Introduction Générale
La fonction de juger est très différente de la
fonction législative : le législateur édicte la norme
qui, par définition, est une règle générale et
abstraite qui ne vise aucun cas particulier, tandis que le juge est
chargé de faire application de la règle pour donner une solution
à des litiges concrets1(*). Dans la logique de la séparation des pouvoirs,
ces deux fonctions, à raison même de leur
spécificité, devraient être confiées à des
organes distincts ayant chacun sa propre autonomie.
A l'analyse, force est de constater que l'autonomie du
législateur est effectivement sauvegardée par l'interdiction qui
est faite au juge de s'immiscer dans la fonction législative. On devrait
normalement en déduire que le détenteur de la fonction
législative ne doit pas davantage s'immiscer dans la fonction de juger.
Mais le principe est loin d'avoir la même rigueur2(*). C'est la raison pour laquelle
entre pouvoir législatif et pouvoir judiciaire3(*), on remarque un
déséquilibre corrélativement aux interventions
répétitifs du législatif dans le domaine du judiciaire.
Mais avant d'analyser l'étendue des rapports entre les pouvoirs
législatif et judiciaire, il convient de faire un bref détour
pour revenir sur le principe de la « séparation des
pouvoirs ».
Le principe de la séparation des pouvoirs trouve son
origine conceptuelle dans la doctrine libérale qui a prévalu en
Europe4(*) vers la fin du
XVIIe siècle et se rattache à la réaction des penseurs
politiques qui oeuvraient pour la lutte contre l'absolutisme royal5(*). C'est dans le but de limiter
les prérogatives du Monarque, de plus en plus exorbitantes, que les
premières idées sur la théorie de la séparation des
pouvoirs sont émises. C'est John LOCKE6(*), considéré comme le précurseur de
la théorie7(*), qui,
pour la première fois, en pose les bases. Il démontre, dans son
célèbre ouvrage « Essay on civil
government » (Essai8(*) sur le gouvernement civil)9(*) en 1690, qu'il existe des
fonctions fondamentales au sein d'un Etat qui ne devraient pas être
réunies entre les mains d'une seule personne ou d'un seul organe.
Mais c'est à MONTESQUIEU10(*) que revient le mérite
d'avoir systématisé et théorisé sous sa forme
moderne les idées émises par LOCKE dans « De
l'esprit des lois » en 1748. Il préconise à
travers des formules telles : « tout homme qui a du
pouvoir est tenté d'en abuser ; il y va jusqu'à ce qu'il
trouve des limites » et « pour qu'on ne puisse
abuser du pouvoir, il faut que le pouvoir arrête le
pouvoir »11(*), une séparation des grandes fonctions de
l'Etat12(*) et leur
distribution entre plusieurs organes. Ainsi, « il y a dans chaque
Etat trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la
puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens
et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit
civil »13(*), et pour établir le fondement de cette
séparation, il affirme qu' « il n'y a point encore de
liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la
puissance législative et de l'exécutrice. Si elle est jointe
à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la
liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait
législateur. Si elle est jointe à la puissance exécutrice,
le juge pourrait avoir la force d'un oppresseur »14(*).
Toutes ces idées sont recueillies par la
Révolution française de 1789 et consacrées dans la
Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789
dont l'article 16 pose, non sans un certain dogmatisme, que
« toute société dans laquelle la garantie des
droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs
déterminée n'a point de constitution ». Simple
déclaration au départ, cet article devient le soubassement des
Constitutions modernes y compris celles du Cameroun dès
l'indépendance.
Au fil des temps, la séparation des pouvoirs a
suscité d'énormes controverses qui ont laissé
transparaître ses limites, et de nos jours, elle n'est plus ce qu'elle
était jadis. Déjà, il est vrai, que la doctrine du XVIIIe
siècle, à l'instar de Jean-Jacques ROUSSEAU15(*), n'admettait pas que la
souveraineté soit démembrée entre des pouvoirs
indépendants ; la séparation des pouvoirs étant
« devenue essentiellement un symbole de nos libertés qui
fait partie de la mythologie politique »16(*). Cela s'explique
principalement par le fait que chacune des fonctions n'appartient plus
nécessairement en exclusivité à un organe
déterminé : ainsi, la fonction législative est
exercée concurremment par le Parlement (sous la forme de lois) et par le
Président de la République (sous la forme d'ordonnances)17(*). Quant à la fonction de
juger, elle a cessé d'être l'apanage exclusif du pouvoir
judiciaire tant on assiste et de façon régulière à
une ingérence tant de l'exécutif et bien plus du
législatif dans le domaine judiciaire. De telle sorte que,
« le véritable problème consiste moins à
faire respecter une séparation des pouvoirs devenue impossible
qu'à sauvegarder un difficile équilibre entre les
différentes fonctions de l'Etat »18(*).
Ainsi, les rapports entre les pouvoirs vont au-delà
même du principe de la séparation des pouvoirs. Les rapports entre
les pouvoirs législatif et judiciaire nous intéresse à
plusieurs égards : d'abord au regard de la rigueur des textes
juridiques qui régissent ces rapports, ensuite parce que ces rapports
conduisent à constater dans la pratique leur inégalité. Il
convient de remarquer le déséquilibre entre ces deux pouvoirs,
déséquilibre qui trouve son origine en droit français dans
la loi des 16 et 24 août 1790 qui pose le principe de l'interdiction
faite au juge de s'immiscer dans la fonction législative19(*). Egalement, jusqu'à une
époque récente, l'article 127 de l'ancien Code pénal
français ajoutait que « seront coupables de forfaiture et
punis de dégradation civique les juges qui se seront immiscés
dans l'exercice du pouvoir législatif ». Enfin, le Code
civil de 1804 applicable au Cameroun pose en son article 5
qu' « il est défendu aux juges de se prononcer par
voie de disposition générale et réglementaire sur les
causes qui leur sont soumises ».
En effet, on ne peut que s'étonner de la rigueur
répétitive de ces textes mais, à la vérité,
cela peut se comprendre si l'on considère qu'ils ont été
élaborés à une époque où le souci
était d'éviter que le juge ne se hisse en
législateur20(*).
Il découle donc de cette rigueur une conséquence
importante : les juges ne peuvent pas s'opposer à l'application des
lois même si elles leur paraissent inopportunes, néfastes ou mal
fait, nonobstant l'appréciation de l'illégalité d'un texte
de loi ou le pouvoir d'interprétation qui leur sont reconnus.
On devrait normalement à partir de là
déduire, comme nous l'avons déjà dit, que le
détenteur de la fonction législative ne doit pas davantage
s'immiscer dans la fonction de juger. Mais le principe est loin d'avoir la
même rigueur en l'absence de texte. Le législateur peut-il
intervenir dans la fonction de juger ? Telle est la question qui se pose.
Le principe de la séparation des pouvoirs impose une réponse
négative, car il n'appartient pas au législateur de s'immiscer
dans le jugement des affaires portées devant les juridictions,
spécialement les juridictions administratives. L'absence de sanctions
qui viendrait conférer une force obligatoire au principe de la
séparation des pouvoirs tend à en diminuer l'effet, la
souveraineté du législateur étant plus forte que le
principe21(*). Tandis que
le pouvoir législatif empiète volontairement sur le pouvoir
judiciaire, ce dernier empiète par nécessité sur le
premier, n'y a-t-il pas atteinte à l'Etat de droit ? L'Etat de
droit permet-il une telle pratique qui semble porter atteinte à la
séparation des pouvoirs législatif et judiciaire ? Au regard
des interventions du législateur dans le domaine du juge qui se sont
multipliées à une vitesse exponentielle, on serait tenté
de répondre par la négative mais ce serait aller trop vite en
besogne, d'autant plus cette pratique est dans certains cas
tolérée par l'Etat de droit.
Ainsi, la présente étude porte sur les
interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice
administrative au Cameroun, au regard de l'intérêt qu'une
telle étude comporte. Mais avant de pousser l'analyse plus loin, dans la
présente introduction, il convient de cerner le cadre conceptuel du
sujet (I), ainsi que le cadre méthodologique
(II) qui sont d'emblée nécessaires à une
bonne compréhension.
I- CADRE CONCEPTUEL DU SUJET
L'analyse du cadre conceptuel du sujet nous amène
à préciser les contours du sujet (A) et d'en
montrer ensuite l'intérêt (B).
