I-1-3 Enoncé du
problème
Le vieillissement est le phénomène social,
biologique, psychologique le plus complexe, tant ses conséquences sont
multiples, diverses et diffuses, car malgré des millions engloutis dans
la recherche, aucune des méthodes n'a encore démontré son
efficacité. Toutefois, des mythes anciens, d'inspiration biblique
parlent d'un archange solidement armé qui garde un arbre dans le jardin
d'Eden, l'arbre de vie, détenteur d'un tel remède. En effet, le
dessein inavoué de l'homme pour vivre éternellement a
été détruit par la rébellion d'Adam et Eve(Sally
Beare,2005). Alors, toutes les stratégies de vie ou de survie plongent
leurs racines dans la certitude que l'homme est mortel. Dans ce contexte, la
santé, prend les relais au panthéon des mythes modernes, des
promesses d'immortalité qui sont les ressorts de bien des religions.
Cette culture ou vision du monde des faits, a permis à l'homme de mettre
en place toute sorte de ressource dont la famille, la culture, la
médecine pour à la fois lutter contre la maladie et faire reculer
le plus loin possible les limites de la mort. Sous ce rapport la culture
englobe les pratiques et les croyances d'une société qui
entraînent un certain nombre de manières d'agir, de penser, de
vivre liées au corps, à la maladie, à la santé.
Dès lors pour saisir la logique interne d'une culture, il faut
s'immerger dans la vie commune du groupe, comme l'a si bien montré
Raymond Massé (1995). Cette immixtion a permis de constater que
certains peuples vivant dans les sanctuaires isolés jouissaient
déjà d'une santé et d'une longévité
extraordinaire, et cela simplement grâce à leurs habitudes
alimentaires et à leur mode de vie. Sally Beare (2005).
Au-delà de cette vision du monde, les facteurs de
longévité sont tributaires de la science et de la technologie.
En effet, grâce à ces progrès, les maladies de carences et
les épidémies classiques sont maîtrisées, et
l'actualité est aux maladies dites « de
civilisation » dans l'étiologie desquelles l'alimentation est
toujours plus ou moins impliquée. ( J-P ,Poulain, 2002). Alors, on
assiste à l'amélioration des conditions sociales, des modes de
vie, à la faveur d'un approfondissement constant en eau potable, de
meilleures techniques d'hygiène, notamment dans l'assainissement de
l'environnement, de la diversification de l'alimentation et de ses
méthodes de conservation (Brian L.Mishara,1984).
Ce progrès constaté a permis à
Lefrançois. R (2004) de montrer que l'évolution de
l'espérance de vie à la naissance, depuis l'antiquité a
presque doublé jusque vers la moitié du 19ème
siècle, mais annuellement le gain n'a été que de 0,03 %.
Le gain de longévité le plus remarquable, estimé sur une
base annuelle, est intervenu au cours de la période s'étendant
de 1900 à 1946, soit 0,08 %. On note immédiatement après
un léger fléchissement de 1960 à 1980, puis une reprise
rigoureuse de 1980 à 2000. Si la longévité s'est accrue,
le vieillissement s'est alors accéléré. L'on constate,
dès lors, que l'augmentation généralisée de la
durée de vie et son corollaire, le vieillissement sont des
phénomènes récents dans l'histoire de
l'humanité.
Cette situation rend l'étude du vieillissement et de la
longévité particulièrement pertinente. En effet, la
projection démographique des Nations Unies (2001), montre que le
vieillissement de la population prend de l'ampleur.
La tendance au vieillissement de la population, née
dans les pays développés au milieu du 20ème
siècle, est maintenant présente dans le monde en
développement. On compte à ce début du
21ème siècle 600 millions de personnes
âgées dans le monde et leur nombre atteindra près de 2
milliards d'ici à 2050 et dépassera alors celui des enfants (de 0
à 14 ans) pour la première fois dans l'histoire de
l'humanité.
