Introduction de la première partie
Nous nous proposons ici, dans cette première partie de
porter un regard sur les questions relatives aux représentations
sociales du maître-initié et de sa femme, mère des jumeaux
dans la société lignagère Akélé du
Moyen-Ogooué ; principalement du village Bellevue. En effet, le rapport
que nous voulons établir entre cet homme et cette femme dans la vie
politique de ce groupe découle de la naissance de leurs enfants,
c'est-à-dire les jumeaux ; et du statut ou position sociale de la femme
dans les sociétés secrètes masculines que sont par exemple
Mungala et Ondoukoué. L'idéal qui nous guide est de mettre en
évidence, d'abord, les aspects sociaux fondamentaux, c'est-à-dire
la vie politique du groupe ethnolinguistique, la naissance gémellaire,
les rites initiatiques ou sociétés secrètes masculines,
puis leurs incidences dans la réalité sociale
Akélé.
Nous voulons également mettre en exergue le fait qu'au
sein de ce peuple, il existe une société structurée et
bien organisée ; en un mot, hiérarchisée surtout. Un
accent est mis aussi, pour le cadre de cette étude, sur l'imaginaire des
jumeaux dans l'optique de mieux comprendre le statut et la position sociale de
l'épouse d'un maître-initié mère de jumeaux ; et qui
se retrouve dans une situation particulière : le veuvage. Pour Nicole
SINDZINGRE, « la gémellité a donné lieu à des
élaborations symboliques qui, malgré leur diversité,
présentent certaines constances. Son importance dans les conceptions de
nombreuses sociétés africaines surtout, a attiré
l'attention des chercheurs, à la fois en tant que
phénomène spécifique et comme indicateur de certains
autres aspects de l'organisation sociale ».71
Partant du fait que « les jumeaux sont nés d'un
même accouchement, ils sont considérés comme des
êtres exceptionnels dans de nombreuses sociétés d'Afrique
noire »72 voire à l'origine de certains rites
initiatiques et interviennent dans plusieurs
71 Nicole SINDZINGRE, « Jumeaux : approche
anthropologique » in Encyclopédie Universalis, corpus
13, Paris, 2002, p.2.
72 Eddy Blaise MABADI MAHEBA, Ambivalence et
pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les Mahongwé,
Mémoire de Maîtrise en Anthropologie, Libreville, UOB/FLSH,
sept. 2005, 97p.
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cosmogonies et cosmologies. Par ailleurs, notons qu'en ce qui
concerne le statut de leur mère, Claudine-Augée ANGOUE place
cette femme au dessus de toutes les femmes. Elle « est
élevée au dessus des femmes qui n'ont pas donné naissance
à des jumeaux ; elle acquiert un statut équivalent à celui
de l'homme, car elle a donné vie à des " génies", des
êtres supérieurs ».73 Et c'est fort de cette
considération que c'est cette naissance qui accorde à cette
femme, mère des jumeaux, un statut privilégié dans la
société à laquelle elle appartient. De ce fait, le travail
de l'anthropologue et du sociologue consiste donc à s'intéresse
de facto aux faits religieux, politiques et familiaux dans les
sociétés africaines, dans l'optique de mieux déchiffrer et
rendre compte de la structuration et du fonctionnement de toute l'organisation
sociale de ces sociétés lignagères.
Enfin, pour la présente étude, nous verrons de
manière chronologique, dans le premier chapitre, la vie politique des
Akélé et la naissance des jumeaux, pour aborder dans le
deuxième chapitre, les représentations sociales des jumeaux dans
la société Akélé.
73 Claudine Augée ANGOUE, Les
changements sociaux dans la réserve de Faune de la Lopé
(Gabon), Thèse de Doctorat, Bruxelles, Université Libre de
Bruxelles, 1999, p.140, citée par Eddy Blaise MABADI MAHEBA,
Ambivalence et pouvoir : Mongala et le culte des jumeaux chez les
Mahongwé, Mémoire de Maîtrise en Anthropologie,
Libreville, UOB/FLSH, sept. 2005, p.46.
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