3. La zone NATURA 2000 « Vallée de la Seille
» : exemple d'une gestion agri-environnementale territorialisée
Localisation du site
Le site Natura 2000 de la Vallée de la Seille («
secteur amont et petite Seille fr4100232 ») s'étend sur une surface
de 1486 hectares au Sud-Est de la Moselle. Délimité de part et
d'autre de la Seille par les communes de Dieuze et Salonnes, le zonage inclut
le ruisseau du Nard et la Petite Seille. Vingt communes mosellanes et une
commune meurthe-et-mosellane sont concernées.
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Figure N°18 : Localisation de la zone Natura 2000 de
la Vallée de la Seille (source PNRL)
Le site présente un intérêt particulier
lié aux résurgences d'eau salée propres au secteur amont
du bassin versant. Les prés salés continentaux, les marais et les
steppes salées constituent des milieux halophiles abritant une faune et
une flore exceptionnelles qui ont fait l'objet de dispositifs de conservation
avancés.
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 41
Deuxième partie :
Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Occupation des sols et activités agricoles
Sur ce zonage, cinq classes d'habitats ont été
relevées par le Conservatoire des Sites Lorrains,
hiérarchisées selon leur surface.
Marais salants, Prés salés, Steppes
salées
Autres terres (incluant les Zones urbanisées et
industrielles, Routes, Décharges, Mines)
Prairies semi-naturelles humides, Prairies
mésophiles améliorées
Tableau VI : Couverture des différentes classes
d'habitats
dans la zone Natura 2000 (source CSL 2013)
Couverture
Prairies ameliorées
Eaux douces intérieures (Eaux stagnantes, Eaux
courantes)
31% 29% 27% 12%
1%
L'agriculture constitue l'activité anthropique majeure
sur le site avec 62 d'exploitations. Sur les 1486 ha de parcelles du site, 1340
sont utilisés par l'agriculture Les orientations
technico-économiques les plus représentées sont la
Polyculture-Polyélevage (57% des exploitations), les Bovins mixtes (23%)
et les Céréales et Oléagineux (17%). Les exploitations
sont de taille importante (77% ont une surface supérieure à 100
hectares) et le statut de société agricole est majoritaire.
(Recensement agricole 2010)
Les cultures du blé, de l'orge et du colza sont
devenues majoritaires au détriment d'une polyculture associant
céréales, plantes sarclées, cultures fourragères,
vignes et fruits. De manière générale, l'activité
agricole dans la zone Natura 2000 s'est adaptée aux politiques publiques
européennes et nationales : les petites structures qui pratiquaient la
polyculture-polyélevage ont certes disparu moins rapidement que sur
d'autres territoires non protégés, mais les exploitations
spécialisées de grande taille sont devenues progressivement
majoritaires. Toutefois, les pratiques néfastes qui découlent
habituellement de ce type de restructuration (augmentation de la fertilisation,
avancement des dates de fauches, retournement des prairies) sont restées
limitées dans la zone pour deux raisons :
- La précocité des mesures de conservation
- L'humidité importante des parcelles qui constituent
la zone Natura 2000 actuelle, dont la nature inondable, argileuse et
difficilement drainable favorise le maintien en herbe plutôt que la mise
en culture.
Le risque principal qui pèse sur la zone Natura 2000
n'est donc plus le retournement des prairies ou le drainage excessif, mais bien
la recherche de valorisation de l'herbe par l'intensification des modes de
gestion des parcelles.
Deuxième partie :
Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Dispositifs agri-environnementaux et mesures de
conservation
Les actions de conservation des espaces remarquables du
secteur ont été initiées dès les années
1990. Elles ont évolué avec les dispositifs européens et
nationaux pour assurer une gestion pérenne et adaptée aux
spécificités et aux exigences du territoire. Cette
évolution a mené aux dispositifs agri-environnementaux que l'on
connait aujourd'hui.
Dès 1989, le Conservatoire des Sites Lorrains et le
Parc Naturel Régional de Lorraine engagent une protection de certaines
sources et prés salés de la Vallée de la Seille par
l'intermédiaire d'acquisitions foncières et de conventions
agricoles.