Si la projection démographique s'accentue
dans le monde et particulièrement en Afrique, l'on assiste alors avec
Anoh A. et al (2005) l'inégal accroissement numérique des
personnes âgées dans toutes les grandes régions africaines
qui se situent entre 1,8 % et 3,7 % par an pour la période de
1955 à 1970. Excepté l'Afrique du Nord où le rythme
d'accroissement du nombre brut des personnes âgées s'est
accéléré durant les trois dernières
décennies. Le contraste entre les régions s'est réduit et
le taux d'accroissement annuel se situe entre 2,5 et 3 % durant la
période de 1985 à 2000. A l'horizon 2030, ce rythme se
maintiendrait à un niveau élevé. Cette évolution
provient de la chute de la fécondité ainsi que de l'allongement
de la durée de vie. Par conséquent, la conjugaison de la baisse
de la fécondité et de l'élévation de
l'espérance de vie entraîne le vieillissement de la population. En
Afrique septentrionale majoritairement musulmane, l'espérance de vie
avoisine les 70 ans, selon CIA world factbook (2008). Cela a
été possible grâce au progrès de la science et de la
médecine et surtout à l'amélioration des conditions de
vie. Par ailleurs, le constat est tout autre, dans la partie sub-saharienne en
proie à des conditions de vie précaire où
l'espérance de vie tourne autour de 50 ans selon la même
source.
En Côte d'Ivoire, le phénomène du
vieillissement est progressif.
En effet, la proportion des personnes âgées bien
que faible s'est accrue passant de 3% à 3,9% selon INS (1998).
Cela à été possible grâce à
plusieurs facteurs, religieux, éducationnels, psychologiques,
médicaux, sociaux, etc. Ainsi, dans le milieu religieux, Comstock and
Partridge (1972), montrait que la fréquentation de l'église par
les adeptes, leur permettaient pas d'être exposé ou de mourir de
maladies cardiaques ou de suicide que les autres acteurs non religieux et
avaient à 74 % moins de risque d'avoir une cirrhose de foi. En effet, la
fréquentation des lieux de culte ont un impact sur l'espérance de
vie.
La prière, la méditation ou d'autres pratiques
spirituelles peuvent renforcer le traitement médical et prolonger
probablement notre vie (Sally B. op,cit. 2005).
En outre, toutes les religions révélées
préconisent le mariage. En effet, il a été montré
par Oswald with Gardner, (2002) que les individus mariés vivent plus
longtemps et observaient une meilleure santé que les individus vivant
seuls. Les hommes vivent jusqu'à trois ans de plus et que de simple vie
en commun n'a pas le même effet. Le christianisme et le judaïsme
préconise le mariage qui est source de longévité par la
procréation qui pérennise l'être humain.
Willcox et al (2000), ont trouvé qu'à Okinawa,
une île du japon, l'esprit de ténacité et beaucoup
d'assurance, les aidaient à surmonter bien des crises. Ils pratiquaient
régulièrement la méditation qui selon les études,
pourraient retarder de manière significative le processus de
vieillissement.
Aussi, La construction du vieillissement et de la
longévité est-elle constatée de façon
générale dans toutes les religions. En Côte d'Ivoire, les
personnes âgées du 3e âge d'obédience
musulmane présente une proportion de 19.6888 contre 16 3596 de
chrétien et 136820 animistes selon les données de l'Institut
National de la Statistique de 2001 au niveau national. En effet, l'indice de
vieillesse des 60 ans et plus par région administrative donne les faits
suivants : Agnéby (4,9) ; Bas-sassandra (1,9) ; Fromager
(4,9) ; Haut sassandra (3,1) ; Lacs (6,2) ; Lagunes (2,4) ;
Marahoué (4,5) ; montagnes (4,7) ; Bafing (4,9) ;
Denguelé (5,5) ; worodougou (4,7) ; savanes (5,0) ;
zanzan (5,0) ; Moyen cavally (3,7) ; Moyen comoé (3,8) ;
N'zi comoé (3,8) ; Sud bandama (3,8) ; Sud comoé
(3,8) ; Vallée du bandama (6,1). Ce qui donne un indice de
vieillesse de 3,9. Toutefois, les régions majoritairement islamiques ont
un indice qui dépasse 3,9. Le Bafing a un indice de vieillesse de
4,9 ; Denguelé (5,5) ; le Worodougou (4,7) ;
région des savanes (5,0) ; le zanzan l'indice est de (5,0).