A- Précisions terminologiques
Avant toute étude au fond du sujet, il convient
préalablement, et ce pour une meilleure compréhension, d'apporter
quelques éclairages conceptuels afin de lever toute équivoque.
Ainsi, il serait judicieux de définir les termes clés de
l'étude, ce que nous entendons par « les
interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice
administrative au Cameroun », ceci « afin de
résoudre le problème de la fixation des concepts qui forment
l'armature d'un thème »22(*), sinon « on discuterait dans
l'obscurité et en vain »23(*). Il n'est pas sans intérêt de
sacrifier à une exigence pour toute recherche, qui consiste à
préciser le sens des notions qui seront examinées dans cette
étude24(*). Il faut
donc se méfier des mots, comme l'affirmait René CAPITANT, qui
sont la tentation de l'esprit et ne se livrer à eux qu'après les
avoir racheté du mensonge, car il n'y a qu'un seul remède pour
construire une véritable
science : « définissez vos
termes ! »25(*). Ainsi les éléments à
définir sont : interventions ; législateur ;
justice administrative.
1- La notion d'intervention
Elle trouve son origine étymologique du latin
« interventio » qui signifie
« garantie » ou « caution ». Elle vient
du verbe intervenir qui est le fait de « prendre part à
une action pour en modifier le cours »26(*). La notion d'intervention
peut avoir plusieurs sens selon le domaine d'emploi. Littéralement,
c'est le fait d'intervenir dans le déroulement d'une action27(*). Le vocabulaire médical
l'emploie pour désigner le traitement réalisé par un
chirurgien (intervention chirurgicale)28(*). Selon une acception juridique, elle revêt
plusieurs sens.
En droit international public, l'intervention est une action
d'un Etat ou d'un groupe d'Etats s'ingérant dans la sphère de
compétence d'un autre Etat29(*). C'est un acte d'ingérence d'un Etat dans les
affaires d'un autre pour le contraindre à agir selon sa
volonté30(*). En
principe, l'intervention ici est illicite (sauf quand elle est fondée
sur un titre), c'est-à-dire qu'il est interdit à un Etat
d'intervenir dans les affaires d'un autre : c'est le principe de la non
intervention consacré en droit international public. Ce principe trouve
son fondement dans la Souveraineté qui caractérise chaque Etat
(Souveraineté étatique), en ce sens que le pouvoir
étatique n'a pas d'égal dans l'ordre interne ni de
supérieur dans l'ordre international, où il n'est limité
que par ses propres engagements et par le droit international31(*). On peut admettre la
licéité de l'intervention lorsqu'elle se justifie par une
intervention dite d'humanité c'est-à-dire entreprise pour
protéger la vie des personnes gravement menacées, soit lors des
conflits internes, soit lors des conflits internationaux. Mais de plus en plus,
elle sert d'alibi aux politiques de puissance qui en son nom interviennent pour
protéger leurs propres intérêts.
En procédure civile, l'intervention est une demande en
justice, incidente émanant d'un tiers ou formé contre lui. Dans
le premier cas, elle est dite volontaire en ceci qu'un tiers se mêle
à un procès auquel il n'était pas partie jusque-là,
pour faire valoir ses droits qui pourraient être compromis par un
jugement à intervenir entre les plaideurs primitifs32(*). Dans le second cas, elle est
dite forcée car formée contre un tiers : l'une des parties
au procès, le demandeur ou le défendeur appelle à
l'instance un tiers pour que le jugement rendu lui soit opposable.
Mais l'intervention volontaire est celle qui nous
intéresse et une définition complète l'appréhende
comme « un acte par lequel un tiers qui n'était pas
originellement partie à une contestation judiciaire, s'y présente
pour y prendre part et faire valoir ses droits ou faire valoir ceux d'une
partie principale »33(*). Ainsi, l'intervention du législateur est
un acte par lequel ce dernier s'ingère dans un procès en cours
pour en modifier le cours, soit dans un but d'intérêt
général, soit dans le but de protéger l'Administration.
2- La notion de législateur
Elle dérive du latin
« legislator » qui s'entend de celui qui propose.
Au sens littéraire, elle signifie toute personne qui établie des
règles des principes 34(*); qui légifère ou qui en a le
pouvoir35(*). Le terme
législateur est une notion juridique qui désigne donc tout organe
pouvant édicter des règles juridiques générales que
ce soit le Parlement ou le Gouvernement36(*).
Dans la Grèce antique considérée comme le
berceau des institutions, le législateur désignait une personne
ou un organe qui avait pour rôle d'établir des règles de
vie en société. Par contre dans l'ancien droit (en Europe en
générale et en France en particulier), la fonction
d'établir des règles appartenait exclusivement au Monarque qui
édictait des règles (ordonnances) selon ses humeurs et ses
états d'âme. Mais c'est la séparation des pouvoirs37(*) dont les
révolutionnaires de 1789 ont fait leurs qui vient consacrer une fonction
législative distincte des fonctions exécutive et judiciaire et la
confie à un organe (non plus à une personne) élu,
constitué en assemblée (assemblée politique) qui plus tard
prendra le nom de Parlement. L'expression
« législateur » est employée pour
désigner le pouvoir législatif chargé de l'édiction
des normes. Mais il convient de remarquer que, comme nous l'avons
déjà dit, la fonction législative n'est plus exclusivement
exercée par le Parlement, mais aussi par le Gouvernement (sous la forme
d'ordonnances)38(*).
Ainsi, « l'initiative des lois appartient concurremment au
Président de la République et aux membres du
Parlement »39(*).
Le législateur désigne donc à la fois le
Parlement et le Gouvernement exerçant la fonction législative qui
est celle d'édicter les normes générales et impersonnelles
mais aussi - dans certaines hypothèses - des mesures individuelles.
3- La notion de justice
administrative
Quoique le concept de justice relève lui aussi de prime
abord du littéraire, il est à remarquer qu'il fait davantage
l'objet d'une appropriation par le droit. La justice est une notion aux
multiples facettes comportant une gamme très riche de significations
selon la manière dont on l'aborde : justice sociale, justice
civile, justice pénale, justice administrative, etc. chaque type de
justice correspondant à des juridictions très différentes
par leurs esprits et leurs structures40(*). Mais « quelles que soient les
particularités de chacune d'elle, toutes les juridictions ont pour trait
commun d'être appelées à trancher les contestations au
moyen d'un acte solennel qu'on appelle jugement »41(*). Ainsi
présenté, le concept de justice se définit :
- Au sens large, comme une vertu, un sentiment
d'équité que l'on porte au fond de soi-même42(*). C'est un principe moral qui
exige le respect du droit et de l'équité43(*).
- Dans un sens technique, la justice est une fonction, la
fonction de juger, celle de « dire le droit » à
l'occasion d'une contestation44(*). C'est la fonction souveraine de l'Etat consistant
à définir le droit positif et à trancher les litiges entre
les sujets de droit45(*).
- Dans un sens plus restreint, la justice désigne
l'ensemble des institutions au moyen desquelles la fonction de juger est
exercée 46(*);
qui exercent le pouvoir juridictionnel47(*).
La définition ici retenue est celle qui
considère la justice comme une « institution publique
désignée juridiction, qu'il s'agisse d'un tribunal, d'une cour et
de plus en plus d'un conseil, pour autant qu'il déploie une
activité juridictionnelle, au sein de laquelle siègent par
principe des personnes ayant la qualité de magistrats, lesquelles
personnes ont pour mission de trancher les différends dans la
société sur la base du droit et au moyen de décisions
ayant force juridique que l'on appelle jugement, arrêt,
ordonnance... »48(*). Ainsi, la notion de justice administrative se
décline de celle de la justice. C'est la raison pour laquelle son
évolution historique aussi bien au Cameroun (b) qu'en
France mérite d'être analysée (a).
a- Evolution historique et consécration de la
justice administrative
La naissance de la justice administrative se rattache au
principe de la séparation des fonctions administratives et judiciaires
posé par l'article 13 du titre II de la loi des 16 et 24 août
1790 : « les fonctions judiciaires sont distinctes et
demeureront toujours séparées des fonctions
administratives ; les juges ne pourront à peine de forfaiture
troubler en quelle que manière que ce soit les opérations des
corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de
leurs fonctions »49(*). Récusant ainsi l'autorité des
juges, l'Administration échappait à tout contrôle du
juridictionnel, sinon à celui du chef de l'exécutif à la
fois juge et partie50(*).
