualiser les productions pour vendre des volumes plus
importants. Pour ces deux coopératives, les producteurs sont
organisés en groupe de 10 individus pour toutes les activités
liées à la coopérative. Avant le PTTA ces groupes
étaient également responsables de petites
pépinières de production de plantules de café
réparties sur l'ensemble de la commune.
Les organisations présentes sur la zone avant
l'arrivée du programme peuvent être classées en deux
catégories : organisations agricoles ou
organisations sociales avec activités agricoles.
32
Les organisations agricoles ont été
créées par des techniciens agricoles et ont des objectifs de
production voire de formation technique.
Les organisations sociales avec activités agricoles
sont des organisations de jeunes ou de quartier qui intègrent une
composante agricole (production de plantules) en plus des autres
activités (nettoyage des rues, activités culturelles,
activités sportives...).
5.1.2. L'offre de biens et services est assurée
entre agriculteurs et par les coopératives avant le PTTA
Biens et
|
Plantules de café
Plantules d'arbres de couverture
Assistance technique Commercialisation
Transformation
Travail du sol -Sarclage
Semences de cultures annuelles
Semences d'igname Drageons de banane Cailleux d'ananas
Boutures de canne Compost
Outils
|
Services
|
Fournisseurs
|
Agriculteurs
|
X
|
X
|
|
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
Coopératives
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
|
|
|
X
|
X
|
Organisations sociales
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Organisations agricoles
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
Pépiniéristes
|
X
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Tableau 6 Offre de Biens et Services avant le PTTA
à Dondon (source : auteur)
La production de plantules de café,
était assurée principalement par les coopératives (avec
des appuis financiers internationaux pour la COPAGVOD et le soutien du
réseau RECOCARNO pour la CACGAVA et KKKLD). Des
pépiniéristes locaux avaient également une production
à très petite échelle.
L'assistance technique n'est pas un service
payé par les agriculteurs et les moyens du Bureau Agricole Communal sont
très limités. Seuls les producteurs membres des
coopératives bénéficient d'un accompagnement technique
délivré par des techniciens ou de membres (appelés
extensionistes) formés par des programmes d'aides et d'appui au
secteur caféier. Cet appui technique concerne la culture du café
: suivi des parcelles de membres, formations sur la taille, lutte contre le
scolyte.
Les coopératives caféières fournissent
enfin un service de transformation et de
commercialisation du café à leurs membres. Selon
les appuis internationaux reçus, certaines d'entre elles ont pu
développer des services annexes diversifiés
comme le microcrédit, l'appui à la production maraichère,
la formation des enfants des membres.
Les agriculteurs ont l'habitude de produire eux-mêmes
les plants d'arbres fruitiers ou forestiers
en récupérant les pousses spontanées ou en
ressemant les graines des fruits consommés. Selon les
33
appuis internationaux, les coopératives peuvent en
produire pour fournir des arbres de couverture aux parcelles
caféières. Quelques organisations locales en produisent
également de manière régulière ou ponctuelle pour
des événements comme la fête de l'agriculture.
Les services de labour et de sarclage
sont effectués par les agriculteurs eux-mêmes, souvent
sous forme d'échange de main d'oeuvre rémunérée
(rampono) ou non (kombite). Des techniciens ont été formés
par des projets de développement aux techniques de conservation
du sol (rampes végétalisées, cordons de pierre..)
mais ces techniques ne sont pas reproduites par les paysans en dehors des
projets financés en raison de leur cout élevé en main
d'oeuvre et en entretien.
Les semences d'igname, de banane
(drageons), d'ananas (cailleux) et canne
(boutures) sont produites sur l'exploitation agricole ou
achetées auprès d'autres agriculteurs de la zone. Les semences de
maïs, de haricot et de pois
sont achetées sur les marchés locaux.
Du compost est produit par les
coopératives à partir des résidus de transformation
(lavage et dépulpage) et une organisation de techniciens propose des
formations sur les techniques de compostage. Au niveau des exploitations
agricoles, les agriculteurs n'achètent pas de compost et le compostage
en fosse ou en andain n'est pas utilisé. Un compostage des adventices
sarclées et des feuilles des arbres est fait naturellement en
surface.
Les outils sont peu renouvelés. Ils
peuvent être achetés auprès des boutiques des
coopératives COPFAD et CAGGAVA ainsi qu'auprès de marchandes
ambulantes ou au Cap Haïtien.
? Les agriculteurs produisent et achètent entre eux la
majorité des semences et du matériel végétal ainsi
que les services de travail du sol
? Les biens et services liés à la production
caféière sont fournis par les coopératives
caféières et les autres coopératives : plantules de
café, appui technique à la taille, lutte contre les ravageurs.
? Quelques organisations locales et des
pépiniéristes produisent des plantules de fruitiers et forestiers
à petite échelle ou ponctuellement.
|
5.1.3. Le PTTA renforce les coopératives et
favorise l'émergence de nouveaux fournisseurs locaux
a. Le paquet technique « Café en
agroforesterie »
Le choix a été fait par les groupes de montage
des incitations d'axer les paquets techniques sur la production
caféière et sa relance. L'application du programme a
été divisée en trois campagnes : Café 2014,Nouvelle
plantation et Régénération (427 et 217
bénéficiaires), Jardin Créole 2014-2015 (660
34
bénéficiaires), Café 2015 (1193
bénéficiaires).Les biens et services choisis (initialement) au
cours des trois campagnes sont les suivants :
Bien ou Service
|
Justification
|
Plantules de café
|
Augmenter la densité en caféiers Relancer la
production caféière
|
Igname
|
Semences minisett pour transférer cette technologie aux
agriculteurs. Augmentation de la sécurité alimentaire Incitation
à étendre les couverts forestiers
|
Drageons Banane
|
Donner une couverture végétale temporaire aux
plantules Compenser les pertes dues à la taille des cacaoyers
|
Arbres de
couverture
|
Régénération du couvert
végétal au dessus des cacaoyers
|
Préparation sol:
sarclage
conservation
|
Paiement du labour ou sarclage pour inciter l'agriculture
à entretenir la parcelle Mise en place de structures de conservation du
sol pour transférer des technologies de lutte contre l'érosion et
préserver la fertilité des jardins
|
Compost
|
Améliorer la fertilité des sols et favoriser la
croissance des plantules mis en terre
|
Assistance technique : piquetage
|
Etablir les distances de plantation préconisées
dans le paquet technique (piquetage) Montrer la technique de trouaison pour
préparer les plantations
|
Contrôle scolytes
|
Au travers de la mise en place de pièges à
hormones et du nettoyage des parcelles (ramassage des baies au sol,
sarclage...)
|
Taille
|
Taille de régénération des anciens
caféiers pour relancer la production
|
Tableau 7 Biens et services subventionnés par le
PTTA à Dondon (sources : CECI, coordination PTTA, Manuel
d'incitation)
La composition des paquets techniques a évolué au
cours des campagnes
.
Régénération
? Plantules café
? Drageons banane ? Arbres de
couverture
? Contrôle des
scolytes
? Taille
Figure 7 Paquets techniques mis en place par le PTTA
à Dondon (source : auteur)
35
b. Typologie des fournisseurs : des
coopératives acteurs essentiels de la
fourniture d'intrants pendant le
programme
Les fournisseurs du PTTA à Dondon ont été
en charge de l'application de la totalité du paquet technique sauf du
coupon assistance technique. Il n'y a donc pas de spécialisation des
fournisseurs pour des biens ou des services particuliers mais une
sous-traitance de certains achats à l'agriculteur directement ou
à une autre personne.
La quantité de bénéficiaires par
fournisseur a été attribuée par l'OPS, après
évaluation des capacités financières et des visites de
contrôle des infrastructures (pépinières...). Selon ces
critères le nombre de bénéficiaires attribués
devrait donc en partie refléter la capacité économique du
fournisseur à délivrer des biens et services.
Après une phase de méfiance par rapport au
programme, beaucoup d'acteurs locaux ont réalisé les
bénéfices que le PTTA pouvait potentiellement rapporter. La
présence de structures extérieures (32% des
bénéficiaires) s'explique par la sollicitation de fournisseurs
extérieurs par l'OPS pour couvrir les besoins
générés par le programme.
Les coopératives ont approvisionné le plus grand
nombre de bénéficiaires. Présentes depuis longtemps sur la
commune, elles ont utilisé le programme PTTA comme une
opportunité de développement. Elles disposaient
déjà des infrastructures de production de plantules et sont
liées à de nombreux producteurs, ce qui a facilité leurs
achats en matériel végétal.
Les entreprises locales ont fourni presque autant de
bénéficiaires que les entreprises extérieures. Ces deux
types de fournisseurs se sont renforcés au cours des campagnes et leur
nombre a augmenté. L'émergence de ces entreprises est liée
à l'augmentation de la confiance des différents acteurs
économiques dans le PTTA
Les organisations locales agricoles ont également
joué un rôle important dans l'approvisionnement des agriculteurs
bénéficiaires. Bien que ne disposant que de peu de
pépinières en début de programme, elles se sont
renforcées progressivement et ont participé activement au
programme. Les organisations locales sociales n'ont eu qu'une
participation fluctuante au programme. Leur implication était souvent
dépendante de l'engagement des dirigeants et leur capacité de
production ou d'achat limitée par leur faible trésorerie.
? Les coopératives agricoles ont été les
fournisseurs principaux lors des campagnes du PTTA
? Des techniciens locaux ont souhaité également
démarrer une activité économique et ont
progressivement pris confiance dans le programme
? Pour compenser le manque de fournisseurs locaux, l'OPS a eu
recours à quelques fournisseurs extérieurs en début de
programme
? L'intérêt pour le programme PTTA a ensuite
attiré de nouveaux investisseurs extérieurs
|
36
Type de fournisseur
|
Sous-types
|
Description
|
Noms
|
Pourcentage
de bénéficiaires accompagnés
|
Coopératives
|
Coopératives caféières ou d'autres
filières (fruits et
légumes)
|
CACGAVA, KKKLD, COPROCAD, COPAGVOD, COPFAD
|
32%
|
Organisations locales
|
Agricoles
|
Les organisations agricoles à Dondon sont
essentiellement
des organisations de techniciens. Ce sous-type
de fournisseur n'avait pas d'activité de production importante
et vendait quelques biens (semences maraichères)
et services (formation en compostage) avant le programme.
|
ATAD, IRFODA
|
13%
|
à but social
avec activités agricoles
|
Organisations de jeunes ou de quartier qui intègrent
une composante agricole en plus d'autres activités
|
ATD, ODCOB,
MORUJPAD
|
4%
|
Entreprises à Dondon
créées
pendant le
programme
|
pépiniériste déjà
existant
|
Existait avant le programme mais patente acquis pour
être fournisseur officiel
|
Pierre Jacquecius
|
3%
|
techniciens agricoles qui démarrent une
activité économique
|
Techniciens au sein des coopératives ou d'organisations
qui utilisent le PTTA comme opportunité d'investissement
|
Lindor Wisly,
Jesper Dorsinville,
Jardin des Trois Rois Mages, Vision Verte, AgriH.Vert,
CEPROSA
|
16%
|
Fournisseurs extérieurs
|
organisations agricoles
|
Organisations extérieures à Dondon qui utilisent
les
programmes d'aide pour se développer
économiquement
|
OPNP, OPDS,
AJTDN
|
16%
|
entreprises extérieures
|
Entrepreneurs spécialisés ou non dans la
production
agricole investissant dans le PTTA
|
Jardin Fleuri
Etech,
ProconsaMutation
Entreprise, ISA, Belle Plantule
|
15%
|
Tableau 8 Typologie des fournisseurs PTTA à Dondon
(source : auteur)
c. Analyse de la durabilité économique
: l'activité de fournisseur est rentable
pendant le programme mais valorisée
différemment selon les stratégies des
fournisseurs
La marge brute est le premier résultat
économique d'une activité. Pour la calculer, il faut
faire la différence entre la richesse créée par
l'activité (produits) et la valeur des biens et services
consommés pour arriver (charges ou consommations). Dans le cadre du
PTTA, le produit brut correspond au montant de la subvention
décaissée par la BNC (le fournisseur reçoit la
totalité de la valeur du coupon) et les charges sont l'ensemble des
coûts de production ou d'achat des biens et services
délivrés par le fournisseur.
