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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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« La place dévolue aux droits fondamentaux n'a cessé au long du siècle de s'affirmer»1. Après la Seconde Guerre Mondiale, de nombreux Etats européens ont intégré au sein même de leur Constitution une déclaration des droits fondamentaux ayant pour but de protéger les individus de toute violation de leurs droits. « La Communauté puis l'Union connaissent le même mouvement : les traités originaires ne contenaient pas de dispositions générales relatives aux droits de la personne mais la Cour de justice a dû rapidement pallier cette lacune »2, l'Union européenne (ci-après « l'Union ») adoptant finalement une déclaration des droits de l'Homme par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « Charte »).

La distinction qui voudrait que le terme de « droits de l'Homme » renvoie à la Convention et celui de « liberté fondamentale » à l'Union3 ne sera pas suivie ici. En effet, il existe un flou en la matière, la doctrine ne semblant plus faire de différence entre les droits de l'Homme et les droits fondamentaux4. « La protection des droits de l'homme ou des droits fondamentaux, comme on voudra les appeler, les deux expressions étant synonymes »5, bien que des distinctions puissent encore exister entre les deux termes. Les droits de l'Homme excluraient, en principe, les droits reconnus aux personnes morales. De même, le terme de droit fondamental permettrait d'inclure les droits économiques, attachés à la matière communautaire6.

L'Union, et avant elle la Communauté européenne, n'avait pas pour premier objectif la protection des droits de l'Homme. « Il n'est pas exagéré de penser que la protection des droits de l'homme n'était pas la préoccupation prioritaire des négociateurs du traité instituant la Communauté européenne »7. En effet, les droits reconnus aux personnes au sein des traités initiaux n'étaient liés qu'à la nécessité de créer un marché commun entre les Etats membres.

L'étude de Hans von der Groeben, l'un des négociateurs des Traités de Rome, met « en lumière le fait que les traités européens, [...], ont consacré d'une manière positive, dans un

1 Actes du colloque de Caen, 23 février 1996 publiés sous la direction de Constance GREWE, Questions sur le droit européen, Presses Universitaires de Caen, Centre de recherche sur les droits fondamentaux, 1996, 273p, p.161

2 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p, point 165

3 BERGE Jean-Sylvestre et ROBIN-OLIVIER Sophie, Introduction au droit européen, Thémis droit, PUF, 2008, 1ère édition, 551p, p.209

4 PELISSIER, Catherine, La protection des droits économiques et sociaux fondamentaux dans la Communauté européenne, thèse sous la direction de SUDRE Frédéric, ANRT, Lille, collection thèse à la carte, 2004, 469p, p.18

5 BRUN, Alain, Les droits fondamentaux et le citoyen européen, in Actes du colloque international organisé par le Centre de Recherches Hannah Arendt les 16 et 17 mars 2006, Les droits fondamentaux à l'épreuve de la mondialisation, édition Cujas, institut catholique d'études supérieures, 2006, 166p, p.45, p.46

6 op.cit. BERGE et ROBIN-OLIVIER, p.209

7 SIMON, Denys, Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : « Je t'aime, moi non plus » ?, Revue Pouvoirs, 2001/1, n°96, p31-49, p32

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ensemble de dispositions d'allure tantôt plus générale, tantôt plus concrète, certains principes qui sont, pour le moins, proches d'une garantie des droits fondamentaux »8. Ainsi, la reconnaissance de la liberté de circulation des travailleurs et de la non discrimination entre les citoyens des Etats membres a permis une première approche de la protection des droits de l'Homme au sein de la Communauté.

L'objectif premier de la construction communautaire était la création d'un lien solide entre les Etats membres. Pour se faire, une approche basée uniquement sur l'aspect économique des relations étatiques était préférable. En effet, les Etats européens avaient montré des réticences à mettre en place une coopération politique d'intégration, ce qui s'est traduit par l'échec de la mise en place de la Communauté européenne de défense et de la Communauté politique européenne. Les rédacteurs des traités de Rome ont donc choisi de ne consacrer que les droits fondamentaux pouvant contribuer à la création du marché commun. En outre, l'Europe possédait déjà une organisation qui avait fait de la protection des droits de l'Homme sa priorité, le Conseil de l'Europe.

Créé en 1949, le Conseil de l'Europe adopte un an plus tard un instrument particulier de protection des droits de l'Homme, la Convention de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales9 (ci-après « la Convention »). La particularité de cette Convention est l'instauration d'un juge spécifique chargé du contrôle du respect des droits de l'Homme énoncés. La Cour européenne des droits de l'Homme10 (ci-après « la Cour de Strasbourg ») a ainsi été instituée dans le but de s'assurer que les Etats signataires (ci-après « Hautes Parties ») de la Convention respectaient leurs engagements. La jurisprudence que la Cour de Strasbourg adopta, et les divers protocoles additionnels à la Convention, permirent à la Convention de développer la protection des droits de l'Homme au sein des différentes Hautes Parties en permettant la prise en compte de l'évolution sociale.

Mais les deux organisations européennes ne restent pas étrangère l'une à l'autre et les relations se développent. Dès 1959, une coopération s'installe de manière informelle par

8 PESCATORE, Pierre, Les droits de l'homme et l'intégration européenne, Cahiers de droit européen, Bruyant, 1968, p.629-673, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.127, p.146

9 Convention de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, Rome, 4.XI.1950, telle qu'amendée par les protocoles n°11 et 14

10 A noter que la Cour européenne des droits de l'Homme n'a été instituée qu'en 1998, précédemment c'est la Commission européenne des droits de l'Homme qui procédait au contrôle du respect de la Convention

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l'échange de lettres, de rapports mais également d'experts11. Cette première relation a eu pour mérite de permettre un premier rapprochement entre les deux organisations européennes, même si elle n'a pas permise la mise en place d'une réelle coopération au sens strict. En 1987, les deux organisations décident de mettre en place un rapport annuel étudiant leurs relations12. Deux ans plus tard, l'on prévoit un dialogue politique entre la Communauté européenne et le Conseil de l'Europe par l'instauration de réunions annuelles. Depuis 1996, la Commission est autorisée à participer aux réunions du Comité des Ministres. En outre, en 2001, les deux organisations ont adopté un programme commun pour permettre le développement de la démocratie dans les Etats de l'Est de l'Europe.

« A priori, la concurrence entre systèmes, et partant entre juridictions ne devrait pas exister »13. Mais les organisations se chevauchant territorialement et évoluant vers plus de compétence. Les relations entre les deux organisations sont complexes depuis que l'Union étend ses compétences dans le domaine des droits de l'Homme.

En effet, assez rapidement, les Etats membres de la future Union (ci-après « les Etats membres ») ont désiré de renforcer les liens qui les unissaient, notamment à travers le domaine des droits fondamentaux14. Dès 1973 au sein de la déclaration de Copenhague,

« les chefs d'État et de gouvernement des Neuf énoncent dans la déclaration sur l'identité européenne [...] qu' : « ils entendent sauvegarder les principes de la démocratie représentative, du règne de la loi, de la justice sociale - finalité du progrès économique - et du respect des droits de l'Homme, qui constituent des éléments fondamentaux de l'identité européenne... » »15.

Cet attachement est renouvelé au sein même du préambule de l'Acte unique en 1986. « On assiste à un phénomène d'accrétion qui tôt ou tard finit par produire ses effets dans l'ordre communautaire, soit en constituant un bain qui imprègne de façon diffuse l'activité communautaire, soit en se traduisant par un amendement au traité »16. L'activité de l'Union et les révisions successives des traités démontrent clairement ce cheminement. Les déclarations du passé ont conduit à une évolution des objectifs de l'Union, passant progressivement d'une Union uniquement économique à une Union également politique.

11 Fascicule 6100 : Conseil de l'Europe - objectifs et structures politiques, JurisClasseur Europe Traité, mise à jour 1er novembre 2009, point 41

12 ibid., point 42

13 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille « La juridictionnalisation du droit international », SFDI, Paris, Pedone, 2003, 552p, p.203-264

14 C'est le cas du projet de traité pour une union politique de 1953, de la déclaration des chefs d'État lors du sommet de Paris de 1972, du projet dit Spinelli de 1984 ou de la déclaration des droits et des libertés fondamentaux de 1989.

15 Supra note 2, DOLLAT, point 159

16 ibid., point 159

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En 1992, le Traité de Maastricht marque un tournant de la conception du rôle de l'Union dans le domaine de la protection des droits fondamentaux. En effet, il énonce que

« l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, [...], et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire »17.

Le Traité de Maastricht a également créé la citoyenneté de l'Union à l'égard des nationaux des Etats membres18, permettant notamment l'obtention de droits politiques spécifiques. « L'institution de la citoyenneté européenne et la proclamation des droits y afférents constitue sans doute la première tentative d'envergure en vue de dépasser la logique essentiellement économique des origines »19.

Cinq ans plus tard, le Traité d'Amsterdam indique à son article 6 §1 que l'Union « est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme ». Cet article rejoint les critères politiques, élaborés lors du Conseil européen de Copenhague de 1993, que les Etats candidats à l'adhésion de l'Union doivent respecter. Mais c'est surtout un symbole du changement de perspective de la politique de l'Union et de son ouverture vers la rédaction d'un texte de protection des droits fondamentaux propres à l'Union20.

De plus, le droit de l'Union21 ne se contente pas uniquement d'énoncer des droits et libertés, il prévoit les moyens de les faire respecter par les Etats membres. En effet, le Traité d'Amsterdam prévoit à son article 7 des sanctions à l'encontre des Etats membres qui violeraient gravement et avec persistance les principes énoncés à l'article 6.

En outre, la valeur de principes directeurs est conférée aux droits fondamentaux. Ainsi, les droits fondamentaux ne sont plus uniquement des droits subjectifs mais doivent permettre de guider les activités de l'Union et de créer une Communauté de droit, aujourd'hui devenue Union de droit.

L'Union de droit et l'État de droit reposent sur des critères identiques. « D'une part la soumission de l'ensemble des autorités publiques, y compris le législateur, à des normes supérieures préalablement édictées ; d'autre part, l'organisation de procédures de contrôle

17 article F§2 du traité de Maastricht

18 article 8 du traité de Maastricht

19 AKANDJI-KOMBE, Jean-François, Le développement des droits fondamentaux dans les traités, in LECLERC, Stéphane, AKANDJI-KOMBE, Jean François et REDOR, Marie-Joëlle, L'Union européenne et les droits fondamentaux, CRDF Université de Caen, Bruyant, 1999, 235p, p.31, p.42

20 ibid, p.48 et 56

21 Anciennement droit communautaire. A noter que nous n'utiliserons que le terme de « droit de l'Union » permettant de faire référence tant aux droits anciens qu'actuels

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garantissant le respect des normes et de leur hiérarchie afin d'éviter l'arbitraire »22. L'Union de droit a ainsi pour objectif de protéger les droits et les libertés des citoyens. Il est à noter que la Cour de Luxembourg avait, dès 1986, jugé que « la Communauté économique européenne est une communauté de droit en ce que ni ses Etats membres ni ses institutions n'échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnel de base qu'est le traité »23.

L'entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du Traité de Lisbonne renforce l'Union de droit, l'article 19 §1 du Traité sur l'Union européenne (ci-après « TUE ») disposant que la Cour de Luxembourg « assure le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités », et la protection des droits de l'Homme au sein de l'Union. En effet, le Traité de Lisbonne fait dans un premier temps référence, à son article 2 TUE, aux « valeurs » de l'Union24. Il consacre également, comme l'un des objectifs de l'Union, la protection des droits de l'Homme25. Mais l'apport principal se trouve à l'article 6 TUE, le paragraphe 1 accordant à la Charte la valeur juridique d'un traité, tandis que le paragraphe 2 prévoit l'adhésion de l'Union à la Convention.

Jusqu'à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la protection des droits de l'Homme au sein de l'Union était basée, essentiellement, sur la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes26 (ci-après « Cour de Luxembourg ») et non sur le droit originaire ou dérivé, même si ce dernier a permis la reconnaissance de droits fondamentaux27. La jurisprudence de la Cour de Luxembourg a ainsi permis d'instaurer au sein de l'Union une protection des droits de l'Homme basée sur la création prétorienne des principes généraux du droit de l'Union européenne.

Mais, « l'Union européenne ne constitue pas une organisation internationale de défense des droits de l'homme en tant que telle. La protection des droits de l'homme constitue une mission essentielle, mais non exclusive, pour cette organisation »28. Le fait que les Etats membres de l'Union soient également Hautes Parties à la Convention devait permettre une

22 supra note 2, DOLLAT, point 163

23 CJCE, 23 avril 1986, Les Verts c/ Parlement européen, aff. 294/83. Rec.1986 p 01339

24 dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, Etat de droit et droits de l'Homme

25 notamment dans ses relations extérieures, article 3§5 TUE

26 devenue Cour de Justice de l'Union européenne après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009

27 Directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (JO L 180 du 19 juillet 2000, p.22) ; Directive 97(80(CE du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (JO L 14 du 20 janvier 1998, p.6) ; Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23 novembre 1995, p.31)

28 LE BOT, Olivier, Charte de l'Union européenne et Convention de sauvegarde de l'Homme : la coexistence de deux catalogues de droits fondamentaux, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, n°55/2003, p.781-811, p.810

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protection des droits fondamentaux au sein de l'Union29. Pourtant, très rapidement des limites se sont posées, notamment par le fait que le droit de l'Union prime sur le droit interne des Etats membres et soit d'effet direct. L'idée d'une adhésion de l'Union à la Convention est donc rapidement née.

La proposition de l'adhésion de l'Union à la Convention a été lancée pour la première fois en 197930. A la suite de divers appels à l'adhésion de la part des Communautés31 mais également du Conseil de l'Europe32.

En 1996, c'est le refus de la Cour de Luxembourg33 qui avait arrêté le processus en indiquant qu'une révision des traités était nécessaire pour permettre l'adhésion de l'Union à la Convention. Elle relevait ainsi que

« si le respect des droits de l'Homme constitue (...) une condition de la légalité des actes communautaires, force est toutefois de constater que l'adhésion à la convention entraînerait un changement substantiel du régime communautaire actuel de la protection des droits de l'Homme, en ce qu'elle comporterait l'insertion de la Communauté dans un système institutionnel international distinct ainsi que l'intégration de l'ensemble des dispositions de la convention dans l'ordre juridique communautaire »34.

Par la suite, la place réservée aux droits de l'Homme dans le Traité d'Amsterdam a conduit à considérer ce Traité comme étant « un coup fatal à l'adhésion de l'Union à la Convention »35, voir même à « une disparition du système de la Convention européenne des droits de l'Homme dans l'Union »36. Les dispositions du Traité de Lisbonne montre qu'il n'en est rien, l'adhésion de l'Union à la Convention n'ayant jamais été aussi vraisemblable, l'Union en ayant fait une de ses priorités pour les prochains mois37.

29 BERTONCINI Yves, CHOPIN Thierry, DULPHY Anne, KAHN Sylvain et MANIGAND Christine, Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin, Paris, 2008, 489p, p.127

30 Commission Memorandum, Accession of the Communities to the European Convention on Human Rights, Bulletin of the European communities, Supplement 2/79, adopted by the Commission on 4 april 1979, COM(79)210 final, 21p

31 entre autres : communication de la Commission du 19 novembre 1990, SEC(90)2987 final ; communication de la Commission du 9 octobre 1995, SEC(90)2087 final - C3 - 0022/93 ; proposition de résolution du Parlement européen, P.E. Doc. 80/79 ; document de travail du Parlement européen du 6 mars 1986, Doc. B 2-1692/85.

32 Entre autres: APCE, Résolution 745 (1981) sur l'adhésion des Communautés européennes à la Convention des Droits de l'Homme ; APCE, Résolution 1068(1995) relative à l'adhésion de la Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l'homme

33 CJCE, avis 2/94, 28 avr. 1996, Adhésion à la CEDH : Rec. CJCE 1996, I, p. 1759

34 supra note 2, DOLLAT, point 1123

35 RENUCCI, Jean-François, L'Union européenne : futur justiciable de la Cour européenne, Les Petites Affiches, 2 mars 2006, n°44, p.41

36 ibid

37 Conseil de l'Union européenne, Adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 6180/10, LIMITE, CATS14, JAI114, COHOM26, DROIPEN14, Bruxelles, 8 février 2010 (10.02) (OR. en)

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Le Traité de Lisbonne, issu de l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, a permis de remettre à l'ordre du jour la question de l'adhésion de l'Union à la Convention. C'est notamment « sous l'influence de l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux que la question de l'adhésion est revenue à l'ordre du jour européen »38. L'idée de l'adhésion de l'Union à la Convention a été relancée par la Finlande en 200039. Dès 2001, le Comité directeur pour les droits de l'homme était chargé d'étudier les implications juridiques d'une telle adhésion40. En 2005, la Commission indiquait que « l'adhésion à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales renforcera l'engagement européen de protéger les droits de l'homme, en introduisant un contrôle juridictionnel externe du respect des droits fondamentaux par l'Union européenne »41.

Pourtant, la distinction était que « deux voies s'ouvraient pour assujettir la Communauté au respect des droits fondamentaux »42. La première voie était l'ajout d'un catalogue des droits fondamentaux aux traités communautaires, la seconde l'adhésion à la Convention. Le Traité de Lisbonne ne tranche pas entre ces deux possibilités mais les cumuls. Ainsi, il intègre la Charte et prévoit l'adhésion de l'Union à la Convention au sein d'un seul et même article, l'article 6 TUE.

L'adhésion de l'Union à la Convention est restée d'actualité car son absence en tant que Haute Partie à la Convention projette une image négative de la protection des droits de l'Homme par l'Union, d'autant plus que les Etats candidats à l'adhésion de l'Union doivent au préalable faire partie de la Convention et que l'Union intègre dans ses accords multilatéraux avec les Etats tiers des clauses sur le respect des droits de l'Homme.

En outre, cette non-adhésion provoque des distorsions de droit entre les deux organisations européennes et entre l'Union et ses Etats membres. La protection même des droits de l'Homme est remise en cause puisque les deux Cours européennes pourraient avoir des discordances jurisprudentielles sur certains points des droits fondamentaux. Enfin, les violations des droits de l'Homme par le droit de l'Union ne peuvent être pleinement contrôlées et les

38 IMBERT, Pierre-Henri, De l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH - symposium des Juges au Château de Bourglinster - 16 septembre 2002, Droits fondamentaux, n°2, janvier-décembre 2002, p11-19, p11

39 Conférence des représentants des gouvernements des Etats membres, CIG 2000 : Compétence pour adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, Délégation finlandaise, CONFER4775/00, LIMITE, Bruxelles, 22 septembre 2000 (28.09) (OR. En)

40 op. cit. IMBERT

41 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen établissant pour 2007-2013 un programme-cadre « droits fondamentaux et justice », 6 avril 2005, COM(2005)122 final, p4

42 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.47

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modifications du droit de l'Union restent difficilement réalisables par la condamnation d'un Etat membre et non de l'Union.

« Ainsi que le fait remarquer l'Assemblée, « les lacunes les plus graves sont constatées dans les institutions de l'Union européenne elle-même : il s'agit des seules autorités publiques actives dans les Etats membres du Conseil de l'Europe qui échappent à la juridiction de la Cour européenne des Droits

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de l'Homme [...] » ».

Mais cette double approche de la protection des droits de l'Homme dans l'Union, avec la Charte et l'adhésion à la Convention, n'est pas sans posée des difficultés. « De ce foisonnement ressortent des relations complexes entre les deux droits européens en présence »44.

Comment les deux ordres européens vont-ils pouvoir co-exister ? Le Conseil de l'Europe doit faire face à la concurrence de l'Union, d'autant plus que le territoire de celle-ci tant à s'élargir au fur et à mesure des nouvelles adhésions45. L'adhésion de l'Union à la Convention permettrait de renforcer les liens entre les deux organisations et de permettre une coopération entre les différentes institutions.

Comment l'Union pourra-t-elle concilier l'application de deux normes de protection des droits de l'Homme ? « La multiplication des textes, au même titre que l'inflation législative, peut nuire à la qualité et à l'applicabilité de l'ensemble »46, d'autant plus lorsque ce domaine d'action est déjà couvert par une organisation qui a prouvé sa capacité de protection. « Les risques résultant d'une protection à géométrie variable et de la coexistence de deux mécanismes parallèles de protection des droits et libertés ne doivent pas être sous-estimés »47.

Face également aux difficultés qu'engendrerait une telle adhésion, l'on peut se demander « si le jeu en vaut la chandelle »48 ? En effet, l'adhésion de l'Union à la Convention permettra-t-elle un renforcement de la protection des droits fondamentaux des citoyens de l'Union ?

43 Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Adhésion de l'Union européenne/Communauté européenne à la Convention européenne des Droits de l'Homme, doc.11533, 18 mars 2008, 38p, p.7

44 supra note 42., GAUTRON, p.26

45 supra note 11, fascicule 6100, point 46

46 BLUMANN, Claude, Citoyenneté européenne et droits fondamentaux en droit de l'Union européenne : entre concurrence et complémentarité, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.265, p.274

47 supra note 26, BERTONCINI et al., p.127

48 CHALTIEL, Florence, L'Union européenne doit-elle adhérer à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ?, Revue du Marché Commun et de l'Union Européenne, 1 janvier 1997, n°404, p.34-50, p.47

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Des incertitudes quant à l'utilité d'une telle adhésion, au moment où l'Union se dote d'un instrument de protection des droits de l'Homme, ont été soulevées [Partie 1]. D'autant plus que les modalités de l'adhésion et les répercutions sur les deux organisations européennes, l'Union et le Conseil de l'Europe, risquent de déstabiliser le système de protection mis patiemment en place en Europe depuis soixante ans [Partie 2].

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Partie 1. Le contrôle de la conformité des actes de l'Union vis-à-vis des droits fondamentaux

En 2000, l'Union s'est dotée d'un instrument de protection des droits de l'Homme, la Charte. Cette dernière est entrée en vigueur le 1er décembre 2009 et est opposable aux institutions de l'Union et aux Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. La Charte devrait donc permettre une valorisation des droits fondamentaux au sein de l'Union et une protection des droits des citoyens de l'Union [Titre 2].

Mais la mise en oeuvre de cette Charte a été précédée de la volonté des deux Cours européennes de protéger les droits de l'Homme. Ainsi, une véritable appropriation de la Convention par la Cour de Luxembourg avait eu lieu, tandis que la Cour de Strasbourg s'efforçait, par des moyens détournés, d'appliquer la Convention aux actes de l'Union [Titre 1].

Titre 1. L'application de la Convention aux actes de l'Union

Bien que l'Union ne soit pas partie à la Convention, cette dernière a une influence très forte sur la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. Très rapidement, elle a fait de la Convention l'un de ses éléments principaux pour la protection des droits fondamentaux [Chapitre 1].

Cependant, la Cour de Strasbourg a également cherché, via l'application aux Etats membres, à appliquer la Convention aux actes de l'Union [Chapitre 2].

Chapitre 1. L'influence de la Convention sur le contrôle de la Cour de Luxembourg

L'influence de la Convention s'est effectuée à travers la création des principes généraux du droit. Ces principes ont permis à la Cour de Luxembourg de dégager des règles applicables à l'Union, notamment dans le domaine de la protection des droits de l'Homme.

Poussée par les juridictions suprêmes nationales [Section 1], la Cour de Luxembourg a progressivement créé un corpus de règles de protection des droits de l'Homme au sein de l'Union [Section 2].

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Section 1. La protection des droits de l'Homme au sein de l'Union : volonté des juridictions suprêmes nationales

Bien que la Cour de Luxembourg ait affirmé dans l'arrêt Flaminio Costa c/ E.N.E.L.49 que « la primauté du droit communautaire constituait une « exigence existentielle » à l'uniformité, et partant, à la pérennité de l'ordre juridique nouvellement créé »50, les Cours constitutionnelles, souveraines dans leurs Etats respectifs, rejetteront la primauté du droit de l'Union sur les Constitutions nationales51.

Le contentieux qui naîtra sur la question de savoir si le droit dérivé communautaire était constitutionnel n'avait pour fin que de créer un « contentieux dissuasif »52. Les Cours constitutionnelles souhaitaient s'assurer que les institutions communautaires, puis de l'Union, « respectent les droits fondamentaux protégés par les constitutions nationales et, d'autre part, qu'elles n'empiètent pas sur les compétences des Etats membres »53.

Il est à noter qu'à l'origine seules les Cours constitutionnelles allemandes et italiennes exerçaient un contrôle de constitutionnalité du droit dérivé communautaire visant à vérifier le respect des droits fondamentaux reconnus par leurs Constitutions nationales respectives. « La Cour constitutionnelle allemande entendait inciter ou « stimul[er] » ces institutions [communautaires] à progresser dans la voie de la protection des droits fondamentaux »54.

Ainsi, les réserves de constitutionnalité ont pour objectif de faire en sorte que les institutions de l'Union

« garantissent toujours mieux les droits fondamentaux et, d'autre part, de leur interdire tout relâchement en ce domaine si sensible. C'est la raison pour laquelle les réserves de constitutionnalité nous paraissent politiquement nécessaires, même si elles sont indiscutablement contraires au droit de l'Union européenne »55.

Par l'arrêt Frontini et Pozzani56, la Cour constitutionnelle italienne a relevé une réserve de constitutionnalité, qui demeure cependant improbable.

« Selon cet arrêt, la constitutionnalité du droit dérivé ne pourrait, en effet, être contrôlée que dans l'hypothèse où les institutions communautaires retiendraient une interprétation « aberrante de l'article [249 CE (devenu 288 TFUE)] » de nature à

49 CJCE, 15 juillet 1964, Flaminio Costa c/ E.N.E.L., aff. 6/64, Rec. p.1154, points 1158 à 1160

50 COUTRON Laurent, La contestation incidente des actes de l'Union européenne, Thèses, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 872p, p.278

51 à l'exception du Luxembourg et des Pays-Bas ; op.cit. COUTRON, p.278

52 op.cit. COUTRON, p.279

53 ibid

54 ibid, p.279-280

55 ibid., p.281

56 Cour constitutionnelle italienne, 27 décembre 1973, n°183, Frontini et Pozzani, RTDE, 1974, p.148

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« violer les principes fondamentaux de [l']ordre juridique constitutionnel ou les droits inaliénables de la personne humaine » »57.

Mais c'est surtout l'arrêt Solange58, de 1974, de la Cour constitutionnelle allemande qui a eu un impact sur la conception de la protection des droits de l'Homme par la Cour de Luxembourg. Par cet arrêt, la Cour constitutionnelle allemande « réserve son contrôle ultime sur les actes du droit communautaire « aussi longtemps » que la Communauté ne se serait pas dotée d'une déclaration de droits équivalente au niveau de protection garanti par la loi fondamentale allemande »59.

Suite à l'évolution jurisprudentielle de la Cour de Luxembourg en matière de protection des droits de l'Homme, La Cour constitutionnelle allemande précisera en 198660 « qu'au fond, il n'existait aucun problème relatif aux droits fondamentaux »61. En 200062, elle évoquera le fait que la protection des droits de l'Homme n'est pas identique entre l'Allemagne et l'Union mais que cette dernière permet la protection d'un standard européen de droits fondamentaux63.

Les Cours constitutionnelles des autres Etats membres ont imité les Cours constitutionnelles allemande et italienne en posant des réserves de constitutionnalité. Mais aujourd'hui, le but n'est plus de faire en sorte que les institutions communautaires respectent les droits fondamentaux. Par sa déclaration du 13 décembre 200464, le Tribunal constitutionnel espagnol entend « se prémunir contre une éventuelle déviance dans le comportement des institutions de l'Union »65.

Relevons que, en Allemagne, Italie et Espagne, « la mise en oeuvre de la réserve ne repose [donc] pas sur la spécificité du droit fondamental prétendument méconnu par l'acte de droit dérivé »66 mais sur la capacité de l'Union à protéger les droits fondamentaux. « Il s'ensuit que la cour constitutionnelle peut, théoriquement, s'assurer que la Cour de justice garantit effectivement le respect d'un droit consacré à la fois par le droit de l'Union européenne et par le

57 supra note 50, COUTRON, p.284

58 Cour constitutionnelle de Karlsruhe, 29 mars 1974, dit Solange I, B. Verf. GE, 37, p.271, RTDE 1974, p.316

59 PESCATORE, Pierre, La coopération entre la Cour communautaire, les juridictions nationales et la Cour européenne des droits de l'homme dans la protection des droits fondamentaux : enquête sur un problème virtuel, Revue du marché commun de l'Union européenne, n°466, mars 2003, p.151-159, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.865, p.871

60 Cour constitutionnelle de Karlsruhe, 22 oct. 1986, BverfGE 73, Solange II : RTDE 1987, p. 537

61 op.cit. PESCATORE, p.871

62 Cour constitutionnelle de Karlsruhe (2ème chambre), 7 juin 2000, 2 BvL 1/97

63 CHALTIEL, Florence, Le Traité de Lisbonne devant la Cour constitutionnelle allemande : conformité et démocratie européenne (A propos de la décision du 30 juin 2009), Les Petites Affiches, 23 juillet 2009, n°146, p.4

64 déclaration du Tribunal constitutionnel, 13 décembre 2004, DTC n°1/2004

65 op.cit. COUTRON, p.285

66 ibid., p.289

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droit constitutionnel »67. La Cour constitutionnelle allemande se réserve ainsi le droit d'effectuer un second contrôle après celui réalisé par la Cour de Luxembourg, alors même que cette dernière « se considère seule compétence pour contrôler la validité des actes européens »68.

Les Cours constitutionnelles continuent ainsi de faire « planer une sorte d'épée de Damoclès sur la production normative de l'Union européenne, [...] [et] incitent fortement les institutions européennes à garantir toujours mieux les droits fondamentaux »69.

Cette pression des juridictions nationales a permis à la Cour de Luxembourg de prendre toute la mesure des compétences qui lui étaient conférées pour la protection des droits de l'Homme dans l'Union.

Section 2. La Convention comme source privilégiée de la Cour de Luxembourg pour la protection des droits de l'Homme

« Les principes généraux du droit sont des règles de droit non écrites, d'origine jurisprudentielle, dont l'autorité se rapproche de celle du droit primaire »70. En effet, les principes généraux sont hiérarchiquement supérieurs au droit dérivé de l'Union. De plus, ils s'appliquent aux Etats membres lorsque ces derniers exercent une action dans le champ du droit de l'Union, notamment lorsqu'ils le mettent en oeuvre71.

La Cour de Luxembourg a développé spécifiquement les principes généraux du droit de l'Union dont le but de pallier le déficit des normes de protection des droits de l'Homme existant au sein du droit primaire. Elle s'est alors inspirée des traités constitutifs de l'Union, du droit international et des principes communs aux Etats membres. « Pour autant, la Cour n'est pas l'auteur de ces principes : elle les constate, elle les formule et elle en sanctionne le respect »72.

67 supra note 50, COUTRON, p.289

68 VAN DER JEUGHT, Stefaan, Le Traité de Lisbonne et la Cour de justice de l'Union européenne, Journal de droit européen, 1 décembre 2009, n°164, p.297-303, p.300

69 op.cit. COUTRON, p.296

70 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p, point 615

71 COSTA, Jean-Paul, La Cour européenne des droits de l'Homme : vers un ordre juridique européen ?, in « Mélange en l'hommage à Louis Edmond Pettiti », Bruyant, Bruxelles, 1998, 791p, p.197, p.215

72 op. cit., DOLLAT, point 615

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Dans un premier temps, la Cour de Luxembourg a refusé, au nom du principe de l'autonomie du droit de l'Union, de contrôler la légalité des actes communautaires au regard des droits fondamentaux garantis par les Constitutions nationales73.

Cependant, « cette solution risquait d'associer l'intégration communautaire à un affaiblissement des droits de la personne et à une remise en cause de la protection offerte par la convention européenne des droits de l'homme »74.

Dès 196975, la Cour de Luxembourg revient donc sur sa jurisprudence de 1959 et « reconnaît que les droits fondamentaux font partie du droit communautaire en tant que principes généraux du droit »76. L'année suivante, elle précise dans l'affaire Internationale Handelsgesellschaft

« qu'en effet, le respect des droits fondamentaux fait partie intégrante des principes généraux du droit dont la Cour de justice assure le respect ; que la sauvegarde de ces droits, tout en s'inspirant des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, doit être assurée dans le cadre de la structure

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et des objectifs de la Communauté ».

Mais la Cour de Luxembourg ne se contente pas de se référer aux traditions constitutionnelles communes aux Etats membres pour revendiquer les principes généraux du droit de l'Union.

Ainsi, en 1974, elle considère « que les instruments internationaux concernant la protection des droits de l'Homme auxquels les Etats membres ont coopéré ou adhéré peuvent également fournir des indications dont il convient de tenir compte dans le cadre du droit communautaire »78.

L'année suivante, la Cour de Luxembourg se réfère explicitement à la Convention79. La mention expresse de la Convention s'explique par la ratification de la Convention par la France le 3 mai 1975. Tous les Etats membres étant enfin soumis à la Convention, cette dernière pouvait être invoquée par la Cour de Luxembourg.

« La Cour de justice a par la suite préféré recourir à la Convention plutôt qu'aux traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, vu la difficulté d'apprécier la

73 CJCE, 4 février 1959, Stork c/ Haute Autorité de la CECA, aff. 1/58, Rec. 1948

74 supra note 70, DOLLAT, point 166

75 CJCE, 12 novembre 1969, Stauder c/ Ville d'Ulm, aff. 26/69, Rec. p.419

76 op. cit. DOLLAT, point 167

77 CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70, Rec.CJCE 1970 p.1125

78 CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73, Rec. CJCE 1974 p.491

79 CJCE, 28 octobre 1975, Rutili, aff. 36/75, Rec.CJCE 1975, p.1219

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généralité et le caractère commun de ces dernières »80. Mais l'on peut également considérer que tous les Etats membres étant soumis à la Convention, cette dernière entre dans le champ des traditions communes aux Etats membres. Ainsi, « la Cour n'a jamais justifié juridiquement son utilisation de la Convention européenne des droits de l'homme »81.

L'importance que prendra la Convention au sein de la jurisprudence de protection des droits de l'Homme de la Cour de Luxembourg conduira le professeur Cohen-Jonathan à indiquer qu'elle constitue « l'épine dorsale de l'ordre normatif européen »82. En effet, la Cour de Luxembourg a reconnu de nombreux droits, au travers de l'application de la Convention. Les principes généraux du droit qui ont été relevés ne se limitent pas aux traditionnels droits tels que le droit de propriété83 ou le droit au respect de la vie privée84, mais sont également liés aux droits procéduraux tels que le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable85 et le droit à la présomption d'innocence86.

Avec l'arrêt Krombach87, la Cour de Luxembourg instaure une protection des droits de l'Homme en matière d'exécution réciproque des décisions judiciaires qui va au-delà de celle élaborée par la Cour de Strasbourg. En premier lieu, « il résulte [...] de la jurisprudence communautaire que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte contre une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire »88. Les Etats ont le droit de ne pas appliquer une décision de justice étrangère si les droits de la défense, telles qu'interprétés par l'article 6 de la Convention, ont été violés de façon flagrante ou manifeste. La Cour de Luxembourg a jugé dans l'affaire Krombach que la prise en compte de la violation des principes fondamentaux du procès équitable ne devait pas être atténuée par le fait que l'affaire portée sur une action indemnitaire89. La position de la Cour de Luxembourg a été confortée par la suite par la Cour de Strasbourg90.

80 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.46

81 RIDEAU, Joël, La coexistence des systèmes de protection des droits fondamentaux dans la Communauté européenne et ses Etats membres, Annuaire international de justice constitutionnelle, 1991, p11, p.28

82 COHEN-JONATHAN (G.), Aspects européens des droits fondamentaux, Paris,Montchrestien, coll.Préparation au CRFPA, 3ème édition, 2002, p. 204.

83 CJCE, 13 décembre 1979, Hauer, aff. 44/79, Rec.CJCE 1979, p. 3727

84 CJCE, 26 juin 1980, National Panasonic, aff. 136/79, Rec. 2033

85 CJCE, 17 décembre 1998, Baustahhlgewebe GmbH c/ Commission, aff. C-185/95 P

86 CJCE, 8 juillet 1999, Montecatini SpA c/ Commission, C-235/92 P

87 CJCE, 28 mars 2000, Krombach, aff. C-7/98

88 JurisClasseur Europe Traité, Fascicule 452 : Ordre public et droit communautaire, mise à jour 27 juin 2002, point 33

89 ibid., point 36

90 Cour EDH, 13 févr. 2001 : RTDH 2001, p. 802, chron. F. Sudre

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Ainsi, « l'avocat général Jacobs assure même que « la convention peut être considérée à des fins pratiques, comme faisant partie du droit communautaire » »91. Le Traité de Lisbonne confirme l'importance donnée à la Convention, indiquant à l'article 6 §3 TUE que « l'ensemble des droits de le CEDH est garanti dans l'Union en tant que principes généraux »92. Notons que le TUE indique désormais la formulation « principes généraux » et non plus « principes généraux du droit communautaire » ce qui « pourrait indiquer un ancrage encore plus solide des droits fondamentaux non écrits dans le droit de l'Union »93.

Cependant, la Cour de Luxembourg se doit de rester dans la limite de ses compétences. Ainsi, « le contrôle du respect des droits de la personne dans les domaines qui ne relèvent pas du droit communautaire »94 reste à la charge des juges nationaux et de la Cour de Strasbourg.

Cette autolimitation s'expliquerait également par la vocation principalement économique de l'Union95. L'application des principes généraux du droit et la protection des droits fondamentaux par la Cour de Luxembourg sont limités par les intérêts communautaires, et donc économique pour la plupart.

La Cour de Luxembourg a ainsi toujours admis que des restrictions aux droits fondamentaux pouvaient être apportées pour permettre la réalisation des objectifs de l'Union, notamment la création d'un marché commun96. « Les fondements de la construction européenne ne sont donc pas toujours compatibles avec une protection optimale des droits fondamentaux »97. En outre, l'extension des compétences de l'Union dans des domaines non économique conduirait à une restriction de la protection de certains droits98. De plus, l'Union n'étant pas liée à la Convention, la Cour de Luxembourg peut sélectionner les droits reconnus par la Convention99.