L'administré en conflit avec une autorité administrative ne
pouvait pas s'adresser aux tribunaux mais devait saisir celle-ci qui statuait
sur sa réclamation : c'est le système de
l'administrateur-juge. C'est au terme d'un long processus qui commence avec la
Révolution que l'ordre juridictionnel administratif sera
constitué. Mal respectée, l'interdiction sera
réitérée par la loi du 16 fructidor an III (1795) dans son
article unique qui pose que : « Défenses
itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes
d'Administration, de quelle que espèce qu'ils soient, aux peines de
droit ». Peu à peu, sous certaines reformes
amorcées depuis l'an VIII, une véritable juridiction se
précise avec l'institution des juridictions administratives51(*). Au cours des temps, le statut
de la plus haute juridiction administrative (le Conseil d'Etat) sera
affecté de quelques reformes importantes :
- d'une part, elle reçoit de la loi du 24 mai 1872 le
pouvoir de juger elle-même définitivement, et à condamner
au besoin l'Administration
- d'autre part, elle devient en 1889 juge de droit commun en
premier ressort de l'ensemble du contentieux administratif.
b- Historique de l'introduction de la justice
administrative au Cameroun
L'histoire de la justice administrative (il convient de
préciser que la justice administrative doit être entendu au sens
large : la justice administrative à compétence
générale et la justice administrative à compétence
spécialisée) au Cameroun est tributaire de l'héritage
colonial franco-britannique que le pays a reçu au lendemain de la
première guerre mondiale. La France et la Grande Bretagne prennent pied
dans ce territoire, jadis sous administration allemande, à partir de
1916. L'organisation juridictionnelle administrative connait donc deux
systèmes : le système français fondé sur la
distinction entre les juridictions judiciaires et les juridictions
administratives (dualité de juridictions) et le système
britannique fondé sur une confusion, une seule juridiction
compétente pour connaitre tant des litiges entre particuliers que les
litiges auxquels l'Administration est impliquée (unité de
juridiction).
L'esquisse d'une instance contentieuse dans la partie du
territoire sous administration française, chargée de statuer sur
les litiges auxquels l'Administration est impliquée, est
consacrée par un décret français du 14 avril 192052(*). La première
juridiction administrative camerounaise est instituée : le Conseil
du Contentieux Administratif (CCA) dont chaque colonie française en
était dotée depuis le décret du 7 septembre 188153(*). Un arrêté du 16
décembre 1921 vient parachever son processus de structuration, fixant
ainsi les règles procédurales devant ledit Conseil.
Considéré à l'origine comme le prolongement juridictionnel
de l'Administration54(*),
au regard de sa confusion organique avec le Conseil d'Administration du
territoire camerounais55(*), le Conseil du Contentieux Administratif jouait
immanquablement le rôle de juge et partie dans les procès
administratifs.
L'évolution de la situation politique du Cameroun va
entraîner la création du Tribunal d'Etat venant remplacer le
Conseil du Contentieux Administratif. Institué par le décret du 4
juin 195956(*), le
Tribunal d'Etat est souverain, préservé de toute emprise du
Conseil d'Etat français. Au contraire du Conseil du Contentieux
Administratif dont le Conseil d'Etat était la juridiction d'appel, le
Tribunal d'Etat statue en premier et dernier ressort : le Tribunal d'Etat
est donc une véritable juridiction administrative ayant plénitude
de compétence pour connaître aussi bien du contentieux de pleine
juridiction que de celui de l'excès de pouvoir57(*).
L'accession du pays à la souveraineté
internationale58(*) va
être à l'origine de la création d'une nouvelle juridiction
nationale : la Cour Suprême. Cette première Cour
Suprême indépendante est instituée par la loi n°60-12
du 20 juin 1960 ; elle sera la juridiction d'appel du Tribunal d'Etat qui
est maintenu59(*), en
même temps qu'elle jouera le rôle d'un Tribunal des Conflits en cas
de conflits de compétence entre le Tribunal d'Etat et les juridictions
judiciaires.
Toutefois, avec l'instauration de la fédération,
l'expérience de la Cour Suprême du Cameroun oriental sera de
courte durée puisqu'elle sera remplacée un an plus tard par la
Cour Fédérale de justice (CFJ) dont la création
résultait de l'article 33 de la Constitution fédérale du
1er septembre 196160(*). Elle exerce les fonctions de juridiction
constitutionnelle, administrative et de régulation des conflits de
compétence entre les juridictions les plus élevées des
Etats fédérés. Son organisation est fixée par une
ordonnance du 4 octobre 1961. Sa conception initiale est bouleversée par
les lois du 29 novembre 196561(*) et du 14 juin 196962(*) qui la transforment en une juridiction administrative
de compétence véritablement nationale63(*). « Avec elle, le
contentieux administratif camerounais s'étoffe substantiellement et la
justice administrative prend vraiment racine dans les moeurs juridiques de
l'élite administrative camerounaise »64(*).
La consécration de la forme unitaire de l'Etat par la
Constitution du 2 juin 1972 porte création d'une nouvelle Cour
Suprême nationale par l'article 32 de la nouvelle Constitution, au
détriment de l'ex-Cour Fédérale de justice. Son
organisation65(*) et la
procédure66(*)
exercée devant elle sont complètement rénovées, et
elle est composée d'une juridiction du premier niveau (la Chambre
administrative) et d'une juridiction d'appel (l'Assemblée
plénière). Toutefois, il se dégage d'importantes
similitudes par rapport à l'instance contentieuse
fédérale. Comme ses devancières, la nouvelle Cour
Suprême ne semble pas avoir gagné de beaucoup en qualité
puisqu'elle emprunte tous ses magistrats à l'ordre judiciaire.
La dernière reforme du contentieux administratif
camerounais date du 29 décembre 200667(*), avec une nouvelle orientation ponctuée par la
consécration des tribunaux administratifs dans les chefs-lieux de
régions. En attendant leur mise en place effective, la Chambre
administrative de la Cour Suprême continue provisoirement à
statuer en premier ressort à travers les sections de ladite chambre et
à charge d'appel et de pourvoi devant les sections
réunies68(*).
L'origine et l'évolution de la justice administrative
permettent de la définir comme l'ensemble des organes juridictionnels
qui tranchent les difficultés contentieuses de droit public qui opposent
un administré à l'administration selon une procédure
déterminée tendant soit à établir la
responsabilité de cette dernière, soit à annuler ses actes
réputés illégaux.
Le fonctionnement de la justice administrative désigne
de ce fait l'ensemble des éléments permettant aux juridictions
administratives de rendre justice, c'est-à-dire l'ensemble des
éléments réunissant la détermination des
compétences, les règles de procédures permettant à
une juridiction administrative de statuer sur un litige à
caractère administratif.
En somme, nous pouvons définir les
interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice comme
des actes par lesquels le législateur, qu'il s'agisse du Parlement au
moyen d'une loi de circonstance ou du Gouvernement sous la forme d'une
ordonnance se mêle à un procès ou à un litige
porté devant une juridiction administrative pour en influencer le cours
ou la décision rendue par cette dernière. Une telle étude
présente un intérêt particulier.
B- L'intérêt de l'étude
Est-il besoin de souligner l'importance d'une étude sur
les interventions du législateur dans le fonctionnement de la justice
administrative au Cameroun ? L'étude des rapports entre le pouvoir
législatif et le pouvoir judiciaire revêt une importance
particulière fondée sur le principe de la séparation des
pouvoirs législatif et judiciaire. Ainsi, le thème revêt un
triple intérêt : pratique (1), politique et
social (2) et scientifique (3).
1- L'intérêt pratique
La pratique récurrente des interventions du
législateur dans le domaine du juge administratif est devenue un
phénomène de mode. Devenue fondamentale en France, elle prend
petit à petit de l'intensité au Cameroun. En bouleversant le
fonctionnement courant et normal de la justice, le législateur se met au
dessus de la séparation des pouvoirs. Les interventions
fréquentes du législateur prouvent une fois de plus de
l'intérêt qu'elles revêtent au point où certains
penseront que c'est une pratique normale, mais il n'en est rien. Mais toujours
est-il qu'il convient de remarquer qu'une fois l'instance engagée, aussi
bien les exigences d'une bonne administration de la justice que celles de la
sécurité juridique des plaideurs impliquent que les
données textuelles du procès ne soient plus modifiées et
qu'a fortiori la décision rendue par le juge (administratif) ne
soit pas susceptible d'être privée d'effets par le
législateur.
