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La communauté libanaise et le développement économique de la Côte d'Ivoire 1960- 2001

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par Kouadio Adolphe N'GORAN
Université Alassane Ouattara de Bouaké ( Côte d'Ivoire ) - Maà®trise 2012
  

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PREMIERE PARTIE

LA POSITION ECONOMIQUE DES LIBANAIS DANS LA PREMIERE DECENNIE DE L'INDEPENDANCE

Le rôle des Libanais dans l'économie ivoirienne se situe à deux niveaux. Nous avons d'abord la présence essentiellement commerciale. Ensuite, les Libanais s'intéressent à l'industrie qui est dominée par l'import substitution. Mais avant d'analyser cette position économique de ces derniers, nous nous intéresserons d'abord à la présence coloniale de cette communauté.

CHAPITRE I : LA SITUATION DES LIBANAIS EN CÔTE D'IVOIRE DE 1960 A 1970

La présence des Libanais en Côte d'Ivoire résulte de nombreuses circonstances sociales liées à l'histoire politique interne du Liban et de la Syrie. Dès leur arrivée en Côte d'Ivoire, les Libanais s'impliquent dans le tissu économique par le biais du commerce d'abord, avant de s'insérer dans le secteur industriel plus tard.

I-La présence des Libanais en Côte d'Ivoire pendant la colonisation

La présence coloniale libanaise est à première vue humanitaire. Mais, cela prend un tournant économique décisif à partir des années 1930. Elle devient très importante au début des années 1940.

A/ Les migrations libanaises en Côte d'Ivoire

L'installation de la communauté syro-libanaise en Côte d'Ivoire n'est guère fortuite. Elle est consécutive à plusieurs facteurs de nature tant politique que socio-économique. L'occupation des Libanais de la colonie de Côte d'Ivoire est à l'évolution de leurs activités économiques.

1-Le contexte de leur installation pendant la période coloniale

La présence libanaise en Côte d'Ivoire remonte à la colonisation française. Les migrations libanaises en Côte d'Ivoire se sont effectuées par vagues successives selon des circonstances qui ont plus ou moins marquée la vie politique, économique et sociale de cette communauté. Nous retenons deux courants migratoires. L'établissement des premières colonies libano-syriennes en Afrique essentiellement en Côte d'Ivoire remonte à la fin du XIXème et le début du XIXème siècle. Cette immigration libanaise provient de plusieurs facteurs. Il y a des causes politiques. En effet, depuis 4 siècles, le Liban est occupé par l'empire ottoman. Le Liban est divisé en 2 territoires sur la base religieuse en 1842 : le sud est le domaine des Maronites qui sont des chrétiens ; quant à la partie septentrionale, elle devient le pays des Druzes, essentiellement des musulmans de confession22(*). Cette partition du Liban conduit à un affrontement entre ces communautés confessionnelles en 1860. Les Druzes bénéficiant du soutien du sultan turc vainquirent les Maronites. Il s'ensuit alors le début de l'émigration en direction de l'Amérique. En plus, il y a l'oppression exercée par le Sultanat ottoman sur le Liban. Le sultan s'accapare des biens et richesses du pays. Cela constitue une source d'humiliation et l'instauration du service militaire forcé.23(*)

Au niveau social, les populations sont confrontées à d'énormes difficultés. Ces difficultés sont perceptibles au niveau du paysannat. En effet, les paysans sont exclus de la propriété du sol et sont exploités par les émirs et cheikhs qui composent la classe des seigneurs.24(*) En dehors de ces raisons politiques et sociales, il existe l'action des courtiers des compagnies de navigation européennes. Ces derniers employaient des méthodes peu subtiles afin de pouvoir convoyer les Libanais dans les pays de l'Amérique du Sud. Ils accordaient des facilités aux Libanais qui aspiraient aller à l'aventure pour un mieux être. Ces conditions alléchantes offertes par les courtiers européens étaient caractérisées par la prise totale en charge25(*). Selon l'Archevêque Morkos, ces avantages sont en réalité des farces, car le coût des voyages revenant plus cher que celui d'un voyage ordinaire.26(*) Pis les courtiers leur promettaient de les emmener en Amérique Latine. Cependant, après une escale dans les Ports de Marseille, les voyageurs Libanais se retrouvent dans les Antilles et en Afrique Occidentale27(*). C'est ainsi que apparurent les premières colonies libano-syrienne dans les années 1880. Ces premiers Libanais d'Afrique de l'Ouest étaient localisés au Sénégal et en Guinée. On enregistrait en 1897, 10 Libanais au Sénégal28(*). Ces Libanais qui arrivaient pour la première fois sur les côtes africaines pratiquaient le troc avec les peuples africains. Ils commerçaient avec les Africains les pacotilles, les spiritueux et bien d'autres produits contre les produits de traite notamment l'arachide et le caoutchouc.

