3. Programmes d'action territoriaux
Au-delà du cadre réglementaire européen
et national, la lutte contre la pollution agricole nécessite des
programmes d'action prenant en compte les spécificités
territoriales : conditions naturelles, activités anthropiques, jeux
d'acteurs... Différentes stratégies sont ainsi
élaborées à des échelles hydrologiques comme les
bassins versants et s'inscrivent le plus souvent dans le cadre d'un SAGE ou
d'un Contrat de rivière. Ce processus de « localisation » et
de contractualisation de la gestion de l'eau renforce la participation des
différents acteurs, y compris des exploitants agricoles, à
l'élaboration des plans d'action. Ces programmes reposent sur
l'incitation financière et le volontariat des agriculteurs : des aspects
plus prometteurs, durables et souvent mieux perçus que la contrainte
réglementaire et unilatérale.
L'évolution des contrats agri-environnementaux
Les premiers contrats de mesures agri-environnementales (MAE)
ont été mis en place de 1992 à 1999 suite à la
réforme de la PAC. Financés par le Fonds Européen
d'Orientation et de Garantie Agricole (FEOGA), ils sont mis en oeuvre par
chaque région à travers un cahier des charges qui prend en compte
les spécificités territoriales. Une des mesures phares des MAE
est l'ancienne Prime à l'herbe qui garantissait 45€/ha pour les
exploitants maintenant un pâturage extensif et des pratiques favorisant
les prairies temporaires ou permanentes. Les Plans de Développement
Durable (PDD), appartenant également au premier dispositif MAE, sont
restés de l'ordre de l'expérimental et leur influence est peu
généralisable. Finalement, le dispositif MAE a été
d'une efficacité très discutable pour plusieurs raisons.
Fondé sur le volontariat des agriculteurs, seuls les exploitants
déjà sensibilisés aux pratiques extensives ont
été concernés par ces mesures. La première Prime
à l'herbe a seulement permis d'encourager les exploitations
déjà respectueuses de l'environnement, sans être d'un
montant suffisamment décisif pour réorienter les exploitations
où le risque lié à l'intensification des activités
était réel. A titre d'exemple, la prime relative au maïs
ensilage pouvait atteindre plus de 300€/ha à la même
période. Les Opérations Locales Agro-Environnementales (OLAE) de
ce dispositif, essentiellement orientées vers l'entretien du paysage
rural, ont également connu un échec relatif. Touchant
majoritairement les secteurs affectés par l'exode rural, l'objectif de
l'UE s'est avéré plus proche du maintien des revenus des
exploitants que de la réduction des pollutions agricoles. A titre
d'exemple, à la fin du dispositif en 1999, seul 0,7 % de la SAU
française était couverte par les opérations locales.
Dès 1999, la loi d'orientation agricole met en place
les Contrats Territoriaux d'exploitation (CTE). Signés pour cinq ans et
reprenant l'ensemble des mesures agri-environnementales des pratiques
précédentes, leur fonctionnement plus global et forfaitaire en
facilite la gestion. Plus efficaces que les MAE et les PDD, les CTE conservent
toutefois le même défaut : celui d'encourager les exploitants aux
pratiques déjà favorables à l'environnement. Des actions
auparavant volontaires se stabilisent par la rémunération, ce qui
procure une véritable « aubaine » pour les exploitants. Le
bilan 2001 révèle qu'une majorité de CTE s'inscrivent dans
une démarche individuelle et dans des régions peu
concernées par l'intensification de l'agriculture, alors que des actions
collectives à plus grande échelle auraient été plus
profitables. A titre d'exemple, en Lorraine comme dans d'autres régions
souffrant de
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 16
Première partie :
Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
disparités départementales, les CTE ont
montré leur inefficacité. Dans ces régions, les
départements et territoires les plus dynamiques (comme la Moselle) sont
à même de prendre en considération les deux volets du
contrat (amélioration environnementale et socio-économique) et de
maitriser financièrement les rouages du dispositif. A l'inverse, les
départements en déclin comme les Vosges tentent de
réorienter le dispositif vers l'amélioration
socio-économique de la situation.
En 2003, les Contrats d'Agriculture Durable (CAD) remplacent
finalement les MAE et les CTE. Les évolutions principales du dispositif
reposent sur une meilleure prise en compte des spécificités
territoriales, un recentrage sur les enjeux environnementaux, une refonte
budgétaire et une simplification administrative. Ces contrats sont
également signés pour cinq ans à partir d'un
arrêté préfectoral qui définit les enjeux
prioritaires de chaque territoire et un nombre d'actions limité à
entreprendre pour chaque enjeu. Les mesures agri-environnementales initiales
peuvent toutefois cohabiter avec les CAD. C'est le cas des OLAE et des Primes
Herbagères Agro-Environnementales (PHAE 1 de 2003 et PHAE 2 de 2007) qui
remplacent la Prime à l'herbe. L'arrêt des CTE a cependant
entrainé l'hésitation des agriculteurs vis-à-vis de la
contractualisation et de son caractère aléatoire, d'autant que
les CAD s'avèrent moins avantageux sur le plan financier.
En 2007, le Programme de Développement Rural Hexagonal
(PDRH) propose de nouveaux contrats agri-environnementaux qui induisent
l'impossibilité de signer de nouveaux CAD. Ces nouveaux contrats de cinq
ans engagent l'exploitant à respecter une ou plusieurs Mesures
Agri-Environnementales Territorialisées (MAET), l'objectif étant
de renforcer le pouvoir de l'échelon régional puis local dans la
lutte contre la pollution agricole. Un cahier des charges agro-environnemental
est appliqué à la parcelle et aux éléments
paysagers voisins (haies, ripisylves, zones humides). Ces mesures doivent
permettre de répondre au mieux à des menaces localisées au
sein de territoires prioritaires en lien avec la Directive Cadre sur l'Eau. Un
maximum de deux mesures par enjeu environnemental est proposé afin de
gagner en simplicité et de limiter les dépenses publiques
liées à ces mesures.