2- L'intérêt politique et social
Tout ce qui touche la justice touche de près à
la vie de la cité. Du moment où l'Administration est partie
à un litige soumis à l'appréciation du juge administratif,
il n'est pas étonnant que le lien singulier entre l'Administration et le
Gouvernement pousse le législateur à mettre en avant des
considérations politiques dans le but de protéger
l'Administration au détriment des administrés surtout au
détriment de l'intérêt général. De plus,
certaines interventions sont considérées comme inspirées
par des aspirations politiques dans l'optique de protéger
l'Administration non seulement contre les administrés, mais surtout
contre le juge administratif.
De même, l'intérêt social d'une telle
étude tient au fait que les administrés se trouvent ainsi
sacrifiés dans l'exercice de leurs droits (droit à un
procès par exemple) dans un souci d'intérêt
général.
3- L'intérêt scientifique ou juridique
Cette étude permettra au juriste de prendre un peu de
recul pour juger les problèmes qui se posent, pour en découvrir
les remèdes et pour éventuellement suggérer les solutions
appropriées. Or, quand on étend son horizon à d'autres
systèmes (par le biais du droit comparé), on constate qu'à
des degrés divers, les mêmes difficultés surgissent. En
France comme au Cameroun et dans d'autres pays qui consacrent le principe de la
séparation des pouvoirs, les mêmes questions se posent. Ainsi, il
conviendra d'étudier les interventions du législateur dans le
fonctionnement de la justice au regard de la conception actuelle de la
séparation des pouvoirs. L'essentiel est donc de prendre conscience des
divergences de solutions autour de la question que le juriste tentera de
prendre en considération afin de fonder sa propre opinion
scientifique.
II- CADRE METHODOLOGIQUE DE L'ETUDE
La problématique et les hypothèses de
l'étude (A), ainsi que la méthode à
utiliser (B) constituent le cadre méthodologique de
l'étude.
A- Problématique du sujet et
hypothèse de travail
Poser la question de savoir si le législateur peut
légitimement intervenir pour modifier l'issue d'un procès en
cours en intervenant dans l'administration de la justice est sans
intérêt ici, car cela nous écarterait de notre sujet,
puisque, comme on le sait, rien n'interdit au législateur d'intervenir
dans le domaine du juge. Ce qu'il faut retenir ici c'est que la question de la
légitimité ne se pose pas, étant donné l'absence
d'une règlementation des interventions. S'il est vrai que ces
interventions du législateur constituent une atteinte au principe de la
séparation des pouvoirs, on ne saurait négliger la
nécessité d'une telle pratique : c'est la raison pour
laquelle dans un Etat de droit comme le Cameroun, elles sont
tolérées, même si les risques d'abus de la part du
législateur planent.
Ainsi nous nous poserons la question de savoir :
quelle est la portée des interventions du législateur
dans le fonctionnement de la justice administrative dans un Etat de droit comme
le Cameroun ?
Des points de vue sont partagés sur la
légitimité des interventions du législateur dans le
domaine du juge. Les juristes se partagent entre réalistes qui, estiment
que ces interventions du législateur sont une nécessité et
qu'il ne faut pas être trop regardant sur les moyens employés, et
les idéalistes qui considèrent que la justice doit suivre son
cours et que les actes viciés doivent être sanctionnés quel
qu'en soit le coût social. Mais il convient de remarquer que les
conséquences d'une décision du juge peuvent être
considérablement graves tant pour l'administration, qui voit son
fonctionnement perturbé, fut-ce légitimement, que pour les
particuliers dont l'exécution d'une décision peut porter atteinte
à certains droits et libertés fondamentaux. Par contre, dans
certaines hypothèses, le législateur peut plutôt se hisser
en bourreau de la justice, s'immisçant, sans justification aucune, dans
le jugement de certaines affaires portées devant le juge, portant ainsi
atteinte à l'indépendance de la justice et au principe de la
prééminence du droit. A l'analyse, on constate le lien
étroit entre les interventions du législateur dans le
fonctionnement de la justice administrative et les exigences de l'Etat de
droit.
B- Méthodes de travail
Toute étude juridique obéit à la
méthode juridique. La méthode permet de bien conduire sa raison
et de rechercher la vérité dans les sciences69(*), elle conditionne le travail
scientifique en ce sens qu'elle en éclaire les hypothèses et en
détermine les conclusions. Il s'agira dans le cadre de cette
étude d'une méthode juridique à double contenu,
c'est-à-dire une double démarche d'analyse des textes et
d'explorations des conditions de leur édiction, d'interprétations
et d'applications qui en sont effectuées. La première
démarche est la dogmatique (ou l'exégèse)70(*) et la seconde démarche
est la casuistique, qui seront successivement et complémentairement
utilisées dans le cadre de l'étude. Par ailleurs une approche
sociologique est indispensable dans la mesure où elle conduira à
sortir de l'environnement juridique pour appréhender l'environnement
social.
Une dernière méthode non négligeable
viendra compléter les précédentes : c'est le droit
comparé. La démarche comparative en droit recherche des
réponses aux questions suivantes :
- se trouve-t-on en présence des systèmes
semblables et, le cas échéant, dans quelle mesure ?
- quelles sont les causes ou les facteurs de ces similitudes
ou, le cas échéant des différences
constatées ?
Il est donc important d'y faire recours pour confronter
l'ordre juridique camerounais avec d'autres ordres juridiques car le droit
comparé présente un avantage certain : il s'agit de formuler
les problèmes pour ensuite recenser les solutions adoptées dans
le contexte de chacun des pays retenus pour la comparaison. Enfin, nous ne
saurons négliger l'apport des autres disciplines voisines telles le
droit privé ou même l'histoire dont l'intérêt
s'avère primordial.
Ainsi, la portée des interventions du
législateur dans le fonctionnement de la justice administrative nous
paraît rendre compte de deux grands mouvements successifs de
l'étude. Dans un premier mouvement, certains interventions sont dites
positives, car compatibles avec l'Etat de droit. Dans un second mouvement,
certaines sont dites négatives, c'est-à-dire contraires à
l'Etat de droit :
PREMIERE PARTIE : LES INTERVENTIONS COMPATIBLES
AVEC L'ETAT DE DROIT
SECONDE PARTIE : LES INTERVENTIONS CONTRAIRES A L'ETAT
DE DROIT
PREMIÈRE PARTIE :
LES INTERVENTIONS COMPATIBLES AVEC L'ETAT DE
DROIT
On a longtemps remis en cause les interventions du
législateur dans le fonctionnement de la justice71(*), considérant qu'elles
constituent une atteinte flagrante au principe de la séparation des
pouvoirs. C'était sans mesurer l'importance voire la
nécessité de certaines de ces interventions. Il est vrai qu'en
vertu du principe de la séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au
législateur de s'immiscer dans le jugement des affaires portées
devant les tribunaux car, « il ne serait pas sain qu'il en fut
autrement »72(*). Ainsi, la logique aurait voulu qu'une fois
l'instance engagée, aussi bien les exigences d'une bonne administration
de la justice que celles de la sécurité juridique des plaideurs
impliquent que les données textuelles du procès ne soient plus
modifiées et qu' a fortiori la décision rendue par le
juge ne soit susceptible d'être privée d'effets par le
législateur73(*).
Cela est d'autant plus compréhensible dans la mesure où l'action
législative est souvent inspirée par des considérations
d'opportunité qui ne sont pas nécessairement celle du juge qui
doit avoir pour seul souci de « dire le droit » dans un cas
particulier74(*).
Depuis longtemps, la pratique des interventions a pris de
l'ampleur. Elles ont toujours été considérées par
certains comme un moyen pour le législateur de protéger
l'Administration contre le juge75(*). Mais il convient d'avoir à l'esprit que les
conséquences d'un jugement peuvent être extrêmement graves
et irréversibles pour l'administration dont le fonctionnement est
inévitablement perturbé, fut-ce légitimement, quand
certains de ces actes sont annulés en justice. C'est à ce niveau
que certaines interventions trouvent leur véritable raison
d'être : bien qu'entravant au principe de la séparation des
pouvoirs et à l'indépendance de la justice, ces justifications
rendent les interventions compatibles avec l'Etat de droit, c'est-à-dire
tolérées par l'Etat de droit. Quelles sont donc les interventions
compatibles à l'Etat de droit ?
