Florent Suxe
La preuve du contrat électronique
Mémoire sous la direction de Madame le Professeur
Françoise Labarthe
1
Master 2 Recherche en Droit des Contrats
2011-2012
Université Jean Monnet (Paris XI)
2
SOMMAIRE
Introduction Page 3
Partie 1 La preuve écrite du contrat
électronique Page 7
Chapitre I L'admission de l'écrit électronique
au sein des preuves littérales Page 8
I L'équivalence conditionnée de
l'écrit électronique et de l'écrit papier Page 9
II Le pré-requis indispensable au principe de l'
équivalence probatoire : la validité de la
signature électronique Page 13
Chapitre II Les formes de l'écrit électronique
Page 19
I L'écrit électronique et les formes
traditionnelles de la preuve littérale Page 19
II : La lettre électronique : équivalent de
la lettre sur support papier Page 23
Partie II Les limites de la preuve
écrite du contrat électronique Page 28
Chapitre I L'imperfection intrinsèque de la preuve
électronique Page 28
I Les vices entachant la perfection de l'écrit
électronique Page 29
II La procédure de contestation de la preuve
littérale électronique Page 32
Chapitre II Les remèdes à l'imperfection de
l'écrit électronique Page 36
I Les remèdes directs à l'imperfection de
l'écrit électronique Page 36
I Les remèdes indirects à l'imperfection de
l'écrit électronique Page 44
Conclusion Page 45
Bibliographie Page 47
3
Introduction
Le développement des nouvelles technologies a
profondément modifié les rouages du commerce. Initié par
la création de l'arpanet1 qui donnera lui même
naissance à l'internet2, ce phénomène a en
effet largement contribué à l'accroissement et à
l'accélération des échanges en offrant tant au
professionnel qu'au consommateur de nouveaux supports de conclusion des
contrats.
Un auteur écrit d'ailleurs à cet égard
« depuis que le panier d'osier ou de métal s'est
transformé en panier virtuel, la visite des magasins et autres lieux de
consommation est désormais possible en tout lieu et à toute
heure. Libéré de toute contrainte physique, le «
cyber-consommateur » peut aujourd'hui pratiquement tout acheter sans avoir
à se déplacer au-delà du lieu où se trouve son
ordinateur et sans avoir à solliciter d'autres muscles que ceux qui
déplaceront sa souris »3. Ainsi, il est aujourd'hui
plus facile que jamais d'acheter un bien ou de commander un service depuis chez
soi, sans contact physique avec son co-contractant.
Cette mutation des modes de consommation,
caractérisée par la dématérialisation du support de
conclusion du contrat, s'est accompagnée irrémédiablement
d'un changement dans la méthode classique de perception du contrat.
C'est pourtant très tardivement que le Droit
français s'est adapté à cette évolution sous
l'impulsion des travaux entrepris et entérinés par les
institutions communautaires4. Il aura en effet fallu attendre que
l'Union Européenne adopte plusieurs directives pour que le
législateur français intègre dans Code civil et le Code de
la consommation les spécificités inhérentes au
développement du « contrat électronique », vecteur de
développement du « commerce électronique ».
1 Arpanet (acronyme anglais de « Advanced Research Projects
Agency Netwok »), est le premier réseau à transfert de
paquets développé aux Etats Unis par la DARPA. Il est
l'ancêtre de l'internet.
2 Internet est un système d'interconnexion d'Autonomous
System et constitue un réseau informatique mondial, utilisant un
ensemble standardisé de protocoles de transfert de données. Il
s'agit d'un réseau de réseaux, sans centre névralgique,
composé de millions de réseaux aussi bien publics que
privés. Il transporte un large spectre d'informations et permet
l'élaboration d'applications et de services variés comme le
courrier électronique, la messagerie instantanée et le World Wide
web.
3 E.Grimaux, « La détermination de la date de
conclusion du contrat par voie électronique », Comm. Comm.
Elect. 2004, chr. N° 10, p. 15
4 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du
20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de
contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21 ; Directive
1999/93 CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre
1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques,
JOCE n° L 13, 19. janv. 2000, p. 12 ; Directive 2000/31/CE du
Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à
certains aspects juridiques des services de la société de
l'information, et notamment du commerce électronique, dans le
marché intérieur, JOCE L 178, 17 juill. 2000, p. 1
4
Le but était clair, il s'agissait de permettre la
réalisation du marché unique, en soulevant l'ensemble des
obstacles juridiques à la validité et à la preuve du
contrat électronique tout en assurant la confiance dans
l'économie numérique.
La consécration d'un régime propre au contrat
électronique a d'ailleurs fait naître une nouvelle classification
des contrats fondée sur le support de conclusion des engagements
contractuels qui, traditionnellement et conformément au principe du
consensualisme, n'existait pas.
En principe, tout contrat se forme par l'échange des
consentements de sorte que la manière dont cette rencontre se
réalise n'était pas, sauf exception, un élément
déterminant quant à la formation du contrat. Ce n'est que dans un
second temps qu'elle prenait de l'importance, sur le terrain de la preuve des
droits et obligations des parties.
Quoiqu'il en soit, la notion de contrat électronique
est difficile à cerner. En effet, d'une part, le concept, qui nous vient
du Droit Communautaire, recouvre deux dénominations distinctes selon
qu'il est conclu par un professionnel avec quiconque ou selon qu'il l'est par
un professionnel avec un consommateur. Dans le premier cas, il est
dénommé « contrat électronique », dans le
second, « contrat à distance ».
D'autre part, seul le contrat à distance est
défini clairement à l'article L 121-16 du Code de la
Consommation5 comme : « toute vente d'un bien ou toute
fourniture d'une prestation de service conclue, sans la présence
physique simultanée des parties, entre un consommateur et un
professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement
une ou plusieurs techniques de communication à distance ».
Au contraire, le « contrat électronique »
n'est défini que de manière allusive par le Code Civil et la loi
LCEN6 du 21 juin 2004.
Ainsi, l'article 1369-4 du Code civil dispose : «
Quiconque, propose, à titre professionnel, par voie électronique,
la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition
les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette
leur conservation et leur reproduction ».
Si la démarche était de définir le
contrat électronique, la méthode est quelque peu maladroite. En
effet, la définition n'est énoncée à priori qu'en
vue d'élaborer une règle - le
5 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 portant
transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire
en matière de droit de la consommation, JORF 25 août
2001, p. 13645. Ce texte assure la transposition fidèle de la directive
97/7/CE du 20 mai 1997
6 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans
l'économie numérique, JORF, 22 juin 2004, p. 11168
5
professionnel qui fait une offre par voie électronique
doit mettre à disposition les conditions contractuelles...- de sorte
qu'elle s'apparente plus à un champ d'application de la règle
énoncée qu'à une véritable définition
générale du contrat électronique.
On ne peut pas en réalité considérer que
l'initiative du contrat électronique soit l'apanage du professionnel.
D'ailleurs l'article 1369-1 du Code civil évoque la possibilité
de mettre à disposition des conditions contractuelles par voie
électronique. Cela renvoie à la formulation de l'offre et il
semble bien que l'article ne réserve pas cette possibilité au
seul professionnel. Au demeurant, l'article 1369-6 du Code civil qui exclut du
régime propre au contrat électronique les contrats conclus par
échange d'e-mails confirme que la définition donnée
à l'article 1369-4 est réservée aux contrats conclus
directement en ligne sur un site internet.
Si l'on délaisse ce critère organique, on peut
du moins s'inspirer du critère matériel - la proposition par voie
électronique de fourniture de biens ou d'une prestation de services-
pour transposer cette « définition » au non-professionnel
offrant. Ainsi, le Code civil ne définirait que le contrat
électronique initié par le professionnel, pour en
déterminer le régime aux articles 13694 et suivants et il
conviendrait de s'inspirer de ce concept pour élaborer une
définition au moins doctrinale du contrat électronique
initié par le non-professionnel.
En outre, la critère matériel de
définition du contrat électronique est pour le moins lacunaire.
On ne sait à la lumière de l'article 1369-4, pas plus qu'aux
articles suivants, ce qu'est la « voie électronique ».
La loi LCEN ne nous en apprend pas davantage, son article 1er
ne définit que la « communication au public par voie
électronique » par référence à l'utilisation
d'un « procédé de communication électronique » :
« On entend par communication au public par voie électronique toute
mise à disposition du public ou de catégories de public, par un
procédé de communication électronique, de signes de
signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui
n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ».
Enfin, on ignore à la lecture du Code civil ou de la
loi LCEN s'il est indispensable pour la qualification du contrat que la voie
électronique soit celle exclusivement utilisée lors de la
conclusion. Cette précision est pourtant fondamentale, comment qualifier
un contrat dont le contenu a été proposé par e-mail et
accepté par courrier postal ?
La définition du contrat à distance par
l'article L 121-16 du Code de la consommation ne comporte pas de telles
lacunes. Ainsi on apprend que l'utilisation d'une « technique de
communication à distance » -ce qui englobe la voie
électronique- doit être exclusive lors de la
6
conclusion du contrat. Dans notre exemple, l'envoi par
courrier postal de l'acceptation ne ferait pas obstacle à la
qualification de contrat à distance.
Qui plus est, le Code de la consommation ajoute que le contrat
doit être conclu sans la présence simultanée des deux
parties, ce qui écarte de sa définition les contrats conclus
à l'aide d' une technique de communication à distance alors que
les parties sont néanmoins en face l'une de l'autre : ainsi lorsqu'elles
concluent via l'internet au moyen d'ordinateurs dans la même
pièce.
A la lumière des « indices » qui nous sont
donnés par les définitions générales du Code civil
et du Code de la consommation, on peut considérer, avec la
démarche la plus logique qui soit, que le contrat électronique
est le contrat de vente de biens ou de prestation de services qui est conclu
exclusivement par la voie électronique.
A cet égard, on peut à priori dresser une liste
non limitative des différentes façons de conclure ce contrat :
par l'intermédiaire d'ordinateurs, via un réseau fermé, ou
encore via un réseau ouvert tel l'internet, soit directement en ligne
depuis le site du cyber-commerçant soit par échanges d'emails, ou
enfin par telex et sms.
L'adoption de dispositions propres à la
définition et à la formation du contrat électronique ne
pouvait suffire à assurer complètement son intégration.
En effet, la faculté de prouver un contrat revêt
pour les parties un intérêt au moins aussi important que la
possibilité de le conclure, à telle enseigne que nombreux sont
les praticiens qui tiennent pour indu ce qui n'est pas prouvé et
considèrent comme inexistant un engagement dont la formation ne peut
être démontrée.
Cette conception, quoique critiquable - un contrat qui n'est
pas prouvé peut néanmoins exister, ce qui démontre une
confusion entre la forme et la preuve du contrat- tente de refléter
l'impasse dans laquelle se trouve la partie qui n'est pas en mesure de prouver
l'existence du contrat.
En effet, conformément à l'article 1315 du Code
civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une
obligation de la prouver. Le demandeur qui ne parvient pas à faire la
preuve du contrat électronique doit donc être
débouté.
Les acteurs du commerce électronique n'échappent
pas à cette obligation. A cet égard, nous nous proposons de
comprendre comment les parties peuvent faire la preuve de leur contrat
électronique.
7
En réalité, le système probatoire
réglemente et hiérarchise les modes de preuves 7 en
obligeant le justiciable à fournir un écrit lorsque sa demande
dépasse un certain montant. Il est ainsi indispensable de permettre aux
parties à un contrat électronique de se prévaloir d'un
écrit dématérialisé, autrement appelé «
écrit électronique » sauf à leur empêcher de
pouvoir exercer leurs droits.
C'est sur ce postulat que le législateur
français a transposé par la loi du 13 Mars 2000 la directive
communautaire du 13 décembre 1999 consacrant le principe
d'équivalence de l'écrit électronique et de l'écrit
sur support papier.
De gros efforts ont été entrepris par le
législateur pour permettre aux parties de se prévaloir d'une
preuve écrite de leur contrat électronique (Partie I).
Malgré cela, après plusieurs années de recul, on
s'aperçoit à quel point leur situation reste fragile tant il leur
est difficile de se conformer aux exigences d'un système
éminemment complexe (Partie II).
Partie 1 La preuve écrite du contrat
électronique
La loi française contraint parfois les parties à
pré-constituer une preuve écrite de leur contrat dans la
perspective d'un éventuel litige. Cette obligation posée par
l'article 1341 du Code civil est durement sanctionnée car elle oblige le
juge à débouter le demandeur lorsqu'il ne parvient pas à
fournir un écrit.
Il faut par conséquent s'entendre sur la notion
d'écrit car cet aspect est fondamental pour les parties à contrat
électronique qui disposent d'un écrit à priori très
différent du manuscrit traditionnel. Si l'on se réfère
à une interprétation historique de la règle aujourd'hui
contenue à l'article 13418 du Code civil, il faut
d'emblée écarter l'écrit établi sur un support
électronique. En effet, l'écrit a toujours été
appréhendé sous une forme matérialisée, le support
faisant partie intrinsèque de sa définition9.
7 Issu d'une doctrine classique incarnée par Ihering selon
laquelle la justice est au dessus de la liberté, le système
probatoire français est pour partie « de preuve légale
». La fonction juridictionnelle appartient à l'Etat qui ne peut pas
se désintéresser de la manière dont les justiciables
prouvent leurs droits, d'où la modélisation et la
hiérarchisation des modes de preuves.