91 GERKRATH, Jorg, Les principes généraux du droit ont-ils encore un avenir en tant qu'instruments de protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne ?, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.31-43, p.35

92 ANGEL Benjamin, CHALTIEL-TERRAL Florence, Quelle Europe après le traité de Lisbonne ? Bruyant, LGDJ, Montchrestien, Lextenso éditions, 2008, 195p, p.138

93 op.cit. GERKRATH, p.38

94 supra note 70, DOLLAT, point 168

95 REDOR, Marie-Joëlle, La vocation de l'Union européenne à protéger les droits fondamentaux, in LECLERC, Stéphane, AKANDJI-KOMBE, Jean François et REDOR, Marie-Joëlle, L'Union européenne et les droits fondamentaux, CRDF Université de Caen, Bruyant, 1999, 235p, p.13, p.23

96 ibid, p.24

97 ibid, p.25

98 ibid.

99 COHEN-JONATHAN, Gérard et FLAUSS, Jean-François, De l'office de la Convention européenne des droits de l'Homme dans la protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne : l'arrêt Matthews contre Royaume-Uni du 18 février 1999, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 novembre 1999, n°7-9, p253-262, p.254

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Mais quel sera l'avenir des principes généraux du droit élaborés par la Cour de Luxembourg après la consécration de la Charte ?

Certains auteurs, tel que Frédéric Sudre et Jean-François Flauss, considèrent que les principes généraux du droit de l'Union ont déjà été abandonnés par la Cour de Luxembourg au profit de nouveaux instruments de protection100. Dès 2002, l'on indiquait que les « principes généraux du droit communautaire serait la marque d'une époque aujourd'hui dépassée »101.

Pourtant, le TUE, à son article 6§3, consacre toujours ces principes comme faisant « partie du droit de l'Union ». La Charte n'a donc pas eu pour résultat de faire « disparaître la nécessité de protéger les droits fondamentaux par le jeu des principes généraux »102. En effet, la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, tout comme celle de la Cour de Strasbourg relative à la Convention, permettra de faire évoluer la Charte, et ainsi les droits fondamentaux, en fonction de la société. La « cristallisation »103 des droits fondamentaux dans la Charte sera ainsi évitée.

En outre, l'approche de la cour de Luxembourg vis-à-vis du droit de l'Union et des droits fondamentaux laisse prévoir que le juge « ne renoncera pas à son rôle créateur en matière de droits fondamentaux »104. Le juge pourra ainsi reconnaître de nouveaux droits sur la base de l'évolution des traditions constitutionnelles nationales et de l'interprétation constructive de la Convention105. Les principes généraux ont ainsi l'avantage d'être plus flexibles dans leur création. Les droits sont ainsi plus rapidement consacrés par le juge que par les Etats106.

« Compte tenu du fait que la Charte codifie, entre autres, des droits qui résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ainsi que de la CEDH et que ces deux sources inspirent encore les principes généraux du droit dont la Cour assure le respect, on peut s'attendre à une interaction féconde des différentes sources matérielles »107.

100 supra note 91, GERKRATH, p.34

Mais, « le juge communautaire pourrait se sentir « lié » par un texte dévolu aux droits et libertés et perdre une part de sa légitimité à faire oeuvre prétorienne en la matière »108. Dans ce cas, les droits fondamentaux auraient été figés par la Charte. « L'espace subsistant pour une

101 DUBOUIS, Louis, Les principes généraux du droit communautaire, un instrument périmé de protection des droits fondamentaux ?, in « Les mutations contemporaines du droit public - mélanges en l'honneur de Benoit Jeanneau », Dalloz, 2002, p77, 720p, p.78

102 KAUFF-GAZIN, Fabienne, Les droits fondamentaux dans le traité de Lisbonne : un bilan contrasté, Europe, n°7, juillet 2008, dossier 5

103 ibid.

104 ibid.

105 JACQUE, Jean-Paul, Le Traité de Lisbonne - une vue cavalière, Revue trimestrielle de droit européen, 2008,

p.439

106 op.cit. DUBOUIS, p.90

107 op.cit. GERKRATH, p.32

108 CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501, p.506

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protection juridictionnelle des droits fondamentaux sera limité. Il ne sera pas inexistant pour autant. [...] La protection des droits fondamentaux bénéficiera ainsi d'un précieux filet de sécurité »109.

Pour autant, c'est la Charte qui est consacrée comme base de protection des droits fondamentaux au sein de l'Union, les principes généraux du droit n'étant qu'une « source subsidiaire et complémentaire »110.

En outre, la Convention elle-même est reconnue par le Traité et l'adhésion prochaine de l'Union à la Convention permettra une application directe de cette dernière par le juge de la Cour de Luxembourg, sans la nécessité de passer par la création de principes généraux.

Par sa jurisprudence des principes généraux du droit, la Cour de Luxembourg se contentait de suivre les préceptes d'autres juridictions et d'appliquer les normes d'autres institutions ou de ses Etats membres. Cette conception des droits fondamentaux conduisait l'Union à être condamnée « à un suivisme permanent, par rapport à [ses] mentors »111 ce qui ne pouvait être suffisant pour une organisation ayant pour inspiration de se développer sur la scène internationale et politique.

En outre, la Cour de Luxembourg ne pouvait dégager ces principes généraux qu'en se basant sur des affaires qui lui étaient soumises au préalable.

Enfin, bien que les principes généraux permettent de s'adapter à la société et de revendiquer des droits plus rapidement, ils ne vont pas forcément renforcer la sécurité juridique des individus112.

Comme le précise la professeur Marie-Joëlle Redor, la Cour de Luxembourg a développé les principes généraux du droit dans le but de renforcer le droit de l'Union et son applicabilité par les Etats membres, l'objectif de renforcement de la protection des droits fondamentaux n'étant certainement que secondaire113.

La jurisprudence de la Cour de Luxembourg a ainsi permis d'instaurer au sein de l'Union une protection des droits de l'Homme basée sur la création prétorienne des principes généraux du droit de l'Union. Même si « l'Union européenne ne constitue pas une organisation

109 supra note 91 GERKRATH, p.43

110 supra note 102, KAUFF-GAZIN

111 BLUMANN, Claude, Les compétences de l'Union européenne en matière de droits de l'Homme, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.11-30, p.11

112 PICHERAL, Caroline, Droit institutionnel de l'Union européenne, université droit, Ellipses, 2006, 336p, p.87

113 supra note 95, REDOR, p.21

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internationale de défense des droits de l'homme en tant que telle. La protection des droits de l'homme constitue une mission essentielle, mais non exclusive, pour cette organisation »114.

Mais la Cour de Luxembourg n'est pas la seule à se demander la place de la Convention dans l'ordre juridique communautaire. En effet, la Cour de Strasbourg s'interroge également de connaître l'application de la Convention à l'Union.

Chapitre 2. L'application indirecte de la Convention aux actes de l'Union par la Cour de Strasbourg

Bien que la Cour de Strasbourg ait cherché à appliquer la Convention aux actes de l'Union, elle a toujours refusé de considérer que l'Union était partie à la Convention (Section 1) et a contrôlé le respect de cette dernière sur les actes des Etats membres (Section 2).

Section 1. Le rejet par la Cour de Strasbourg de la doctrine de la succession

La doctrine de la succession a été développée dans un premier temps dans le cadre de la succession territoriale mais « s'étend, par l'identité de motifs, à une situation caractérisée par le fait que plusieurs Etats fusionnent certaines de leurs compétences en vue de les exercer désormais en commun »115.

Pierre Pescatore, ancien juge à la Cour de justice des Communautés européennes, s'est posé alors

« la question de savoir si, en vertu de la doctrine de succession d'États, la Communauté n'avait pas été subrogée de plein droit dans les obligations des Etats membres découlant de la Convention européenne des droits de l'Homme,

116

dans toute la mesure des compétences transférées à la Communauté ».

La question se posait d'autant plus que la Cour de Luxembourg avait accepté une telle approche concernant l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce117. « Ainsi, toutes les compétences concédées aux Communautés européennes restent justiciables de la Convention

114 LE BOT, Olivier, Charte de l'Union européenne et Convention de sauvegarde de l'Homme : la coexistence de deux catalogues de droits fondamentaux, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, n°55/2003, p.781-811, p.810

115 supra note 59, PESCATORE, p.881

116 ibid., p.731

117 CJCE, 12 décembre 1972, international fruit cy., aff. jointes 21 à 24/72

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européenne des droits de l'Homme dans les termes mêmes qui leur étaient précédemment applicables »118.

Durant un temps, la Commission elle-même avait soutenu cette approche. Elle s'est cependant rattachée au point de vue du Parlement européen concernant l'adhésion de l'Union à la Convention dans son mémorandum du 4 avril 1979119.

L'Union a été fondée par des Etats ayant des principes communs, et notamment le respect de la Convention, la France ayant ratifiée la Convention en 1975 rappelons le. Le transfert de compétences et de pouvoirs à l'Union n'a cependant pas eu pour objet de « libérer ces pouvoirs, ni à l'égard d'Etats tiers, ni à l'égard de leurs propres sujets, des contraintes et contrôles résultant de la Convention européenne des Droits de l'Homme »120.

Ainsi, « la Communauté européenne, comme institution commune à plusieurs Etats parties à la Convention, se situe nécessairement dans la même mouvance politique et juridique. Elle est liée à l'observation de la Convention au même titre que les Etats qui l'ont instituée »121. La Cour de Luxembourg est alors une juridiction de droit interne qui a obligation d'appliquer la Convention.

« Il s'agit là, en réalité, d'une manifestation de l'effet de succession reconnu en droit international, sauf que nous avons affaire ici à une succession ni territoriale, ni générale, mais à une succession fonctionnelle et limitée ; [...] ; à l'instar des Etats membres qui sont à l'origine de ce transfert, elle doit exercer ses prérogatives dans le respect des contraintes résultant de la Convention des Droits de l'Homme, tout comme elle doit aussi respecter les valeurs inhérentes aux traditions constitutionnelles communes aux Etats membres »122.

« On adhère pas à ce qui est déjà en vigueur »123, l'Union étant liée directement à la Convention par les compétences qui lui avaient été transférées.

En outre, le Traité de Maastricht lui-même a permis aux Etats membres de reconnaître « sans le savoir cet état de choses »124 en indiquant à son article F.2 que « l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention », ce qui renvoie à la Convention et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

118 supra note 59. PESCATORE,, p.881

119 PESCATORE, Pierre, La Cour de justice des Communautés européennes et la Convention européenne des droits de l'homme, Protection des droits de l'homme : la dimension européenne, Mélanges Gérard J. WIARDA, Heymanns Verlag, Koln, 1988, p.441-455, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.731, p.744

120 ibid., p.742

121 ibid.

122 ibid., p.742-743

123 ibid., p.733

124 ibid., p.881

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« La Cour de Strasbourg, par une déférence mal placée ou par son ignorance des règles du droit international en matière de succession d'Etats, n'a pas tiré jusqu'ici la même conséquence »125, certains auteurs indiquant que la Cour de Strasbourg ne serait pas familière du droit international126. Pourtant, dans l'arrêt Matthews, la Cour de Strasbourg indique que la « Convention n'exclut pas le transfert de compétences à des organisations internationales, pourvu que les droits garantis par la Convention continuent d'être reconnus. Pareil transfert ne fait donc pas disparaître la responsabilité des Etats membres »127. En outre, la Cour de Strasbourg a déjà appliqué les règles de droit international général, notamment pour déterminer la règle de l'épuisement des voies de recours internes128.

Mais la Cour de Strasbourg ne reconnaît pas l'applicabilité directe de la Convention à l'Union. Sans cette reconnaissance de compétence, la doctrine de succession ne peut s'appliquer. En effet, c'est la Cour de Strasbourg « qui, à l'égal de toute juridiction internationale, est souveraine dans la détermination de sa propre compétence, ce que dit explicitement l'article 32 de la Convention. C'est donc à Strasbourg que se trouve la clé de la solution »129.

Ainsi, bien que la doctrine de la succession d'État soit applicable à la relation de l'Union avec la Convention, « personne ne veut explorer la piste »130, comme l'affaire CFDT131 le démontre. Les lacunes de la protection des droits de l'Homme, et d'un système de protection à multiples niveaux, ont alors été mises à jour. En effet, les trois juridictions qui ont été saisies ; nationale, communautaire et européenne ; se déclarent incompétentes pour connaître de cette affaire. « Le Conseil d'État français n'y est pour rien, sa décision est irréprochable. Quant à la Cour communautaire, elle n'aurait pu éviter l'irrecevabilité qu'au prix d'une jurisprudence hardie, que d'aucun, à coup sur, lui auraient reproché comme « gouvernement des juges » »132. C'est donc l'appréciation que la Commission des Droits de l'Homme du Conseil de l'Europe qui est remise en cause, celle-ci refusant de reconnaître l'effet de succession. Selon Pescatore, la Cour de Strasbourg

« n'a pas aperçu cet effet de succession ; elle a méconnu le fait que la Communauté
est liée par la Convention en tant qu'institution commune, créée par des Etats parties

125 supra note 59, PESCATORE, p.882

126 FLAUSS, Jean-François, Le droit international général dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, in COHEN-JONATHAN, Gérard et FLAUSS, Jean-François, Droit international, droits de l'Homme et juridictions internationales, collection droit et justice 55, Bruyant et Nemesis, 2004, 152p, p.73, p.75

127 CEDH, 18 février 1999, Matthews c/ Royaume-Uni, req. N°24833/94, Rec. 1999-I, §32

128 op.cit. FLAUSS, p.93

129 op.cit. PESCATORE, p.882

130 supra note 119, PESCATORE, p.731

131 CommissionEDH, n°8030/77, CFDT c. Communautés européennes, décision du 10 juillet 1978, D.R. 13, p.231

132 op. cit. PESCATORE, p.741

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à celle-ci ; elle a failli à son devoir de protection en ignorant que le transfert de juridiction, des Etats parties à un autre sujet de droit, n'a pas pu détériorer la position des personnes protégées par la Convention »133.

La question de l'adhésion de l'Union à la Convention est alors « ce que l'on appelle, par une expression bien française : un « faux problème » »134 qui ne serait qu'un « exercice superflu »135 et qui n'aboutirait « qu'à semer la confusion »136.

En effet, bien que la Cour de Luxembourg n'ait pas indiqué la base juridique de sa reconnaissance, il est évident, comme sa jurisprudence le démontre, qu'elle considère que la Convention s'applique à l'Union.

En outre, l'application de la Convention par l'Union aurait pu être accentuée par le passé, sans passer par une adhésion. Le Conseil aurait pu, comme l'indique M. Pescatore dès 1988, reconnaître « le droit de recours individuel, en vertu de l'article 25, et la juridiction de la Cour des droits de l'Homme en vertu de l'article 46 : il suffirait de vouloir »137.

Si la Convention pouvait être appliquée, de droit, à l'Union, dans ce cas pourquoi se poser la question d'une adhésion qui, comme nous allons le voir, posera de multiples difficultés ?

En outre, l'Union démontre déjà son intérêt pour la protection des droits de l'Homme, tant dans sa politique interne qu'externe. « Il n'existe pas, dans la Communauté européenne, de problème réel concernant les droits de l'homme et, qu'en tout cas, les principes du système permettraient d'y faire face, ce que la jurisprudence a amplement démontré »138.

L'adhésion de l'Union à la Convention semble n'être alors basée que sur un motif politique, permettant de donner une image forte de protection des droits de l'Homme au sein de l'Union, notamment par le fait que la légitimité de cette protection sera assurée par un organe externe à l'Union qui a déjà prouvé sa capacité à renforcer les droits de l'Homme sur le continent européen. L'adhésion de l'Union permettra donc d' « améliorer l'image de la Communauté et

[d'] imposer à ses organes, comme aux Etats membres, le respect des libertés fondamentales comme critère des démocraties européennes »139. A l'heure où l'Union cherche à se doter d'une

133 supra note 119, PESCATORE, p.743

134 ibid

135 ibid, p.745

136 ibid.

137 ibid., p.746

138 PESCATORE, Pierre, Les droits de l'homme et l'intégration européenne, Cahiers de droit européen, Bruyant, 1968, p.629-673, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.127, p.127

139 supra note 80, GAUTRON, p.48

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force politique sur la scène internationale, cette adhésion ne pourra que renforcer sa parole concernant la protection des droits de l'Homme.

En effet, l'Union

« devrait pouvoir accepter que sa propre politique des Droits de l'Homme fasse l'objet de critiques dans les organisations multilatérales. L'absence de vérification systématique du respect des droits de l'Homme au sein des Etats membres a mené à une situation de « double standard » où l'UE promet une politique plus rigoureuse à l'extérieur qu'à l'intérieur de ses frontières »140.

Bien que des auteurs, et des juges de la Cour de Luxembourg, soutiennent la théorie que l'Union, par les compétences qui lui ont été dévolues, serait liée à la Convention, Denys Simon rappelle que

« en termes de rapports de systèmes, comme aurait dit Kelsen, il est clair que la Communauté européenne, n'étant pas partie à la Convention européenne des droits de l'homme, n'est pas tenue en vertu du droit international des traités de se soumettre aux obligations inscrites dans la Convention et dans ses protocoles »141.

L'Union doit donc adhérer à la Convention pour que cette dernière lui soit appliquée en son entier et non au bon désir des juges. Il ne faut pas oublier que

« lorsque certains parmi les Etats parties à une convention multilatérale (telle la Convention) mettent sur pied ultérieurement un système distinct de celui créé par le premier accord, ils demeurent responsables, vis-à-vis des autres Etats parties à la première convention, du respect des obligations assumées en vertu de celle-ci »142.

Nonobstant cette règle de droit international, « la question de savoir si un traité ayant pour objet la protection des droits fondamentaux prévaut de toute manière, en cas d'incompatibilité, sur un traité postérieur conclu entre certaines ou l'ensemble des mêmes parties contractantes »143 s'était également posée.

La Cour de Strasbourg, depuis l'arrêt Tête contre France144, a toujours insisté sur la chronologie des traités signés par les Etats, indiquant qu' « on ne saurait [...] admettre que, par le biais de transferts de compétences, les Hautes Parties contractantes puissent soustraire, du même coup, des matières normalement visées par la Convention aux garanties qui y sont édictées ». Pourtant, il est bien évident que si un État est lié par deux traités et qu'une obligation

140 BERTONCINI Yves, CHOPIN Thierry, DULPHY Anne, KAHN Sylvain et MANIGAND Christine, Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin, Paris, 2008, 489p, p.131

141 SIMON, Denys, Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : « Je t'aime, moi non plus » ?, Revue Pouvoirs, 2001/1, n°96, p31-49, p34

142 BULTRINI, Antonio, La responsabilité des Etats membres de l'Union européenne pour les violations de la Convention européenne des droits de l'Homme imputables au système communautaire, Revue trimestrielle de droit de l'Homme, 2002, p5-43, p11

143 ibid, p11

144 Commission EDH, 9 décembre 1987, Tête c/ France, req. N°11123/84, DR 54, p.53

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de l'un va à l'encontre de l'autre, l'État sera dans l'obligation d'effectuer un choix. La responsabilité de l'État pour violation d'un des deux traités sera alors engagée145.

Cette situation est d'autant plus difficile à soutenir que désormais la Cour de Strasbourg contrôle les actes des Etats membres pris sur application du droit de l'Union.

Section 2. Le contrôle des actes de mise en oeuvre du droit de l'Union par les Etats membres : l'adhésion forcée de l'Union

La certitude sur cette question est que, malgré une jurisprudence ouvrant la saisine de la Cour de Strasbourg au plus grand nombre, une requête introduite à l'encontre de l'Union ne peut pas être recevable devant la Cour de Strasbourg. En effet, l'Union n'étant pas signataire de la Convention, la Cour de Strasbourg a toujours refusé de se reconnaître une compétence ratione personae en la matière146. Cette approche est conforme à la lettre de la Convention qui dispose à son article 19 que la Cour de Strasbourg est instituée pour faire respecter la Convention aux Hautes Parties contractantes.

Pourtant dans le cadre de l'Union, la question était également de savoir, alors même que des normes naissent de l'Union et non plus des Etats, si ces derniers devaient rester responsables devant la Convention de ces normes147. La question se pose d'autant plus dans le cadre de l'Union car les normes sont désormais votées à la majorité qualifiée. Dans ce cas, peut-on rendre un Etat responsable d'un acte communautaire auquel il se serait peut-être opposé ?148

Le droit de l'Union étant appliqué et transféré au sein même des Etats membres, la Cour de Strasbourg s'est reconnue compétente pour connaître de l'application du droit de l'Union en droit interne. Sur ce point, les requêtes introduites contre les Etats membres sont donc susceptibles d'être examinées. Cette position est conforme aux règles de droit international public sur les traités successifs149. Conformément à ces règles, un Etat doit respecter les obligations nées de la signature de différents traités. La signature d'un traité ne le libère en aucun

145 supra note 142, BULTRINI, p11-12

146 Commission EDH, 10 juillet 1978, CFDT c/ Communautés européennes, DR 13, p.231

147 BENOIT-ROHMER, Florence, A propos de l'arrêt Bosphorus Air Lines du 30 juin 2005 : l'adhésion contrainte de l'Union à la Convention, Revue Trimestrielle de droits de l'Homme, 2005, n°64, 64/2005, p.827-853, p.832

148 ibid

149 article 30 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969

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cas de ses obligations liées à un traité antérieur, d'autant plus lorsque ce traité est relatif à la protection des droits de l'Homme150.

Ainsi, dans la décision Tête151, la Commission européenne des droits de l'Homme indiquait que « on ne saurait [...] admettre que par le biais de transferts de compétence, les Hautes Parties contractantes puissent soustraire, du même coup, des matières normalement visées par la Convention aux garanties qui y sont édictées »152. Le système conventionnel admet donc la responsabilité des Etats membres pour les actes enduits par des organisations internationales auxquelles ils sont partis. Cependant, dans le cas d'espèce, bien que la France possédait une marge d'appréciation pour la transposition et qu'elle pouvait donc être déclarée responsable, elle n'avait pas été condamnée car il n'y avait pas eu violation de la Convention.

De même, dans l'arrêt Cantoni153, la Cour de Strasbourg a également jugé que la France pouvait être responsable, même si la loi en cause était une transposition mot pour mot d'une directive communautaire, mais qu'il n'y avait pas de violation de la Convention dans le cas d'espèce. Si la Cour de Strasbourg avait condamné la France, elle aurait alors indirectement contrôlé un acte de l'Union.

La Cour de Strasbourg a semblé ainsi beaucoup plus prudente sur la question du contrôle du droit de l'Union au vu de la Convention.

Dans l'affaire M & Co.154, la Cour de Strasbourg a reconnu en « s'appuyant notamment sur certaines déclarations de principe des institutions communautaires et sur la jurisprudence de la Cour de justice, [...] que le système communautaire reconnaissait les droits fondamentaux et assurait aussi le contrôle de leur respect »155.

La Cour de Strasbourg précise que la règle du respect des engagements antérieurs s'applique également sur les traités constitutifs et que ces derniers doivent respecter la Convention. En outre, bien que les Etats aient transmis des compétences à une organisation supranationale, ils restent responsables des actes pris dans le cadre de ces compétences devant la Cour de Strasbourg.

150 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.831

151 Commission EDH, 9 décembre 1987, Tête c/ France, req. N°11123/84, DR 54

152 supra note 151, p. 52

153 CEDH, 15 novembre 1996, Cantoni c. France, req n° 17862/91, Rec 1996, p. 1614

154 CEDH, 9 février 1990, M & Co., Req. no 13258/87, D.R. 64, p. 138

155 supra note 142, BULTRINI, p14

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L'Etat a le droit de transmettre des compétences à des organisations, mais il demeure responsable des violations de la Convention engendrées par l'application de règle issue de cette organisation. En effet, si l'Etat pouvait appliquer en droit interne des dispositions contraires à la Convention sans risque d'être condamné pour violation, il serait facile pour les Etats de contourner leur obligation. De plus, ce sont les Etats qui choisissent de devenir partie à une organisation et qui définissent les compétences de cette dernière, il est donc logique qu'ils demeurent responsables devant la Convention. Le but est d'éviter que

« une catégorie d'actes imputables à un système mis sur pied par un groupe d'Etats parties à la Convention et susceptible de toucher au respect des droits garantis par celle-ci échappe au contrôle du mécanisme qu'elle a justement instauré afin de garantir un respect uniforme de ses dispositions. Situation peu satisfaisante à bien des égards, surtout si l'on tient compte de la nature des droits en cause. »156

Il est à noter que cette décision a été vivement critiquée. En effet, il semblerait que dans le cas d'espèce, la Cour de Strasbourg se soit inspirée de la Cour constitutionnelle allemande et de son arrêt Solange. Cependant, contrairement à la Cour constitutionnelle, la Cour de Strasbourg ne met pas de limite à la confiance qu'elle accorde à la capacité de l'Union de protéger les droits de l'Homme puisque l'utilisation du terme « aussi longtemps » n'est pas effectuée157. Il semblerait que dans le cadre de la Communauté, et non de l'Union, la Cour de Strasbourg est mis en place une présomption irréfragable de protection équivalente alors même que

« les organes de la Convention ont [...J été institués pour examiner des cas individuels d'atteinte aux droits fondamentaux et non pas pour établir des équivalences de protection théoriques et de principe. Tous les Etats ayant ratifiés la Convention ont accepté l'obligation de respecter et faire respecter les droits qui y sont énoncés, et leur pratique, dans la plupart des cas, est normalement conforme à cet engagement. Cela n'empêche pas que les organes de la Convention aient été chargés de vérifier que tel est bien le cas »158.

De plus, la Cour de Strasbourg se doit de contrôler le respect de la Convention par les Etats membres et non de supposer que tel est bien le cas. En effet, « si les organes de la Convention devaient se fier uniquement aux engagements de principe des Etats parties et aux conclusions des tribunaux internes dans des cas concrets, ils ne constateraient pas souvent des violations de la Convention »159.

En outre, cette présomption de conformité des actes aux droits de l'Homme n'a pas lieu envers les Etats alors même que ces derniers ont également mis en place des procédures de

156 supra note 142, BULTRINI, p24

157 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.840

158 op.cit., BULTRINI, p16

159 ibid

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protection des droits de l'Homme160. En outre, quelle aurait été la position de la Cour de Strasbourg si l'Union n'avait jamais pris en compte les droits de l'Homme dans son système ? Les Etats dans cas seraient-ils restés tenus responsable des actes de l'Union ?161 A moins que la Cour de Strasbourg n'ait accordé cette équivalence de protection que dans le cas d'espèce, c'est-à-dire dans le cadre du respect par l'Union d'une procédure de protection des droits de l'Homme, conforme à l'article 6 de la Convention, concernant le domaine de la concurrence, permettant aux Etats d'appliquer directement un arrêt de la Cour de Luxembourg sans passer par la procédure de l'exequatur162.

La Cour de Strasbourg s'est prononcée dans un premier temps sur le seul droit primaire de l'Union avec l'affaire Matthews163. Par cet arrêt, la Cour de Strasbourg accepte de contrôler la conformité d'un acte communautaire avec la Convention. « Par la même, elle s'érige en ultime contrôleur du droit communautaire »164, place qui était jusqu'alors occupée par la Cour de Luxembourg. En effet, la Cour de Strasbourg rappelle ainsi son rôle de « Juge Suprême des droits de l'homme pour l'ensemble de l'Europe »165.

La Cour de Strasbourg ne s'oppose pas au contrôle du droit primaire de l'Union car ce dernier est issu de l'accord entre Etats et entre dans le champ classique du droit international des traités et non dans celui du droit de l'Union, l'Union n'étant pas à la base de la signature des traités mais le résultat166. En outre, dans le cas d'espèce le vote de la norme communautaire avait été effectué à l'unanimité.

En outre, par cet arrêt, la Cour de Strasbourg se procure une compétence quasi illimitée mais « mine simultanément l'uniformité et la spécificité de l'ordre juridique communautaire »167.

La Cour de Strasbourg a donc affirmé sa compétence ratione personae à l'égard des Etats membres de l'Union lorsqu'ils appliquent le droit de l'Union, conformément aux dispositions de l'article 1 de la Convention. Ainsi,

« on peut dire avant tout que les Etats sont responsables par rapport aux actes normatifs dont ils ont la maîtrise directe : les actes transposant en droit interne une réglementation communautaire, indépendamment de la marge de manoeuvre que la réglementation dont il s'agit laisse aux Etats (affaires Tête, Procola et Cantoni), et

160 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.841

161 ibid

162 ibid

163 supra note 80, GAUTRON, p.5

164 ibid, p.4

165 supra note 99, COHEN-JONATHAN et FLAUSS, p.257

166 op.cit. GAUTRON, p.6

167 ibid.

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ceux par lesquels l'Etat participe à l'élaboration du droit communautaire primaire (affaire Matthews) »168.

La Cour de Strasbourg a longtemps tardée à prendre position concernant le statut du droit de l'Union dans les cas où les Etats n'ont aucune marge de manoeuvre. « De mauvais esprits pouvaient se demander si la Cour avait vraiment l'intention de statuer sur cette question ou si elle s'efforcerait de laisser la situation dans l'incertitude dans l'attente d'une éventuelle adhésion de l'Union à la Convention »169.

En 2005, avec l'affaire Bosphorus170, la Cour de Strasbourg rompt enfin le silence. L'affaire concernait la mise en oeuvre, par un règlement communautaire d'une décision du Conseil de sécurité de l'ONU. La Cour de Luxembourg, par un recours préjudiciel, avait confirmé l'application du règlement au cas d'espèce. Cette affaire a été considérée comme « politiquement sensible »171, et bien que la Cour de Strasbourg avait toujours rejeté pour irrecevabilité les requêtes mettant en cause le droit de l'Union dérivé, « la Cour s'est enfin décidée à préciser les règles relatives au contrôle qu'elle exerce sur les mesures nationales d'exécution du droit communautaire »172.

Dans le cas d'espèce, l'Etat applique une norme communautaire de droit dérivé, sans bénéficier d'une marge d'appréciation. « La question est épineuse car la violation alléguée aboutit à mettre en cause un acte communautaire à travers une mesure d'application nationale et, en conséquence, de façon indirecte la responsabilité de la Communauté, alors que celle-ci n'est pas partie à la Convention »173.

L'arrêt Bosphorus distingue les situations où l'Etat membre dispose d'une marge d'appréciation pour mettre en oeuvre le droit de l'Union et les situations où les Etats n'ont pas un tel pouvoir. Mais il n'en demeure pas moins que la Cour de Strasbourg effectue un contrôle indirect du droit de l'Union vis-à-vis de la Convention. Ainsi,

« si l'acte national à l'origine de la violation des droits de l'homme n'est qu'une transcription pure et simple du droit communautaire ou plutôt, ne traduit aucune marge de manoeuvre de l'Etat, celui-ci n'est pas jugé responsable au regard de la Convention à condition que le droit communautaire offre une protection équivalente des droits fondamentaux. En revanche, si l'Etat a fait usage d'un pouvoir

168 supra note 142, BULTRINI, p24

169 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.827

170 CEDH, 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yollari Turizm ve Ticaret AS contre Irlande, req. n° 45036/98

171 op.cit. BENOIT-ROHMER, p.829

172 ibid

173 ibid

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d'appréciation en mettant en oeuvre le droit communautaire, il reste entièrement responsable de ses actes au regard de la Convention »174.

Bien que la Cour se soit reconnue compétente, elle a également considéré que l'Union possédait un niveau de protection des droits de l'Homme équivalent à celui de la Convention. En effet, la Cour de Strasbourg est « conduite à évaluer à l'aune de la Convention EDH le système communautaire de protection des droits fondamentaux, (...) [et] considère que celui-ci protège ces droits d'une manière équivalente au système européen de protection des droits de l'homme »175, décernant ainsi un « label général de conformité à la Convention »176.

« Par protection « équivalente », la Cour entend une protection « comparable » à celle assurée par la Convention »177, c'est-à-dire une garantie matérielle et procédurale des droits de l'Homme178. L'Union ayant une jurisprudence, et désormais un instrument, de protection des droits de l'Homme, la Cour de Strasbourg en a déduit qu'elle protégeait de façon équivalente les droits de l'Homme. La notion de « protection « équivalente » permet à la Cour de ne pas se prononcer sur une vaste catégorie d'actes communautaires et d'actes nationaux qui les exécutent, tout en sauvegardant la possibilité [...] d'intervenir dans des circonstances exceptionnelles de violation « manifeste » »179.

Le recours à la notion de protection équivalente permet de prendre en compte le fait que des Hautes Parties à la Convention soient également Etats membres de l'Union. Cette doctrine devrait donc naturellement disparaître en cas d'adhésion de l'Union à la Convention. Cependant, l'on peut également envisager l'option inverse qui viserait à appliquer cette doctrine de la protection équivalente à toutes les Hautes Parties. Ceci permettrait entre autre de désengorger la Cour de Strasbourg. Mais les critiques de cette doctrine envers l'Union sont également applicables aux Etats membres. En effet, le but de la Convention n'est pas de supposer qu'un État respecte les droits de l'Homme mais de contrôler que tel est bien le cas. L'on peut également envisager le maintien de la situation actuelle où la protection équivalente ne s'applique qu'envers les dispositions de l'Union. Pourtant l'équivalence de protection a été conçue pour permettre une protection des droits de l'Homme par rapport à des normes

174 KAUFF-GAZIN, Fabienne, L'arrêt Bosphorus de la CEDH : quand le juge de Strasbourg décerne au système

communautaire un label de protection satisfaisante des droits fondamentaux (CEDH, 30 juin 2005), Les Petites Affiches, 24 novembre 2005, n°234, p.9

175 ibid

176 ibid

177 CIAMPI, Annalisa, L'Union européenne et le respect des droits de l'homme dans la mise en oeuvre des sanctions devant la Cour européenne des droits de l'Homme, Revue générale de droit international public, 2006, n°110-1, p85, p.93

178 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.844

179 op.cit. CIAMPI, p.107

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communautaires. Si l'Union adhère, cette doctrine ne devrait plus avoir d'effet car l'obstacle juridique serait levé et la Cour de Strasbourg pourrait appliquer directement la Convention à l'Union et contrôler son droit par rapport à la Convention. Une dérogation de cette envergure pour l'Union ne serait pas profitable dans un système qui se veut égalitaire pour tous ses membres. En outre, l'Union désire avoir la même place que les autres Hautes Parties. Dans ce cas, elle doit également avoir les mêmes obligations et devoirs et ne pas se baser sur des présomptions qui n'existent pas pour les Etats180.

Cette présomption d'équivalence ne pourrait être levée que si une détérioration du système de protection des droits de l'Homme au sein de l'Union avait lieu181. « Il est [donc] difficile d'imaginer des circonstances dans lesquelles la présomption de compatibilité avec la Convention pourrait être renversée »182. Mais cette possibilité permet cependant de revenir en parti sur la présomption irréfragable que l'arrêt M. & Co. avait mise en place. De plus, une protection équivalente étant effectuée et l'Etat se limitant, sans marge d'appréciation, à l'application de l'acte communautaire, la Cour de Strasbourg en déduit une présomption de conformité. « La Cour explique cette présomption de conformité par l'exigence de ne pas paralyser le fonctionnement de l'intégration européenne »183.

La Cour de Strasbourg prend ainsi en compte la particularité de l'ordre juridique communautaire en évitant que les Etats effectuent un contrôle de conventionalité sur les actes de l'Union et ne les écartent d'une application interne. Ceci remettrait en cause le fondement de l'Union184. « La présomption permet à la Cour de reprendre l'exercice de son contrôle dès qu'elle jugera dans une affaire donnée que la protection accordée par le droit communautaire n'est pas satisfaisante »185.

Mais

« pour apprécier si la présomption peut ou non jouer, elle devra déterminer si l'Etat membre disposait ou non d'une marge de liberté dans l'application de la norme communautaire. Ceci la conduira à se pencher sur des notions telles que celle d'applicabilité directe, portant ainsi atteinte au monopole de la Cour de Luxembourg. Nul doute que la coopération entre les cours sera appelée à se développer pour éviter des solutions contradictoires »186

180 Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Adhésion de l'Union européenne/Communauté européenne à la Convention européenne des Droits de l'Homme, doc.11533, 18 mars 2008, 38p, p.29

181 POTTEAU, Aymeric, A propos d'un pis-aller : la responsabilité des Etats membres pour l'incompatibilité du droit de l'Union avec la Convention européenne des droits de l'homme, Revue trimestrielle de droit européen, 2009, p.697

182 supra note 177, CIAMPI, p.100

183 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.845

184 ibid, p.846

185 ibid

186 ibid, p.852-853

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L'Etat est ainsi entièrement responsable devant la Cour de Strasbourg quand il a mis en oeuvre le droit primaire de l'Union187. Il n'en demeure pas moins que le caractère particulier de l'Union doit être pris en compte. Mais ceci peut être réalisé par le mécanisme de la marge nationale d'appréciation, que l'on pourrait appliquer également à l'Union. L'État est donc responsable également lorsqu'il met en oeuvre, avec une marge de manoeuvre, le droit dérivé de l'Union188. Si l'Etat ne possède pas de marge de manoeuvre, sa responsabilité est alors limitée, la Cour de Strasbourg se contentant de contrôler si la protection des droits de l'Homme au sein de l'Union est équivalente à celle de la Convention189. « Si c'est le cas, la Cour en déduit une présomption de conventionalité des mesures nationales de pure exécution des obligations mises à la charge des Etats parties par l'organisation »190. Ainsi, l'arrêt Bosphorus ne laisse subsister que « la question de la recevabilité des requêtes formées à l'encontre d'actes communautaires de droit dérivé qui ne font pas l'objet de mesures nationales d'exécution notamment parce qu'ils ne produisent pas d'effets hors de l'ordre interne des Communautés »191.

Aujourd'hui, l'on se trouve dans une situation paradoxale où le particulier qui a attaqué un acte communautaire pour annulation devant la Cour de Luxembourg ne peut pas, par la suite, saisir la Cour de Strasbourg pour inconventionalité de la procédure de la Cour de Luxembourg alors qu'un particulier qui est irrecevable à demander l'annulation d'un acte devant la Cour de Luxembourg pourra saisir la Cour de Strasbourg192. Le « critère de l'intervention étatique apparaît donc exagérément formaliste car, dans le domaine du contentieux communautaire de la légalité, il conduit en réalité à moduler le degré de protection apportée par la Convention en fonction de la recevabilité du recours en annulation »193.

La Cour de Strasbourg semble donc, dans l'affaire Bosphorus considérer « que l'accès direct pour le moins limité à la juridiction communautaire constituait le point faible du mécanisme communautaire de protection des droits fondamentaux »194.