Comme on a pu le remarquer dans nos propos
précédents, aucun texte ne réglemente les interventions du
législateur dans le fonctionnement de la justice et surtout de la
justice administrative au Cameroun. C'est la raison pour laquelle, cette
pratique est devenue récurrente, ce d'autant plus que rien n'interdit le
législateur d'intervenir dans l'administration de la justice. C'est la
jurisprudence qui a posé les bases d'un régime juridique des
interventions76(*)
essayant tant bien que mal de mettre « un terme à la
liberté totale dont jouissait jusque là le
législateur »77(*), afin de prévenir ou d'éviter
éventuellement les abus de la part de ce dernier, voir de les encadrer.
Ainsi avons-nous identifié deux types de loi qui
constituent des interventions78(*) compatibles avec l'Etat de droit, encore
appelées interventions positives : les lois de validation
(chapitre 1) et les lois interprétatives
(chapitre 2).
CHAPITRE 1 : LES LOIS DE VALIDATION
Encore appelée « validation
législative »79(*) ou loi confirmative, la loi de validation est une loi
votée par le Parlement pour conforter a posteriori une
situation juridiquement contestable de manière à la rendre
définitive et insusceptible d'annulation80(*). C'est une intervention du
législateur en forme de loi destinée, à titre
rétroactif ou préventif, à valider de manière
expresse, indirecte ou même implicite un acte administratif annulé
ou susceptible de l'être81(*). Cette technique est parfois utilisée dans des
hypothèses où un acte illégal accompli par
l'Administration est déféré à une juridiction
administrative pour en obtenir l'annulation et, parfois même, lorsque le
juge administratif a déjà décidé que l'acte
litigieux était nul82(*). Les lois de validation ou confirmatives ne sont pas
simplement limitées à la validation d'un acte administratif, mais
peuvent également intervenir en matière contractuelle et
être applicables à des contrats passés entre deux personnes
privées et relevant donc du droit privé83(*).
La pratique des validations législatives s'est accrue
au fil des années et elles ne sont pas toujours
répréhensibles comme le soulignent une partie de la
doctrine84(*), car elles
sont des « lois rétroactives par
opportunité »85(*) et permettent d'éviter des situations
inextricables86(*). Nous
analyserons dans le cadre de ce chapitre tout d'abord les contours de la notion
de « validation législative » (section 1)
avant d'envisager la compatibilité des validations législatives
avec les exigences de l'Etat de droit (section 2).
SECTION 1 : LES CONTOURS DE LA NOTION DE
VALIDATION LEGISLATIVE
Utilisé dans une conception tantôt
générique, tantôt spécifique, le terme doctrinal
de « validation législative »
génère un flou terminologique que nous souhaiterions, si cela est
possible, tenter de dissiper. Intuitivement, tout juriste semble
appréhender la notion : le législateur «valide»,
«avalise», «consolide» une position favorable à
l'Etat, en modifiant l'état du droit87(*).
D'après la définition proposée par
Gérard Cornu, il est à remarquer que les validations
législatives revêtent des formes (paragraphe1) et
des caractères (paragraphe 2) sur lesquels il convient
de s'attarder afin de mieux appréhender leur nature juridique.
Paragraphe 1 : Essai de typologie des validations
législatives
Les validations législatives peuvent revêtir
plusieurs formes. La doctrine a élaboré une classification des
protéiformes « validations législatives » en
plusieurs catégories. Mais il convient de ne pas confondre les
formes de validation aux types de validation. C'est la raison pour laquelle on
distinguera les validations a priori88(*) des validations a posteriori89(*), les validations directes
des validations indirectes, des validations partielles des validations
intégrales qui en sont les formes et sur lesquelles nous ne nous
attarderons pas. Mais nous analyserons essentiellement une synthèse de
la typologie tirée de la doctrine qui nous permettra d'avoir une vue
panoramique sur les types de validation. Nous distinguerons donc les
validations par habilitation des validations par substitution
(A) d'une part et d'autre part les validations par
ratification des validations stricto sensu (B).
Cette typologie permet de découvrir les effets
différents des multiples visages des validations, le choix de l'une ou
l'autre formule influant directement sur la nature ou l'efficacité d'un
contrôle juridictionnel.
A- La validation par habilitation et la validation par
substitution
On distinguera la validation par habilitation
(1) de la validation par substitution (2).
1- La validation par habilitation
La validation par habilitation90(*) consiste à
conférer une autorisation expresse du législateur à
l'Administration de prendre certaines mesures. Cette habilitation peut prendre
deux formes : soit une autorisation conférée à
l'Administration d'adopter des mesures rétroactives, autorisant par
exemple la réfection rétroactive de l'acte annulé par le
juge ; soit une autorisation délivrée dans une législation
à effet rétroactif conférant a posteriori un
fondement matériel à des actes administratifs.
Ces deux formes d'habilitation se distinguent essentiellement
par l'auteur de la correction : la première hypothèse
nécessite un acte supplémentaire à la seule habilitation
du législateur, puisque c'est l'Administration elle-même qui
opère la réfection ; dans la seconde hypothèse, le seul
effet rétroactif de la loi d'habilitation suffit.
La technique ne peut s'analyser comme le maintien formel d'un
acte administratif illégal : c'est un soutien du législateur
à un acte administratif qui conserve son régime
juridique et contentieux initial91(*). L'acte validé reste donc soumis au
contrôle juridictionnel des actes administratifs, mais les moyens
invoqués à son rencontre se trouveront privés d'effets.
C'est - pour utiliser une image empruntée à la
médecine - la « guérison » de l'acte
administratif92(*).
2- La validation par substitution
Par une validation par substitution93(*), le législateur
reproduit le contenu de l'acte administratif illégal dans une
disposition législative identique à effet rétroactif.
La même disposition matérielle mène donc
une double vie à deux niveaux de la hiérarchie des normes ; elle
dispose alors de deux destins parallèles. L'acte administratif en cause
restera soumis au contrôle juridictionnel qui lui est propre. Les
critiques qui lui sont adressées conservent leur pertinence, mais
l'annulation éventuelle de l'acte administratif n'empêchera pas la
survie, sous une forme législative, du contenu matériel
de l'acte administratif annulé.
C'est le « dédoublement sous forme
législative »94(*) de l'acte administratif, privant aussi d'effet les
moyens invoqués à son encontre.
B- La validation par ratification et la validation
stricto sensu
La validation par ratification (1) se
distingue de la validation stricto sensu (2).
1- La validation par ratification
Alors que les deux premières interventions du
législateur visent à sauvegarder le contenu de l'acte
administratif, la validation par ratification95(*) tend à maintenir
en vigueur l'acte administratif lui-même en modifiant sa nature
juridique.
Le législateur s'approprie le contenu de l'acte,
l'assume, en conférant à l'acte administratif force de
loi96(*). Il en
résulte une modification importante du régime contentieux :
puisque l'acte administratif ainsi ratifié perd sa nature «
administrative », le contrôle juridictionnel des actes
administratifs cèdera sa place au contrôle de
constitutionnalité des lois le cas échéant.
Il s'agit donc d'une « réincarnation
» de l'acte administratif97(*) qui survie cette fois sous la forme d'une loi.
2- La validation stricto sensu
La validation par modification du régime contentieux ou
validation stricto sensu98(*) n'essaie même pas de supprimer
l'illégalité de l'acte administratif, elle « relève
» seulement l'acte de son illégalité :
l'illégalité demeure, mais ne peut empêcher
l'application de l'acte99(*).
Cette validation constitue l'exemple-type d'une
ingérence dans le procès puisqu'elle tend expressément
à empêcher le contrôle juridictionnel de l'acte ou la mise
en oeuvre d'une décision de justice.
C'est l'« absolution » ou la «
résurrection » de l'acte administratif100(*) illégal - selon que
l'acte a été annulé ou est susceptible de l'être.
Le législateur dispose donc d'un arsenal de validations
à géométrie variable. Mais ces multiples «
remèdes » à l'illégalité d'un acte
administratif présentent des caractères on ne peut plus
particuliers du fait de leur statut à part.