Cet a vis est partagé par plusieurs auteurs, voir R.
Legeais, Les règles de preuve en droit civil. Permanences et
transformations, th. Poitiers, 1955, p. 134 et s. ; E. Bonnier,
Traité pratique des preuves en droit civil et en droit criminel, 3e
éd., 1982, t. 1, n° 177, p. 220.
8 L'ordonnance des Moulins prise par le Roi Charles IX en 1566 a
inspiré le régime probatoire issu de l'article 1341 du Code
civil.
9 Ainsi on peut notamment relever les tablettes d'argile, le
papier actuel traditionnel ou encore le parchemin
8
Ainsi, il devenait indispensable pour la
sécurité du commerce électronique d'assurer une
équivalence entre l'écrit électronique et l'écrit
sur support papier, à défaut, les parties pouvaient être
déboutées au seul motif que l'écrit électronique
n'est pas un écrit au sens de l'article 1341 du Code civil. Pour ce
faire le législateur a adopté une loi du 13 décembre
200010 pour intégrer l'écrit électronique au
sein des preuves littérales (Chapitre I).
Après avoir fixé le cadre général
de l'équivalence de l'écrit électronique et de
l'écrit sur support papier, le législateur a tiré toutes
les conséquences de ce principe en transposant à l'écrit
électronique les concepts propres à l'écrit papier
(Chapitre II)
Chapitre 1 L'admission de l'écrit
électronique au sein des preuves littérales
La loi du 13 mars 2000 n'a pas porté atteinte au
contenu de l'article 1341 du Code civil. Bien au contraire, le
législateur n'a pas voulu libéraliser le régime juridique
du contrat électronique en permettant aux parties d'échapper
à l'obligation de prouver par écrit.
Or comme nous l'avons évoqué, la conception
traditionnelle de la preuve littérale devait conduire au rejet de
l'écrit électronique. La loi du 13 Mars 2000 a permis
d'éviter cet écueil en ajoutant au Code civil un article 1316
définissant l'écrit comme suit : « La preuve
littérale, ou preuve par écrit, résulte d'une suite de
lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles
dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et
leurs modalités de transmission ».
D'emblée, on perçoit à quel point
l'approche du législateur français est empreinte de
neutralité technologique, l'intelligibilité semble être la
seule véritable condition à laquelle est suspendue la
qualification d'écrit11. En effet, détachée de
toute idée de support, cette définition de la preuve
littérale englobe à priori les traces écrites produites
par l'intermédiaire d'une technologie quelconque. On peut ainsi y
intégrer la preuve par SMS, MMS ou encore celle établie par la
voie d'ordinateurs au moyen de l'internet comme l'e-mail .
10 Loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du
droit de la preuve aux technologies de l'information et relatives à la
signature électronique, JORF 14 mars 2000, p. 3968.
11 A cet égard, on ne peut pas considérer que
les impulsions électronique qui n'ont pas encore été
traduites par la machine soient considérées comme
intelligibles.
9
Ce progrès n'aurait cependant pas suffit à
garantir une réception de l'écrit électronique
équivalente à celle de l'écrit papier. En
conséquence, le législateur s'est attelé à
élaborer d'autres dispositions censées garantir cette
équivalence (Section I). A cet égard, la reconnaissance de
l'écrit électronique ne pouvait être aboutie qu'en
admettant la validité de la signature électronique. (Section
II)
Section 1 L'équivalence conditionnée de
l'écrit électronique et de
l'écrit papier
Énoncé à l'article 1316-1 du Code civil,
le principe d'équivalence probatoire de l'écrit
électronique et de l'écrit papier imprègne l'ensemble des
articles subséquents (I). La résonance
généralisée de ce principe pose question. En effet, cette
opiniâtreté démontre à quel point le
législateur a redouté une résistance des juges vis
à vis de la reconnaissance de l'écrit
dématérialisé.
Il reste qu'il est bien inutile aux parties d'agir en justice
en demandant l'exécution du contrat électronique -et de se
prévaloir du principe de l'équivalence- si elles ne sont pas
parvenues à conserver l'acte. Aussi, par faveur au consommateur, le
législateur a obligé le professionnel à conserver le
contrat pendant une certaine durée (II).
§1 La consécration du principe de
l'équivalence probatoire de l'écrit électronique et
de l'écrit papier
Avant la loi du 13 Mars 2000, la jurisprudence avait
déjà eu l'occasion d'admettre la recevabilité d'un
écrit électronique.
On retiendra surtout pour sa pédagogie un arrêt
rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation le 2 décembre
199712 qui a statué en ces termes : « l'écrit
peut être établi et conservé sur tout support, y compris
les télécopies, dès lors que son intégrité
et l'imputabilité de son contenu à l'auteur désigné
ont été vérifiées, ou ne sont pas contestées
».
Malgré le contexte commercial de l'affaire, la Cour de
Cassation ne s'est pas prévalue du
12
Cass.Com, 2 Dec 1997,
D. 1998, p. 192, note D. R Martin
10
principe de liberté de la preuve et a raisonné
en termes d'admissibilité de l'écrit, ce faisant, elle semble
implicitement avoir fait application du principe d'équivalence
probatoire entre l'écrit papier et l'écrit
électronique.
En effet, dès lors que l'on sait avec certitude d'une
part, qu'un écrit n'a pas été altéré depuis
sa création et d'autre part, que la personne à qui on l'oppose en
est bien l'auteur -ou lorsque ce dernier ne conteste pas ces circonstances- on
doit en principe en admettre la recevabilité.
Or, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 13
Mars 2000, un juge pouvait aisément refuser d'admettre une preuve
électronique -quand bien même son intégrité et son
imputabilité n'étaient pas contestables- au seul motif qu'il ne
s'agissait pas d'un écrit au sens de l'article 1341 du Code civil.
Les articles 1316-1 et suivants du Code civil tendent
justement à éviter cet écueil en obligeant
expressément le juge à prendre en compte l'écrit
électronique en tant que véritable preuve littérale. En
effet ce dernier est « admis en preuve au même titre que
l'écrit électronique ».
Néanmoins, cette reconnaissance de l'écrit
dématérialisé ne s'est pas faite au détriment de la
sécurité juridique car le législateur l'a accueilli sous
réserve « que puisse être dûment identifiée la
personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé
dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité
».
Au demeurant, il y a là une rupture avec l'approche
généraliste du législateur dans l'article 1316 du Code
civil. En effet, plutôt que d'instaurer un principe d'équivalence
pour l'écrit électronique en lui assignant le respect de
certaines conditions, le législateur aurait pu exiger le respect de ces
conditions pour l'écrit de manière générale sans
pour autant faire une différence entre l'écrit
électronique et l'écrit papier.
Le libellé de 1'article 1316 du Code civil aurait pu
être le suivant : «Qu'il soit sous forme électronique ou sur
support papier, l'écrit est admis en preuve sous réserve que
puisse être dûment identifiée la personne dont il
émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions
de nature à en garantir l'intégrité ».
Une telle rédaction aurait évité la
stigmatisation des failles dont souffre l'écrit électronique,
lesquelles au demeurant peuvent tout aussi bien affaiblir l'écrit papier
-en témoigne l'existence d'une procédure de contestation de
l'écrit- ce qui montre bien qu'il n'y a pas « similitude »
mais « équivalence » entre l'écrit électronique
et l'écrit sur support papier.
11
Si l'article 1316-1 du Code civil a trait aux conditions de
recevabilité de l'écrit électronique en tant que moyen de
preuve par écrit, tout autre est l'objet de l'article 1316-3 du Code
civil qui admet que « l'écrit sur support électronique a la
même force probante que l'écrit sur support papier ».
La formule est brutale et surprenante, elle pourrait faire
croire que le juge est lié par une preuve dès lors qu'elle
répond à la qualification d'écrit électronique au
sens des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil, or, il n'en est rien.
Le régime légal probatoire oblige le juge
à recevoir en preuve un écrit répondant aux conditions de
recevabilité mais ne le contraint en aucune façon à
considérer que cet écrit rend vraisemblable l'existence du droit
ou du fait allégué13 . Il s'agit donc d'une
plutôt d'une incitation faite au juge d'accorder à un écrit
électronique la force probante qu'il lui accorderait si ce dernier
était établi sur support papier.
Selon la même idée mais au sujet d'une situation
différente, l'article 1316-2 du Code civil incite le juge à
régler un conflit de preuves « lorsque la loi n'a pas fixé
d'autres principes, et à défaut de convention valable entre les
parties [...] en déterminant par tous moyens le titre le plus
vraisemblable, quel qu'en soit le support », autrement dit, le
législateur entend ici éviter qu'un juge ne tranche le conflit en
faveur de l'écrit sur support papier sur le seul fondement d'une
conception « ancienne » de la preuve littérale tenant pour
« reine des preuves » l'écrit manuscrit.
Malgré tout, le principe de l'équivalence a ses
limites. Ainsi il est exigé des parties qu'elles conservent la preuve de
leur contrat dans des conditions aptes à garantir
l'intégrité de l'écrit électronique. Aussi cette
contrainte est elle difficile à respecter, notamment pour le
consommateur qui n'est pas en mesure d'assurer un archivage du contrat dans les
règles de l'art de sorte que la loi fait peser cette contrainte sur les
épaules du professionnel.
§ 2 L'intégrité de l'écrit
électronique et la conservation du contrat électronique
L'article 1316-1 du Code civil oblige les parties à un
écrit électronique à le conserver « dans des
conditions de nature à en garantir l'intégrité ».
Ainsi, il appartient aux parties à un contrat électronique de
mettre en oeuvre un procédé permettant de préserver la
preuve de leur
13 Affirmation à relativiser lorsque existe une convention
de preuve, voir infra Partie 2 Chapitre 1 Section 2
12
accord dans des conditions telles que le contenu de
l'écrit électronique présenté au juge serait
identique à celui existant au jour de l'établissement de
l'acte.
Cette opération peut s'avérer délicate
lorsqu'elle suppose un ou plusieurs transferts de données
numériques car c'est notamment à ce moment qu'il existe un risque
d'altération de l'écrit.
Une telle atteinte portée au contenu de l'acte serait
fatale à la partie qui s'en prévaut car il est loisible au juge
de le rejeter au seul motif qu'il ne s'agirait pas d'un écrit
électronique au sens de l'article 1316-1 du Code civil.
La conservation renvoie traditionnellement à la notion
d'archivage défini selon un auteur comme l'opération qui « a
pour finalité d'assurer une valeur juridique aux documents de leur
établissement jusqu'au terme du délai de conservation
».14
C'est pourquoi le législateur a imposé dans
certains cas à l'une des parties au contrat l'obligation d'assurer
elle-même l'archivage du contrat électronique alors que la
directive du 8 juin 200015 ne prévoyait qu'un archivage
optionnel.
Ainsi, La loi LCEN du 21 juin 2004 a introduit un article L
134-2 au Code de la consommation aux termes duquel « lorsque le contrat
est conclu par voie électronique et qu'il porte sur une somme
égale ou supérieure à un montant fixé par
décret, le contractant professionnel assure la conservation de
l'écrit qui le constate pendant un délai déterminé
par ce même décret et en garantie à tout moment
l'accès à son co-contractant si celui-ci en fait la demande
».
Selon le décret du 16 février 2005 pris pour son
application16, ce texte applicable aux contrats de consommation
conclus par voie électronique déclenche l'obligation pour le
professionnel de procéder à un archivage du contrat conclu
lorsque son montant dépasse 120 euros. Le délai de conservation
est de 10 ans à compter de l'exécution du service ou de la
livraison du bien qui fait l'objet du contrat, ainsi il commencera à
courir à compter de la conclusion du contrat pour celui dont
l'exécution est immédiate.
Cette disposition favorise le consommateur en prenant en
compte l'inégalité de moyens des parties. En effet, il est
logique de l'imposer au professionnel qui, s'il ne dispose pas des
14 L'auteur distingue les deux notions, selon lui, la
conservation a trait à la conservation d'un droit tandis que l'archivage
s'appliquerait à un support. E. Caprioli, « L'archivage
électronique », JCP G n° 38, 14 septembre 2009
15 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du
Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des
services de la société de l'information, et notamment du commerce
électronique, dans le marché intérieur, JOCE L
178, 17 juill. 2000, p. 1
16 Décret n° 2005-137 du 16 Fév. 2005 pris
pour l'application de l'article L 134-2 du Code de la consommation, JORF
18 Fév. 2005, texte n° 26
13
moyens aptes à respecter cette contrainte, peut en
confier l'exécution à un tiers spécialisé
présentant les caractéristiques d'un tiers de confiance.
Au demeurant, cette activité s'est largement
développée et se trouve notamment pratiquée par des
professionnels possédant des labels délivrés par
l'AFNOR17 en vertu de normes privées censées assurer
aux clients toute confiance dans des prestations de qualité.
Il aurait été vain d'imposer cette obligation au
consommateur dont la maîtrise de la technique électronique est
plus que douteuse. En effet, comme le rappelle un auteur :« qui, parmi les
cyber-consommateurs sait, par exemple, que l'archivage de ses messages sur sa
messagerie électronique n'est pas enregistré sur son propre
disque dur, mais sur les données détenues par son
hébergeur ? »18.
