F- Problématique
Sous le climat tropical, l'eau est rare, voire introuvable,
du fait de la sécheresse dans les zones sahéliennes. Dans les
zones de forêt, par contre, c'est plus la qualité de l'eau qui
fait problème. Dans ces deux zones climatiques, les conséquences
sont identiques, de nombreuses maladies hydriques, corroborant ainsi l'adage
médical selon lequel : « l'homme boit 80% de ses
maladies ». Pour atténuer ses effets, des puits à
pompe ont été mis à la disposition des populations de
Mebomo et de Bikogo par le PADC. Cependant, ces populations, dans la grande
majorité, continuent à faire recours aux sources d'eau
naturelles. D'où la question de savoir, pourquoi les populations
n'adhèrent-elles pas entièrement à l'eau des puits
à pompe du PADC ?
G- Hypothèses de recherche
1. Hypothèse centrale de
recherche :
Les populations bénéficiaires ou utilisatrices
n'adhèrent pas entièrement à l'eau des puits à
pompe, à cause de leur faible implication lors de la préparation
du projet de réalisation de ces puits.
2. Sous-hypothèses
L'hypothèse générale a été
subdivisée en quatre sous-hypothèses, à savoir :
a- L'influence des élites contribue à
l'exclusion des populations bénéficiaires du projet ;
b- L'emplacement des puits dans les villages ne respecte pas
les traditions locales ;
c- Les puits du PADC sont source de nombreux conflits ;
d- La maintenance des puits à pompe n'est pas
assurée par les populations utilisatrices.
H- Modèles théoriques
Pour notre étude, nous avons choisi deux modèles
propres à la socio-anthropologie à savoir :
l'interactionnisme symbolique et le dynamisme. La raison de ce double choix
tient à notre thème d'étude qui fait autant appel à
un modèle théorique individualiste qu'à un modèle
théorique holiste.
1. L'interactionnisme
L'interactionnisme voit le jour pour la première fois
à l'université de Chicago en 1930, suite à une rupture
paradigmatique opérée par Georges Herbert Mead.
Vers 1937, Blumer crée le terme interactionnisme
symbolique et retourne la perspective « holiste », qui voit
la culture et la structure d'encadrement des actions individuelles, et va
jusqu'à dire qu'il n'y a rien d'autre à étudier pour
comprendre la société que la vie quotidienne des individus, comme
le relève Henri Mendras (2002 : 61).
Le point de départ de E. Goffman est le plus original,
et va de la présentation de la vie sociale comme une scène de
théâtre, où les acteurs jouent un rôle et
accomplissent de nombreux rites d'interaction. Chacun s'inscrit dans
l'écart entre ce qu'il veut être et ce qu'il est aux yeux des
autres. Selon Anselm Strauss (1992), le terme
« interaction » est si ambigu qu'il ne peut ne signifier
que rencontre et effet réciproque entre des personnes. Il existe
plusieurs manières de considérer et d'analyser le processus
d'interaction. Les interactions se produisent entre des individus en tant que
membre de groupes, quelle que soit la subtilité du caractère de
leur appartenance. Il s'appuie sur l'interactionnisme pour se poser un ensemble
de questions sur les interventions de développement : que
signifient ces actes ? Pourquoi ces gens les accomplissent-ils ?
Compte tenu de ces réflexions, il s'intéresse à ce qui se
produit lorsque deux personnes d'origine sociale différentes se
rencontrent. Si l'une agit et que l'autre attribue à ses actions une
motivation. La plupart du temps, cette imputation sera en désaccord avec
la façon dont l'auteur lui-même comprend son acte. Cependant, ces
deux personnes en interaction ne sont jamais simplement des personnes mais
représentent un groupe. Une telle approche, corrobore Olivier de Sardan
(2001), est « pertinente en matière de socio-anthropologie
du développement, dans la mesure où les faits sociaux de
développement ont la particularité de produire de très
nombreuses interactions, et, des interactions entre des acteurs appartenant
à des univers sociaux très variés, relevant de statuts
différents, dotés de ressources hétérogènes
et poursuivant des stratégies distinctes ». D'où
l'usage de la métaphore de l'arène.
La pertinence de cette grille réside dans le fait
qu'elle nous offre la possibilité de saisir la perception qu'ont les
bénéficiaires des puits à pompe du PADC, des interventions
de développement. Cela nous permet en plus de
« s'intéresser non seulement aux communautés
locales, aux populations cibles, mais tout aussi aux dispositifs
d'intervention, aux médiateurs et courtiers, aux agents
extérieurs », comme le relève J.P. Olivier de
Sardan, (1995 : 47). Enfin, elle permet d'évaluer le rapport entre
l'implication de la population utilisatrice et la pérennisation des
projets de développement.
2. Le dynamisme
Pour Georges BALANDIER (1971), « les
sociétés ne sont jamais ce qu'elles paraissent être ou ce
qu'elles prétendent être. Elles s'expriment à deux niveaux
au moins ; l'un, superficiel, présente les structures
` officielles', si l'on peut dire ; l'autre, profond, assume
l'accès aux rapports réels les plus fondamentaux et aux pratiques
révélatrices de la dynamique du système
social. Dès l'instant où les sciences sociales
appréhendent ces deux niveaux d'organisation et d'expression, et
où elles déterminent leurs rapports, elles deviennent
nécessairement critiques. C'est en corrigeant les illusions de l'optique
sociale commune qu'elles progressent sur le terrain de la rigueur scientifique.
Les dynamiques sociales restent vues généralement sous l'esprit
du changement, de la transformation des structures. »
Etymologiquement, le mot « dynamique »
inclut les idées de force et de mouvement. Si la dynamique sociale prend
en compte la forme et la dimension de l'objet social (institution-objet,
institution-groupe), elle le considère sous l'angle du mouvement par
lequel il se modifie dans une certaine période de temps et selon des
rythmes propres, sujets à accélération et à
décélération.
La théorie de la dynamique sociale a pour ambition de
décrire et d'expliquer les processus par lesquels s'effectuent les
changements dans l'existence des groupes sociaux. En bref, elle a pour objet le
changement social.
Dans les sociétés en voie de
développement, il parait évident que les changements importants,
qui s'opèrent actuellement, ont pris naissance hors de ces
sociétés et résultent de l'importation initiale de la
technologie occidentale par voie de conquête. Mais, il se peut que les
changements économique, politique et religieux induits se produisent de
l'intérieur moins en imitation qu'en réaction contre des
modèles importés. Existe-t-il alors des différences tout
à fait spécifiques entre le processus de changement selon leur
origine interne ou externe ?
La différenciation peut se faire, selon que les agents
initiateurs du changement se situent à l'intérieur d'un groupe
social ou agissent du dehors, varient les modes de participation et de
résistance au changement. La différence est marquée sur le
plan des rapports qui s'établissent entre les agents du changement et le
reste de la population.
De quelle manière s'opère le changement ?
Avec des rythmes discontinus ? En rencontrant quelles
résistances ?
Les théories qui nous permettront de mieux rendre
compte des faits dans notre milieu d'étude sont donc la
théorie interactionniste symbolique, soutenue par l'école de
Chicago, et celle dynamique de Georges Balandier.
|