L'étude des marges brutes permet d'analyser quels biens
ou services permettent aux fournisseurs de gagner le plus d'argent.
37
Figure 8 PB et MB dégagés pour les biens
et services de la campagne de café nouvelle plantation à Dondon
en 2014 (source : auteur)
Pour toutes les campagnes de café, la marge brute la
plus élevée est celle des plantules de café
qui constituent plus de 60% de la marge finale. Pour
la campagne de Jardin Créole, la marge brute la plus importante est
celle des semences d'igname avec environ 60% de la
marge finale. La marge brute du travail du sol est très
variable car les fournisseurs s'arrangent avec les bénéficiaires
sur le pourcentage du coupon laissé au bénéficiaire. Les
fournisseurs prélèvent en moyenne 30% de la valeur du
coupon de préparation du sol.
La marge brute, le chiffre d'affaire et les dépenses
sont ramenées par bénéficiaire (Annexe 8). Cela signifie
que par bénéficiaire approvisionné, sur les trois
campagnes, un fournisseur réalise en moyenne les performances suivantes
:
Dépenses du fourniseur 448 USD
Chiffre d'affaires 729 USD
Marge Brute 323 USD
38
Figure 9 Dépenses, chiffre d'affaires et MB
réalisées en moyenne par bénéficiaire
approvisionné Dondon
Le taux de rentabilité a été
calculé pour vérifier si le PTTA permet aux fournisseurs de
réellement dégager des revenus pendant le programme. Il
correspond au bénéfice (ou marge nette) divisé par la
somme de l'investissement et des dépenses (charges).
Fournisseur
|
ATAD
|
CASSEUS
|
CEPROSA
|
COPAGVOD
|
Pierre Jacquecius
|
Taux de
rentabilité
|
0.31
|
0.46
|
0.64
|
1
|
0.2
|
Tableau 9 Taux de rentabilité de l'activité
économique de fournisseurs à Dondon (source : auteur)
Ces calculs ne sont pas représentatif statistiquement
mais indiquent néanmoins que l'activité de fournisseur dans le
cadre du PTTA est rentable. Selon les compétences en
gestion, l'accès au crédit et la vision de l'activité
à moyen et long terme, les fournisseurs développent des
stratégies économiques. Ce sont ces
stratégies qui vont influencer le bénéfice final ou marge
nette. Ces différentes stratégies expliquent les
différences de taux de rentabilité.
A. Un investissement économique dès le
début du programme avec les fonds propres de la structure et des apports
des cadres dirigeants.
Cette stratégie concerne les quatre
coopératives fournisseurs du PTTA dès la première
campagne. Les coûts de production sont diminués par le travail non
rémunéré des membres.
Cette stratégie peut être source de tensions et
de confusions lors de la redistribution des bénéfices car les
cadres dirigeants ont également investi et contrôlent
l'organisation du travail. Ces tensions ont provoqué le départ du
directeur d'une de coopérative et l'arrêt de l'activité
comme fournisseur lors de la deuxième campagne.
Une part des bénéfices des coopératives a
été utilisée pour fournir les membres non
bénéficiaires en plantules de café et d'arbres de
couverture.
B. La constitution progressive d'un fonds de
trésorerie suffisant avant l'investissement dans l'activité de
fournisseur PTTA.
Différents types de fournisseurs ont attendu d'avoir
des fonds suffisants avant de démarrer leur activité au sein du
PTTA. L'apport de fonds est complété dans certains cas par un
emprunt unique en début d'activité.
La bonne gestion des bénéfices permet de ne pas
avoir à recourir à d'autres emprunts ou apports de fonds par la
suite. Cette stratégie est la plus transversale et employée par
plusieurs types de
39
fournisseurs : coopérative, techniciens agricoles qui
démarrent une activité économique, organisation locale et
entreprise extérieure.
C. Un investissement massif dans le programme avec le
recours à des emprunts importants à chaque campagne.
Une organisation de techniciens et un technicien agricole ont
eu recours à des emprunts à chaque campagne malgré un
investissement conséquent en début de programme. Les
bénéfices sont peu réinvestis pour augmenter la
capacité de production et surtout utilisés à des fins
personnelles.
D. Un investissement partagé entre les membres de
l'organisation
Cette stratégie concerne des organisations qui
approvisionnent régulièrement des projets de développement
agricoles ou démarrent une activité. Les bénéfices
servent à financer leurs projets internes et à constituer un
fonds de trésorerie pour approvisionner de nouveaux programmes. Une part
des gains a été également répartie entre les
membres et réinvestis après chaque campagne dans la production de
plantules, ce qui a permis d'augmenter les capacités de production sans
avoir recours à des emprunts.
E. Le projet est porté par un leader de
l'organisation mais la participation au PTTA n'est pas constante
Hormis les dirigeants de l'organisation, le reste des membres
semble peu impliqué ou est juste contractualisé pour travailler
lors du programme. Cette gestion exclusive par les dirigeants pose la question
de la répartition des bénéfices et de leur
réinvestissement. Par exemple, un cadre d'une organisation sociale a
incité l'organisation à se proposer comme fournisseur en
début de programme mais a quitté la structure et monté son
entreprise pour les campagnes suivantes.
? L'activité de fournisseur PTTA à Dondon est
rentable économiquement
? Mais une part importante de cette rentabilité repose sur
la vente de plantules de café au programme
? La marge brute dégagée par l'activité des
fournisseurs est valorisée de manière différente selon les
stratégies économiques mises en place par les fournisseurs
? Ces stratégies sont également des indicateurs de
la durabilité économique des fournisseurs
|
40
Montée en puissance d'un fournisseur de Dondon :
l'exemple de Pierre Jacquecius
MB Emprunt MN
20000
15000
10000
5000
0
|
|
|
Café 1 JK Café 2
|
Pépiniériste en activité avant le programme,
Pierre Jacquecius a profité du PTTA pour acquérir un statut
légal et se proposer comme fournisseur. Seulement 7
bénéficiaires lui ont été attribués lors de
la première campagne. Cette campagne a été financée
grâce à un emprunt commercial de faible montant au taux de 6% par
mois. Ne pouvant emprunter plus auprès de l'institution
financière, il a emprunté des sommes importantes à des
amis au taux de 3% par mois. Ces emprunts lui ont permis d'augmenter la taille
de sa pépinière et d'approvisionner un nombre plus important de
bénéficiaires. Les bénéfices dégagés
n'ont pas été réinvesti dans la production ou l'achat de
matériel végétal. Cette stratégie correspond
à celle décrite au point B.
Encadre 1 : Montée en puissance d'un fournisseur
de Dondon : l'exemple de Pierre Jacquecius
d. Des compétences techniques peu
différenciées qui dépendent fortement de
celles des techniciens
employés
La majorité des techniciens agricoles de Dondon ont
reçu une formation au sein de structures techniques (Ecoles moyennes
d'agriculture, centres spécialisés).Certains d'entre eux ont
complété leurs compétences avec différents projets
internationaux intervenus sur la zone (PADF, PADF+,...).
Ils connaissent les techniques de base en construction de
pépinières, conservation du sol et entretien de parcelles
agroforestières ; mais peu maitrisent les techniques de production de
semences d'igname sous forme minisett ainsi que les principes de protection
phytosanitaire du matériel végétal.
Ces techniciens sont employés par les fournisseurs ou
sont eux-mêmes fournisseurs du PTTA. Par conséquent il y a peu
de différences de compétences techniques entre
fournisseurs sauf dans le cas des coopératives
caféières. Ces dernières ont un service d'accompagnement
technique de base, appuyé ou non par une structure faitière
(RECOCARNO). Leurs techniciens sont régulièrement au contact des
producteurs et reçoivent des formations en lien avec la relance de la
production caféière.
41
L'assistance technique (coupon « assistance technique
») proposée dans le paquet technique n'a pas
été délivrée par les fournisseurs lors des deux
premières campagnes. Des techniciens agricoles ont
été sélectionnés directement par l'OPS avec l'appui
du bureau agricole communal. Ces techniciens ont été
chargés du piquetage et de la trouaison. Pour la troisième
campagne, deux coopératives et une organisation de techniciens ont
été chargées de gérer l'assistance technique. Les
raisons de cette évolution sont décris en 4.3.
· Les techniques agricoles de base sont maitrisées
par les fournisseurs, les agriculteurs et les techniciens employés
· L'assistance technique mis en place par le programme
repose sur des techniciens locaux
|
|
5.1.4. Les structures non retenues approvisionnent les
fournisseurs en plantules
Lors de la première campagne, les fournisseurs se sont
approvisionnés en priorité auprès des producteurs ou dans
les pépinières présentes avant le PTTA. Ces achats ont
renforcé ponctuellement des petites structures ou des agriculteurs qui
n'étaient pas fournisseurs officiels.
A partir de la deuxième campagne, beaucoup de
fournisseurs ont mis en place leurs propres pépinières pour
être capable de fournir un plus grand nombre de
bénéficiaires car la quantité de
bénéficiaires attribués est en partie liée à
la taille de pépinières. Les petits producteurs qui avaient
approvisionné les fournisseurs ont pensé pouvoir vendre de
nouveau leurs productions, et ont produit de grandes quantités de
plantules.
Il y a donc eu une production très importante de
plantules de café à Dondon sans assurance de ventes ni analyse de
marché préalable. Certains de ces petits producteurs cherchent
des débouchés dans d'autres zones appuyées par le PTTA ou
dans d'autres programmes.
· Malgré l'importance des coopératives, de
nombreux nouveaux fournisseurs sont apparus progressivement pour approvisionner
le programme
· L'activité de fournisseur est rentable pendant le
PTTA mais le bénéfice final reste dépendant des
compétences en gestion, de la capacité d'investissement et de
l'accès au crédit
· Peu de fournisseurs ont de vrais projets
d'investissements hormis augmenter leur capacité de productions de
plantules
· Seules les coopératives et quelques entreprises
locales ont actuellement une vision de leur activité dans la zone sur le
moyen et long terme
· Les compétences techniques des fournisseurs sont
celles des techniciens de Dondon
· Ces compétences n'ont pas été
renforcées et peuvent varier d'un individu à l'autre
|
42
5.2. Milot
5.2.1. Présentation de la commune
Figure 10 Milot (photo : auteur)
Milot compte 29 000 habitants répartis en 3 sections
communales : Perche du bonnet, Genipaille et Bonnet a l'Evêque. Les
systèmes de production agricoles occupent trois grandes classes de zones
agro-écologiques : plaine, piémont et mornes. La culture de la
canne est dominante dans les zones de plaine. Les zones de piémont et de
Mornes sont caractérisées par des systèmes de production
agro-forestiers diversifiés qui ont connu différentes crises :
diminution importante de la culture du café, mortalité des
agrumes (Dao, 2015). La ville du Cap Haïtien est proche et permet d'avoir
accès à un marché pour la vente des
productions et l'approvisionnement en denrées de base
et outils agricoles. Une seule coopérative de
collecte de café et de cacao est présente sur la
zone.