De 1993 à 2000, la collaboration entre le CSL et le
PNRL se poursuit avec le programme européen ACNAT, appliqué aux
prés salés continentaux de la vallée. Avec
l'intermédiaire de la SAFER régionale, le CSL réalise
l'acquisition de 134 hectares de parcelles sur 13 sites salés
remarquables. Les premières mesures agri-environnementales du bassin
versant y sont mises en place à travers cinq types de contrats qui
prévoient déjà le raisonnement de la fertilisation
azotée en complément de la fauche retardée. Fin 2000, 529
hectares de prairies sont ainsi gérés de manière extensive
et contrôlée.
En 2001, le développement des CTE a permis de faire
évoluer les actions de préservation sur le territoire avec la
création du contrat collectif du Saulnois « prairies remarquables
de la Seille ». Le dispositif tient son efficacité de la
qualité des choix de cahiers des charges opérés par les
exploitants sur les conseils du PNRL, du CSL, de la CDA57 et de l'ADASEA 57.
Ces institutions proposent une visite chez l'exploitant, un diagnostic
environnemental et un diagnostic de faisabilité agricole qui permettent
de choisir le cahier des charges le plus adapté aux
spécificités des parcelles et de la structure de l'exploitant.
Une année plus tard, les 23 CTE signés impliquent un raisonnement
de la fertilisation azotée sur 397 hectares et un retard de fauche sur
224 hectares. La suspension des CTE en 2003, malgré les résultats
très encourageants obtenus, stoppe cependant la seconde vague de
contractualisation prévue.
La mise en place du dispositif CAD en 2004 relance timidement
le processus de contractualisation en raison de la perte de confiance des
exploitants dans les politiques agri-environnementales publiques. L'enjeu de
cette nouvelle période réside dans l'implantation de trois types
de CAD en complément du CTE collectif : « Prés salés
continentaux » et « Prairies mésophiles de fauche à
colchique ». Les cahiers des charges sont élaborés
difficilement en raison du manque de dynamisme insufflé à la
concertation autour des mesures minimales et optimales à envisager pour
la fertilisation raisonnée, la limitation du drainage et du
surpâturage, le retard de fauche et la date de retrait des
bêtes.
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Durable 42
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 43
Deuxième partie :
Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Une évaluation des coûts élaborée
par le COPIL Natura 2000 permet de comprendre « en partie » le manque
d'intérêt des exploitants pour ce nouveau dispositif plutôt
contraignant et peu rémunérateur. Pour le CAD « Prairie
remarquable » :
V' L'application des mesures minimales de fertilisation (trois
apports azotés de 30, 15 et 15 kgN/ha/an sous forme minérale ou
compost) rapporte une indemnité de 125,77 €/ha/an auxquels
s'ajoutent la bonification Natura 2000 de 20%, soit une subvention totale de
150,92 €/ha/an.
V' L'application des mesures optimales de fertilisation
(aucune fertilisation minérale ou organique) rapporte 192,07
€/ha/an.
L'abandon des CTE au profit des CAD constitue un
véritable coup d'arrêt dans le développement des
dispositifs agri-environnementaux sur ce territoire. Ainsi, fin 2006, seuls
huit contrats CAD sont signés pour seulement 138 hectares
supplémentaires de protection. Toutefois, l'apparition du dispositif
MAET va permettre au territoire Natura 2000 de rebondir et de relancer
efficacement ses mesures de conservation à l'aide de ses acteurs
territoriaux. Dès la première année d'ouverture en 2007,
une importante campagne d'information sur le terrain et une promotion de ces
nouveaux contrats est mise en oeuvre. 22 exploitants sont convaincus et
contractualisent pour cinq ans. Parmi eux, quatre ne sont pas issus des
dispositifs CTE ou CAD. 372 hectares sont ainsi couverts par une MAET
dès le lancement du programme.