Paragraphe 2 : les caractères des validations
législatives
En tant que lois revêtant un statut particulier, les
validations législatives présentent des caractères tout
aussi particuliers. Afin de sortir sa pleine effectivité, la validation
législative doit donc présenter quatre caractères : elle
doit émaner d'un législateur au sens large ; mettre les actes
administratifs à l'abri du contrôle des juridictions nationales,
sous la seule réserve du juge constitutionnel ; opérer de
manière rétroactive ; et enfin, ce qui découle de sa cause
objective, couvrir une illégalité avérée, patente
ou, à tout le moins, problématique101(*).
Si les première et quatrième
caractéristiques constituent selon nous moins des critères
distinctifs de la notion de validation que des éléments
intrinsèques au pouvoir de valider, nous souhaiterions à ce stade
de l'analyse envisager les deuxième et troisième
caractéristiques, qui constituent selon nous les deux questions
fondamentales de la notion de validation législative : le rôle de
la rétroactivité (A), et la question de
l'interférence dans une procédure juridictionnelle
(B).
A- La portée rétroactive des validations
législatives
Bien que la validation législative présente un
caractère fondamentalement rétroactif (1) il
n'est pas à négliger l'aspect préventif qui peut s'y
rattacher (2) selon que l'acte est annulé ou
susceptible de l'être.
1- Le caractère rétroactif des
validations
En dépit de l'article 4 du code civil102(*) qui prévoit que la
loi ne dispose que pour l'avenir elle n'a point d'effet rétroactif, et
du préambule103(*) de la Constitution camerounaise du 18 Janvier
1996104(*) qui
prévoit dans le même sens que la loi ne peut avoir d'effet
rétroactif, l'objectif même d'une mesure de validation est d'avoir
un effet rétroactif et de purger une irrégularité afin de
couper court à toutes contestations fondées sur cette
irrégularité105(*). Ainsi, la « couverture » d'une
illégalité implique le caractère rétroactif
de la validation législative. Cependant, si la plupart des
définitions des validations évoquent leur
caractère rétroactif, nous estimons que la
rétroactivité constitue un élément
davantage accessoire que distinctif d'une validation106(*).
Cette rétroactivité n'existe pas par
elle-même, n'est pas décidée en tant que telle :
puisqu'il s'agit de couvrir l'illégalité d'un acte administratif,
la disposition aura nécessairement un effet rétroactif. Si la
rétroactivité va de pair avec une validation, c'est parce qu'elle
en est la conséquence logique, le revers de la technique107(*). Elle n'en constitue pas une
caractéristique intrinsèque, mais une conséquence
implicite108(*),
dérivée de l'objet même - l'illégalité
à couvrir - du procédé de validation. Mais cette
rétroactivité, bien qu'implicite, n'en demeure pas moins selon
nous un élément nécessaire à la
définition de la validation législative.
Par ailleurs, bien que les dispositions du Code civil aient
simple valeur législative, pouvant être écarté par
la loi109(*), la
consécration de la non-rétroactivité dans le
préambule ou tout au moins dans la Constitution camerounaise lui
confère une valeur constitutionnelle, c'est-à-dire que le
législateur est tenu de la respecter. Bien plus, des exigences telles
l'intérêt général peuvent faire obstacle à la
non-rétroactivité de validation, nous y reviendrons. Ainsi le
caractère rétroactif des validations s'explique par le fait que
la validation porte sur un acte déjà annulé, et par
principe, l'annulation d'une décision administrative contestée
entraîne disparition de celle-ci qui est censé n'avoir jamais
existé110(*). La
rétroactivité est donc une exception à ce principe. Elle
n'est pas toujours répréhensible surtout lorsqu'elle est
justifiée et c'est dans le souci d'éviter des conséquences
désastreuses que le législateur intervient
rétroactivement.
La rétroactivité concernant les actes
annulés, le caractère préventif est lié aux actes
non encore annulés ou susceptibles d'être annulés.
2- Le caractère préventif des
validations
Le caractère préventif des validations tient au
fait que les validations interviennent souvent avant que le juge administratif
ne soit saisie d'une quelconque action d'annulation ou même avant qu'il
ne prononce sa décision111(*) (cette dernière hypothèse est la plus
récurrente). Ainsi, au lieu d'attendre que sa décision soit
annulée par le juge avant d'obtenir du législateur une validation
rétroactive, l'Administration peut, dans le souci d'assurer la bonne
marche et la continuité du service publique par exemple demander au
législateur de valider sa décision, soit lorsqu'elle est
consciente que cette décision est susceptible de faire grief et
d'être portée devant le juge administratif, soit lorsque celle-ci,
ayant déjà été portée devant le juge pour
annulation, ce dernier n'a pas encore prononcé sa décision.
Le caractère rétroactif s'appliquant aux
décisions administratives déjà annulées, le
caractère préventif est lié aux décisions non
encore annulées mais donc l'irrégularité est
déjà portée devant le juge ou aux décisions
susceptibles de faire grief et susceptibles d'être portées devant
le juge. Au caractère rétroactif et/ou préventif des
validations s'ajoute un autre caractère lié à la question
de l'interférence dans un procès en cours.
B- La question de l'interférence dans une
procédure juridictionnelle
La question de l'interférence dans une procédure
juridictionnelle peut être envisagée essentiellement sous deux
angles : l'existence d'un procès en cours (1), et
la couverture d'une illégalité avérée
(2).
1- L'existence d'un procès en cours
Ici, la validation est envisagée subjectivement,
c'est-à-dire qu'elle est liée à un élément
d'intentionnalité : pour « valider », le législateur
doit avoir pour but d'intervenir dans un procès qui apparaît
défavorable à l'Etat. Dans cette optique subjective qui
lie la qualification de « validation » à la volonté du
législateur, la validation dépend de son contexte et d'une sorte
de « dol législatif »112(*), la cause de l'intervention du
législateur - un procès en cours. La validation
législative implique toujours, puisqu'elle concerne
nécessairement une illégalité, deux niveaux de la
hiérarchie des normes113(*). Cette circonstance permet de distinguer la
validation législative de la rétroactivité
décidée comme telle ou de l'interprétation
authentique, qui se situe au seul et même niveau
législatif114(*)
et qui ne couvre pas ipso facto l'illégalité d'un acte
administratif.
Ainsi, l'existence d'un procès en cours peut justifier
de l'intervention du législateur : cela est d'autant plus
vérifiable dans la mesure où un acte administratif ne peut
être déclaré illégal que par le juge, et c'est dans
le but d'éviter l'annulation de cet acte115(*)par le juge. L'existence d'un
procès en cours pousse le législateur a constaté116(*) qu'un acte administratif est
illégal et est susceptible d'être annulé par le juge. A
défaut d'un procès en cours, la validation législative
n'aura pas la même portée.
Mais si l'accent est mis sur l'intervention dans un
procès en cours, l'élément objectif consistant en
l'existence, même sous-jacente, d'une illégalité, ne peut
être négligé.
2- L'existence d'une illégalité
avérée
Ici, la validation est envisagée objectivement. Si l'on
envisage objectivement la validation, le contexte procédural
importe peu. Qu'il y ait ou non une procédure pendante à laquelle
l'Etat est partie et que cette procédure en l'occurrence se
révèle défavorable à l'Etat, la validation
existera en raison même de l'illégalité qu'elle
couvre. Le fait de mettre les actes administratifs à l'abri des
juridictions nationales apparaît dès lors non comme la cause de
l'intervention législative, mais comme un effet, incident ou implicite.
Cette protection à l'égard d'un contrôle juridictionnel se
confond alors avec l'objet de la validation : une
illégalité117(*).
N'impliquant aucun élément
d'intentionnalité, cette approche objective, conditionnée par
l'existence d'une illégalité, présente l'avantage d'une
qualification aisée : dès qu'il y a illégalité
couverte, il y a validation. Cependant, cette approche pourrait
également induire qu'une intervention «innocente» du
législateur confirmant un acte administratif, se révèle
a posteriori constituer une validation. Tributaire d'une
illégalité, la qualification serait dès lors toujours en
suspens118(*). On
remarque donc que le législateur peut lui-même constater
l'illégalité et décider de la corriger, sans que toutefois
cela ne soit lié à une quelconque intention.
On peut donc retenir que, même en l'absence d'un
procès en cours, le législateur peut valider un acte
administratif illégal. Par ailleurs, il convient de remarquer que ce
caractère est fondamental, mais il ne peut être retenu comme une
caractéristique intrinsèque dans la mesure où c'est le
procès en cours qui justifie fondamentalement le recours à la
validation législative par le législateur.