5.2.2. L'offre de biens et services est assurée
essentiellement entre agriculteurs avant le PTTA
Comme pour la commune de Dondon, la notion de fournisseur
n'existait pas avant le programme et l'approvisionnement en biens et services
était assuré avant tout par les agriculteurs eux-mêmes.
Biens et
|
Plantules de cacao
Plantules d'arbres de couverture
Techniques d élagage et de
régénération
Commercialisation
Transformation
Travail du sol -Sarclage
Semences de cultures annuelles
Semences d'igname, Drageons de banane Cailleux d'ananas
Boutures de canne Compost
Outils
|
Services
|
Fournisseurs
|
Agriculteurs
|
X
|
X
|
|
|
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
Organisations agricoles
|
X
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
Coopérative
|
|
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Marchés
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
Vendeurs ambulants
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
X
|
Particuliers
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Tableau 10 Biens et services agricoles vendus avant le
PTTA à Milot (source: auteur)
43
Les plantules de cacao et d'arbres de couverture
(saaman, sucrin principalement) ne sont quasiment pas produits pas les
agriculteurs. Ceux-ci transplantent des pousses développées au
sol ou en sèment directement des graines dans leurs parcelles. Quelques
agriculteurs réalisent des pépinières pour leur
organisation agricole ou la vente. Les achats massifs de plantules sont rares
ou concernent des grands propriétaires voulant replanter une
parcelle.
La fédération des coopératives
cacaoyères du Nord (FECCANO) a démarré un projet de
formation technique des coopérateurs aux techniques
d'élagage et de régénération des
cacaoyères anciennes. Les membres de la coopérative SOCAT sont
organisés en groupement de base et reçoivent un appui technique
régulier. Le projet DEED de l USAID a également formé des
agriculteurs et des techniciens aux techniques de taille au travers de champs
écoles et de sessions de formation.
Concernant la commercialisation, le cacao et
le café sont principalement achetés par des « voltigeurs
» ou intermédiaires commerciaux de grandes compagnies exportatrices
disposant de trésorerie et capables de payer directement les planteurs.
Les cultures annuelles sont vendues au Cap, localement ou à Milot. Les
plus grands producteurs de banane peuvent vendre à Port au Prince.
Le travail du sol est effectué
manuellement par les agriculteurs eux-mêmes en zone de piémont et
montagne avec recours à de la main d'oeuvre salariée (rampono) ou
volontaire (kombite). En zone de plaine et piémont quelques bouviers
peuvent donner du service de labour. Lors des saisons de plantation (pluie de
juin-juillet et octobre environ) des bouviers viennent également de
Saint Raphael et Saint Michel de l Attalaye. Le labour mécanisé
est peu répandu : entre deux et trois tracteurs ont été
signalés dans la plaine au niveau de Quartier Morin. L'organisation If
propose également du labour avec un tracteur.
Le sarclage est réalisé par
l'agriculteur ou sous-traité s'il dispose de trésorerie.
Les semences de cultures annuelles
(maïs, pois, haricots) sont rachetées faute de
systèmes de stockage et de conservation des cultures. Les lieux d
approvisionnement sont les marchés du Cap Haïtien et de Milot ainsi
que les marchandes ambulantes. Les semences sont également acquises lors
de campagnes de distribution du MARNDR et de l'USAID. Il n'y a pas de boutiques
d'intrants à Milot. Les semences d'igname, de banane (drageons),
d'ananas (cailleux) et canne (boutures) sont produites sur l'exploitation
agricole ou achetées auprès d'autres agriculteurs de la zone
Le compost est produit avec de la bagasse
récupérée dans les guildives en zone de plaine. Les
agriculteurs en zone de piémont et mornes ne pratiquent
pas les techniques de compostage. Les outils
utilisés sont achetés auprès de vendeurs
ambulants ou au Cap. Il n y a pas de boutique d intrants dans la zone de Milot.
La coopérative SOCAT, reliée au réseau FECCANO met des
outils d élagage des cacaoyers à disposition des membres.
? Les productions de café, cacao et agrumes ont connu
des crises économiques et écologiques provoquant la
quasi-disparition de ces cultures dans les parcelles agroforestières
? Les biens et services agricoles sont achetés ou
échangés majoritairement entre agriculteurs
? Quelques organisations agricoles sont dans une démarche
de construction de services aux planteurs de la
commune
|
44
5.2.3. L'offre en biens et services est assurée
principalement par des fournisseurs extérieurs à Milot pendant le
PTTA
a. Choix du paquet technique «
Cacao en agroforesterie »
L'objectif de ce paquet est de renforcer les jardins
agro-forestiers des bénéficiaires en appuyant les productions
existantes et en augmentant la densité en cacaoyers. Les biens et
services subventionnés sont présentés dans le Tableau.
Bien ou Service
|
Justification
|
Cacao
|
Augmenter la densité en cacaoyers Relancer la
production
|
Igname
|
Semences minisett pour transférer cette
technologie aux agriculteurs (encadré).
Augmentation de la sécurité
alimentaire Incitation à étendre les couverts forestiers
|
Banane
|
Couverture végétale temporaire aux plantules
|
Arbres de couverture
|
Régénération du couvert
végétal au dessus des cacaoyers
|
Préparation sol : sarclage + conservation
|
Paiement du labour ou sarclage pour inciter l'agriculture
à entretenir la parcelle
Mise en place de structures de conservation du sol pour
transférer des technologies de lutte contre l'érosion et
préserver la fertilité des jardins
|
Compost
|
Améliorer la fertilité des sols et favoriser la
croissance des plantules mis en terre
|
Assistance technique : piquetage
|
Etablir les distances de plantation préconisées
dans le paquet technique (piquetage)
Montrer la technique de trouaison pour préparer les
plantations
|
Emondage des abris et des cacaoyers
|
Taille d'entretien des anciens cacaoyers pour relancer la
production des vieux arbres
|
Nettoyage parcelle
|
Elimination des anciennes cabosses et
entretien des anciennes parcelles cacaoyères
|
Tableau 11 Biens et services subventionnés par le
PTTA à Milot (source: Coordination Régionale, CECI,
auteur)
45
Voici l'évolution des paquets techniques au cours des
campagnes.
Cacao 2014
"Nouvelle plantation" et Regeneration"
· Nouvelle Plantation
· Plantules cacao
· Igname miniset
· Drageons banane
· Arbres de couverture
· Preparation sol : sarclage +
conservation
· Compost
· Assistance technique : piquetage
Régénération
· Plantules cacao
· Igname minisett
· Drageons banane
· Emondage abris + cacaoyers
· Nettoyage parcelle
· Assistance technique : piquetage
· Compost
Jardin Creole 20142015
· Igname Miniset (50%) et traditionnel (50%)
· Drageons banane
· Fruitiers-forestiers
· Préparation sol :
avec vegetalisation des rampes (canne + ananas)
· Compost
sarclage + conservation so
l
Cacao 2015
· Cacao
· Igname traditionnel
· Drageons banane
· Arbres de couverture
· Preparation sol : sarclage + conservation
· Compost
· Assistance technique : piquetage et suivi
Figure 11 Paquets techniques mis en place par le PTTA
à Milot (source : auteur)
Le paquet régénération a
été délivré par trois types de fournisseurs
différents choisis par l'OPS: une organisation agricole, un
pépiniériste du Cap Haïtien et une entreprise de Milot
choisis par l'OPS.
b. Typologie des fournisseurs : des fournisseurs du
Cap Haïtien majoritaires et
des organisations agricoles locales en
croissance
Nous avons vu en 4.2.1. que les fournisseurs présents
à Milot avant le programme étaient des agriculteurs, des
organisations agricoles et une coopérative mais qu'aucuns ne
fournissaient de manière régulière et en volume des biens
et services. Comme pour Dondon les fournisseurs devaient délivrer
l'ensemble des biens et services subventionnés sauf le compost. CECI a
fait le choix de faire appel à des fournisseurs
spécialisés dans la production de compost pour assurer une
livraison dans les délais impartis. Après enquêtes, voici
les types et sous-types de fournisseurs présents a Dondon pour le
programme PTTA.
46
Type de fournisseur
|
Sous-types
|
Description
|
Noms
|
Pourcentage de bénéficiaires
accompagnés
|
Entreprises extérieures
à Milot
|
Pépiniéristes du Cap
|
Installés au Cap depuis longtemps
avec activités de production de plantes ornementales,
fruitiers
« spécialisés » dans
l approvisionnement de programmes internationaux
|
Agendel, Agrida, PCN,
Pepdiplan, PME,
AGRISOL, AJTDN,
CADPANH, CEPREVA,
ISA, JARDIN DE BETHEL
|
47%
|
Entrepreneurs ponctuels
|
Sont apparus avec le PTTA, ne
disposent pas forcement de compétences en agriculture
mais se
basent sur des agriculteurs et techniciens de Milot comme
relais
|
Le Fermier, PVN,
EPRINASA, Jardin Fleuri, AJEPDA
|
32%
|
Organisation locale
|
agricole
|
Organisation proposant des activités agricoles à
ses membres
|
JEAN, MPPT, OPM,
OPPBP, RPM
|
9%
|
Entreprises agricoles de Milot
|
|
Techniciens agricoles ou
pépiniéristes qui se sont lances dans l
activité de production de plantules a plus grande échelle.
|
DENA, PCF, Sans
Soucis Agroentreprise
|
12%
|
Tableau 12 Typologie des fournisseurs de Milot (source :
auteur)
L'opérateur de service et la coordination
régionale du PTTA ont eu des difficultés à trouver
suffisamment de fournisseurs pour couvrir les besoins en biens (plantules,
semences et drageons) générés par le programme. Le choix a
été fait de faire appel à des pépiniéristes
établis au Cap Haïtien, notamment dans la zone de Madeline. Ces
fournisseurs sont pépiniéristes de métier et plusieurs se
sont spécialisés dans l'approvisionnement des projets de
développement agricole. A ces fournisseurs se sont ajoutés des
entrepreneurs souhaitant investir dans le PTTA. Ces deux types ont fourni
79 % des bénéficiaires du PTTA. Parmi les
fournisseurs issus de Milot, les organisations locales agricoles sont les
fournisseurs qui sont restés présents tout au long du programme.
Deux entreprises fondées par les techniciens agricoles ont
été exclues du programme pour fraude.
La seule coopérative cacaoyère de Milot ne s'est
pas proposée comme fournisseur du PTTA car elle ne disposait pas de
fonds suffisants pour investir dans la production de plantules ou l'achat de
matériel végétal. Parmi tous les fournisseurs officiels du
programme à Milot, seule l'organisation RPM a une activité de
transformation de cacao.
c. Analyse de la durabilité économique
: des profits réalisés avec la vente de
biens et services traditionnellement achetés
entre planteurs
La marge brute des fournisseurs à Milot est
principalement constituée des marges réalisées avec la
vente des plantules de cacao (env.30%), de
la préparation du sol (env. 27%) et
des drageons de banane (env.23%). Lors de la
campagne de Jardin Créole, les fournisseurs ont réalisé la
marge la plus importante avec la vente des semences d'igname traditionnelles
Calcul des dépenses et MB moyennes par bénéficiaire.
Campagnes cacao 2014 Milot(Annexe 10).
MB totale Taille Banane
Semences Igname miniset Plantules Cacao Arbres de
couverture Preparation du sol
|
|
PB
MB
|
0 50 100 150 200
Figure 12 PB et MB dégagés pour les biens
et services de la campagne de cacao nouvelle plantation à Milot en 2014
(source : auteur)
Dépenses du fourniseur 325 USD
Chiffre d'affaires 534 USD
Marge Brute 212 USD
47
Figure 13 Dépenses, chiffre d'affaires et MB
réalisées en moyenne par bénéficiaire
approvisionné à Milot
JEAN
|
AJTDN
|
PEPDIPLAN
|
PME
|
0.65
|
0.75
|
0.07
|
0.87
|
Tableau 13 Taux de rentabilité de
l'activité de certains fournisseurs de Milot (source :
auteur)
.L'activité de fournisseur à Milot est rentable.