De manière générale, les
différents types de contrat s'avèrent critiquables quant à
leur efficacité sur l'amélioration de la qualité de l'eau.
Outre le fait que leur succession n'ait pas permis de gagner la confiance des
exploitants qui continuent de percevoir ces dispositifs comme
aléatoires, ponctuels et favorables qu'à court terme, chacun des
contrats est limité dans ses effets par ses propres
caractéristiques. Leur gestion est coûteuse sur le plan
administratif, tandis que leur suivi et leur évaluation est complexe.
Par principe, ces contrats ne font qu'inciter et conforter les choix
d'agriculteurs déjà volontaires et aux pratiques favorables
à l'environnement. On parle « d'effet d'aubaine » de ces
contrats pour les exploitants dont les bonnes pratiques sont financées
alors que les mauvaises pratiques d'autres exploitants ne sont pas
sanctionnées. Enfin, ces contrats sont localisés dans des zones
éligibles dont la délimitation a tendance à varier dans le
temps et l'espace, rendant leur efficacité à long terme
discutable.
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Durable 17
Première partie :
Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Les contrats de maitrise des pollutions agricoles
En 1993, le premier Programme de Maitrise des Pollutions
d'Origine Agricole (PMPOA) est mis en place dans le but de financer la mise aux
normes des bâtiments d'élevage pour le stockage des effluents et
d'inciter à un épandage réfléchi, en accord avec la
réglementation récente sur les installations classées pour
l'environnement. Comme pour les contrats environnementaux, l'adhésion
est contractuelle et fondée sur le volontariat. Ce dispositif trouve son
succès dans le fait que les modifications que les agriculteurs sont
incités financièrement à réaliser leur seront
normalement à terme imposées par la loi. Dans les faits,
plusieurs rapports critiquent la mise en oeuvre de ce programme pour
différentes raisons : le fait qu'il ne concerne essentiellement que des
exploitations d'une certaine taille, supérieures à 70 UGB en
moyenne ; la longueur des procédures et un coût réel de
deux milliards d'euros au lieu d'un milliard planifié.
En 2002, le second Programme de Maitrise des Pollutions
d'Origine Agricole (PMPOA 2), ou Programme de Maitrise des Pollutions
Liées aux Effluents d'Elevage (PMPLEE) corrige quelques limites du
programme précédent. La norme communautaire de 170 kg
d'azote/ha/an devient une obligation. La taille minimale d'élevage pour
accéder aux aides est abrogée. Les zones vulnérables selon
la Directive Nitrates font obligatoirement partie des zones prioritaires. A ce
titre, tout éleveur en zone vulnérable qui ne se serait pas
engagé dans le processus de mise aux normes à partir de 2006 est
exclu du tout programme d'investissement communautaire.
Les opérations non-contractuelles
Ces programmes n'engageant pas juridiquement les exploitants
concernent essentiellement les conseils en fertilisation dans le cadre de la
pollution azotée. Nées en 1980 des constatations du rapport
Hénin qui démontre le lien entre surfertilisation et pollution de
l'eau, les premières mesures visant à diffuser les bonnes
pratiques de fertilisation sont initiées par la Mission Eau-Nitrates et
le Comité d'Orientation pour la Réduction de la Pollution par les
Nitrates (CORPEN). Dès 1990, l'Association Nationale pour le
Développement Agricole (ANDA) lance le programme Ferti-Mieux qui prend
de l'ampleur grâce au volontariat des agriculteurs. Chaque action
Ferti-Mieux est lancée sur un territoire donné et suivie par un
comité de pilotage. Financées par les chambres d'agriculture, les
agences de l'eau et les collectivités territoriales, le coût de
chaque opération est estimé à 100 000 €/an. En 2010,
deux millions d'hectares étaient couverts par un programme, soit 30 000
exploitants répartis en 65 actions Ferti-Mieux. Ces opérations
ont montré de bons résultats en termes d'évolution des
pratiques de fertilisation et de la pollution azotée, bien qu'elles
reposent sur le volontariat des exploitants, au même titre que l'ensemble
des contrats agri-environnementaux. (Cf Annexe)
Première partie :
Relation Eau-Agriculture au niveau national La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
![](Gestion-de-la-pollution-azotee-de-la-ressource-en-eau-en-milieu-agricole-influence-des-dispositifs13.png)
L'étude de la relation entre activités agricoles
et dégradation de la ressource en eau révèle la
complexité de la mise en oeuvre de politiques agri-environnementales
intégrées et adaptées aux spécificités
territoriales ; en témoignent les plans successifs et leur
évolution permanente laissant parfois les acteurs dubitatifs quant
à la cohérence des dispositifs publics. La réduction de
l'utilisation des intrants et la remise en cause progressive des techniques qui
ont été à la base de l'intensification agricole de ces
soixante dernières années semble être en cours. Les
pratiques visant à prévenir la vulnérabilité des
milieux se généralisent et permettent de préserver
à la fois la ressource en eau et le paysage agricole.
Comment accélérer la
généralisation de ces bonnes pratiques sans remettre en cause la
rentabilité des exploitations ni créer des effets d'aubaines par
l'opportunité des contrats agri-environnementaux ?
Comment adapter les politiques agri-environnementales aux
spécificités d'un territoire et de son jeu d'acteurs ?
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 18
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 19
Deuxième partie :
Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
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