Migrant malien blanchisseurs à Niamey: pratiques migratoires et réseaux d'insertion

5.3. 1 Le réseau d'insertion professionnelle

5.3. 1 .1 Niamey : ville d'apprentissage de la blanchisserie

La ville d'apprentissage de la blanchisserie est un indicateur de l'insertion professionnelle des migrants. Il ressort de l'étude (carte 4) que 92, 5 % des répondants ont appris la blanchisserie à Niamey. On retient donc pour l'essentiel que les migrants maliens sont venus à Niamey sans ce savoir-faire. C'est dans cette ville qu'ils ont appris le métier afin de s'assurer une insertion professionnelle. Mieux, les blanchisseurs maliens dominent ce secteur d'activités même si depuis quelques années ils font face à la prolifération des pressings modernes à Niamey. Ce qui du coup, prive les wanki wanki d'une partie de leurs clientèles notamment la classe supérieure. En outre, il faut noter que de plus en plus des Nigériens s'intéressent à la blanchisserie. Il s'agit surtout des Haoussas qu'on rencontre autour du grand marché dans des quartiers comme Lacouroussou, Maourey et Kalley. Mais au stade actuel cette concurrence (des pressings modernes et blanchisseur nigérien) n'a pas eu d'impact sur le monopole des Maliens dans la blanchisserie.

Cependant, certains migrants affirment avoir appris ce travail dans d'autres villes avant de venir au Niger. Il s'agit de Bamako pour (3,8%) des personnes interrogées. Ce sont pour l' essentiel des personnes ayant exercé la blanchisserie dans ces villes.

Une faible proportion des répondants affirme avoir appris la blanchisserie à Abidjan en Côte d' Ivoire et Malan ville au Bénin. C'est le cas de Nouhou « j'ai appris la blanchisserie en Côte d'Ivoire. J'étais blanchisseur dans cette ville pendant plus de 7 mois. C'est à partir d'Abidjan que je suis venu directement à Niamey au Niger car il y' a beaucoup de ressortissants de notre village ici qui font la blanchisserie ».^14(*)

Carte 4 : Ville d'apprentissage de la blanchisserie

Quant à Ibrahim il a appris la blanchisserie à Malan Ville au Bénin « j'ai appris le travail de blanchisseur avec mon grand frère à Malan ville. J'ai séjourné deux fois dans cette ville en qualité de blanchisseur. C'est en partance à Malan ville pour mon troisième séjour que j'ai fait escale à Niamey. C'est en ce moment qu'un cousin blanchisseur au quartier Gaweye m'a proposé d'occuper sa chambre comme il est sur le point d'aller au Cameroun. J'ai accepté sa proposition. C'est comme ça que j'ai changé destination depuis 2002, suis devenu wankiwanki à Niamey »^15(*).

5.3. 1 .2 le cercle familiale au centre de l'apprentissage de la blanchisserie

Les personnes interrogées ont utilisé plusieurs canaux pour apprendre le métier de blanchisseur notamment leur «  stage d'apprentissage ». Il s'agit pour l'essentiel des réseaux de solidarité constitué autour des parents, amis et des ressortissants du village. « Un réseau de solidarité est un regroupement de personnes qui, partageant des objectifs communs, crée les conditions favorables à une vie communautaire basée sur l'entraide mutuelle. La solidarité dont il s'agit ici est basée sur une relation de réciprocité » (BA, 1995). Ainsi, 34 % des répondants affirment qu'ils ont fait leur apprentissage avec leurs frères à Niamey.

Un autre groupe (24.5 %) déclare avoir appris la blanchisserie avec leurs oncles blanchisseurs qui se trouvent à Niamey. Les entretiens ont montré que cet apprentissage s'est effectué auprès de l'oncle maternel tandis que (20,8%) des répondants ont appris le métier auprès d'un cousin. Une faible proportion des personnes interrogées affirme avoir effectué leur apprentissage auprès des ressortissants de leur village à Niamey.

On remarque dès lors que l'apprentissage de la blanchisserie à Niamey est très largement centré autour de la famille. Comme le confirme (AUBERT, 2008) à travers l'exemple des Haïtiens en Floride «  la fonction de la structure familiale s'exerce bien au-delà du processus migratoire et joue un rôle tout aussi déterminant dans l'insertion urbaine des immigrants dans la société d'accueil » Car 75,3% des répondants ont effectué leurs stage d'apprentissage auprès d'un membre de la famille (frère, oncle ou cousin). Cela est dû au fait que cette étape est très importante dans l'intégration professionnelle et résidentielle du migrant. En effet, le nouveau migrant qui arrive à Niamey se fait loger par un parent. C'est auprès de ce tuteur qu'il effectue son stage d'apprentissage durant deux à trois mois. Pendant que l'apprenti effectue son stage, son patron (tuteur) le loge, assure sa nourriture gratuitement et lui donne chaque jour une somme forfaitaire de 500 à 1500 francs CFA. C'est cet argent que l'apprenti économise à son niveau. Il arrive aussi des cas où c'est le patron qui garde l'argent. Quelle que soit la variante c'est cet argent que le migrant va utiliser comme capital à la fin de son apprentissage pour se mettre à son propre compte. Il s'agit de prendre une chambre et payer le nécessaire (charbon, table, tonneau) pour ouvrir un local de blanchisserie. Et le plus souvent c'est le patron qui se charge de trouver la chambre.

Mais dans le cas des migrations de remplacement le jeune qui vient relever un migrant ne se fait pas payer pendant l'apprentissage. On lui assure juste la nourriture. Mais avant de partir au pays le migrant qu'il remplace prendra soin de lui assurer charbon, savon afin de continuer le travail pour son propre compte. Il faut noter que parmi les migrants de la première génération, on rencontre des blanchisseurs qui n'ont pas eu à passer par l'apprentissage.

* ¹⁴ Entretien réalisé le 20 Novembre 2014

* ¹⁵ Entretien réalisé le 21 Novembre 2014