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Habitat concerné
Prés salés
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Code de la mesure
LO_SEIL_PS3
LO_SEIL_PS2
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Objectifs de la mesure
Abscence de fertilisation
azotée Abscence de fertilisation azotée
et fauche après le 15 juin Limitation de la
fertilisation
Limitation de la fertilisation azotée
|
Montant
228 €/ha
275 €/ha
|
Financement
Etat - FEADER
Etat - FEADER
|
Prairies
remarquables
|
LO_SEIL_PR4
LO_SEIL_PR2
LO_SEIL_RA1
|
azotée à 30 uN
à 30 uN et fauche après le 15 juin
Abscence de fertilisation azotée, fauche
|
212 €/ha
266 €/ha
363 €/ha
|
Etat - FEADER Etat -
FEADER
Etat - FEADER
|
Râle des genêts
|
LO_SEIL_RA2
|
après le 30 juin et 10% mise en
défens
Abscence de fertilisation azotée, fauche
herbacé et limitation de la
|
426 €/ha
|
Etat - FEADER
|
Cultures
|
LO_SEIL_PR3
|
après le 20 juillet et 10% mise en
défens
Création et entretien d'un couvert
|
267 €/ha
|
|
fertilisation azotée
Etat - FEADER
LO_SEIL_HA1
LO_SEIL_HA2
Un entretien tous les cinq ans pour les
haies non mitoyennes
Un entretien tous les cinq ans pour les
haies mitoyennes
0,17 €/ml
0,09 €/ml
Etat - FEADER
Etat - FEADER
Tableau VII : Types de Mesures Agri-environnementales
Territorialisées dans la zone Natura 2000 (source CDA 57)
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Durable 44
Deuxième partie :
Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Les années d'ouverture suivantes témoignent de
la bonne dynamique de contractualisation : 16 contrats (5+11 avenants) en 2008
et 16 contrats (3+13 avenants) en 2010. En 2012, 20 contrats du premier PAE
sont renouvelés et 11 nouveaux contrats sont signés.
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1400
1200
1000
400
800
600
200
0
1993 2000 2001 2004 2006 2007 2008 2010
2012
ACNAT CTE CAD
MAET
40
70
50
30
0
60
20
10
Nombre de contrats
Surface contractualisée
Figure N°19 : Evolution de l'adhésion aux
contrats agri-environnementaux dans la zone Natura 2000
d
d ome ctrs
La gestion de la pollution azotée d'origine agricole
par la contractualisation dans la zone Natura 2000 « Vallée de la
Seille » présente des phases représentatives que l'on peut
retrouver dans d'autres territoires, y compris sur le bassin versant de la
Seille. Les premières mesures de gestion sont souvent initiées
relativement tôt par la volonté des acteurs locaux de
protéger des sites remarquables à fort patrimoine naturel et/ou
historique, parfois vecteurs de l'identité du territoire. Le programme
ACNAT, les acquisitions foncières et les zonages de type Natura 2000
constituent, à ce titre, des opportunités intéressantes.
Les CTE, premiers contrat agri-environnementaux mis en place, rencontrent
généralement un certain succès en permettant de prolonger
la volonté de gestion raisonnée des acteurs locaux dans un cadre
plus réglementé et plus intéressant pour les exploitants.
Toutefois, l'abandon des CTE au profit des CAD peut susciter
l'incompréhension des exploitants vis-à-vis des politiques
publiques et entrainer une période de transition pendant laquelle la
concertation peut paraitre plus délicate. Il est alors courant
d'observer une rupture de la dynamique de contractualisation des années
2003 à 2007. La relance des contrats, notamment par la mise en place des
MAET, nécessite un effort de promotion important de de ces mesures par
les gestionnaires du territoire. Cette redynamisation est d'autant plus facile
que le territoire est homogène, que les exploitants sont volontaires et
confiants, et que la concertation est optimale. On regrettera cependant
l'échec de la contractualisation des MAEt en faveur des haies
arbustives. Le cas de la zone Natura 2000 de la Vallée de la Seille
illustre l'effet de rebond possible après une période de
transition et constitue, à ce titre, un exemple de gestion
agri-environnementale par la contractualisation.
