7 LES MODES D'EXPLOITATION : UNE DIVERSITÉ DE
PRATIQUES À L'ORIGINE DE LA PRESSION ACCRUE SUR LA RESSOURCE ET DES
CONFLITS ENTRE USAGERS.
Les pêcheurs jusqu'ici rencontrés s'accordent sur
le fait que des espèces encore abondantes il y'a 15 à 20 ans
deviennent de plus en plus rares, notamment dans la zone des 6 miles marins (1
mile=1609m) réservée en principe à la pêche
artisanale. Ce phénomène touche surtout les espèces
démersales. A l'inverse des poissons pélagiques, les poissons
démersaux sont inféodés à des milieux particuliers
et se fixent généralement dans des zones ils trouvent à la
fois un habitat (roches sous marines, récifs coralliens...) et des
conditions de vie favorables (peu de menaces). Conditions qui
prévalaient surtout avant la modernisation des techniques de
pêche. Le poisson était abondant et présent en permanence
dans les eaux limitrophes du rivage. La menace qui pèse donc sur ces
espèces est due à plusieurs facteurs. Les plus
déterminants sont :
~ De l'avis des pêcheurs de Guet-Ndar, la
première cause de la dégradation des ressources halieutiques est
la pêche industrielle clandestine qui exploite par les chalutiers et
crevettiers, la zone réservée à la pêche artisanale.
« Toutes les nuits on aperçoit du rivage, des bateaux
opérer de façon illégale à moins de 2 miles de la
plage» affirme la plupart des pêcheurs
~ La disparition des crustacés (crevettes,
langoustes...) entraînant la disparition de beaucoup d'espèces
démersales. Selon les pêcheurs, la plupart des espèces
démersales se nourrissent de crevettes. Les crustacés sont des
espèces qui ont besoin à des périodes de leur vie, de
milieux aux caractéristiques différentes (salés,
saumâtres, etc.). La reproduction se passe généralement
à l'intérieur des fleuves (eau douce) les larves convergent vers
les embouchures (milieu saumâtre) où elles grandissent puis la
maturation se fait en pleine mer en milieu salé. C'est toute
l'importance des zones d'estuaires dans la préservation des ressources
halieutiques. L'existence de l'embouchure a favorisé leur
prolifération sur la côte nord du Sénégal, mais
elles montrent des signes de surexploitation suite à des pillages
perpétrés par les bateaux chalutiers qui interceptent les
femelles reproductrices et les jeunes adultes au moment de leur
déplacement entre la haute mer et l'embouchure.
~ La pression accrue sur la ressource (augmentation du nombre
de pêcheurs, du nombre de pirogues et de l'effort de pêche) et
l'utilisation d'engins plus efficaces (senne tournante)
~ La destruction des habitats due à l'utilisation de
mono filaments par les bateaux chalutiers et les pêcheurs aux filets
dormants. Les filets non dégradables s'accrochent sur les roches qui les
retiennent poussant les pêcheurs à les abandonner sur place.
L'engin continue à pêcher. Le poisson capturé se
décompose et crée à l'intérieur et aux environs
immédiats des roches des conditions physiques et biologiques impropres
à la vie.
En somme, cette situation est à la résultante
d'un déséquilibre à la fois écologique et
socioéconomique. Elle entraîne de sérieux
dégâts sur l'écosystème marin et met en péril
la survie d'une communauté tributaire de la pêche.
90
7.1 LES MOYENS DE PRODUCTION : DES TYPES DE
PÊCHE EN FONCTION DE L'EMBARCATION ET DES ENGINS UTILISÉS ET DU
QUARTIER
La typologie des catégories de pêcheurs se fait
selon le type d'engin utilisé. L'engin de pêche détermine
également la taille des embarcations. La diversité des rapports
de production ressort de celles des engins et des combinaisons de moyens de
production mis en oeuvre. Les formes de coopération et de partage du
produit sont spécifiques au type de pêche. La
propriété des moyens de production connaît des formes
multiples : propriété de tout ou partie de l'équipement,
par un individu ou un groupe (moyens hérités par exemple...).
Cette propriété est rémunérée par les parts
attribuées à l'équipement (moteurs, embarcations, engins),
caractérisées par une disparité liée au coût
du matériel.
7.1.1 Les embarcations :
Les pêcheurs saint-louisiens emploient diverses pirogues
faites à partir d'un modèle standard appelée pirogue
guet-ndarienne (CHABOUD et KEBE 1985). Elle comporte toujours trois parties :
le corps les éperons et le bordage
~ le corps de la pirogue (appelé aussi
calle, quille ou socle) est formé d'un tronc d'arbre plus souvent un
fromager (Ceiba pintendra) ou un caicédrat (Khaya
senegalensis) évidé et taillé en forme d'auge. Ses
extrémités sont fuselées. Le fond de la pirogue est
transversalement plat. Il se relève progressivement dans le sens
longitudinalement en une courbe faible. C'est un véritable bloc pouvant
résister à la remontée de la barre et à la houle du
large (Nguer, 2005).
~ les éperons sont au nombre de deux
(avant et arrière). Ils ont la forme de triangle allongé. Ils
prolongent le corps de la pirogue
~ le bordage est la partie supérieure
c'est un cadre formé de planches superposées qui bordent
latéralement la pirogue. Le bordage est obtenu par l'imbrication de
planches devant permettre l'étanchéité grâce
à une toile humectée de goudron puis fixée par des clous
entre les planches, lesquelles ont au préalable été
superposées et mastiquées.
La fabrication d'embarcation nécessite
généralement de grands arbres qui viennent surtout du sud du
Sénégal, vendus aux pêcheurs par des commerçants.
Les pêcheurs sont grands consommateurs de bois et les stocks forestiers
sénégalais ne cessent de diminuer rendant le matériau de
plus en rare. L'approvisionnement en bois est devenu une des difficultés
auxquelles les pêcheurs font face.
|