Conclusion de la deuxième partie
Dans cette étude, nous nous sommes proposés
d'examiner une question sensible centrée sur la mort, en interrogeant le
veuvage de la femme d'un maître-initié, mère des jumeaux
dans le milieu Akélé de la province du Moyen-Ogooué ;
précisément du village Bellevue. En effet, dans cette
société symbolique et lignagère, la naissance, la
circoncision, le mariage et la mort, sont des phénomènes aussi
bien biologiques et sociaux ; et qui marquent la société dans son
ensemble. Autrement dit, l'arrivée de l'homme dans le monde, son passage
d'un état civil à un autre et son départ pour un autre
monde est traduit par la mort.
Ainsi, l'état de la mort, qui s'accompagne du veuvage
et qui, au lieu d'être un moment au cours duquel la veuve doit abandonner
toutes ses activités, considérant qu'elle n'a plus de soutien de
son défunt mari, est plutôt une instance spéciale de prise
de pouvoir. La veuve devra désormais se « prendre en charge seule
», c'est une sorte d'initiation qui lui permettra de s'approprier le
statut social de son mari défunt. Chez les Akélé, la
pratique du veuvage est révélatrice de l'intronisation de cette
épouse d'un maître-initié mère des jumeaux dans les
rites masculins pour occuper une place intéressante dans la vie publique
et politique du village.
Par ailleurs, la société Akélé
appréhende le pouvoir de la veuve d'un maître-initié
mère des jumeaux à travers son intronisation dans le cercle des
maîtres-initiés, c'est-à-dire que finalement, le veuvage
est une initiation. Et les objets qu'elle hérite pour la circonstance
ont une portée très symbolique. Comme le dit BALANDIER, «le
pouvoir ne peut s'exercer sur les personnes et sur les choses que s'il recourt,
autant qu'à la contrainte légitimée, à des outils
symboliques et à l'imaginaire ».203 D'où, «
aucun groupement, aucune organisation sociale ne peut se donner à voir
si ce n'est à travers des symboles qui manifestent son existence
».204
203 Georges BALANDIER, Le Détour. Pouvoir et
modernité, Paris, Fayard, 1985, p.88.
204 Philip BRAUD, Sociologie politique,
8ème édition, Paris, Librairie Générale
de Droit et de Jurisprudence/Montchrestien, 2006, p.103.
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Par conséquent, chez les Akélé, le
veuvage de la femme d'un maître-initié, mère des jumeaux
conduirait à jouer un rôle important dans la vie politique du
village par plusieurs étapes dans les rites initiatiques masculins ;
avec le concours des autres maîtres-initiés qui ne font
qu'appliquer les dernières paroles ou volontés du défunt
maître-initié. En définitive, ce Mémoire de
Maîtrise nous permet de lire la pratique sociale qu'est le veuvage.
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