II-1-2-5 Historique de l'islamisation du sud
ivoirien
La présentation de l'Islam, ses pratiques et logiques
sont déterminantes vu l'attachement des personnes âgées
à la spiritualité, au rapport à la transcendance et
à la divinité.
Mais intéressons nous d'abord à l'historique de
l'islam dans le sud ivoirien et dans le District d'Abidjan.
A la veille de la colonisation, la Côte d'Ivoire
méridionale et forestière constituait toujours un espace peu
touché par l'islam. La conquête française et la paix
coloniale, instantanée manu militari, changèrent
profondément les choses. Le renforcement sécuritaire à
travers la colonie et la construction de routes et de voies ferrées
ouvrirent des opportunités que les dioula furent prompts à
saisir : des musulmans ont ainsi pénétré dans le sud
le long des nouvelles routes commerciales. La zone méridionale
était forte de sols fertiles propices à l'implantation d'une
agriculture commerciale.
Le développement économique de la zone
méridionale enclencha un vaste mouvement migratoire des populations du
nord vers le sud.
L'amorce d'un processus d'islamisation dans le sud
méridionale se dessinait néanmoins ; il s'amplifia dans la
seconde moitié du 20ème siècle.
Les migrants étaient originaires à la fois de la
savane ivoirienne et des territoires voisins du nord appartenant à
l'Afrique occidentale française.
Ces territoires incluaient le soudan (actuel Mali), la
Haute-volta (actuel Burkina-faso), qui fut rattaché au territoire
ivoirien de 1934 à 1947 et dans une moindre mesure, la Guinée et
le Sénégal. Les migrants étaient aussi bien musulmans
qu'animistes.
L'élément dioula constituait cependant le groupe
le plus nombreux et le plus homogène.
Le nombre, la cohésion communautaire et la puissance
économique des dioulas leur permirent de développer des quartiers
séparés dans les petites et grandes villes qui émergent
dans le sud ivoirien à l'affaire de la politique coloniale.
Les secteurs dioulas étaient appelés
dioulabougou.
C'est cet espace singulier qui a constitué un
formidable pôle d'intégration interculturelle au niveau de la
communauté immigrée, dont l'aspect le plus visible fut une
dynamique d'islamisation.
Dans le macrocosme de la terre d'immigration, la
société dioula offrait à ces convertis le dogme universel
et le cadre socioreligieux qui leur faisaient défaut.
L'épisode colonial n'a donc pas provoqué de
rupture dans l'approche politique socioculturelle des musulmans ivoiriens.
En Côte d'Ivoire, comme dans d'autres pays du Golfe de
guinée, les tribulations spirituelles ou conversions multiples sont
fréquents en milieu urbain plus qu'ailleurs. Le passage d'une religion
à une autre, quête d'une foi qui soit porteuse de sens, est, si
ce n'est valorisé, du moins tolérée socialement.
La dynamique d'islamisation a par ailleurs redessiné la
carte religieuse de la Côte d'Ivoire. Depuis l'indépendance, dans
le prolongement du mouvement amorcé sous la colonisation mais avec une
ampleur bien plus marquée, la présence de l'islam s'est
étendue à l'ensemble du territoire ivoirien, en gagnant de
l'importance dans la zone du sud. La structure ethno démographique de la
communauté musulmane s'en est trouvée profondément
bouleversée. Alors qu'à l'époque coloniale, l'islam avait
été introduit dans le sud par le biais presque exclusif des
migrations, par la suite il est aussi implanté localement par conversion
de résidents autochtones.
Désormais, et c'est là un trait distinctif de
l'ère post-coloniale.
On trouve, en proportion variable, des musulmans au sein de la
majorité des groupes ethniques ivoiriens dont les Agni, les
Baoulé, les Bété, les Yacouba.( Miran marie (2006)).
Le brassage moderne des populations et l'énorme
mouvement migratoire vers Abidjan sont les fondamentaux, pour que la religion
du prophète Muhammad gagne la côte et devienne, dans la
métropole, aussi importante que le christianisme.
Le premier Imam d'Abidjan fut d'ailleurs un
sénégalais Ouolof.
Vivant plutôt dans les quartiers populaires
d'Adjamé, de Treichville ou d'Abobo gare les musulmans, hier venus pour
la construction du pont et de la voie ferrée, sont aujourd'hui encore
souvent issus du peuple et de la masse des travailleurs.
Empreint d'une réelle tolérance qui semble les
mettre à l'écart des mouvements intégristes, l'islam
à l'ivoirienne symbolise dans bien des esprits la religion de la
solidarité. Presque tous les quartiers d'Abidjan possèdent une ou
plusieurs mosquées, qui drainent une foule de croyants pour la
prière du vendredi.
Alors, comment cette communauté est
organisée ?
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