§ 2 Les sanctions pénales et administratives
d'un manque d'informations par le professionnel
Il existait auparavant des sanctions pénales
générales à l'obligation d'information du vendeur en
matière de prix consacrée par l'article L 113-3 du Code de la
consommation.
En effet, le décret du 29 décembre
198652 considérait que la violation d'une telle obligation
constituait dans certains cas une contravention de cinquième classe mais
a été abrogé par un décret du 30 avril
200253, de sorte que tout risque de contravention semble
écarté pour le vendeur sur ce fondement54. Les
sanctions prévues par le Code de
52 Décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986
modifié fixant les conditions d'application de l'ordonnance n°
86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des
prix et de la concurrence (J.O. 30 décembre).
53 Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les
conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la
liberté des prix et de la concurrence, JORF n°103 du 3 mai
2002, p. 8055.
54 L'article R 121-1 du Code de la Consommation prévoit
cependant qu'est puni d'une peine d'amende prévue pour les
contraventions de cinquième classe, le fait de méconnaître
les termes des article L 121-18 et L 121-19 du Code de la Consommation. En ce
qui concerne le premier de ces articles, il n'est pas certain que la
contravention soit constituée lorsque le vendeur viole les articles L
111-1 et L 113-3 du Code de la consommation. En effet, on ne sait pas si la
contravention est seulement constituée lorsque le vendeur omet de
délivrer l'une des mentions énumérées par la
disposition, ou
40
la consommation en ce qui concerne les pratiques commerciales
déloyales présentent un risque cependant. En effet, l'article L
120-1 du Code de la consommation considère comme telle une pratique
« contraire aux exigences de la diligence professionnelle »
lorsqu'elle « altère, ou est susceptible d'altérer
de manière substantielle, le comportement économique du
consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et
avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service
»55.
Le point II de cet article répute notamment comme
telles les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L
121-1 et L 121-1-1 du Code de la consommation, de sorte que nous nous en
tiendrons uniquement à l'analyse de ces dispositions qui font l'objet
d'une sanction pénale précise.
Ainsi l'article L 121-1 I du Code de la consommation
réprime les pratiques commerciales trompeuses par action à la
différence du II qui traite des pratiques commerciales par omission.
Dans la mesure où le gestionnaire du site web ne
formule pas d'allégations fausses ou de nature à induire en
erreur, il nous semble que la responsabilité pénale de ce dernier
ne pourrait être recherchée qu'au titre des pratiques commerciales
par omission. En effet, c'est bien la rétention d'informations
substantielles qui semble être problématique en
l'espèce.
Bien que l'article L 121-1-1 du Code de la consommation vienne
en aide au juge en lui fournissant une liste limitative de pratiques
commerciales réputées trompeuses en toute
lorsqu'il viole également les articles L 111-1 et L
113-3 du Code de la consommation auxquels l'article L 121-18 renvoie. En
revanche, concernant le second de ces textes, il ne fait aucun doute que le
vendeur s'y conforme dès lors qu'il envoie à l'acheteur une
facture détaillant l'ensemble du contenu de la malle et le prix de
chacun des vêtements et accessoires, afin que l'acheteur puisse la
consulter au moment de la livraison, de sorte qu'il ne fait aucun doute que
l'information incriminée est délivrée sur un support
durable.
55 L'autonomie de ce texte par rapport aux pratiques
commerciales déloyales et aux pratiques commerciales agressives a
été reconnue par la jurisprudence en matière civile, voir
notamment C. Cass. Civ 1ère 12 juillet 2012, Hewlett Packard
France/ UFC Que choisir, 11-18.807 Cependant il nous semble que des sanctions
pénales ne puissent pas être envisagées en application de
ce texte. En effet, le principe d'interprétation stricte de la loi
pénale ne nous permet pas d'étendre les sanctions pénales
propres à ces deux infractions aux pratiques commerciales
déloyales, de sorte que selon le principe constitutionnel «
Nullum crimen, nulla poena sine lege », considérer que la
pratique commerciale déloyale visée au premier alinéa de
l'article L 120-1 du Code de la consommation serait une infraction serait
inconstitutionnel.
41
circonstance56, il nous semble qu'aucune des
pratiques énumérées dans cette liste ne correspond
à la situation en présence.
L'article L 121-1 II du Code de la consommation répute
comme pratique commerciale trompeuse celle qui « compte tenu des
limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances
qui l'entourent, [...] omet, dissimule ou fournit de façon
inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information
substantielle ou [...] n'indique pas sa véritable intention commerciale
dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du
contexte.
