CONCLUSION
L'analyse de l'évolution du recouvrement ligneux dans
la forêt de Fathala montre de nombreuses mutations écologiques
enregistrées ces dernières décennies. Ce qui a permis de
révéler la fragilité de cette forêt dans un contexte
d'exploitation poussée des ressources biologiques, de déficit
pluviométrique et de forte croissance démographique. En effet, la
multiplicité des usages sur un espace fragile et l'exploitation abusive
sont en partie à l'origine de la pression soutenue sur ses ressources
ligneuses.
Même si nous avons observé dans la Réserve
une régénération du peuplement ligneux (accroissement de
la biodiversité de 12% entre 1996 et 2010) suite à une meilleure
prise en charge des activités de conservation avec la privatisation de
cet espace, il n'en reste pas moins que la forêt de Fathala connait des
situations de régression du couvert végétal et de
diminution des densités entre 1972 et 2010.
Ainsi, pour faire face à la perte de leur habitat et
aux changements de leur environnement, ces primates ont su faire preuve de
beaucoup d'opportunisme, notamment en élargissant leur niche
écologique et en diversifiant les catégories d'aliments qui
composent leur ration alimentaire. Cette étude a également mis en
évidence une nette fréquentation des strates inférieures
de la végétation par les Colobes bais et une présence au
sol liée à la diminution des essences guinéennes et de
leurs densités.
Cependant, il faut noter qu'au sol, les Colobes bais doivent
affronter de nouveaux prédateurs (Hyènes, chiens et hommes) et
faire face aux compétitions avec d'autres Mammifères sympatriques
bien plus adaptés aux milieux ouverts, particulièrement les
Singes verts et les Patas. Il y a lieu donc de s'inquiéter de la survie
des Colobes bais si ce processus de dégradation se poursuit.
Les résultats de cette étude montrent que cette
espèce est bien capable de vivre hors des forêts tropicales denses
humides et des galeries forestières.
Les Colobes bais ne boivent pas. Le déficit hydrique
est comblé par une alimentation dominée essentiellement par les
feuilles jeunes (76% des observations). Leur survie dépend ainsi de la
disponibilité permanente de cet aliment, ce qui ne sera plus le cas si
le processus de dégradation se poursuit au rythme actuel. C'est tout
l'intérêt de la Réserve de Fathala dont le mode de gestion
a permis non seulement de conserver les rares espèces guinéennes
encore présentes dans cette forêt mais d'avoir une bonne
régénération ligneuse. Ce qui est bénéfique
pour cette espèce essentiellement arboricole. Mais qu'en est-il
à l'extérieur de la Réserve, précisément
dans la partie non clôturée de la forêt de Fathala?
Au terme de cette étude, nous insistons sur le fait que
même si le Colobe bai trouve des conditions plus ou moins favorables dans
la Réserve de Fathala, cela ne suffit pas à assurer sa survie
dans la forêt de Fathala prise dans sa globalité. Seule une
politique de gestion rationnelle durable et efficace de toute la partie
terrestre du PNDS axée sur une meilleure appropriation de cette aire
protégée par les populations riveraines pourrait sauver cette
forêt et permettre la conservation à long terme du Colobe bai du
Saloum.
Les résultats de cette étude seront
utilisés pour l'élaboration d'un plan d'action pour la
conservation du Colobe bai dans le Delta du Saloum, en collaboration avec les
populations locales, la DPN, la Réserve de Fathala et d'autres
partenaires (UICN entre autres). Cela permettra également aux
autorités administratives d'évaluer le nouveau partenariat
public/privé initié à Fathala depuis 2000 par rapport
à la conservation de la faune et particulièrement du Colobe bai
et de son habitat.
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