Mais cet arrêt est également un signe de confiance envers le système de protection des droits de l'Homme de l'Union. C'est également une incitation pour la Cour de Luxembourg à ne pas diminuer son niveau de protection des droits fondamentaux195.

187 hypothèse de l'arrêt Matthews

188 hypothèse de l'arrêt Bosphorus

189 hyptohèse de l'arrêt Bosphorus

190 supra note 181, POTTEAU

191 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.853

192 op.cit. POTTEAU

193 ibid.

194 ibid.

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Cependant le contrôle que la Cour de Strasbourg exerce désormais sur les actes étatiques exécutant le droit de l'Union a conduit certains auteurs à se demander si

« la Cour n'a-t-elle pas voulu par cet arrêt établir un régime transitoire dans l'attente de l'adhésion tout en exerçant une pression discrète sur l'Union dans la mesure où la solution retenue produit, certes d'une manière nuancée, des conséquences similaires à l'adhésion sans que l'Union puisse bénéficier des

196

avantages de celle-ci ? ».

En effet, l'Union « deviendrait responsable au travers des Etats membres. Dans ce cas, l'adhésion de l'Union à la Convention, sans être formelle, serait de facto réalisée »197. La Cour de Strasbourg avait tenté d'attendre une adhésion officielle de l'Union à la Convention par son arrêt M & Co. Cependant, après l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, la Cour de Strasbourg a été plus exigeante dans son arrêt Bosphorus.

« L'inégalité de traitement entre les Communautés et ses Etats membres en matière de responsabilités du fait des conséquences dommageables d'actes communautaires, ainsi que les risques croissants de divergences jurisprudentielles entre la Cour EDH et la CJCE, sont à l'origine de l'article 6-2 TUE modifié qui prévoit l'adhésion de l'Union à la CEDH »198

Pourtant, « en étendant sa compétence aux actes de droit primaire, la Cour suggère une responsabilité collective des Etats membres »199. La responsabilité collective des Etats membres pourrait être mise en place,

« il suffit pour cela d'interpréter au sens large l'obligation de garantir les droits de la Convention « à toute personne relevant de leur juridiction » souscrite par les Parties en vertu de l'article premier de la CEDH, c'est-à-dire sans la limiter à l'exercice direct des pouvoirs de souveraineté dans le territoire national, mais en englobant l'exercice de compétences transférées à des organisations internationales ou supranationales »200.

Antonio Bultrini, référendaire à la Cour de Strasbourg, soutient que le fonctionnement de l'Union, notamment par la place omniprésente des Etats lors de l'élaboration du droit de l'Union et dans le fonctionnement de l'Union, ainsi que l'imbrication des Etats membres et de l'Union conduit indubitablement à se demander pourquoi les Etats ne pourraient pas être responsables collectivement devant la Cour de Strasbourg des actions de l'Union201.

195 Cour européenne des droits de l'Homme, Conseil de l'Europe, Dialogue entre juges - Cinquante ans de la Cour européenne des droits de l'Homme vus par les autres Cours internationales, Strasbourg, 2009, 93p, p.40

196 supra note 147, BENOIT-ROHMER, p.829

197 ibid., p.839

198 supra note 70, DOLLAT, point 1122

199 supra note 80, GAUTRON, p.6

200 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p1-

14, p.5

201 supra note 142, BULTRINI, p32 à 35

33

En outre, la responsabilité collective des Etats permettrait de simplifier l'exécution des arrêts de violation de la Convention pris sur un acte communautaire. En effet, les Etats devraient tous modifier les actes pris sur cet acte communautaire et par conséquent l'État condamné ne sera pas contraint de violer l'un des traités, la Convention ou le droit de l'Union.

L'arrêt Matthews de la Cour de Strasbourg aborde

« l'éventualité d'une responsabilité collective des Etats membres dans l'adoption d'un acte communautaire de droit originaire. Cette idée de responsabilité collective des Etats membres est à l'évidence de nature à étendre le contrôle de la Cour européenne des droits de l'homme dans le champ du droit communautaire, et de susciter de nouvelles interférences avec le contrôle opéré par la Cour de justice des Communautés européennes »202.

Il est cependant à noter que la Cour de Strasbourg a soigneusement laissé la question de l'acceptation d'une requête dirigée contre l'ensemble des Etats membres de l'Union au débat203.

De même, qu'en est-il des actes communautaires qui ne créent des effets qu'au sein de l'Union et non au sein des Etats ? La Cour de Strasbourg n'a jamais répondu à cette question. En effet, dans le cadre de l'affaire Christiane Dufay204, la Commission avait considéré qu'elle ne pouvait examiner la requête faute d'avoir épuisé les voies de recours interne.

Durant longtemps, le paradoxe était que les Etats membres étaient adhérents à la Convention et que la Cour de Luxembourg se référait expressément à la Convention pour protéger les droits de l'Homme au sein de l'Union mais, la Convention ne pouvait examiner le droit de l'Union. La Cour de Strasbourg a donc, par le biais des Etats membres, effectué un contrôle du droit de l'Union. L'on se retrouve donc dans une situation inverse où l'Union se voit appliquer un texte auquel elle n'a pas, encore, adhéré, mais où elle ne peut se prévaloir de la protection de ce dernier, notamment pour participer au jugement. En outre,

« Dans la situation actuelle, où les systèmes juridiques des Etats membres de l'Union continuent d'être soumis au contrôle du mécanisme conventionnel, on ne voit aucune raison pour que le système institutionnel communautaire, et notamment son appareil judiciaire, jouisse, lui, d'une telle exemption. D'autant moins que le système juridictionnel communautaire, nonobstant ses remarquables progrès, présente toujours des lacunes d'une certaine gravité ; par exemple, l'accès de l'individu à la justice reste fort limité et clairement en retrait par rapport à celui offert à la fois par le mécanisme conventionnel et par les mécanismes de protection judiciaire nationaux »205.

202 supra note 141, SIMON, p40

203 CEDH, 4 juillet 2000, Société Guérin automobiles c/ les quinze Etats de l'Union européenne, req. N°5171/99

204 CommissionEDH, décision du 19 janvier 1989, Dufay c/ Communautés européennes, req. N°13539/88

205 supra note 142, BULTRINI, p26-27

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Bien que l'Union ne soit pas soumise à un contrôle externe de son action, elle a tenté par son droit interne de protéger les droits de l'Homme en instaurant la Charte. Cette instauration d'un instrument interne de protection ne remet cependant pas en cause l'utilité de l'adhésion à un instrument externe de contrôle, qui a déjà prouvé par le passé qu'il était fiable.

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Titre 2. L'entrée en vigueur de la Charte : instrument communautaire de protection des droits de l'Homme

La Charte permet de prendre en considération les droits de l'Homme au sein même de l'Union et d'appliquer leurs respect aux institutions. Bien que l'instauration d'un tel outil représente une action importante pour l'Union [Chapitre 1], de fortes limites sont relevées [Chapitre 2] ce qui conforte l'idée de l'adhésion à l'Union.

Chapitre 1. Instrument unique mais peu innovant quant aux droits protégés

La Charte est une avancée dans la conception que l'Union peut donner d'elle. Ainsi, elle passe d'une conception uniquement économique à celle plus politique et d'organisme respectant les droits fondamentaux [Section 1]. Cependant, des limites importantes peuvent être relevées puisque la Charte ne permet pas une innovation importante des droits de l'Homme [Section 2].

Section 1. La Charte : un pas décisif de l'Union sur le chemin de la protection des droits de l'Homme

La Charte fait suite à une longue tradition occidentale de déclarations des droits de l'Homme. Dès la fin des années quatre-vingt, des recommandations au sein de l'Union sont effectuées pour adopter une charte des droits206.

Mais pourquoi élaborer un nouveau texte alors même que la Convention a démontré son effectivité et sa capacité à protéger les droits de l'Homme au sein du continent européen ?207 L'évolution de l'Union et sa volonté de ne plus être uniquement une union économique semble être une des explications. De plus, la Convention, bien qu'appliquée à l'ensemble des Etats

206 Livre blanc de la Commission européenne de 1988, Doc. PE 115.274/déf

207 BRAIBANT, Guy, De la Convention européenne des droits de l'Homme à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.327, p.327

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membres, ne peut être opposée à l'Union, et n'est appliquée que par la volonté de la Cour de Luxembourg.

Ainsi, en 1999, le sommet européen de Cologne208, suivi de celui de Tampere209, lance le projet de l'élaboration d'une Charte des droits fondamentaux pour l'Union. L'objectif de la rédaction d'un tel instrument est de permettre « de rendre visible les droits des citoyens de l'Union »210 et de rassurer les Cours constitutionnelles nationales quant à la protection des droits de l'Homme au sein de l'Union.

La Charte a été élaborée au sein d'une « Convention » représentant l'Union et les Etats membres, le pouvoir exécutif et législatif211. « Pour la première fois, toutes ces institutions siégeaient sur un pied d'égalité. Aucune hiérarchie n'était établie, personne n'avait le droit de veto, il n'existait pas de délégations « nationales » »212. De plus, des consultations des autres institutions communautaires et de la société civile ont été organisées et les futurs membres de l'Union ont également pris part aux débats. Ceci a permis de prendre en compte le point de vue de tous les acteurs de la construction communautaire.

Il est à souligner que l'élaboration entière de la Charte fut réalisée par consensus et compromis, aucun vote n'ayant eu lieu, les différents articles ayant fait l'objet de négociations permettant de prendre en compte les différentes sensibilités des Etats membres.

Le 7 décembre 2000, à l'occasion du Conseil de Nice, la Charte a été proclamée solennellement. Elle fut par la suite intégrée au Traité établissant une Constitution pour l'Europe, lui donnant valeur juridique. Cependant, la ratification de ce traité ayant échoué, la Charte n'a vu son applicabilité reconnue qu'avec l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne.

Selon l'expression consacrée par Denys Simon, la Charte a subit à l'occasion une « capitis diminutio »213. La Charte ne se trouve plus à l'intérieur du Traité, même si sa valeur juridique reste inchangée. Cependant, le fait de devoir se référer à un autre texte que le Traité nuit à la lisibilité des droits reconnus au sein de la Charte. Cette transformation de la Charte « en

208 3 et 4 juin 1999

209 15 et 16 octobre 1999

210 Direction d'ouvrage AVGERI Parthenia et MAGNILLAT Marie-Pierre, Enjeux et rouages de l'Europe actuelle, Culture et citoyenneté européennes, Sup'Foucher, édition 2009-2010, 2009, 383p, p192

211 Elle était ainsi composée des représentants des chefs d'État et de gouvernement, des représentants de la Commission, du Commissaire à la Justice et aux Affaires étrangères, de 16 membres du Parlement européen et de 30 membres des Parlements nationaux.

212 Ob.cit., AVGERI et MAGNILLAT, p.193

213 SIMON, Denys, Les droits fondamentaux dans le traité de Lisbonne, Europe, n°2, février 2008, repère 2

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droit primaire par ricochet »214 s'explique par la volonté d'effacer tout signe de constitutionnalisation après l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe en 2005.

De plus, bien que la Charte ait désormais valeur de traité, elle « n'oblige pas les Etats membres à modifier leurs constitutions respectives »215.

Cependant, bien que la Charte n'ait acquis force contraignante qu'en 2009, elle s'est vue invoquée devant les juridictions communautaires, conventionnelles et nationales, dès 2002.

Ainsi, les avocats généraux de la Cour de Luxembourg ont multiplié les références à la Charte lors de l'élaboration de leurs conclusions216. Pour sa part, le Tribunal de Première Instance s'est référé à la Charte dans un jugement du 3 mai 2002217. De plus, après une longue période de refus, la Cour elle-même s'est basée sur la Charte pour rendre son arrêt du 27 juin 2006218.

Montrant une fois de plus l'interaction entre les deux systèmes juridiques, la Cour de Strasbourg s'est appuyée sur l'article 9 de la Charte pour reconnaître le mariage des transsexuels lors de son arrêt du 12 juillet 2002219.

Enfin, la Charte a également été invoquée au sein des Etats membres. Ainsi, le Commissaire du Gouvernement dans l'affaire Casanovas a évoqué la Charte même si, en absence de force juridique, elle n'a pas été appliquée par le juge220.

Tout comme la Convention, la Charte s'applique à un territoire et non à des citoyens. Ainsi, la Charte protègent les droits de toutes personnes se trouvant sur le territoire des Etats membres, qu'elles soient présentes de façon régulière ou irrégulière, et sans distinction de nationalité.

Cependant, une partie des droits relatifs à la citoyenneté de l'Union ne sont opposables qu'aux citoyens des Etats membres. Il en va ainsi du droit de vote aux élections du Parlement européen. Mais, la reconnaissance d'un droit d'accès aux documents administratifs221 est étendue à toute personne, tout comme le droit à une bonne administration222.

214 RIDEAU, Joël, La protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne - perspectives ouvertes par le traité de Lisbonne, Revue des affaires européennes, 2007/2008, n°2, p185-207, p.195

215 supra note 210, AVGERI et MAGNILLAT, p.192

216 Conclusion de l'avocat général Tizzano du 8 février 2001 concernant l'affaire BECTU, aff. C-173/99, Rec. II-313

217 TPI, 3 mai 2002, Jégo-Quéré, aff. T-177/01, Rec. p.II-2365

218 CJCE, 27 juin 2006, Parlement européen c/ Conseil, aff. C-540/03, Rec. p.I-5769

219 CEDH, 12 juillet 2002, Christine Goodwin c/ Royaume-Uni, Req. N°28957/95

220 CE, 28 févr. 2001, n° 229163 : Juris-Data n° 2001-061830 ; Collectivités - Intercommunalité 2001, comm. 134, note J. Moreau ; AJDA 2001, p. 971, note I. Legrand et L. Janicot

221 article 42 de la Charte

222 article 41 de la Charte

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La Charte s'applique également aux organes et institutions de l'Union, ce qui permet de prendre en compte les organes indépendants qui sont de plus en plus nombreux au sein de l'Union.

Elle s'applique notamment aux Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, conformément à une jurisprudence de la Cour de Luxembourg223. Ceci implique tous les niveaux de gouvernance des Etats membres.

Sur le fond, l'on distingue traditionnellement plusieurs générations de droits de l'Homme. La première génération correspond aux droits civils et politiques tandis que la seconde génération regroupe les « droits sociaux, culturels et économiques que les Etats doivent garantir matériellement »224. Ces droits ont été regroupés au sein de la Convention.

Cependant, de nouveaux droits, dit de troisième génération, ont peu à peu vu le jour. Ils rassemblent des droits fondés notamment sur la dignité de la personne humaine, tel que le droit au développement, à la paix, à la protection de l'environnement. Ces différents droits ont été protégés au sein du Conseil de l'Europe, mais par la signature de Conventions distinctes de la Convention.

De plus, chaque article de la Charte a fait l'objet d'une explication au sein d'un document annexe, n'ayant cependant pas de valeur juridique car élaboré par le proesidium. Ce document permet de donner une interprétation aux différents droits exposés et devra être pris en compte par la Cour de Luxembourg lors de l'application de la Charte.

Formellement, la Charte se compose de sept titres. Les six premiers titres constituent l'énumération et la définition des différents droits protégés par la Charte ; dignité, libertés, égalité, solidarité, citoyenneté et justice. « Ce plan renouvelle l'approche des Droits de l'Homme et constitue l'un des apports importants de la Charte »225. Le dernier titre correspond aux « dispositions générales régissant l'interprétation et l'application de la Charte ».

La Charte est ainsi devenue « le premier instrument international à donner corps au principe d'indivisibilité des droits de l'homme et à rassembler dans un seul texte les droits civils et politiques et les droits sociaux, qui se voient ainsi reconnaître la même qualité de « valeurs communes » que les premiers »226.

223 CJCE, 13 avr. 2000, Kjell Karlsson : aff. C-292/97, Rec. CJCE 2000, I, p. 2737

224 supra note 210, AVGERI et MAGNILLAT, p188

225 ibid., p.195

226 SUDRE, Frédéric, Droit européen et international des droits de l'Homme, collection droits fondamentaux, PUF, 2008, 9ème édition revue et augmentée, 843p, p.156

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Mais, bien que la Charte soit une avancée significative pour l'Union, qu'en est-il de son apport aux droits des citoyens de l'Union ?

Section 2. Une Charte cependant peu innovante sur le fond

L'apport de la Charte aux droits de l'Homme a été plus ou moins bien accueilli et prête à confusion.

En effet, certains auteurs considèrent que la Charte n'est que le regroupement de textes déjà existants227, qualifiant même la Charte de « plagiat de la Convention européenne »228 et « qu'aucune de ses dispositions ne constitue une création originale »229.

En effet, « la Charte présente une nature foncièrement résiduelle »230, reprenant des droits garantis au sein d'autres instruments et étant ainsi liée à l'interprétation qui en a été faite. La Charte reprend également des droits qui se trouvent au sein même des Traités de l'Union, tel que la liberté de circulation. « Les doublons qui en résultent nuisent sans aucun doute à la clarté des textes et des règles »231.

La Charte s'est également fortement inspirée de la Convention. Cette dernière a une place toute particulière au sein de l'Union depuis son invocation par la Cour de Luxembourg et représente un modèle pour la protection des droits de l'Homme. En outre, la Convention

227 LEBRETON, Gilles, Critique de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Recueil Dalloz, 2003, p.2319 ; HAGUENAU-MOIZARD, Catherine, Les droits de l'Homme : une ou plusieurs Europe ?, La Gazette du Palais, 19 juin 2008, n°171, p.31 ; FALLON, Marc et SIMON, Anne-Claire, Le renouvellement des politiques de l'Union européenne dans le traité de Lisbonne, Revue des affaires européennes, 2007/2008, n°2, p243 Entre autres la Charte regrouperait les droits reconnus au sein de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe signée en 1979, de la Convention européenne du paysage signée en 2000, de la Déclaration des Droits de l'Enfant des Nations Unis signé en 1959, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

228 PESCATORE, Pierre, La Cour de justice des Communautés européennes et la Convention européenne des droits de l'homme, Protection des droits de l'homme : la dimension européenne, Mélanges Gérard J. WIARDA, Heymanns Verlag, Koln, 1988, p.441-455, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.731

229 PESCATORE, Pierre, La coopération entre la Cour communautaire, les juridictions nationales et la Cour européenne des droits de l'homme dans la protection des droits fondamentaux : enquête sur un problème virtuel, Revue du marché commun de l'Union européenne, n°466, mars 2003, p.151-159, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.865, p.871, p.874

230 FALLON, Marc et SIMON, Anne-Claire, Le renouvellement des politiques de l'Union européenne dans le traité de Lisbonne, Revue des affaires européennes, 2007/2008, n°2,, p.248

231 ibid., p.249

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représente un regroupement des différents droits fondamentaux. La liste de ces droits n'étant pas « extensible à l'infini »232, la Charte se devait de les reprendre.

Cependant, cette limitation de l'apport de la Charte s'explique par le fait que la « Convention » « n'avait pas la légitimité démocratique pour aller plus loin »233, conformément au mandat qui lui avait été dévolu.

Mais pour certains auteurs, la Charte demeure une réelle valeur ajoutée à la protection des droits fondamentaux en Europe234 en permettant un élargissement du « champ d'application de plusieurs droits déjà reconnus par la CEDH »235, ce qui représente un apport en soi.

La Charte a également permis de prendre acte des évolutions techniques et de la société, comme la prise en compte de la bioéthique ou de l'accès aux services d'intérêt économique général.

La nouveauté principale de la Charte par rapport à la Convention est l'insertion des droits sociaux au sein d'un instrument de protection des droits de l'Homme pouvant être appliqué par un juge. Ces droits étaient déjà évoqués auparavant par le droit de l'Union, notamment par l'adoption de directives. Ils sont ainsi « inscrits en qualité de droits invocables ou de principes susceptibles d'entraîner une législation communautaire ou nationale »236.

Cependant, ces droits sont fortement limités par les « clauses horizontales » de l'article 51. « Sans doute, ces clauses horizontales ne concernent-elles pas les seuls droits sociaux. Mais, force est bien de constater qu'elles sont de nature à limiter la portée des droits sociaux plus qu'elles ne limitent la portée des autres garanties apportées par la Charte »237. Ceci est d'autant plus visible que l'Union n'a pas de compétence revendiquée en matière de droits sociaux.

232 HAGUENAU-MOIZARD, Catherine, Les droits de l'Homme : une ou plusieurs Europe ?, La Gazette du Palais, 19 juin 2008, n°171, p.31

233 CANDELA SORIANO, Mercedes, Les droits de l'Homme dans les politiques de l'Union européenne, Larcier, 2006, 283p, p.52

234 Commission des Communautés européennes, Communication de la Commission sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, COM(2000)559 final, Bruxelles, 13 septembre 2000, 10p ; BLUMANN, Claude, Citoyenneté européenne et droits fondamentaux en droit de l'Union européenne : entre concurrence et complémentarité, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.265 ; CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501 ; PECHEUL, Armel, Le traité de Lisbonne - La Constitution malgré nous ?, édition Cujas, 2008, 155p

235 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p point 174

236 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.50

237 PECHEUL, Armel, La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, RFDA, 2001, p.688

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Dans le cadre spécifique des droits de la défense, la Charte s'est inspiré du célèbre article 6 de la Convention relatif au droit à un procès équitable qui a fait l'objet d'une jurisprudence abondante. La Charte a retenu à son article 47 §2 une application plus générale de la notion. « Il n'y a là, a priori, aucune restriction comparable à celle de la Convention européenne et tenant aux notions de « contestations sur des droits et obligations de caractère civil » ou bien encore sur la notion de « bien-fondé de toute accusation en matière pénale » »238.

La Charte reconnaît cependant des droits que les traités ne permettent pas de respecter. Ainsi, le droit à l'accès au juge, comme dans le cadre de la Convention, se trouve limité par les traités de l'Union. La Charte et les traités ayant la même valeur juridique, « c'est un principe l'adage prior tempore potior jure qui s'applique. La Charte bénéficierait ainsi d'une prévalence, mais qui se révèlerait difficilement applicable compte tenu de la clause de non-extension des compétences de l'article 51 »239.

Ainsi, « le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l'exercice » selon l'article 9 de la Charte. Cette édiction permet de prendre toutes les formes de mariage reconnues par les Etats membres, sans imposer une évolution en la matière. C'est une avancée par rapport à l'article 12 de la Convention qui ne protège que le droit au mariage hétérosexuel.

Concernant le droit à l'éducation, la Charte prévoit à son article 14 la gratuité de l'enseignement obligatoire. En outre, il indique que

« la liberté de créer des établissements d'enseignement dans le respect des principes démocratiques, ainsi que le droit des parents d'assurer l'éducation et l'enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques, sont respectés selon les lois nationales qui en régissent l'exercice ».

Cette formule est cependant moins protectrice que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg dans ce domaine qui dispose que la référence est la Convention et non les normes nationales de chaque Etat240.

Concernant le droit des minorités indiqué à l'article 21 de la Charte, mais également à l'article 2 TUE, il pourrait conduire la France à modifier sa position sur la question, notamment par une révision de la Constitution. Il semblerait que « le Conseil constitutionnel n'a pas anticipé

238 supra note 237, PECHEUL

239 BLUMANN, Claude, Les compétences de l'Union européenne en matière de droits de l'Homme, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.11-30, p.26

240 CEDH, 7 décembre 1976, Kjeldsen, Bush Madsen et Pedersen c/ Danemark, A n°23

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ici la force du droit des minorités »241. Pour le Conseil constitutionnel, le refus de la France de reconnaître des groupes spécifiques serait une tradition constitutionnelle particulière, telle que la laïcité. Cette spécificité française devrait donc être respectée, le droit de l'Union se rattachant uniquement au respect des traditions constitutionnelles communes. Il est à douter que la Cour de Luxembourg puisse avoir la même approche, notamment car son interprétation se base sur les traditions communes des Etats membres242. Il reste à considérer sous quel angle la Cour de Luxembourg prendra en compte ces traditions communes, au plus petit dénominateur commun ou de façon plus large. Dans le second cas, la spécificité française dans ce domaine, tout comme dans le domaine de la laïcité, risque d'être difficilement retenue.

Tout comme la Convention, la Charte a prévu des exceptions à l'application des droits protégés. Cependant, pour tenter d'éclaircir la portée des droits, les restrictions n'ont pas été inscrites au sein de chaque article.

La Charte a ainsi opté pour l'inscription d'une restriction générale au sein de l'article 52. Cet article stipule que des restrictions aux droits sont possibles mais uniquement si elles ont été prévues par la loi, dans le respect des droits et si « elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui ».

Cette réserve générale porte sur tous les articles de la Charte. Pourtant, certains droits fondamentaux sont considérés comme intangibles, tel que le droit à la vie ou l'interdiction de la torture. Doit-on alors considérer que l'article 52 s'applique à ces articles ? Les explications du proesidium rappellent que ces droits sont intangibles. Mais, « sur le plan juridique, elles [ces explications] ont [donc] tout au plus valeur d'aide à l'interprétation »243. Cependant, l'article 52 §3 de la Charte précise que l'interprétation des droits correspondant à la Convention doit se faire à la lumière de cette dernière. Les restrictions à ces droits devraient donc être exclues en application de la vision conventionnelle244.

En outre, l'article 52 prévoit les règles d'interprétation de la Charte. Mais comment interpréter les termes de cet article ? En effet, le paragraphe 4 de cet article se réfère à une interprétation en « harmonie » avec les traditions constitutionnelles des Etats membres et le

241 PECHEUL, Armel, Le traité de Lisbonne - La Constitution malgré nous ?, édition Cujas, 2008, 155p, p.105

242 ibid., p.108

243 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p1-14, p.8

244 CARLIER, Jean-Yves, La condition des personnes dans l'Union européenne, Bruxelles, Larcier, précis de la Faculté de droit de l'Université catholique de Louvain, 2007, 485p, point 137

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paragraphe 6 renvoie aux législations et pratiques nationales en indiquant qu'elles doivent être « pleinement prises en compte ». Le juge de la Cour de Luxembourg aura la lourde tache d'interpréter la Charte et ses différentes dispositions.

La Charte éloigne notamment la conception d'une identité communautaire, qui est pourtant revendiquée dans le TUE. Le fait que la Charte reprenne des éléments de la Convention, qui n'a pas été rédigée au sein de l'Union, montre la difficulté de voir en elle une conception d'une identité. En outre, l'adhésion de l'Union à la Convention serait également un coup d'arrêt à l'idée que la Charte serait la base de l'identité communautaire puisque l'Union serait partie à une autre norme de protection des droits fondamentaux, extérieure à l'Union.

De plus, le fait que la Charte fasse référence à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg pour l'interprétation de certain de ses droits

« atténue sans contexte sa force novatrice. Du coup, elle apparaît comme une simple consolidation de l'acquis jurisprudentiel en matière de droits fondamentaux, ce que les juges constitutionnels français (Cons.const., 19 nov.2004, n°004-505 DC) et espagnols (DTC, 13 décembre.2004, n°1/2004) n'ont pas manqué de relever »245.

Et pourtant, la Charte représente un symbole pour la construction communautaire. C'est un changement d'optique de l'Union qui passe d'une finalité économique à une finalité humaniste en mettant ses citoyens au coeur de son action246.

Cependant, les limites à son application conduisent à se demander si elle sera réellement un instrument fiable de protection des droits de l'Homme.

245 ANDRIANTSIMBAZOVINA, Joël et al., Dictionnaire des droits de l'Homme, Quadrige Dicos Poche, PUF, 1ère édition, 2008, 1074p, p.133

246 ibid, p.130

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Chapitre 2. Une Charte limitant fortement son impact sur la protection des droits de l'Homme

L'Union a cherché à se doter d'un texte de protection des droits de l'Homme permettant de prendre en compte les diverses volontés des Etats membres et le caractère juridique des droits. Cependant, la portée limitée de la Charte [Section 1] et certaines dispositions de la Charte [Section 2] ternissent la réalisation.

Section 1. Le respect des principes du droit de l'Union limitant les effets de la Charte

Bien que la Charte ait acquis valeur juridique, l'application directe de ses dispositions pourrait être remise en cause [§ 1], et il est fortement précisé que la Charte ne permet en aucun cas d'étendre le domaine de compétences de l'Union [§ 2].

§ 1. Un effet direct de la Charte plus ou moins étendu

En droit de l'Union, une charte n'a pas de valeur juridique. En l'espèce, la Charte est considérée comme un protocole additionnel aux traités. Ainsi, conformément à l'article 6 §1 du TUE ;

« L'Union reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu'adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités ».

Les protocoles ont la même valeur juridique que les traités. Cependant, leur but est lié à un désir des institutions et des Etats membres de ne pas alourdir les traités, permettant notamment de faire adopter les traités sous réserve des exceptions. En effet, il est plus simple de modifier un protocole qu'un traité. En droit de l'Union, et conformément à la Convention de Vienne de 1969, il n'existe pas de réserve d'interprétation ayant valeur juridique. Les protocoles permettent ainsi de contourner cette règle en permettant des dérogations à certains droits communautaires pour les Etats membres.

Mais quelle est la valeur exacte d'un traité en droit de l'Union ? Les traités correspondent au droit primaire de l'Union. Un acte de droit dérivé ne peut donc déroger au droit primaire et la Cour est compétente, conformément à l'article 263 TFUE, pour annuler les actes de l'Union qui

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ne seraient pas conforme à ce droit. Cette interdiction de déroger au droit primaire s'étend tant aux actes des institutions de l'Union qu'à ces engagements internationaux « conclu[s] par la Communauté ou par les Etats membres »247, conformément à la jurisprudence de la Cour de Luxembourg248. Les actes de l'Union devront donc respecter les dispositions de la Charte, sous peine d'être annulés par la Cour de Luxembourg.

Mais, bien que la Charte ait obtenue valeur juridique, elle « ne se voit pas nécessairement reconnaître un effet direct »249.

L'effet direct du droit de l'Union a été reconnu par la Cour de Luxembourg en 1963250. Il « est généralement défini comme la capacité du droit communautaire à créer des droits et des obligations dans le patrimoine juridique des particuliers et de permettre à ceux-ci de les invoquer devant le juge en cas de violation supposée »251.

Pour qu'une norme communautaire soit d'effet direct, elle doit regrouper trois critères ; la clarté et la précision des mesures, l'inconditionnalité des dispositions et être immédiatement applicable. Cependant, cet effet direct est diversement appliqué selon la norme de base.

Ainsi, toutes les dispositions des traités ne sont pas d'effet direct à l'égard des Etats membres, et l'effet horizontal entre particuliers n'est qu'exceptionnel. L'effet vertical, envers les Etats, est limité aux dispositions instituant une obligation inconditionnelle d'abstention, de faire ou une obligation devenue inconditionnelle après une période transitoire. Concernant l'effet horizontal de la Charte,

« une influence pourrait également s'exercer quant à l'invocabilité de ces droits dans les rapports entre particuliers : l'importance fondamentale d'un droit, reflétée par son insertion dans la charte, pourrait être jugée déterminante afin de fonder son applicabilité horizontale dans les relations entre personnes physiques ou morales »252.

La Cour de Strasbourg considère que, par la combinaison de l'article 13 et 1 de la Convention, les dispositions de la Convention sont invocables en justice et d'effet direct « dès lors qu'elles sont suffisamment claires et précises, ce qu'elles sont de plus en plus du fait de

247 supra note 235, DOLLAT, point 605

248 TPI, 10 juillet 1990, Tetra Pak, aff T-51/89, Rec. II-309

249 supra note 230, FALLON et SIMON, p.248

250 CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos c/ Administration douanière des Pays-Bas, aff. 26/62

251 op. cit. DOLLAT, point 677

252 DONY Marianne et BRIBOSIA Emmanuelle, Commentaire de la Constitution de l'Union européenne, éditions de l'université de Bruxelles, Institut d'études européennes, 2005, 451p, p.129

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l'interprétation qu'en donne la Cour »253. Cependant, « la primauté de la Convention sur les normes législatives internes relève de chaque État »254.

La Cour de Luxembourg pourrait considérer que la Charte a un effet direct horizontal pour certaines de ses dispositions. En outre, le préambule de la Charte se réfère à la personne et à ses obligations envers autrui255. De plus, la Cour de Luxembourg a déjà accepté d'appliquer le droit de l'Union dans les relations entre particuliers, « même lorsque ces règlementations étaient le fait de personnes morales privées, considérant simplement que « les droits fondamentaux...sont protégés dans l'ordre juridique communautaire » (Bosman, 1995, point 79) »256.

La Cour de Luxembourg appliquera la Charte en contrôlant le respect de cette dernière par les institutions de l'Union lors de l'élaboration du droit de l'Union, et par les Etats membres au moment de l'application du droit de l'Union. « Ainsi, la protection des droits fondamentaux sera étendue aux actes de l'Union européenne, y renforçant la protection des droits et libertés »257.

En outre, la Charte est fortement limitée dans sa portée puisque l'article 51§1 indique que

« les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. En conséquence, ils respectent les droits, observent les principes et en promeuvent l'application, conformément à leurs compétences respectives et dans le respect des limites des compétences de l'Union telles qu'elles lui sont conférées dans les traités. »

« En effet, la Charte ne doit pas créer de dettes supplémentaires pour les Etats »258. Cette disposition ne fait cependant que reprendre la jurisprudence de la Cour de Luxembourg qui indiquait que « en ce qui concerne les Etats membres, il résulte sans ambiguïté de la jurisprudence de la Cour que l'obligation de respecter les droits fondamentaux définis dans le cadre de l'Union ne s'impose aux Etats membres que lorsqu'ils agissent dans le cadre du droit communautaire »259.

253 supra note 236, GAUTRON, p.41

254 ibid.

255 supra note 244, CARLIER, point 134

256 ibid.

257 BERTONCINI Yves, CHOPIN Thierry, DULPHY Anne, KAHN Sylvain et MANIGAND Christine, Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin, Paris, 2008, 489p, p.128

258 supra note 210, AVGERI et MAGNILLAT p.196

259 CJCE, 13 juillet 1989, Wachauf, aff. 5/88, Rec. 2609

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En outre, l'article 51 permet de rassurer les Etats qui craignaient une extension des compétences de l'Union par l'entrée en vigueur de la Charte260. Mais le fait que la Charte soit applicable pour les Etats que dans les cas d'application du droit de l'Union « exprime une conception minimaliste et restrictive du rôle des droits fondamentaux dans l'ordre juridique interne, conception qui ne s'accorde pas avec la répartition actuelle des compétences entre l'Union et ses Etats membres et l'acquis de l'Union relatif aux droits fondamentaux »261.

Mais cette disposition ne s'applique qu'à la Charte. Ainsi, « il y aura ce paradoxe que le champ d'application des droits de la Charte sera plus restreint que celui des droits fondamentaux déjà garantis par le droit de l'Union, y compris le droit jurisprudentiel de celle-ci. Il y aura ainsi deux catégories de droits fondamentaux de portée différente »262.

§ 2. Une Charte n'étendant pas les compétences de l'Union en matière de droits de l'Homme

Les compétences de l'Union demeurent des compétences d'attribution et sont divisées en trois catégories ; compétences exclusives, compétences partagées et compétences d'appui.

Dès les années quatre-vingt dix, l'on indiquait qu'une adhésion de l'Union à la Convention serait superflue, l'Union respectant les droits de l'Homme. Pourtant, dans le domaine des droits de l'Homme, aucune compétence générale attribuée à la Communauté n'était prévue au sein des Traités, bien que certains droits inhérents à la personne soient reconnus. La rédaction de l'avis 2/94 relatif à l'adhésion de l'Union à la Convention affirme cette vision de l'absence de pouvoir des institutions dans ce domaine263. La Cour de Luxembourg indiquait ainsi que « l'adhésion de la Communauté à la Convention conduirait à un véritable changement de nature de l'objet de la Communauté européenne en intégrant les dispositions de la CEDH »264.

L'article 352 TUE (ex-article 308 TCE) a durant longtemps permis une extension des compétences de la Communauté et formé la base juridique pour des actions de la Communauté

260 BADINTER, Robert, La Charte des droits fondamentaux à la lumière des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.143, p.149

261 KOUKOULIS-SPILIOTOPOULOS, Sophia, De Biarritz à Nice : le projet de Charte des droits fondamentaux

est-il articulé avec le droit de l'Union ?, La Gazette du Palais, 31 octobre 2000, n°305, p.18

262 ibid

263 REDOR, Marie-Joëlle, La vocation de l'Union européenne à protéger les droits fondamentaux, in LECLERC, Stéphane, AKANDJI-KOMBE, Jean François et REDOR, Marie-Joëlle, L'Union européenne et les droits fondamentaux, CRDF Université de Caen, Bruyant, 1999, 235p, p.13,, p.22

264 DRAGO, Guillaume, La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : présentation générale, enjeux

et perspectives, Les Petites Affiches, 13 décembre 2000, n°248, p.5

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en matière de protection des droits de l'Homme. L'action de l'Union serait donc possible si son but était de réaliser un objectif de l'Union.

Rappelons que la référence expresse à la protection des droits de l'Homme comme objectif n'a lieu que dans le cadre d'une action extérieure de l'Union265, notamment par l'insertion de clauses dites « droits de l'Homme » dans les accords conclus par l'Union avec des Etats tiers. Dès 1995, l'on indiquait que l'Union avait compétence en matière de promotion et de protection des droits de l'Homme266. Dans son arrêt de 1996267, la Cour de Luxembourg a indiqué que la Communauté « dispose de la compétence d'adopter des mesures dans le domaine des droits de l'homme, mais celle-ci ne saurait toutefois être considéré comme générale »268 lorsque la Communauté exerce ses compétences dans le domaine de la politique extérieure et de sécurité commune.

De plus, l'article 83 TFUE prévoit que l'Union peut intervenir en matière pénale, matière hautement liée aux droits de l'Homme, pour définir des règles minimales communes.

Ainsi, pour la Commission, la protection des droits fondamentaux est un « objectif horizontal de la Communauté que l'on retrouverait dans toutes les politiques »269. Il est indéniable que « la protection des droits fondamentaux est au coeur même de l'ordre juridique communautaire, depuis des décennies : sans protection des droits fondamentaux, la primauté du droit européen serait elle-même mise en péril »270.

Le préambule du TUE se réfère à l'attachement de l'Union pour les droits fondamentaux, l'article 2 TUE précisant les fondements. « Cette disposition n'est pas seulement déclaratoire ; elle revêt un caractère concret »271 puisque les Etats doivent respecter certains critères avant l'adhésion et peuvent être exclu en cas de violation272.