Cette rentabilité est valorisée différemment suivant des
stratégies économiques transversales aux différents types
de fournisseurs
A. L'utilisation des fonds propres sans recours aux
emprunts
Les pépiniéristes installés au Cap depuis
longtemps (activité de production de plantes ornementales et de
fruitiers) utilisent en priorité leurs fonds propres sans avoir à
emprunter. Les bénéfices
générés par les projets précédemment
exécutés ou en cours d'exécution (PMDN, DEED, AVANSE,
...)permettent de financer l'investissement dans le programme.
B. 48
Le recours à des emprunts pour financer la
première campagne
Les entrepreneurs du Cap Haïtien ou d'autres zones ont
accès à des emprunts importants grâce à l'usure et
réutilisent les bénéfices dégagés lors de la
première campagne pour financer les suivantes. Le recours à
l'usure implique des taux d'intérêts élevés qui
diminuent la marge nette en fin d'exercice. Ces fournisseurs n'ont pas
forcément de compétences en agriculture mais utilisent le PTTA
comme opportunité d'investissement. Ils se basent sur des relais locaux
pour produire les plantules et coordonner les distributions.
Les bénéfices dégagés grâce
au PTTA sont utilisés en partie pour agrandir les
pépinières et fournir plus de bénéficiaires lors
des campagnes suivantes ou pour d'autres programmes. Deux entreprises ont fait
part de leur intérêt pour investir dans l'agro-transformation.
Cette même stratégie a été
employée par des entreprises de Milot. Trois agriculteurs de Milot ayant
créés leur entreprise ont été fournisseur au cours
du PTTA. Deux de ces entreprises n'existaient pas avant le programme et le 3e
est celle d'un pépiniériste qui avait une petite activité
avant le lancement du programme.
25000
Cacao 1 Jardin Creole Café 2
20000
15000
10000
5000
MB
MN
Emprunt
0
Figure 14 Evolution des bénéfices d'un
fournisseur de Milot (source : auteur)
La figure 15 illustre cette stratégie. Après un
emprunt pour financer la première campagne, le fournisseur a
utilisé les bénéfices dégagés pour agrandir
sa pépinière et approvisionner un nombre plus importants de
bénéficiaires.
C. Le décalage des paiements en jouant sur les
dates de décaissement des coupons
Plusieurs fournisseurs n'ont pas de réserves
financières ni d'accès aux systèmes de crédit
formel ou informel. Faute de trésorerie suffisante, le fournisseur ne
paye pas tout de suite ses sources d'approvisionnement. Une fois les premiers
coupons décaissés par la BNC, le fournisseur rembourse ses dettes
et achète les biens et services qu'il lui reste à livrer.
Si la BNC tarde à décaisser les coupons rendus,
les fournisseurs ne pourront pas délivrer la totalité du paquet
dans les temps. Les problèmes de versement de la BNC en début de
programme ont
49
provoqué des retards importants de la part des
fournisseurs. Ce sont souvent de petits fournisseurs
sans compétences comptables ou d'entrepreneuriat qui ont
eu recours à cette stratégie.
D. Un investissement partagé entre les
membres de l'organisation
Cette stratégie concerne deux organisations agricoles
de Milot. L'ensemble de l'organisation est impliquée et participe
à l'activité. Des emprunts peuvent être effectués au
nom de l'organisation pour financer les investissements.
Les coûts de production sont diminués grâce
au travail collectif non rémunéré des membres et une
partie des bénéfices est mis dans la caisse de l organisation
pour financer des projets communs : nouvelles parcelles, animaux, caisse de
crédit commercial. Un exemple intéressant de gestion
partagée de l'activité de fournisseur est présente dans
l'encadre 2.
5.2.4. Des techniques maitrisées par les
pépiniéristes du Cap et les techniciens locaux
Des techniciens sont souvent à l'origine de la
création des organisations agricoles de Milot ou sont inclus dans la
structure. Ils maitrisent les techniques de production de plantules, de
compostage et de conservation du sol. Certains d'entre eux ont acquis des
compétences supplémentaires lors de projets donnant une formation
technique sur les tailles des cacaoyers (DEED USAID) ou le compostage. Les
techniques de production de semences d'igname minisett sont connues par
quelques techniciens
Les pépiniéristes du Cap ont de vraies
compétences en production de plantules mais ont acheté la plupart
des autres biens vendus sans chercher à en contrôler la
qualité. Le projet PTTA est pour eux un investissement temporaire et ils
ne pensent pas garder un lien à long terme avec la zone en l'absence de
projet de développement.
D'une manière générale, la qualité
et le soin donnés aux plantules comme aux autres biens sont liés
aux projets de développement des fournisseurs. Quand l'objectif est de
produire des plantules sur le moyen et long terme, ils investissent dans du
matériel d'irrigation et de protection des plantules contre le soleil
(ombragère ou tulle). Mais si la production est temporaire et s'ils ne
souhaitent pas dépenser trop dans ces infrastructures, ils assurent la
protection des plantules en les plaçant sous des arbres ou en couvrant
les pépinières de feuilles de cocotier. Ce type de protection
peut poser des problèmes de transmission de maladies.
· Le paquet technique a été choisi pour
appuyer la relance de la production cacaoyère
· Mais un seul fournisseur est en lien direct avec la
filière cacao
· Peu de fournisseurs étaient présents sur la
zone de Milot avant le projet PTTA
· L'OPS a fait appel à des fournisseurs sans lien au
territoire pour combler les déficits d'approvisionnement
· Au cours des campagnes des fournisseurs locaux ont su
profiter du PTTA pour se renforcer mais n'ont pas amélioré
l'offre en elle-même
· L'activité comme fournisseur à Milot est
rentable mais liée à des biens que les agriculteurs
n'achètent pas en dehors du programme
· Les pépiniéristes du Cap et les
techniciens locaux ont des compétences techniques de base mais n'ont pas
été en mesure de produire des semences d'igname minisett de
qualité
|
|
50
5.2.5. Structures non retenues
A la différence de Dondon, les fournisseurs ont pris
en charge eux-mêmes la production de plantules dès le début
du programme et ont acheté le reste des matériels
végétaux. Les effets du PTTA sur les filières
d'approvisionnement sont analysés en 7.3. . L'approvisionnement en biens
étant géré en majorité par des
pépiniéristes professionnels et spécialisés dans la
fourniture de programmes de développement, peu de structures
parallèles ont émergées.
Un exemple de gestion partagée de
l'activité : l'organisation JEAN
L'organisation agricole JEAN a été
créée en 2009 suite au sous-projet de renforcement des
filières agricoles porteuses par l'appui à de jeunes
agriculteurs. Ce sous-projet était inclus dans la composante II
du Projet de Transport et Développement Territorial (PTDT)
financé par la Banque Mondiale et mis en oeuvre par CECI dans le
département du Nord.
Des jeunes agriculteurs ont reçu une formation
technique complète par CECI dans des domaines variés ainsi qu'une
formation en gestion-entrepreneuriat. Les jeunes agriculteurs formés se
sont rassemblés en une association pour continuer à travailler
ensemble et garder la dynamique impulsée par le projet. L'organisation a
été suivie par CECI et a créée une entreprise
prestataire de services (vétérinaires, appui technique...) et
capable de vendre différents biens (miel, ananas, plantules...).
Mise en commun des productions
Membre Membre Membre Membre Membre
Redistribution
$
Vente
Caisse commune
La production des biens est répartie entre les membres
et une partie des bénéfices (10% environ) est
versée dans une caisse de crédit commune. Le reste est
partagé enter les membres selon la production de chacun. Ces jeunes
agriculteurs sont dans une logique de diversification de leurs activités
et utilisent les bénéfices dégagés par
l'approvisionnement des projets de développement pour financer leurs
propres objectifs : caisse de crédit agricole, agro-transformation,
commercialisation....
Encadre 2 L'organisation JEAN, un exemple de gestion
partagée de l'activité de production
51
5.3. Durabilité des fournisseurs en zones
agroforestières
5.3.1. Rappel du contexte
Deux facteurs peuvent expliquer les difficultés de
l'opérateur de service et de la coordination régionale à
mobiliser les fournisseurs en début de programme. En premier lieu, le
contexte de méfiance des agriculteurs et des acteurs économiques
concernant les projets menés par le gouvernement dans le secteur
agricole. En second lieu, le fonctionnement même du PTTA demande aux
fournisseurs de d'abord dépenser avant de recevoir les paiements, ce qui
pour eux peut être une difficulté s'ils n'ont pas accès
à des systèmes de financement.
Les premières campagnes ont été
approvisionnées en grande partie par des fournisseurs extérieurs
aux zones d'étude. Pour inciter ces fournisseurs à investir et
face à l'absence de marchés préexistant au PTTA, les
fournisseurs ont reçus des listes de bénéficiaires et
n'ont pas eu à se démarquer de leurs concurrents.
En parallèle d`une adhésion croissante des
agriculteurs au programme, le nombre de fournisseurs locaux a
considérablement augmenté une fois la rentabilité du
programme constatée. Cette augmentation généralisée
des fournisseurs locaux a favorisé dans certains cas une surproduction
de plantules et une participation au PTTA de fournisseurs ne cherchant pas
forcément à pérenniser leurs actions dans les communes.
5.3.2. Durabilité économique
Les fournisseurs des deux communes étudiées ont
eu recours à des emprunts pour financer leurs activités. Les taux
élevés des emprunts combinés aux retards de paiement de la
BNC ont un effet important sur le bénéfice final
dégagé par les fournisseurs.
L'étude des stratégies économiques
révèle de grandes différences dans les capacités de
gestion et de comptabilité au sein même des types de fournisseurs.
Certains utilisent le PTTA comme une opportunité pour appuyer leurs
activités agricoles existantes ou à venir. D'autres voient dans
ce programme un moyen de gagner rapidement de l'argent et ne portent pas de
projets de développement local à moyen et long terme.
Le programme PTTA a permis de renforcer des structures
déjà existantes dans les deux zones et a aussi favorisé
l'émergence de nouveaux acteurs qui pourraient jouer un rôle
intéressant dans le développement des productions agricoles. A
Dondon, les coopératives restent des acteurs économiques
clés mais des entrepreneurs locaux sont en recherche
d'opportunités d'investissement et semblent disposer de
compétences pour développer des activités à moyen
et long terme. A Milot, des organisations agricoles dynamiques avec de vrais
projets de développement agricole pour leurs membres et leur commune se
sont renforcées grâce au programme.
52
5.3.3. Durabilité environnementale
Les fournisseurs ne produisent qu'une partie du
matériel végétal délivré et achètent
l'autre à des intermédiaires ou directement au
bénéficiaire(semences d'igname, drageons de banane). Cette
sous-traitance ne permet pas les contrôles phytosanitaires ni la maitrise
des variétés diffusées.
Ce manque de contrôle peut favoriser la diffusion de
nématodes et d'autres ravageurs des cultures entre parcelles. De plus,
les techniciens réalisant les traitements ne sont pas forcément
équipés et protégés correctement lors des
traitements insecticides et fongicides.
En délivrant des plantules d'arbres sans ni
contrôle du substrat, le PTTA participe à la diffusion potentielle
de maladies telluriques. La grande quantité de sachets livrés aux
planteurs pose également la question de la gestion des déchets
plastiques.