Deuxième partie :
Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
Impact sur les prairies Natura 2000
En croisant les données de MEURISSE (2001) et de la
Chambre d'Agriculture de Moselle, il est possible d'apprécier les
différences entre les pratiques de fertilisation sur les prairies Natura
2000 couvertes par des mesures agri-environnementales et les parcelles «
libres ». L'enquête de type questionnaire porte sur les pratiques de
31 exploitants des prairies de bord de Seille. Parmi les 146 parcelles
enquêtées, 59 sont sous contrat de type MAE ou suivies par le CSL,
87 sont libres de tout contrat.
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Médiane
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Aucune fertilisation
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F < 30 kgN
|
30<F<60 kgN
|
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Fertilisation azotée
kgN/ha/an
% Parcelles
% Parcelles
% Parcelles
Parcelles MAE
Parcelles hors-contrat
25
60
25
24
36
34
25
26
Tableau VIII : Pratiques de fertilisation sur les
prairies MAE
et hors-contrat dans la zone Natura 2000
F>60 kgN
% Parcelles
14
15 L'étude révèle que la
fertilisation azotée présente une valeur médiane de 60
kgN/ha/an sur les parcelles « hors contrat » contre 25 kgN/ha/an pour
les prairies MAE, soit une valeur plus de deux fois plus élevée.
De manière générale, les pratiques de fertilisation sont
raisonnées et correspondent aux objectifs de conservation sur la zone
Natura 2000, avec ou sans MAE.
La signature de contrats MAE encourage cependant des pratiques
significativement plus raisonnées et se rapprochant de la norme de 30
kgN/ha/an favorable à la préservation des prairies
remarquables1. 29 % des parcelles reçoivent une fertilisation
supérieure à 60 kgN/ha/an qui permet une valorisation de l'herbe,
mais reste supérieure aux recommandations du CSL.
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 45
1 Il est à noter que la forme des
données extrapolées depuis l'enquête initiale ne permet pas
de révéler au mieux l'écart entre la fertilisation sous
contrat MAE et la fertilisation « hors contrat ». En effet, rappelons
que l'échantillon Parcelles MAE est plus petit que l'échantillon
Parcelles Hors-Contrat. En ce sens, transcrire le nombre de parcelles de chaque
catégorie de fertilisation en pourcentages « écrase les
écarts ». De plus, ne disposant pas des données initiales
pour chacune des parcelles, l'amplitude des différentes
catégories ne reflète pas forcément la
réalité du terrain. Il est fort probable que les 26% de parcelles
hors-contrat de la catégorie 30 à 60 kgN/ha/an se rapprochent
plus de 60 que de 30 kgN/ha/an, comme en témoigne l'écart de
médiane entre les deux séries de données.
Deuxième partie :
Relation Eau-Agriculture sur le bassin versant La Seille :
Gestion de la ressource en eau et pollution agricole

Le bassin versant de la Seille constitue une entité
territoriale particulière sur laquelle l'évolution des
dispositifs agri-environnementaux est toutefois représentative de
l'évolution des politiques publiques de gestion agri-environnementale
nationale et européenne. A l'instar d'autres territoires agricoles
français, la dynamique d'adhésion aux dispositifs connait des
fluctuations induites par la succession des programmes agri-environnementaux.
Cette dynamique peut toutefois être relancée lorsqu'un effort de
promotion et de maitrise du dispositif est fourni par les acteurs territoriaux.
En ce sens, le zonage Natura 2000 de la Vallée de la Seille
témoigne de l'importance de la concertation et de l'adaptation des
programmes agri-environnementaux aux spécificités territoriales.
Il peut, à ce titre, constituer un exemple à suivre.
Quels sont les impacts de l'évolution des dispositifs
agri-environnementaux sur la qualité de l'eau dans le bassin versant de
la Seille ?
Le contraste observé entre la gestion en
périmètre Natura 2000 et hors périmètre Natura 2000
est-elle source de résultats différents en termes de
qualité de l'eau ?
Master 2 Politiques Territoriales de Développement
Durable 46
Troisième partie :
Evolution de la qualité de l'eau sur le bassin versant
La Seille : Gestion de la ressource en eau et pollution agricole
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