265 article 3§5 TUE

266 RACHET, Jean-Michel, De la compétence de l'Union européenne en matière de défense et de promotion des Droits de l'Homme, Revue du Marché Commun et de l'Union européenne, 1 avril 1995, n°387, p.256-260

267 CJCE, 3 décembre 1996, République portugaise c/ Conseil, aff. C 268/94, Rec. 1996-12, p. 6177

268 BOSSE-PLATIERE Isabelle, L'article 3 du traité UE : Recherche sur une exigence de cohérence de l'action extérieure de l'Union européenne, thèse, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2009, 859p, p.176

269 JACQUE, Jean-Paul, Droits fondamentaux et compétences internes de la Communauté européenne, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.1007, p.1013

270 BRUN, Alain, Les droits fondamentaux et le citoyen européen, in Actes du colloque international organisé par le Centre de Recherches Hannah Arendt les 16 et 17 mars 2006, Les droits fondamentaux à l'épreuve de la mondialisation, édition Cujas, institut catholique d'études supérieures, 2006, 166p, p.45, p.51

271 PRIOLLAUD, François-Xavier et SIRITZKY, David, Le traité de Lisbonne - texte et commentaire article par article des nouveaux traités européens (TUE - TFUE), la documentation française, 2008, 523p, p.33

272 article 7 TUE

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L'utilisation de l'article 7 TUE est dissuasive. Premièrement, les termes employés sont peu précis et il serait complexe de mettre en pratique les notions de « gravité », de « risque clair ». Le déclenchement de cette procédure semblerait donc assez arbitraire de la part de la Commission. En outre, « l'impact politique que pourrait avoir une telle procédure, voire même son simple déclenchement »273 a un effet dissuasif sur les Etats.

« Les droits fondamentaux doivent être un terrain privilégié du principe de coopération loyale qui est au coeur du système communautaire »274.

De plus, les objectifs de l'Union sont énumérés à l'article 3 TUE qui indique à plusieurs reprises des droits fondamentaux, tel que l'égalité entre les hommes et les femmes.

Ainsi, « si le respect de ces droits est sans doute une condition indispensable à la légalité de l'action communautaire, il ne suffit pas à donner naissance à un titre de compétence même implicite et l'article 308 (actuel 352 TUE) ne peut être utilisé »275.

Pourtant,

« en se limitant à une définition de la compétence qui est celle d'une seule compétence d'attribution, la Cour s'interdit et interdit par là même aux institutions communautaires de se saisir des droits fondamentaux en tant que compétence communautaire sans une modification explicite des traités qui, soit présenterait une liste de droits fondamentaux protégés par l'ordre juridique communautaire, en une déclaration solennelle, soit rattacherait cet ordre juridique à un autre comprenant des droits fondamentaux, et il est logique de penser d'abord à celui mis en oeuvre par la C.E.D.H. »276.

L'évolution récente de l'Union montre que la protection des droits fondamentaux est de plus en plus au centre des préoccupations des Etats membres et de l'Union.

En effet, le Traité de Lisbonne a permis la mise en place d'un outil de protection des droits de l'Homme et prévoit expressément l'adhésion à la Convention.

Par ailleurs, les compétences de la Cour de Luxembourg, et également de sa saisine par les particuliers, ont été étendues à pratiquement tous les domaines d'action de l'Union. L'Union a-t-elle aujourd'hui compétence dans le domaine des droits de l'Homme ?

273 GORI, Gisella et KAUFF-GAZIN, Fabienne, L'arrêt Matthews : Une protection globale des Droits de l'Homme par une vision réductrice de l'ordre juridique communautaire ?, Revue Europe, 1 janvier 2000, n°1, p.4-8, p.62

274 BRUN, Alain et CRABIT, Emmanuel, Faire respecter les droits fondamentaux à l'intérieur de l'Union européenne - Pistes de réflexion sur le rôle de la Commission européenne, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.45-63, p.63

275 supra note 269, JACQUE, p.1014

276 supra note 264, DRAGO

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Mais, « la question des droits de l'homme se prête mal à la théorie des compétences. Car les droits fondamentaux existent en soi, du moins selon la théorie naturaliste qui irradie toute la philosophie des droits de l'homme depuis au moins 1789 »277. En effet, « les droits de l'homme ne constituent pas un domaine de compétences »278.

La compétence est définie traditionnellement comme « un pouvoir d'agir dans un domaine déterminé »279 et de créer des normes. Cependant, certains auteurs ont eu une vision beaucoup plus large des compétences de l'Union, indiquant notamment que les droits fondamentaux

« devraient constituer non seulement une compétence mais l'objet de la Communauté, ou autrement dit un principe de répartition des compétences communautaires, à caractère « transversal » (v. en ce sens D. Simon, Europe, juin 1996, p. 3 ; R. Mehdi, Justices, no 6, 1997, p. 58), parce que « les raisons d'être de la Communauté impliquent sa soumission aux droits de l'homme » (P. Wachsmann, R.T.D.E., 1996, p. 481). »280

Au sein du Traité de Lisbonne, les droits fondamentaux sont « confirmés en tant que valeurs de l'Union, ils sont aussi érigés en objectifs à part entière tant au niveau interne à l'Union qu'externe, et justifient, à ce titre, la mise en place d'une politique autonome menée en faveur de leur promotion »281.

La Charte insiste également sur le fait que son adoption n'étend pas les compétences de l'Union. En effet, le TUE précise à l'article 6 § 1 alinéa 2 que « les dispositions de la Charte n'étendent en aucune manière les compétences de l'Union telles que définies dans les traités ». La Déclaration sur la Charte précise que

« la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, juridiquement contraignante, confirme les droits fondamentaux garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres.

La Charte n'étend pas le champ d'application du droit de l'Union au-delà des compétences de l'Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelles pour l'Union et ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités »282.

277 supra note 239, BLUMANN, p.12

278 IMBERT, Pierre-Henri, De l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH - symposium des Juges au Château de Bourglinster - 16 septembre 2002, Droits fondamentaux, n°2, janvier-décembre 2002, p11-19, p. 17

279 op.cit. BLUMANN, p.12

280 supra note 264, DRAGO

281 KAUFF-GAZIN, Fabienne, Les droits fondamentaux dans le traité de Lisbonne : un bilan contrasté, Europe, n°7, juillet 2008, dossier 5

282 Déclarations annexées à l'acte final de la conférence intergouvernementale qui a adopté le Traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, Partie A, 1).

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Cette prescription semble difficilement applicable. La Charte ayant force de traité, elle « ouvre des compétences normatives à l'Union pour légiférer dans le champ des principes »283. De plus, les principes reconnus dans la Charte « sont aussi des compétences nouvelles de l'Union européenne, y compris lorsque ces compétences ne sont que des objectifs européens »284. En outre, « lorsqu'on établit une telle Charte des droits fondamentaux, à vocation particulièrement générale et englobante, on tend par là même vers une compétence générale donnée aux institutions communautaires »285.

Pourtant, la Charte précise, et même répète, qu'elle n'étend pas les compétences de l'Union et ne vise pas à mettre en place une compétence générale en matière de droits de l'Homme286. « En réalité, on peut même avancer que l'incorporation de la Charte dans la Constitution [aujourd'hui le Traité de Lisbonne] conduira à limiter, à tout le moins encadrer, les compétences de l'Union, par un respect scrupuleux des droits fondamentaux, sous le contrôle de la CJCE »287.

Il n'en demeure pas moins que, même si une compétence en matière de protection des droits fondamentaux n'est pas inscrite directement dans les Traités, leur place au sein de l'ordre juridique communautaire n'a cessé de s'étendre. Ils ont « atteint un degré de sédimentation tel [...] que nier une compétence normative parait complètement obsolète »288 et qu'il faut admettre, comme le professeur Claude Blumann, « que les droits de l'homme sont un « objet » de la Communauté et de reconnaître à l'Union une compétence générale en la matière »289.

« Que ce soit négativement ou positivement, la Communauté semble [donc] pouvoir légiférer dans le champ des droits fondamentaux dès lors que son intervention constitue l'accessoire d'une compétence qui lui appartient en propre »290. Ainsi, comme le montre l'adoption de la Charte, « rien n'interdit aux Etats membres d'adopter des normes de droit primaire dans le champ des droits fondamentaux »291.

283 supra note 239, BLUMANN p.30

284 supra note 241, PECHEUL, p.104

285 supra note 264, DRAGO

286 supra note 260, BADINTER, p.153

287 ibid., p.149

288 op.cit., BLUMANN, p.30

289 SUDRE, Frédéric, L'Union européenne et les droits de l'Homme. De quelques interrogations..., Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.7-9, p.8

290 op.cit. BLUMANN, p.15

291 ibid, p.21

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L'Union possèderait donc une compétence générale dans le domaine des droits de l'Homme. Elle aurait ainsi l'obligation d'assurer le respect des droits fondamentaux, conformément aux Traités, par le biais du contrôle de la Cour de Luxembourg sur les actes des institutions. Or, cette protection a longtemps été absente des traités, ce qui était d'autant plus préjudiciable à l'Union, et à ses citoyens, que les Etats avaient transféré une partie de leurs compétences à l'Union, organisation supranationale. Cette dernière ayant un impact incontestable sur le droit interne des Etats membres, l'incertitude quant au respect des droits de l'Homme par l'Union devait être levée.

L'on a pu ainsi reprocher à l'Union de mener une politique en matière d'asile et d'immigration, mais également dans le domaine des affaires extérieures, alors même que le Parlement européen ne pouvait être que consulté dans ces domaines et que la Cour de Luxembourg avait une compétence limitée. L'extension progressive des pouvoirs du Parlement européen et des compétences de la Cour de Luxembourg par le Traité de Lisbonne devraient permettre de revenir sur cette limite.

En effet, « le souci de construire un espace de sécurité très nettement affirmé dans le traité d'Amsterdam, ajouté aux préoccupations économiques libérales affirmées par les premiers traités laisse donc quelque peu sceptique quant à la vocation de l'Union européenne à protéger les droits fondamentaux »292.

La Charte insiste sur le fait qu'elle n'étend pas les compétences de l'Union. « Pourtant, si un jour la Charte devait acquérir un caractère contraignant et être interprétée par le juge comme source directe de droit communautaire, les barrières que l'article 51 tente d'opposer à toute extension des compétences de la Communauté pourraient se révéler fragiles »293.

292 supra note 263, REDOR, p.30

293 DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, Fascicule 160 : Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, JurisClasseur Europe Traité, mis à jour 3 mars 2009, point 138

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Section 2. Des limites tenant à certaines dispositions de la Charte

Certaines dispositions de la Charte limitent fortement son application et sa protection envers les citoyens de l'Union. Ainsi, certains droits ne relèvent que des principes [§ 1] et une clause de « opting-out » accordée au Royaume-Uni et à la Pologne devrait exclure l'application de la Charte pour une partie du territoire de l'Union [§ 2].

§ 1. La distinction entre droits et principes

Contrairement à la Convention qui revendique un droit qui est justiciable par lui même, la Charte effectue une distinction entre les droits, inconditionnels ou non, et les principes, conformément à l'article 52 §5 de la Charte. Il est à noter que les principes « concernent principalement le chapitre relatif à la solidarité »294. Ainsi,

« les droits subjectifs supposent une action positive de la part des institutions de l'Union et des Etats membres, ils sont directement invocables en justice. En revanche, les principes qui n'ont pas d'effet directs : ils doivent être observés au cours de l'adoption des actes législatifs ou exécutifs nécessaires à la mise en oeuvre des politiques de l'Union, leur évocation devant le juge n'étant admise que pour l'interprétation et le contrôle de la légalité de ces actes »295.

Rappelons que « les droits subjectifs sont définis comme des prérogatives ou les « facultés d'agir » que le droit objectif consacre et sauvegarde au profit des sujets de droit »296. La majorité des Etats européens297 « considèrent en effet les droits fondamentaux comme des droits subjectifs et comme des normes de droit objectif »298, capables de produire par eux-mêmes « des droits au profit des particuliers ; ce sont donc des droits qui sont directement applicables, dont toute personne peut invoquer la violation même en l'absence de concrétisation législative »299.

« La fonction première des droits fondamentaux est de protéger la sphère privée des personne de la toute puissance de l'État »300, et dans le cadre de la Charte, des institutions de l'Union et des Etats membres lorsqu'ils appliquent le droit de l'Union.

294 supra note 244, CARLIER, point 139

295 supra note 235, DOLLAT, point 173

296 Actes du colloque de Caen, 23 février 1996 publiés sous la direction de Constance GREWE, Questions sur le droit européen, Presses Universitaires de Caen, Centre de recherche sur les droits fondamentaux, 1996, 273p, p.163

297 ibid., p.164

298 ibid, p.163

299 ibid.

300 ibid., p.168

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Les personnes physiques, et morales dans une moindre mesure, sont titulaires des droits fondamentaux. Une distinction traditionnelle, qui s'est estompée après la Seconde Guerre Mondiale, divisait les droits fondamentaux des personnes physiques entre les droits de l'Homme et les droits du citoyen. La Charte reprend cette division, bien que nombre de droits du citoyen sont également applicables à tout individu.

Pour la Convention, l'édiction de l'article 1 a permis d'appliquer directement ces dispositions. Mais quant est-il pour la Charte ? En effet, à aucun moment la « Convention » n'a indiqué un tel souhait de voir les dispositions de la Charte avoir la force de droits subjectifs. Peut-on considérer que la Charte est invocable devant le juge par les particuliers ? Pourtant, « la question de la reconnaissance des droits subjectifs est théoriquement indépendante de l'existence ou non d'un recours juridictionnel »301, mais dans la pratique c'est lors du recours juridictionnel que le particulier pourra faire valoir ses droits. « A l'inverse, la reconnaissance de droits subjectifs serait illusoire si leurs titulaires ne pouvaient les invoquer utilement »302.

Les droits fondamentaux sont également des normes objectives qui « s'imposent à tous les pouvoirs publics. Ils dominent l'ensemble de l'ordre juridique et valent pour toutes les branches du droit, y compris du droit privé »303. « Que les droits fondamentaux soient considérés comme des normes de droit objectif n'a rien d'étonnant : les droits subjectifs reposent sur des normes objectives »304.

Mais la Charte énonce essentiellement des principes, qui ne permettent pas de

« obtenir d'un juge une prestation positive. Ils ne constituent que des objectifs politiques. Au mieux, ils interdisent seulement aux pouvoirs publics de prendre des mesures qui pourraient contrarier les objectifs poursuivis par ces « principes ». En clair, les principes ne sont justiciables que si le législateur ne les respecte pas dans le cadre de son action »305.

Le particulier ne pourra donc se prévaloir de ces principes que si le législateur national ou l'Union décide de les mettre en oeuvre.

« Tout déprendra donc de la signification que l'on accorde à cette notion de mise en oeuvre. Cette dernière n'intervient-elle que dans les seuls cas où l'objet d'un acte est explicitement de fixer les conditions d'application du principe ? Une telle vision ne paraît-elle pas trop restrictive ? S'il est vrai qu'un particulier ne peut invoquer un principe à l'encontre d'une mesure individuelle le concernant, ce principe ne permet-il pas de demander au juge d'apprécier la conformité d'une quelconque législation dont l'effet serait de remettre en cause ledit principe ? » 306

301 supra note 296, acte du colloque de Caen 1996, p.166

302 ibid.

303 ibid, p.179

304 ibid, p.181

305 supra note 237, PECHEUL

306 JACQUE, Jean-Paul, Le Traité de Lisbonne - une vue cavalière, Revue trimestrielle de droit européen, 2008, p.439

55

Si ces principes ne sont pas mis en oeuvre, le juge pourra cependant avoir le pouvoir de censurer les mesures qui iraient à leur encontre307.

Les nouveaux droits308 qui ont été inscrits dans la Charte relèvent plus de principes et donc ne pourront pas être invoqués directement en tant que tel devant le juge. Il faudra donc effectuer dans un premier temps « une distinction claire entre les droits et les principes contenus dans la Charte »309, d'autant plus qu'il existe des articles mixtes.

Cependant, il est difficile de considérer que l'Union soit fondée sur une communauté de valeurs alors même que la Charte ne s'applique pas à tous les Etats membres. En effet, le Royaume-Uni et la Pologne, ont obtenu un protocole excluant l'application de la Charte à leur pays310. « Il faut souligner ici un nouvel instrument de protection des droits, mais regretter les clauses dérogatoires »311.

§ 2. Une clause de « opting-out » efficace ?

Le protocole n°30 exclu l'application de la Charte au Royaume-Uni et à la Pologne. « C'est une clause dite « opting-out » assez contestable sur le plan juridique »312, la Charte étant censée avoir valeur de traité.

Le Royaume-Uni a souhaité l'insertion de ce protocole dans le but de protéger son modèle social et de « rassurer la City londonienne »313.

« L'acharnement du Royaume-Uni à l'égard des droits sociaux est particulièrement vif et se traduit en amont par un noyautage du texte, en aval par un corsetage de son interprétation et au total, par un abandon final et une totale disgrâce »314. Dès l'élaboration de la Charte, le Royaume-Uni avait en effet insisté pour que les droits sociaux adoptés ne soient que de faible portée et que ces droits soient clairement expliqués pour éviter toute dérive jurisprudentielle. Ces

307 supra note 306 JACQUE

308 droit à l'environnement (article 37 de la Charte), accès aux services d'intérêt général (article 36 de la Charte), protection des consommateurs (article 38 de la Charte) etc.

309 CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501, p.507

310 L'Union, une communauté de valeurs ?, Revue Trimestrielle de droit européen, 2008, p.1

311 ANGEL Benjamin, CHALTIEL-TERRAL Florence, Quelle Europe après le traité de Lisbonne ? Bruyant, LGDJ, Montchrestien, Lextenso éditions, 2008, 195p, p.138

312 supra note 236, GAUTRON, p.50

313 ZILLER, Jacques, Les nouveaux traités européens - Lisbonne et après, CLEFS Politique, Lextenso Editions, Montchrestien, 2008, 159p, p.123

314 supra note 281, KAUFF-GAZIN

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précautions auront été vaines puisque le Royaume-Uni demandera, et obtiendra, un statut spécifique pour l'application de la Charte.

Si le Royaume-Uni avait la volonté de limiter la portée des droits sociaux en adoptant ce protocole, l'objectif pour la Pologne est tout autre. En effet, la Pologne voulait s'assurer que « la Charte ne porte atteinte en aucune manière au droit des Etats membres de légiférer dans le domaine de la moralité publique, du droit de la famille ainsi que de la protection de la dignité humaine et du respect de l'intégrité humaine physique et morale »315. La Pologne désirait ainsi protéger sa conception de la famille. « A vrai dire, on voit mal comment le protocole pouvait répondre aux préoccupations polonaises puisque celles-ci portent sur des aspects du droit de la famille qui sont déjà largement couvertes par la Convention européenne des droits de l'homme à laquelle la Pologne est partie »316.

Les déclarations de la Pologne et du Royaume-Uni conduisent à ce que la Charte ne leurs soit pas appliquée.

« En réalité elle doit s'imposer aux institutions européennes. « C'est plus symbolique qu'autre chose », affirme un diplomate. Ce qui est loin d'être certain. En effet, dès lors que la charte a une valeur juridique contraignante pour les institutions, la Cour de justice devient officiellement compétente pour en garantir l'application »317.

Ainsi, pour le Royaume-Uni et la Pologne, « ni la Cour de justice ni une juridiction de l'un des ces Etats ne peut constater l'incompatibilité d'une règle de l'un de ces Etats avec la Charte, laquelle, par ailleurs, ne crée aucun « droit justiciable » applicable à l'un de ces Etats »318.

Les critiques sur ce protocole sont nombreuses. En effet, « il suffit de lire le protocole (avec soin et sans rire) pour voir qu'il n'a guère de sens »319. En effet, l'applicabilité d'une telle immunité semble difficilement envisageable.

La Charte sera cependant applicable à ces deux pays si elle protège les mêmes droits que la législation nationale. En outre, l'apport de ce protocole est d'autant plus incertain que les deux Etats reconnaissent que la Charte ne fait que reprendre des droits déjà reconnus et protégés. Bien que la Charte ne puisse s'appliquer à ces deux Etats, la Convention et les principes généraux du

315 déclaration n°61 au Traité de la République de Pologne sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

316 supra note 306, JACQUE

317 supra note 311, ANGEL et CHALTIEL-TERRAL, p.137

318 supra note 230, FALLON et SIMON, p.248

319 supra note 313, ZILLER,p.123

57

droit eux sont applicables. La référence aux principes généraux affaiblit donc la portée du protocole320. « Comment justifier un opting out sur une partie de l'acquis alors que le même préambule confirme par ailleurs le respect de cet acquis par le Royaume-Uni et la Pologne ? »321. Les Etats sont donc déjà liés à ces droits par d'autres instruments de protection des droits de l'Homme que la Charte, tels la Convention ou les principes généraux du droit. Le juge aura alors la délicate mission de définir si oui ou non ces droits sont similaires.

« En ce qui concerne le contrôle juridictionnel, le protocole prévoit certes que la Charte n'en étend pas le champ de ce contrôle, mais elle ne le restreint pas non plus. Il en résulte que le contrôle de la cour et des juridictions nationales

322

continuera à s'exercer de la même manière qu'auparavant ».

Premièrement, les juridictions des autres Etats membres, qui appliquent la Charte, pourraient être « amenées à connaître de l'application d'une disposition émanant de l'un de ces Etats »323 et leurs appliquer alors la Charte.

En outre, dans le cas de la transposition en droit interne des directives, ces dernières devant respecter la Charte, l'on peut être amené à en déduire « qu'il doit en aller de même pour leur mise en oeuvre »324 et que la Cour de Luxembourg appliquera alors la Charte à tous les Etats membres si un contrôle devait avoir lieu.

De plus, ces Etats ayant obtenu des dérogations, « leurs citoyens ne pourront pas bénéficier des mêmes droits que ceux des autres Etats membres »325. Ceci va à l'encontre même de l'égalité qui doit exister entre tous les citoyens mais respecte le principe que les Etats membres demeurent souverains et qu'ils peuvent refuser de participer à certains domaines en négociant des dérogations lors des traités.

L'utilité de ce protocole a donc été remise en cause. En effet, le protocole « n'empêche pas les avocats de demander l'application des droits codifiés par la Charte, étant donné qu'ils s'imposent de toute façon au Royaume-Uni sur la base des dispositions ou décisions de jurisprudence dont ils proviennent »326.

« tout au plus l'article 2 pourrait avoir pour effet de rendre inopérante sur le territoire de la Pologne et celui du Royaume-Uni une interprétation d'un droit consacré par la Charte qui aurait sa source dans les traditions constitutionnelles

320 BROSSET, E. et al., Le Traité de Lisbonne - Reconfiguration ou déconstitutionnalisation de l'Union européenne ?, Bruyant, 2009, 352p, p.153

321 ibid., p.156

322 supra note 306, JACQUE

323 supra note 230. FALLON et SIMON, p.248

324 supra note 311, ANGEL et CHALTIEL-TERRAL, p.138

325 supra note 210, AVGERI et MAGNILLAT p.239

326 supra note 313, ZILLER, p.124

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communes aux Etats membres de l'Union, mais qui n'existerait justement pas dans l'un de ces pays »327.

De plus, l'article 1§2 du protocole n°30 stipule que « rien dans le titre IV de la Charte ne crée des droits justiciables à la Pologne ou au Royaume-Uni, sauf dans la mesure où la Pologne ou le Royaume-Uni a prévu de tels droits dans sa législation nationale ». Cette disposition semble aller à l'encontre de l'article 52§5 de la Charte328 qui précise que

« les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en oeuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l'Union, et par des actes des Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, dans l'exercice de leurs compétences respectives ».

Il est également à noter que le protocole ne reprend pas la distinction entre les droits et les principes énoncés dans la Charte. Il semblerait donc qu'aucune des dispositions du titre IV de la Charte ne soient applicable. Pourtant, ces droits peuvent être protégés par d'autres instruments,

« il est vraisemblable que le pouvoir de nuisance de ce Protocole soit plus insidieux, rendant la saisine de la CJCE par voie préjudicielle par les juridictions nationales britanniques et polonaises, plus incertaine si celles-ci rencontrent un problème de compatibilité au regard des droits sociaux fondamentaux d'une mesure nationale de mise en oeuvre du droit communautaire »329.

Ce refus du titre IV par la Pologne est d'autant plus étrange qu'elle avait déclaré

« que, compte tenu de la tradition liée au mouvement social « Solidarité » et de sa contribution importante à la lutte en faveur des droits sociaux et du travail, elle respecte intégralement les droits sociaux et du travail établis par le droit de l'Union, et en particulier ceux qui sont réaffirmés au titre IV de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne »330.

Bien que les déclarations n'aient pas de valeur juridique, elle va à l'encontre de l'objectif du protocole. Le Titre IV de la Charte serait-il alors applicable également à la Pologne, ou au contraire, la Pologne soulignerait-elle que son droit national protège suffisamment les droits sociaux ? Les juges auront de nouveau la délicate mission d'interpréter ces intentions331.

« Il est évident que ce protocole risque de créer une situation d'insécurité juridique »332. Certains auteurs indiquent que le protocole priverait la Commission de pouvoir saisir la Cour de Luxembourg pour manquement de ces Etats aux dispositions de la Charte. En outre, les juges nationaux de ces Etats ne pourraient saisir la Cour de Luxembourg d'une question préjudicielle

327 supra note 313, ZILLER, p.124

328 supra note 281, KAUFF-GAZIN

329 ibid.

330 déclaration n°62 aux traités « Déclaration de la République de Pologne relative au protocole sur l'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à la Pologne et au Royaume-Uni »

331 op. cit. KAUFF-GAZIN

332 VAN DER JEUGHT, Stefaan, Le Traité de Lisbonne et la Cour de justice de l'Union européenne, Journal de droit européen, 1 décembre 2009, n°164, p.297-303, p.301

sur l'interprétation d'une disposition de la Charte, cette dernière n'étant pas applicable dans les Etats, la réponse de la Cour de Luxembourg ne pourrait avoir d'effet en droit interne333.

Pourtant, des auteurs indiquent également que ce protocole n'a aucune portée juridique, les Etats étant liés à la protection des droits fondamentaux et à la Charte par l'article 6§3 TUE.

« Ainsi, sur un sujet aussi essentiel que la protection des droits fondamentaux, le traité de Lisbonne consacre une Europe à géométrie variable, où l'étendue de la protection des droits n'est pas partout identique »334.

La volonté de l'Union de créer véritablement espace de liberté, de sécurité et de justice serait rendue plus vraisemblable par l'adhésion de l'Union à la Convention qui permettrait de combler les lacunes communautaires de protection des droits de l'Homme, notamment vis-à-vis de la procédure juridictionnelle. « Dans une optique de clarté et de sécurité juridique, l'adhésion de l'UE à la CEDH complèterait logiquement et utilement les dispositions contenues dans la Charte »335. En outre, le fait que la Cour de Strasbourg voit se multiplier les plaintes contre le droit de l'Union montre qu'il y a une véritable attente des citoyens.

Il faut assurer la sécurité juridique au sein du continent européen. « L'Europe doit se doter d'une juridiction homogène en matière de droits de l'homme »336. L'adhésion de l'Union à la Convention semble alors être le meilleur moyen d'y parvenir.

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333 supra note 332 VAN DER JEUGHT

334 supra note 257, BERTONCINI et al, p.128

335 supra note 243, KRUGER et POLAKIEWICZ, p.4

336 ibid., p.6

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Partie 2. L'adhésion de l'Union à la Convention : la solution à une protection efficace des droits de l'Homme des citoyens de l'Union ?

L'adhésion de l'Union à la Convention permettra une soumission des actes de l'Union à un contrôle externe. Cependant, cette adhésion n'est pas sans poser des difficultés sur l'aménagement de la Convention [Titre 1] et ne résoudra qu'en partie les interférences entre les deux ordres normatifs, conventionnels et communautaires [Titre 2].

Titre 1. La conclusion de l'accord d'adhésion : la difficulté de prendre en compte les particularités relatives à l'Union

La Convention devra être adaptée pour permettre l'adhésion d'une organisation sui generis et non d'un Etat [Chapitre 1]. L'accord d'adhésion qui sera conclu devra notamment stipuler les modalités de la prise en compte de l'Union dans le système conventionnel [Chapitre 2].

Chapitre 1. Une révision nécessaire de la Convention

L'adhésion de l'Union à la Convention ne se fera pas automatiquement et les Etats membres, tant de la Convention que de l'Union, devront au préalable donner leur accord [Section 1]. Mais cet accord devra également modifier certains termes ne pouvant s'adapter à l'adhésion d'une organisation sui generis [Section 2].

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Section 1. La signature de l'accord d'adhésion par tous les Etats concernés

Conformément à la Convention de Vienne de 1969, l'adhésion s'entend comme le consentement d'un État a être lié par un traité337. Selon la définition donnée par le Conseil de l'Europe, « l'adhésion est le moyen habituel par lequel un État qui n'a pas participé à la négociation d'un traité et ne l'a pas signé peut ultérieurement consentir à être lié par ses dispositions »338.

L'adhésion de l'Union à la Convention a été prévue au sein du protocole n°14339 de 2004, qui est entré en vigueur le 1er juin 2010. L'article 59 §2 de la Convention ne précise pas les modalités de l'adhésion, laissant libre le choix de l'instrument, entre un protocole d'amendement ou un traité d'adhésion. Quel que soit le choix qui sera effectué, une procédure de ratification des modifications nécessaires devra de nouveau être réalisée. Bien que ces modifications n'affectent pas les obligations des Etats parties mais ne visent qu'à permettre une application de la Convention à l'Union, organisation sui generis, des obstacles à cette nouvelle ratification pourraient surgir et ralentir le processus d'adhésion.

L'Union ayant également obtenu la personnalité juridique et l'article 6 §2 TUE prévoyant expressément que l'Union adhère à la Convention, cette adhésion peut définitivement être scellée.

Le Comité directeur pour les droits de l'Homme propose d'effectuer un amendement global à la Convention par la voie d'un protocole, pour prendre en compte les différentes modifications nécessaires à l'adhésion de l'Union. Cependant, dans le domaine de la participation de l'Union au budget de la Cour de Strasbourg, le Comité propose un accord séparé qui ne lierait que l'Union et le Conseil de l'Europe340.

Mais ce protocole devra être signé par tous les Etats parties à la Convention avant de ne pouvoir entrer en vigueur. L'on a constaté, avec le protocole n°14, que la signature d'un protocole peut prendre plusieurs années et être bloquée par un État partie.

337 Article 2 §1 b) de la Convention de Vienne de 1969

338 Site Internet du Conseil de l'Europe

339 Protocole n°14 (STE 194), entré en vigueur le 1 juin 2010

340 Conseil de l'Europe, Strasbourg, 28 juin 2002, DG-II(2002)006 [CDDH(2002)010 Addendum 2], Etude des questions juridiques et techniques d'une éventuelle adhésion des CE/de l'UE à la Convention européenne des droits de l'Homme, Rapport adopté par le Comité directeur pour les Droits de l'Homme, p.4

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« En théorie »341, une « clause d'acceptation tacite » pourrait être envisagée dans le cas d'espèce pour permettre une adhésion plus rapide de l'Union. Cette clause permet une entrée en vigueur automatique, après un certain délai, si aucune Haute Partie ne pose d'objection. Mais cette pratique de l'acceptation tacite d'une réforme s'utilise traditionnellement pour des domaines techniques. Ainsi, elle a été utilisée en 1998 concernant la télévision transfrontière. Elle a cependant créé des problèmes au niveau national342. L'adhésion de l'Union à la Convention est loin de ne poser des interrogations qu'au sein de l'Union. En effet, la Russie, qui a tardé à signer le protocole n°14, émettait des réserves quant à la possibilité pour l'Union d'adhérer, notamment dû au fait qu'un juge, de la nationalité d'un des Etats membres, devrait être élu. « L'entrée en vigueur d'un tel instrument sans le consentement exprès de toutes les Parties à être liées serait sans précédent, et par conséquent insusceptible d'être considérée comme adéquate ou acceptable par les Hautes Parties Contractantes à la Convention »343.

Mais, à la conclusion d'un protocole d'amendement pourrait être substituée la conclusion d'un traité d'adhésion entre l'Union et tous les Etats parties à la Convention. Cette démarche suivrait celle de l'Union lors de l'adhésion d'un nouvel État. Le traité pourrait également contenir les amendements à la Convention nécessaires à son bon fonctionnement après l'adhésion de l'Union, ce qui permettrait de n'effectuer qu'une seule démarche pour réaliser l'adhésion, au lieu de l'élaboration du protocole d'amendement suivi d'un accord d'adhésion.

Un protocole d'amendement devra être pris pour que la Convention puisse être appliquée à l'Union. Ce dernier s'appliquera après la signature de toutes les Hautes Parties. Nous pouvons supposer que la signature des vingt-sept Etats membres sera acquise. Mais qu'en est-il des Etats tiers à l'Union ? En effet, le protocole n°14 de la Convention n'a été ratifié que tardivement, la Russie ayant eu quelques réticences.

Le traité de Lisbonne prévoit expressément l'adhésion de l'Union à la Convention. « Cette obligation de résultat atteste de l'importance que les Etats membres de l'UE accordent à l'adhésion. Toutefois, cette considération peut être tempérée par l'analyse des modalités

341 supra note 340, DG-II(2002)006, p.5

342 ibid, p.13

343 ibid, p.5

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procédurales et des conditions posées à l'adhésion, qui la rendent complexe »344. Ainsi, des obstacles à l'adhésion demeurent.

Conformément à l'article 216 §1 TFUE ;

« L'Union peut conclure un accord avec un ou plusieurs pays tiers ou organisations internationales lorsque les traités le prévoient ou lorsque la conclusion d'un accord, soit est nécessaire pour réaliser, dans le cadre des politiques de l'Union, l'un des objectifs visés par les traités, soit est prévue dans un acte juridique contraignant de l'Union, soit encore est susceptible d'affecter des règles communes ou d'en altérer la portée. »

C'est le choix du traité d'adhésion qui a été effectué, au détriment d'un protocole d'amendement à la Convention. Cette procédure a plusieurs avantages,

« l'Union sera liée directement par toutes les dispositions du traité d'adhésion ; elle repose sur une seule procédure alors que la ratification ou l'approbation initiale d'un protocole d'amendement suppose ensuite l'adhésion de l'Union ; un traité d'adhésion permettra de présenter plus clairement les dispositions inhérentes à l'adhésion de l'Union »345.

En effet, la lettre même du traité de Lisbonne rend cette adhésion soumise à une procédure difficile, même si classique, de tout accord international.

Contrairement au Traité établissant une Constitution pour l'Europe, la procédure de ratification de l'accord d'adhésion à la Convention a été durci, suivant les dispositions de l'article 218 §8 al 2 TUE correspondant à la procédure ordinaire de ratification qui est cependant plus périlleuse.

La procédure simplifiée aurait permis de ne pas passer par la ratification de tous les Etats membres. L'on peut s'étonner que ce choix n'ait pas été retenu puisque l'adhésion de l'Union à la Convention est un renforcement des droits de l'Homme au sein de l'Union et que la Charte et la jurisprudence de la Cour de Luxembourg reconnaissent déjà ces droits. « Mais il s'agit de réformes plus techniques que politiques »346 et une ratification par chacun des Etats est préférable.

L'article 218 TUE dispose spécifiquement que le Parlement européen doit donner son approbation à la conclusion d'un accord d'adhésion à la Convention347. Il est à noter que « dès

344 KAUFF-GAZIN, Fabienne, Les droits fondamentaux dans le traité de Lisbonne : un bilan contrasté, Europe, n°7, juillet 2008, dossier 5

345 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p, point 1125

346 ibid., point 613

347 article 218 §6 a) ii) TFUE

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l'origine [début des années 90] cette perspective a bénéficié du soutien du Parlement européen et de la Commission mais elle suscitait l'opposition du Conseil de l'Union »348.

De plus, le Conseil devra se prononcer à l'unanimité349. « S'agit-il d'un verrou procédural réel ? »350. Comme lors de chaque accord, il est certain que des Etats chercheront à disposer de dérogations ou à faire valoir leur point de vue. Rappelons que la Charte, qui avait été pourtant acceptée par tous les Etats membres en 2000, a fait l'objet d'un nouveau protocole après l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Union. Il n'est donc pas exclu que, malgré la ratification du Traité de Lisbonne, des Etats fassent part de réticences. « Toutefois, cette situation reste théoriquement improbable, l'unanimité ne change a priori pas grand-chose puisque les Etats membres de l'Union seront appelés de toute façon à approuver cet accord en aval, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives comme le prévoit l'article 218§8 alinéa 2 du TFUE »351. Ce point de vue est partagé par le professeur Florence Benoit-Rohmer352.

En effet, il est précisé que « la décision portant conclusion de cet accord entre en vigueur après son approbation par les Etats membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives »353. Ce point risque donc d'être le plus délicat. Les ratifications antérieures ont montré les difficultés pour les Etats de signer des accords qui avaient déjà l'appui communautaire. La signature des deux derniers traités le démontre. Le Traité établissant une Constitution pour l'Europe a dû être abandonné après le rejet des populations françaises et néerlandaises en 2005. Le traité de Lisbonne est également entré difficilement en vigueur après le refus irlandais et n'a pu aboutir qu'après un second référendum. Bien que l'adhésion de l'Union à la Convention semble beaucoup moins problématique qu'un traité modificatif des compétences de l'Union, un échec peut être envisageable. En effet, l'accord devra passer par des procédures diverses, conformément aux droits nationaux. Il devra ainsi obtenir la faveur des citoyens irlandais par un référendum, mais majoritairement, ce sera aux Parlements nationaux de voter.

L'on peut noter cependant que les Etats semblent prêts à une adhésion puisque le traité de Lisbonne est entré en vigueur. Pourtant des réticences avaient eu lieu, et sont toujours présentes.

348 supra note 345., DOLLAT, point 1123

349 article 218 §8 TFUE

350 supra note 344, KAUFF-GAZIN

351 supra note 344, KAUFF-GAZIN

352 Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Adhésion de l'Union européenne/Communauté européenne à la Convention européenne des Droits de l'Homme, doc.11533, 18 mars 2008, 38p, p.21

353 article 218 §8 TFUE

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Ainsi, « certains Etats membres de l'Union font la sourde oreille aux appels réitérés, y compris au sein de l'Union, en faveur d'une adhésion rapide de la Communauté, voire de l'Union elle-même, à la Convention »354. « On sait très bien que certains Etats membres sont fermement opposés à cette possibilité »355 et la mise en place de cette procédure « leur ouvre un droit de veto »356. Ces nouvelles modalités pour la signature de l'accord d'adhésion ont conduit à remettre en cause la volonté des Etats membres de soumettre l'Union à un contrôle externe.