5.3.4. Durabilité sociale
La production massive de plantules toutes zones confondues a
permis d'employer ponctuellement une main d'oeuvre importante. A chaque
étape de la production, du personnel a été employé
ce qui a permis un apport ponctuel d'argent dans l'économie
locale.
|
Sur le long terme cette production n'est pas assurée
en l'absence de débouchés et il n'existe pas encore de
marché réel pour la plupart des biens subventionnés. Le
nombre de bénéficiaires est attribué pour chaque
fournisseur après évaluation de sa pépinière par
l'OPS. Les fournisseurs ont donc produit une grande quantité de
plantules dans l'espoir de recevoir des listes importantes de
bénéficiaires mais la quantité actuelle de plantules
dépasse les besoins du programme (source : BAC , OPS). Néanmoins
des fournisseurs d'autres programmes seraient venus s'approvisionner en
plantules à Dondon.
|
Figure 15 Pépinière à Dondon
(photo : auteur)
|
|
Des agriculteurs accusent certains fournisseurs de
s'être enrichis au détriment de la qualité des biens et
services délivrés ce qui peut remettre en question
l'intégration locale sur le moyen terme de ces fournisseurs.
5.3.5. Durabilité juridique
Il n'y a pas eu de contraintes juridiques particulières
sur les fournisseurs agro-forestiers.
53
La principale limite de durabilité juridique est
liée à la gouvernance de certaines organisations. Un ou quelques
membres d'une organisation utilisent la reconnaissance légale de la
structure pour s'enrichir personnellement. Les bénéfices ne sont
alors pas forcement réutilisés pour la croissance du fournisseur
ou sa diversification. Ces cas remettent également en question la
durabilité de la gouvernance de ces fournisseurs.
5.3.6. Durabilité organisationnelle
Le PTTA n'impose pas de règles sur les modes de
gestion et la gouvernance des fournisseurs. Cependant, certains cas
d'organisations agricoles et de coopératives risquent de poser
problème sur le moyen et long terme. Les confusions entre participations
des cadres dirigeants, apports des membres et utilisation des réserves
de l'organisation agricole peuvent engendrer des tensions au sein même
des structures et mettre en péril la confiance des membres envers leur
organisation.
Le lien aux filières devait être un volet du
PTTA (2.3.2) mais n'a finalement pas été intégré.
Malgré la mise en place du programme RESEPAG2 sur les mêmes zones,
il n'y a pas eu de coordination suffisante entre l'appui aux productions
agricoles et leur commercialisation et transformation.
De même, les OP faitières des principales
filières : RECOCARNO pour le café et FECCANO pour le cacao ne se
sont pas assez ou n'ont pas été assez impliquées dans la
mise en oeuvre du programme. Ces structures disposent d'une expertise technique
pour l'entretien des parcelles caféières ou cacaoyères,
mais la composante d'appui technique n'a pas été
développée en lien avec ces organisations. L'enrichissement de
certaines coopératives sans implication de la structure faitière
entraine également des tensions entre coopératives membres d'une
même structure.
5.3.7. Durabilité technique
Les compétences techniques des fournisseurs sont plus
liées aux compétences de chaque individu qu'au type de
fournisseur. Pour les zones agroforestières étudiées, les
techniciens locaux sont des composantes essentielles de la durabilité
technique du programme. Ils sont eux-mêmes fournisseurs ou
employés par les fournisseurs et de leurs compétences
dépend la qualité des biens produits (plantules, semences...)
ainsi que l'application des traitements phytosanitaires.
|
Le choix de laisser les fournisseurs gérer l'ensemble
des biens et des services n'a pas permis le développement de vrais
services de préparation et de conservation du sol. La préparation
a été sous-traitée au bénéficiaire sous
forme de transferts d'argent et la conservation a été
réalisée par des techniciens sans présence obligatoire du
propriétaire de la parcelle. Il n'y a donc pas eu de transfert de
technologies liées à ces services.
|
Figure 16 Rampes de conservation du sol (photo :
auteur)
|
|
|
54
Pour les deux communes étudiées, l'assistance
technique a d'abord pris la forme d'un piquetage. Les
techniciens recrutés par le bureau agricole communal et l'OPS n'ont
été engagés que pour marquer les distances de
plantation et montrer la technique de trouaison. Pour la
troisième campagne, des fournisseurs ont été
chargés de gérer le recrutement des techniciens et d'organiser le
suivi technique des parcelles bénéficiaires. Les techniques
promues restent le piquetage et de la trouaison avec l'obligation pour chaque
technicien de réaliser un suivi des parcelles encadrées.
La coordination régionale a rédigé un
Manuel des standards de qualité pour guider les fournisseurs
lors de la production des biens ou la réalisation des services. Ces
standards sont une première étape pour encadrer les biens et
services délivrés par le PTTA mais les techniques de traitements
phytosanitaires comme de désinfection du substrat ne sont pas
maîtrisées par les fournisseurs hormis quelques
coopératives.
Une forme intéressante d'appui technique pour la
culture de l'igname a été testée par l'OPS CECI dans les
zones de Ranquitte et La Victoire. Cet appui se base sur une formation
préalable des techniciens à un itinéraire technique
précis puis un suivi rapproché des bénéficiaires.
Cette approche semble correspondre aux attentes des producteurs qui acceptent
de suivre les itinéraires techniques proposés par les
techniciens.
· En zone agro-forestière, les biens et services
choisis par le PTTA étaient vendus ou échangés entre
agriculteurs avant le programme, le PTTA a donc créé un
marché artificiel
· Après une période d'observation, de
nombreux fournisseurs ont émergé
· Ces fournisseurs ont des compétences techniques
de base mais peu ont une stratégie de développement
économique sur le moyen et long terme
· Les fournisseurs les plus durables sont principalement
ceux présents avant le programme car ils sont liés aux
filières de commercialisation ou ont une vraie stratégie de
développement
· Des fournisseurs émergents ont également
des compétences en entrepreneuriat mais ils manquent
d'opportunités pour investir et ne sont pas accompagnés pour se
renforcer techniquement
· L'offre de biens et services ne s'est pas
diversifiée au cours du PTTA
· L'assistance technique s'est progressivement
structurée et des formes de suivi-conseil plus proches des attentes des
producteurs sont proposées
|
55
5.3.8. Quels fournisseurs après le PTTA
?
Dans les conditions actuelles, il est probable que les
fournisseurs restant sur les zones après le PTTA soient les mêmes
que ceux présents avant. Les planteurs n'ont pas l'habitude d'acheter
des plantules de café et de caco au prix payé par le programme et
font eux-mêmes leur pépinière en cas de besoin ou
récupèrent des graines. Les autres biens proposés :
igname, plantules de fruitiers et forestiers, drageons de banane sont
traditionnellement achetés entre planteurs et le PTTA n'a pas
réussi à donner une plus-value technique à ces biens au
travers des fournisseurs.
Figure 17 Fournisseurs susceptibles de perdurer
après le programme PTTA dans les zones agroforestières (source :
auteur)
56
6. Les zones irriguées 6.1. Saint
Raphaël
6.1.1. Présentation de la commune
Saint Raphaël est une commune située en zone de
plateau entre Dondon et Saint Michel de l'Attalaye. Les productions agricoles
sont reparties entre zones sèches et zones irriguées. En zone
sèche les cultures principales sont les céréales
(maïs, sorgho), les pois et les haricots, les tubercules et la canne
à sucre. En zone irriguée, trois périmètres
permettent d'alimenter en eau plus de 1200 hectares. Les systèmes de
cultures sont complexes avec des associations maraichères et du riz. La
culture du riz se pratique toute l'année et le maraichage de septembre
à février avec trois grands types d'association (Ruffy, 2015)
6.1.2. Des services assurés entre agriculteurs
et des biens vendus par une diversité d'acteurs avant le
PTTA
Le développement des cultures irriguées avec la
construction puis le bétonnage du périmètre irrigué
a favorisé la demande en intrants de base (Ruffy, 2015) : engrais,
semences, outils, ainsi que le développement de certains services
propres aux cultures locales : repiquage, transplantation, labour. Voici les
principaux biens et services vendus aux agriculteurs de Saint Raphaël
avant le PTTA.
Biens et Services
|
Engrais
Semences de riz
Semences maraichères
Produits phytosanitaires
Outils
Labour à traction animale
Labour motorisé
Repiquage - transplantation
Traitements phytosanitaires
Conseil technique
Transformation
Commercialisation
|
Vente à Crédit ?
|
Fournisseurs
|
Importateurs
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
|
X
|
|
|
N
|
Boutiques pluriactives
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
O
|
Boutiques d'intrants
|
X
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
|
|
X
|
X
|
|
|
O
|
Vendeurs de rue
|
|
|
X
|
X
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
O
|
Agriculteurs
|
|
X
|
|
|
|
X
|
|
X
|
X
|
X
|
X
|
|
O
|
Services de l'état
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
N
|
Organisations agricoles
|
|
|
|
|
|
|
X
|
|
|
|
X
|
|
N
|
Vendeuses ambulantes
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
X
|
O
|
Tableau 14 Offre de biens et services avant le PTTA
à Saint Raphaël avant le programme PTTA
57
Avant l'arrivée du PTTA, le marché des intrants
agricoles est dominé par deux importateurs, quatre
à cinq grandes boutiques d'intrants, et des
boutiques pluriactives qui ont une autre activité
commerciale en plus de l'activité de vente d'intrants.
Ces grands vendeurs disposent de fonds importants et de contacts dans
l'Artibonite, en République Dominicaine et au sein du
ministère.
Trois organisations agricoles ont reçu
un appui de l'AgroAction Allemande au début des années 2000 pour
développer un service de vente d'intrants. Ces organisations sont
autorisées à acheter l'engrais subventionné par
l'état haïtien et ont géré des boutiques
jusqu'à 2006 où plusieurs problèmes de sécheresses
et des défauts d'approvisionnement ont provoqué l'arrêt des
ventes.
Les deux importateurs d'engrais présents à Saint
Raphaël jouent donc un rôle clé dans l'acquisition et la
distribution d'intrants. La majorité des boutiques et des agriculteurs
s'approvisionnent auprès d'eux pour les engrais, les semences
maraichères et les produits phytosanitaires. Les importateurs ne
pratiquent pas la vente à crédit. Les
agriculteurs ayant besoin de s'approvisionner en intrants peuvent acheter les
semences, les produits phytosanitaires et les engrais à crédit
auprès des boutiques ou des vendeurs de rue.
Les semences de riz sont principalement
achetées entre agriculteurs qui gardent une partie de leurs
récoltes. Les outils agricoles de base (machette,
houe...) sont vendus au marché de Saint Raphaël, du Cap
Haïtien et dans les boutiques pluriactives. Des pulvérisateurs sont
vendus dans les magasins des importateurs et quelques grandes boutiques. Le
service de pulvérisation et de traitement phytosanitaire est
généralement vendu par un agriculteur possédant un
pulvérisateur manuel ou par un vendeur d'intrants possédant un
pulvérisateur.
Le service d'assistance technique et de
suivi-conseil n'existent pas. Les conseils d'utilisation des
produits sont délivrés à l'achat dans les boutiques et
entre agriculteurs. L'appui technique reçu au cours d'autres programmes
a permis de former des techniciens agricoles au sein de certaines organisations
mais les acteurs rencontrés n'ont pas signalé une activité
de suivi-conseil technique en dehors de celui financé par le PTTA.
Les agriculteurs possédant un attelage vendent du
service de labour mais l'offre en labour à traction animale
est insuffisante pour couvrir la demande lors des campagnes rizicoles
malgré la venue ponctuelle de bouviers des zones environnantes lors des
pics de travail. Le labour motorisé est quasiment
inexistant hormis quelques tracteurs mis à disposition par le
ministère lors des campagnes et deux agriculteurs possédant leurs
propres tracteurs.
