5.8 CONCLUSION
La morphologie des fonds marins caractérisée par
la présence la de hauts fonds à 100 m des côtes (cf. figure
23) et par l'intensité de la houle et des vagues est à l'origine
d'une barre qui rend la navigation difficile à proximité des
côtes et pousse les pêcheurs à passer par la brèche
où l'effet est moindre.
De par sa position frontalière avec la Mauritanie les
eaux saint-louisiennes subissent les effets d'un upwelling quasi permanent
(7à 8 mois sur douze). Les upwellings sont
15 Chercheur géophysicien à l'UGB de Saint-Louis
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essentiellement dus aux alizés constants qui poussent
les eaux superficielles loin de la côte et font remonter les eaux froides
et riches en sels nutritifs du fond de l'océan à la surface. Ces
eaux riches rencontrent le soleil tropical, créant ainsi l'environnement
idéal pour la photosynthèse - base d'une chaîne alimentaire
extrêmement productive qui abrite une riche biodiversité.
Les vasières qui caractérisent les côtes
de la Langue de Barbarie (résultats des migrations successifs de
l'embouchure du fleuves Sénégal) présentent l'avantage
d'être un milieu potentiellement riche en crustacées (surtout la
crevette qui attire selon les pêcheurs les espèces
démersales à haute valeur commerciale). Ces vasières non
recouvertes d'herbiers situées à proximité des côtes
peuvent être le siège d'une production primaire importante due au
développement d'algues benthiques. Ces particules
végétales, remises en suspension en marée haute sont le
point de départ d'une chaîne alimentaire complexe. L'importance
quantitative de cette production primaire doit être évaluée
ainsi que leur participation au régime alimentaire des poissons
surexploités pour mieux raisonner le choix du « coeur16
de l'AMP ». La présence de l'embouchure fait également de la
zone nord du Sénégal une aire particulièrement importante
en tant que zone de reproduction des poissons.
En raison de sa forte valeur économique, la zone
côtière Saint-louisienne suscite donc à la fois
l'intérêt des pêcheurs artisans et des flottilles de
pêche nationales et internationales. Cependant, la difficulté
à contrôler le volume des activités de pêche dans la
région s'est traduite par la surpêche (avec comme
conséquence la destruction d'habitats vitaux qui servent de zone de
reproduction pour la faune ichtyologique et autre, et la perte de
biodiversité qui entraîne une plus faible résilience de cet
écosystème) et donc l'épuisement des réserves
halieutiques, affectant les populations locales, surtout les communautés
de pêcheurs de Guet-Ndar.
La brèche, ouverte en octobre 2003, à sept
kilomètres au sud de la ville de Saint-Louis, dans le nord du
Sénégal, ne cesse de s'élargir vers le sud et menace de
disparition, les bancs de sable, qui servaient de nichoirs à certains
oiseaux et tortues marines au niveau du PNLB. Il s'y ajoute la remontée
rapide de la langue salée. Les populations du Gandiolais, qui paient les
effets néfastes de cette nouvelle brèche, semblent
désemparées face à la salinisation de leurs terres jadis
consacrées au maraîchage.
Qui plus est, la Langue de Barbarie est une édification
littorale récente à texture meuble très sensible aux
facteurs morphogéniques actuels (vent, jets de rive). En effet, la
dynamique de type antagoniste entre la dérive littorale durant la saison
sèche et les courants fluviaux pendant les crues semble favoriser la
progression de la brèche.
La question se pose aujourd'hui, devant les
répercussions qu'on suppose graves, de savoir comment des techniciens
ont créé une telle «brèche» sans prendre les
mesures idoines liées à la protection des abords canal de
l'érosion. Il est tout à fait étonnant qu'en même
temps qu'une action est engagée (avec le début du processus de
création des AMP en 2003) pour protéger un environnement fragile
et pour tenter de restaurer un écosystème favorable à la
reproduction et à la vie des espèces marines, qu'une
décision si lourde de conséquences sur le PARC et sur les zones
agricoles proches est prise.
16 Zone devant faire l'objet d'une protection intégrale
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