Dans toute communication commerciale constituant une
invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le
prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont
considérées comme substantielles les informations suivantes
:
1° Les caractéristiques principales du bien ou
du service ;
2° L'adresse et l'identité du professionnel
;
3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de
livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne
peuvent être établis à l'avance... »
Cet article tend donc à réprimer le
professionnel qui omet de délivrer certaines informations susceptibles
d'être qualifiées comme substantielles aux yeux des
consommateurs.
L'alinéa 2 vient en aide au juge afin de
déterminer dans quels cas les informations sont substantielles, et fait
logiquement référence aux caractéristiques principales du
bien ou du service et au prix toutes taxes comprises.
Il nous semble que cet alinéa est applicable à
la situation présente dans la mesure où l'offre de vente qui est
faite à l'acheteur sur le site internet constitue bien une invitation
à l'achat au sens de la directive du 11 mai 200557 relative
aux pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs.
En effet, est considérée comme telle au sens de
56 Cet article institue une présomption
irréfragable en considérant que certains comportement
limitativement énumérés doivent être
qualifiés comme tels sans qu'il soit besoin faire la preuve d'un
élément moral.
57 Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques
commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des
consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les
directives 84/450/CEE, 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE et le règlement
(CE) n° 2006/2004 (directive sur les pratiques commerciales
déloyales).
42
l'article 2 de ladite directive « une communication
commerciale indiquant les caractéristiques du produit et son prix de
façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette
communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat
».
Il n'est cependant pas certain que l'élément
matériel de cette infraction soit établi dans la mesure où
l'article prévoit que le caractère trompeur doit être
établi en prenant en compte les circonstances qui entourent la
pratique.
A cet égard, on peut penser que la disposition entend
prendre en compte la spécificité des situations. Ainsi, en notre
espèce, un bon moyen de défense pourrait consister à
démontrer que l'effet de surprise proposé par le vendeur et
accepté par l'acheteur était une circonstance de nature à
neutraliser la pratique commerciale trompeuse.
Il faut cependant analyser les autres éléments
de l'infraction au cas où un juge considérerait que
l'élément matériel est établi. Ainsi, un
délit est toujours composé d'un élément
intentionnel comme le rappelle l'article L 121-3 du Code pénal qui
dispose « il n y a pas de délit sans intention de le commettre
».
Cependant, depuis 2009, la jurisprudence de la Cour de
cassation est instable sur la qualification de cet élément
intentionnel. En effet, après avoir fait montre d'une conception
très large de cet élément en matière de pratique
commerciale trompeuse par un arrêt du 15 décembre
200958 aux termes duquel, sans contester le caractère
intentionnel de cette infraction, elle considérait cependant qu'elle
était commise dès lors que la loi avait été
violée, la Cour de cassation a consacré une interprétation
plus stricte de cet élément par un arrêt du 23 mars
201059. En effet, elle considère par cette décision
que la négligence du professionnel ayant omis de délivrer au
consommateur des informations substantielles ne peut lui être imputable
que s'il a connaissance des textes qu'il a violés. Ainsi, il serait donc
nécessaire qu'il ait uniquement conscience de violer les textes sans
pour autant avoir la réelle intention de tromper le consommateur.
58 Cass. Crim, 15 Déc. 1989, n° de pourvoi 09-83.059,
Bull crim 2009, n° 212.
59 Cass. Crim, 23 mars 2010, n° de pourvoi 09-82.545.
43
Cette jurisprudence nouvelle fait preuve de réalisme
dans la mesure où peu de professionnels respectent scrupuleusement la
loi. Néanmoins, cette décision n'est pas parfaite dans la mesure
où elle tendrait en l'espèce à sanctionner le gestionnaire
de site web qui a pris de la peine de s'informer de la législation
applicable alors même qu'un de ses concurrents qui se serait inscrit dans
son sillage sans avoir fait cet effort n'encourrait pas de sanction
pénale. En outre, même si cette décision est moins
menaçante pour le professionnel que celle rendue en 2009, il n'en reste
pas moins qu'elle ne prend pas en compte la spécificité de
chacune des situations.
Ainsi, en l'espèce, le gestionnaire du site web qui se
serait renseigné aurait parfaitement conscience de violer les
règles qui s'imposent à lui en matière de transparence et
de loyauté informationnelle. Pour autant, il n'aurait aucunement
l'intention de tromper ses clients. Nous pensons donc que la jurisprudence
devrait revenir à une conception plus stricte encore du délit de
pratique commerciale trompeuse en exigeant une réelle intention de
tromper.
Imaginons d'ailleurs qu'un professionnel ait l'intention de
tromper le consommateur en ayant cependant aucune conscience qu'il viole les
règles qui lui sont applicables, un tel comportement serait
difficilement pris en compte par la jurisprudence de la Cour de Cassation.
La qualification de l'infraction de pratique commerciale
trompeuse est donc un enjeu de taille. En effet, les sanctions actuelles sont
lourdes à l'égard de la personne qui la commet mais le sont
encore plus dans la version actuelle du projet de loi relatif à la
consommation. Effectivement, l'article L 121-6, renvoyant aux articles L 213-1
et L 213-6 du Code de la consommation, pour la détermination des peines,
punit d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 37 500 euros
la personne responsable de l'infraction, le montant de l'infraction
étant multiplié par cinq pour les personnes morales. Ainsi la
société exploitant le site internet de vente à distance
encourrait une peine de 187 500 euros.
Pourtant, désireux d'introduire des sanctions plus
dissuasives à l'égard du professionnel, le législateur a
considérablement aggravé le montant de la peine
44
d'amende au sein du projet de loi relatif à la
consommation60, en hissant son montant à 300 000 euros de
sorte qu'une personne morale encourrait une sanction pénale de 1 500 000
euros61.
Cependant, il est respectivement ajouté à
l'alinéa 2 de cet article ainsi qu'à l'article L 121-4 du Code
que la peine peut être portée à 50 % du montant des
dépenses de publicité et que le tribunal peut ordonner la
publication du jugement. Ainsi, en l'espèce, un juge pourrait faire
monter le montant de l'amende à un niveau supérieur à 187
500 euros, ou dans le futur, à 1 500 000 euros si les dépenses
d'investissement nécessaires à la publicité
s'avéraient être deux fois supérieures à ce
montant.
Le projet de loi relatif à la consommation
réitère la possibilité pour le juge de procéder
à la publication du jugement en précisant qu' « en cas
de condamnation, le tribunal peut ordonner, par tous moyens appropriés,
l'affichage ou la diffusion de l'intégralité ou d'une partie de
la décision, ou d'un communiqué informant le public des motifs et
du dispositif de celle-ci. »
Une telle mesure pourrait évidement être
très périlleuse pour l'entreprise dont l'image de marque est un
élément capital dans lequel les consommateurs placent leur
confiance.
Concernant les sanctions administratives cette fois, le projet
de loi relatif à la consommation les introduit pour la première
fois pour sanctionner l'obligation d'information du professionnel, en
consacrant au Code de la consommation un nouvel article L 111-5 aux termes
duquel « tout manquement aux dispositions des articles L 111-1
à L 111-3 du Code de la consommation est passible d'une amende
administrative dont le montant ne peut excéder 3000 euros pour une
personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.
62».
60 Projet de loi n° 1015, relatif à la
consommation, enregistré à la présidence de
l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.
61 Notons que cette somme est largement supérieure
à celle qui est prévue par le Code pénal au cas où
un crime aurait été commis par une personne morale (1 million),
alors même qu'il s'agit d'une infraction d'une gravité
jugée supérieure.
62 Une même sanction s'applique lorsque le prix ne peut
être raisonnablement calculé à l'avance du fait de la
nature du bien ou du service et que le professionnel s'en tient à la
simple fourniture d'un mode de calcul.
45
Une telle sanction apparaît véritablement
objective, dans la mesure où il est précisé qu'elle est de
nature administrative. Ainsi, la circonstance selon laquelle le professionnel
aurait omis de délivrer certaines informations exigées par les
articles L 111-1 et suivants sans avoir néanmoins eu l'intention de
tromper le consommateur serait parfaitement inopérante. A défaut,
cette sanction se rapprocherait d'une sanction pénale où
l'intention est communément exigée. Si le projet venait donc
à être adopté tel quel, le gestionnaire du site web
encourrait un véritable risque, en plus des sanctions pénales
qu'il pourrait éventuellement encourir au titre des pratiques
commerciales trompeuses.
Comme nous venons de le voir, le Code de la consommation rend
le professionnel débiteur d'une obligation d'information très
lourde lorsqu'il propose une fourniture de biens à distance. Si le
bien-fondé des sanctions peut être discuté eu égard
à la spécificité de la prestation assurée par le
gestionnaire du site web qui fait l'objet de la présente étude,
il n'en reste pas moins qu'un véritable risque existe de ce point de
vue.
Il s'agit donc pour l'entreprise gestionnaire du site de faire
un choix entre perdre une certaine originalité afin de mieux se
conformer aux obligations prévues par le Code de la consommation ou
gérer financièrement le risque juridique.
D'autres risques sont également à redouter,
ainsi comme nous allons le voir, le code civil instaure une véritable
procédure d'échange des consentements lorsque le contrat à
distance est conclu par voie électronique, dont le non-respect semble
faire obstacle à la formation du contrat.
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