A la croisée des optiques objective et subjective, nous
proposons une définition simple de la « validation
législative » : l'intervention du législateur en vue de
couvrir l'illégalité d'un acte administratif119(*). Nous envisageons donc
une validation constitutive, à deux niveaux de la hiérarchie des
normes, intervenue en connaissance de cause, c'est-à-dire dans le but
d'influer sur la solution d'un litige.
L'étude du régime juridique viendra
compléter cette argumentation.
SECTION 2 : LA COMPATIBILITE DES VALIDATIONS
LEGISLATIVES AVEC LES EXIGENCES DE L'ETAT DE DROIT
Le régime juridique d'une institution ou d'un concept
est l'ensemble des règles applicables à cette dernière ou
à ce dernier. Comme nous l'avons déjà dit, aucun texte
constitutionnel ou législatif ne réglemente les validations
législatives aussi bien en France qu'au Cameroun, mais, les validations
législatives sont à certains égards compatibles avec
l'Etat de droit. Longtemps considéré comme un empiètement
flagrant dans le domaine privilégié de la justice, la
nécessité du recours aux validations législatives s'est
fait ressentir car on lui reconnait une place fondamentale malgré les
gardes fous posés par le principe de la séparation des pouvoirs.
C'est pour cette raison qu'au lieu de les supprimer purement et simplement
comme l'auraient souhaité certains auteurs, la jurisprudence,
principalement constitutionnelle, a jugé mieux de les encadrer afin
d'éviter tout débordement de la part du législateur. C'est
ainsi pour être mise en oeuvre les validations doivent respecter
certaines conditions (paragraphe 1) lesquelles conditions
produisent des effets (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les formalités exigées
pour l'exercice du pouvoir de validation
C'est le juge constitutionnel français, qui pour la
première fois, pose les conditions que le législateur devrait
respecter pour mettre en oeuvre des validations, dans une de ses
décisions rendues en date du 22 Juillet 1980120(*). En posant ces conditions,
le juge constitutionnel reconnait aux validations législatives leur
importante nécessité. Au soutien de cette décision, deux
types de conditions ressortent : les conditions communes à toutes
les validations (A) et les conditions particulières
(B).
A- Les exigences générales du recours aux
validations législatives
La décision du 22 Juillet 1980 pose les bases d'une
réglementation des validations. La jurisprudence rappelle donc les
règles bien établies qui représentent les
frontières que le législateur ne peut en aucun cas
franchir121(*). C'est
ainsi que le législateur doit intervenir en vue de satisfaire un
intérêt général (1) et son
intervention doit respecter l'autorité des décisions de justice
devenues définitives (2). En outre, et plus
rigoureusement, la loi doit être assez précise pour que les actes
validés soient déterminés exactement
(3).
1- La satisfaction d'un intérêt
général suffisant
« Si le législateur doit toujours
légiférer dans l'intérêt général,
l'appréciation doit être plus stricte en matière de
validation et au regard de bouleversements opérés dans
l'ordonnancement des normes juridiques »122(*). Les mécanismes
d'élaboration de la loi permettent-ils la prise en compte de
l'intérêt général? Si la détermination de
l'intérêt général doit être le fait du
législateur, au premier chef des parlementaires qui sont les élus
du peuple, il va de soi que les mécanismes d'élaboration de la
loi ne sont guère satisfaisants. La part déterminante de
l'Exécutif dans l'initiative des lois, la mainmise du Gouvernement sur
la procédure législative ne favorisent guère une prise en
compte effective du point de vue des élus. Le problème est celui
de l'excès de rationalisation des procédures parlementaires,
C'est là aussi un problème politique qui peut
éventuellement aboutir à des modifications de la Constitution
allant dans le sens d'une restauration des pouvoirs du Parlement,
particulièrement dans l'édification des lois.
La satisfaction de l'intérêt
général est donc la raison d'être d'une disposition de
validation123(*). Le
contrôle effectué dans ce domaine est d'une intensité
variable. Dans certains cas, la référence à
l'intérêt général est absente ; dans d'autre
cas, les raisons d'intérêt général sont
implicites ; dans d'autres cas encore, il est mentionné qu'il
existe des raisons d'intérêt général sans que ces
raisons soient explicitées124(*) ou avec des précisions quant à
l'intérêt général en cause. En vérifiant que
le législateur a bien poursuivi un intérêt
général suffisant, le juge constitutionnel peut se livrer
à un contrôle de proportionnalité entre les mesures prises
(de validation) et l'intérêt général.
Il est à noter que l'objectif de la
préservation du fonctionnement du service public constitue le motif
d'intérêt général le plus souvent
invoqué125(*),
mais d'autres objectifs d'intérêt général sont
tels : éviter que la paix publique ne soit menacée par la
multiplication des contestations, mettre fin à des divergences de
jurisprudence et éviter par là même le développement
des contestations dont l'aboutissement aurait pu entraîner des
conséquences financières préjudiciables etc.126(*) Ainsi, l'acte validé
ne doit pas contrevenir à un principe de valeur constitutionnel à
moins que le but d'intérêt général poursuivit par la
validation ne soit lui-même de valeur constitutionnelle. Toutefois, un
motif purement financier n'est pas de nature à fonder une validation
législative127(*).
Comme on peut le constater, le contrôle de la poursuite
d'un but d'intérêt général est donc un instrument
d'appréciation de la validité de la loi de validation, en tant
que celle-ci, comme toutes autres lois est l'expression de la volonté
générale et ne saurait aller à l'encontre de
l'intérêt général. La deuxième condition est
relative au respect des décisions de justice devenues
définitives.
2- Le respect des décisions de justice
devenues définitives
Cette exigence découle du principe de la
séparation des pouvoirs. Il « n'appartient ni au
législateur, ni au gouvernement de censurer les décisions des
juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer
à elles dans le jugement des litiges relevant de leur
compétence »128(*). Il est rappelé qu'aucune loi de
validation ne peut intervenir, une fois que le juge administratif a
prononcé un jugement, devenu définitif. Un argument
utilisé à cet égard, est le fait que le recours pour
excès de pouvoir, qui constitue une forme de protection juridictionnelle
des administrés129(*), est expressément prévu par la
Constitution. Ce qui veut dire qu'une éventuelle validation après
l'annulation d'un acte administratif, serait contraire à la
Constitution. La condition de respect des « décisions de
justice devenues définitives » ou des
« décisions de justices passées en force
des choses jugées » figure généralement
dans le libellé de la mesure de validation130(*). C'est pour cela qu'il est
à remarquer que le législateur précise parfois
lui-même que les validations sont prononcées sous réserve
des décisions de justices devenues définitives. Cette exigence
signifie dès lors qu'une loi de validation ne peut intervenir que dans
les procédures pendantes ou porter sur les actes pris sur le fondement
d'un acte ayant fait l'objet d'une annulation sans avoir été
eux-mêmes annulés par une décision de justice devenue
définitive131(*).
Par ailleurs, l'expression « respect des
décisions de justices définitives »
utilisée indifféremment avec « respect de la chose
jugée » est-elle absolue tant on a remarqué que
l'intérêt général (motif suffisant) peut être
invoqué pour justifier la validation d'acte déjà
annulés ?132(*) La réponse est négative. Une
atténuation doit être apportée à cette exigence
parce que la rigueur pourrait conduire à une paralysie des institutions.
Ainsi, comme l'a préconisé le juge constitutionnel
français, l'acte annulé ne pouvant plus faire l'objet de
validation, la mesure prise sur son fondement peuvent l'être à
condition de ne pas être annulé par une décision devenue
définitive.
Bien que trouvant son fondement dans le principe de la
séparation des pouvoirs, cette exigence est atténuée par
l'intérêt général qui est une
nécessité fondamentale qui tend aussi à la
préservation de l'Etat de droit. A ces deux exigences s'ajoute une
troisième, la portée limitée des validations.