« Si, pour une fois, le traité accorde tant d'importance aux Etats c'est tout simplement - tout en faisant semblant de respecter les apparences - pour retarder le moment où le système juridique de l'Union devra subir le contrôle d'un système juridique extérieur : celui du droit européen des droits

357

de l'homme ».

En outre, la Cour de Luxembourg pourra toujours être saisie pour avis par « un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission »358. « De plus, si l'avis de la Cour n'était pas sollicité, celle-ci aurait encore le pouvoir d'annuler la décision de conclusion de l'accord »359.

Le contrôle de l'accord par la Cour de Luxembourg « tend à éviter les inconvénients d'une contradiction entre l'accord et le traité constitutif par un examen préalable »360. Cependant, l'adhésion de l'Union à la Convention étant prévue par le Traité, il est difficile d'imaginer un refus de la Cour de Luxembourg.

Notons que dans le cadre de l'avis 2/94, la Cour de Luxembourg avait examinée la compatibilité de l'accord avec les traités communautaires, notamment par rapport aux compétences de l'Union, avant même l'ouverture des négociations car l'objet et les effets institutionnels de cet accord d'adhésion de l'Union à la Convention étaient connus361. La Cour de Luxembourg avait alors relevé une inadéquation de l'adhésion de l'Union avec la Convention par rapport à la lettre des traités.

354 BULTRINI, Antonio, La responsabilité des Etats membres de l'Union européenne pour les violations de la Convention européenne des droits de l'Homme imputables au système communautaire, Revue trimestrielle de droit de l'Homme, 2002, p5-43, p6

355 ibid, p6-7

356 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.51

357 PECHEUL, Armel, Le traité de Lisbonne - La Constitution malgré nous ?, édition Cujas, 2008, 155p, p.113-114

358 article 218 §11 TFUE

359 supra note 345, DOLLAT, point 606. Référence à l'arrêt de la CJCE du 9 août 1994, France c/ Commission, aff. C-327/91

360 RIDEAU, Joël, Droit institutionnel de l'Union européenne et des Communautés européennes, LGDJ, 5ème édition, 2006, 1281p, p.736

361 NEFRAMI, Elestheria, Fascicule 192 : Accords internationaux, JurisClasseur Europe Traité, mise à jour 29 mars 2007, point 127

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En cas de saisine de la Cour de Luxembourg dans notre cas d'espèce, la Cour ne pourrait se retrancher, comme en 1996, derrière l'incompétence de l'Union pour signer un tel accord. Premièrement, l'Union a aujourd'hui la personnalité juridique. Deuxièmement, le fait que l'adhésion de l'Union soit prévue au sein même du Traité démontre la volonté des Etats membres de faire adhérer l'Union à la Convention. Cependant, il est à souligner que la Cour de Luxembourg, lors de son contrôle, s'attache à préserver l'autonomie de l'ordre juridique communautaire362. Les questions sur ce point pourraient poser des difficultés. En cas d'avis négatif de la Cour de Luxembourg, la procédure normale est une révision des Traités. Mais si le refus est lié à l'autonomie juridique communautaire, la modification des Traités risque de n'être qu'une procédure vaine puisque les Traités ont déjà pris des précautions en vue de protéger ce point. Cependant, l'accord lui même peut être modifié, conformément à l'article 218 §11 TFUE.

Bien entendu, une fois signés, « les accords internationaux conclus [...] avec des Etats tiers ou des organisations internationales, constituent une source à part entière du droit communautaire »363. La Convention aura alors une place supérieure au droit dérivé communautaire. La Convention sera donc au dessus des normes nationales car appartenant au droit de l'Union364. Pour sa part, la Charte fait partie du droit primaire de l'Union. Mais lorsque l'Union sera partie à la Convention, la Cour de Luxembourg, conformément à l'article 1 de la Convention, devra appliquer la Convention et se conformer à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg365. Ainsi, l'article 216 §2 TFUE rappelle que « les accords conclus par l'Union lient les institutions de l'Union et les Etats membres ». Conformément à la jurisprudence de la Cour de Luxembourg dans son arrêt Haegeman 366, « la responsabilité de la Communauté [aujourd'hui de l'Union] peut être engagée pour violation de leurs dispositions »367.

L'arrêt Haegeman de la Cour de Luxembourg a notamment précisé que « les dispositions de l'accord forment partie intégrante, à partir de l'entrée en vigueur de celui-ci, de l'ordre juridique communautaire ». De plus, « les accords internationaux ne bénéficient pas d'une présomption d'effet direct, ce principe étant intimement lié au caractère propre du système

362 supra note 361, NEFRAMI, point 130

363 supra note 345, DOLLAT, point 623

364 GERKRATH, Jorg, Les principes généraux du droit ont-ils encore un avenir en tant qu'instruments de protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne ?, Revue des affaires européennes, 1 janvier 2006, n°1, p.31-43, p.41

365 ibid., p.42

366 CJCE, 30 avril 1974, Haegeman, aff. 131/73, Rec. 459

367 op.cit., DOLLAT, point 623

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juridique communautaire »368. Cependant, la Cour de Luxembourg « accepte (également) de reconnaître l'effet direct des dispositions d'un accord international, si les dispositions visées sont reprises dans un acte communautaire produisant, par nature, un tel effet »369. La Charte reprenant les droits énoncés dans la Convention, l'on peut envisager que la Cour de Luxembourg donnera un effet direct aux dispositions de l'accord d'adhésion à la Convention.

« Néanmoins, l'accord ne sera opposable aux justiciables qu'à partir de la date de sa publication au Journal officiel de l'Union, l'obligation de publication étant définie par le règlement intérieur du Conseil du 31 mai 1999, et non directement par les traités »370.

Il est à noter que bien que des accords conclus antérieurement par les Etats membres ont pu être rattachés par la suite au droit de l'Union par le juge de la Cour de Luxembourg, il « a toujours refusé la thèse de la succession de la Communauté à la convention européenne des droits de l'homme »371.

Mais la Convention n'est plus composée que d'un seul texte. Ainsi, le Parlement européen recommande que l'Union adhère aux protocoles additionnels de la Convention lorsque ces derniers portent sur des droits « qui correspondent à la Charte des droits fondamentaux (n°1, 4, 6, 7, 12 et 13), et ceci indépendamment de leur ratification par les Etats membres de l'Union »372.

« L'adhésion de l'Union à la CEDH constitue un premier pas essentiel qui devrait ensuite être complété par l'adhésion de l'Union à, entre autres, la Charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961 et révisée à Strasbourg le 3 mai 1996, en cohérence avec les acquis déjà consacrés dans la Charte des droits fondamentaux ainsi que dans la législation sociale de l'Union »373.

Sur ce point, l'avis de la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, tout comme celui de la Commission des affaires étrangères, diffère puisqu'il indique que seuls les protocoles ratifiés par tous les Etats membres doivent également être ratifiés par

368 supra note 345, DOLLAT, point 693

369 ibid., point 694

370 ibid. ,point 624

371 ibid., point 627

372 Parlement européen, Document de séance sur les aspects institutionnels de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 6 mai 2010, A70144/2010, 2009/2241(INI), 21p, p.5

373 ibid., p.10

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l'Union. Il invite cependant les Etats membres à signer tous les protocoles reconnaissant des droits inscrits dans la Charte374.

En effet, la ratification de la Convention par l'Union ne doit pas être un moyen détourné, par le biais de l'application directe du droit de l'Union, pour intégrer dans le droit interne des Etats membres des dispositions de la Convention qu'ils n'ont pas ratifiées375.

Cependant, ces protocoles et autres restrictions ne concernent que le droit interne des Etats membres. L'adhésion de l'Union à la Convention « ne produirait d'effet juridique que dans la mesure où le droit de l'Union est concerné »376.

Aucune barrière normative ne limite aujourd'hui l'adhésion de l'Union à la Convention. Tant le droit primaire de l'Union que la Convention permettent une telle adhésion. Cependant, le traité de Lisbonne et le protocole n°14 ne résolvent pas tous les problèmes dûs à l'adhésion d'une entité telle que l'Union à la Convention qui fut élaborée pour être appliquée à des Etats souverains et non à une institution sui generis.

Dans ce cadre, la difficulté est de trouver les modalités pour prendre en compte l'Union au sein de la Cour de Strasbourg et du Comité des Ministres.

Section 2. La nécessaire prise en compte des spécificités communautaires par le système conventionnel

L'adhésion de l'Union à la Convention engendrera des difficultés quant à l'interprétation de certains termes aux vues de la spécificité de l'Union [§1]. L'adhésion permettra également un contrôle du droit de l'Union par la Cour de Strasbourg, à laquelle l'Union devrait participer [§2]. Le contrôle du respect de la Convention passant également par celui de l'exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg, l'Union devrait pouvoir participer au Comité des Ministres [§3].

374 supra note 372, A7-0144/2010, document du Parlement européen, p.14

375 CHALTIEL, Florence, Le traité de Lisbonne : les droits fondamentaux, Les Petites Affiches, 10 avril 2008, n°73, p.10

376 BADINTER, Robert, La Charte des droits fondamentaux à la lumière des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.143, p.154

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§1. L'inadaptation de certains notions à l'Union

Le protocole n°8 au Traité dispose que des modalités pour l'adhésion de l'Union à la Convention doivent être prises, notamment dans le but « de préserver les caractéristiques spécifiques de l'Union et du droit de l'Union »377.

Le Comité directeur pour les droits de l'Homme a relevé en 2002378 trois grands types de dispositions à prendre dans le cadre d'une adhésion de l'Union à la Convention. En premier lieu, des amendements à la Convention devront être pris. En second lieu, les termes de la Convention spécifiques aux Etats devront faire l'objet d'une interprétation pour une application à l'Union. Enfin, l'adhésion devra également prendre en compte des aspects plus techniques, tel que la participation de l'Union au budget de fonctionnement de la Cour de Strasbourg379.

Le premier point de la Convention qui devait être amendé est celui de l'article 59 indiquant que seuls des Etats pouvaient adhérer. L'entrée en vigueur du protocole n°14 à la Convention, le 1er juin 2010, a permis la modification de cet article. Il prévoit expressément à son article 17 la possibilité pour l'Union d'adhérer à la Convention.

Concernant les incohérences de vocabulaire entre la Convention, écrite à l'origine pour des Etats souverains, et l'Union, organisation sui generis, certains termes devront être adaptés par des amendements aux différents articles de la Convention. Ainsi, les termes se rapportant à la notion d'État devront être étendus pour prendre en compte également l'Union. Le préambule devra ainsi être amendé, faisant directement référence à la notion d' « État », tout comme l'article 10 et 27 de la Convention pour ne citer qu'eux. Les références à la « sécurité nationale »380 et à la « nation »381 devront également être amendées.

Mais, « la redéfinition de certains termes peut s'avérer difficile. Il pourrait donc être préférable d'adopter une clause générale d'interprétation ayant pour effet d'indiquer que ces termes se réfèrent également à l'UE ou sont applicables mutatis mutandis à l'UE »382.

377 article 1 du protocole n°8 au Traité

378 Conseil de l'Europe, Strasbourg, 28 juin 2002, DG-II(2002)006 [CDDH(2002)010 Addendum 2], Etude des questions juridiques et techniques d'une éventuelle adhésion des CE/de l'UE à la Convention européenne des droits de l'Homme, Rapport adopté par le Comité directeur pour les Droits de l'Homme

379 supra note 340, DG-II(2002)006, p.4

380 par exemple à l'article 6 et 8 de la Convention, article 2 du protocole additionnel à la Convention n°4

381 par exemple à l'article 7 et 15 de la Convention

382 IMBERT, Pierre-Henri, De l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH - symposium des Juges au Château de Bourglinster - 16 septembre 2002, Droits fondamentaux, n°2, janvier-décembre 2002, p11-19, p13

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La modification des termes de la Convention pourrait s'effectuer au sein même de la Convention ou plus simplement par une clause générale d'interprétation qui permettrait de prendre en compte les dispositions particulières liées à la qualité juridique de l'Union.

Mais c'est bien entendu la place de l'Union au coeur des organes de contrôle de la Convention qui sera une difficulté à surmonter.

Il est également à noter que des droits particuliers reconnus par la Convention seront difficilement applicables à l'Union. « La question d'un éventuel déficit démocratique de l'Union »383 pourrait constituer une violation de la Convention.

« La notion de « déficit démocratique », selon une première acception, renvoie à l'écart qui s'est creusé entre les pouvoirs transférés à l'UE et l'efficacité des procédures de surveillance et de contrôle du Parlement européen »384. Cette conception se limite donc à une seule institution alors même que l'Union est composée de multiples organes permettant la création du droit de l'Union et d'une démocratie indirecte.

Pourtant, les pouvoirs conférés au Parlement européen n'ont cessé de s'étendre au fil des révisions et de la construction communautaire. En outre, de nouvelles voies ont été introduites au profit des citoyens de l'Union, telle que le droit de pétition au Parlement européen385.

Le fait que le Parlement européen soit élu au suffrage universel direct par les citoyens de l'Union depuis 1979 ne semble pas suffire à dissiper ce doute. Pourtant, ses pouvoirs et compétences se sont renforcés au fil de la construction communautaire, notamment avec le Traité de Lisbonne. Ainsi, la procédure ordinaire lors du vote d'une norme communautaire est devenue la codécision. En outre, dans le domaine délicat de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, le Parlement a acquis un rôle de co-législateur alors qu'il demeurait cantonné auparavant à un rôle consultatif. Plus généralement, le Traité de Lisbonne renforce la démocratie participative au sein de l'Union en élaborant un droit d'initiative populaire386 et renforce la place des Parlements nationaux387.

383 supra note 345, DOLLAT, point 176

384 BELORGEY, Nicolas, Les origines de la légitimation non démocratique de l'Union européenne, Cités 2003/1, n°13, p.67-79, p.67

385 article 227 TFUE

386 article 11, §4 TUE

387 article 12 TUE

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Par l'arrêt Matthews, la Cour de Strasbourg indique au sujet du Parlement européen qu'il est « la partie de la structure de la Communauté européenne qui reflète le mieux le souci d'assurer au sein de celle-ci un régime politique véritablement démocratique »388 et que le Parlement européen peut être considéré comme un « corps législatif » au sens de l'article 3 du Protocole additionnel n°1 à la Convention389.

La difficulté de la conception de la démocratie au sein de l'Union repose sur deux préceptes. En premier lieu, la souveraineté doit appartenir au peuple. Cette souveraineté a longtemps été limitée à une démocratie indirecte, représentée par les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres et par des parlementaires nationaux. L'élection de ses représentants était liée au processus de chaque Etat. La mise en place d'un Parlement européen élu au suffrage universel direct et l'extension de ses compétences ont permis de réduire les critiques dans ce domaine. Cependant, l'on en vient aujourd'hui à remettre en cause la démocratie au sein de l'Union par le fait que le socle de la démocratie dans l'Union n'existe pas. En effet, bien que les institutions de l'Europe soient issues d'élection, « il faut aussi et avant tout qu'il y ait un « peuple », c'est-à-dire une communauté d'hommes et de femmes adhérant suffisamment aux mêmes valeurs et au même projet politique pour constituer une nation »390. La Charte revendiquant dans son préambule des peuples de l'Europe et non un peuple, le professeur Gilles Lebreton en déduit qu'il n'y a pas de peuple européen et donc pas de démocratie au sein de l'Union391. De même, selon la Cour constitutionnelle allemande, « il n'existe pas de peuple européen, sujet d'une démocratie européenne »392.

L'article 35§2 de la Convention indique que les requêtes « précédemment examinée par la Cour ou déjà soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement » sont rejetées. Dans ce cas, les requêtes ayant déjà étaient soumises à la Cour de Luxembourg peuvent-elles être examinées par la Cour de Strasbourg ? Pour se faire, la Cour de Strasbourg devrait considérer la Cour de Luxembourg comme faisant partie des voies de recours internes, comme précisé par l'article 35§1 de la Convention. Bien que la Cour de Luxembourg soit compétente pour résoudre les conflits liés au droit de l'Union, et que la procédure des questions

388 arrêt Matthews, §52

389 arrêt Matthews, §54

390 LEBRETON, Gilles, Critique de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Recueil Dalloz, 2003, p.2319

391 ibid.

392 CHALTIEL, Florence, Le Traité de Lisbonne devant la Cour constitutionnelle allemande : conformité et démocratie européenne (A propos de la décision du 30 juin 2009), Les Petites Affiches, 23 juillet 2009, n°146, p.4

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préjudicielles lui donne un lien direct avec les juridictions nationales, il est cependant difficile de considérer que la Cour de Luxembourg puisse faire partir, à part entière, du système juridique interne des Etats membres, à moins de ne la considérer alors comme un quatrième degré de juridiction. D'autant plus que « l'Europe, en particulier les deux plus importantes organisations européennes que sont le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, a donné naissance, sous différentes formes, à un ordre juridique intermédiaire, ni purement interne, ni purement international »393.

Certains auteurs affirment que la Cour de Luxembourg serait soumise à la Cour de Strasbourg et considérée comme une juridiction interne394, tandis que d'autres rappellent le fait que le système conventionnel est basé sur une coopération entre les juridictions et non à une hiérarchisation395. Pourtant, l'évolution de la place de la Cour de Strasbourg vis-à-vis des juridictions nationales laisse présager des difficultés en la matière396.

Les requêtes devant la Cour de Strasbourg doivent répondre à des critères stricts pour être retenues. Le principe de subsidiarité a été intégré au sein de l'article 35 de la Convention, « la Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus, et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive »397. La violation de la Convention doit avoir été alléguée lors de ces différents recours, « au moins en substance »398. Cette procédure permet aux Etats de réparer leurs erreurs, jusqu'au dernier recours possible. L'interprétation de « l'épuisement des voies de recours internes » doit être stricte. En effet,

« il s'agit d'une condition de recevabilité qui renferme, en fait, une règle de compétence : un État n'a accepté de répondre de ses actes devant la Cour que dans la mesure où les autorités nationales ont eu, au préalable, la

393 BERGE Jean-Sylvestre et ROBIN-OLIVIER Sophie, Introduction au droit européen, Thémis droit, PUF, 2008, 1ère édition, 551p ; p.29 point 18 et 19

394 supra note 390, LEBRETON

395 BADINTER, Robert, La Charte des droits fondamentaux à la lumière des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.143 ; PECHEUL, Armel, La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, RFDA, 2001, p.688

396 FLAUSS, Jean-François, actualité de la Convention européenne des droits de l'homme (novembre 1998- avril 2000), AJDA 2000, p.526 ; De DECAUX, Emmanuel et De TAVERNIER, Paul, Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme Journal du droit international (Clunet) n° 3, Juillet 2008, chron. 5 ; FLAUSS, Jean-François, Actualité de la Convention européenne des droits de l'homme (février-juillet 2004),AJDA 2004, p.1809

397 Art 35§1 de la Convention

398 CEDH, 19 mars 1991, Cardot c/ France, requête n° 11069/84, point 34

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possibilité de redresser la situation dénoncée dans leur ordre juridique interne et avec les ressources qui y sont prévues. »399

Cette règle devra également être appliquée à l'Union et la Cour de Luxembourg devra donc avoir rendu une décision avant que la Cour de Strasbourg ne soit saisie. La Cour de Strasbourg contrôlera donc la décision, ou l'ordonnance, rendue par la Cour de Luxembourg. Faudra-t-il attendre, dans le cas d'un jugement du Tribunal de Première Instance, la décision de la Cour de justice ou la décision du Tribunal sera-t-elle considérée comme étant du dernier degré ? En outre, le recours préjudiciel entre le juge national et la Cour de Luxembourg devra-t-il être pris en compte pour permettre à cette dernière d'avoir tranché le conflit existant ?

La Cour de Strasbourg a jugé concernant le refus de saisir la Cour de Luxembourg d'une question préjudicielle que ce refus « opposé par une juridiction nationale, appelée à se prononcer en dernière instance, puisse porter atteinte au principe de l'équité de la procédure,[...], en particulier lorsqu'un tel refus apparaît entaché d'arbitraire »400. Pourtant, la Cour de Strasbourg ne vérifie pas systématiquement que le renvoi préjudiciel a été effectué401.

Dans le cas précis du renvoi de décisions de la Cour de Luxembourg devant la Cour de Strasbourg, cette dernière

« ne pourrait en aucun cas être considérée comme une juridiction supérieure mais plutôt comme une juridiction spécialisée exerçant un contrôle externe sur le respect par l'Union des obligations de droit international découlant de son

adhésion à la convention européenne des droits de l'Homme »402.

Le fait d'être considéré comme une juridiction interne par la Cour de Strasbourg ne devrait cependant pas nuire au prestige de la Cour de Luxembourg. En effet, les Cours constitutionnelles nationales sont soumises à la juridiction conventionnelle, ce qui ne remet en aucun cas en cause leur importance et leur valeur.

399 Art. 567 à 621, Fascicule 20 : CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES. - Juridiction : organisation et procédure ; JurisClasseur Procédure pénale, mise à jour 11 avril 2005, point 26

400 Commission EDH, 22 juin 2000, Coëme et autres c/ Belgique, n°32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, point 114

401 POTTEAU, Aymeric, A propos d'un pis-aller : la responsabilité des Etats membres pour l'incompatibilité du droit de l'Union avec la Convention européenne des droits de l'homme, Revue trimestrielle de droit européen, 2009, p.697

402 supra note 345, DOLLAT, 1 point 1128

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La place de l'avocat général au sein de la Cour de Luxembourg pourra également être remise en cause, ces derniers étant « soustrait statutairement au principe du contradictoire »403 ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg concernant l'article 6 de la Convention. L'avocat général a une place prépondérante durant la procédure devant la Cour de Luxembourg. En effet, il présente ses conclusions, basées sur l'interprétation du Traité, qui permettent de mettre fin à la procédure orale. L'avocat général est impartial et indépendant, il propose une réponse à l'affaire en cause devant la Cour de Luxembourg. Il fait parti intégrante de l'institution de la Cour de Luxembourg et ne représente en aucun cas une partie à l'instance.

Etant donné la position particulière de l'avocat général, la Cour de Luxembourg a jugé, dans l'ordonnance Emesa Sugar404, que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg dans l'affaire Vermeulen c/ Belgique405 ne pouvait s'appliquer à l'organisation de la Cour de Luxembourg et particulièrement à l'avocat général. En effet, le statut même de l'avocat général précise son indépendance406. En outre, l'avocat général ne participe pas au délibéré de la Cour de Luxembourg et n'est pas soumis hiérarchiquement aux juges de la Cour407.

Cependant, un rapprochement avec la fonction de commissaires du gouvernement en France a été relevé408. La Cour de Strasbourg a d'ailleurs, un mois après l'ordonnance de la Cour de Luxembourg qui démontrait que le rôle de l'avocat général ne violait pas l'article 6 de la Convention et ainsi le principe de l'égalité des armes et du contradictoire, jugeait dans l'affaire Kress409 que le rôle du commissaire du gouvernement auprès du Conseil d'État n'était pas en adéquation avec les principes d'un procès équitable.

« La pratique de la Cour de justice devrait évoluer vers un accroissement de la garantie du contradictoire. A défaut, l'autorité et la légitimité de ses arrêts risquent d'être remises en cause devant les autorités nationales et internationales »410.

403 PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.884

404 CJCE, ordonnance du 4 février 2000, Emesa Sugar, aff. C-17/98, Rec., p. I-665

405 CEDH, 20 février 1996, Vermeulen c/ Belgique, Rec.1996-I

406 article 252 § 2 TFUE

407 SPIELMANN, Dean, Cour de justice des Communautés européennes, 4 février 2000, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2000, p.581-615, p. 589

408 ibid, p.590

409 CEDH, 7 juin 2001, Kress contre France, Req. no 39594/98.

410 Op.cit. SPIELMANN, p. 612

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De nombreuses questions restent ainsi en suspens. Pourtant une des grandes difficultés de l'adhésion est également la prise en compte de l'Union au sein même de la Cour de Strasbourg. L'Union devenant membre à part entière de la Convention, des droits équivalents à ceux accordés aux Etats membres devraient lui être consentis.

§ 2. La place de l'Union au sein de la Cour de Strasbourg : la nomination du juge

La prise en compte de l'Union au sein même de la Cour de Strasbourg par l'élection d'un juge a fait l'objet de débat.

La première solution serait la nomination d'un juge ad hoc pour représenter l'Union à la Cour de Strasbourg. Mais comment élire un juge ad hoc pour chaque affaire pendante ?411 L'élection d'un juge à part entière semble donc plus indiquée permettant également de représenter, conformément à la tradition devant la Cour de Strasbourg, tous les systèmes juridiques412. Mais quelle sera la place du juge de l'Union ? Doit-il siéger normalement ou exclusivement pour les affaires mettant en cause l'Union ?

Selon la procédure instaurée par la Convention, « les juges sont élus par l'Assemblée parlementaire au titre de chaque Haute Partie contractante, à la majorité des voix exprimées, sur une liste de trois candidats présentés par la Haute Partie contractante »413. L'Union devra donc avoir un juge pour la représenter. Depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, l'Union a démontré qu'elle s'était dotée d'une représentation uniforme grâce à un président et à une haute autorité aux affaires étrangères. Le juge nommé à la Cour de Strasbourg pourrait contribuer à renforcer cette image.

La difficulté réside cependant dans le fait que l'Union est composée d'Etats également membres du Conseil de l'Europe et ayant donc à cet effet déjà un juge à la Cour. Ceci signifie donc que deux juges risqueraient d'avoir la même nationalité. Mais la question de la nationalité du juge est un « faux problème » car tant le système communautaire que conventionnel n'oblige la nomination d'un juge par nationalité, c'est uniquement un juge par Etat.

411 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p114, p.11

412 ibid., p.12

413 Article 22 de la Convention

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En outre, l'on peut facilement imaginer des affaires où un État serait représenté par deux juges, un premier siégeant au nom de l'État en question et un second au nom de l'Union. Bien entendu, bien que les juges soient issus dans un premier temps d'un choix des Etats, ils ne représentent pas ces derniers. La question de la présence du juge de l'Union se rapproche de la compétence des juges de la Cour de Strasbourg. En effet, les juges sont nommés par rapport à un Etat mais se doivent par la suite d'être indépendants et impartiaux. Pourquoi, dans ce cas, la situation serait-elle différente pour le juge de l'Union ? Y aurait-il plus de risque que ce dernier soit moins impartial qu'un juge nommé au nom d'un Etat ?414 D'autant que des critiques sur l'impartialité des juges à la Cour de Strasbourg existent déjà415.

La question de savoir si l'on peut considérer l'Union comme un État pose une plus grande difficulté. En effet, l'on ne peut considérer que l'Union soit membre de la Convention sans lui donner les mêmes droits qu'aux autres membres. Cependant, l'Union est composée d'Etats qui sont eux-mêmes membres de la Convention. Dans ce cas, il y aura une sorte de double représentation, qui pourrait être défavorable aux Etats membres de la Convention mais non membres de l'Union. Il a été également relevé que l'Union n'avait pas toutes les qualités de la souveraineté puisque les Etats n'ont transmis qu'une partie de leur propre souveraineté à l'Union. De même, les Etats membres de l'Union ne seraient alors plus totalement des Etats puisqu'ils ne seraient plus en possession d'une souveraineté pleine et entière.416

Pour le Parlement européen, l'Union devrait pouvoir proposer une liste de trois candidats pour la fonction de juge à la Cour de Strasbourg. Cette liste devrait être élaborée suivant les modalités suivies au sein de l'Union pour l'élection des juges de la Cour de Luxembourg, avec la participation du Parlement européen, ou suivant la nomination des commissaires européens. L'Union, représentée par la Commission, devrait pouvoir avoir un droit de vote lors des contrôles de l'exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg par le Comité des Ministres. Enfin, pour permettre une représentation de l'Union lors de l'élection par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe du juge représentant l'Union, des eurodéputés devraient être autorisés à être présents lors du vote417.

La nomination d'un juge représentant l'Union est primordiale pour permettre une réelle intégration de l'Union dans le système conventionnel. En outre, le système juridique étant

414 supra note 340, DG-II(2002)006, p.16-17

415 FLAUSS, Jean-François, Actualité de la Convention européenne des droits de l'homme (septembre 2007-février 2008), AJDA 2008, p.978

416 supra note 345, DOLLAT, point 1131

417 supra note 372, document de séance du Parlement européen, p.6

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particulier, un juge représentant ce dernier serait fortement profitable, notamment pour prendre en compte des particularités communautaires. Enfin, la nomination des juges des Etats membres a pour objectif de représenter leur système juridique national et non celui de l'Union. Le rôle du juge de l'Union pourrait cependant être restreint. En effet, quelle serait la légitimité d'un juge communautaire pour contrôler la conformité d'un acte étatique dans un domaine qui n'aurait pas été transféré à l'Union ? Mais dans ce cas, l'on peut relever que les domaines de compétences des Etats membres qui ont été transférés à l'Union n'ont jamais empêché les juges de ces Etats de siéger à toutes les affaires portées devant la Cour de Strasbourg. En outre, la définition des affaires ayant un lien avec l'Union risque d'être difficilement réalisable, d'autant plus que le droit de l'Union et les compétences de l'Union évoluent régulièrement.

Faut-il envisager de créer une chambre spécifique pour l'Union ? « La création d'une telle chambre risque cependant de donner l'impression que l'UE jouit d'une position privilégiée vis-à-vis des autres Parties »418 et allongerait le délai de jugement. Mais dans le même ordre d'idées, permettre à des juges de nationalité différente de celles des Etats membres de siéger à une affaire concernant le droit de l'Union donnerait le pouvoir à une partie extérieure à l'Union de déterminer son droit, de façon indirecte419. Pourtant le système actuel permet à la Cour de Strasbourg de contrôler le droit de l'Union de façon détournée, comme nous avons pu le constater.

Mais cette option relève également deux séries de questions. Premièrement, cette chambre devrait-elle être composée uniquement des juges de l'Union et de ses Etats membres ? Deuxièmement, la mise en place d'un tel traitement des différents portants sur l'Union ne remettrait-il pas en cause le principe de base de la Convention, c'est-à-dire un jugement collectif par l'ensemble des Hautes Parties ? La Cour de Strasbourg ne s'est jamais organisée par rapport aux particularismes des Etats, pourquoi l'Union disposerait-elle de ce privilège ?

L'adhésion permettra d'attaquer des actes de l'Union devant la Cour de Strasbourg sur la base d'une violation de la Convention. « Sans amendement nécessaire du texte actuel de la CEDH, l'Union pourra participer à la procédure, comme toute autre partie défenderesse »420.

418 supra note 411, KRUGER et POLAKIEWICZ, p.12

419 supra note 411 ; KRUGER et POLAKIEWICZ, p.12

420 supra note 345, point 1129

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La procédure classique suivie par les autres parties sera donc appliquée à l'Union. Une difficulté apparaît donc également pour « la participation de l'Union en tant que « Partie co-défenderesse » »421. Enfin, l'intervention de l'Union en tant que co-défenderesse lors de requêtes introduites contre un Etat membre mais pour application d'une norme communautaire pourrait permettre à l'adhésion de prendre tous ses effets, l'Union pouvant défendre son droit mais également être liée par la suite à la décision. Rappelons en effet que les décisions de la Cour de Strasbourg ne lient que les parties à l'instance et non tous les Etats. La possibilité de se porter co-défendeur devrait également être ouverte aux Etats membres dans les cas de requêtes introduites contre l'Union422.

La difficulté se porte également sur l'article 36 § 1 de la Convention qui prévoit la tierce intervention pour les Etats ayant un ressortissant comme requérant. L'on peut considérer que le terme de « ressortissant » couvre celui de « citoyen ». En effet, l'Union a accordé la citoyenneté de l'Union aux citoyens des Etats membres. Cette citoyenneté est directement liée à celle nationale. En l'occurrence, les ressortissants sont donc déjà protégés par leur Etat. Serait-il alors profitable de permettre en plus à l'Union d'intervenir ? D'autant plus que « l'article 36 paragraphe 1 reflète la notion de protection diplomatique et qu'au sein de l'UE, ce n'est pas l'Organisation mais les Etats membres la composant qui assurent une telle protection à leurs ressortissants »423.

Mais le plus grave serait qu'en devenant une Haute Partie contractante, l'Union risque d'être attaquée par des Etats tiers, conformément à l'article 33 de la Convention. Les Etats membres ne devraient pas pouvoir utiliser cette démarche contre l'Union puisque l'article 344 TFUE dispose que « les Etats membres s'engagent à ne pas soumettre un différend relatif à l'interprétation ou à l'application des traités à un mode de règlement autre que ceux prévus par ceux-ci ». Le protocole n°8 article 3 indique que l'adhésion de l'Union ne pourra affecter l'article 344 TFUE. Cette disposition permettra à la Cour de Luxembourg de conserver sa position vis-à-vis du droit de l'Union. Dans tous les cas, la procédure devant la Cour de Strasbourg est d'avoir passé toutes les voies de recours internes. La Cour de Luxembourg ne pourrait donc être délaissé au profit de la Cour de Strasbourg. Un amendement sur cette question semble cependant superflu puisque les Etats membres sont dans l'obligation de respecter tant la

421 supra note 345, point 1130

422 supra note 340, DG-II(2002)006, p.14

423 ibid , p.13

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Convention que les Traités communautaires. La possibilité offerte par la Convention devrait donc s'annuler uniquement dans les cas mettant en cause l'interprétation du droit primaire.

En outre, revenir sur l'article 33 de la Convention « remettrait en question un principe fondamental du système conventionnel : le principe de la garantie collective »424. Gageons que la requête étatique, utilisée uniquement dans des cas particuliers, restera lettre morte contre l'Union.

§3. Le droit de vote de l'Union au Comité des Ministres

La place de l'Union au sein du Comité des ministres relève également une certaine difficulté. Il est à noter que le Comité des Ministres est chargé de contrôler l'exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg. Quelle sera la place de l'Union au sein de ce Comité ? A ce jour, des membres de la Commission européenne ont le statut d'observateur, ceci leur permettant d'être présents mais ne leur donnant pas le droit de vote. « Dans la mesure où l'Union serait signataire de la CEDH, il serait logique qu'elle bénéficie du droit de vote et participe de la surveillance de l'exécution des arrêts au même titre que les autres Parties contractantes »425.

Mais, la responsabilité de l'Union devant la Convention se limite à des compétences plus restrictives que celles des Etats. Dans ce cas, « le droit de vote de l'UE devrait être limité aux affaires impliquant le droit communautaire »426. « Pourtant, un droit de vote général pour toutes les affaires semble être préférable au regard du principe de la garantie collective des droits contenus dans la Convention et pour éviter une situation asymétrique vis-à-vis des autres Parties contractantes »427.

Mais cette modification ne fait intervenir non pas uniquement la Convention et le règlement de la Cour de Strasbourg mais également celui du Conseil de l'Europe. Dans ce cas, l'Union doit-elle également adhérer pleinement au Conseil de l'Europe pour pouvoir adhérer à la Convention ? L'article 14 du Statut du Conseil de l'Europe indique que seuls les Etats peuvent être membres du Comité des ministres.

424 supra note 411, KRUGER et POLAKIEWICZ, p.13

425 supra note 345, DOLLAT, point 1133

426 supra note 382, IMBERT, p13

427 ibid.

80

« Pour éviter la lourde procédure d'amendement du Statut, la solution la plus facile semble être un amendement à l'article 46 de la Convention prévoyant le droit de vote pour l'UE quand il s'agit de la supervision de l'exécution des arrêts de la Cour. Un tel amendement aurait préséance

sur les règles du Statut au titre de lex specialis et posterior »428

De plus, cette vision n'est pas sans critique. Une résolution statutaire pourrait permettre de contourner cette difficulté. Le but est bien d'éviter la procédure d'amendement au Statut du Conseil de l'Europe qui est plus complexe.

Cependant, le droit de vote accordé à l'Union pourrait être refusé pour des questions de compétence. En effet, les Etats possèdent un droit de vote en vertu de leur souveraineté. L'Union ayant une souveraineté limitée, ceci l'empêcherait d'avoir un droit de vote. Il a été également envisagé de n'accorder le droit de vote à l'Union que dans les affaires portant sur elle. Mais une limitation des droits de l'Union constituerait une asymétrie dans le système conventionnel, ce qui reviendrait sur le système même de la Convention qui se base sur une garantie collective des droits.

« La nature collective du système établi par la Convention, soulignée dans le préambule de celle-ci, signifie qu'il incombe à l'ensemble des Etats, et pas seulement à l'État défendeur, de veiller à ce que les affaires connaissent une issue satisfaisante »429.

L'Union ne semble pas envisager d'adhérer à la Convention sans avoir une emprise également sur les décisions du Comité des Ministres. Ainsi, la Commission des Affaires étrangères a indiqué que le Statut du Conseil de l'Europe, ou tout du moins une résolution statutaire, devrait prévoir le droit de vote de l'Union430.

Il demeure également la question de la place de l'Union au sein même du Conseil de l'Europe. En effet, la Cour de Strasbourg, conformément à l'article 50 de la Convention, est directement financée par le Conseil de l'Europe. L'Union doit-elle alors également adhérer au Conseil de l'Europe ? L'adhésion de l'Union à la Convention n'implique pas l'adhésion au Conseil de l'Europe. En effet, l'article 220 TFUE indique que « l'Union établit toute coopération utile avec [...] le Conseil de l'Europe » ce qui démontre qu'une adhésion au Conseil

428 supra note 382, IMBERT, p13

429 ibid. p.16

430 Commission des affaires étrangères, Parlement européen, Avis à l'intention de la Commission des affaires constitutionnelles sur les aspects institutionnels de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 13 mars 2010, 2009/2241(INI), p.4

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de l'Europe ne semble pas être envisagée. De plus, il faut posséder un titre de compétence pour pouvoir adhérer à une organisation internationale. Pourtant, l'Union est déjà liée au Conseil de l'Europe, une coopération accrue et une adhésion aux différents organes de protection des droits de l'Homme du Conseil de l'Europe devraient être envisagées431. Mais, la coopération de l'Union avec une organisation internationale, telle que le Conseil de l'Europe « ne soulève aucune difficulté quand [...] la Communauté n'aspire pas à acquérir la qualité de membre »432.