En Côte d'Ivoire, les Libano-Syriens font leur apparition au début des années 1900. Cette présence libano-syrienne est disparate et négligeable. Les auteurs ne sont pas unanimes sur la date des premières immigrations libanaises en Côte d'Ivoire. Mais déjà, en 1900, on signale le séjour journalier de 19 Syriens en Côte d'Ivoire29(*). Pour certains auteurs comme Kipré Pierre, leur installation peut se situer avant 1900. Kipré note déjà en 1903 la présence d'un commerçant syrien du nom de Joseph Chaoul à l'intérieur de la Côte d'Ivoire précisément à Tiassalé. Ce dernier meurt quelques années après30(*). Par contre d'autres auteurs comme Salma Kojok, affirme que  les premiers Libanais de Côte d'Ivoire sont Saïd et Assaad Mansour. Originaires de Beyrouth, ils arrivèrent au Sénégal en 1907. Ils atteignent la Côte d'Ivoire en 1909 et mettent une maison de commerce à Aboisso.31(*) Henriette Dagri Diabaté et Léonard Kodjo sont catégoriques. Ils chiffrent la communauté libano-syrienne à seulement 2 représentants en 190832(*). Pour nous, l'arrivée des Libano-Syriens en Côte d'Ivoire peut remonter avant les années 1900.

En dehors de cette première colonie d'immigrés libanais, il existe un autre courant migratoire des Libanais qui arrivent en Côte d'Ivoire à partir de 1920. En 1920, nous sommes à la fin de la première guerre mondiale. La guerre de 1914-1918 entraine le déclin de l'empire ottoman et ses colonies laissées pour compte. C'est ainsi que la Société Des Nations à travers son pacte confie la tutelle des anciennes colonies de la Turquie et de l'Allemagne incapables de s'administrer elles-mêmes aux puissances coloniales européennes. La France présente au Moyen-Orient depuis la deuxième moitié du XIXème siècle devient la tutelle de la Syrie et du Liban.33(*) Elle unifie ces Etats afin d'asseoir efficacement sa politique d'administration. Ainsi, à partir de cette période, les Syriens et Libanais sont considérés comme citoyens français.

Cette vague migratoire est plus importante que la première. Plusieurs raisons expliquent cela. Il y a d'abord les facteurs économiques. En effet, la période 1920-1940 marque la phase des mises en exploitation du territoire et du développement des cultures d'exportation du café et du cacao dans la basse côte d'Ivoire. Le développement de ces cultures est l'une des raisons fondamentales de l'installation des Libanais en Côte d'Ivoire34(*). L'autre facteur est la réussite économique des Libanais. Ces derniers passent souvent des vacances dans leur pays et même expédient de l'argent à leurs parents restés au pays35(*). Cela est une raison de plus qui pousse les Libanais à immigrer en Côte d'Ivoire. Cela s'aperçoit en 1937 où après un séjour des Libanais au pays sont revenus au Sénégal avec 886 compatriotes36(*) dont 300 se sont installés en Côte d'Ivoire.37(*) Pis encore d'autres immigrants venaient en Afrique Occidentale pour soit rejoindre un parent, soit l'aider dans ses activités. Ainsi, La communauté libanaise de Côte d'Ivoire s'accroît au fur et à mesure que les activités économiques se développent. Alors comment les Libanais occupent-ils le territoire ivoirien?

* 22Monseigneur Menhem Morkos, entretien réalisé février 2012 dans sa résidence située dans l'enceinte de la Mission libanaise catholique sacré coeur

* 23Idem

* 24 Salma KOJOK, op.cit, p18

* 25Salma KOJOK, Op.cit, p24

* 26 Entretien réalisé en février 2012

* 27 Alain TIREFORT, «  Le baudet libanais ou le mal-aimé, approche de la communauté libano-syrienne en basse Côte d'Ivoire pendant l'entre- deux-guerres », In Godo Godo n°7, 1981, Bulletin de l'Institut d'Histoire d'Art et d'Archéologie, pp59-78

* 28Jean et René CHARBONNEAU, Marchés et marchands d'Afrique Noire, édition La Colombe 1961, Paris, p93

* 29Journal Officiel de l'Afrique Occidentale Française, 1900, p191

* 30Pierre KIPRE : Villes coloniales en Côte d'Ivoire 1893 à 1940, Tome II, Paris VII, p496

* 31Salma KOJOK, op.cit.p44

* 32 Henriette Dagri DIABATE et Léonard KODJO, Notre Abidjan, Ivoire Média /Mairie Abidjan, 1991,

* 33Pacte de la Société Des Nations, article 21, p12

* 34Alain TIREFORT, op, cit, p65

* 35Idem, p67

* 36Salma KOJOK, op.cit., p74

* 37Idem, p74

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote