La Langue de Barbarie est le résultat d'un long
processus alternatif d'élargissement et de retrait de la plage par la
dérive littorale. C'est un système complexe et instable
régi par la conjugaison de phénomènes naturels et de
phénomènes anthropiques liés à l'édification
du barrage de Diama et à l'ouverture d'une nouvelle embouchure
L'espace maritime de Saint-Louis abrite une grande
diversité d'espèces et par delà une diversité des
techniques de capture. Il ressort dans l'analyse des pratiques et des
conditions de travail des pêcheurs de Guet-Ndar que dans la pêche
artisanale, la diversité des engins permet d'explorer et d'exploiter des
zones de pêche diverses. Ainsi les récifs rocheux, zones de refuge
contre l'assaut des filets (chaluts et filets de fond) perdent leur
caractère avec le développement des lignes et palangres, ou des
filets dérivants. Par conséquent, la pression exercée sur
les espèces démersales à haute valeur marchande (souvent
reproducteurs lents) est telle que les peuplements de poisson n'ont plus le
temps de se reproduire. L'excès de moyens mis en oeuvre pour exploiter
un stock donné débouche sur un prélèvement excessif
par rapport aux capacités de renouvellement de ce stock (surexploitation
de recrutement), et / ou sur un prélèvement des individus
exploités à des âges trop précoces (surexploitation
de croissance) SARR O (2005)
Selon BAKHAYOKHO (1990), la succession spatio-temporelle de
méthodes de pêche très variées, toutes en mutation
constante pour s'adapter à des environnements humains, marins et
technologiques également très dynamiques ne peut se faire sans
heurt. La recherche d'un espace suffisant d'évolution d'unités
très actives à puissance de pêche (nombre et dimension des
engins) croissante, est donc la cause des conflits qui sévissent
à Saint-Louis entre les pêcheurs artisans d'une part et entre ces
derniers et les chalutiers d'autre part.
En effet, le non respect des sphères de
compétences (intrusions des chalutiers dans les 6 miles...) fait
supporter un effort de pêche dont on ne mesure pas réellement les
conséquences sur les stocks de poissons connus, SENE A (1985).
Même si la pêche industrielle est destructive, il
n'en reste pas moins que la pêche artisanale soit elle aussi très
efficace au Sénégal. En comparant les deux systèmes de
pêche, on constate selon P S DIOUF (2007)25 que la pêche
artisanale détruit plus que la pêche industrielle parce que sa
prise est beaucoup plus importante. Au Sénégal, 70% des captures
proviennent de la pêche artisanale. Mais il faut préciser que
c'est également de petits pélagiques » à faible
valeur marchande. Le véritable problème de la pêche
artisanale c'est qu'elle opère dans la bande la plus
côtière. Un zone très sensible, car c'est là
où le poisson se reproduit le plus, mais également où les
jeunes poissons grandissent. Il s'y ajoute qu'à Saint-Louis les pics en
matière d'efforts de pêche pour les espèces
démersales côtiéres s'observent entre Mars et Juin. Or
cette période coïncide avec celle où la plupart d'entre
elles regagnent les roches et l'estuaire pour se reproduire. La forte pression
sur cette population préponte limite de manière significative le
potentiel de renouvellement des générations. Donc, l'effort de
rationalisation doit porter à la fois sur la pêche industrielle et
artisanale.
L'AMP qui se veut un outil de gestion participative des
ressources halieutiques, constitue à cet effet une opportunité de
regroupement des différents protagonistes autour d'un cadre de
concertation. En effet « sur le plan social, la création d'une
AMP peut rendre aisé le
25 Coordonnateur Régional du WWF WAMER.
In Le soleil No 11196 du Samedi 22 septembre 2007. pp 7
116
règlement des conflits d'usage, notamment dans la
pêche, en facilitant la mise en oeuvre d'actions collectives grâce
à l'implication des usagers dans la gestion des ressources (Pollard,
1993; Hanna, 1999 ;Pomeroy, 1999; Thompson, 1999; Thomson, 1999)
»,SARR.O (2005).
Il faut se rendre compte que les règles de gestion et
les conditions d'accès à la ressource ne seront durablement
applicables que si elles émanent des professionnels de la mer. Autrement
dit, les pêcheurs ne s'approprient l'AMP que si elle intègre dans
sa gestion tous les maux (contraintes que nous avons évoquées)
dont ils souffrent. Pour cela il faut élargir la surface du
problème et ne pas la restreindre à sa plus simple expression qui
est la rareté de la ressource ou la surpêche. Cela permet de
prendre des mesures qui n'obligeraient pas le pêcheur à «
rester à terre » car selon MBAYE .A (2006), les communautés
de pêcheurs artisans surtout celles à longue tradition de
pêche (guet-ndariens, lébu, niominka), ne sont pas prêtes
à accepter l'interdiction d'une activité traditionnelle
assimilée à la fois comme un droit et un identifiant à
l'appartenance à une communauté. Ces dernières
considèrent non seulement la pêche comme une partie
intégrante de leur culture mais aussi et surtout, leur principale source
de revenus.
C'est aussi en prenant en compte ces difficultés que
la participation active sur la gestion de l'AMP pourra devenir effective. Sinon
elle risque d'apparaître seulement comme un paquet de contraintes venant
s'ajouter à celles qui existent déjà.
En réalité, même si certains
pêcheurs de Guet Ndar sont demandeurs d'une AMP, c'est parce qu'ils
souhaitent être plus impliqués dans des questions qui les
concernent au premier chef. Toutefois, il ne s'agit pas pour les pêcheurs
de prendre la place de l'État, ni pour l'administration de se
décharger sur les acteurs à la base de ses fonctions de
régulation de l'exploitation des ressources de la mer. Il est simplement
nécessaire de mener une action concertée entre l'État et
l'ensemble des acteurs à la base, non seulement pour aboutir à
l'adoption de règles de gestion adaptées aux
réalités du terrain mais aussi pour assurer un contrôle
efficace du respect des mesures à prendre.