L'indice de vieillesse élevé dans les
régions de la vallée du Bandama et lacs s'explique par le fait
que les populations de ces régions vont travailler dans les autres
régions du pays et retournent dans leurs régions d'origine
à la vieillesse. C'est, en conséquence, la migration, les
conditions socioéconomiques, la culture et les pratiques religieuses qui
expliquent l'indice de vieillesse dans ces deux régions.
En outre, Assi Yapo (2005) travaillant sur le vieillissement
des personnes du troisième âge, montre que les personnes
âgées de 60 ans et plus de la communauté islamique
représentent 33,5%, les chrétiens 27,1%, les animistes 22,6%
selon les données du RGPH 98. Si la part des autres obédiences
confessionnelles (chrétiennes, animistes et autres) est importante
soit (66,5%) dans le processus du vieillissement, il existe une part
négligeable de personnes musulmanes de 60 ans et plus (33,5%).
Toutefois, si les proportions sont prises distinctement au cas par cas,
c'est-à dire dans la communauté chrétienne
séparément des animistes et les autres (féticheur, libre
penseur, bouddhiste, athée, rahélien, éckhiste) ;
alors la longévité peut avoir les facteurs explicatifs dans la
communauté musulmane. En effet, le vieillissement résulte de
certaines pratiques comme la pratique d'honorabilité du père et
de la mère, qui augmente la vie selon les sources coraniques et
bibliques.
La circoncision est dans la représentation islamique un
signe de pureté et de propreté. Elle a une répercussion
sur la santé des populations.
L'étude de Doukouré D. (2006) trouve que le
vieillissement et la longévité des personnes âgées
sont liés à leur forte soumission aux recommandations de la
divinité ; aux sacrifices de miséricorde, aux prières
nocturnes, aux bénédictions, au raffermissement des liens de
parenté et la bonté envers les parents ou les personnes
âgées. Les actes de charité et la recherche des rapports
fraternels ont un lien avec la longévité comme constaté
dans l'étude de K.Fato (2006).
Ibrahim B.Syed (2001), montre que les prières sont
bénéfiques au corps. Elles permettent de pratiquer un exercice
physique modéré et particulier à chaque muscle du corps.
L'exercice améliore la qualité de vie, procure plus de
bien-être et d'énergie, réduit l'anxiété et
la déprime.
Toutefois, s'il existe de forte similitude de pratiques comme
la forte croyance, la prière, le jeûne, le partage des
problèmes avec divinité, la fréquentation des lieux de
cultes pour les prières quotidiennes, le respect des parents, force est
de constater que, sous certaines conditions, l'on devrait s'attendre à
des proportions similaires entre personnes âgées au sein des
communautés religieuses concernées (musulmanes,
chrétiennes, animistes), mais c'est l'inverse qui se produit et vice
versa.
Au regard de cette situation, il est, alors légitime de
rechercher, de façon particulière, en quoi les pratiques
différentielles de la religion seraient à l'origine de la
construction du vieillissement et de la longévité ?
Quelles sont les pratiques quotidiennes qui construisent le
vieillissement et la longévité des personnes âgées
d'obédience musulmane ?
Alors, si ces pratiques différentielles de la religion
prédisposent à la longévité et au vieillissement,
comment elles se construisent ?
Quelles représentations scientifiques peut-on
élaborer pour rendre compte de ce phénomène ?
Autrement dit, quels sont les facteurs de
longévité liés aux pratiques islamiques ? ou encore,
quelles sont les représentations associées au vieillissement dans
la communauté musulmane ?
De cette question de recherche découlent les
interrogations suivantes :
1-Quelles sont les représentations que la
communauté musulmane se fait
de la vieillesse ?
2- Quel est leur rapport à la divinité ?
3- Quels sont les divers capitaux du vieillissement ?
4- Comment prévenir le vieillissement
précoce?
C'est donc autour de ces questions opérationnelles que
se construit ce travail de recherche.
Il convient à présent, d'exposer les objectifs
(général et spécifiques) de l'étude, avant de
proposer des productions scientifiques sur le vieillissement, la vieillesse et
la longévité.
Quels sont les objectifs (général et
spécifiques) de cette étude ?
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