III- Essai de bioconversion des margines à
l'échelle pilote
II-1 Introduction
A l'heure actuelle, et malgré des besoins industriels
importants, en particulier cosmétiques et agro-alimentaires, il n'existe
pas de procédé permettant la production d'hydroxytyrosol à
l'échelle industrielle. Seuls des procédés de
synthèse à petite échelle ont été
décrits ; cependant ces procédés ne sont pas
économiquement viables car ils conduisent à des coûts de
production trop élevés.
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Résultats et Discussion
La seule source naturelle d'hydroxytyrosol reste pour le
moment l'olive et les sous- produits de l'huile d'olive (Bezançon et al,
2000). L'huile d'olive ne contient qu'une faible quantité
d'hydroxytyrosol, les teneurs allant de 0,01 à 1 mg/100 g d'huile. Ceci
s'explique par la grande solubilité de l'hydroxytyrosol dans l'eau
(environ 5 g/100 ml) ; en conséquence, il se retrouve fortement
présent dans les margines, et qui sont dans la majorité des cas
rejetées dans la nature. Une première voie de production
d'hydroxytyrosol s'appuie sur sa purification à partir des margines. La
majorité de ce type de procédés mène souvent
à l'obtention d'un produit impur étant donné la grande
diversité et l'importante quantité de polyphénols
répertoriés dans les margines (2,5-3% en poids, environ une
centaine de composés différents ; Labat et al., 2000). De plus,
l'obtention d'une fraction purifiée contenant l'hydroxytyrosol à
partir de ces déchets implique plusieurs étapes
chromatographiques utilisant de grandes quantités de solvants (Capasso
et al., 1992, 1994 et 1999; Visioli et al, 1998). Par conséquent, depuis
plusieurs années les études se sont multipliées pour
tenter de trouver un procédé moins coûteux de purification
d'hydroxytyrosol, ces tentatives se sont révélées dans
l'ensemble sans grand succès. D'autres voies de production basées
sur des méthodes chimiques incluent la synthèse d'hydroxytyrosol
par réduction chimique de l'acide
3,4-dihydroxyphénylacétique (Bai et al, 1998; Tuck et al, 2000),
et par conversion catalytique du tyrosol en hydroxytyrosol par un
mélange de méthylrhénium trioxide (MTO) et de peroxyde
d'hydrogène. Deux voies de production enzymatique d'hydroxytyrosol ont
également été décrites :
- une production d'hydroxytyrosol par hydrolyse
d'oleuropéine en présence de 13-glucosidase (Briante et al.
2001). La 13-glucosidase utilisée dans le procédé de
Briante et al. est produite par une souche d'Escherichia coli
recombinante, cette 13-glucosidase provient de l'archée
Sulfolobus solfataricus qui est une bactérie hyperthermophile.
Ce procédé présente plusieurs inconvénients : d'une
part, l'enzyme et l'oleuropéine doivent être préalablement
purifiées à partir de la culture bactérienne et à
partir de feuilles d'oliviers respectivement, et d'autre part, l'extrait final
est constitué d'un mélange d'hydroxytyrosol et de deux formes de
l'acide élénolique ;
- une synthèse enzymatique par conversion du tyrosol en
présence d'une tyrosinase extraite d'un champignon (Espin et al., 2001).
Cette seconde méthode enzymatique présente également des
limites : d'une part, le procédé nécessite la purification
préalable de la tyrosinase avec plusieurs étapes qui font encore
augmenter les coûts de production ; d'autre part, le
procédé nécessite la présence d'acide ascorbique
pour inhiber l'activité crésolase (l'oxydation, en
présence de dioxygène, d'un monophénol en catéchol)
de la tyrosinase et ainsi éviter la formation de quinones ; une
étape de purification finale supplémentaire doit donc être
mise en oeuvre pour éliminer l'acide ascorbique du mélange
réactionnel.
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Résultats et Discussion
Un autre type de production a été
réalisé à partir de cellules entières
cultivées sur le tyrosol. Les bactéries productrices sont
Serratia marscecens (Allouche et Sayadi, 2005), Pseudomonas
aeruginosa (Allouche et al, 2004 ; Bouallagui et Sayadi, 2006),
Pseudomonas putida F6 (Brooks et al, 2006) et Halomonas sp. HTB24
(Liebgott et al, 2007). Le système enzymatique responsable de la
bioconversion du tyrosol en hydroxytyrosol n'a jamais été
identifié chez les différentes espèces bactériennes
précitées. Ces procédés microbiologiques
présentent également des limites :
-P. aeruginosa est une bactérie
pathogène de classe 2, ce qui entraîne une grande réticence
à l'utilisation de l'hydroxytyrosol qu'elle produit ;
-pour toutes ces souches, la production d'hydroxytyrosol reste
faible. En effet, on constate une dégradation de l'hydroxytyrosol en
3,4-dihydroxyphénylacétate (3,4-DHPA), ce dernier se
dégradant par la suite en succinate et pyruvate.
En résumé, l'extraction à partir de
matières premières naturelles donne de faibles quantités
d'hydroxytyrosol, elle présente le risque de contamination par les
solvants d'extraction et aboutit, du fait d'un nombre d'étapes trop
important, à un prix de revient trop élevé. La
synthèse chimique, quant à elle, est assez limitée ; elle
utilise des substrats ou des catalyseurs toxiques et difficiles à
obtenir. Enfin, pour le moment, les procédés microbiologiques
décrits utilisent, pour certains, des bactéries pathogènes
avec les inconvénients que l'on connaît et présentent un
rendement trop faible pour être économiquement
intéressants.
Dans le cadre de ces travaux, on a maintenant mis en
évidence que l'enzyme impliquée dans la bioconversion des
composés phénoliques des margines est une protéine
à activité 13-glucosidase. Ainsi, les objets de la
présente invention se rapportent à (i) l'utilisation d'une
13-glucosidase d'A. niger produite suite à la fermentation de
cette souche sur le son de blé dans le fermenteur de 100 litres
(Biotron) pour catalyser la bioconversion des composés
phénoliques des margines en hydroxytyrosol, (ii) un
procédé de production d'hydroxytyrosol in vitro comprenant au
moins une étape de conversion des composés phénoliques
complexes en hydroxytyrosol.
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