§ 2 - La responsabilité civile contractuelle
des sous traitants vis-à-vis de l'entreprise principale
Certains secteurs sont particulièrement utilisateurs de
la sous-traitance, notamment l'industrie automobile, le bâtiment et le
transport. Il arrive même que les sous-traitants externalisent à
leur tour certains travaux. Ces pratiques ne sont que le résultat du
progrès technique accompagné de l'augmentation croissante du
nombre d'intervenants pour la réalisation de tâches de production
et créant par delà une multitude de spécialisations. Mais
en même temps, ce développement rapide de la science et de la
technologie s'accompagne de risques tant technologiques que juridiques. En
effet, les relations commerciales traduites par des conventions ou contrats
deviennent complexes et génèrent parfois des conflits et litiges
pouvant arriver jusqu'aux tribunaux. La sous traitance n'échappe pas
à cette règle ; surtout ; lorsque la législation n'encadre
et ne cadre pas son environnement et ses relations avec les donneurs d'ordre.
En l'absence de lois qui gèrent ces relations contractuelles des sous
traitants, les contrats établis entre parties font foie de loi et
laissent de ce fait la porte ouverte à l'interprétation des juges
des clauses qui les composent.
Tout d'abord, il y a lieu de définir la nature
juridique du sous traitant telle qu'elle ressort de la jurisprudence. En effet
le tribunal de Montpellier a déclaré que celui qui a la
qualité de sous traitant doit avoir réalisé
personnellement le montage du produit qu'il a livré même si ce
produit a été réalisé sur la base des
spécifications de l'entreprise principale1 et qu'il
était apte à être incorporé dans l'ouvrage. En
d'autres termes, le sous traitant est contraint de réaliser
lui-même et personnellement le travail qui lui a été
confié par l'entreprise principale.
La relation liant le sous traitant à l'entreprise
principale est une relation contractuelle2 dans le cadre d'un
contrat d'entreprise et ne peut être considérée comme une
relation de subordination telle qu'elle ressort entre employeur et
salarié. Cette position a été exprimée par la cour
suprême marocaine « L'élément qui caractérise
le contrat de travail réside dans la dépendance, la supervision,
l'orientation et le contrôle de l'employeur envers le salarié.
Éléments qui ne se trouvent pas dans le contrat d'entreprise
»3.
1 Cas . Com 13 Mai 1981 Gazette du Palais Tri-hebdomadaire
N° 2 Panorama de la Cour de Cassation P 360
2 SAMII (A),ÉÞÕáá
äØÇÈáÇ äã
ÉáæÇÞãáÇ, Traduction
Libre: La société sous traitante du contrat , , Casablanca,
SOMADIL,, 2008 P 32.
3 Sup Ar N° 496 du 17 Mai 1994 dossier N°
889637 publié dans la revue Arrêts de la Cour Suprême
N° 5354/1999 P 345
Mohamed Jamal BENNOUNA Page 38 sur
94
Responsabilité civile et assurance des
constructeurs au Maroc Limites et carences de la
législation
Dans le même sens, la cour d'appel de Settat a
déclaré dans un arrêt « la subordination juridique est
l'élément essentiel qui différencie le contrat de travail
des autres situations juridiques »1.
Quant à la nature de la responsabilité
contractuelle du sous traitant envers l'entreprise principale, elle a
été considérée comme une responsabilité de
résultat par plusieurs arrêts de la cour de cassation. Un pourvoi
de la cour de cassation française2 est venu corroborer la
responsabilité de résultat du sous traitant envers l'entreprise
principale « le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat
à l'égard de son donneur d'ordres, qui a la qualité
d'entrepreneur principal ». En d'autres termes, le sous traitant est tenu
d'un résultat attendu de l'entreprise principale qui l'a engagé.
Il ne peut se dérober derrière une quelconque mauvaise
connaissance du marché ou encore l'ignorance d'une quelconque
disposition l'empêchant de réaliser le travail pour lequel il a
été engagé.
Par ailleurs, cette responsabilité ne peut être
exonérée même en cas de non paiement des prestations
réalisées par le sous traitant. A cet effet, la cour de cassation
française 3ème chambre civile dans son arrêt du
14 décembre 201 Pourvoi N° 10281493 n'a pas
exonéré le sous traitant de sa responsabilité
contractuelle envers l'entreprise principale malgré son non paiement
pour les travaux qu'il a réalisés.
La responsabilité contractuelle du sous traitant envers
l'entreprise principale apparait très prononcée et ne peut
être exonérée qu'en cas de force majeure
indépendante de sa volonté et dépassant sa capacité
de réagir.
|