? L'offre en biens est dominée par les importateurs et des
grandes boutiques
? Les boutiques et les revendeurs d'intrant sont toujours
sollicités par les agriculteurs car ils pratiquent la
vente à crédit de petites quantités
d'intrants et la location ou le prêt de pulvérisateurs
? Les services agricoles de base (repiquage, labour...) sont
gérés par et entre agriculteurs
? La seule assistance technique est celle donnée sous la
forme de conseils sur l'utilisation des intrants par
les vendeurs
? L'offre en service de labour est faible et n'a pas fait
l'objet d'un renforcement par des programmes de développement depuis
la fin de l'ODN
|
58
6.1.3. Les biens et services subventionnés par
le PTTA ne sont pas délivrés par les fournisseurs présents
avant le programme
a. Choix des paquets techniques riz et
maraîchage
Les paquets techniques mis en oeuvre à Saint
Raphaël ont également été conçus pour appuyer
les principales productions annuelles locales.
Bien ou Service
|
Justification
|
Semences de riz améliorées
|
Permettre l'accès à des semences de
qualité et à des variétés
améliorées
|
Semences maraichères : oignon, poireau, piment,
carotte
|
Permettre l'accès à des semences de
qualité et à des variétés
améliorées
|
Engrais : complet, urée, sulfate
|
Permettre aux agriculteurs de réaliser toutes les
fertilisations préconisées sur la parcelle
subventionnée
|
Produits phytosanitaires
|
Assurer le contrôle phytosanitaire en cas de besoin
|
Préparation du sol : Labourage, Hersage,
Nivellement et planage ou Préparation
des planches)
|
Aider l'agriculteur bénéficiaire à avoir
accès à ce service dans les délais impartis par les
calendriers culturaux
|
Repiquage
|
Favoriser le transfert de la technique du repiquage en ligne
et 3 brins par poquet. Alléger le coût de cette
opération.
|
Assistance technique
|
Accompagner l'agriculteur dans le suivi de sa parcelle et
transférer les recommandations du paquet technique sur le repiquage, la
fertilisation et la phytosanitation
|
Tableau 15 Biens et services subventionnés par le
PTTA (Source : Manuel d'incitations, Entretiens CECI, Coordination
Régionale, BAC Saint Raphaël)
· Préparation sol
· Semences riz
· Engrais
· Repiquage
· Assistance technique
Riz 2014
Maraîchage
2014
· Préparation sol
· Semences
· Engrais
· Contrôle phytosanitaire
Riz 2015
· Préparation sol
· Semences riz
· Engrais
· Repiquage
· Assistance technique
Maraîchage 2015
· Préparation sol
· Semences
· Engrais
· Contrôle phytosanitaire
· Assistance technique
Figure 18 Paquets techniques mis en place par le PTTA
à Saint Raphaël (source : auteur)
Pour des raisons de budget alloué par agriculteur et de
choix technique, les traitements phytosanitaires ne sont subventionnés
que pour le maraichage et le repiquage n'est payé que pour le riz. L'OPS
et la coordination régionale n'ont également pas gardé le
coupon assistance technique lors de la campagne de maraichage. Ce coupon a
été rétabli pour les campagnes de riz et maraichage
2015.
59
Les campagnes PTTA suivent le cycle des cultures a Saint
Raphaël, elles ont débuté avec le riz en avril-mai 2014 et
se terminent avec le maraîchage de septembre à janvier 2015
environ.
b. Typologie des fournisseurs : des structures
étrangères à Saint Raphaël ou
apparues pendant le programme approvisionnent les
bénéficiaires
Les planteurs avaient déjà accès à
une offre de biens et services avant le PTTA mais malgré leur rôle
fondamental dans l'approvisionnement des agriculteurs, la majorité des
vendeurs d'intrants de Saint Raphaël ne sont pas fournisseurs officiels du
programme.
D'après les enquêtes effectuées, l'OPS et
la coordination régionale ont eu de grandes difficultés à
mobiliser ces vendeurs et peu de vendeurs présents avant le programme
ont participé. Les principales raisons évoquées sont le
manque de confiance dans le programme et le besoin trop important en
liquidités en début d'activité.
Il apparait clairement que les structures qui n'avaient aucune
activité de vente avant le PTTA avant le programme ont reçu le
plus grand nombre de bénéficiaires. Le fait que les deux types de
fournisseur principaux ne soient pas des acteurs importants de la vente
d'intrants soulève des interrogations quant à la gestion des
listes de bénéficiaires, et pose l'hypothèse d'une
sélection opérée par des réseaux proches du bureau
agricole communal.
Les organisations agricoles de Saint
Raphaël ont également approvisionné un nombre important de
bénéficiaires (28%), et leur implantation locale
leur a permis de d'avoir accès à de l'engrais auprès des
grossistes et des boutiques au moment des pénuries. La seule
boutique d'intrants inscrite comme fournisseur a
délivré à elle seule des biens et services à
14% des bénéficiaires, ce qui témoigne de
sa volonté à s'engager dans le programme.
Les vendeurs de labour n'ont pas
été retenus ni mobilisés pour être fournisseurs
directs de labour, de même que les agriculteurs pratiquant le repiquage.
Ces choix sont justifiés par une application stricte des critères
de sélection des fournisseurs qui demandent des documents autorisant
l'exercice légal de l'activité, or ces documents ne sont pas
possédés par les bouviers et les agriculteurs.
Il y a donc eu sous-traitance des services de labour et de
repiquage par les fournisseurs. Cette sous-traitance a pris la forme de
transferts d'argents entre le fournisseur et le bénéficiaire, ou
d'emploi du vendeur de service par le fournisseur.
60
Type de fournisseur
|
Sous-types
|
Description
|
Noms
|
Pourcentage
de bénéficiaires accompagnés
|
Boutiques d'intrants présentes avant
le programme
|
Boutiques spécialisées dans la vente d'intrants.
Gérées par des agronomes ou des techniciens. Une seule de ces
boutiques s'est proposée comme fournisseur
|
Agwo Lakay
|
13%
|
Organisations agricoles de
Saint Raphael
|
Qui ont ou ont eu une boutique d'intrants
|
Organisations qui ont reçues un appui de l'Agro
Action
Allemande pour développer un service de
vente d'intrants
|
CCISR, OD4SS, AIB
|
22%
|
Qui n'avaient pas de
boutiques d'intrants
|
Organisations sans activités de vente avant le
programme. Elles ont saisies l'opportunité du PTTA pour
générer des revenus.
|
OASR, RERAS
|
6%
|
Organisations de techniciens
|
Ces organisations ne sont intervenues qu'à partir de la
troisième campagne. Elles sont en charge de gérer l'assistance
technique. Chacune coordonne le travail de ses techniciens.
|
OTADAS, ATADS, Agro Lumière
|
|
Entrepreneurs de Saint Raphael
|
Ces structures et individus ne vendaient pas de biens et
services agricoles avant le PTTA. Deux fournisseurs avaient
gérés des boutiques agricoles dans le passé mais
avaient d'autres activités à l'arrivée du
programme (politique, investissements au Cap Haïtien). Le
troisième fournisseur est une structure incorporant des cadres du bureau
agricole communal et des techniciens locaux.
|
BIAS, GPR, Jardin Fleuri
|
50%
|
Fournisseurs extérieurs à
Saint Raphael
|
Organisation de techniciens
|
Organisation de techniciens de Dondon qui génère
des
profits en participant à différents programmes
de développement
|
ATAD
|
5%
|
Entreprise en nom collectif
|
Groupement d'agronomes et de techniciens. Participe à
différents projets de développement et à une
activité de productions de semences.
|
GAPA
|
4%
|
Tableau 16 Typologie des fournisseurs de biens et
services à Saint Raphaël pendant le PTTA (source :
auteur)
c. Durabilité économique : une
activité rentable grâce à la vente d'un
service
non délivré directement par les
fournisseurs
Les paquets techniques en riz et maraîchage ne
nécessitent pas une activité de production de la
part du fournisseur car il achète et revend les biens. De plus, il
sous-traite les services de labour et de repiquage sans y participer.
MB totale
Engrais (sac)
Repiquage (hj)
(marmites)
Preparation de sol
|
|
|
PB
MB
|
|
|
USD
|
0 50 100 150 200
Figure 19 PB et MB dégagés pour les biens
et services de la campagne de riz en 2014 à Saint Raphaël (source :
auteur)
Semence Riz
L'étude des marges brutes par biens et services
révèle que la marge brute des fournisseurs dépend
essentiellement du labour (75%), alors
même qu'ils ne délivrent pas eux-mêmes ce service. Pour la
campagne de maraichage, le labour et la vente de
produits phytosanitaires sont les deux services rapportant le
plus d'argent aux fournisseurs.
Fournisseurs
|
BIAS
|
GAPA
|
Jardin Fleuri
|
Agwo Lakay
|
Taux de rentabilité
|
0.08
|
0.05
|
0.27
|
0.09
|
Tableau 17 Taux de rentabilité de
l'activité de certains fournisseurs de Saint Raphaël (source :
auteur)
Les taux de rentabilité calculés montrent que
l'activité est rentable mais que cette rentabilité est
très variable selon les fournisseurs.
61
Figure 20 Dépenses, chiffre d'affaires et MB
réalisées en moyenne par bénéficiaire
approvisionné à Saint Raphaël
Quel que soit le type ou le sous-type de fournisseur, les
stratégies économiques mises en oeuvre présentent des
similitudes.
Tout d'abord, tous les fournisseurs ont recours au
crédit commercial ou à l'usure car l'investissement initial est
important à cause du prix des intrants et des avances de
trésorerie pour la préparation du sol. Ensuite, la fluctuation
des prix de l'engrais impacte la trésorerie des fournisseurs qui ont du
payer plus cher les fertilisants par rapport au prix considéré
lors de la conception des paquets. Enfin ces deux effets sont renforcés
par les retards de paiement de la BNC qui entrainent une augmentation des
pénalités de paiement auprès des structures d'emprunt.
Voici les principales stratégies :
A. Le recours à des emprunts
très importants (commerciaux ou informels), tout au long du
programme
Principalement utilisée par les entrepreneurs internes
à Saint Raphaël et une organisation agricole extérieure,
cette stratégie a permis de vendre des biens et services à un
grand nombre de bénéficiaires mais les taux
d'intérêts élevés associés aux retards de
paiement de la BNC ont impactés les bénéfices finaux
(marge nette) qui sont moindre qu'espérés.
Les bénéfices obtenus ont peu été
réinvesti dans les campagnes suivantes et des emprunts ont
été réalisés à chaque campagne. Des
investissements locaux sont prévus pour un seul de ces fournisseurs qui
souhaite poursuivre la vente d'intrants après le programme et s'engager
en politique.
800000 HTG
700000
|
|
|
|
600000 500000 400000 300000 200000 100000
0
|
|
MB
Emprunts MN
|
|
|
|
Maraichage
2014
|
Riz 2015
|
Dans cet exemple, le fournisseur GAPA a eu recours à des
emprunts très important pour financer l'achat des biens lors du PTTA. En
approvisionnant de nombreux bénéficiaires il réussit a
dégager une marge nette intéressante en fin de troisième
campagne mais les sommes récupérées par les usuriers sont
très importantes (taux de 9 et 10% par mois).
