Partie I/ Cadre Théorique
Chapitre I/ Banque et Croissance
Introduction
Jusqu'aux années 90, le thème de la relation
entre le système financier et la croissance économique
était relativement négligé dans la réflexion
économique dominante. Les liens entre l'économie réelle et
l'économie financière étaient peu étudiés.
Les théories de la croissance ne faisaient aucune place au rôle du
secteur financier. (Jaquet & Pollin 2006) Il fallait remonter à
Schumpeter pour trouver une analyse substantielle du rôle du
crédit. Schumpeter considérait en effet que l'entrepreneur et le
banquier représentaient les deux acteurs complémentaires du
processus d'innovation. Après lui, les travaux se sont plutôt
concentrés sur le rôle de l'entrepreneur. La littérature
économique sur les systèmes financiers connaît un certain
renouveau dans la seconde moitié du 20ème siècle,
notamment avec les travaux de Gurley et Shaw [1955] qui identifient une
relation significative entre les intermédiaires financiers et la
croissance. Goldsmith [1969] consacre une étude importante au rôle
de la structure financière dans le développement. Puis McKinnon
[1973] et Shaw [1973] soulignent l'effet négatif de la répression
financière (plafonnement des taux d'intérêt, politique
d'allocation sélective du crédit, protectionnisme financier) qui
réduit la formation de capital, biaise les choix techniques au
détriment des activités intensives en main d'oeuvre et conduit
à des investissements intensifs en capital et de piètre
qualité.
Le renouveau théorique des années 80 et 90,
nourri notamment par la modélisation de la croissance endogène,
permet de préciser la relation entre le développement financier
et la croissance et d'en approfondir la compréhension.
1-la relation banque-croissance
La présence d'un système bancaire
développé permet tout d'abord de financer un montant
d'investissement plus élevé en mobilisant davantage
d'épargne. L'activité bancaire de diversification et de
transformation des échéances permet de satisfaire les demandes,
à la fois des agents déposants, et des agents à besoin de
financement. L'intermédiaire transforme les actifs primaires émis
par les entreprises en actifs financiers indirects désirés par
les investisseurs finaux (Gurley et Shaw, 1960) dans un contexte où
les besoins des agents emprunteurs et des agents prêteurs ne sont
pas les mêmes, les premiers émettant des titres
risqués au rendement incertain, alors que les seconds désirent
des dépôts à la liquidité et au rendement
garantis.
Convertir des actifs illiquides en actifs liquides (sous forme
de dépôts disponibles à vue, sans coût de
transformation, ni risque) est un service bancaire fondamental, au sens
où il fonde l'action bancaire. Cette propriété
de l'intermédiation mise en exergue par Diamond et Dybvig (1983) a
été introduite par Bencivenga et Smith (1991) dans un
modèle de croissance endogène, pour déterminer ses effets
sur la croissance. Dans ce modèle, le comportement d'épargne des
agents influence le taux de croissance d'équilibre, comportement que les
intermédiaires financiers peuvent justement altérer dans un sens
favorable à l'investissement à travers leur service de
liquidité. Bencivenga et Smith développent un
modèle à générations successives, dans lequel les
agents vivent trois périodes. Ils ont accès à un
investissement liquide non directement productif et à un investissement
illiquide mais productif, dont le rendement dépend de sa date de
liquidation. Si l'investissement productif est liquidé au bout d'une
période, le rendement obtenu est inférieur à celui de
l'actif liquide. On montre ainsi qu'il existe une incitation à
l'apparition de banques fournissant un service de liquidité. Le
système bancaire, en assurant la liquidité, permet aux
épargnants par nature hostiles au risque, de détenir des
dépôts bancaires plutôt que des actifs liquides mais
improductifs, et fournit, via ce mécanisme, des fonds pour
l'investissement productif à long terme. Avec une externalité
dans la production du type considéré par Romer (1986) ou Boyd et
Prescott (1986), un taux de croissance d'équilibre plus
élevé sera observé dans des économies ayant un
secteur intermédiaire actif.
La productivité marginale de l'investissement augmente
avec le développement de la sphère financière car la firme
bancaire, d'une part, sait mieux gérer les risques et, d'autre part,
possède un avantage comparatif en terme de collecte d'information. Les
banques, du fait de l'importance de leur portefeuille, en diversifiant les
risques de leurs prêts, peuvent offrir des prêts risqués,
sans augmenter pour autant le risque des déposants (Bernanke et Gertler,
1986). L'existence d'intermédiaires financiers réduit le risque
économique, mais assure également un rendement plus
élevé des investissements (Greenwood et Jovanovic, 1990), ce qui
conduit à une croissance plus forte.
Une autre contribution de la firme bancaire à la
croissance est liée à son activité informationnelle qui
permet d'améliorer l'allocation des ressources collectées par
rapport au marché. Face à l'existence d'une asymétrie
d'information ex ante, la firme bancaire joue un rôle fondamental de
sélection des emprunteurs potentiels. Etant donnés les
coûts que chaque agent prêteur doit assumer pour disposer de
l'information concernant la rentabilité des projets à
financer, une centralisation des décisions de prêt-emprunt
est préférable, car le coût de production de cette
information décroît avec le volume des contrats (Boyd et
Prescott, 1986). Les imperfections du marché dues à
l'asymétrie d'information et à l'obligation de maîtriser
les coûts de transaction justifient l'existence des banques.
Toutes ces considérations théoriques et
empiriques sont pertinentes pour appréhender le cas du système
financier de l'UEMOA d'autant plus que l'UEMOA applique des réformes
bancaires et financières en vue d'améliorer son efficacité
et d'attirer des capitaux pour assurer le financement de son
développement. Cependant le système bancaire et plus
particulièrement la structure de l'actif bancaire des pays de l'UEMOA
fera l'objet de la suite de notre papier.
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