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Les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au Cameroun

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par Cyrille Arnaud FOPA TAPON Cyrille Arnaud
Université de Dschang Cameroun - Master 2012
  

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B- Le développement exponentiel de l'inconstitutionnalité

Comme nous venons de l'analyser, le sacrifice de la Constitution au profit de la loi entraîne une inconstitutionnalité. Mais ce qui apparait comme un drame est que cette inconstitutionnalité prend de plus en plus de l'ampleur. Comme il ressort d'une décision du Conseil constitutionnel français, « la loi n'est l'expression de la volonté générale que dans le respect de la Constitution »335(*), peut-on encore penser que l'édiction des normes par le législateur se fait toujours dans le respect de la norme fondamentale? L'inconstitutionnalité se traduit donc ici par l'atteinte portée au principe de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice (1) et la déjudiciarisation de certains domaines de l'action administrative (2).

1- L'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et à l'indépendance de la justice

On peut affirmer que l'indépendance de la Justice est consubstantielle à l'État de droit. Le principe de la primauté du droit postule en premier lieu la primauté de la Constitution et par conséquent l'existence de limitations à la compétence des organes législatifs et exécutifs336(*). L'État de droit n'établit ainsi une pyramide de normes hiérarchisées et interdépendantes que si la séparation des pouvoirs est effective. Une conséquence implicite de la séparation des pouvoirs réside dans la spécialisation des tâches. Celle du pouvoir judiciaire consiste à « rendre justice » aux citoyens et à « déclarer le droit »337(*).

L'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs revêt de ce fait un parfum de scandale dans la mesure où la Constitution camerounaise consacre à juste titre ce principe338(*) et par ricochet l'indépendance de la justice et plus spécifiquement de la justice administrative. L'article 37 alinéa 2b de la Constitution de 1996 pose que le pouvoir judiciaire « est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ». Ainsi, « la tendance à la généralisation des lois d'immunité juridictionnelle traduit un empiètement du législateur (...) sur l'indépendance des juridictions (...) »339(*). Cela constitue une inconstitutionnalité flagrante et scandaleuse dans la mesure où comme le disait le Professeur PERROT, la séparation des pouvoirs est devenue un symbole de la « mythologie politique »340(*). Tout compte fait, « il ne saurait appartenir ni au législateur, ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence »341(*) . C'est sur la base de l'article 66 de la Constitution française que le Conseil constitutionnel reconnaît comme valeur constitutionnelle l'existence de la juridiction administrative.

2- La déjudiciarisation progressive de l'action administrative

La déjudiciarisation se définit à l'opposé de la judiciarisation, qui s'entend de l'intervention des juges dans le contrôle de la régularité des actes de certaines autorités342(*). C'est une tendance à privilégier le recours aux juridictions (au sens judiciaire du terme) pour trancher les litiges. Ainsi, malgré les dispositions de l'article 40 de la Constitution du 18 janvier 1996 qui prévoit que « la Chambre administrative connait de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques », on assiste avec la recrudescence des lois d'immunité juridictionnelle à un émiettement progressif de la judiciarisation de l'action administrative, pourtant constitutionnellement consacrée.

En empêchant au juge administratif de connaitre du contentieux dans lequel l'Administration est impliquée, le législateur porte atteinte à une règle constitutionnelle : le contrôle par le juge de la légalité des actes administratifs, ainsi que le contrôle de la responsabilité des autorités administratives. Le Conseil constitutionnel pourrait émettre son avis sur cette déjudiciarisation scandaleuse. Un Etat peut-il être qualifié d'Etat de droit si les citoyens ne peuvent pas « déférer devant les tribunaux compétents les actes émanant du pouvoir exécutif et même, dans une certaine mesure, de la loi, par le biais du recours pour excès de pouvoir »343(*) ? Quelle sera donc la place de la justice administrative dans ce cas? Le recours aux tribunaux ou aux juridictions constitue encore pour les citoyens le meilleur moyen de combattre l'arbitraire de l'Administration (recours pour excès de pouvoir) et du législateur (recours en inconstitutionnalité).

Le développement de l'inconstitutionnalité laisse apparaître le problème crucial du contrôle de constitutionnalité. Mais le plus grave est l'impact que les lois d'immunité juridictionnelle ont sur les justiciables (administrés).

* 335 Décision du Conseil constitutionnel n°85-197 DC du 23 août 1985, Nouvelle Calédonie.

* 336 DUPLE Nicole, « Les menaces externes à l'indépendance de la justice », disponible sur le site www.wikipedia.org.

* 337 Ibidem.

* 338 Même si cela n'est pas de façon explicite, les Titres II, III et V consacrent les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire

* 339 BILONG (S.), article précité, p.61.

* 340 PERROT (R.), Institutions judiciaires, op.cit. p.32.

* 341 Conseil constitutionnel, décision n°80-119 DC du 20 juillet 1980, validations d'actes administratifs in Les Grandes décisions du Conseil constitutionnel, p.442.

* 342 Cf. Le petit Larousse 2002, précité.

* 343 KAMTO (M.), « Actes de gouvernement et droits de l'homme au Cameroun », article précité, p.9.

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