S'il est indispensable aux parties de conserver l'acte dans
des conditions aptes à garantir son intégrité, le respect
de cette condition ne suffit pas à garantir les parties de le
recevabilité de leur preuve. En effet, l'écrit
électronique n'en reste pas moins une preuve littérale dont la
validité est subordonnée à l'existence d'une signature
propre à l'auteur. Il était nécessaire par
conséquent d'assurer la transposition de la directive du 13
décembre 1999 consacrant la validité de la signature
électronique.
Section 2 Le pré-requis indispensable au
principe de l'équivalence probatoire : la validité de la
signature électronique
La loi du 13 Mars 2000 a consacré la validité de
la signature électronique en introduisant dans le Code civil un
l'article 1316-4 aux termes duquel «elle consiste en l'usage d'un
procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte
auquel elle s'attache ».
Cette disposition fait écho à l'article 1316-1
du Code civil qui exige de l'écrit électronique que soit
dûment identifiée la personne dont il émane. Là
encore, cette intégration de la signature électronique a
été assurée par la loi au travers d'une approche
fonctionnelle de la preuve par écrit, et plus précisément
de la signature nécessaire à sa perfection (I).
17 Association française de normalisation
18 A.Penneau, « La forme et la preuve du contrat
électronique » , 6.60 p 329 in l'acquis communautaire, le
contrat électronique , Judith Rochfeld, Etudes juridiques,
Economica 2e édition
14
Au delà de cette définition
générale, la loi a procédé à une
reconnaissance graduée des signatures électroniques en fonction
des garanties offertes par chacune d'entre elles afin d'attacher notamment
à la signature dite « sécurisée » une
présomption réfragable de fiabilité (II).
§ 1 La reconnaissance de la signature
électronique
La reconnaissance de la signature électronique a
été rendue possible par la consécration d'une
définition fonctionnelle de la signature. En effet, l'article 1316-4
alinéa 1er du Code civil dispose que « la signature
nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui
qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui
découlent de cet acte ».
La disposition met véritablement l'accent sur les
fonctions de la signature dès lors que celle-ci doit « identifier
» celui qui l'appose et « manifeste son consentement » aux
obligations qui découlent de l'acte signé.
Cette approche fonctionnelle se distingue de l'approche
traditionnelle de la signature qui tendait à intégrer le support
de la signature dans sa définition. Ainsi, une interprétation
historique de la règle contenue dans l'article 1341 du Code civil,
héritée de l'ordonnance des Moulins, devait conduire à
exclure la signature électronique, dès lors que le
législateur -qui ne définissait cependant ni l'écrit ni la
signature- avait établit la règle à une époque
où on ne pouvait anticiper le progrès technologique.
Par hypothèse, il ne pouvait imaginer l'arrivée
de la signature dématérialisée. C'est pourquoi
traditionnellement, on ne pouvait concevoir qu'une signature manuscrite.
Au demeurant, si l'on a coutume de distinguer la signature
« manuscrite » de la signature « électronique »,
l'emploi du terme « manuscrite » n'est pas à proprement parler
le meilleur terme pour refléter la réelle différence
séparant la signature électronique de la signature qui ne l'est
pas.
En effet, qu'elle soit numérique ou manuscrite, la
réalisation de la signature nécessite toujours l'emploi de la
main. Dans le premier cas, l'auteur l'utilise pour taper manuellement au
clavier un code personnel et secret censé l'identifier. Dans le second
il l'emploie afin de pouvoir tenir son stylo.
Ce n'est pas l'usage de la main qui distingue la signature
électronique de celle qui ne l'est pas, mais c'est le lien que cette
signature entretient avec elle. En effet, on ne retrouve pas dans le code qui
fait office de signature numérique la marque personnifiée d'un
geste physique.
15
Supposons deux personnes distinctes à la signature
manuscrite et électronique identique. On peut les distinguer quant
à la signature manuscrite car le geste de la main est propre à
son auteur tandis que pour le code confidentiel, il est impossible de
distinguer les auteurs d'un même code.
Un code confidentiel peut être propre à un
titulaire comme une signature manuelle est la marque de son auteur. Ceci dit,
il est plus difficile de démontrer qu'un code chiffré a
été subtilisé par un tiers que de montrer le
décalage entre la signature de l'auteur réel du document et celui
dont la signature a été reproduite, entendu comme l'auteur
supposé.
Quoi qu'il en soit, les auteurs étaient largement
favorables à une conception fonctionnelle de la signature. Notamment,
l'un d'entre eux l'a très tôt définie comme « un
procédé d'identification manifestant l'adhésion de celui
qui en use »19. Selon lui, « n'importe quel signe
suffisamment distinctif peut constituer une signature s'il remplit cette double
fonction d'approbation et d'identification qui est traditionnellement
dévolue à la signature ».
Malgré tout, il était indispensable de garantir
la réalisation par la signature électronique des fonctions de la
signature en général. C'est pourquoi le législateur a
imposé aux parties à un écrit électronique de
recourir à un « procédé fiable d'identification
garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache ».
Concrètement, une signature électronique doit,
pour être valable, permettre d'identifier en toute certitude son
utilisateur et pouvoir être rattachée sans nul doute à
l'acte qu'elle approuve.
Ces conditions permettent au juge d'écarter la preuve
d'un contrat électronique lorsque l'écrit électronique qui
lui est soumis ne comporte pas de signature ou lorsque celle-ci n'est pas
suffisamment « fiable » au sens de l'article 1316-4 alinéa 2
du Code civil.
A cet égard, la loi du 13 mars 2000 a mis en place un
système organisant un accueil distinct de la signature
électronique suivant son degré de fiabilité. La
réforme reprend en cela le système porté par la directive
du 13 décembre 1999 qui avait opté pour une gradation des
signatures électroniques en consacrant notamment « la signature
électronique avancée ».
19 J. Larrieu, « les nouveaux moyens de preuve : pour ou
contre l'identification des documents informatiques à des écrits
sous seing privés ? », Cah. Lamy Dr. Inf., 1988, H,
n° 5
16
§2 La reconnaissance graduée de la signature
électronique
Aux termes de l'article 1316-4 alinéa 2 du Code civil,
la fiabilité du procédé de signature utilisé par le
signataire est « présumée, jusqu'à preuve contraire,
lorsque la signature électronique est créée,
l'identité du signataire assurée et l'intégrité de
l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil
d'Etat ». Cette disposition, mise en oeuvre par le décret du 30
septembre 200120 conduit à distinguer deux types de
signatures électroniques :
· La signature électronique « simple
»21 définie par l'article 2 du décret comme
« une donnée qui résulte de l'usage d'un
procédé répondant aux conditions définies à
la première phrase du second alinéa de l'article 1316-4 du Code
civil ».
· La signature électronique
sécurisée, définie comme « une signature
électronique qui satisfait, en outre, aux exigences suivantes :
-être propre au signataire
-être créée par des moyens que le signataire
puisse garder sous son contrôle exclusif
-garantir avec l'acte auquel elle s'attache un lien tel que toute
modification ultérieure de l'acte soit détectable. »
L'essence du dispositif est de faire reposer le
caractère sécurisé d'une signature électronique sur
l'existence d'un certificat délivré par un prestataire de
services répondant aux caractéristiques d'un tiers de
confiance22.
En effet l'article 2 définit les conditions dans
lesquelles la signature peut être regardée comme
sécurisée de la manière suivante : « La
fiabilité d'un procédé de signature électronique
est présumée jusqu'à preuve contraire lorsque ce
procédé met en oeuvre une signature électronique
sécurisée, établie grâce à un dispositif
sécurisé de création de signature électronique et
que la vérification de cette signature repose sur l'utilisation d'un
certificat électronique qualifié ».
Ce certificat doit établir avec certitude que
l'ensemble des données utilisées pour signer sont propres au
signataire, de sorte qu'on connaît avec certitude l'identité du
signataire. Enfin, le
20 Décret n° 2001-272 du 30 Mars 2001. I. de
lamberterie et J.f Blanchette, Le décret du 30 mars 2001 relatif
à la signature électronique : JCP E 2001, 1269
21 Cette dénomination n'est pas employée par le
texte mais par la doctrine. Voir notamment A. Penneau, «La forme et la
preuve du contrat électronque », in L'acquis communautaire, le
contrat électronique, J.Rochfeld, Etudes juridiques, Economica
2010.
22 Il s'agit d'un« Prestataire de service de
certification électronique » selon la dénomination
employée par le décret, les conditions d'une telle qualification
sont définies au chapitre III du décret.
17
certificat doit garantir au destinataire de l'écrit
électronique que la signature utilisée s'y rattache et lui
permettre de détecter la moindre anomalie. Il doit donc pouvoir
vérifier la signature et détecter la moindre altération ou
modification du document signé.
A priori, peu de procédés de signatures
électroniques semblent respecter ces conditions23. En
revanche, ce n'est pas le cas de la signature électronique reposant sur
un procédé cryptographique.
La cryptographie regroupe selon un auteur24 :
« l'ensemble des méthodes qui permettent de coder un message afin
de le rendre incompréhensible pour quiconque n'est pas doté d'un
moyen de le déchiffrer »25 L'utilisateur d'un
procédé cryptographique peut ainsi encrypter un message -le
rendre incompréhensible- à l'aide d'une fonction
mathématique appelée algorithme26 et laisser à
son destinataire le soin de le décrypter -lui rendre son
intelligibilité- en « cassant »l'algorithme.
Cette science, au départ utilisée à des
fins militaires, s'est développée et permet depuis 1978 de
remplir une fonction de signature électronique27 . En effet,
les techniques actuelles font usage d'un algorithme connu du public mais qui ne
fonctionne que si l'on insère dans le calcul une suite de chiffres ou de
lettres appelée « clef ».
Dans le système de cryptographie à «
clé publique »28, les parties disposent chacune d'une
clé connue du public et d'une autre, privée. Ainsi,
l'expéditeur du message le crypte à l'aide de la clé
publique du destinataire et de sa propre clé privée de sorte que
le destinataire ne peut le décrypter qu'en faisant inversement usage de
sa propre clé privée et de la clé publique de
l'expéditeur.
La signature électronique est réalisée
dans la mesure où le destinataire, qui ne peut décrypter le
message qu'avec la clé publique de l'expéditeur, sait avec
certitude que le signataire est l'auteur du message.
En outre, la technique permet de garantir que le message n'a
pas été altéré ou modifié en cours de
transmission. En effet, l'expéditeur applique au message qu'il a
rédigé une « fonction de
23 Voir infra Partie 2
24 D.Mougenot, Droit des obligations, la preuve,
n°121-1, p 172, Larcier 2002.
25 D.Mougenot, Droit des obligations, La preuve,
n°121-2 p 172, Larcier 2002.
26 Il s'agit selon l'encyclopédie d'un « ensemble
d'instructions qui permettent à une personne agissant
mécaniquement ou à une machine d'obtenir, à partir de
données et un nombre fini d'étapes, la solution à un
problème »
27 Le principe de la cryptographie à double clef a
été élaboré en 1976 par Diffie et Hellman, deux
chercheurs mathématiciens.
28 Également dénommé « à double
clef » ou encore « cryptage asymétrique »
18
hachage irréversible 29» qui a pour
effet de créer un résumé du texte. C'est alors ce
résumé qui sera crypté et non l'intégralité
du message , lesquels seront tous deux envoyés au destinataire.
Ce dernier applique alors à son tour la fonction de
hachage au message intégral et en compare le résultat au
résumé envoyé par l'expéditeur une fois
décrypté. La comparaison permet de mettre en évidence
l'existence d'une altération du message.
L'emploi de cette technique permet d'établir un
véritable écrit électronique sécurisé au
sens des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil. En effet, son utilisation est
parfaitement compatible avec le système mis en oeuvre pour « la
signature électronique sécurisée ». Le certificat
électronique qualifié délivré par le prestataire de
service de certification électronique permet de garantir que la clef
publique concorde bien avec l'identité de l'expéditeur. Le
processus se déroule de la manière suivante :
- Le destinataire se procure la clé publique de
l'expéditeur en s'adressant au tiers certificateur, lequel lui remet le
certificat accompagnant la clé publique
- il déchiffre ensuite la signature avec la clé
publique
- Après quoi, il doit vérifier la validité
du certificat auprès du certificateur
Finalement, le cadre général mis en place par le
législateur français apparaît pour le moins complexe.
Néanmoins, cette rigidité répond aux besoins de
sécurité du commerce électronique en obligeant ses acteurs
à mettre en oeuvre des procédés aptes à garantir
non seulement leur identité mais aussi l'intégrité de
l'acte électronique.
Au surplus, le principe de l'équivalence de
l'écrit électronique et de l'écrit papier se poursuit au
travers de la forme que revêt la preuve littérale.
29 Il s'agit d'une fonction particulière qui, à
partir d'une donnée fournie en entrée, calcule une empreinte
servant à identifier rapidement, bien qu'incomplètement, la
donnée initiale.
19
Chapitre 2 : Les formes de l'écrit
électronique
Le législateur a tiré toutes les
conséquences de l'équivalence de l'écrit
électronique et de l'écrit papier, en transposant à
l'écrit électronique les contraintes propres à l'acte sous
seing privé et à l'acte authentique (Section I).
Qui plus est, l'ordonnance du 16 juin 2005 récemment
mise en oeuvre par le décret du 5 février 2011, a offert aux
parties la possibilité de conclure un contrat électronique selon
de nouvelles modalités en consacrant dans le code civil
l'équivalence de la lettre électronique et de la lettre sur
support papier (Section II).