« Une disposition contenant une base juridique générale pour cette contribution [aux frais de fonctionnement du système de contrôle de la Convention], sans qu'il soit nécessaire d'amender formellement l'article 50 de la Convention »433 pourrait être adoptée. Ceci permettrait notamment d'écarter la question de l'adhésion de l'Union au Conseil de l'Europe.

Francesco Capotorti, ancien avocat général à la Cour de Luxembourg, a indiqué, lors de sa critique du mémorandum de la Commission de 1979, que la négociation d'un protocole d'adhésion de la Communauté à la Convention soulèverait des « difficultés inextricables »434 concernant la gestion économique de la Convention qui « se trouverait altérée à un point tel qu'on peut douter qu'un projet de ce genre puisse être acceptable pour les autres Etats européens, non membres de la Communauté »435.

Le Parlement européen semble cependant exclure l'adhésion de l'Union au Conseil de l'Europe, mais souligne le fait que certains droits devraient être conférés à l'Union436.

Les modalités de l'adhésion de l'Union à la Convention représentent un enjeu majeur pour la pérennité du système qui sera mis en place. Des compromis devront être trouvés sur des questions délicates, pour permettre aux deux systèmes de fonctionner en harmonie tout en évitant « une hiérarchisation des relations entre les Cours de Luxembourg et de Strasbourg et [en permettant] de préserver l'autonomie du droit de l'Union »437.

431 supra note 372 ; document de séance du Parlement européen, p.10 ; Comité pour la prévention de la torture, Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, Commission européenne pour l'efficacité de la justice, Comité européen des droits sociaux, Commissaire aux droits de l'homme etc.

432 MICHEL Valérie, Recherches sur les compétences de la Communauté européenne, L'Harmattan, 2003, 704p, p.127

433 supra note 382, IMBERT, p13

434 supra note 403, PESCATORE, p.744

435 ibid.

436 surpa note 372, document de séance du Parlement européen, p.6

437 supra note 345, DOLLAT, point 175

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Chapitre 2. La gestion de la dualité de normes au sein des deux organisations européennes

Au sein de l'Union, « le justiciable bénéficie de trois cercles de protection juridictionnelle de ses droits fondamentaux »438 ; au niveau national, au niveau conventionnel avec la Cour de Strasbourg et au niveau communautaire avec la Cour de Luxembourg. « L'articulation de ces cercles de protection des droits fondamentaux est complexe. Se pose un double problème des interférences entre le cercle national et le cercle supranational et des interactions entre les composantes du cercle supranational »439.

La complexité existante entre les normes nationales et la Convention, s'accentue alors par l'entrée en vigueur de la Charte. Les deux instruments européens étant applicable aux Etats membres, lors de la mise en oeuvre du droit de l'Union, leurs relations doivent permettre une harmonisation et une stabilité juridique [Section 1], tandis que le système conventionnel doit préserver l'autonomie du droit de l'Union, base de l'Union [Section 2].

Section 1. La compatibilité de la Convention et de la Charte prévue par les dispositions de l'instrument communautaire

« Il serait vain d'opposer la « Convention » et la « Charte » ou d'établir entre ces deux textes fondateurs une quelconque hiérarchie »440.

La Charte ne doit pas avoir pour rôle de remplacer la Convention « en créant un nouveau standard minimum, mais applicable seulement aux Etats membres de l'Union européenne »441. Les droits de l'Homme ont vocation à être universel et non « modulable en fonction notamment de la situation économique des Etats appelés à les protéger »442. En outre, « cela irait à l'encontre de toute la tradition européenne et priverait l'Europe de toute crédibilité sur la scène

438 ANDRIANTSIMBAZOVINA, Joël, La Cour de Strasbourg, gardienne des droits de l'homme dans l'Union

européenne ?, Revue trimestrielle de droit européen, 2006, p.566

439 ibid

440 BRAIBANT, Guy, De la Convention européenne des droits de l'Homme à la Charte des droits fondamentaux de

l'Union européenne, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.327, p.331

441 Conseil de l'Europe, Projet de Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Commentaire des observateurs du Conseil de l'Europe sur le projet de Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, CHARTE 4961/00, CONTRIB 356, Bruxelles, 13 novembre 2000, 3p., p.3

442 ibid

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internationale quand elle prône l'universalité des droits de l'homme. Elle se verrait, en effet, reprocher d'entretenir elle-même plusieurs standards »443.

La Charte, loin de détacher l'Union du système conventionnel de protection des droits de l'Homme, se réfère directement à celui-ci. Les diverses « clauses horizontales » conduisent à renforcer la nécessité d'une adhésion de l'Union à la Convention. « Il a été même remarqué, avec raison, que cette adhésion est impliquée par la logique même dans la Charte procède et qu'elle en est même l'aboutissement normal »444.

Pour sa part, le Conseil de l'Europe, par son commentaire sur le projet de Charte de 2000445 a indiqué sa satisfaction sur le projet qui avait alors été présenté par l'Union. Il était relevé que la Charte s'appuyait sur différentes normes du Conseil de l'Europe446, en étendait d'autres et enfin consacrait de nouveaux droits. La cohérence entre les différentes normes était relevée, le Conseil de l'Europe soulignant le fait que « dans le domaine des droits fondamentaux, en effet, tout manque de cohérence non seulement met en péril la sécurité juridique, mais risque surtout d'affaiblir ces droits plutôt que de les renforcer »447.

Dans la jurisprudence de la Cour de Luxembourg, la Charte devrait se substituer à la Convention, ce qui entraînera « par conséquent « une marginalisation de la Convention européenne en tant qu'instrument de référence pour le juge communautaire » »448. Cependant, avec l'adhésion de l'Union à la Convention, cette dernière intégrerait également l'ordre juridique communautaire.

Or, la Convention se compose notamment de protocoles, qui n'ont pas été ratifiés de façon égale par tous les Etats membres. En outre, « le juge communautaire a toujours affirmé qu'il entendait s'inspirer de la norme garantissant le niveau de protection le plus élevé »449 ce qui devrait le pousser à appliquer la Charte en premier lieu, cette dernière affirmant de nouveaux droits et étendant la portée d'autres droits déjà reconnus.

443 supra note 441, CHARTE 4961/00

444 RENUCCI, Jean-François, L'Union européenne : futur justiciable de la Cour européenne, Les Petites Affiches, 2 mars 2006, n°44, p.41

445 op cit CHARTE 4961/00

446 Convention européenne des droits de l'Homme, Charte sociale, Convention sur les droits de l'Homme et la bio-médecine

447 ob.cit., CHARTE 4961/00, p.2

448 LE BOT, Olivier, Charte de l'Union européenne et Convention de sauvegarde de l'Homme : la coexistence de deux catalogues de droits fondamentaux, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, n°55/2003, p.781-811, p.790

449 ibid, p.791

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« Certes, ce texte tient compte de l'existence de la Convention européenne des droits de l'homme, conçue comme le standard de base en matière de protection. Mais il est indéniable que, si elle est adoptée et si elle se voit reconnaître une valeur contraignante, la Charte communautaire contribuera à séparer encore davantage le système de protection des droits fondamentaux dans le cadre de l'Union et celui de la Convention européenne des droits de l'homme »450.

L'arrêt Manesmannrörhen451 marque le début de la substitution de la Charte à la Convention. « Cette décision marque un recul de la Convention européenne dans la jurisprudence communautaire, en mettant fin au mouvement d'application directe des dispositions de celle-ci [...] »452.

« Deux standards différents ont désormais vocation à coexister en Europe, et à se concurrencer dans l'ordre juridique des Etats membres de l'Union »453, entraînant ainsi un affaiblissement de la sécurité juridique des justiciables de l'Union dans le cadre des droits fondamentaux alors même que l'adhésion de l'Union avait pour objectif le renforcement de l'Union de droit et de la protection des droits fondamentaux des citoyens de l'Union. En effet, un contrôle externe des actes de l'Union serait ainsi possible, permettant de placer l'Union dans la position des Etats membres qui voient leurs actes internes contrôler par la Cour de Strasbourg en matière de protection des droits de l'Homme454.

Mais le risque de cette adhésion est que « les deux instruments vont s'appliquer de manière concurrente dans le champ d'application communautaire des Etats membres, et les justiciables bénéficieront de droits différents selon que les autorités nationales agissent dans le domaine communautaire ou en dehors de celui-ci »455. Rappelons que les Etats membres sont soumis tant à la Convention qu'au droit de l'Union, et donc à la Charte, lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. Jusqu'à présent, les juridictions nationales appliquaient un catalogue de droits supranationaux identique, puisque le système communautaire renvoyait au système conventionnel, mais « avec l'adoption de la Charte, la concurrence entre les deux instruments

450 SIMON, Denys, Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : « Je t'aime, moi non plus » ?, Revue Pouvoirs, 2001/1, n°96, p31-49, p49

451 TPI, 20 février 2001, Manesmannröhren-Werke AG, aff. T-112/98, Europe, avril 2001, n°141, note L. Idot, p.20

452 supra note 448, LE BOT, p.794

453 ibid., p.795

454 SZYMCZAK, David, L'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme. « Serpent de mer » ou « Hydre de Lerne » ?, Politeia, 1 avril 2008, n°13, p.405-418, p.408-409

455 op.cit., LE BOT, p.795

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va conduire à des interférences matérielles (conflit de catalogues) et organiques (conflits de sentences) entre le système communautaire et le système conventionnel »456.

Les juridictions nationales auront la difficulté de respecter deux standards de normes, d'autant plus que « la conciliation entre des normes opposées ne sera pas toujours possible »457.

« Comme l'affirme Robert Badinter, « la sécurité juridique des individus n'est pas assurée, puisqu'ils ne peuvent s'assurer du contenu précis d'un droit fondamental et, de surcroît, parce que devant leur juge national, chargé à la fois de l'application du droit de l'Union et du droit de la Convention européenne, deux solutions divergentes peuvent être retenues ». Certains membres de la précédente Convention ont employé à juste titre, pour désigner cette situation, la formule d'un « paradis pour avocats », les habiles juristes pouvant invoquer tantôt le catalogue communautaire, tantôt le catalogue conventionnel, selon le sens ou la portée qu'ils souhaitent donner à tel ou tel droit fondamental. »458.

« L'expérience montre que lorsque deux juridictions contrôlent la conformité d'un acte au regard de catalogues de droits fondamentaux aux contenus différents, le conflit de sentences est inéluctable »459.

Il est également nécessaire de prendre en considération la problématique du champ d'application de la Convention et de la Charte. En effet, la Convention s'applique à toutes les situations étatiques alors que la Charte ne s'applique qu'aux actes étatiques pris dans le cadre de la mise en oeuvre du droit de l'Union. Le juge devra donc appliquer la norme correspondant à l'acte considéré. Le justiciable aura alors soit une protection de ses droits fondamentaux limités aux premiers droits reconnus, civils et politiques, soit une protection plus large intégrant les droits de nouvelles générations460. Ce double standard va imposer aux Etats le respect de normes différentes, plus ou moins protectrices, selon leurs domaines d'action, communautaire ou non.

456 supra note 448, LE BOT, p.795-796

457 ibid, p.796

458 ibid

459 ibid, p.797

460 ibid, p.798

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La concordance entre les deux normes est la solution pour une protection efficace des droits de l'Homme. Mais les dispositions prises au sein de la Charte semblent être insuffisantes à la préservation de la cohérence entre les deux instruments. Il y a donc un risque, au sein même des ordres juridiques des Etats membres, de voir les droits de l'Homme moins bien protégés461.

Les relations entre la Convention et la Charte ont ainsi été prévues par des clauses dites « horizontales » aux articles 52 §3 et 53 de la Charte. Mais, « ces préconisations apparaissent insuffisantes. Le lancinant problème de la coexistence entre ces deux instruments reste donc d'actualité »462. Un double mécanisme de protection des droits de l'Homme est un risque pour la sécurité juridique des individus463. « L'expérience montre généralement qu'il est difficile d'éviter les contradictions lorsque deux textes distincts sur un même sujet ayant un libellé différent sont interprétés par deux tribunaux différents »464. Les précautions de la Charte semblent donc illusoires. Le statu quo ne peut plus être tenu dès lors que la Charte est entrée en vigueur.

La Charte a élaboré à son article 52§3 une clause de correspondance concernant les droits reconnus par la Charte et par la Convention. La cohérence entre les deux instruments devrait ainsi être respectée, la Charte renvoyant expressément à la Convention pour déterminer l'interprétation donnée à un droit et ses limites. Mais comment savoir si un droit reconnu par la Charte correspond à un droit reconnu par la Convention ?

« cette notion de correspondance peut apparaître incertaine d'autant que c'est la jurisprudence qui donne leur portée véritable aux droits. Or la jurisprudence de la CEDH étant seulement citée dans le préambule, elle ne s'imposera durablement à l'Union que sur la base de son adhésion à la Convention »465.

Dans ce cas, faut-il se référer uniquement à la Convention ou également à l'interprétation qui a été faite du droit ? En effet, pour reprendre l'exemple énoncé par Frédéric Sudre,

« le droit de l'enfant d'entretenir des relations avec ses parents (art.24§3 Charte) n'est pas énoncé comme tel par la Convention mais est garanti par la Cour européenne au titre du droit au respect de la vie privée et familiale

461 supra note 448, LE BOT, p.799

462 ibid, p.782

463 BERTONCINI Yves, CHOPIN Thierry, DULPHY Anne, KAHN Sylvain et MANIGAND Christine, Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin, Paris, 2008, 489p, p.129

464 supra note 340, DG-II(2002)006, p.18

465 supra note 356, GAUTRON, p.52

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(art.8, CEDH), dont l'énoncé est reproduit par l'article 7 de la Charte ; est-

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ce alors un droit « correspondant » ? ».

Cependant, les dispositions du droit de l'Union peuvent toujours être plus protectrice des droits fondamentaux que la Convention, cette dernière restant un standard minimum à respecter comme l'indique son article 53467. Ceci permet donc de ne pas affaiblir la protection des droits fondamentaux dans le cadre de l'Union. Cet article ne permet cependant pas d'éviter des incohérences entre les systèmes de protection468.

Mais ces dispositions ne semblent pas être suffisantes pour permettre une cohérence systématique entre les différents systèmes. En premier lieu, le document explicatif de la Charte, élaboré par le proesidium, n'a pas la même valeur juridique que la Charte. En second lieu, les articles 52§3 et 53 de la Charte ne font pas référence à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. La jurisprudence de la Cour de Strasbourg ayant permis une évolution des droits de la Convention, il est indispensable de la prendre en compte pour connaître la portée réelle d'un droit469. Mais le fait que la Charte ne fasse pas référence à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg ne doit pas faire oublier que la Cour de Luxembourg s'est déjà basée dans le passé sur cette jurisprudence pour déterminer les droits fondamentaux et que le Traité lui-même renvoi à la jurisprudence conventionnelle. Un revirement de la Cour de Luxembourg dans ce domaine semble donc être limité. En outre, une règle de droit international privé stipule que « lorsque la règle de conflit de lois conduit un juge à appliquer un droit matériel autre que la lex fori, ce droit étranger sera interprété en conformité avec la jurisprudence des juridictions de l'État dont il émane »470.

Ainsi, la référence de la Charte à l'interprétation de la Convention en cas de droits correspondants « aboutira en pratique à incorporer indirectement la Convention, ses protocoles ainsi que la jurisprudence de la Cour EDH dans le droit de l'Union »471.

Cependant, la clause de correspondance de l'article 52§3 de la Charte ne risque d'avoir de réel effet que pour les droits ayant été reconnus par les deux instruments et ayant le même

466 SUDRE, Frédéric, Droit européen et international des droits de l'Homme, collection droits fondamentaux, PUF, 2008, 9ème édition revue et augmentée, 843p, p.159

467 supra note 448, LE BOT, p.800-802

468 ibid, p.807

469 ibid, p.803

470 CARLIER, Jean-Yves, La condition des personnes dans l'Union européenne, Bruxelles, Larcier, précis de la Faculté de droit de l'Université catholique de Louvain, 2007, 485p, point 128

471 supra note 364, GERKRATH, p.40

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sens. Dans ce cadre, la jurisprudence de la Cour de Strasbourg correspondant à ses articles, est prise en compte472. Ceci ne correspond qu'à onze articles de la Charte473. Dans tous les cas, la protection accordée par l'Union pourra être plus étendue que celle de la Convention.

Des droits de la Charte reçoivent quant à eux « une identité de sens, mais non de portée, leur champ d'application et leurs éléments constitutifs demeurent divergents »474 ce qui ne permettra qu'une application partielle de l'article 52§3 de la Charte.

Enfin, aucune cohérence n'est envisagée pour certains droits reconnus pourtant par les deux normes. Tel est le cas pour le principe d'interdiction de toute discrimination475. Il ne faut pas oublier le fait que certains droits reconnus par la Charte ne sont pas inscrits au sein de la Convention, même si ils ont pu être dégagés par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

« La cohérence entre les deux instruments ne sera en effet possible que si une identité est assurée au niveau de la consécration des droits fondamentaux comme à celui de leur interprétation »476. La révision de la Convention, en reconnaissant les nouveaux droits proclamés par la Charte, permettrait une meilleure cohérence entre les deux normes477. La ratification de ce protocole par les seuls Etats membres de l'Union et de la Convention pourrait être suffisante pour permettre une cohérence des systèmes, les autres Etats n'étant pas sujet à cette difficulté car non soumis au droit de l'Union et à la Charte. Il n'en reste pas moins qu'une interprétation divergente d'un droit sera toujours possible par les deux Cours478.

« La meilleure façon d'établir la nécessaire cohérence entre la CEDH et le droit communautaire est l'adhésion des Communautés européennes ou de l'Union à la Convention »479. L'adhésion permettrait de soumettre à la seule Cour de Strasbourg les différents liés aux droits de l'Homme. La soumission des Etats européens à la Convention et à la juridiction unique de la Cour de Strasbourg a déjà démontré son utilité et l'impact positif sur la protection des droits fondamentaux.

472 supra note 448, LE BOT, p.806

473 ibid, p.805

474 ibid

475 ibid, p.806

476 ibid, p.807

477 ibid, p.808

478 ibid, p.808-809

479 supra note 411, KRUGER et POLAKIEWICZ, p.3

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« En confiant à une instance unique (la Cour européenne des droits de l'Homme) l'interprétation des droits consacrés dans les deux instruments, on garantirait en effet une interprétation uniforme des droits fondamentaux »480. L'adhésion de l'Union à la Convention soumettrait également la Cour de Luxembourg à l'interprétation jurisprudentielle de la Convention, et des différents nouveaux droits de la Charte en cas d'adoption du protocole additionnel à la Convention481. Ainsi, la coexistence des deux ordres normatifs serait possible en alliant « une identité de catalogues à une homogénéité dans l'interprétation des droits. Il s'agit là du seul moyen d'organiser une articulation harmonieuse entre la Charte et la Convention. A défaut, la coexistence entre les deux instruments risque de ne pas s'avérer des plus « pacifique

» »482.

« Pour que les droits consacrés dans les deux instruments reçoivent une interprétation uniforme, pour qu'ils soient appréciés de manière identique selon que l'on se réfère à la Charte ou à la Convention européenne, il est nécessaire d'institutionnaliser les rapports entre les deux Cours »483. Dans ce cadre, il semblerait que l'adhésion de l'Union à la Convention permette une meilleure intégration des ordres juridictionnels. En outre, bien que l'Union se soit dotée d'un instrument de protection des droits fondamentaux grâce à la Charte, celle-ci « vient renforcer les avantages d'une adhésion, [...] [et] vient en outre faciliter la réalisation de celle-ci, en en assouplissant les modalités »484. Les dispositions de la Charte tendent à contrôler l'autonomie du pouvoir d'interprétation de la Charte par la Cour de Luxembourg et à imposer les modalités de sa coordination avec la Convention. « Seule la jurisprudence ultérieure permettra de connaître tant la portée que les limites de cette autonomie. La question sous-jacente est : unification ou dédoublement de la protection européenne des droits de l'Homme ? »485.

Bien que la Charte ait tentée de résoudre la difficulté de l'harmonisation entre les deux normes européennes, « la question d'une coexistence harmonieuse et surtout cohérente entre le système créé par la Convention européenne des droits de l'homme et le système communautaire est toujours là, loin d'avoir trouvé une solution satisfaisante »486.

480 supra note 448, LE BOT, p.809

481 ibid, p.809

482 ibid, p.811

483 ibid, p.809

484 ibid

485 supra note 356, GAUTRON, p.52

486 supra note 354, BULTRINI, p5-6

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La difficulté de mettre en place une harmonisation réside notamment dans le fait que la Cour de Strasbourg devra respecter l'autonomie du droit de l'Union. En effet, l'Union est fortement attachée à ce principe, l'avis 2/94 de la Cour de Luxembourg l'ayant rappelé487.

Section 2. Le maintien de l'autonomie du droit de l'Union

Bien que le Royaume-Uni soit réticent à l'évolution des compétences et des domaines d'action de l'Union, concernant l'adhésion de l'Union à la Convention, la Chambre des Lords se montre favorable, en soulignant qu'elle ne remettrait pas en cause l'autonomie de l'ordre communautaire488.

En effet, en cas d'adhésion, la Cour de Strasbourg ne sera pas saisie directement mais ne pourra contrôler que les affaires qui lui seront déférées. Le point 1 de l'article 32 de la Convention indique notamment que « la compétence de la Cour s'étend à toutes les questions concernant l'interprétation et l'application de la Convention et de ses Protocoles qui lui seront soumises dans les conditions prévues par les articles 33, 34 et 47 ».

Ceci n'entraînera pas un affaiblissement du rôle de la Cour de Luxembourg, qui conservera son monopole de l'interprétation du droit de l'Union.

En outre, l'autonomie du droit de l'Union ne devrait pas être amoindrie par une adhésion de l'Union à la Convention puisque la Cour de Strasbourg, certes peut condamner l'Union pour violation de la Convention, mais elle laisse le choix des moyens aux Hautes Parties pour se conformer à l'arrêt489. L'Union restera donc libre, comme les Etats, de modifier son droit pour se conformer à la Convention490. En effet, les arrêts de la Cour de Strasbourg ont un caractère déclaratoire. La Cour de Strasbourg se refuse ainsi à indiquer à l'État comment exécuter son arrêt. Cependant, malgré le fait que ces arrêts ne soient que déclaratoires, ils n'en demeurent pas moins revêtus de l'autorité de la chose interprétée et le principe de primauté et d'effet direct du

487 supra note 454, SZYMCZAK, p.415

488 supra note 374, BADINTER, p.152

489 supra note 382, IMBERT, p.17

490 RENUCCI, Jean-François, L'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'Homme : actualité d'une vieille idée..., in « Mélanges en l'honneur de Pierre Julien - la justice civile au vingt et unième siècle », Edilaix, 2003, p380, 432p, p.389

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droit s'appliquent491. En outre, les arrêts s'imposent à toutes les autorités nationales, qui devront au minimum écarter la norme nationale contraire. La même règle devrait ainsi s'appliquer également à l'Union.

Cependant, l'évolution de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg montre que cette autonomie tant à s'amoindrir. En effet, désormais la Cour de Strasbourg enjoint les Etats, et donc dans un futur proche certainement l'Union, d'exécuter certains actes pour se conformer à l'arrêt rendu. « Les exceptions au principe de l'absence de pouvoir d'injonction se multiplient ces dernières années »492, même si ceci ne reste que des « invitations ». Elle a ainsi jugé le 8 avril 2004493 que « l'injonction ne mettrait pas en cause, dans son principe, le pouvoir d'appréciation dont dispose un Etat défendeur quant aux modalités d'exécution d'un arrêt de violation »494. Mais dès le 8 juillet 2004, la Cour indique uniquement que « compte tenu des motifs sur lesquels s'est fondé le constat de violation par les deux Etats défendeurs, ces derniers doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à la détention arbitraire des requérants encore incarcérés et assurer leur libération immédiate » 495. Cette nouvelle approche semble être justifiée par le fait que la Cour ait voulu

« donner effet à l'une des règles les plus traditionnelles du droit de la responsabilité internationale de l'Etat, [...] : l'obligation de faire cesser immédiatement l'illicite. Elle répond de la sorte tardivement à une demande pressante formulée à maintes reprises en doctrine. La réserve manifestée jusqu'alors par la Cour européenne s'expliquait sans doute par sa réticence à envisager la reconnaissance à son profit, par voie prétorienne, d'un pouvoir d'injonction, mettant à l'épreuve le caractère purement déclaratoire prêté à ses arrêts. »496

La Cour de Strasbourg a notamment amplifié la portée de ses arrêts en élaborant la technique des « arrêts-pilotes »497. La Cour a alors indiqué que des mesures générales au niveau national devaient être prises car la violation touchait des milliers de personnes. L'Union devrait donc respecter les indications de la Cour de Strasbourg en cas d' « arrêt-pilote » prononcé à son encontre. La Cour de Strasbourg a précisé que « ces mesures devaient comprendre un mécanisme

491 LAMBERT ABDELGAWAD, Elisabeth, L'exécution des décisions des juridictions européennes (Cour de justice des Communautés européennes et Cour européenne des droits de l'Homme), Annuaire français de droit international, 2006, p677, p.683

492 ibid., p.697

493 CEDH, 8 avril 2004, Assanidzé c/ Géorgie, requête n° 71503/01

494 FLAUSS, Jean-François, Actualité de la Convention européenne des droits de l'homme (février-juillet 2004),AJDA 2004, p.1809

495 CEDH, 8 juillet 2004, , Ilascu et autres c/ Moldova et Russie, requête n° 48787/99, point 490

496 FLAUSS, op. cit.

497 première utilisation dans l'arrêt de la CEDH, 28 septembre 2005, Boniowski c/ Pologne, no 31443/96

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offrant aux personnes lésées une réparation pour la violation établie de la convention »498. Pourtant, avec cette méthode, la Cour de Strasbourg s'éloigne un peu plus des compétences que la Convention lui octroie. Le risque est un bouleversement de « l'équilibre entre la Cour et le Comité des Ministres, et [de] déplace[r] la Cour à tort sur un champ politique »499, mais également de remettre en cause l'autonomie des Hautes Parties, bien que le but soit la protection des droits de l'Homme.

Il est à noter que la Cour de Luxembourg utilise également une variante des « arrêts-pilote ». Elle a ainsi constaté en 2005500 « un manquement « général » aux obligations communautaires d'un État, desquelles on pouvait inférer une obligation d'adopter des mesures générales au titre de l'exécution, mais cela sans aucune conséquence au niveau du jugement de la Cour »501. Le manquement généralisé est caractérisé par rapport à la durée du manquement, à son ampleur et à sa gravité502.

Tant la Cour de Luxembourg que la Cour de Strasbourg justifient cette nouvelle méthode pour remédier à la multiplication des recours et à « l'inadaptation de l'approche classique pour remédier à des défaillances structurelles »503.

Il est également précisé que la Convention n'étant pas les compétences des Hautes Parties. La Cour de Strasbourg a pour unique rôle de contrôler le respect de la Convention et d'établir la responsabilité des Hautes Parties en cas de violation. Cependant, la Cour de Strasbourg a élaboré des obligations dites positives lors de l'affaire linguistique belge de 1968504, obligeant les Etats à agir pour protéger les droits fondamentaux inscrits dans la Convention. La simple inaction de l'État ne suffit plus505. Dans ce cadre, serait-il possible qu'involontairement, la Cour de Strasbourg étende les compétences de l'Union ?506 L'application de ces obligations à l'Union semble restreinte. « Au vue de l'article 1er de la CEDH, il est clair que, généralement, l'absence d'une compétence de l'UE dans un domaine pour lequel un droit de la CEDH a une

498 supra note 491, LAMBERT ABDELGAWAD, p.701

499 ibid., p.703

500 CJCE, 26 avril 2005, Commission c/ Irlande, aff. C-494/01, Rec. p. I-3331

501 op.cit. LAMBERT ABDELGAWAD, p.703

502 ibid, p.704

503 ibid.

504 CommissionEDH, arrêt du 23 juillet 1968, affaire linguistique belge, Série A, n°6, p.32

505 MARGUENAUD, Jean-Pierre, La Cour européenne des droits de l'Homme, collection connaissance du droit, Dalloz, 3ème édition, 2005, 155p, p.40-41

506 supra note 382, IMBERT, p.17-18

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pertinence mènera à une absence de responsabilité au regard de la CEDH »507. Il n'y aura donc pas d'élargissement des compétences de l'Union par ce biais, mais vraisemblablement une irrecevabilité de la requête. Mais, dans le cas d'obligation positive de l'Union dans un domaine de compétence où elle a déjà pris des dispositions, elle devra prendre les mesures adéquates pour protéger les droits des individus.

L'adhésion pourrait ainsi remettre en cause l'autonomie de l'ordre juridique communautaire puisque l'Union et la Cour de Luxembourg devraient se conformer à la décision de la Cour de Strasbourg508. L'article 55 de la Convention prévoit en effet que la Cour de Strasbourg est seule compétente pour régler les conflits entre les Hautes Parties. Ces dernières ne peuvent, « sauf compromis spécial », soumettre un différend à l'appréciation d'une autre juridiction et se prévaloir d'autres traités en la matière.

Ceci va à l'encontre des dispositions des Traités communautaires. En effet, la Cour de Luxembourg doit demeurer, conformément aux traités, l'interprète en dernier ressort du droit de l'Union. Elle doit garantir le respect du droit de l'Union et les Etats membres se sont engagés à ne pas soumettre un désaccord portant sur l'interprétation des traités à une autre instance. « En conséquence, le principe d'autonomie de l'ordre juridique de l'Union exclut que la Cour de justice puisse être liée par l'interprétation qu'une autre instance juridictionnelle aura pu faire du droit de l'Union »509. Mais si l'Union adhère à la Convention qui est soumise à un tribunal international, la Cour de Luxembourg se devra de respecter l'interprétation de la Cour de Strasbourg, conformément à son avis 1/91510.

En outre, la Cour de Luxembourg avait précisé dans son avis 2/94 que l'autonomie du droit de l'Union devait être préservé, et notamment celle de la Cour, pour ne pas créer une hiérarchisation de fait entre les deux Cours européennes. Pourtant, l'adhésion ne devrait créer qu'une coopération plus accrue entre les deux Cours et non une hiérarchisation.

Un recours devant la Cour de Strasbourg d'un arrêt de la Cour de Luxembourg

« n'est pas non plus susceptible d'affaiblir l'autorité de la Cour de Justice car la soumission au contrôle d'une instance extérieure exprime une volonté, une ouverture en faveur du plein respect des droits et libertés

507 supra note 382, IMBERT, p.18

508 CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501, p.512

509 supra note 352, Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, doc.11533, p.31

510 CJCE, Projet d'accord concernant la création de l'Espace économique européen, 14 décembre 1991, avis 1/91, Recueil CJCE 1991, p. I-6079, §40

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garantis. Cela ne peut que renforcer l'autorité et la crédibilité des

511

institutions communautaires et non les affaiblir ».

De plus, ces décisions ne seraient susceptibles de recours devant la Cour de Strasbourg qu'en matière de droit de l'Homme. La Cour de Strasbourg ne contrôlerait alors que le respect de ce droit et non le droit de l'Union. Cependant, la Cour de Luxembourg prend en compte les droits fondamentaux économiques de l'Union et pratique une proportionnalité des actes pris par rapport aux différents droits reconnus par l'Union. En effet, la Cour de Luxembourg est, conformément à la lettre du traité, l'unique juridiction compétente pour assurer, in fine, le respect du droit de l'Union. Elle effectue la « conjug[aison de] l'interprétation européenne des dispositions de la Convention européenne des droits de l'Homme avec la logique communautaire »512. La Cour de Strasbourg qui n'a pour objectif que de faire respecter les droits de l'Homme prendra-t-elle en compte cette spécificité communautaire ? « Il est évident que la Cour de Strasbourg ne peut pas ne pas s'intéresser au droit communautaire dès lors que des droits fondamentaux sont en cause »513. Ainsi, l'adhésion à la Convention entraînera automatiquement une soumission de l'Union à la juridiction de la Cour de Strasbourg et donc une remise « en cause de l'autonomie de l'ordre juridique communautaire et [du] monopole de la Cour de justice »514. Pourtant, l'on sait que la Cour de Strasbourg respecte le droit de l'Union et ses spécificités, l'affaire concernant des discriminations entre ressortissants communautaires et extra-communautaires515 le démontre.

Il n'en demeure pas moins que la Cour de Luxembourg serait le juge de droit commun de la Convention au sein du système communautaire et que la Cour de Strasbourg ne serait saisie qu'en dernier recours. Le Parlement européen a précisé en mai 2010516 que « le rapport entre les deux juridictions européennes n'est pas un rapport de hiérarchie mais de spécialisation ; la Cour de justice de l'Union européenne aura ainsi un statut analogue à celui qu'ont actuellement les cours suprêmes des Etats membres par rapport à la Cour européenne des droits de l'Homme »517. Mais quel est ce rapport actuellement ? A l'heure où de nombreux auteurs posent

511 supra note 382, IMBERT, p.17

512 GARCIA-JOURDAN, Sophie, L'émergence d'un espace européen de liberté, de sécurité et de justice, Bruyant, 2005, 761p, p.75

513 supra note 490, RENUCCI, p.389

514 supra note 444, RENUCCI

515 CEDH, 18 février 1991, Moustaquin c/ Belgique, série A n°193 ; CEDH, 7 aout 1996, C c/ Belgique, req.n°21794/93, JCP 1997 I-4000

516 supra note 372, document de séance du Parlement européen

517 ibid, p.5

la question de savoir si la Cour de Strasbourg ne serait pas devenue un quatrième degré de juridiction518, il est d'autant plus difficile de se conforter dans l'idée que la Cour de Luxembourg ne sera pas hiérarchiquement soumise à la Cour de Strasbourg.

« L'intervention des deux Cours sur un objet commun »519 pourra engendrer des différences de jurisprudence et donc de sentence. La Cour de Luxembourg appliquera la Charte tandis que la Cour de Strasbourg appliquera la Convention, mais le but de la saisine de ces deux Cours reste le même. Les justiciables attendent que le juge constate la violation de la norme de protection des droits fondamentaux dont il doit assurer le respect. Le risque de forum shopping et de divergence jurisprudentielle est d'autant plus fort que

« l'acte national peut en effet être attaqué - simultanément ou successivement - devant la Cour de justice et la Cour européenne des droits de l'homme. En particulier, un justiciable procédurier pourra exercer un recours devant les deux juges, « utilisant le second comme une instance

520

d'appel de la première décision obtenue » ».

Mais la coordination des normes permettra telle la continuité des deux ordres juridiques. En effet, sans la volonté des Cours européennes, il est peu probable que les deux normes puissent coexister convenablement. L'on se tourne alors aux relations existantes entre la Cour de Strasbourg et la Cour de Luxembourg. En effet, si les deux juridictions se retrouvent aujourd'hui en concurrence pour la protection des droits de l'Homme, quelles relations peuvent-elles entretenir ?

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518 supra note 396 FLAUSS ; De DECAUX, Emmanuel et De TAVERNIER, Paul

519 supra note 448, LE BOT, p.796-797

520 ibid., p.797

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Titre 2. Une dualité de systèmes juridiques européens préjudicielle aux citoyens ?

La construction communautaire a conduit progressivement l'Union à prendre en compte également les droits de l'Homme. La Cour de Luxembourg a donc progressivement élaboré un catalogue de principes généraux du droit de l'Union et s'est reconnue compétente dans ce domaine. Une interaction des deux juridictions est donc apparue [Chapitre 1], s'accentuant au fil du temps et risquant de se développer avec l'entrée en vigueur de la Charte521. Au contraire, pour d'autres auteurs, les interférences entres les deux systèmes ont souvent été accentuées à tord, et l'adhésion permettra de renforcer la liaison entre les deux juridictions [Chapitre 2].

Chapitre 1. Deux juridictions supranationales reconnues compétentes pour protéger les droits de l'Homme

La Cour de Strasbourg est un modèle pour la protection des droits de l'Homme, tant en Europe que dans le monde522. Elle a été spécialement conçue pour faire respecter la Convention, et sa jurisprudence évolutive a permis à ce texte d'évoluer et de s'adapter aux évolutions de la société. Son rôle pour la protection des droits de l'Homme en Europe n'est donc plus à démontrer. En effet, « si le droit européen des droits de l'homme a pris l'importance considérable qu'on lui reconnaît aujourd'hui, c'est très certainement en raison de l'existence de la Cour EDH, chargée d'assurer le respect de la Convention EDH»523.

Pour sa part, bien que la Cour de Luxembourg n'ait pas été créée spécifiquement pour protéger les droits de l'Homme, contrairement à la Cour de Strasbourg, les affaires portées devant sa juridiction l'ont conduite à mettre en place un système de protection des droits de l'Homme. Ainsi, les deux juridictions européennes se retrouvent en partie en concurrence sur ce domaine [Section 1]. L'évolution de leurs procédures respectives a notamment permis de prendre

521 COHEN-JONATHAN, Gérard, Les rapports entre le système de l'Union européenne et la Convention européenne des droits de l'Homme - table ronde, in COHEN-JONATHAN, Gérard, DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, Constitution européenne, démocratie et droits de l'Homme, Droit et justice n°47, Bruyant-Nemesis, 2003, 307p, p.261, p.262

522 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p114, p.9 ; FLAUSS, Jean-François, Le droit international général dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, in COHEN-JONATHAN, Gérard et FLAUSS, Jean-François, Droit international, droits de l'Homme et juridictions internationales, collection droit et justice 55, Bruyant et Nemesis, 2004, 152p, p.73, p.73

523 BONFILS, Philippe, L'absence d'effet direct des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme en matière civile, La Semaine Juridique Edition Générale n° 51, 21 Décembre 2005, II 10180

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en compte plus spécifiquement la protection des individus en leur permettant d'accéder aux prétoires européens [Section 2].

Section 1. L'accentuation des compétences de la Cour de Luxembourg dans le domaine de la protection des droits fondamentaux

La Cour de Luxembourg, tout comme toutes les institutions de l'Union, est soumise au principe de l'attribution des compétences par le Traité, l'article 4 §1 TUE le réaffirmant. « L'ajout de cette disposition reflète bien la méfiance de certains Etats membres d'une Cour trop « activiste » »524.