62
Figure 21 Evolution de la marge nette du fournisseur GAPA
à Saint Raphaël (source : auteur)
B. L'utilisation de réserves de
trésorerie associées à des emprunts réalisés
dans des banques commerciales ou des caisses populaires
Les organisations agricoles de Saint Raphaël qui avaient
été appuyées par l'Agro Action Allemande avaient
constituées des réserves de trésorerie et les ont
été réutilisées pour financer
63
l'investissement dans le PTTA. Pour compléter
l'investissement, des emprunts ont été effectués. Deux
organisations ont indiqué avoir sollicité une participation des
membres.
Une partie de l'argent gagné à chaque campagne a
permis de financer la campagne suivante et le reste a été
affecté aux activités de l'organisation. Ces activités
peuvent être agricoles (relance de la boutique d'intrants, construction
prévue d'un entrepôt de stockage) ou autres (achats de
médicaments pour les membres...). Une de ces organisations est en charge
de coordonner le curage des canaux du périmètre irrigué
principal, les bénéfices de la participation au PTTA devaient
être utilisés pour financer ce curage, à date il n'a pas
été fait.
L'analyse des organisations ne possédant pas de
boutique avant le programme est compliquée. Une de ces organisations a
connu des dissensions internes après la répartition de l'argent
en fin de première campagne et a cessé son activité. Pour
une autre, les bénéfices dégagés auraient servi
à développer une caisse de crédit commercial pour les
membres, mais les données exactes sur l'organisation du système
de crédit n'ont pas pu être consultées. Le dirigeant est le
même qu'une autre organisation agricole présente avant le
programme et les membres semblent peu impliqués dans la gestion de
l'activité.
C. Le recours ponctuel à des emprunts
inclus dans une stratégie d'investissement et de développement
à moyen et long terme.
La boutique d'intrants présentes avant le programme et
une entreprise extérieure à Saint Raphaël se
caractérisent par leurs bonnes capacités de gestion et la vision
de développement à long terme de leur activité. Ces
entreprises sont gérées par plusieurs associés mutualisant
leurs dépenses. Des crédits commerciaux et informels ont
été utilisés tout au long du programme PTTA mais une bonne
anticipation des dépenses et un recours raisonné à l'usure
ont permis de dégager une marge nette conséquente.
Les bénéfices sont répartis entre les
membres et dans d'autres activités (autres programmes, dépenses
personnelles...). Un des fournisseurs a investi à Saint Raphaël en
faisant l'acquisition d'un local et souhaite pérenniser son
activité de vente d'intrants en l'associant à du conseil
technique et à de la production de semences. L'argent gagné par
un autre va permettre d'investir dans un tracteur et d'augmenter les stocks
d'intrants disponibles
? L'activité de fournisseur PTTA à Saint
Raphaël est rentable économiquement
? Cette rentabilité est obtenue grâce à
l'argent gagné avec le coupon de préparation du sol
? Mais ce service n'est pas délivré par les
fournisseurs d'intrants en dehors du PTTA
? L'étude des stratégies économiques montre
un recours systématique à l'emprunt et des visions de
l'activité à moyen et long terme variées
|
d. 64
Organisations de techniciens - émergence d'une
offre technique structurée
Lors des deux premières campagnes, l'assistance
technique était réalisée par les techniciens
employés par les fournisseurs officiels. En l'absence de cahier des
charges clair et d'indications explicites sur le rôle des techniciens en
riziculture et maraichage, le mode de suivi des bénéficiaires a
été laissé à l'appréciation de chaque
fournisseur et de chaque technicien sans outils de contrôle et
d'évaluation. Il en a résulté une grande confusion quant
au rôle de chaque acteur et une faible présence des techniciens
sur les parcelles subventionnées.
Des bénéficiaires et des techniciens n'ont pas
compris si le coupon de contrôle phytosanitaire en maraîchage
couvrait les dépenses d'achats des produits, leur application ou les
deux. La coordination, l'animation et le suivi des équipes
n'étaient pas compris dans le prix de la subvention (1000HTG par
bénéficiaire accompagné) et peu de moyens logistiques ont
été mis à disposition des techniciens qui se sont souvent
déplacés à leurs frais. Enfin, la répartition du
nombre de bénéficiaires par technicien était
gérée par le fournisseur ce qui a généré des
inégalités entre techniciens.
A partir de 2015 de nouvelles structures ont
émergées à Saint Raphaël. Des techniciens agricoles
se sont rassemblés en organisations et ont demandé à l'OPS
l`exclusivité de la gestion de l'assistance technique. Ces techniciens
s'estimaient spoliés par les fournisseurs officiels et ont
souhaité récupérer pour eux la marge gardée
auparavant par les fournisseurs. Trois organisations se sont
positionnées pour fournir du conseil technique de proximité aux
agriculteurs tout au long du cycle de culture. Les frais de fonctionnement des
organisations sont couverts par une participation des membres et des formations
ont été planifiées pour améliorer les
compétences des techniciens. Les bénéfices seront
partagés entre membres et ces organisations souhaitent devenir des
interlocuteurs privilégiés en cas de nouveaux projets de
développement financés sur la commune.
e. Labour : de l'argent investi par le programme
sans effets sur l'offre
Le choix ne pas laisser les bouviers ou les
propriétaires d'attelage être directement fournisseurs de labour
semble avoir limité l'évolution du service et des structures
pendant le programme. Avec l'argent donné par les fournisseurs, les
agriculteurs bénéficiaires sont passés par leurs
interlocuteurs habituels : amis, voisins ou bouviers des zones
environnantes.
Ces vendeurs temporaires de labour ont réalisé
le travail mais n'ont pas réinvesti les gains dans de nouveaux attelages
en l'absence de formation et d'opportunités d'investissement. De plus,
un prélèvement a été parfois réalisé
par le fournisseur sur le coupon labour, mais ce prélèvement n'a
pas été réinvesti dans l'offre de labour.
65
6.1.4. Les structures non retenues : acteurs
clés de l'approvisionnement des
fournisseurs officiels
La majorité des structures décrites en
6.1.2.hormis deux boutiques d'intrants ont bénéficié du
programme PTTA de manière indirecte. En premier lieu elles ont
continué à approvisionner les agriculteurs non
bénéficiaires du programme alors que les fournisseurs officiels
se sont concentrés prioritairement sur leurs listes de
bénéficiaires.
En second lieu les importateurs et les grandes boutiques
d'intrants ont approvisionnés les fournisseurs
officiels en intrants. De part leurs réseaux et leur expérience
ces vendeurs ont été capable d'avoir des semences et des engrais
à revendre tout au long du programme. Alors même que le contrat
passé entre le ministère de l'agriculture et un importateur
d'engrais devait assurer la livraison d'engrais spécialement pour les
bénéficiaires du PTTA, les retards importants ont permis aux
revendeurs de continuer a vendre de l'engrais non contrôlé aux
fournisseurs.
Pour conclure, les agriculteurs qui ont été
bénéficiaires reviennent acheter leurs intrants dans les
structures présentes avant le programme et ne pensent pas retourner
s'approvisionner chez les fournisseurs officiels du PTTA (Ruffy, 2015).
L'analyse des fournisseurs de Biens et Services dans les
périmètres rizicoles du Nord Est permet de comparer les effets du
PTTA sur l'offre de biens et services et de comprendre les facteurs pouvant
faciliter l'émergence d'une offre durable.
? Les vendeurs d'intrants historiques de Saint Raphaël n'ont
pas participé au programme directement
et leur absence remet en question la gestion de la
sélection des fournisseurs dans cette zone
? Malgré leur non implication directe, ces vendeurs ont
joué et jouent un rôle essentiel dans l'approvisionnement du
PTTA
? Les services de labour et de repiquage n'ont pas
été considérés comme des services à part
entière, ils n'ont donc pas évolué grâce au
PTTA
? L'assistance technique a progressivement
évoluée pour se structurer et se professionnaliser mais la
pérennité du service n'est pas assurée en
l'absence de programme de développement à Saint
|
66
6.2. Le Nord Est rizicole
6.2.1. Des périmètres irrigués
spécialisés dans la culture du riz et en manque d'infrastructures
de gestion de l'eau
|
Le département du Nord-Est est structuré en 13
communes et 4 arrondissements : Fort-Liberté, Ouanaminthe, Trou du Nord
et Vallières. (LAINE M. et al. 2004). Trois grands types de zones
agro-écologiques sont identifiables : les plateaux d'altitude, la zone
de piémont et les zones de plaine. Les zones de plaine sont
divisées en plaines sèches et plaines humides. Les communes de
l'étude sont Ouanaminthe, Ferrier et Fort Liberté, elles sont
situées en zone de plaine. Les cultures sont partagées entre
cultures de zone sèche : arachide, maïs, manioc, pois nègre,
banane... et cultures irriguées ou
|
Figure 22 Périmètre irrigué de
Couacou 1 (photo : auteur)
|
la riziculture est dominante.
|
L'accès à l'eau et la présence
d'infrastructures adaptées est déterminant pour mettre en place
des systèmes de cultures irrigués. Quelques
périmètres irrigués ont été
bétonné près de Ouanaminthe ou de Fort Liberté
(Couacou) mais la majorité des canaux sont encore en terre et l'eau est
dirigée grâce à des aménagements de fortune (Rambao,
2014).
La proximité avec la frontière dominicaine est
un facteur déterminant pour l'économie locale. Les flux
migratoires journaliers ou saisonniers sont très importants. Beaucoup
d'Haïtiens sont employés dans les exploitations agricoles
dominicaines comme main d'oeuvre. Ces échanges réguliers
favorisent la transmission de techniques agricoles, de produits phytosanitaires
et de nouvelles variétés de riz employés en
République Dominicaine.
La zone de Maribahoux se caractérise également
par la présence de nombreuses organisations agricoles et la
superposition de projets d'appui au développement (agricole, sociale,
éducatif...). Ces organisations ont rarement une activité
continue et se mobilisent en présence de nouveaux projets.
6.2.2. Une offre de biens et services préexistante
au programme PTTA et une expertise technique apportée par la
République Dominicaine
X X X X X
X X X X X
X X X X
X X X (X)
X X X X
X X X X
X
X X X
Labour à traction animale
Labou r motorisé
Récolte mécanisée
Repiquage - trans plantation
Engrais
Produits p hytosan itaires
Transformation
Conseil technique
Traitements phytosanitaires
Semences de riz
Commercialisation
Outils
Vente à Crédit ?
Vendeurs dominicains
Vendeuses ambulantes
Agriculteurs
Boutiques d'intrants
Organisations agricoles
Prestataires dominicains
Fournisseurs
Boutiques d'OP
Bouviers*
Biens et Services
X
X
X
67
Tableau 18 Offre de biens et services dans le Nord Est
rizicole avant le programme PTTA (* regroupe différents
sous-types)
La vente d'engrais est assurée
principalement par des boutiques d'intrants spécialisées dans
l'agriculture et quelques boutiques pluriactives. Les boutiques d'intrants sont
reliées entre elles par des liens d'amitié et professionnels
entre cadres dirigeant. Elles sont présentes dans tous les centres
urbains de la zone d'étude. Quelques organisations agricoles ont
reçu un appui du programme PPID du Ministère de l'Agriculture
haïtien et ont pu mettre en place un service de vente d'intrants. Lors des
migrations périodiques, les travailleurs haïtiens profitent de leur
passage en République Dominicaine pour acheter des intrants
également.
Les semences de riz sont multipliées
et vendues entre agriculteurs qui en achètent en République
Dominicaine. Les principales boutiques d'intrants et celles des organisations
agricoles proposent également des semences.
Les produits phytosanitaires sont vendus
également dans les boutiques mais de nombreux agriculteurs en
achètent directement en République Dominicaine. En plus de prix
avantageux, les vendeurs dominicains sont reconnus pour avoir des produits
adaptés aux besoins des planteurs et sont capables de délivrer
des conseils personnalisés d'utilisation. Certains vendeurs dominicains
proposent même un service d'expertise technico-commercial. Un technicien
visite les parcelles du client haïtien et
68
lui propose des produits adaptés issus de son magasin.