Section 1 L'écrit électronique et les
formes traditionnelles de la preuve littérale
Il était indispensable à l'émancipation
du commerce électronique d'instaurer un principe d'équivalence
probatoire entre l'écrit électronique et l'écrit papier.
Pour autant, il aurait été possible d'admettre cette
équivalence tout en réservant un statut particulier à
l'écrit électronique.
Cependant, le législateur n'a pas véritablement
distingué ce dernier de son homologue sur support papier, tant lorsqu'il
s'agit d'un acte sous seing privé (I) que lorsque l'acte est authentique
(II)
§1 L'acte sous seing privé et les contraintes
propres à l'écrit sur support papier
Les articles 1322 et suivants du Code civil définissent
le régime juridique applicable à l'écrit sous seing
privé30. Notamment, les parties doivent respecter plusieurs
contraintes propres à sa validité sous peine de ne pouvoir
prouver leurs droits et obligations.
Ces contraintes sont distinctes suivants la nature du contrat
dont les parties veulent
30 Il s'agit de l'écrit rédigé et conclu
sous signatures privées
20
prouver le contenu. En premier lieu, l'article 1325 du Code
civil oblige les parties à un contrat synallagmatique à
établir autant d'écrits sous seing privés que de parties
ayant un intérêt distinct sauf à confier l'écrit
unique à un tiers indépendant mandataire commun aux deux
parties31.
La conception de l'original dans l'univers électronique
pose problème. En effet, celle-ci variera selon la technologie
utilisée et la manière dont les parties à un contrat
électronique échangent leurs consentements. Notamment, on peut se
demander à quel moment l'original est constitué lorsque plusieurs
transmissions de données numériques ont été rendues
nécessaires pour conclure le contrat32.
Enfin, l'original est fréquemment conservé par
le professionnel sans qu'un exemplaire n'ait été envoyé au
co-contractant.
C'est pourquoi un dernier alinéa a été
intégré à l'article 1325 aux termes duquel «
l'exigence d'une pluralité d'originaux est réputée
satisfaite pour les contrats sous forme électronique lorsque l'acte
établi est conservé conformément aux articles 1316-1 et
1316-4 et que le procédé permet à chaque partie de
disposer d'un exemplaire ou d'y avoir accès ».
En second lieu, lorsque les parties ont conclu un contrat
unilatéral dans lequel une seule des parties « s'engage envers
l'autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien
fongible », l'acte sous seing privé constatant le contrat doit
comporter outre la signature de celui qui souscrit l'engagement, la mention,
« écrite par lui-même » de la somme ou de la
quantité en toutes lettres et en chiffres.
L'article 1326 du Code civil tel qu'énoncé a
fait l'objet d'une modification par la loi du 13 Mars 2000 pour adapter cette
contrainte particulière à l'impossibilité d'insérer
dans l'écrit électronique une mention manuscrite.
De ce fait, la mention n'avait plus à être
écrite par le débiteur, « de sa main » mais « par
lui même ». La modification entendait ainsi permettre de
considérer qu'une telle mention avait été apposée
lorsque le débiteur l'avait écrite par l'intermédiaire
d'un clavier, qu'il s'agisse d'un clavier numérique, informatique ou
digital.
Cependant, le texte était lacunaire dès lors
qu'il ne disait rien quant aux conditions de mise en oeuvre de cette exigence.
En effet, l'important était d'établir un système apte
à garantir que ladite mention avait bien été
apposée par le débiteur lui même, à défaut,
on ne pouvait que
31 C.Cass, Civ 1ère, 17 Oct. 1955, Gaz Pal. 1955,
2, 394 ; C.Cass, Civ 1ère, 2 juil. 1952, D. 1952, 703
32 A.Penneau, « La forme et la preuve du contrat
électronique » , 6.50 p 311 in l'acquis communautaire, le
contrat électronique , J.Rochfeld, Etudes juridiques, Economica 2e
édition
21
déplorer cette lacune mettant en échec l'esprit de
l'article 1326 du Code civil.
C'est un arrêt rendu par la Cour de Cassation le 13 mars
200833 qui est venu pallier cette lacune en considérant que
la formalité devait être accomplie au moyen d'une technologie
comportant « des procédés d'identification conformes aux
règles qui gouvernent la signature électronique ou un tout autre
procédé permettant de s'assurer que le signataire est le
scripteur de ladite mention ».
Autrement dit, les exigences propres à la mention
écrite par la main du débiteur sont réputées
satisfaites dès lors que les conditions d'authentification plus
générales de l'écrit électronique sont remplies.
Certains auteurs ont en cela dénoncé l'existence d'un
déclin de la formalité manuscrite par suite d'un « effet
boomerang » du principe d'équivalence34.
L'analyse des conditions mises en place par le
législateur pour assurer le respect de ces formalités par les
parties à un écrit électronique montre à quel point
ces formalités, naturelles lorsqu'il s'agit d'un écrit sur
support papier, le sont beaucoup moins lorsque l'écrit est établi
sous forme électronique. Le législateur aurait tout simplement pu
dispenser les parties à un écrit électronique d'avoir
à les respecter.
Ces « excès » sont la manifestation du soucis
du législateur qui est d'assurer une intégration complète
de l'écrit électronique au sein des preuves littérales. Ce
dernier ne peut assimiler l'écrit électronique et l'écrit
papier tout en permettant au premier d'être dispensé des
obligations propres au second.
Dans la même ligne directrice, la loi du 13 mars 2000 a
mis en place l'acte authentique électronique, tandis qu'un décret
du 10 août 200535 est venu en préciser les conditions
d'application, en modifiant de fond en comble le décret du 26 Novembre
1971 relatif aux actes établis par les notaires.
33 Cass. Civ 1ère, 13 mars 2008, Bull. Civ., I, n°
73, JCP G 2008, II, 10081, obs. E. Putman, Défresnois
2008, art 1346, obs. R. Libschaber
34 A.Penneau, « la forme et la preuve du contrat
électronique », 6.52 p 319, in l'acquis communautaire, le
contrat électronique , J. Rochfeld, Etudes juridiques, Economica
2ème édition.
35 Décret n° 2005-973du 10 août 2005 modifiant
le décret n°71-941 du 26 nov. 1971 relatif aux actes établis
par les notaires, JORF 11 août 2005, p. 13096. Voir B. Reynis,
« L'acte authentique électronique »,
Défresnois, 25 avri. 2005, n° 1, p. 100.
22
§2 La consécration de l'acte authentique
électronique
L'instauration de l'acte authentique électronique
à l'article 1317 du Code civil avait suscité d'importantes
controverses doctrinales dans l'attente de la parution des décrets du 10
août 200536.
Notamment, les auteurs avaient redouté qu'un tel acte
puisse être établi à distance, sans la présence
physique simultanée des parties et du notaire chargé
d'instrumenter l'acte. En effet, selon M.Flour, la présence
réelle du notaire constitue « un élément substantiel.
Elle en est, à la lettre, indispensable. »37
M.Raynouard, confirme ce point de vue, selon lui, «
l'intervention du notaire n'est pas uniquement une garantie matérielle
du contenu de l'acte et du consentement manifesté par les parties ; le
notaire a un rôle fondamental de conseil, son intervention
entraînant un surplus de réflexion et assurant une prise de
conscience de l'acte conclu »38. Le décret du 10
août 2005 n'a pas porté réellement atteinte à cette
conception de l'authenticité.
En effet, selon l'article 16 du décret de 1971
modifié, il appartient au notaire d'instrumenter l'acte au moyen «
d'un système de traitement et de transmission de l'information »
agréé par le conseil supérieur du notariat, celui-ci doit
alors faire usage d'un procédé de signature électronique
conforme au décret du 30 mars 2001 pris en application de l'article
1316-4 du Code civil.
L'article 20 du décret donne au notaire instrumentaire
la possibilité d'instrumenter l'acte à distance,
néanmoins, les parties qui ne sont pas en sa présence doivent
livrer leur consentement ou leur déclaration par devant un autre notaire
qui participe à l'acte et y appose également sa signature.
Un telle disposition « sauve » la notion
d'authenticité dès lors que la présence d'un autre notaire
est indispensable à la constitution de l'acte authentique
électronique. Lorsque l'une des parties n'est pas présente devant
le notaire instrumentaire, la seule signature de ce dernier ne suffit pas
à conférer l'authenticité à l'acte.
Finalement, l'écrit électronique peut
revêtir la forme d'un acte authentique ou encore d'un
36 Voir notamment I. de Lamberterie (dir.), Les actes
authentiques électroniques. Réflexion juridique prospective,
Mission de recherche « droit et justice », La Documentation
française, 2002, passim ; M. Grimaldi et B. Reynis, «
L'acte authentique électronique », Défresnois,
2003, p. 1023.
37 J.Flour, « Sur une notion nouvelle de
l'authenticité », Rep Desfresnois 1972, n° 5, p.
981
38 A. Raynouard, « Sur une notion ancienne de
l'authenticité : l'apport de l'électronique »,
Rep.Desfresnois, 2003, n° 18, p 1117
23
acte sous seing privé. Quoiqu'il en soit il
obéit tout de même aux contraintes qui pèsent sur la preuve
littérale, qu'il s'agisse de celles relatives à la
pluralité d'originaux, l'existence d'une mention écrite par la
main même du signataire, ou encore la présence d'un notaire
lorsque l'acte est authentique.
Plus concrètement, cet écrit électronique
peut cette fois-ci revêtir la forme d'un email, d'un sms, d'un telex ou
encore même d'une page sur un écran d'ordinateur lorsque le
contrat est conclu directement en ligne sous réserve que les parties
aient respecté les conditions prescrites aux articles 1316-1 et 1316-4
du Code civil.
Aussi, l'ordonnance du 16 juin 200539 a
consacré une nouvelle modalité d'établissement et de
remise d'un écrit par voie électronique. En effet, cette
réforme a intronisé la figure de « la lettre
électronique » en tant qu'équivalent de la lettre sur
support papier.
Il s'agit pour les parties de pouvoir disposer des mêmes
garanties que lorsqu'elles échangent par la voie d'un courrier sur
support papier, ce qui était d'ailleurs l'objectif que l'article 26 de
la LCEN du 21 juin 2004 avait assigné au gouvernement à qui elle
avait confié la charge d'assurer « l'adaptation des dispositions
législatives subordonnant la conclusion, la validité ou les
effets de certains contrats à des formalités papier au contexte
électronique et ce par voie d'ordonnance ».
Si l'objectif était surtout d'introduire un
équivalent à la lettre sur support papier lorsqu'une telle
formalité était requise à peine de validité d'un
acte juridique, il n'en reste pas moins qu'une telle innovation emporte
certaines conséquences sur le terrain de la preuve du contrat
électronique.
Section 2 La lettre électronique,
équivalent de la lettre sur support
papier
Les articles 1369-7 et suivants du Code civil distinguent deux
types de lettres électroniques:la lettre électronique simple et
la lettre électronique recommandée.
Quoi qu'il en soit, l'expéditeur ne peut y recourir que
lorsque celle-ci a trait à la conclusion ou à l'exécution
du contrat. Justement, lorsqu'elle comporte une offre de contracter, il
39 Ordonnance n° 2005-674 du 16 juin 2005 relative à
l'accomplissement de certaines formalités contactuelles par la voie
électronique, JORF 18 Fév. 2005, texte n° 26
24
y a tout lieu de penser qu'elle ne pourra déboucher sur
la conclusion d'un contrat électronique que si le destinataire formule
son acceptation par l'intermédiaire d'un moyen de communication
électronique.
En outre, l'article 1369-8 du Code civil qui consacre la
lettre recommandée électronique permet à
l'expéditeur d'opter pour « la lettre recommandée tout
électronique » ou « la lettre recommandée hybride
»40. Autrement dit, l'expéditeur peut exiger du
tiers41 -il peut s'agir de la poste ou d'un autre
établissement concurrent- chargé de l'envoi, qu'il remette au
destinataire le contenu de la lettre électronique imprimé sur un
support papier ou qu'il adresse cette lettre par la voie
électronique.
Au demeurant, on peut raisonnablement se demander si le
recours à une «lettre recommandée hybride » ne fait pas
obstacle à la qualification du contrat électronique. Ni
l'article
L 121-16 du Code de la consommation ni l'article 1369-3 du
code civil qui définissent respectivement le contrat à distance
et le contrat électronique nous permettent d'y répondre.
En tout état de cause, si la lettre électronique
doit respecter certaines conditions à peine d'invalidité , elle
offre certaines garanties de preuve entre les parties (I) et peut d'ailleurs
être datée avec certitude grâce à un
procédé électronique relativement complexe (II).
§1 De la lettre électronique simple à la
lettre recommandée électronique
A la lecture de l'article 1369-7 du Code civil, il n'existe
pas de condition particulière à la validité de la lettre
électronique simple42. Au contraire, l'article 1369-8 du Code
civil exige du courrier électronique recommandé qu'il soit «
acheminé par un tiers selon un procédé permettant
d'identifier le tiers, de désigner l'expéditeur, de garantir
l'identité du destinataire et d'établir si la lettre a
été remise ou non au destinataire ».
A priori, une telle formulation laisse à penser que les
exigences propres à l'identification de l'expéditeur et du
destinataire ne se distinguent pas de celles relatives à la
recevabilité d'un écrit électronique.
