La protection de l'environnement en droit coutumier congolais. Cas de pygmées de la province de l'Equateur en RDC( Télécharger le fichier original )par Bienvenu Wapu Samaki Université catholique du Congo - Gradué en droit 2012 |
B. LES CONSEQUENCESAu-delà des conséquences écologiques qui se manifestent à travers les perturbations climatiques et la menace de la biodiversité, la déforestation implique des conséquences négatives graves qui touchent profondément à l'existence des pygmées dans l'ensemble, et des Batwa en particulier. Ces conséquences sont : · La perte du patrimoine forestier La terre est un patrimoine qui affranchit. Elle confère au peuple le pouvoir social, culturel, économique et politique. Sa disposition détermine le fait d'être « autochtone »ou « allochtone ». L'expropriation de la forêt, affirment les pygmées Batwa, les place dans une situation d'apatride et d'esclavage. Dès lors, si la forêt constitue la vie pour les pygmées, il conviendrait de déduire que la mort de la forêt entraîne ipso facto celle des pygmées. C'est dans ce sens qu'un pygmée Mbuti de colin Trumbull au Cameroun affirme que : « Si nous quittons la forêt ou que la forêt meurt, nous mourrons aussi ; car nous sommes le peuple de la forêt »73(*) La désintégration sociale La destruction de la forêt abolit le système organisationnel pygmée ou « twa » en campement dont la structure sociale fondamentale est la famille. La famille pygméenne à en croire YEMWENI et BISAMBU « est une institution sociale qui maintient les valeurs d'homogénéité et d'égalité au sein de la communauté. Son éradication perturbe le tissu social pygméen et cause de la désintégration sociale »74(*). Aussi, la forêt étant un bien social dans lequel s'intègre harmonieusement le système vital des pygmées et des batwa, un moyen et un support de leur vie, sa destruction perturbe profondément l'harmonie vitale et conduit à la désintégration de leurs composantes sociales. · La médecine pygméenne en bute de disparition La destruction de la forêt emporte les plantes et les animaux utilisés comme substrat par la pharmacopée pygméenne .Elle fait obstacle, non seulement aux opportunités des soins offertes localement, mais aussi au processus de la recherche mondiale dans le cadre des solutions à différentes maladies, telles le cancer, la cirrhose de foie, la tuberculose, la rougeole, le diabète, l'ulcère, le VIH/ Sida, etc. Aujourd'hui, les experts de la santé s'accordent de plus en plus à penser que s'il ya un remède contre la majorité des maladies restées incurables par la médecine moderne, c'est probablement dans la forêt que l'on peut le trouver. Qui pis est, dans un pays où le revenu de la population est en deçà de la moyenne, les soins modernes étant couteux et rares, la majorité de la population ont recours aux soins traditionnels ; le cas de la RD Congo est probant. Dès lors, anéantir la forêt, c'est ipso facto sacrifier des nombreuses vies des déshérités qui en dépendent quotidiennement en matière de santé. · Les conséquences culturelles Pour les pygmées Batwa, la forêt n'est pas seulement pour eux une marchandise, mais elle est aussi le support principal de leur identité, mieux leur patrimoine identitaire. La forêt est leur mère nourricière, leur gardienne et leur protectrice, leur pourvoyeuse de médicaments, le lieu par excellence de repos, de recueillement et du rituel. Comme on le constate, l'exploitation industrielle et la spoliation effrénée des forêts mettent en péril le patrimoine culturel des pygmées et entrainent une menace grave à l'existence de ces populations. La déforestation arrête le processus continu de la création culturelle propre à chaque groupe humain. D'après les enquêtes menées auprès de J.BENANI NKUMU, pygmée « twa », « La destruction de la forêt est une sorte de guerre qui vient décimer le peuple pygmée. Car, non seulement nous ne pourrons plus faire la chasse, la cueillette, la pêche, le ramassage, ni construire des campements dans nos forêts traditionnelles, mais surtout, nous ne pourrons plus également fabriquer nos arcs, nos filets, nos nasses, nos habits traditionnels. Notre encyclopédie tradi-thérapeutique se brûle, nos lieux sacrés de culte sont profanés, notre société ne trouve plus d'explication matérielle par absence de métaphore, l'artisanat et l'art traditionnel ne sont plus produits, etc. Bref, c'est tout notre être profond qui est entamé, notre expression identitaire s'appauvrit continuellement. Nous sommes déracinés »75(*) · Les Conséquences économiques La déforestation déstructure le système économique des pygmées. Bien qu'étant une économie de subsistance et de retour direct, celle-ci subit un contrecoup qui affecte profondément sa rationalité économique. La démolition de la forêt raréfie les denrées alimentaires de base des pygmées, lesquels fondent les valeurs sociales telles que la solidarité, la justice, l'égalité et justifient les regroupements sociaux en usage. A cause de la déforestation, les ressources telles que les chenilles, le gibier, les champignons, le miel, les fruits ainsi que certaines matières servant de support pour la production de la culture, etc. se raréfient. Au regard de ce chapitre qui s'achève, disons qu'avec son savoir traditionnel endogène consacré au respect des interdits et totems, la notion du sacrée, le droit coutumier congolais a aidé ce peuple aux différents tribus à vivre en parfaite harmonie avec la nature-environnement, car celle-ci était considérée par ce dernier comme véritable supermarché .Il avait tout intérêt à la protéger. Seulement voila, le code forestier qui au lieu d'être protecteur de ce peuple dans ce droit de jouir de sa nature-environnement, devient au contraire source des malheurs pour ce dernier. Que des clauses dans certains articles qui occasionnent la déforestation et toute autre forme de destruction sans merci de cet environnement forestier sous le regard complice et impuissant des autorités tant provinciales que nationales qui engendre des conséquences graves : la perte du patrimoine forestier, la désintégration sociale, la disparition de la médecine, des conséquences d'ordre culturelles et économiques. N'est-ce pas que les différentes stratégies du peuple autochtones dans la protection et préservation de son environnement peuvent-elles nous aider à conserver le nôtre aujourd'hui en proie à la déforestation et à la destruction qui manque un mot juste pour l'exprimer ? C'est ce que nous allons aborder dans le 3ème chapitre. * 73 Banque Mondiale, Etude d'impact social et environnement du fonds commun multi bailleurs et du don de l'IDA dans le cadre du programme national forêts et conservation de la nature, cadre politique pour le peuples autochtone, cité par YEMWENI D.et BISAMBU M., Déforestation chez les pygmées Batwa de Bikoro In Revue Africaine des Peuples Autochtones, vol 1, Kinshasa, CERDAS, 2009, p. 23 * 74 YEMWENI D. et BISAMBU M., op cit, p. 24 * 75 Entretien avec John BENANI, le 8 juillet 2008, par YEMWENI D .et BISAMBU M., op cit, p. 28 |
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