Le Traité d'Amsterdam avait permis d'étendre les compétences de la Cour de Luxembourg, une adhésion à la Convention ayant été exclue. La Cour devenait ainsi compétente pour des domaines sensibles, susceptibles d'avoir un impact sur le droit des personnes. Ainsi, le domaine de l'asile, des visas et de la libre circulation des personnes entraient dans le champ d'action de la Cour de Luxembourg. « Or il s'agit de questions susceptibles de donner lieu à des recours devant la Cour européenne des droits de l'homme »525. Une disposition était ajoutée au Traité d'Amsterdam pour éviter tout risque de concurrence entre les deux Cours, en limitant l'action de la Cour de Luxembourg ;

« la Cour de justice n'est pas compétente pour vérifier la validité ou la proportionnalité d'opérations menées par la police ou d'autres services répressifs dans un État membre, ni pour statuer sur l'exercice des responsabilités qui incombent aux États membres pour le maintien de l'ordre public et la sauvegarde de la sécurité intérieure. »526

Le Traité de Lisbonne a permis de continuer ce processus d'extension des compétences de la Cour de Luxembourg. La suppression de l'organisation de l'Union en trois piliers donne compétence à la Cour de Luxembourg pour traiter de tous les domaines de compétence de l'Union527.

L'article 19 TUE étend la compétence de la Cour de Luxembourg à tous les domaines de l'Union, et donc à l'ancien troisième pilier. Cependant, l'article 24§1 alinéa 2 dispose que

« la Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne
ces dispositions, à l'exception de sa compétence pour contrôler le respect de l'article

524 VAN DER JEUGHT, Stefaan, Le Traité de Lisbonne et la Cour de justice de l'Union européenne, Journal de droit européen, 1 décembre 2009, n°164, p.297-303, p.300

525 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.49

526 Article 35 §5 Traité d'Amsterdam

527 Article 263 TFUE

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40 du présent traité et pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l'article 275, second alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ».

Désormais, la Cour de Luxembourg est compétente pour répondre aux domaines du Titre IV TUE relatif aux visas, asile et immigration. Mais elle se voit cependant limitée dans son action. Ainsi, l'article 275 TUE permet aux « personnes ou entités objet de sanctions intelligentes d'invoquer leurs droits fondamentaux devant le juge européen »528. Il n'en demeure pas moins que dans le cadre délicat des opérations de police, la Cour de Luxembourg n'est pas compétente pour contrôler la proportionnalité des opérations accomplies. « Cette disposition exprime clairement le souhait des Etats membres que l'Union européenne respecte les fonctions essentielles de l'État, à savoir l'ordre public et la sécurité nationale »529. Ainsi, dans ce domaine précis, l'adhésion de l'Union à la Convention semble être pour certains auteurs « le seul moyen d'assurer une protection juridique exhaustive des citoyens, jusque dans le domaine particulièrement sensible au regard des droits de l'homme que constitue la coopération policière et judiciaire »530. Cette adhésion, si elle s'effectue rapidement, sera d'autant plus profitable qu'une période de transition de cinq ans a été prévue par le protocole n°36. Ainsi, la Cour de Luxembourg, en matière de coopération policière et judiciaire en matière pénale, demeure limitée dans ses compétences antérieures lorsque les actes ont été pris avant l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. La Commission ne pourra pas, durant cette période de transition, effectuer de recours devant la Cour de Luxembourg dans ce domaine. Mais les actes pris, ou modifiés, après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne pourront être portés à la Cour de Luxembourg.

De plus, la Cour de Luxembourg est compétente pour « vérifier si la mise en oeuvre de la PESC n'affecte pas les autres compétences de l'Union ou inversement »531 et pour « « contrôle[r] la légalité » des décisions adoptées dans ce cadre quand celles-ci comportent des mesures restrictives à l'encontre de personnes physiques ou morales (article 275 TFUE) »532. Elle obtient ainsi une compétence, certes limitée, dans ce domaine.

528 RIDEAU, Joël, La protection des droits fondamentaux dans l'Union européenne - perspectives ouvertes par le traité de Lisbonne, Revue des affaires européennes, 2007/2008, n°2, p185-207, p.201

529 supra note 524, Van Der JEUGHT, p.302

530 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p114, p.11

531 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Jurisprudence européenne comparée (2005), Revue du Droit Public, 1 juillet 2006, n°4, p.1106-1142, p.516

532 Le Traité de Lisbonne, Courrier hebdomadaire 2007/1976-1977, n°1976-1977, p.5-83, p.62

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Aujourd'hui, la Cour de Luxembourg peut également connaître de la conformité des actes du Conseil européen vis-à-vis des Traités, conformément à l'article 269 TFUE, celui-ci étant devenu une institution. De plus, elle pourra contrôler la validité des actes des agences de l'Union. Enfin, la Cour de Luxembourg peut désormais être saisie par le Comité des Régions533.

L'Union a instauré également un système de saisine de la Cour de Luxembourg par les institutions contre d'autres institutions. La frilosité des Etats à mettre en cause un autre État pour des questions diplomatiques est ici totalement effacée, les institutions n'hésitant pas à saisir la Cour de Luxembourg.

Dès 1984, au sein du projet Spinelli534, le Parlement européen demandait la mise en place d'un recours spécifique pour la protection des droits de l'Homme. Cette voie a été soutenue par la Cour de Luxembourg en 1995, permettant de renforcer la protection des droits de l'Homme alors même que l'Union n'avait pas pour compétence ni objectif direct les droits de l'Homme. Pourtant, si un tel recours était aujourd'hui mis en place, il est certain qu'une réelle concurrence aurait lieu entre les deux juridictions européennes.

Cette option a finalement été écartée. Ceci s'explique notamment par le fait que les droits fondamentaux au sein de l'Union sont étroitement liés aux autres domaines d'action de l'Union. Il serait donc difficile de distinguer un moyen tiré de la violation d'un droit fondamental de celui tiré d'une liberté économique. Pourtant, une solution serait « de limiter ce recours spécifique aux dispositions de la Charte. Ainsi, seuls les droits et libertés garantis par la Charte seraient acceptés comme moyen utile ouvrant droit à ce recours spécial »535.

Mais, la mise en place d'un recours spécifique devant la Cour de Luxembourg ne semble pas adéquate « car cela pourrait perturber de nombreux équilibres qui ont été mis en place au fil du temps. Au sein même de l'ordre communautaire, l'organisation même de la justice pourrait pâtir d'une telle réforme »536. Ceci conduirait également à une autonomie de la protection des droits de l'Homme au sein de l'Union. Or, un contrôle externe est toujours préférable537. « A l'évidence, la garantie des droits de l'Homme doit se réaliser, pour être crédible, sous le contrôle d'une instance internationale assumant le rôle du tiers objectif et indépendant »538, ce que représente la Cour de Strasbourg.

533 Article 263 §3 TFUE

534 Projet Spinelli du Parlement européen, 12 avril 1984, JOCE C 77

535 CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501, p.516

536 RENUCCI, Jean-François, Traité de droit européen des droits de l'Homme, LGDJ, 2007, 1135p, p.962

537 ibid, p.962

538 ibid, p.951

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« La non-adhésion aboutit en outre à des situations pour le moins curieuses, les citoyens européens étant désormais démunis devant des actes communautaires violant leurs droits fondamentaux, alors que lorsque ces compétences appartenaient aux Etats, ils avaient un recours devant la Cour européenne »539.

Mais y aurait-il encore utilité à adhérer à la Convention dans le cas de la création d'un recours spécifique pour la protection des droits fondamentaux ? Oui, car l'adhésion n'a pas pour unique but de mettre en place un recours spécifique pour la protection des droits de l'Homme, mais bien de soumettre le système communautaire à un juge externe et de favoriser la cohérence entre les deux Cours. De plus la Charte consacrant le droit à un recours effectif, l'Union doit permettre un tel recours au sein même de son système. Il faut rappeler également que « la Convention européenne des droits de l'homme est en effet un mécanisme subsidiaire qui a uniquement vocation à compléter les garanties mises en place par les systèmes juridiques internes »540.

« L'absence de recours spécifique pourrait inciter à l'externalisation des recours en matière de droits et libertés fondamentaux notamment dirigés vers la Convention de sauvegarde. Dans ce cas, l'autonomie du système juridictionnel communautaire serait partiellement remise en cause »541. Mais comme nous l'avons vu, l'externalisation des recours est une pratique positive en matière de protection des droits de l'Homme et l'adhésion de l'Union à la Convention ne devrait pas remettre en cause l'autonomie du droit de l'Union.

Il est à noter qu'au niveau national la majorité des Etats membres n'ont pas mis en place de recours spécifiques pour la protection des droits de l'Homme. La mise en place de tel recours dans certains Etats, notamment l'Allemagne, l'Autriche, l'Espagne et le Portugal, a permis cependant une diminution de la saisine de la Cour de Strasbourg à leur égard542.

La « stature de juge des droits fondamentaux dans l'ordre juridique communautaire »543 était déjà avancée en 1999 lors de l'extension des compétences de la Cour de Luxembourg. La question se pose d'autant plus aujourd'hui avec la révision du Traité de Lisbonne. Cependant, son champ d'action se limite toujours à celui du droit de l'Union, ce qui restreint fortement sa

539 supra note 536, RENUCCI, p.956

540 DUBOS, Olivier, Les juridictions nationales, juge communautaire - contribution à l'étude des transformations de la fonction juridictionnelle dans les Etats membres de l'Union européenne, Paris, Dalloz, 2001, 1015p, p.870

541 supra note 535, CORREARD, p.518

542 RIDEAU, Joël, Les garanties juridictionnelles des droits fondamentaux dans l'Union européenne, in LECLERC, Stéphane, AKANDJI-KOMBE, Jean François et REDOR, Marie-Joëlle, L'Union européenne et les droits fondamentaux, CRDF Université de Caen, Bruyant, 1999, 235p, p.75, p.78

543 ZAMPINI, Florence, La Cour de justice des Communautés européennes, gardienne des droits fondamentaux « dans le cadre du droit communautaire », Revue trimestrielle de droit européen, 1999, p.659

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capacité à être une concurrente de la Cour de Strasbourg qui peut contrôler tout acte des Hautes Parties, et notamment ceux pris en application du droit de l'Union.

Pourtant, les juridictions nationales ont par le passé saisi la Cour de Luxembourg, via le recours préjudiciel, pour connaître l'interprétation de la Convention. Erreur manifeste d'interlocuteur ou volonté de recourir à une voie n'existant pas au niveau de la Cour de Strasbourg ? La Convention faisant partie intégrante du droit de l'Union, le juge de la Cour de Luxembourg devait être compétent, à leurs yeux, pour effectuer son interprétation544. Conformément à son domaine de compétences, la Cour de Luxembourg, lorsque l'interprétation est liée directement au droit de l'Union ou à un acte communautaire, accepte d'interpréter la Convention545.

La Cour de Luxembourg a su s'imposer comme juridiction de droit de l'Union mais elle a su également imposer le droit de l'Union aux Etats membres, en n'hésitant pas notamment à écarter l'application de normes constitutionnelles contraires au droit de l'Union 546. En outre, cette autorité a été acceptée par les juridictions nationales qui n'hésitent plus à adresser à la Cour des questions préjudicielles. Mais la Cour de Luxembourg a également montré qu'elle était une juridiction forte en matière de protection des droits de l'Homme.

« Le juge de Luxembourg est devenu au fil des années un véritable juge des droits de l'homme, développant une jurisprudence dynamique en matière de droits fondamentaux à partir des dispositions des traités communautaires ainsi que des principes généraux du droit communautaire, issus de la CEDH et des traditions

547

constitutionnelles communes aux Etats membres ».

Dans un recours en annulation formé contre une décision du Tribunal de Première Instance, la Cour de Luxembourg a jugé548 que « les juridictions communautaires doivent assurer un contrôle complet de la légalité de l'ensemble des actes communautaires au regard des droits fondamentaux lesquels font partie intégrante des principes généraux du droit communautaire »549. Le juge se doit notamment de contrôler la légalité des actes communautaires mettant en oeuvre une résolution du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

544 supra note 543, ZAMPINI

545 ibid

546 PECHEUL, Armel, Le traité de Lisbonne - La Constitution malgré nous ?, édition Cujas, 2008, 155p, p.42

547 BADINTER, Robert, La Charte des droits fondamentaux à la lumière des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.143, p.143

548 CJCE, Grande ch., 3 sept. 2008, Yassin Abdullah Kadi, Al Barakaat International Foundation c/ Conseil de l'Union européenne, aff. C-402/05 P et C-415/05 P

549 NEFRAMI, Elestheria, Fascicule 192 : Accords internationaux, JurisClasseur Europe Traité, mise à jour 29 mars 2007, point 115

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Cependant, les risques de divergences entres les deux systèmes, communautaire et conventionnel, se sont accrus lorsque la Cour de Luxembourg a accepté de contrôler la conformité d'un acte étatique de transposition du droit de l'Union avec les droits fondamentaux550. Bien que ce contrôle entre dans la sphère communautaire, il concerne un acte étatique et non plus le droit de l'Union direct.

De plus, lors de l'application de la Convention, « la CJCE a toujours pris garde de se ménager une marge d'autonomie par rapport au texte conventionnel, qui risque fort aujourd'hui de s'accentuer avec la promulgation de la Charte »551. Ainsi, concernant la compatibilité des systèmes nationaux de protection des droits fondamentaux avec le système communautaire, la Cour de Luxembourg a toujours considéré que ces droits devaient être mis en balance.

Par son arrêt Schmidberger552, la Cour de Luxembourg a concilié la libre circulation des marchandises, fondamental en droit de l'Union, avec le droit de manifestation, principe général du droit. La Cour de Luxembourg s'est abstenue d'effectuer une hiérarchisation entre ces deux droits mais a admis que des restrictions à une liberté fondamentale étaient possibles pour permettre la réalisation d'un autre droit fondamental, laissant ainsi une marge d'appréciation aux Etats membres.

La Cour de Luxembourg a permis, de la même manière, une restriction à la libre prestation de service et à la libre circulation des marchandises, en se basant sur la protection de la dignité humaine553.

Ainsi, « le respect des droits fondamentaux est une condition de la légalité des actes communautaires, mais cela n'exclut pas que le droit communautaire puisse porter atteinte aux droits des particuliers »554.

De plus, par son arrêt du 11 juillet 1985555, la Cour de Luxembourg a précisé les limites de sa juridiction en matière de protection des droits de l'Homme. Ainsi,

« s'il est vrai qu'il incombe à la Cour d'assurer le respect des droits fondamentaux dans le domaine propre du droit communautaire, il ne lui appartient pas, pour autant, d'examiner la compatibilité, avec la Convention européenne, d'une loi nationale qui

550 CJCE, 13 juillet 1989, Wachauf, aff. 5/88, Rec. p.2609

551 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille « La juridictionnalisation du droit international », SFDI, Paris, Pedone, 2003, 552p, p.203-264

552 BENOIT-ROHMER, Florence, Valeurs et droits fondamentaux dans la Constitution, Revue trimestrielle de droit européen, 2005, p.261

553 CJCE, 14 octobre 2004, société Omega c/ Bonn, aff. C-36/02, Rec. 2004, I-9609

554 CIAMPI, Annalisa, L'Union européenne et le respect des droits de l'homme dans la mise en oeuvre des sanctions devant la Cour européenne des droits de l'Homme, Revue générale de droit international public, 2006, n°110-1, p85, p.97

555 CJCE, 11 juillet 1985, Cinémathèque c/ Fédéraiton nationale des cinémas français, aff. 60/84, Rec. 1985 p. 2605

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se situe, comme en l'occurrence, dans un domaine qui relève de l'appréciation du législateur national »556.

En effet, la Cour de Luxembourg n'a pas pour « mission de s'occuper de la défense des droits de l'homme dans la sphère de la souveraineté législative des Etats membres »557.

La Cour de Luxembourg est donc au sommet de l'ordre judiciaire de l'Union, seuls les traités pourraient limiter ses pouvoirs, mais il est évident que dans une Union de droit, la question de la limitation des pouvoirs du juge ne se pose pas. Au contraire, les pouvoirs de la Cour de Luxembourg ont été renforcés par le Traité de Lisbonne et par l'entrée en vigueur de la Charte. Ces nouvelles compétences seront « de nature à conférer définitivement une valeur de niveau constitutionnel à l'essentiel des décisions de la Cour de Justice »558.

Section 2. La reconnaissance de l'accès des particuliers aux Cours européennes : base de l'effectivité de la protection des droits de l'Homme

Mais la protection des droits de l'Homme s'appuie en premier lieu sur les juridictions nationales pour faire respecter la Convention. Les juges nationaux sont ainsi les juges de droit commun du droit européen, ils appliquent tant le droit de l'Union que conventionnel.

En effet, la Cour de Strasbourg ne peut être saisie qu'après la réalisation de tous les recours internes efficaces en la matière. En outre, la Cour de Luxembourg a affirmé très rapidement que le juge de droit commun du droit de l'Union était le juge national. Cependant, les juges nationaux ont la faculté de saisir la Cour de Luxembourg pour une question préjudicielle, ce qui permet une harmonisation des différentes interprétations du droit de l'Union dans les différents Etats membres. Ce système est absent du système conventionnel.

Les individus ont donc un recours direct grâce à leurs juges nationaux. Cependant, le recours devant les Cours européennes, tant de Strasbourg que de Luxembourg, n'a été que tardif dans les deux systèmes. L'accès des particuliers aux prétoires des juridictions européennes n'a

556 supra note 555, CJCE, 11 juillet 1985, Cinémathèque, point 26

557 PESCATORE, Pierre, La Cour de justice des Communautés européennes et la Convention européenne des droits de l'homme, Protection des droits de l'homme : la dimension européenne, Mélanges Gérard J. WIARDA, Heymanns Verlag, Koln, 1988, p.441-455, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.731, p.738

558 supra note 546, PECHEUL, p.44

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jamais été illimité et continue d'être strictement encadré, tant par la Convention que par les Traités communautaires. De plus, comme la Cour de Luxembourg a déjà eu à le préciser,

« il appartient, en principe, au droit national de déterminer la qualité et l'intérêt d'un justiciable pour agir en justice, le droit communautaire exige néanmoins que la législation nationale ne porte pas atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective [...]. Il incombe en effet aux Etats membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d'assurer le respect de ce

559

droit [...] ».

A l'origine de l'entrée en vigueur de la Convention, le recours des particuliers n'était prévu que dans le cadre d'un accord des Etats par la souscription à une déclaration facultative du droit au recours individuel. Ainsi, avant le protocole n°11 de la Convention de 1998, la possibilité pour les individus de saisir la Cour de Strasbourg était limité et en aucun cas obligatoire pour les Etats. Ceci créait une disparité entre les citoyens de l'Europe puisque certains avaient un accès à la Cour de Strasbourg et d'autres non.

Le protocole n°11560 a mis fin au choix laissé aux Etats membres d'accepter ou non le recours individuel en mettant en place un accès direct des individus à la Cour de Strasbourg. Bien entendu, la recevabilité des recours des particuliers reste conditionnée à l'épuisement des voies de recours internes. La place de la Cour s'est alors fortement développée en permettant le recours individuel à la Cour. Ce droit « est généralement considéré comme l'acquis le plus précieux du droit européen des droits de l'homme. [...] le droit de recours individuel constitue, en l'état, la forme la plus achevée, et de surcroît unique, d'internationalisation du statut de l'individu »561

Pourtant, sous la pression de la quantité des requêtes introduites devant la Cour de Strasbourg et de la difficulté de faire face à cette surcharge de travail, le protocole n°14 a cherché à réduire l'accès des particuliers. Ainsi, bien que de fortes critiques aient eu lieu concernant l'accès des particuliers à la Cour de Luxembourg562, la tendance devant la Cour de Strasbourg, est bien de limiter le recours des individus563. Pourtant on indique que l'adhésion de l'Union à la Convention aurait également pour effet de compenser « les carences du système

559 CJCE, 13 mars 2007, Unibet, Aff C-432/05, point40-42

560 Protocole n°11 (STCE n°155), entrée en vigueur le 1er novembre 1998

561 FLAUSS, Jean-François, Faut-il transformer la Cour européenne des droits de l'homme en juridiction constitutionnelle ?, Recueil Dalloz 2003, p.1638

562 LAMBERT ABDELGAWAD, Elisabeth, L'exécution des décisions des juridictions européennes (Cour de justice des Communautés européennes et Cour européenne des droits de l'Homme), Annuaire français de droit international, 2006, p677, p.692

563 BENOIT-ROHMER, Florence, A propos de l'arrêt Bosphorus Air Lines du 30 juin 2005 : l'adhésion contrainte de l'Union à la Convention, Revue Trimestrielle de droits de l'Homme, 2005, n°64, 64/2005, p.827-853, p.849

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juridictionnel communautaire »564 en permettant un accès à la Cour de Strasbourg pour les particuliers. Le protocole n°14 instaure des restrictions. Désormais, seules les affaires représentant un préjudice important pourront être déclarées recevables. Hélas,

« la notion de « préjudice important » - qu'il appartiendra à la Cour européenne de préciser - risque de conduire à écarter des requêtes qui, pour mineures qu'elles soient quant au préjudice subi, peuvent néanmoins soulever des questions de principe tenant à l'application de la Convention ou à la « conventionalité » du droit interne »565.

Mais, alors même que le protocole n°14 à la Convention n'était pas encore entré en vigueur, les Hautes Parties ont adopté une déclaration commune en février 2010566 pour préparer les futurs travaux visant à réformer, une fois de plus, la Cour de Strasbourg567.

Durant longtemps, l'on a reproché au système communautaire de restreindre l'accès des individus à la Cour de Luxembourg.

Pourtant, les carences du système de protection de l'Union, liées à son manque de recours possible pour les particuliers, ont lieu pour des cas qui « sont très limités puisqu'ils ne concernent que les hypothèses dans lesquelles un acte communautaire de portée générale est applicable à un particulier sans qu'il soit besoin de mesures nationales d'application »568.

En outre, bien que la Cour de Strasbourg relève que l'accès limité des particuliers à la Cour de Luxembourg est une carence pour la protection des droits fondamentaux, elle n'en retient pas moins que le système communautaire permet un niveau de protection des droits fondamentaux équivalent à celui de la Convention569.

De plus, bien que les individus n'aient eu que des voies de recours limitées devant la Cour de Luxembourg, le système du recours préjudiciel permettait aux individus, à travers leurs juges nationaux, d'avoir accès aux juges de la Cour de Luxembourg. Depuis 2008 une procédure d'urgence570, dans le cadre des questions préjudicielles, a été instaurée pour les personnes privées de liberté. La compétence de la Cour de Luxembourg couvrant aujourd'hui tous les

564 supra note 521, COHEN-JONATHAN, p.280

565 SUDRE, Frédéric, Droit européen et international des droits de l'homme, 9ème édition, collection droit fondamental, PUF, 2008, Paris, 843p ; p694 point 323

566 Conférence de haut niveau sur l'avenir de la Cour européenne des droits de l'homme, Déclaration d'Interlaken, 19 février 2010, site officiel du Conseil de l'Europe, communiqué 145(2010)

567 Réforme de la Cour EDH : adoption d'une déclaration commune, La Semaine Juridique Edition Générale, n°9, 1er mars 2010, 267

568 supra note 563, BENOIT-ROHMER, p.849

569 KAUFF-GAZIN, Fabienne, L'arrêt Bosphorus de la CEDH : quand le juge de Strasbourg décerne au système communautaire un label de protection satisfaisante des droits fondamentaux (CEDH, 30 juin 2005), Les Petites Affiches, 24 novembre 2005, n°234, p.9

570 La Cour de Luxembourg a alors trois mois pour rendre sa décision.

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domaines d'action de l'Union, notamment de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, cette procédure devrait être de plus en plus utilisée571.

Notons également que jusqu'à la réforme récente de la Constitution française, la France était partie à la Convention et n'offrait pas de voie de recours aux individus pour effectuer un contrôle de constitutionnalité des lois572. La position de la Cour de Luxembourg vis-à-vis de la Convention est donc loin d'être inacceptable concernant l'accès des individus à son prétoire.

L'accès des particuliers à la Cour de Luxembourg était donc limité, en théorie, aux recours en annulation573, en carence574 ou en indemnité575. Mais l'individu avait surtout accès, indirectement, à la Cour de Luxembourg par le biais des questions préjudicielles des juridictions nationales.

Le recours en annulation était strictement encadré pour les particuliers, notamment par l'instauration d'une distinction entre les requérants privilégiés et non privilégiés. Les particuliers faisaient partie de la seconde catégorie et devaient démontrer qu'un intérêt personnel et direct les poussait à agir. Dans ce cadre, le recours avait une connotation subjective. La Cour de Luxembourg a élargi l'ouverture des recours aux particuliers en indiquant dans une affaire de 1990 qu'une personne directement concernée par l'acte incriminé, mais non destinataire, pouvait effectuer un recours576. Cependant, aucun recours général n'a été accordé par la Cour de Luxembourg. Lorsque l'acte était de portée générale, le droit de recours des individus était refusé si ils possédaient d'autres voies de recours577.

Le Tribunal de Première Instance a tenté en 2002 d'ouvrir l'accès des particuliers en acceptant un recours d'individus non directement concernés par un acte général578. La mise en place de ce recours objectif a été rejetée par la Cour de Justice seulement quelques mois plus tard579 et a conduit la Cour de Justice à censurer la position du Tribunal de Première Instance580. La Cour de Justice considérait en effet qu'une révision des traités était nécessaire pour accepter de tels recours. Ce fut chose faite avec la révision du Traité de Lisbonne.

571 Supra note 524, Van Der JEUGHT, p.303

572 CHALTIEL, Florence, L'Union européenne doit-elle adhérer à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ?, Revue du Marché Commun et de l'Union Européenne, 1 janvier 1997, n°404, p.34-50, p.44

573 article 263 TFUE

574 article 265 TFUE

575 article 268 et 340 TFUE

576 CJCE, 26 juin 1990, Sofrimport, aff. C-152/88, Rec.1990, p.I-2477

577 CJCE, 15 juillet 1963, Plaumann, aff. 25/62

578 TPI, 3 mai 2002, Jégo-Quéré et compagnie SA c/ Commission, aff. T-177/01 : Rec. CJCE 2002, II, p. 2365

579 CJCE, 25 juillet 2002, Union Pequenos Agricultores, aff. C-50/00

580 CJCE, 1er avril 2004, Commission c/ Jégo-Quéré, C-263/02 P

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Les individus ont aujourd'hui, conformément à l'article 263 alinéa 4 TFUE, un droit d'accès au prétoire de la Cour de Luxembourg plus étendu en matière de recours en annulation. Cet article prévoit que « toute personne physique ou morale peut former, [ ...], un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d'exécution ».

Ainsi, seuls les actes règlementaires concernant directement l'individu et qui n'ont fait l'objet d'aucune mesure d'exécution peuvent être attaqués.

Les actes législatifs sont définis à l'article 289 §3 TFUE. La difficulté réside dans l'interprétation de la notion d' « actes réglementaires ». Ils correspondent, conformément aux travaux préparatoires, aux « actes non législatifs de portée générale »581. Mais, les articles 288 à 292 TFUE relatifs aux actes juridiques de l'Union ne font pas référence à cette notion. Dans ce cas, il est possible que l'individu puisse attaquer tous les actes non législatifs ou au contraire uniquement les actes règlementaires d'exécution582. De même, les directives ne semblent pas relever de cette nouvelle voie de recours puisque des mesures d'exécution doivent être prises pour les transposer. Ainsi, si l'acte communautaire a fait l'objet d'actes nationaux en vue de son exécution, c'est vers les juridictions nationales que le particulier devra se tourner, le juge national pouvant par la suite avoir accès à la Cour de Luxembourg par le biais de la question préjudicielle si un doute sur la validité de l'acte communautaire naissait.

Mais, une ambiguïté sur l'interprétation des mesures d'exécution peut être soulevée. En effet, doit-on prendre en considération les actes qui n'ont pas reçu de mesures d'exécution, alors même qu'ils auraient dû, ou uniquement les actes qui, par leur nature même, ne peuvent produire des mesures d'exécution ?583 En outre, il semblerait que l'article 263 permette, en démontrant que le requérant est individualisé par rapport à un acte normatif ou que cet acte législatif ne soit pas normatif, d'attaquer tout acte communautaire584. Dans le cas contraire, seuls les requérants privilégiés585 seront en mesure de saisir la Cour de Luxembourg pour connaître de la conformité d'un acte législatif.

581 supra note 532, Le traité de Lisbonne, p.63

582 Fascicule 120 : Traité établissant une constitution pour l'Europe, JurisClasseur Europe Traité, mise à jour 1er juin 2008, point 149

583 ibid, point 148

584 Fascicule 161-27-4 : Recours en annulation, JurisClasseur Droit International, mise à jour 1er juin 2008, point 363

585 Etats membres et institutions communautaires (Parlement européen, Conseil européen, Conseil, Commission, Cour de justice de l'Union européenne, Banque centrale européenne, Cour des comptes). A noter que le Comité des Régions peut être amené, pour sauvegarder ses prérogatives, à saisir la Cour de Luxembourg dans ce cadre.

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Cependant, la portée même de ce nouvel article est incertaine586. En outre, l'interprétation de la notion « individuellement concerné » pourrait étendre, ou au contraire réduire, l'accès des particuliers à la Cour de Luxembourg.

Cependant, la formulation de l'article 19 TUE qui prévoit que « les Etats membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union » pourrait conduire les Etats à mettre en place des procédures pour que leurs juridictions soient dans l'obligation de saisir la Cour de Luxembourg de questions préjudicielles en appréciation de validité des actes communautaires. Le recours juridictionnel du particulier serait assuré, mais de manière indirecte. L'avantage de cette procédure serait de ne pas engorger la Cour de Luxembourg de demande des particuliers et d'appliquer le principe qui fait du juge national le juge de droit commun du droit de l'Union 587.

L'accès des particuliers à la Cour de Luxembourg est un enjeu aux vues de l'adhésion de l'Union à la Convention. La Commission aux affaires constitutionnelles du Parlement européen a notamment souligné le fait que « la principale valeur ajoutée de l'adhésion de l'UE à la CEDH réside dans le recours individuel contre les actes de mise en oeuvre du droit de l'Union par ses institutions ou par les Etats membres »588 précisant que ces requêtes peuvent être introduites par une personne physique ou morale. En effet, l'article 6 de la Convention a été interprété par la Cour de Strasbourg pour faire en sorte que les individus aient un accès effectif à la justice. La Cour de Strasbourg pourrait-elle considérer que tel est le cas au sein de l'Union ? En outre, la Cour de Luxembourg doit désormais appliquer la Charte, qui prévoit également à son article 47 le droit à un recours effectif589.

Il faut cependant prendre en compte qu'un accès ouvert des particuliers à la Cour de Luxembourg risquerait d'augmenter perceptiblement sa charge de travail. Les conséquences ont été telles sur la Cour de Strasbourg que des mesures doivent être prises rapidement pour faire face à un engorgement hypothétique mais prévisible.

En revanche les affaires susceptibles d'être admises pour un contrôle sont également différentes d'une juridiction à une autre. En effet, la Cour de Luxembourg est limitée aux affaires

586 BOT, Yves, Quelques perspectives après Lisbonne, La Semaine Juridique Edition Générale, n°52, 21 décembre 2009, 580

587 ibid

588 Amendements de compromis, Parlement européen, Commission des affaires constitutionnelles, 15 avril 2010, Les aspects institutionnels de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 2009/2241(INI), amendement n°10, p8

589 op. cit., BOT

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liées au droit de l'Union. Cependant, dans un arrêt de 1975590, la Cour de Strasbourg a indiqué que l'article 6 de la Convention garantissait le droit des particuliers à faire entendre par un tribunal leurs contestations à caractère civil591. La limitation des droits au caractère civil, ou pénal, a fait l'objet de fortes discussions, notamment sur la question de savoir si les sanctions administratives pouvaient être prises en compte592. Bien que la Cour de Strasbourg ait fortement réduit les domaines administratifs qui auraient pu être écartés de l'application de l'article 6 de la Convention, elle n'a jamais étendu son interprétation jusqu'à supprimer toute distinction et donc toutes inapplicabilités de l'article 6593. Avec l'arrêt Pellegrin594, elle a même « recadré » cette application. Précisons cependant que « le droit à un recours juridictionnel au plan national n'est pas reconnu en tant que tel par la Cour de Luxembourg, mais comme le corollaire nécessaire à l'effectivité d'un droit résultant du droit communautaire »595.

Pour sa part, la Cour de Luxembourg a forgé sa conception du droit au juge sur la base des principes généraux du droit de l'Union, l'objectif étant que le droit de l'Union soit correctement appliqué sur l'ensemble du territoire de l'Union et que le principe de primauté du droit de l'Union soit respecté596. La Cour de Luxembourg se réfère notamment à l'article 6 de la Convention dans son arrêt Johnston597, permettant, via la notion de patrimoine juridique commun, de consacrer le droit au juge. La Cour de Luxembourg affirme ainsi « qu'il existait un principe général du droit à un recours juridictionnel dont les sources d'inspiration se trouvaient notamment dans les traditions constitutionnelles communes aux Etats membres ainsi que dans les articles 6 et 13 de la Convention »598. Cependant, la Cour de Luxembourg ne prend pas en compte la distinction opérée par l'article 6 de la Convention concernant les affaires à caractère civil, pénal ou administratif599, permettant ainsi de traiter un plus grand éventail d'affaires.

590 Commission EDH, 21 février 1975, Golder, série A, n°18

591 DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, Droit au juge, accès à la justice européenne, Pouvoirs 2001/1, n°96, p.123-141, p.125

592 ibid, p.126

593 ibid, p.131

594 CEDH, Gde Ch., 8 décembre 1999, Pellegrin c. France, req. N°28541/95, rec 1999-VIII.; BURGORGUE-LARSEN, Laurence, De l'art de changer de cap. Libres propos sur les « nouveaux » revirements de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.329-344

595 op.cit. DUTHEIL De La ROCHERE, p.132

596 ibid, p.129

597 CJCE, 15 mais 1986, Marguerite Johnston c/ Chief Constable o the Royal Ulster Constabulary, aff. 222/84, Rec. p.1651

598 supra note 535, CORREARD, p.513

599 CJCE, 3 décembre 1992, Oleificio Borelli, aff. C-97/91, Rec. I p.6313

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Chapitre 2. L'adhésion comme solution à l'harmonisation des relations entre les deux Cours européennes ?

Denys Simon l'indiquait dès 2001 dans son article « Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : « je t'aime, moi non plus » ? »600, que les relations entre les deux Cours se basent sur une « dimension essentiellement évolutive des influences réciproques »601. Ainsi, les deux juridictions européennes ont une influence réciproque certaine [Section 1] qui a permis notamment une coopération de leur travail [Section 2].

Section 1. La relation ambiguë des Cours européennes

« Le plus souvent, la concurrence évoque le conflit »602, tant de normes que de juridictions. « L'on glisse imperceptiblement de la problématique du conflit vers celle de la cohérence, de l'unité, voir de l'identité des ordres juridiques »603.

Les conflits entre les deux ordres sont renforcés pour deux raisons. « Premièrement, le fait que la compétence de l'ordre juridique supérieur n'est pas générale. Deuxièmement, le fait que, s'il y a bien intégration hiérarchique, il n'y a pas d'intégration organique, donc elle n'est que fonctionnelle. Et aussi longtemps que ce sera ainsi, les conflits restent inévitables »604.

Les juridictions doivent évoluer pour faire face à l'évolution même de leurs organismes de rattachement. Les élargissements de l'Union et du Conseil de l'Europe à l'Est ont engendré des réformes des instituions mais également des juridictions qui devaient faire face à de nouveaux conflits et à de nouveaux membres. Rappelons, si besoin est, que tant la Cour de Strasbourg que la Cour de Luxembourg, bien que liées à leur organisation de création, restent indépendantes, tant des organisations que des Etats membres. Cette indépendance se traduit notamment par l'élaboration, en interne, des règlements intérieurs605.

600 SIMON, Denys, Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : « Je t'aime, moi non plus » ?, Revue

Pouvoirs, 2001/1, n°96, p31-49

601 ibid, p31

602 Du BOIS De GAUDUSSON, Jean et FERRAND, Frédéric, La concurrence des systèmes juridiques, groupement

de droit comparé, institut de droit comparé Edouard Lambert, Université Jean Moulin Lyon 3, Acte du colloque de Lyon, 20 octobre 2006, Presse Universitaire d'Aix-Marseille, 2008, 162p, p.107

603 ibid.

604 ibid, p.117

605 supra note 551, BURGORGUE-LARSEN

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La plus grande difficulté pour la coexistence des deux systèmes réside dans le fait qu'ils n'ont pas été créés dans la même optique606. Pourtant, la séparation des compétences, entre une Union se préoccupant uniquement du développement économique et un Conseil de l'Europe protégeant les droits de l'Homme sur le continent européen, semble devoir être aujourd'hui totalement dépassée. Mais, la Cour de Strasbourg reste et demeure le symbole de la protection des droits fondamentaux en Europe, mais également dans le monde. La Convention et la Cour de Strasbourg sont en effet des modèles pour la protection internationale des droits de l'Homme607 et ont un réel « rayonnement international »608. De plus, les deux juridictions, sur le plan international, sont des modèles de juridictions régionales609. Mais la Cour de Strasbourg a l'avantage de paraître « à la fois plus autonome, c'est-à-dire plus isolée, et plus libre, c'est-à-dire structurellement moins responsable des conséquences politiques, administratives et économiques de ses arrêts, que ne l'est la Cour de justice »610. En outre, « l'existence d'une instance de contrôle située au niveau européen, indépendante du système national dont elle examine les actes, constitue pour les citoyens une garantie - aujourd'hui fondamentale à leurs yeux - de la protection de leurs droits »611.

Trois hypothèses de conflit d'interprétation entre la Cour de Luxembourg et la Cour de Strasbourg ont été relevées par Jean-Sylvestre Berge et Sophie Robin-Olivier612.

En premier lieu, l'hypothèse « para-conflictuelle » serait le cas où les deux Cours statuent pour une même affaire mais sur une base différente de protection des droits fondamentaux. Il n'y aurait alors pas de conflit d'interprétation car les Cours ne se prononceraient pas sur les mêmes droits. Cependant, la solution finale pourrait être totalement différente613.

En second lieu, l'hypothèse « abstraite » serait l'interprétation du même droit mais dans des affaires distinctes. L'interprétation différente d'un même droit pourrait alors s'expliquer par le cas d'espèce614.