Or il n'en est rien. En effet, le décret d'application
du 5 février 2011 ne consacre aucune
40 Expressions employées par E.A Caprioli, « les
lettres recommandées électroniques », cahiers de droit de
l'entreprise, mai 2011, n° 3, p. 68
41 Lorsqu'il est chargé d'acheminer une lettre
recommandée électronique, il doit y apposer un ensemble
d'informations l'identifiant, dont le contenu est fixé à
l'article 1 du décret du 2 Février 2001
42 Mis à part son champ d'application restreint
25
garantie particulière apte à assurer
l'identification des correspondants, ainsi, l'article 1er du décret
oblige seulement l'expéditeur à « indiquer » au tiers
chargé de l'acheminement du courrier : «- son nom et son
prénom ou sa raison sociale ainsi que son adresse de courrier
électronique et son adresse postale
- le nom et le prénom ou la raison sociale du
destinataire ainsi que son adresse postale de courrier électronique
».
Le système n'est donc pas sécurisé. Il ne
garantit en rien l'identité des correspondants et surtout, de
l'expéditeur. On peut saluer la souplesse de ce dispositif favorable
à l'expansion du commerce électronique. Néanmoins, on peut
s'interroger sur la capacité d'une lettre électronique
recommandée à constituer un écrit électronique au
sens des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil.
En effet, les exigences propres à l'identification de
l'expéditeur sont si souples qu'elles ne garantissent en rien l'origine
de la lettre et par conséquent, le respect de la condition
d'authentification de l'écrit électronique. On aurait pourtant pu
concevoir un système offrant de telles garanties et substituant à
l'exigence d'une signature électronique une simple vérification
d'identité43.
En l'absence d'un tel dispositif, on doit conseiller à
l'expéditeur de prendre toutes les mesures aptes à assurer son
identification, en faisant notamment usage d'une signature électronique
sécurisée au sens de l'article 1316-4 du Code civil.
En revanche, on pourrait aussi considérer que les
exigences propres à la lettre recommandée électronique se
substituent à celles propres à l'écrit
électronique. Ainsi, une lettre recommandée électronique
serait un écrit électronique au sens des articles 1316-1 et
1316-4 du Code civil.
Cette interprétation pourrait se concevoir. En effet,
l'esprit de la réforme était d'approfondir l'équivalence
de l'écrit sur support papier et de l'écrit électronique,
en consacrant un équivalent électronique à la lettre
papier lorsqu'elle est exigée pour la conclusion ou l'exécution
du contrat.
Néanmoins, une lettre recommandée papier n'est
pas nécessairement un écrit, par exemple, si la lettre ne
comporte pas de signature. On ne comprendrait pas pourquoi un traitement si
différent serait accordé à la lettre recommandée
lorsqu'elle est établie et envoyée par
43 Il est indispensable de garantir l'origine de l'écrit,
pour autant, une vérification de l'identité de
l'expéditeur d'un message par un tiers est apte à garantir
l'origine du message tout autant qu'une signature propre à l'auteur. Le
législateur aurait pu adapter la notion d'écrit
électronique au mécanisme de la lettre électronique.
26
voie électronique.
Ces interrogations renvoient à un débat sur le
notion d'écrit électronique car les exigences qui lui sont
propres sont lourdes et peu compatibles avec le besoin de rapidité des
échanges. Un auteur dénonce à cet égard un «
échec de l'écrit électronique »44 dans la
mesure où rares sont les écrits établis et
échangés par la voie électronique répondant
à cette qualification. Il milite pour un assouplissement de la notion.
Un telle simplification serait d'autant plus attendue pour la lettre
recommandée électronique que la jurisprudence récente
n'apparaît pas réellement favorable à la
recevabilité de l'e-mail à titre d'écrit
électronique 45.
En outre, il existe une condition indispensable et
préalable à l'utilisation de la « lettre recommandée
tout électronique ». En effet, l'article 1369-8 alinéa 2
oblige l'expéditeur à obtenir l'accord du destinataire lorsque ce
dernier n'est pas un professionnel.
On peut dès lors se demander si cet accord peut
être contenu dans une clause générale figurant dans un
contrat précédent. Une interprétation restrictive de la
loi conduirait à exiger de l'expéditeur qu'il obtienne l'accord
du destinataire avant chaque envoi d'une lettre
recommandée46, on attend également un
éclaircissement sur ce point.
Enfin, le décret du 20 avril 2011 a mis en oeuvre les
conditions relatives à l'apposition d'une date d'expédition et de
réception de la lettre électronique par un procédé
électronique, ce qui peut revêtir un enjeu important pour les
parties au contrat.
§2 l'horodatage de la lettre électronique
Les articles 1369-7 et 1369-8 du Code civil avaient fait
preuve d'innovation en consacrant un équivalent au « cachet de la
poste ». En effet, celui-ci se trouvait remplacé par un
procédé électronique permettant d'apposer la date
d'expédition et la date de réception sur la lettre
électronique.
Cependant, le législateur avait renvoyé au
pouvoir réglementaire le soin de préciser selon quelles
conditions sa fiabilité était présumée. C'est
maintenant chose faite. Le décret du 20 avril 2011 relatif à
l'horodatage des courriers expédiés ou reçus par voie
électronique pour la
44 L.Grynbaum, « Le droit de l'écrit
électronique : un frein au commerce en ligne (un e-mail n'est pas un
écrit électronique au sens du Code civil, selon la Cour de
Cassation) », Lamy Droit de l'immatériel, 2011, n°
67, p. 33
45 Voir infra Partie 2 Chapitre 1 Section 1
46 L. Grynbaum, « pour une bonne réception de la
lettre recommandée électronique », JCP E n°8,
24 Février 2011
27
conclusion ou l'exécution d'un contrat47 a
consacré la notion d'horodatage.
Il s'agit « d'une information permettant de
démontrer qu'une donnée -un document, un enregistrement d'audit
ou une signature électronique- existait à un instant donné
»48.
Selon l'article 2 du décret, « le
procédé d'horodatage électronique est
présumé fiable si le prestataire de services d'horodatage (PSHE)
mettant en oeuvre ce procédé et le module d'horodatage
utilisé satisfont aux exigences fixées » au chapitre 2. Il
peut alors être utile aux parties d'avoir recours à un PSHE
certifié et qualifié. Ces qualités cumulatives
présument que le PSHE respecte bien l'ensemble de ces exigences.
Si cette information peut s'avérer précieuse
entre les parties à un contrat électronique, on peut se demander
par ailleurs si elle peut l'être à l'égard d'un tiers.
En effet, l'article 1328 du Code civil précise les
conditions de l'opposabilité d'un acte juridique aux tiers en prenant
appui sur la notion de date certaine : ainsi, l'acte sous seing privé ne
leur est opposable que du jour où ils a été
enregistré, du jour du décès de l'un de ceux qui l'a
souscrit ou du jour où sa substance est constatée dans un acte
dressé par un officier public.
On peut se demander si l'horodatage par un
procédé électronique fiable répondant aux
conditions fixées par le décret permet d'établir une date
certaine au sens de l'article 1328 du Code civil49. A priori,
dès lors que le décret n'en dit rien, il ne paraît pas
possible d'interpréter de manière extensive l'article 1328 pour
l'élargir au procédé de l'horodatage car ce dernier semble
dresser une liste limitative des situations dans lesquelles on peut concevoir
une date certaine, il faut attendre un positionnement jurisprudentiel sur ce
point.
En conclusion, On ne peut pas nier que de lourds efforts ont
été réalisés par le législateur pour assurer
l'intégration de l'écrit électronique dans le
régime légal probatoire. Malgré tout, la pratique a
démontré l'échec de cette intégration face à
la lourdeur des conditions du principe de l'équivalence de
l'écrit papier et de l'écrit électronique. Ainsi, comme
l'a écrit un auteur, l'utilité de l'écrit
électronique à titre probatoire « semble inversement
proportionnelle à l'ampleur des questions juridiques que sa perspective
a suscité et suscite encore »50. A cet égard, on
dénote une
47 Décret n° 2011-434 du 20 avril 2011 relatif
à l'horodatage des courriers reçus ou expédiés par
voie électronique pour la conclusion ou l'exécution d'un contrat,
JO 21 Avr. 2011 n° 94
48 Définition de la norme NF Z 42-013 (archivage
électronique). Ceci dit, sa définition officielle, plus complexe,
est donnée par l'article 1 du décret sous le libellé
« procédé d'horodatage électronique ».
49 Thierry Piette Coudol, « Fiabilité de la date et
horodatage de l'article 1369-8 du Code civil », Revue Lamy Droit de
l'immatériel, n° 72, 2011
50 A.Penneau, « la forme et la preuve du contrat
électronique » in l'acquis communautaire, le contrat
électronique Judith Rochfel, 6.59 . p 328
28
grande fragilité de la preuve électronique à
plusieurs points vue.
Partie 2 : Les limites de la preuve écrite du
contrat
électronique
La preuve électronique doit être accueillie lorsque
deux conditions sont réunies.
En premier lieu, elle doit être recevable, c'est
à dire légalement admissible en tant que mode de preuve.
Ainsi, il importe à cet égard de prendre en
compte le taux du litige et de distinguer selon qu'il dépasse ou non la
somme de 1500 euros. A cet égard, la preuve est libre lorsque le litige
n'atteint pas cette somme. Auquel cas, l'écrit n'est pas soumis à
des conditions particulières de validité - même si la
jurisprudence remet parfois en cause cette solution51- et doit
uniquement emporter la conviction du juge.
Au contraire, la preuve écrite électronique est
soumise aux conditions de l'article 1316-1 et 1316-4 du Code civil lorsque le
taux du litige dépasse le seuil en question dès lors qu'un
écrit est exigé aux termes de l'article 1341 du Code civil.
En second lieu, l'écrit électronique doit
emporter la conviction du juge, c'est à dire, rendre vraisemblable
l'existence du fait allégué. Pour les parties à un contrat
électronique, cet écrit devra rendre vraisemblable l'existence du
contrat ainsi que son contenu.
Comme nous l'avons précédemment
évoqué, la pratique fait généralement peu de cas
des exigences relatives à la recevabilité de l'écrit
électronique. Ainsi il est rare que les parties aient fait usage d'un
procédé de signature suffisamment fiable pour garantir
l'authentification de leur écrit.
Les parties pourraient même renoncer à mettre en
oeuvre un quelconque procédé de signature devant toute la
complexité du système, afin d'ignorer ses contraintes et ses
coûts. En outre, même lorsque les contraintes ont été
respectées, on peut s'interroger sur la pleine efficacité
51 Voir par exemple C.Cass. Civ 1ère, 30 sept 2010, la
Cour exige de l'e-mail qu'il soit conforme aux conditions de l'article 1316-1
et 1316-4 alors que le litige aurait pu être réglé sous un
autre angle dès lors que la demande n'excédait pas 1500 euros.
29
de la présomption de fiabilité attachée
à la signature électronique lorsque celle-ci est conforme au
décret du 30 mars 2001.
Ces propos - qui seront démontrés - font
apparaître les limites tenant à l'imperfection intrinsèque
de la preuve électronique (Chapitre I).
Fort heureusement pour la sécurité du commerce
électronique, de nombreux remèdes peuvent être mis en
oeuvre pour consolider la preuve électronique et éviter aux
parties d'être déboutées pour ne pas être parvenues
à respecter les exigences des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil
(Chapitre II).
Chapitre 1 L'imperfection intrinsèque de la
preuve électronique
Lorsqu'il est reconnu par celui auquel on l'oppose, ou
légalement tenu pour reconnu, l'acte sous seing privé a, aux
termes de l'article 1322 du Code civil « entre ceux qui l'ont souscrit et
entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l'acte
authentique ». Cependant, les articles 1323 et suivants du Code civil et
287 du Code de procédure civile permettent au défendeur de
contester la preuve littérale qui lui est opposée. Ainsi, ce
dernier peut désavouer son écriture ou sa signature et
dénier avoir pris l'engagement allégué par le demandeur
(Section 2).
A ce titre, l'écrit électronique
n'échappe pas au régime général relatif à la
contestation d'une preuve littérale de sorte que le défendeur
peut user des moyens qui lui sont offerts pour soulever les vices entachant la
perfection de la preuve électronique qui lui est opposée (Section
1)
Section 1 les vices entachant la perfection de
l'écrit électronique
Le décret du 30 mars 2001 attribue une réelle
autorité à la signature électronique
sécurisée. Au contraire, le texte est très lacunaire sur
la signature électronique simple. Cette différence emporte pour
le demandeur l'obligation de prouver qu'il a mis en oeuvre une signature
30
suffisamment fiable lorsque que le procédé
utilisé ne correspond pas aux exigences du décret (I).
Malgré tout, si l'on s'interroge sur les limites de la
présomption de fiabilité attachée à la signature
sécurisée, on s'aperçoit qu'elle n'est pas sans failles
(II).
§1 L'imperfection de la signature électronique
simple
Le commerce électronique est pratiqué d'une
telle façon qu'il est rare que les parties à un contrat
électronique disposent d'un écrit électronique parfait au
sens des articles 1316-1 et 13164 du Code civil et ce quelle que soit la
manière dont le contrat est conclu.
Tout d'abord, ce constat est redoutable pour les contrats qui
sont conclus directement en ligne. En effet, les professionnels du commerce
électronique ne souhaitent pas avoir recours à des prestations de
tiers certificateur pour offrir à leurs co-contractants la
possibilité de créer un écrit électronique conforme
aux exigences légales de sécurité.
Ainsi, par exemple, les sites internet ne sont
généralement pas conçus pour accueillir une signature
électronique sécurisée. C'est pourquoi celle-ci est
absente des contrats de consommation et des contrats pear to pear.