L'application des produits phytosanitaires est souvent
réalisée par les agriculteurs eux-mêmes ou
sous-traitée à un agriculteur possédant un
pulvérisateur.
Les outils sont achetés dans les centres
urbains et en République Dominicaine.
Le service de labour à traction animale
est assuré par des bouviers spécialisés dans ce
travail. Ils sont employés par les propriétaires de l'attelage ou
possèdent eux-mêmes une ou plusieurs paires de boeufs.
Différents projets de développement ont renforcé ce
service. Des agriculteurs ont eu l'opportunité d'investir dans des
attelages et ont reçu une formation technique en dressage et labour. La
culture du riz toute l'année explique également la
présence de bouviers en permanence sur les zones de culture.
Le labour mécanisé est
délivré par quelques agriculteurs et une ONG possédant des
tracteurs mais est peu développé actuellement. Ce sont surtout
des prestataires de service dominicains qui passent la frontière pour
vendre des services de labour et de récolte
mécanisée du riz (moissonneuse-batteuse).
Le repiquage est un service vendu entre
agriculteurs et effectué par des individus ou des groupes de travail
spécialisés.
L'assistance technique est
délivrée sous la forme de conseils d'utilisation des produits
phytosanitaires et des semences. Ces conseils sont donnés par les
techniciens des boutiques d'intrants haïtiennes ou les vendeurs
dominicains lors des achats. Des programmes de développement ont
appuyé la diffusion des techniques de repiquage du riz en ligne avec une
faible densité par poquet, l'absence de maitrise de l'eau et la pression
des ravageurs du riz (caracole) a limité l'adoption de ces pratiques.
Les services de transformation sont surtout
des moulins de décorticage du riz possédés par des
organisations agricoles (Ferrier) ou des vendeuses ambulantes (Madam Sara). Ces
vendeuses gèrent également l'achat des récoltes, souvent
sur pied, et leur commercialisation.
? Un groupe de boutiques d'intrants dynamiques approvisionnent
les agriculteurs et les autres vendeurs
de la zone
? Le service de labour est vendu par des opérateurs
spécialisés
? La traction animale est dominante sauf à Ferrier ou des
propriétaires de tracteurs fournissent un
service de labour mécanisé
? La proximité avec la République Dominicaine
facilite l'approvisionnement en engrais et phytosanitaires
? Les conseils pour l'utilisation des intrants sont
délivrés principalement dans les boutiques, entre
agriculteurs et en République Dominicaine
|
69
6.2.3. Les intrants ont été vendus
principalement par des boutiques spécialisés et l'offre de
services a été modifiée par le PTTA
a. Des paquets techniques rizicoles
Les paquets choisis pour les zones irriguées du Nord
Est sont tous des paquets appuyant la riziculture. Les biens et services
subventionnés sont donc quasiment les mêmes qu'à Saint
Raphaël.
Bien ou Service
|
Justification
|
Semences de riz améliorées
|
Permettre l'accès à des semences de
qualité et à des variétés
améliorées
|
Engrais : complet, urée,
sulfate
|
Permettre aux agriculteurs de réaliser toutes les
fertilisations préconisées sur la parcelle
subventionnée
|
Produits phytosanitaires
|
Assurer le contrôle phytosanitaire en cas de besoin
|
Application phytosanitaires
|
Payer à l'agriculteur un service d'appui technique pour
l'utilisation de pesticides. Avec ce coupon l'agriculteur peut
payer un prestataire pour réaliser les traitements phytosanitaires.
|
Préparation du sol :
Labourage, Hersage,
Nivellement et planage ou Préparation des planches)
|
Aider l'agriculteur bénéficiaire à avoir
accès à ce service dans les délais impartis par les
calendriers culturaux
|
Repiquage
|
Favoriser le transfert de la technique du repiquage en ligne
et 3 brins par poquet. Alléger le coût de cette
opération.
|
Assistance technique
|
Accompagner l'agriculteur dans le suivi de sa parcelle et
transférer les recommandations du paquet technique sur le repiquage, la
fertilisation et la phytosanitation
|
Tableau 19 Biens et services subventionnés par le
PTTA (source : CECI, Coordination Régionale, auteur)
La principale évolution des paquets techniques consiste
dans l'apparition d'un coupon assistance technique visant à donner
l'accès à un suivi technique aux bénéficiaires du
programme.
Les bénéficiaires ont eu le choix entre le
labour à traction animale ou mécanisé (motoculteur ou
tracteur). Le choix était également possible entre la subvention
du repiquage ou celle de l'application des produits phytosanitaires puis entre
la subvention du repiquage et l'acquisition des pesticides. Ce changement
s'explique par la nécessite d'intégrer l'application des produits
phytosanitaires dans l'assistance technique.
· Préparation sol : labour à traction
bovine ou mécanisé
· Semences riz
· Engrais
· Acquisition de pesticides
· Repiquage ou application pesticide
Riz d'hiver 2013-2014
· Préparation sol : labour à traction
bovine ou mécanisé
· Semences riz
· Engrais
· Acquisition de pesticide ou Repiquage
· Assistance technique
Riz d'été 2014
· Préparation sol : labour à traction
bovine ou mécanisé
· Semences riz
· Engrais
· Acquisition de pesticides ou
Repiquage
· Assistance technique
Riz 2015
70
Figure 23 Paquets techniques rizicoles mis en place par
le PTTA dans le Nord Est (source : auteur)
b. Une première spécialisation des
fournisseurs par biens ou services vendus
puis une intégration des vendeurs de services
au sein d'autres structures
A la différence des zones décrites
précédemment, il y a eu dans le Nord Est rizicole une
organisation des fournisseurs par service. L'opérateur de service CA17 a
laissé les structures et individus qui le souhaitaient s'inscrire comme
fournisseurs et a laissé le marché des biens et services «
libre ». Par conséquent, tous les fournisseurs qui le souhaitaient
ont pu s'inscrire et proposer les biens et services dont ils disposaient. Les
bénéficiaires ont ensuite eu le choix de leur fournisseur pour
chaque bien ou service. Lors de la troisième des listes de
bénéficiaires ont été attribuées par
fournisseur suite à une décision de la coordination
régionale du PTTA.
Au cours des campagnes successives les
bénéficiaires se sont orientés principalement vers les
boutiques spécialisées dans la vente d'intrants agricoles. Les
boutiques d'organisations agricoles ont permis un approvisionnement de
certaines zones reculées mais n'ont pas continuées à
approvisionner le programme après la première campagne. Quelques
boutiques pluriactives et des vendeurs isolés ont également
participé au programme mais leurs activités ont diminuées
au cours des campagnes. Les principaux volumes ont donc été
vendus par des grandes boutiques spécialisées. Ces boutiques
investissent également dans le labour et sont prêtes à
développer une offre de conseil technique.
Les bouviers qui souhaitaient s'inscrire comme fournisseurs de
labour l'ont fait et différents types de fournisseurs ont eu à
charge la gestion de la préparation du sol. L'application stricte des
règles de sélection légale des fournisseurs (obligation de
posséder un patente ou un document du ministère des affaires
sociales) à partir de la troisième campagne (riz 2015) a
poussé certains bouviers à intégrer des organisations
agricoles disposant de la reconnaissance du Ministère des Affaires
sociales, ou de travailler pour des boutiques d'intrants disposant d'un
patente.
71
Type de fournisseur
|
Description
|
Noms
|
Pourcentage de bénéficiaires accompagnés
|
Vente d'intrants : semences, engrais,
pesticides
|
Boutiques d'intrants
|
Entreprises dynamiques créées par des agronomes
haïtiens. Elles approvisionnent les autres
vendeurs d'intrants de la zone.
|
Jardin Lakay, Kay Ti
Plante, Tout Sezon Boutik Agricole, Bej Jardin G & G,
Bolivar Erilien, Jaden Peyzan
|
82%
|
Boutiques pluriactives
|
Magasins de matériaux de construction ou autre qui ont
une activité de vente d'intrants
|
Confiance en Dieu
|
1%
|
Boutiques d'OP
|
Boutiques mises en place avec l'appui du
programme PPID.
|
OPD, APDB
|
10%
|
Vendeurs isolés
|
agriculteurs possédant suffisamment de
trésorerie pour acheter des intrants et en revendre
|
Victor Jeanty,
Brenord Deles,
Etienne Jocelin,
Michel Raoul, Norvin
Pierrelus, Victor Jodney
|
7%
|
Service de labour
|
Propriétaire d'attelage (s) réalisant
rarement le service lui-même
|
Possède plusieurs attelages et lui-même grand
propriétaire terrien, ce fournisseur emploie plusieurs bouviers
|
Possède un seul attelage et a été
formé par un programme de développement. Emploie un bouvier ou
fait le travail lui-même.
|
Agriculteur ou entrepreneur investissant dans le
labour
|
Achète un attelage juste avant le programme ou au
début pour fournir du service de labour
|
Organisation agricole
|
Des organisations possèdent un ou plusieurs attelages
et différents operateurs travaillent pour l'organisation ou sont
membres
|
Sous-traitance du service par des boutiques
|
Les attelages sont possédés par la boutique
d'intrant ou elle paye un bouvier (sous-traitance à des
propriétaires d attelages)
|
Labour mécanisé
|
Ce labour a été proposé par des
propriétaires de tracteurs à Fort Liberté, Ferrier et
Ouanaminthe
|
Tableau 20 Typologie de fournisseurs de biens et services
du PTTA dans le Nord Est rizicole (source : auteur)
72
c. Analyse de la durabilité économique
: les marges brutes des vendeurs
d'intrants sont liées essentiellement
à la vente d'engrais donc sensibles aux fluctuations du
marché
Engrais
Produits
phytosanitaires Application produits phytosanitaires Semence
Riz
(marmites)
|
|
PB USD MB USD
USD
|
0 50 100
Figure 24 PB et MB dégagés pour les biens
de la campagne riz d'hiver 2013-2014 dans le Nord-Est
A la différence de Saint Raphael, les vendeurs
d'intrants ont peu vendu de services de labour. La marge brute
dégagée par les fournisseurs d'intrants (pesticides, semences,
engrais) est due à 60% à la vente
d'engrais dans le cas des campagnes de riz d'hiver 2013-2014
et riz d'été 2014. Néanmoins cette marge brute pour
l'engrais est très variable selon les sources d'approvisionnement des
fournisseurs. Les boutiques spécialisées ont pu s'approvisionner
plus rapidement et à meilleur marché que d'autres types de
fournisseurs ce qui à contribuer à les renforcer. De plus, le
marché des fertilisants a connu de grandes fluctuations qui ont
été compensée en partie par un accord entre le MARNDR et
l'importateur d'engrais COMAG en août 2014.
Les marges par bien vendu et les calculs pour les services de
repiquage et de labour sont présentés en Annexe 4 et en Annexe
12.
Le fait que les bénéficiaires puissent
s'approvisionner pour chaque bien ou service auprès du fournisseur de
leur choix rend difficile l'estimation de la rentabilité de
l'activité pendant le PTTA. De plus, beaucoup de vendeurs ont d'autres
clients en plus des bénéficiaires du programme et le PTTA
s'inscrit dans leurs activités sans comptabilité
différenciée. Les fournisseurs enquêtés ont tous
indiqués que l'activité de fourniture d'intrants ou de services
au PTTA est rentable mais fortement impactée par les fluctuations des
prix de l'engrais et les retards de décaissement de la BNC.
Les fournisseurs utilisent trois grandes stratégies
économiques.
|