606 RIDEAU, Joël, La coexistence des systèmes de protection des droits fondamentaux dans la Communauté européenne et ses Etats membres, Annuaire international de justice constitutionnelle, 1991, p11, p.41

607 WECKEL, Philippe, Les confins du droit européen des droits de l'Homme et le progrès du droit, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.1729

608 supra note 522, FLAUSS, p.73

609 supra note 551, BURGORGUE-LARSEN

610 LEGAL, Hubert, Composition et fonctionnement des Cours européennes, Pouvoirs 2001/1, n°96, p.65-84, p.66

611 supra note 530, KRUGER et POLAKIEWICZ, p.9

612 BERGE Jean-Sylvestre et ROBIN-OLIVIER Sophie, Introduction au droit européen, Thémis droit, PUF, 2008, 1ère édition, 551p, p.255

613 ibid., p.256

614 supra note 612, BERGE et ROBIN-OLIVIER, p.256-257

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Enfin, l'hypothèse « réellement conflictuelle » serait l'interprétation, dans la même affaire, d'un même droit fondamental. Cette situation pourrait se rencontrer dans les affaires qui auraient dans un premier temps été soumises à la Cour de Luxembourg par la voie d'une question préjudicielle, pour ensuite être déférées devant la Cour de Strasbourg. L'hypothèse inverse est également envisageable, la Cour de Strasbourg protégeant un droit qui irait à l'encontre du droit de l'Union, tel que le droit syndical. L'État serait alors dans une situation insoutenable de devoir respecter les décisions contradictoires des deux Cours615.

Bien que la Cour de Luxembourg se soit élevée comme garante des droits fondamentaux au sein de l'Union, le rôle de la Cour de Strasbourg reste primordial puisqu'il permet de palier le droit de l'Union en matière de droits de l'Homme. Dans l'affaire Koua Poirrez616, « la législation française contenait en effet un élément de discrimination que le droit communautaire n'a pu corriger, à défaut d'être applicable aux faits de la cause, si bien qu'il a fallu l'intervention de la Cour de Strasbourg pour qu'il fut remédié au problème »617.

Cette affaire met en lumière une inégalité de droit entre les individus, selon leur situation vis-à-vis du droit de l'Union. En l'espèce, il aurait suffit que le père du requérant ait travaillé dans un autre État membre, et donc exercé une de ses libertés fondamentales, pour que le droit de l'Union s'applique618. En effet, en matière de regroupement familial, le droit de l'Union est plus protecteur que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Cependant, le droit au regroupement familial ne peut s'exercer dans le cadre communautaire que si le citoyen de l'Union a exercé sa liberté fondamentale de se déplacer et de travailler dans un autre État membre. Dans ce cas, le regroupement familial sera complet car facilitant l'exercice d'une liberté fondamentale communautaire. En revanche, dans le cas contraire, si le citoyen de l'Union demeure dans son État de nationalité, le droit de l'Union ne s'appliquera pas et c'est le droit national, avec la Convention, qui sera la base du droit du requérant619. Or, la Cour de Strasbourg en matière de regroupement familial est moins protectrice que la Cour de Luxembourg. Sur la base de l'article 8 de la Convention, la Cour de Luxembourg n'impose pas aux Etats le respect du choix du lieu de résidence par les couples620.

615 supra note 612, BERGE et ROBIN-OLIVIER, p.258-259

616 CEDH, 30 septembre 2003, Koua Poirrez c/ France, req n° 40892-98

617 CALLEWAERT, Johan, Paris, Luxembourg, Strasbourg : trois juges, une discrimination - L'interaction entre les ordres juridiques national, communautaire et conventionnel à l'épreuve de la pratique (en marge de l'arrêt Koua Poirrez), Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2005, n°61, p.159-169, p. 161

618 ibid, p.162

619 op.cit., CALLEWAERT, p.167-168

620 CEDH, 28 novembre 1996, Ahmut c. Pays-Bas, 1996-VI, p.2030

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Dans ce cas précis, l'adhésion de l'Union à la Convention ne modifierait pas la situation puisque l'adhésion ne pourrait avoir pour effet de modifier le droit de l'Union et que la Cour de Strasbourg devra prendre en compte, ce qu'elle fait déjà, les particularités du droit de l'Union.

Les difficultés de cohésion entre les deux Cours ont lieu car la Cour de Luxembourg applique les droits fondamentaux sous une conception communautaire. Cette approche se révèle dans le domaine de l'interruption volontaire de grossesse par exemple, où les deux Cours ont été saisies de ce domaine mais sous une approche totalement différente. La décision qui a été prise dans ces deux affaires est forcément différente, la Cour de Luxembourg se basant sur l'activité économique de cette pratique et sur le fait qu'un service ne peut être limité entre Etats, la Cour de Strasbourg se basant de son côté sur des éléments de moralité621. Il n'en demeure pas moins que la Cour de Luxembourg ne fait que respecter son domaine de compétence qui est de faire respecter le droit de l'Union, celui-ci ayant un aspect essentiellement économique qui se reporte sur la protection des droits de l'Homme octroyée.

Bien que des discordances d'interprétations aient pu exister entre la Cour de Luxembourg et la Cour de Strasbourg, l'application d'un seul et même texte, la Convention, avait permis un certain équilibre à la protection des droits de l'Homme au sein des différents systèmes européens. L'entrée en vigueur de la Charte, et son applicabilité, remet en cause cet équilibre fragile par la mise en place d'une nouvelle norme de référence en matière de protection des droits fondamentaux622. « Les zones d'interférence entre les compétences respectives de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de justice des Communautés européennes sont susceptibles de s'accroître »623.

La jurisprudence des deux Cours et la volonté de l'Union de se soumettre au respect des droits de l'Homme laissaient penser qu'une « certaine perméabilité inéluctable, voire une osmose délibérée, dans les rapports entre les deux juridictions »624 allait prochainement voir le jour. Bien au contraire, les évolutions géographique et institutionnelle de l'Union « suscitent mécaniquement le risque d'un « double standard » en matière de défense des droits

621 OMARJEE, Ismaël, ROBIN-OLIVIER, Sophie et SINOPOLI, Laurence, Questionnement sur la place des normes internationales et européennes dans l'ordre juridique communautaire, chronique de droit européen n°2, Les Petites Affiches, 26 juillet 2002, n°149, p.9

622 LE BOT, Olivier, Charte de l'Union européenne et Convention de sauvegarde de l'Homme : la coexistence de deux catalogues de droits fondamentaux, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, n°55/2003, p.781-811, p.787

623 supra note 600, SIMON, p41

624 ibid, p33

114

fondamentaux, qui n'est pas de nature à améliorer la situation des justiciables, ni à faciliter la tâche des juridictions nationales »625.

Bien que les deux Cours semblent se rapprocher, « certaines évolutions récentes peuvent susciter de légitimes inquiétudes quant à la poursuite du mouvement. Il en est ainsi en particulier de l'autonomisation croissante du système communautaire de protection des droits fondamentaux »626. L'adhésion de l'Union à la Convention ne doit pas conduire à une absence de contrôle de la Convention par la Cour de Strasbourg au profit de la compétence de la Cour de Luxembourg. En effet, la Cour de Luxembourg reste aujourd'hui sur une interprétation de la Convention

« à travers le « prisme communautaire », qui justifie le filtrage interprétatif opéré au nom de la spécificité de l'ordre juridique communautaire. Le risque n'est alors pas négligeable de voir se développer des divergences d'interprétation, voire une sorte de double standard, à propos de la garantie de droits théoriquement protégés sur la base des mêmes dispositions conventionnelles »627.

En outre, la compétence de la Cour de Luxembourg reste liée aux affaires de droit de l'Union. Ceci peut créer des difficultés dans les cas de lien entre le droit de l'Union et les droits de l'homme, ce qui se produit de plus en plus par l'extension des compétences de l'Union.

L'entrée en vigueur de la Charte et son application collective avec la Convention au sein de l'Union ne pourra pas faire « disparaître à l'évidence les interférences entre la pratique des deux juridictions. Il est clair toutefois qu'une telle situation ne peut qu'aggraver les conflits d'allégeance auxquels risquent d'être exposés les juges nationaux »628.

En effet, comme nous l'avons indiqué auparavant, la construction communautaire ne s'est pas effectuée à travers la protection des droits de l'Homme. Ainsi, la construction dans un premier temps économique de l'Union « explique que les rapports entre les deux ensembles conventionnels, d'une part, et entre les deux mécanismes de contrôle juridictionnel, d'autre part, n'aient pas été envisagés lors de la signature des traités communautaires »629. L'on peut donc d'autant plus s'étonner que le traité de Lisbonne ne se soit pas penché plus longuement sur cet état des lieux qui risque en effet de créer dans un futur proche des interactions entre les deux systèmes. La mise en place d'une simple procédure d'avis ou de renvoi en interprétation entre les deux Cours semble illusoire et inappropriée. Cette procédure permettrait une coopération renforcée entre la Cour de Strasbourg et la Cour de Luxembourg et une interprétation uniforme

625 supra note 600, SIMON, p34

626 ibid, p47

627 ibid, p48

628 ibid, p49

629 ibid, p32

115

de la Convention par les deux systèmes. Elle permettrait notamment de réduire le nombre d'affaires individuelles portées devant la Cour de Strasbourg, à la double condition que la Cour de Luxembourg soit tenue à l'interprétation de la Cour de Strasbourg et qu'une requête portée devant la Cour de Strasbourg ayant pour fondement le droit interprété à l'occasion du premier renvoi soit déclarée irrecevable.

»632.

Cependant, la Cour de Luxembourg devrait être saisie de l'affaire au préalable, ce qui limite l'accès des individus. En outre, il est plus probable que la Cour de Luxembourg ne serait pas liée à ces avis et pourrait s'en détacher, sous motivation, ce qui créerait des distorsions de jurisprudence difficilement surmontables. De plus, ceci exclu le recours des particuliers devant la Cour de Strasbourg. Il faut également prendre en compte le cas d'une affaire ayant fait l'objet de l'avis de la Cour de Strasbourg qui serait par la suite portée devant elle. Le même juge ne pouvant trancher deux fois la même affaire, la Cour de Strasbourg devra prendre garde à sa composition630. Enfin, la Cour de Strasbourg devrait rendre des avis sur des questions communautaires sans avoir un juge représentant l'Union en cas de non-adhésion631. Un collège d'expert pourrait cependant être mis en place permettant « de prévenir les violations éventuelles des droits de l'homme tout en ménageant les susceptibilités politiques ; elle évite de marquer une subordination politique trop forte à l'égard du système de Strasbourg

Pourtant, pourquoi créer un tel renvoi pour la Cour de Luxembourg alors que les juridictions nationales, notamment constitutionnelles, n'ont pas cette faculté ? Faudrait-il ouvrir cette faculté à toutes les juridictions ?

La question se porte également sur les modalités d'un tel recours. En effet, les délais de jugement sont de plus en plus longs. Une telle procédure ne serait-elle pas un risque de les voir s'allonger encore un peu plus, tant pour l'affaire en cause que pour les autres qui ne pourraient être traitées durant ce laps de temps ?

630 supra note 530, KRUGER et POLAKIEWICZ, p.10

Il est à noter que la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen n'est pas favorable à la mise en place d'une telle procédure d'interprétation, notamment pour le fait que ceci allongerait inutilement les délais de procédure633.

631 supra note 521, COHEN-JONATHAN, p.284

632 ibid., p.293

633 Commission des affaires étrangères, Parlement européen, Avis à l'intention de la Commission des affaires constitutionnelles sur les aspects institutionnels de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 13 mars 2010, 2009/2241(INI), p.4

116

Pour le moment, sans adhésion rapide de l'Union, « la Cour européenne des droits de l'homme finira tôt ou tard par être confrontée à l'épineuse question de l'étendue de sa sphère de juridiction, par rapport notamment aux actes émanant d'institutions communautaires »634. En outre, c'est bien à la Cour de Luxembourg qu'il incombe « la responsabilité concrète de situer la place des droits fondamentaux, et notamment de ceux consacrés par la Convention européenne des droits de l'homme, dans la légalité communautaire »635. L'on peut ainsi espérer que « « la concurrence » sur le « marché » européen de la garantie des droits des l'homme soit mieux régulée »636 par le traité d'adhésion de l'Union à la Convention.

L'adhésion semble être la solution adéquate pour permettre de prendre en compte tant le fonctionnement de la juridiction de Strasbourg, basé sur le recours individuel, que les particularismes de l'ordre juridique communautaire. Les divergences de jurisprudence pourraient également être supprimées637. L'adhésion devrait permettre un éclaircissement de la situation entre les deux Cours et les deux ordres, même si pour le moment « les choses se sont [...] compliquées davantage encore, avec notamment [...] l'adoption de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne »638.

Les mesures qui ont été prises jusqu'à présent pour assurer une coexistence et une complémentarité des systèmes ne semblent pas être suffisantes et ne créeront qu'un prolongement des procédures. En outre, « la Charte revêtue d'une force contraignante, n'est pas cohérent avec l'adhésion simultanée à la Convention européenne des droits de l'homme »639, notamment par le fait que des membres de la Convention ne sont pas membres de l'Union.

« Sur le papier, l'adhésion [...] permettrait selon l'abstraction des pures opérations de l'esprit de concevoir une meilleure cohérence de la protection des droits fondamentaux. Les risques de conflits seraient neutralisés et, s'il pouvait être

640

envisagé de manière vertueuse (...), un tel système serait merveilleux ».

634 BULTRINI, Antonio, La responsabilité des Etats membres de l'Union européenne pour les violations de la Convention européenne des droits de l'Homme imputables au système communautaire, Revue trimestrielle de droit de l'Homme, 2002, p5-43, p7

635 supra note 600, SIMON, p35

636 ibid, p49

637 DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : quel apport à la protection des droits ?, in « Les mutations contemporaines du droit public - mélanges en l'honneur de Benoit Jeanneau », Dalloz, 2002, p91, 720p, p.104, DUBOUIS, Louis, Les principes généraux du droit communautaire, un instrument périmé de protection des droits fondamentaux ?, in « Les mutations contemporaines du droit public - mélanges en l'honneur de Benoit Jeanneau », Dalloz, 2002, p77, 720p, p.87

638 op.cit. BULTRINI, p6

639 supra note 521, COHEN-JONATHAN, p.267

640 BOCCARA, David, Faut-il que l'Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l'homme ? Mal étreint qui trop embrasse..., Recueil Dalloz, 2006, p.1343

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Le ton ironique de cette appréciation des retombées de l'adhésion démontre que la cohérence entre les deux systèmes est loin d'être acquise.

Mais les deux juridictions ont-elles besoin d'un mécanisme de coopération ? En effet, leur interaction démontre une capacité à travailler conjointement.

Section 2. La coordination des deux juridictions européennes par le dialogue et la diplomatie

Les divergences de jurisprudence entre les deux Cours sont réelles mais ne doivent pas être accentuées. Ainsi, dans l'arrêt Hoechst641, la Cour de Luxembourg a effectué une interprétation différente de l'article 8 de la Convention.

Par contre, il est

« inexact d'affirmer que la Charte européenne des droits fondamentaux de l'Union accroît les risques de divergence de jurisprudence entre les deux cours. Les dispositions de la Charte relatives à la Convention témoignent au contraire de la volonté d'aménager la coexistence entre les deux instruments dans le respect de la Convention »642.

En outre, les dispositions de la Charte sont plus vastes que celles de la Convention, la Charte intégrant des droits spécifiques aux citoyens de l'Union qui n'existent pas dans le cadre de la Convention. De plus, l'existence de deux systèmes de protection des droits de l'Homme est antérieure à l'élaboration de la Charte. L'Union protégeait en effet les droits fondamentaux en se référant à la Convention643.

Par la mise en place des principes généraux du droit, la Cour de Luxembourg « a tranché en faveur d'une autonomisation du système communautaire de protection par rapport à celui de Strasbourg »644, ce qui ouvrait la voie aux conflits avec cette juridiction. La Cour de Luxembourg a cependant tenté de limiter cette conséquence en se référant directement à la Convention.

La Cour de Luxembourg, soutenue par la suite par le droit primaire de l'Union, s'est appropriée la Convention et a, dans la majorité des cas, appliqué l'interprétation qui en était faite par la Cour de Strasbourg. Mais cette appropriation de la jurisprudence de l'autre ordre juridique a également eu lieu dans le sens inverse. Ainsi, la Cour de Strasbourg s'est référée à la

641 CJCE, 21 septembre 1989, Hoechst, Rec.p.2859

642 supra note 552, BENOIT-ROHMER

643 ibid.

644 supra note 525, GAUTRON, p.5

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jurisprudence communautaire, et notamment à la Charte. La Cour de Strasbourg s'efforce ainsi de prendre en considération les particularités du droit de l'Union et de l'Union. « Contrairement à certaines visions simplificatrices, la circulation des raisonnements juridiques s'est opérée dans les deux sens, et l'acculturation juridique entre Strasbourg et Luxembourg a été réciproque »645.

La question de la hiérarchie entre les deux Cours doit se poser dans le contexte de l'ordre juridique. Il existe deux types d'ordre juridique ; moniste et pluraliste. Nous suivrons ici le raisonnement de Françoise Tulkens646, juge à la Cour de Strasbourg.

Dans une conception moniste, une seule Cour se trouve au sommet de l'ordre juridique. Les deux Europes que composent l'Union et le Conseil de l'Europe ne sont pas encore prêtes à être fusionnées pour ne former qu'une et même entité où la Cour de Luxembourg pourrait prendre la tête de l'ensemble. En effet, le territoire des deux organismes est loin d'être similaire. En outre, la voie de la sécession de l'ordre juridique communautaire à celui conventionnel doit être écartée, l'Union ayant la volonté d'adhérer à la Convention. Cette adhésion devrait créer une « absorption »647 de la Cour de Luxembourg par la Cour de Strasbourg. Cet effet de l'adhésion ne semble pourtant pas être la volonté de l'Union, et encore moins de la Cour de Luxembourg.

Si on aborde la conception pluraliste de l'ordre juridique, la coexistence entre les différents ordres doit exister. « Dans le domaine de la protection des droits de l'homme, le pluralisme est un fait, une réalité »648. Il y a en premier lieu plusieurs textes de protection des droits de l'Homme, l'Europe étant un modèle de pluralisme avec des textes nationaux de protection, la Charte et la Convention. En second lieu, il existe plusieurs juridictions de protection des droits de l'Homme, les juges nationaux, la Cour de Strasbourg et la Cour de Luxembourg. Le pluralisme permet ainsi de « distinguer non seulement une multiplicité d'ordres juridiques mais aussi la diversité de leurs structures »649.

La conception pyramidale de l'ordre juridique se transforme en réseau juridique pour permettre la protection des droits de l'Homme. « Dans cette perspective du réseau, la hiérarchie est remplacée par l'alternance, la subordination par la coordination, la linéarité par

645 supra note 600, SIMON, p44

646 TULKENS, Françoise et CALLEWAERT, Johan, Le point de vue de la Cour européenne des droits de l'Homme,

in CARLIER, Jean-Yves et De SCHUTTER, Olivier, La charte des droits fondamentaux de l'Union européenne - son apport à la protection des droits de l'Homme en Europe - hommage à Silvio MARCUS HELMONS, Bruyant, 2002, 304p, p.219, p.238

647 ibid.

648 supra note 646, TULKENS et CALLEWAERT, p.239

649 RIGAUX, François, Conclusions, in CARLIER, Jean-Yves et De SCHUTTER, Olivier, La charte des droits

fondamentaux de l'Union européenne - son apport à la protection des droits de l'Homme en Europe - hommage à Silvio MARCUS HELMONS, Bruyant, 2002, 304p, p.253, p.258-259

119

l'interaction, la confrontation par la coexistence, l'opposition par l'altérité et la réciprocité »

650.

Dans cette perspective de coordination et d'harmonisation entre les deux Cours, un dialogue s'est instauré. « Il y va d'un processus d'interaction (Wechselwirkung), aucun acteur ne pouvant prétendre exercer de suprématie sur tous les autres, l'idée même de suprématie étant, comme celle de souveraineté, incompatible avec une protection effective des droits fondamentaux »651.

Le dialogue entre les juges « correspond à une réalité complexe qui mêle rapports entre deux ordres juridictionnels autonomes et application d'un seul et même droit »652.

Les deux Cours tiennent des rencontres bilatérales depuis une décennie pour permettre une meilleure coopération entre elles. Le fait que les juges de ces deux Cours présentent des discours similaires lors de réunions et de colloques montre qu'un rapprochement certain existe déjà entre elles. « Alors qu'une grande partie de la doctrine a mis l'accent sur la rivalité des cours européennes, c'est l'esprit de coopération qui prévaut à Luxembourg comme à Strasbourg si l'on écoute le discours des juges eux-mêmes »653. En outre, un conflit entre les deux Cours ne ferait qu'affaiblir leur position face aux juridictions nationales, alors même qu'elles ont toutes deux élaboré depuis des décennies une jurisprudence audacieuse qui serait alors remise en cause654. L'évolution du droit et de la construction communautaire vers la protection des droits de l'Homme a conduit à un enchevêtrement du système communautaire et conventionnel655. La séparation entre les deux systèmes peut alors paraître illusoire, Luzius Wildhaber, ancien président de la Cour de Strasbourg, ayant ainsi indiqué que les deux systèmes étaient désormais liés et devaient se développer ensemble656. « Il y a bel et bien une « convergence » entre la Cour européenne des droits de l'homme et la CJCE ainsi qu'une complémentarité entre la Convention et la Charte »657. La faculté des deux Cours à travailler ensemble et à coopérer leur permettra de dépasser les difficultés d'une coexistence des deux systèmes juridiques. En effet, « une guerre

650 supra note 646., TULKENS et CALLEWAERT, p.239

651 supra note 649. RIGAUX, p.262

652 supra note 612, BERGE et ROBIN-OLIVIER, p.416

653 SHEECK, Laurent, La diplomatie commune des cours européennes, in MBONGO, Pascal et VAUCHEZ, Antoine, Dans la fabrique du droit européen - scènes, acteurs et publics de la Cour de justice des Communautés européennes, collection droit de l'Union européenne, Bruyant, 2009, 254p, p.10, p.109

654 ibid, p.111

655 ibid, p.112

656 ibid.

657 ibid., p.113

120

des cours européennes nuirait avant tout aux Cours elles-mêmes »658. La « diplomatie » des Cours européennes et le dialogue des juges qui se sont instaurés entre elles, mais également entre les juridictions nationales, devraient permettre de consolider les ordres juridiques actuels et leur complémentarité659.

L'importance de la volonté des deux Cours européennes d'instaurer un dialogue est primordiale pour une coopération effective et efficace. En effet, des passerelles entre juridictions internationales régionales ont déjà été créées avec succès au sein même de l'Europe, entre la Cour BENELUX et la Cour de Luxembourg. Les Etats membres du BENELUX étant également membres, fondateurs, de l'Union, la Cour BENELUX s'est « sans difficulté aucune considérée comme une « juridiction des Etats membres » au sens de l'article 234 T.CE »660 et utilise donc le renvoi préjudiciel devant la Cour de Luxembourg. Les relations avec la Cour de Luxembourg ont cependant été plus tendues avec la Cour AELE, « Cour morte-née »661. Une procédure d'information a été mise en place entre les deux Cours, mais l'avantage est manifestement donné à la Cour de Luxembourg qui demeure la juridiction d'interprétation du droit de l'Union et qui n'est pas liée aux décisions de l'organisation régionale662.

La Cour de Luxembourg semble jalouse de ses prérogatives, sous la bannière de la préservation de l'autonomie du droit de l'Union 663. Mais tout comme les juridictions nationales, même suprêmes, ont fini par voir dans leur relation avec les Cours européennes une coopération et non une hiérarchisation, l'on peut espérer que les deux Cours suivront le même cheminement664.

Mais, la coopération entre les deux juridictions ne doit pas faire oublier le danger du « suivisme automatique - et donc aveugle - qui perdrait de vue tant le niveau de protection des droits que les particularités propres de chaque système »665. Ainsi, certaines divergences de jurisprudence permettraient un développement des droits, comme nous avons pu le voir, chaque Cour européenne apprenant au contact de la jurisprudence de l'autre.

658 supra note 653, SHEECK, p.137

659 MBONGO, Pascal et VAUCHEZ, Antoine, Dans la fabrique du droit européen - scènes, acteurs et publics de la Cour de justice des Communautés européennes, collection droit de l'Union européenne, Bruyant, 2009, 254p, p.245

660 supra note 551, BURGORGUE-LARSEN

661 ibid

662 ibid

663 ibid

664 ibid

665 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, De l'autonomie de la protection du droit communautaire par rapport à la Convention européenne des droits de l'homme ?, AJDA, 2009, p.1321

121

« Plus qu'une opération juridique, l'adhésion est un état d'esprit »666.

Un ordre juridique européen, applicable aux deux systèmes, est en train de voir le jour. Les différences qui caractérisent les deux systèmes s'estompent au fil du temps. L'espace géographique, même s'il est loin d'être identique, tend à le devenir. Les objectifs et les compétences se rejoignent sur le thème des droits de l'Homme, mais pas uniquement, le Conseil de l'Europe ayant également des activités dans des domaines très variés tel que la culture ou l'environnement667. Enfin, les deux ordres juridictionnels se complètent et s'organisent de plus en plus de façon similaire.

En 2000, le Président de la Cour de Strasbourg, M. Luzius Wildhaber, indiquait, sous l'approbation du Comité des Ministres, que « l'existence de deux systèmes de protection risque d'affaiblir la protection globale offerte et d'entamer la sécurité juridique dans ce domaine »668. La multiplication des catalogues doit s'effectuer dans la maîtrise des différents systèmes et leur coexistence, au risque de ne créer que de l'insécurité juridique.

Il y a un véritable cumul de normes entre la protection conventionnelle, communautaire et nationale. La multiplication des sources de protection des droits de l'Homme est-il une marque de renforcement des droits de l'Homme ? On pourrait en douter, d'autant plus que ces sources s'accompagnent de juridictions de protection spécifique. « Cette omniprésence des libertés, si elle peut paraître rassurante, ne doit pourtant pas conduire à une « inflation » des droits fondamentaux. Une utilisation abusive de ces obligations de protection peut en effet aboutir à une dépréciation des libertés »669. Pourtant, comme nous avons pu l'indiquer, la liste des droits de l'Homme n'est pas extensible à l'infini. Ainsi, les différentes sources proclament les mêmes droits. « Certains craignent alors que cette « prolifération » des droits n'aboutisse à une « désarticulation » du système de protection »670.

666 CALLEWAERT, Johan, Paris, Luxembourg, Strasbourg : trois juges, une discrimination - L'interaction entre les ordres juridiques national, communautaire et conventionnel à l'épreuve de la pratique (en marge de l'arrêt Koua Poirrez), Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2005, n°61, p.159-169, p.169

667 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p, point 944 et suivants

668 KRUGER, Hans Christian et POLAKIEWICZ, Jorg, Proposition pour la création d'un système cohérent de protection des droits de l'Homme en Europe, Revue universelle des droits de l'Homme, 30 octobre 2001, n°1-4, p114, p.14

669 Actes du colloque de Caen, 23 février 1996 publiés sous la direction de Constance GREWE, Questions sur le droit européen, Presses Universitaires de Caen, Centre de recherche sur les droits fondamentaux, 1996, 273p, p.187

670 CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501, p.520

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Mais « à ceux qui craignent que la multiplication des sources et la pluralité des juges chargés de les appliquer soit un facteur d'insécurité juridique, nous répondrons qu'il s'agit là d'un enrichissement de l'Etat de droit, qui ne craint rien tant que le monopole »671.

L'adhésion de l'Union à la Convention ne pourra être positive pour la protection des droits de l'Homme que si elle est correctement encadrée. Certains auteurs indiquant déjà que « déclarée, la compétition l'est assurément en Europe entre Strasbourg et Luxembourg, entre deux cours dont on sait que l'activité est au Zénith »672.

Mais l'adhésion de l'Union à la Convention est également un enjeu pour la survie des deux organisations européennes. Ainsi, l'on a pu indiquer après l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe que l'Union était en manque d'idée et au bout de son processus d'intégration. Mais le Conseil de l'Europe, après le semi échec du Sommet des chefs d'État et de gouvernement à Varsovie en 2005673, est lui aussi à la recherche d'un second souffle, que l'adhésion de l'Union à la Convention pourrait produire.

Le Conseil de l'Europe est conscient de la place que prend le droit de l'Union au sein des Etats membres mais également de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg. Ainsi, lors du colloque organisé en 2008, il a été indiqué que

« si nous ne faisons rien, nous risquons d'être dépassés par la Cour européenne de Justice, car la protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne devient plus importante et la Cour européenne de Justice sera appelée à interpréter la Charte par exemple. Même si la Cour européenne de justice continue de renvoyer à la jurisprudence de la Cour, il demeure qu'étant davantage une cour constitutionnelle, ses recours préjudiciels concernant les droits fondamentaux pourraient au bout du compte sembler plus accessibles et plus instructifs pour les juridictions nationales que les décisions de Strasbourg, d'autant qu'ils sont traduits dans toutes les langues officielles des Etats membres »674.

La prise en compte des droits de l'Homme par la Cour de Luxembourg réduit l'influence de la Cour de Strasbourg. En outre, l'élargissement de l'Union, qui compte aujourd'hui plus de la moitié des Hautes Parties du Conseil de l'Europe, pousse le Conseil de l'Europe à renforcer son rôle de protecteur des droits de l'Homme. Hormis son rôle de protecteur des droits de

671 GUYOMAR, Mattias, Les rapports entre droit communautaire, droit de la Convention européenne et droit interne. A propos du secret professionnel des avocats, RFDA, 2008, p.575

672 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille « La juridictionnalisation du droit international », SFDI, Paris, Pedone, 2003, 552p, p.203-264

673 COURCELLE, Thibault, Le Conseil de l'Europe et ses limites - L'organisation paneuroéenne en pleine crise identitaire, Hérodote, n°118, La Découverte, 3ème trimestre 2005, p.48-67, p.62-63

674 Direction générale des droits de l'Homme et des affaires juridiques, Conseil de l'Europe, Vers une mise en oeuvre renforcée de la Convention européenne des droits de l'Homme au niveau national, Colloque organisé sous l'égide de la présidence suédoise du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, Stockholm, 9-10 juin 2008, 165p, p.78

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l'Homme et de la notoriété de la Cour de Strasbourg, le Conseil de l'Europe est méconnu des citoyens européens et se confond régulièrement à leurs yeux avec l'Union elle-même675.

Mais l'adhésion de l'Union à la Convention risque d'être difficilement gérable pour la Cour de Strasbourg. « Pour louable et estimable qu'il soit, ce projet n'en reste pas moins inutile sinon abstrus en l'état de saturation actuelle de la Cour de Strasbourg »676. Bien que le protocole n°14 soit entré en vigueur, il faudra du temps pour désengorger la Cour de Strasbourg, et l'expérience de la révision de la procédure par le protocole n°11 montre que les résultats attendus ne seront peut être qu'illusoires. Une adhésion de l'Union ne ferait qu'accentuer cette situation. Quelle serait alors l'utilité d'une adhésion si le jugement n'ait prononcé que des années après la saisine. « Si cela devait se faire, il faudrait plutôt envisager un sérieux concours de l'Union pour que celle-ci vienne plutôt en aide à la Cour européenne »677. En viendrait-on à envisager une adhésion non pas dans l'intérêt de l'Union mais dans celui de la Convention et de la Cour de Strasbourg ? Ainsi, l'adhésion ne serait qu'une « béquille, un secours ou une aide matérielle, que pourrait certainement procurer l'Union au Conseil de l'Europe, qui en éprouve indéniablement un cruel besoin, pour remédier aux dysfonctionnements d'une Cour européenne n'étant plus à même de servir les fins pour lesquelles elle a été créée »678.

Certains auteurs voient, dans l'élaboration d'un droit de l'Homme communautaire, la fin de la Convention et de son système de protection679. A moins que cette adhésion de l'Union à la Convention ne soit que le début d'une « intégration beaucoup plus complète des deux ordres qui trouve, à notre époque, ses limites dans des considérations politiques et d'organisation d'échelles »680. Guy Braibant remarque ainsi que « la prochaine étape du progrès des droits de l'homme ou des droits fondamentaux, sera peut-être constituée par la fusion de la Convention et de la Charte en un texte unique. Dans un demi-siècle ? »681. Pour reprendre les termes de Jean-Paul Costa, « l'Europe est condamnée à s'unir, à bref délai »682.

675 surpa note 673, COURCELLE

676 BOCCARA, David, Faut-il que l'Union européenne adhère à la Convention européenne des droits de l'homme ? Mal étreint qui trop embrasse..., Recueil Dalloz, 2006, p.1343

677 supra note 674, BOCCARA

678 ibid

679 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.8

680 op. Cit. BOCCARA

681 BRAIBANT, Guy, De la Convention européenne des droits de l'Homme à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.327, p.333

682 COHEN-JONATHAN, Gérard, Les rapports entre le système de l'Union européenne et la Convention européenne des droits de l'Homme - table ronde, in COHEN-JONATHAN, Gérard, DUTHEIL De La ROCHERE, Jacqueline, Constitution européenne, démocratie et droits de l'Homme, Droit et justice n°47, Bruyant-Nemesis, 2003, 307p, p.261, p.275

124

Le double standard de protection pouvant se mettre en place entre la protection des droits fondamentaux au niveau du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne ne doit pas faire oublier que les Etats eux-mêmes ont une compétence accrue dans ce domaine. Nous ne sommes donc plus en présence d'un double standard mais d'un triple, comme les réactions des différentes Cours constitutionnelles des Etats membres ont pu le démontrer dans le passé. « L'efficacité supérieure de certains mécanismes de protection nationaux plaide aussi dans le sens de leur maintien pour assurer une garantie effective du respect des droits fondamentaux que n'assure pas au même degré le système de la Convention européenne des droits de l'homme »683. En outre, la Convention et la Charte sont des instruments de protection minimum des droits de l'Homme, les droits nationaux pouvant être plus protecteurs.

« Il est évident que l'existence d'un système national développé de protection des droits est de nature à réduire l'importance des systèmes extérieurs et particulièrement de celui de la Convention européenne des droits de l'homme qui ne sera amené à intervenir qu'en cas de dysfonctionnement du système national »684.

De plus, ce qui se joue en Europe pourrait avoir un impact au sein des autres juridictions internationales régionales, notamment en Afrique et en Amérique latine, « car « nulle cloison étanche » ne séparer la sphère économique [...] de la sphère de la protection des droits »685. Ceci est d'autant plus vrai que les organisations purement économiques évoluent vers la prise en compte des droits de l'Homme, le modèle de l'Union le démontre, tout comme celui de la Charte Andine de Promotion et de Protection des Droits de l'homme686 de la Communauté andine.

683 RIDEAU, Joël, La coexistence des systèmes de protection des droits fondamentaux dans la Communauté

européenne et ses Etats membres, Annuaire international de justice constitutionnelle, 1991, p11, p.33

684 ibid.

685 supra note 672, BURGORGUE-LARSEN

686 Carta Andina para la Promoción y Protección de los Derechos Humanos, adoptée le 26 juillet 2002

125

TABLE DES MATIERES

Introduction 1

Partie 1. Le contrôle de la conformité des actes de l'Union vis-à-vis des

droits fondamentaux 10

Titre 1. L'application de la Convention aux actes de l'Union 10

Chapitre 1. L'influence de la Convention sur le contrôle de la Cour de Luxembourg 10

Section 1. La protection des droits de l'Homme au sein de l'Union : volonté des

juridictions suprêmes nationales 11

Section 2. La Convention comme source privilégiée de la Cour de Luxembourg pour la

protection des droits de l'Homme 13

Chapitre 2. L'application indirecte de la Convention aux actes de l'Union par la Cour de

Strasbourg 19

Section 1. Le rejet par la Cour de Strasbourg de la doctrine de la succession 19

Section 2. Le contrôle des actes de mise en oeuvre du droit de l'Union par les Etats

membres : l'adhésion forcée de l'Union 24

Titre 2. L'entrée en vigueur de la Charte : instrument communautaire de protection

des droits de l'Homme 35

Chapitre 1. Instrument unique mais peu innovant quant aux droits protégés 35

Section 1. La Charte : un pas décisif de l'Union sur le chemin de la protection des

droits de l'Homme 35

Section 2. Une Charte cependant peu innovante sur le fond 39

Chapitre 2. Une Charte limitant fortement son impact sur la protection des droits de

l'Homme 44

Section 1. Le respect des principes du droit de l'Union limitant les effets de la Charte 44

§ 1. Un effet direct de la Charte plus ou moins étendu 44

§ 2. Une Charte n'étendant pas les compétences de l'Union en matière de droits de l'Homme 47

Section 2. Des limites tenant à certaines dispositions de la Charte 53

§ 1. La distinction entre droits et principes 53

§ 2. Une clause de « opting-out » efficace ? 55

126

Partie 2. L'adhésion de l'Union à la Convention : la solution à une protection efficace des droits de l'Homme des citoyens de

l'Union ? 60

Titre 1. La conclusion de l'accord d'adhésion : la difficulté de prendre en compte les

particularités relatives à l'Union 60

Chapitre 1. Une révision nécessaire de la Convention 60

Section 1. La signature de l'accord d'adhésion par tous les Etats concernés 61

Section 2. La nécessaire prise en compte des spécificités communautaires par le

système conventionnel 68

§1. L'inadaptation de certains notions à l'Union 69

§ 2. La place de l'Union au sein de la Cour de Strasbourg : la nomination du juge 75

§3. Le droit de vote de l'Union au Comité des Ministres 79

Chapitre 2. La gestion de la dualité de normes au sein des deux organisations européennes 82

Section 1. La compatibilité de la Convention et de la Charte prévue par les dispositions

de l'instrument communautaire 82

Section 2. Le maintien de l'autonomie du droit de l'Union 90

Titre 2. Une dualité de systèmes juridiques européens préjudicielle aux citoyens ? 96

Chapitre 1. Deux juridictions supranationales reconnues compétentes pour protéger les

droits de l'Homme 96

Section 1. L'accentuation des compétences de la Cour de Luxembourg dans le domaine

de la protection des droits fondamentaux 97

Section 2. La reconnaissance de l'accès des particuliers aux Cours européennes : base

de l'effectivité de la protection des droits de l'Homme 103

Chapitre 2. L'adhésion comme solution à l'harmonisation des relations entre les deux

Cours européennes ? 110

Section 1. La relation ambiguë des Cours européennes 110

Section 2. La coordination des deux juridictions européennes par le dialogue et la

diplomatie 117

Conclusion 121

Table des matières 125

Bibliographie 127






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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite