CONCLUSION GENERALE
Cette évaluation à mi-parcours des puits
à pompe du PADC de Mebomo et de Bikogo (Centre-Cameroun) n'a pas la
prétention d'avoir élucidé tous les aspects de cet
exercice. Nous nous sommes évertués, autant que faire se peut,
à apporter des éléments de compréhension du faible
décollage du développement communautaire en s'appuyant sur les
puits à pompe et à mettre une base de données
socio-anthropologiques non moins négligeable pour les chercheurs qui
auront l'ambition d'approfondir la recherche dans ce domaine ou ce milieu.
En définitive, l'adhésion partielle des
populations de Mebomo et Bikogo aux puits à pompe du PADC est une
réalité. Cette adhésion partielle remonte à la
préparation du projet. Les populations adhèrent partiellement aux
puits à pompe du PADC, à cause de leur faible implication lors de
la préparation du projet de réalisation de ces puits. Dans les
interventions d'approvisionnement en eau, décrie F. Conac
(1985 :102), la faible intervention des populations est facteur de leur
faible adhésion.
Pour ce qui est des sous-hypothèses, l'influence des
élites a été mesurée à l'aune des
interventions passées, pendant et après la mise en oeuvre des
puits à pompe du PADC dans les villages Mebomo et Bikogo. Des puits
à pompe ont toujours été mis dans ces villages avec le
concours des élites des villages. Le peu de recul, de marge de
liberté ou de réinterprétation des objectifs du projet
laissé aux populations a motivé cette influence. En plus,
après la mise en place des puits, par l'accaparement du projet et par la
création de comité de développement connexe à celui
qui existait déjà, les élites ont favorisé le
détour des populations des puits à pompe. Cependant, cette
sous-hypothèse s'est plus vérifiée à Bikogo.
La maintenance des puits à pompe du PADC dans les deux
villages n'est pas assurée par les populations. L'innovation
technologique des puits à pompe, à ce niveau, est un handicap
pour les populations. Cette absence de la maîtrise technologique
favorise, d'après F. Conac (1985), la non identification des populations
au projet.
Les deux villages n'ont pas d'endroits sacrés. Ainsi,
l'emplacement des puits à pompe n'a pas eu à faire à ce
pan de la tradition. Mais, lors de sa mise en oeuvre, il a été
occulté l'occupation spatiale des villages Mebomo et Bikogo par les deux
groupes ethniques qui les peuplent. Les us et coutumes de ces groupes ethniques
ont des incidences, bien que faibles, sur les puits à pompe.
Enfin, en rapport avec les conflits, il ressort que les
puits à pompe du PADC sont sources de nombreux conflits. Ces conflits
sont perceptibles tant au niveau des usagers des puits à pompe qu'au
niveau des responsables de la gestion de ces puits et des différents
leaders d'associations.
Les facteurs exogènes (élites et innovation
technologique) et endogènes (responsabilité des
bénéficiaires) contribuent à l'adhésion partielle
des populations aux puits à pompe du PADC. Il importe devant ce rejet
partiel d'en tirer les leçons qui s'imposent. Sinon faudrait-il, au vue
des échecs, limiter les interventions de développement en milieu
rural ? A cette question, O. de Sardan (1995) propose plutôt aux
développeurs de revoir leur rôle. Car, ce rôle exige un
certain type de compétence ou de savoir-faire qui ne s'improvise pas.
Chaque action de développement nécessite une analyse
spécifique du milieu auquel elle entend apporter des modifications. Les
interactions « projet-milieu » font que chaque projet sera
confronté à de multiples facteurs qu'il ne maîtrise pas et
dont il dépend en partie. Pour cela, il faudrait juste penser que
l'histoire ne démarre pas avec le projet et qu'avant lui, d'autres
interventions ont laissé des traces. H. Mendras (1984) pense que les
innovations apportées dans les villages devraient intégrer les
réalités de ces milieux, de manière que chaque membre
accepte et bénéficie pleinement des apports extérieurs.
D'ailleurs, G. Beloncle (1982) refuse d'imputer la responsabilité de
l'échec des opérations de développement à la
résistance paysanne au changement ou à la mentalité. Les
promoteurs de développement doivent faire l'effort d'écouter les
problèmes des paysans pour être sûr de l'efficacité
de leurs actions. M. Cernea (1998) relève, dans cette lancée, que
l'échec des projets de développement fait suite à la
prédominance des aspects techniques et économiques au
détriment des sciences sociales dans l'élaboration de ces
projets. C'est parce que la dimension sociale n'a pas fortement
été pris en compte que de nombreux projets censés
favoriser le développement ont échoué dont celui du PADC
de Mebomo et de Bikogo.
A la fin de cette recherche, le souhait est qu'elle soit
approfondie par de futurs chercheurs. Ce n'est que par ce moyen que des espoirs
naîtront, afin que les puits à pompe du PADC dans les villages
Mebomo et Bikogo, ne soient pas de mini « cathédrales dans le
désert » comme le souligne J.M. Ela (1994 : 247).
Toutefois, nous convenons avec Georges Balandier (1967 : 1) que tout
savoir qui se construit scientifiquement doit accepter d'être
vulnérable et partiellement contesté.
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