Longtemps en marge des questions d'intégration et de
la promotion du « mieux vivre ensemble » que stipule pourtant ses
statuts, a mis en place sur son portail internet un formulaire ouvert à
toute personne « issue de l'immigration » souhaitant apporter son
expertise dans l'accompagnement à l'insertion économique et
189 Portail internet du Sope, idem.
150
professionnelle des migrants en France et dans les pays
d'origine. Outil de collecte des informations sur les compétences
individuelles et expertises techniques des migrants donc190 pouvant
également aider à
ü la mise en réseau des migrants et des
organisations de solidarité internationale;
ü la valorisation de l'apport des migrants grâce
à leurs compétences spécifiques.
Figure 7. Aperçu du portail web d'inscription
dans la base de données des compétences individuelles des
migrants (Forim)
Source : Site internet du Forim
http://www.forim.net/
Il est cependant difficile de faire un état des lieux
du recensement de ces compétences, d'analyser l'utilisation qui en est
faite (les canaux et les zones géographiques d'affectation de celles-ci)
et donc d'en mesurer l'efficacité pratique, les données
recueillies n'étant pas accessibles sur le site internet de
l'organisation, contrairement au portail internet du TOTKEN
Sénégal où les statistiques des experts inscrits sont
immédiatement disponibles. Une étude approfondie
d'évaluation de cette initiative serait souhaitable et permettrait
d'apporter différents ajustements; ce d'autant que le Forim, en tant que
structure représentative des migrants de France, du moins le versant
majoritairement africain de cette population, pourrait inspirer des
démarches similaires au niveau des régions et départements
en y assurant appui méthodologique, conseil, coordination. Rien de tel
ne nous est apparu au cours de notre enquête.
L'expérience de mobilisation des compétences la
plus récente identifiée au cours de notre enquête est un
travail d'inventaire des experts réalisé par deux
étudiants de Sciences Po Lyon191 pour le compte et sous la
férule du réseau RESACOOP. La mission de ces étudiants
consistait en l'identification dans le Grand Lyon des personnes hautement
qualifiées de toutes origines et horizons professionnels (agronomes,
vétérinaires, médecins, enseignants, universitaires,
formateurs, ingénieurs, techniciens, etc.) ayant une certaine
connaissance du terrain africain et susceptibles d'apporter leur contribution
à l'accompagnement des projets de coopération
décentralisée portés par les migrants au
bénéfice des pays d'origine. En raison du caractère
confidentiel des données recueillies, nous a-t-on fait savoir au niveau
du Resacoop, il ne nous a pas été possible de consulter ce
répertoire afin de déterminer le profil et l'effectif des experts
inventoriés. Le rapport de stage insiste toutefois sur le fait que
Sciences Po Lyon et le Réseau Resacoop «disposent
désormais d'une base de données inédite
sur le Grand Lyon (il n'existait
190 Le portail est accessible à partir du lien suivant
:
www.forimcomptetences.net
191 Côme Nsika et Julie Depuydt, «
Élaboration d'une base de données d'experts dans le domaine
de la coopération avec l'Afrique Subsaharienne et présents dans
le Grand Lyon », Rapport de stage académique de 4e
année, sous la codirection de Rose-Marie Di DONATO (Résacoop) et
Xavier Alphaize (IEP Lyon), juin-juillet 2012.
151
pas à ce jour de recensement équivalent) ;
les individus qu'elle recense sont par ailleurs mobilisables assez facilement
puisque les entretiens ont été l'occasion de leur
présenter le projet et de les informer des suites prévues (tous
nos interlocuteurs nous ont donné leur accord pour être
sollicités via la base de données) : la base de données
élaborée est donc 'prête à l'emploi''
». Notons que pour les auteurs du rapport le concept
d'expertise, polysémique et « polémique », recouvre
trois dimensions:
- les compétences techniques et
spécialisées apprises par un individu ;
- les savoirs particuliers
développés par les acteurs de la
société civile (ONG, associations...);
- les connaissances nées d'une approche rationnelle,
méthodologique et indépendante de scientifiques.
Aussi, ce sont au total 76 personnes classées par
grade d'expertise selon l'ancienneté de l'exercice du métier
(senior, junior expérimenté, junior) qui ont été
recensées, représentant 9 nationalités différentes
: française, américaine, sénégalaise,
congolaise (RDC), congolaise (Brazzaville), rwandaise, burkinabé,
béninoise et camerounaise et dont 44 maîtrisent au moins
une langue étrangère, 24 au moins deux langues, l'ensemble de ces
expertises couvrant 27 domaines de coopération différents parmi
lesquels: 17 experts intervenant dans le domaine de la culture, 16 dans les
études et la recherche, 15 experts dans la formation pour adultes, 12
dans l'éducation, 10 dans l'artisanat et l'économie, 9 dans la
santé, 8 dans le développement rural, 6 dans l' Eau et
l'assainissement, 5 respectivement dans l'urgence humanitaire, l'action sociale
et l'éducation à la citoyenneté et 4 dans l'appui
institutionnel, la collecte et l'envoi de matériel ,
l'agriculture-pêche, etc.
L'intérêt d'une telle base de données de
compétences, pour leurs auteurs, est à situer à
différentes échelles :
- À l'échelle des associations, elle permet
d'instaurer une « meilleure coordination entre les ONG
lyonnaises travaillant avec l'Afrique. L'objectif étant de
gagner en efficacité sur le terrain, notamment via une mutualisation des
financements et des moyens humains » ;
- À l'échelle académique, l'outil
permettrait « d'établir une spécialisation
universitaire sur Lyon. Cet objectif pourrait se concrétiser au
travers de la création d'un diplôme spécialisé sur
l'Afrique (&) ou encore de co-diplômes avec des facultés
africaines, voire même d'une école doctorale spécifique
(permettant de répondre aux demandes, chaque année plus
nombreuses, de doctorants africains) »192.