Quant à la signature électronique simple, la
saisie des codes de carte bancaire n'est pas apte, à priori, à
remplir une fonction de signature dès lors qu'elle n'établit pas
avec certitude l'identité du contractant. Ce dernier peut avoir
utilisé des codes ne lui appartenant pas.
De telles critiques peuvent également être faites
à l'adresse des contrats conclus par échange de e-mails. En
effet, la première chambre civile a rendu un arrêt le 30 septembre
2010 aux termes duquel il appartient au juge de vérifier que l'e-mail
remplit bien les conditions mises par les articles 1316-1 et 1316-4 du Code
civil à la validité de l'écrit électronique ou de
la signature électronique lorsque l'expéditeur dénie en
être l'auteur.
Un tel arrêt rend pour le moins fragile la situation des
parties à un contrat électronique et constitue un « frein
pour le commerce en ligne » selon l'expression consacrée par un
auteur52 dès lors qu'il est peu probable que l'e-mail soit
apte à remplir de telles exigences.
En effet, outre les conditions de création et de
conservation du courriel, ce dernier n'est pas signé en principe par un
procédé sécurisé au sens de l'article 1316-4
alinéa 2 du Code civil.
52 L.Grynbaum, « Le droit de l'écrit
électronique : un frein au commerce en ligne (un e-mail n'est pas un
écrit électronique au sens du Code civil, selon la Cour de
Cassation) », Lamy Droit de l'immatériel, 2011, n°
67, p. 33
31
Cet arrêt aurait pourtant pu permettre à la Cour
de cassation d'admettre l'e-mail en tant qu'écrit électronique et
par hypothèse, annoncer un assouplissement des exigences en la
matière.
Ceci dit il ne s'agirait pas pour autant d'en conclure
l'inaptitude de l'e-mail à constituer une preuve électronique.
Tout d'abord, il peut paraître exagéré d'affirmer comme le
soutient une partie de la doctrine, que cet arrêt disqualifie
irrémédiablement l'e-mail du statut d'écrit
électronique au sens du Code civil.
D'une part, il n'est pas exclu que la jurisprudence accueille
l'e-mail sous la qualification d'écrit électronique simple si
l'on admet que le code d'entrée dans la messagerie électronique,
secret et personnel, remplit une fonction d'identification de l'auteur des
e-mails. Auquel cas, le raisonnement peut conduire à présumer que
le titulaire des codes est bien l'expéditeur du message.
D'autre part, l'arrêt rendu par la cour de cassation est
limité à un double point de vue. En effet, il astreint les juges
à vérifier que l'e-mail remplit les conditions de qualification
de l'écrit électronique seulement lorsque le défendeur nie
être l'auteur du message.
Enfin, il n'empêche pas l'e-mail de faire la preuve d'un
contrat électronique lorsque le taux du litige est inférieur
à 1500 euros, auquel cas, la preuve est libre de sorte qu'il n'est pas
nécessaire aux parties de fournir un moyen de preuve apte à
répondre aux conditions de qualification de l'écrit
électronique.
En outre, les parties ne sont pas épargnées par
des difficultés de preuve lorsqu'elles ont conclu leur contrat en
mettant en oeuvre un procédé de signature électronique
sécurisé. En effet, on peut également douter de la
capacité d'un tel procédé à être parfaitement
fiable.
§2 L'imperfection de la signature électronique
sécurisée
Outre les cas de fraude du prestataire du service de
certification, de la péremption du certificat accompagnant la signature
ou de sa révocation par le signataire, il faut réserver le cas
où les données de signature électronique ont
été subtilisées par un tiers53.
Auquel cas, le signataire de l'acte n'est pas en
réalité le véritable titulaire de la signature.
53 Voir pour un exemple identique en Droit belge, Dominique
Mougenot, Droit des obligations, la preuve , p. 226, Larcier 2000.
32
Cette particularité démontre la
différence fondamentale qui sépare la signature
électronique de la signature manuscrite.
En effet, lorsqu'elle est électronique, le prestataire
de service de certification n'atteste que le lien entre la signature et son
titulaire, la délivrance d'un certificat ne permet pas d'assurer que
cette signature a bien été utilisée par son titulaire, de
sorte qu'elle identifie le titulaire et non le véritable signataire.
Par exemple, lorsque les parties mettent en oeuvre un
procédé de signature cryptographique sécurisé,
l'émetteur du message peut avoir subtilisé une clé
privée qui ne lui appartient pas de sorte que ce message
apparaîtra avoir été émis et signé par le
titulaire de la clé alors qu'en réalité, il a
été émis par un tiers.
Au contraire, lorsque la signature est manuscrite, elle peut
avoir été reproduite frauduleusement par un tiers mais une
analyse graphologique permettra de démontrer qu'elle n'a pas
été apposée par la personne de son véritable
titulaire.
Par conséquent, on constate bien les limites de la
signature « désincarnée ». L'article 1316-4 du Code
civil et le décret de 2001 la présument fiable lorsqu'elle repose
notamment sur la délivrance d'un certificat qualifié, mais ce
système peut s'avérer dangereux pour le titulaire des
données.
Au demeurant, l'écrit électronique doit
être contesté au travers d'une procédure de
vérification d'écritures ouverte par le droit commun au
défendeur qui conteste avoir écrit ou signé le document
qui lui est opposé. Cette procédure s'applique tant lorsque les
parties ont mis en oeuvre un procédé de signature
électronique simple que lorsque la signature est
sécurisée.
Section 2 La procédure de contestation de la
preuve littérale électronique
L'article 1324 du Code civil oblige celui qui veut contester
une preuve littérale à désavouer son écriture ou sa
signature. Auquel cas, lorsqu'il s'agit de contester un écrit ou une
signature électronique, l'article 287 alinéa 2, introduit dans le
code de procédure civile par le
33
décret du 3 décembre 200254, oblige
le juge à vérifier « si les conditions mises par les
articles 1316-1 et 1316-2 du code civil à la validité de
l'écrit ou de la signature électroniques, sont satisfaites
».
Selon certains auteurs, la procédure de
vérification d'écriture, ouverte à l'égard des
actes sous signatures privées qui comprennent notamment l'écrit
électronique, n'est pas ouverte à un simple courriel car il ne
s'agit pas d'un acte sous seing privé comme les autres55.
L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 septembre 2010 a contredit
ce raisonnement en soumettant le courriel à la procédure de
vérification d'écritures56.
Cependant il ne suffit pas au défendeur de soulever
l'irrégularité de l'écrit électronique pour
l'écarter. Ainsi, il lui appartient de dénier son engagement.
C'est d'ailleurs la solution qu'a consacrée la cour de
cassation par l'arrêt du 30 septembre 2010, dans la mesure où elle
n'a obligé les juges à vérifier ces conditions que dans la
mesure où le défendeur avait nié être l'auteur de
l'e-mail. Il s'agit au demeurant d'une condition indispensable au
déclenchement de la procédure de vérification
d'écriture.
Le défendeur doit donc dénier être
l'auteur du message ou à tout le moins prétendre que le contenu
de l'e-mail ne correspond pas à celui qui était le sien
initialement. Il ne peut se suffire d'invoquer la simple irrecevabilité
de l'écrit ne répondant pas aux conditions de qualification de
l'écrit électronique.
Auquel cas, la procédure de contestation de la preuve
littérale conduit à distinguer selon que l'écrit
électronique est revêtu d'une signature électronique simple
ou sécurisée.
Ainsi, lorsque la preuve électronique prend la forme
d'un écrit électronique sécurisé, c'est au
défendeur qu'il appartiendra d'établir les éléments
aptes à convaincre le juge de la nécessité de renverser de
cette présomption aux termes de l'article 288-1 du Code de
procédure civile.
Pour ce faire, la démarche peut le conduire à
s'appuyer sur une expertise technique ou encore sur un faisceau d'indices
susceptibles de faire douter le juge en se référant à dire
d'experts, à la consultation de techniciens ou de revues
spécialisées ou enfin en obtenant des témoignages. A cet
égard la doctrine met en garde le législateur contre le risque
que représente l'invocation de l'aléa
technologique57.
54 Décret n°2002-1436 du 3 décembre 2002,
JORF, 12 déc. 2002, p. 20482
55 O.Cachard, « le désavoeu d'écritures : de
la lettre missive au simple courrier électronique », Lamy
n° 80, 2001.
56 Cass, Civ 1ère 30 septembre 2010, Bull. Civ. I, n°
178.
57 A.Penneau, « la forme et la preuve du contrat
électronique », in L'acquis communautaire, le contrat
électronique, Coll. Etudes juridiques, édition
économica 2010.
34
En effet, les juges étant souvent sensibles à
cet argument, nombreux sont ceux qui redoutent une véritable
défiance du juge vis à vis de l'écrit électronique
et par conséquent une lecture contra legem du principe de
l'équivalence probatoire de l'écrit électronique et de
l'écrit papier. Une telle résistance pourrait conduire le
législateur à renforcer la présomption de fiabilité
attachée à l'écrit électronique
sécurisé, pourquoi pas en lui substituant une présomption
à caractère irréfragable.
Lorsque les parties ont mis en oeuvre un procédé
de signature électronique sécurisé reposant sur une
technologie de cryptographie asymétrique, on peut se demander si
l'allégation par le défendeur de la perte ou du vol de sa
clé privée peut suffire à renverser la présomption
de fiabilité attachée à la signature électronique
sécurisée.
A priori, il semble conforme à l'esprit de la
présomption -sauf à mettre en échec l'autorité
attachée à la signature sécurisée- d'obliger le
titulaire de l'acte à établir les éléments aptes
à rendre vraisemblable l'existence du fait qu'il allègue.
Quoi qu'il en soit, lorsque le défendeur est parvenu
à convaincre le juge, on peut se demander s'il n'encourt pas pour autant
une condamnation en responsabilité civile. En effet, si l'on
reconnaît un devoir de confidentialité à la charge du
titulaire des clés, sa négligence pourrait être
considérée comme fautive de sorte qu'il pourrait être
condamné à réparer le préjudice résultant
pour le demandeur -débouté pour n'être pas parvenu à
fournir un écrit sans faille- de la perte du procès.
D'ailleurs, une forme de réparation en nature de ce
dommage pourrait avoir lieu en obligeant le détenteur de la clef
négligent à exécuter la convention qu'il n'a pas cependant
pas signé.58
En outre, une telle résistance des juges est d'autant
plus redoutée pour l'écrit électronique
simple.
En effet, si l'article 1316-4 du Code civil ne semble pas
l'écarter, ni même le décret de 2001 qui, mieux, le
consacre en reconnaissant la signature électronique simple, il n'existe
pas de régime propre à sa contestation. L'article 287 du Code de
procédure civile se contente à cet égard de rappeler les
exigences générales relatives à la recevabilité de
l'écrit électronique.
De ce constat, il pourrait être déduit qu'il
n'appartient pas au défendeur d'établir le
58 Cette théorie est notamment défendue par
lemagistrat belge D. Mougenot, « Droit des obligations, la preuve »,
Larcier 2002, p. 228. Dans le même sens, P. Lecocq et B.Vanbrabant. Cette
solution pourrait se concevoir en Droit français car le système
probatoire belge mis en place par la loi du 9 juillet 2001 sur la signature
électronique et les autorités de certification est similaire au
système français.
35
manque de fiabilité de la preuve électronique,
au contraire, c'est au demandeur qu'il appartient d'établir de
manière positive les éléments aptes à
démontrer que l'écrit est revêtu d'une signature
présentant des garanties de fiabilité.
Cette contrainte procédurale serait extrêmement
lourde pour celui qui entend se prévaloir d'une preuve
électronique voire impossible à réaliser. A cet
égard, un auteur démontre qu'il n'y aurait donc pas que les
preuves négatives qui seraient diaboliques59
Une autre voie pourrait alors être exploitée et
consisterait à introduire une présomption de fait favorable
à celui qui se prévaut de l'écrit électronique.
Deux types de présomption pourraient être
employées. La première consisterait à nier l'opposition
entre la signature électronique simple et la signature
sécurisée en instaurant une présomption de
fiabilité de l'écrit électronique, quelles que soient ses
garanties de fiabilité. Il appartiendrait alors au défendeur de
renverser la présomption.
L'autre, plus conforme à l'esprit de la loi du 13 mars
2000 attribuant une autorité supérieure à la signature
sécurisée, imposerait au demandeur de justifier d'indices de
fiabilité, à charge pour l'autre de les contredire60.
Pour l'instant, la jurisprudence ne n'a pas entériné ces
propositions.
Finalement, la démarche entreprise par le
législateur n'a pas rencontré le succès qui était
escompté. Les contraintes mises en place par la loi du 13 mars 2000 et
du décret du 30 mars 2001 sont si lourdes qu'elles ne semblent pas
prendre en compte les réalités pratiques du commerce
électronique et fragilisent par conséquent le contrat
électronique.
Malgré tout, l'apparente fébrilité de
l'écrit électronique est compensée par un ensemble de
remèdes auxquels les parties peuvent avoir recours pour solidifier la
preuve de leur contrat.
59 J. Devèze, « Perseverare diabolicum. A propos de
l'adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information par le
décret n° 2002-1436 du 3 décembre 2002 »,
Comm.Comm. Elect. Mars 2003, étude n° 8, p. 12
60 C'ette thèse est notament défendue par Anne
penneau, note préc.
36
Chapitre 2 Les remèdes à l'imperfection
intrinsèque de l'écrit électronique
Il est vrai, le système probatoire français
règlement et hiérarchise les modes de preuves. Ainsi les sujets
de droit ne sont parfois pas totalement libres de la manière dont ils
prouvent leurs droits et obligations.
Néanmoins, la loi tente ça et là
d'assouplir la tâche des parties en admettant plusieurs remèdes
à l'imperfection de l'écrit. Qu'il soit directs (section I) ou
indirects (section II), ces remèdes tendent à libéraliser
le régime probatoire français en permettant aux parties de se
prévaloir d'un écrit électronique non conforme aux
exigences des articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil.
Section 1 : Les remèdes directs à
l'imperfection de l'écrit électronique
Tout d'abord, les articles 1347 et suivants du code civil
organisent les exceptions aux règles découlant du système
de preuve légale. Ainsi, la loi reconnaît tantôt aux parties
la possibilité de fournir un commencement de preuve par écrit.
Tantôt, elle les autorise même à fournir le moyen de preuve
de leur choix sous réserve de démontrer l'impossibilité
d'établir une preuve par écrit (I).
En second lieu, le régime probatoire français n'est
pas d'ordre public. Ainsi, les parties peuvent souverainement se libérer
des contraintes inhérentes à l'obligation de prouver
littéralement par l'intermédiaire d'une convention de preuve
(II)
37
§1 La consolidation de l'écrit
électronique imparfait par l'existence d'autres moyens de preuve
La jurisprudence s'est efforcée d'adopter, depuis les
années 1970, une conception extensive des exceptions à
l'obligation de prouver littéralement consacrées au fur et
à mesure par le législateur. Ce phénomène est
d'ailleurs décrit par certains auteurs comme la preuve de ce que,
au-delà du formalisme probatoire véhiculé par la lettre du
Code civil, la conviction du juge est devenue toute puissante même en
matières d'actes juridiques61.
Aussi ces exceptions sont elles utiles pour les parties
à un contrat électronique dont le montant dépasse le seuil
de 1500 euros à compter duquel elles sont tenues de fournir une preuve
par écrit à l'appui de leur prétentions.
En premier lieu, l'article 1347 du Code civil permet aux
parties de consolider une preuve écrite imparfaite en établissant
un commencement de preuve par écrit. Il s'agit de « tout acte par
écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est
formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable
le fait allégué ».
Ce texte est tout à fait transposable au cas de
l'écrit électronique imparfait. En effet, il n'apparaît pas
absurde, par exemple, que des parties échangent plusieurs informations
par la voie postale traditionnelle après avoir conclu leur contrat par
voie électronique.
Ainsi, un simple courrier envoyé par le
défendeur et faisant mention du contrat serait à même de
constituer un commencement de preuve par écrit. Par conséquent,
il aurait pour effet de consolider l'écrit électronique imparfait
et éviterait au demandeur d'être débouté au seul
motif qu'il n'est pas parvenu à établir une preuve recevable du
contrat qu'il a allégué.
Qui plus est, il n'apparaît pas nécessaire que le
commencement de preuve par écrit soit établi sur support papier,
ainsi il pourrait tout aussi bien s'agir d'un courriel faisant état
d'une réclamation en rapport au contrat conclu.
En second lieu, l'article 1348 alinéa 2 du code civil
autorise le demandeur à fournir une copie de l'acte original lorsque
celui-ci ou le dépositaire n'a pas « conservé le titre
original et présente une copie qui en est la reproduction non seulement
fidèle mais aussi durable ». Cette
61 X. Lagarde, « Vérité et
légitimité », et Philippe Théry, « Les
finalités du droit de la preuve en Droit privé », in
Droits, 1996, n° 23, p. 31 et s. et p. 41 et s. ; E. Jeuland,
« Nouvelles technologies et procès civil- Rapport
général pour les pays de Droit civil », 17 septembre 2007,
in XIIIe congrès mondial de droit processuel, Bahia,
Brésil.
38
disposition est essentielle en matière d'acte
électronique dans la mesure où elle peut notamment être
d'un grand secours lorsque les données informatiques ont
étés perdues à la suite d'opérations de transfert
ou encore par suite de l'altération du matériel informatique sur
lequel était stocké l'acte.
Pour autant, ce texte n'apparaît pas d'une grande
utilité pour les parties à un contrat électronique dont la
preuve est imparfaite. D'une part, on peut douter de la capacité de la
copie à constituer une reproduction fidèle et durable de
l'original tant le risque est grand que le contenu ait subi une
altération lors des opérations de manipulation.
D'autre part, le texte a pour objet de remédier aux
inconvénients liés à la perte de l'original en autorisant
un demandeur à fournir une simple copie. Il ne s'agit pas de lui
permettre de passer outre les exigences des articles 1316-1 et 1316-4 du Code
civil dès lors qu'il détient une copie de l'original imparfait.
On ne voit donc pas en réalité pourquoi on pourrait admettre
qu'une copie soit recevable alors même qu'elle est la reproduction
fidèle et durable d'un écrit électronique
irrégulier au sens des articles 1316-1 et 1316-462.
Enfin, la question se pose de déterminer quel service
l'article 1348 alinéa 1er pourrait offrir au demandeur lorsqu'il ne
dispose que d'un écrit électronique imparfait. En effet, la
disposition autorise le demandeur à fournir une preuve par tous moyens
alors même qu'il est en principe tenu de fournir une preuve par
écrit lorsqu'il n'a « pas eu la possibilité
matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de
l'acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve
littérale, par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure ».
En théorie, cette disposition est intéressante
à deux égards. Dans un premier temps, l'idée
d'impossibilité matérielle d'établir une preuve
littérale par voie électronique ne paraît pas absurde. Le
demandeur peut à ce propos se prévaloir du haut degré
d'exigence de la législation en vigueur pour démontrer
l'impossibilité technique, en l'état actuel des sciences, de
pouvoir établir un écrit électronique conforme aux
exigences légales63.
Cette théorie demeure toutefois un peu
spéculative dans la mesure où sa réception par le juge
tendrait à faire échec aux exigences des articles 1316-1 et
1316-4 du Code civil. En effet, l'impossibilité matérielle prise
en compte par l'article 1348 du Code civil est ponctuelle et ne peut pas tenir
à une impossibilité générale de se conformer aux
exigences de la preuve par écrit.
62 Voir en comparaison l'arrêt du rendu par la Cour de
Cassation le 4 décembre 2008 par lequel elle soumet la copie
électronique d'un document papier aux exigences de l'article 1316-1 du
Code civil. Cass.Civ 2ème, 4 déc 2008, Bull. Civ. II, n°
259, Comm. Comm. Elect. Fev 2009. n° 19. E.A Caprioli
63 A.penneau, « la forme et la preuve du contrat
électronique », in L'acquis communautaire, le contrat
électronique, J. Rochfeld, Coll Etudes juridiques, édition
2010.
39
Cependant, on peut plus légitimement admettre que le
demandeur puisse plaider la défaillance technologique lorsque par
exemple, il a été impossible aux parties de mettre en oeuvre un
procédé de signature électronique sécurisé
à la suite d'un problème informatique.
En second lieu, l'impossibilité d'établir une
preuve littérale peut se présenter sous la forme d'un
empêchement de nature morale. Cette exception pourrait notamment
être admise sur le fondement d'une jurisprudence de la Cour de cassation
ayant considéré que l'impossibilité d'établir un
écrit pouvait résulter d'un usage de ne pas signer un
acte64.
D'ailleurs, cette opinion est confortée par une partie
de la doctrine considérant que « cette jurisprudence pourrait
être utilisée en vue d'une libération prétorienne de
la signature électronique du carcan probatoire dans lequel la loi du 13
mars 2000 l'a enfermée »65.
Il s'agirait de démontrer que les acteurs du commerce
électronique ont toujours fait abstraction des exigences propres
à la preuve littérale de sorte que s'est forgé au fur et
à mesure du temps un usage né de cette pratique de ne pas signer
les actes. Cet usage serait si ancré qu'il expliquerait une
impossibilité morale pour les parties de mettre en oeuvre un
procédé de signature électronique fiable, et par
hypothèse, justifierait une exception pour les parties à
l'obligation de signer. Cependant cette démarche est très
incertaine.
Tout d'abord, elle ne serait pas en parfaite adéquation
avec la théorie des sources du droit selon laquelle un usage a
normalement pour fonction de suppléer la loi car c'est la solution
inverse qui serait consacrée, la loi devenant supplétive à
l'usage créé par la pratique.66
Cela dit, la seule constatation qu'il s'agirait d'un usage
contra legem ne suffirait pas à pouvoir l'écarter
dès lors que d'une part, nombreux sont les cas dans lesquels notre Droit
accorde une portée à un usage contraire à la
loi67 et que d'autre part, le régime légal probatoire
est seulement supplétif de volontés68.
En second lieu, la primauté d'un usage sur la loi est
en principe très ponctuelle. En effet,
64 Cass. Civ 1ère, 18 juin 1963, Bull. Civ. I, n° 324
; Cass. Civ 1ère, 15 avr. 1980, Bull civ. I, n° 113, p. 93.
65 A.Penneau, « Forme et preuve du contrat
électronique », in l'acquis communautaire ,le contrat
électronique, Judith rochfeld. coll études juridiques,
économica 2010 ; Avis partagé explicitement par P-Y Gauthier et
X. Linant de Bellefonds, « De l'écrit électronique et des
signatures qui s'y rattachent », JCP G 2000, I, 236.
Implicitement par , L. Grynbaum, obs. Sous
Cass. Com., 4 Oct. 2005, Comm. Comm.
Electr. mars 2006, p. 35
66 Escarra, « De la valeur de l'usage commercial », in
Annales de droit commercial, 1910, p. ; M. Pedamon, « Y'a-t-il
lieu de distinguer les usages et les coutumes en droit commercial, RTD
com. 1959, p. 335 ; J. Bourcourechlief, « Usages commerciaux, usages
professionnel, élaboration et formulation », in Dix ans de
droit de l'entreprise, Libraires techniques, 1978.
67 Par exemple le mécanise de la solidarité passive
entre des débiteurs dans actes de commerce.
68 C.Cass, Civ 1ère 8 Novembre 1989, Bull. Civ.
I, n° 342, JCP G 1990, II, 21576, note G Virassamy, D. 1990, p. 369, note
ch. Gavalda, D. 1990, somm., p. 327, obs. J. Huet
40
elle ne concerne en général que certains milieux
professionnels69. Or, il s'agirait dans cette hypothèse
d'étendre cette primauté à tout le domaine des contrats
électroniques, l'usage étant né de la pratique de
l'ensemble des acteurs du commerce électronique.
Également, l'origine conventionnelle de l'usage de ne
pas signer est très discutable en matière de commerce
électronique de sorte qu'il est difficile de pouvoir parler d'usage au
sens strict du terme.
Les usages contra legem sont
généralement reconnus parce qu'il trouvent leur source dans un
consensus au sein des acteurs de la profession. Or, l'existence d'un tel
consensus est très douteuse entre les acteurs du commerce
électronique dans la mesure où les relations nouées ne
sont pas exclusivement professionnelles. L'usage de ne pas signer est
plutôt commandé par la seule initiative des
cybercommerçants.
Enfin, la consécration d'un tel usage ferait sortir le
juge de sa fonction juridictionnelle traditionnelle, laquelle contraint le juge
à appliquer la loi, à en compléter les lacunes mais lui
interdit en tout état de cause de s'arroger le droit de la
contredire.
En revanche tel n'est pas le cas des parties qui peuvent
souverainement écarter la loi en choisissant expressément les
moyens de prouver leurs droits et obligations par l'intermédiaire d'un
convention de preuve.
§2 La reconnaissance de l'écrit
électronique par la volonté des parties
La rigidité du système légal probatoire
peu adaptée à la prise en compte des nouveaux supports de
conclusion et d'exécution des contrats a fait réagir la pratique.
En effet, il n'est pas rare de voir les parties tromper l'incertitude en
s'accordant sur les moyens de prouver leurs droits et obligations.
C'est ainsi que, conscientes des failles qui fragilisent leurs
moyens de preuve, elles stipulent une clause réputant efficace tel ou
tel procédé de preuve.
Cette pratique avait été entérinée
par la jurisprudence sous l'empire du régime antérieur à
la loi du 13 Mars 2000. Si la Cour de Cassation avait très tôt
admis la pratique des conventions
69 Cass. Civ 1ère, 15 avr. 1980, Bull civ. I, n° 113,
p. 93. Dans cet arrêt, l'usage concerne le milieu des éleveurs de
chevaux.
41
de preuves70, elle n'avait pas pour autant admis de
manière générale leur validité de principe ni
déclaré expressément -c'est pourtant un pré-requis-
le caractère supplétif du régime légal probatoire.
Il fallu attendre que se présente au juge du Droit la
célèbre affaire Crédicas71.
Ainsi, la Cour de Cassation avait du se prononcer sur deux
jugements rendus dans les mêmes termes et par le même tribunal. Les
faits y étaient identiques : Un établissement de crédit
demandait le paiement d'une créance de remboursement qu'elle
détenait contre l'un de ses clients qui avait contracté un achat
à l'aide de sa carte de crédit. L'établissement
fournissait notamment à l'appui de sa demande plusieurs écritures
électroniques établissant l'existence de ce paiement, et par
hypothèse, celle de sa créance de remboursement envers le
client.
Le tribunal ayant rejeté le moyen de preuve en
énonçant que « la simple production de documents
dactylographié et [...] d'une machine dont elle a la libre et
entière disposition, est inopérante à constituer la preuve
de l'engagement de rembourser... », la Cour de Cassation a cassé
ces décisions au visa des articles 1341 et 1134 du Code Civil en
considérant « qu'en statuant ainsi, alors que
l'établissement de crédit invoquait l'existence, dans le contrat,
d'une clause déterminant le procédé de preuve de l'ordre
de paiement et que, pour les droits dont les parties ont la libre disposition,
ces conventions relatives à la preuve sont licites, le Tribunal a
violé les textes susvisés ; »
Le juge du Droit donnait ainsi raison à la doctrine
moderne qui considérait -à la différence de la doctrine
classique incarnée par Ihering- que lorsque les intérêts
que poursuivaient les parties étaient purement privés -ce qui
rejoint la notion de disponibilité des droits-, on devait leur
reconnaître une liberté totale dans la preuve de leurs droits,
l'article 1341 étant parfaitement optionnel72.
Qui plus est, la jurisprudence venait d'admettre que les
conventions de preuve emportaient deux grandes conséquences. En premier
lieu, ces conventions restreignaient la liberté des parties en admettant
limitativement le ou les moyens de prouver leurs droits et obligations. Ainsi,
elles ne pouvaient produire à l'appui de leurs demande un autre
procédé de preuve et s'interdisaient par la même occasion
à contester ce moyen de preuve.
En second lieu, ces conventions privaient le juge du pouvoir
de dénier au procédé de preuve choisi la valeur probante
que les parties avaient voulu lui conférer.
70 Voir par éxemple Cass.Civ, 23 novembre 1891 ; Cass.Civ,
20 Mars 1896
71 Voir note précitée 46
72 Planiol et Ripert, Traité pratique de droit
civil, t.VII, par Gabolde, n° 1422 et 1428 et s. ; J.Guestin,
Traité de droit civil, t. 1, 2e éd., 1983, par J.Gesthin
et G.Goubeaux, n° 584, p. 491.
42
L'effet de ces conventions devenait pour le moins radical et
garantissait aux parties l'efficacité de leurs moyens de preuve.
La jurisprudence n'ayant pas limité -outre la condition
de disponibilité des droits- le champ d'application de la règle
qu'elle venait de poser, il y a tout lieu de penser qu'elle s'applique
au-delà du paiement électronique, à la preuve du contrat
électronique. Ainsi, il est loisible aux parties de décider que
les e-mails échangés pourront être invoqués sans
pouvoir être contestés.
Néanmoins, si la convention est établie
électroniquement et par hypothèse, contenue dans
l'instrumentum constatant le contrat électronique- les
conditions générales de ventes mises en ligne par exemple-, il y
a tout lieu de penser qu'elle sera inutile.
En effet, la convention de preuve ne peut être
affranchie de l'article 1341 du Code civil et devra donc être
prouvée dans les conditions légales applicables au contrat auquel
elle se rapporte.
Si son objet est d'admettre un instrumentum
électronique ne répondant pas aux conditions des articles
1341, 1316-1 et 1316-4 du Code civil, elle doit être contenue dans un
autre instrumentum satisfaisant aux conditions légales,
à défaut, la preuve de la convention est irrecevable et ne peut
dès lors produire effet.
Ainsi, lorsque la demande dépasse 1500 euros et qu'elle
est faite à l'encontre d'un particulier, la convention de preuve ne sera
efficace que si elle est établie sur un support papier comportant une
signature manuscrite. En dehors de ces cas, la preuve étant libre, elle
peut être établie électroniquement.
Au surplus, depuis que la loi du 13 mars 2000 a introduit
l'écrit électronique dans le régime légal
probatoire en consacrant d'une part le principe d'équivalence de
l'écrit électronique et de l'écrit papier et en
déterminant d'autre part les conditions de cette équivalence, on
peut s'interroger sur la pérennité de la jurisprudence
Crédicas.
En effet, le législateur n'a réglementé
que les conventions de preuve -sans reconnaître leur validité de
principe- ayant pour objet de régler un conflit de preuves et on peut se
demander si le silence sur les autres conventions doit s'interpréter
comme un rejet de la jurisprudence Crédicas.
A priori, on peut penser le contraire. Plusieurs fondements
peuvent démontrer la pérennité de cette solution.
Tout d'abord, il appartient à la jurisprudence de
combler les lacunes de la loi, c'est à cette
43
dernière qu'il appartient de révoquer les
jurisprudences dont elle ne se satisfait pas.73 On ne peut
raisonnablement déduire de telles révocations du silence du
législateur et en l'espèce le rejet de la jurisprudence
Crédicas en raison du silence de la loi du 13 mars 2000.
En second lieu, de telles conventions de preuve peuvent
être admises sur le fondement du principe de la liberté
contractuelle. Dès lors que le législateur a reconnu aux parties
le pouvoir de régler leurs conflits de preuve en vertu de l'article
1316-2 du Code civil, ne leur a t-il pas plus largement reconnu le pouvoir
d'élaborer leur propre régime probatoire en dérogeant au
régime légal ?
Cependant, il importe de prendre en compte les dispositions
protectrices du consommateur dont l'objet est d'éviter le
détournement des conventions de preuve. Ainsi, l'article
R 132 12° du Code de la consommation74
présume comme abusives et de manière irréfragable les
clauses qui pour objet ou effet d'imposer au non-professionnel ou au
consommateur la charge de la preuve, qui, en vertu du droit applicable, devrait
incomber normalement au professionnel.
Or, dans bien des cas, les cyber-commerçants
insèrent dans leurs conditions générales des stipulations
de preuve qui prévoient que seules seront opposables entre les parties
les données unilatéralement conservées par le
professionnel.
Ces clauses reportent indiscutablement sur les épaules
du consommateur la charge d'une preuve que le Droit commun ne lui imposerait
pas : elles l'obligent à démontrer la fausseté de la
preuve rapportée par le professionnel et doivent dont être
réputées non écrites.
Enfin, la loi tend dans d'autres cas à accueillir
indirectement un écrit électronique imparfait. En effet, d'une
part, rien ne contraint les parties à soulever les vices entachant la
régularité de la preuve de leur contrat. D'autre part, le Code
civil et le Code de commerce ont consacré dans certaines conditions le
principe de liberté de la preuve, de sorte que les parties ne sont pas
tenues de fournir un acte électronique répondant aux conditions
de l'article 1316-1 et 1316-4 du Code civil.
73 Jean-Etienne-Marie Portalis, discours préliminaire
sur le projet de code civil présenté le 1er pluviose de l'an
IX
74 Décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, JORF
20 mars 2009, p. 5030
44
Section 2 : Les remèdes indirects à
l'imperfection de l'écrit électronique
Le code civil oblige en son article 1323 la personne à
qui on oppose un acte sous seing privé à avouer ou
désavouer son écriture ou sa signature.
Par conséquent, rien n'empêche le
défendeur de ne pas contester son écriture ou sa signature.
Auquel cas, le juge n'est pas tenu de soulever d'office
l'irrégularité de l'écrit électronique. Il n'est
obligé d'ordonner une vérification d'écritures que lorsque
le défendeur a dénié son engagement75.
Qui plus est, fort heureusement pour le commerce
électronique, l'ultra-majorité des transactions conclues sont de
faible montant de sorte que les parties seront libres de la manière dont
elles veulent prouver leurs droits76.
D'ailleurs, lorsque le litige dépasse le seuil à
compter duquel la preuve doit être faite par écrit, cette
contrainte ne pèse sur le demandeur que lorsque sa demande en justice
est exercée à l'encontre d'une personne qui n'est pas
commerçante.
Dans le cas contraire, l'article L 110-3 du Code de commerce
autorise le demandeur à se prévaloir du mode de preuve de son
choix. Auquel cas, le demandeur peut se prévaloir d'un mail non
signé ou, en tout cas, d'un écrit électronique ne mettant
pas en oeuvre un procédé de signature électronique fiable.
Sa seule obligation est de fournir au juge une preuve qui soit à
même d'emporter sa conviction, c'est à dire qu'elle doit rendre
vraisemblable l'existence du contrat allégué.
75 Ceci dit, la jurisprudence n'oblige pas toujours le juge
à procéder à cette vérification d'écritures.
Voir notamment un arrêt resté isolé (non publié)
mais que certains interprètent comme démontrant que la
procédure n'est pas obligatoire : C.Cass. Civ 1ère, 27 juin 2006,
pourvoi n° 05-15-576, E-A. Caproli, « vérification
d'écritures en matière d'écrit électronique,
Comm. Comm. Elect. Octobre 2006, n°10 , p 149.
76 La preuve est libre pour les litiges dont le montant n'atteint
pas 1500 euros selon l'article 1341 du Code civil et l'article 1 du
décret n°80-533 du 15 juillet 1980
45
CONCLUSION
En conclusion, nous avons pu démontrer que la
réforme du droit de la preuve adoptée par le législateur
français était nécessaire à l'efficacité du
commerce électronique.
En effet, le régime probatoire français
caractérisé par la réglementation et la
hiérarchisation des modes de preuves, exige des parties qu'elles
prouvent leurs droits au moyen d'un écrit lorsque leur demande,
exercée à l'encontre d'un non commerçant, excède le
montant de 1500 euros.
Tel qu'il avait été conçu par le
législateur et la jurisprudence, l'écrit s'entendait d'une preuve
manuscrite de sorte qu'il était indispensable à
l'efficacité du contrat électronique d'admettre
l'équivalence entre l'écrit papier et l'écrit
dématérialisé.
Malgré tout, le système mis en place par la loi
du 13 mars 2000 et le décret du 30 mars 2001 apparaît
éminemment complexe. Une analyse approfondie de ces textes nous a permis
de comprendre que rares sont les contrats électroniques qui sont conclus
dans des conditions aptes à procurer aux parties un véritable
écrit électronique au sens des articles 1316-1 et 1316-4 du Code
civil.
Ce constat est d'ailleurs partagé par la commission
européenne qui dénonce dans un rapport77 sur les
effets de la directive du 13 décembre 199978 établi en
2006, l'échec de la signature électronique. A cet égard,
la commission évoque plusieurs raisons en mettant notamment en
évidence la complexité du système à clé
publique et du recours au tiers de confiance, ainsi que la lourdeur du
coût à supporter pour se doter d'un procédé de
signature électronique sécurisé.
Un auteur évoque à cet égard un
véritable « échec de l'écrit électronique
»79. Selon lui, il est aujourd'hui nécessaire d'assurer
un assouplissement des contraintes qui pèsent sur l'écrit
électronique notamment pour la pérennité du commerce
électronique.
Cette libéralisation est d'autant plus attendue que la
jurisprudence récente relative à l'e-
77 Rapport du 15 mars 2006 de la commission au Parlement
européen et au Conseil sur la mise en oeuvre de la directive 1999/93/CE
sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, COM (2006)
120 final, « Communication de la Commission au Conseil, au Parlement
européen, Comité économique et social européen et
au Comité des régions », non publié au JOUE.
78 Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du
Conseil du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les
signatures électroniques, JOCE n° L 13, 19 janv. 2000, p. 12
79 L.Grynbaum, « Le droit de l'écrit
électronique : un frein au commerce en ligne (un e-mail n'est pas un
écrit électronique au sens du Code civil, selon la Cour de
Cassation) », Lamy Droit de l'immatériel, 2011, n°
67, p. 33
mail ne semble pas y être favorable80. Il ne
fait aucun doute que cette question constitue un véritable enjeu pour la
promotion de l'économie numérique.
Le défi est de taille, l'objectif est d'assurer la
libéralisation des contraintes propres à l'écrit
électronique tout en garantissant la sécurité du commerce
électronique.
46
80 Cass. Civ 1ère, 30 septembre 2010, Bull. Civ.
I, n° 178, note précitée.
47
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-C.Cass, Civ 1ère, 2 juil. 1952, D. 1952,
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-Cass. Civ 1ère, 15 avr. 1980, Bull civ. I, n°
113, p. 93 ;
54
- C.Cass, Civ 1ère 8 Novembre 1989, Bull.
Civ. I, n° 342, JCP G 1990, II, 21576, note G Virassamy, D. 1990, p.
369, note ch. Gavalda, D. 1990, somm., p. 327, obs. J. Huet ;
-Cass. Com, 2 Dec 1997,
D. 1998, p. 192, note D. R Martin ;
-Cass, 2ème Civ, 30 avr. 2003, Bull. Civ, II,
n° 18 ;
-C.Cass. Civ 1ère, 27 juin 2006, pourvoi n°
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matière d'écrit électronique, Comm. Comm. Elect.
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-Cass. Civ 1ère, 13 mars 2008, Bull. Civ., I,
n° 73, JCP G 2008, II, 10081, obs. E. Putman,
Défresnois 2008, art 1346, obs. R. Libschaber
-Cass.Civ 2ème, 4 déc 2008, Bull. Civ. II,
n° 259, Comm. Comm. Elect. Fev 2009. n° 19. E.A Caprioli
-Cass, Civ 1ère 30 septembre 2010, Bull. Civ. I,
n° 178. note L.Grynbaum, « Le droit de l'écrit
électronique : un frein au commerce en ligne (un e-mail n'est pas un
écrit électronique au sens du Code civil, selon la Cour de
Cassation) », Lamy Droit de l'immatériel, 2011, n°
67, p. 33.
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