L'évaluation à mi- parcours des projets de développement communautaire: le cas des puits à pompe du Projet d'Appui au Développement Communautaire ( PADC ) de Mebomo et de Bikogo (Centre- Cameroun )( Télécharger le fichier original )par Yanik YANKEU YANKEU Université catholique d'Afrique Centrale Yaoundé - Master en développement et management des projets en Afrique 2008 |
E- Revue de la littératureLes investigations relatives à notre recherche font état de quelques études sur la question. Jean Joseph Awono (1990) ramène le développement communautaire à des groupes auxquels viennent se greffer les anciennes structures de solidarité villageoise et intervillageoise (les tontines, les mutuelles, les associations religieuses et autres). Leur activité rurale revêt de plus en plus un certain nombre d'intérêts avec ses différentes réalisations dans les domaines aussi stratégiques que la production agricole, l'économie domestique, l'aménagement des infrastructures sociales et communautaires, les oeuvres sociales. Ainsi, les apparences révèlent l'incroyable efficacité de la stratégie de développement communautaire à stimuler le changement dans les collectivités qui y sont encore fermées, les libérant ainsi de leur inertie mentale et des différentes formes de contraintes sociales instituées par la hiérarchie traditionnelle des rôles et des statuts sociaux. Yvan Comeau et Linda Lacombe (1998 : 21-22) quant à eux, revisitent la genèse du développement communautaire. Pour ces auteurs, le développement communautaire se pratiquait déjà à la fin du 19e siècle dans les milieux urbains d'Angleterre et de France. L'objectif était de combattre la désorganisation sociale et favoriser l'intégration sociale par des réseaux d'entraide. Avant la première guerre mondiale, le gouvernement américain s'appuie sur le développement communautaire, qui est en évolution, pour développer les techniques agricoles, le niveau d'éducation et les conditions de vie en milieu rural. Dans cette même époque, les rapports nord-sud s'accentuent et à partir de 1920, ils relèvent que le gouvernement britannique va utiliser le développement communautaire pour orienter au profit de la métropole l'économie de certains pays du tiers monde (Ghana et Inde). Et, dans les années 1950, l'ONG formalise la notion de développement communautaire et le promeut pour les pays du tiers monde. Cette divergence d'approche du développement communautaire a permis de distinguer trois modèles de développement communautaire : le développement local, les problèmes sont définis par les populations du milieu local et le but est d'aider les populations à s'organiser et à obtenir plus de pouvoir. Toutes les démarches et les décisions pour y parvenir sont prises par les populations locales et les divers intervenants communaux apportent un appui technique ; le planning social, présuppose que le changement requiert des planificateurs experts qui possèdent des habilités techniques pour identifier des problèmes et recommander les actions rationnelles ; l'action sociale, consiste en une mobilisation des gens qui sont directement touchées par un problème commun. Au moment où les discours sur la décentralisation deviennent de plus en plus récurrents, la responsabilité des communes8(*) vis-à-vis du développement local se précise davantage. En effet, l'avancée de la démocratie dans la majorité de pays d'Afrique, combinée aux politiques de stabilisation et d'ajustement ont favorisé le retrait progressif de l'Etat. Ce retrait se justifie, comme le reconnait Massimo Tommasoli (2004 : 114), par la décentralisation au niveau local de l'autorité administrative qui est cohérente avec l'encouragement du développement. Ce qui est souhaité à travers la décentralisation, ce sont des prises de décisions qui reflètent mieux les priorités locales. Pour une réussite de la décentralisation, Claude Ouattara (2003 : 5-7) recommande non seulement de s'inspirer des mémoires collectives mais aussi d'avoir l'esprit de prospective. L'approche du développement communautaire se présente comme une des voies les plus autorisées pour la régénération de l'Etat, à travers la production et la reproduction de la vie matérielle et spirituelle. Cela permet aux populations locales de s'exercer aux jeux démocratiques, à leur responsabilité, aux initiatives locales et surtout à l'autogestion, indique Claude Ouattara. La méthode de mise en oeuvre de la décentralisation exige de la part de la commune, l'élaboration de son plan de développement communal (PDC)9(*), outil qui recommande de plus en plus l'implication des populations dans leur propre développement. Pour être effectif, clarifie Deepa Narayan (2004 : 37), les actions de développement communautaire doivent utiliser les outils de l'autonomisation et de la participation. Car, pour qu'il y ait participation, il faut l'empowerment qui se traduit par l'expression « être en mesure de » ou « rendre capable de ». On note ici un changement de développement par des initiatives et des techniques locales visant à résoudre des problèmes. D'ailleurs, Kengne Fodouop (2003 : 171-185) note à dessein que la faillite des stratégies de développement fondées sur des méga projets a fait place aux petits projets, voir à des initiatives locales de développement. Dans une parution récente sur le développement communautaire en Afrique, Yao Assogba (2008) décrit la tradition des travaux en commun, une réalité à la fois économique, sociologique et cérémonielle. Il met en exergue les systèmes anglais et français, centrés sur l'animation rurale pour le premier et la coopération pour le second. La période postcoloniale perpétue ces modes d'organisation et les nouveaux Etats se substitueront à la puissance coloniale. A propos de cette substitution, Jean Marc Ela (1990 : 259) ironisait déjà en les qualifiant, de « nouveaux papas commandants ». Cependant, les groupements de développement communautaire connaissent dans les années 80 un relatif échec dans l'amélioration des conditions de vie en relation avec une appropriation incomplète des projets par les populations concernées. En s'appuyant sur des exemples pris au Burkina Faso et au Mali, Yao Assogba démontre qu'à partir des échecs, qu'ont connus les groupements de développement communautaire dans les années 80, va naître un renouveau des groupements d'organisations paysannes, qui prend appui sur les traditions communautaires. De l'ensemble des composantes du PADC, celle qui retient notre attention est celle des micros infrastructures sociales et économiques. A travers le projet des puits à pompe de cette composante, nous avons la possibilité de mesurer le degré de mise en commun des populations pour le développement de leur communauté. Déjà en 1989, dans un rapport sur l'impact socio-économique de la pompe à pédale chez les paysans maraîchers de l'Extrême-nord, Saïbou Nassourou (1989), cherche à démontrer l'importance de l'introduction de la pompe à pédale chez les paysans maraîchers de l'Extrême-nord dans l'amélioration de la production agricole. De façon plus détaillée, dans une vaste étude sur les organisations sociales au Mali, Tobéré Tessougué (1996 : 20-25) met en exergue la mobilisation d'associations multi-villageoises du plateau Dogon pour la lutte contre la sécheresse. Ceci s'est fait à travers la construction de barrages, creusement de puits, installation de bornes fontaines et de pompes. Ce projet ayant permis la relance du maraîchage et de la culture du mil par l'installation de jardins et de champs collectifs. Par effets d'entrainement, l'agriculture, l'élevage et le commerce se sont développés et ont considérablement augmenté les revenus des villageois. Pascaline Laure Abossolo Mbang (2005), dans une étude du projet « eau c'est la vie », d'Otélé dans l'archidiocèse de Yaoundé, soutient à juste titre que ce projet participe au développement social et contribue à l'essor des initiatives locales. Il résulte de l'expression « l'eau, c'est la vie » le caractère vital de l'eau dans la vie des individus. Car, elle sert, à la fois, à la bonne santé du corps humain, à l'économie et même au développement des activités non productrices, qui rentrent dans le cadre des commodités de la vie. Bref, pour les travaux de cet auteur, l'implantation des puits dans les villages garantit non seulement une bonne santé aux paysans, mais leur laisse également une ouverture au développement d'autres activités liées à l'eau. Ce qui confirme l'assertion selon laquelle, « la construction d'un puits dans un village est une opportunité offerte à la communauté de ce village de sortir de la pauvreté ». * 8 Cf. la loi N°2004/018/ du 22 Juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes au Cameroun. * 9 Pour Ueli Stueki et al. (2005), le PDC est un document de projet et de programme élaboré par la communauté visant à planifier dans l'espace et dans le temps les stratégies et actions de développement pour améliorer les conditions de vie des populations d'une commune. |
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