3- L'exigence d'une précision stricte des
actes validés
Le législateur doit prendre soin, lorsqu'il
procède à une validation, de préciser dans les
dispositions de validation quelle est l'irrégularité dont l'acte
sera considéré comme purgé ou lorsque la validation
concerne des actes pris sur le fondement d'un acte irrégulier ou
l'aboutissement d'une procédure entachée
d'irrégularité en amont, de viser l'acte illégal, ou
l'irrégularité de procédure133(*). L'objet de cet examen est
de rappeler que le législateur ne peut prendre des mesures de
validation, « qu'à condition de définir strictement
leur portée qui détermine l'exercice du contrôle de la
juridiction administrative »134(*). Ainsi, le juge constitutionnel est à
même de restreindre le prononcé de validations trop vagues, car,
il arrive que le législateur choisisse une formule lapidaire
procédant à la validation sans en préciser la
portée ; or le caractère circonscrit de la validation est
une condition de sa validité. C'est pour cette raison que
« si le législateur peut, dans un but
d'intérêt général suffisant, valider un acte dont le
juge administratif est saisi afin de prévenir les difficultés qui
pourraient naître de son annulation, c'est à condition de
définir strictement la porté de cette
validation »135(*).
Il convient de remarquer que ces conditions communes aux
validations sont cumulatives et aucune ne peut être écartée
au profit de l'autre. Qu'en est-il des conditions particulières ?
B- Les exigences spécifiques du recours aux
validations législatives
Ces conditions particulières sont relatives tant
à l'acte validé (1) qu'aux techniques de
validation employées (2). Elles émanent
également de la jurisprudence.
1- Les exigences tenant à l'acte
validé
Deux questions méritent ici d'être
posées : quelle est la nature de l'acte validé ? Quelle
est la nature du vice qui affecte l'acte ?
Pour ce qui est de la première question, alors que
traditionnellement, comme on l'a dit plus haut, les validations portaient sur
des actes administratifs réglementaires ou individuels, est apparut un
nouvel objet de validation : le contrat. Ici, la nature de l'acte n'est
pas considérée comme une condition de mise en oeuvre de la
validation puisqu'il a été établi que l'autonomie de la
volonté et la liberté contractuelle n'étant pas des
processus constitutionnels, le législateur pouvait intervenir
rétroactivement en matière contractuelle, sauf à ce que
cette intervention intéresse l'exercice d'une liberté publique ou
qu'elle porte atteinte à un autre principe constitutionnel136(*). Il n'existe pas alors de
conditions tenant la nature de l'acte, car l'acte peut être soit un acte
administratif règlementaire ou individuel, soit un contrat administratif
ou un contrat relevant du droit privé. Le législateur n'est pas
de ce fait lié par la nature de l'acte.
En ce qui concerne la seconde question,
l'inconstitutionnalité de l'acte validé ne peut être
retenue à l'encontre de la loi validant l'acte. En effet, l'acte tire sa
validité de la loi et non de la procédure initiale de son
adoption. Ainsi, il est cependant admis que le législateur commettrait
une inconstitutionnalité en légalisant ou en maintenant en
vigueur un acte inconstitutionnel. La validation d'un acte susceptible
d'être annulé par la juge, pour atteinte au principe
d'égalité, ne sera pas nécessairement elle-même
inconstitutionnelle si l'intérêt général justifie
qu'elle soit dérogée à l'égalité137(*). Par conséquent,
l'inconstitutionnalité de l'acte validé n'entraîne pas
nécessairement l'inconstitutionnalité de la loi de validation,
mais c'est un élément qui peut être pris en compte pour
apprécier la conformité de la loi138(*).
Nous remarquons que les conditions tenant à l'acte ne
sont pas prises rigoureusement en compte. Qu'en est-il des conditions tenant
aux techniques de validation employées ?
2- Les exigences tenant aux techniques de
validation employées
La majeure partie des lois de validation ont pour effet de
donner une base légale aux actes qu'elles valident soit en modifiant
rétroactivement les conditions de leur légalité, soit en
les validant tant qu'ils sont conformes à de nouvelles dispositions
édictées par la loi, soit en validant des actes pris en
application d'un acte annulé139(*). Le législateur peut donc procéder
à des validations rétroactives ou préventives, directes
et totales, partielles ou indirectes.
Par ailleurs, en ce qui concerne les validations implicites,
des restrictions sont encore émises, car, les conditions dites communes
n'ont pas d'intérêt à être invoquées pour ce
qui est des validations implicites140(*).
Nous venons d'analyser les conditions de mise en oeuvre des
validations législatives établies par la jurisprudence
constitutionnelle qui rappelle les conditions communes à l'ensemble des
mesures de validation et les conditions particulières relatives à
l'acte validé et aux techniques employées. Afin de
compléter l'étude du régime juridique, il conviendra
d'analyser les effets qui découlent des validations.
Paragraphe 2 : La portée des validations
législatives
Les validations législatives produisent des effets tant
sur l'acte annulé ou susceptible de l'être (A)
que sur le cours du procès et les décisions portant annulation de
l'acte (B).
A- Sur l'acte annulé
Les validations législatives produisent des effets sur
l'acte annulé dans la mesure où l'acte est légalisé
ou rendu légal (1), mais celle-ci conserve sa nature
d'acte administratif (2).
1- La légalité conférée
à l'acte irrégulier par le législateur
Les lois de validation ont pour effet de donner une base
légale aux actes qu'elles valident. Dans cette hypothèse,
l'intervention du législateur établit l'ordre normal des
compétences. Elle a pour effet de légaliser l'acte quand il
s'agit de lui donner valeur législative. Ainsi, la légalisation
permet une modification du régime juridique de l'acte et dans une
certaine mesure son régime contentieux141(*). Le législateur modifie les règles que
le juge a pour mission d'appliquer à condition de ne pas rendre tout
recours juridictionnel contre l'acte impossible. La légalisation peut
laisser croire que l'acte administratif devient un texte de forme
législative. Mais il en est rien ; l'acte conserve sa nature d'acte
administratif qu'il convient de présenter.
2- La conservation de leur nature d'actes
administratifs
La validation conserve aux actes leur nature d'actes
administratifs. Les lois de validation, au sens strict du terme, n'ont pas pour
objet de modifier la nature administrative d'un arrêté ou d'un
règlement ; elles visent seulement à en couvrir
l'irrégularité, réelle ou prétendue. Ces lois
empêchent le juge administratif de déclarer fondé le
recours en annulation dirigé contre l'acte validé ; elles
s'opposent à ce que les juridictions administratives refusent
d'appliquer l'acte validé en le considérant comme
irrégulier ; elles font obstacle à ce que ces juridictions
considèrent l'acte validé comme fautif parce
qu'irrégulier. L'acte validé reste donc de nature administrative.
L'autorité administrative demeure donc
compétente pour l'abroger ou, le cas échéant, le modifier.
Par la suite, elle ne prive pas l'autorité administrative du pouvoir de
la modifier ou de l'abroger sans procédure ou formalités
spécifiques142(*). Mais il arrive, à en croire certaines
décisions, que la validation transforme - par quel mystère - les
actes validés en texte de forme législative qui ne peuvent
être modifié ou abrogé par l'Administration qu'après
saisine du Conseil constitutionnel et déclaration par lui de leur
caractère réglementaire143(*). Ainsi, les actes validés ne sauraient en
aucun cas se transformer en texte de nature législative car la
validation n'est pas la transformation ou le changement de la nature d'un
acte. Il serait prétentieux de penser que tous les actes administratifs
irréguliers et validés puissent intégrer le corpus
législatif, car on se retrouverait avec un nombre impressionnant de
textes de forme législative chaque fois que le législateur
validera un acte irrégulier, et passer outre la procédure
d'élaboration des lois. En somme, la légalité
conférée aux actes qui étaient au départ
irréguliers ne vient que comme une solution offerte à
l'Administration de mettre en application un acte pour l'intérêt
que celui-ci porte.
Les effets sur l'acte nous montrent que celui-ci,
malgré son irrégularité, est légalisé et
conserve sa nature d'acte administratif, mais ses effets ont-ils une même
portée dans le procès en cours et à l'égard de la
décision du juge ?
B- Sur le cours du procès et la décision
du juge
Les validations législatives ont un effet
considérable sur le cours du procès et sur la décision du
juge lorsqu'elles sont prononcées. C'est ainsi que lorsqu'elles
interviennent en cours de procès, elles suppriment l'objet de la demande
portée devant le juge (1), lorsqu'elles interviennent
après que le juge ait rendu sa décision, elles dispensent
l'Administration de l'obligation d'exécuter la décision du juge
(2).
1- La suppression de l'objet de la demande
portée devant le juge
Une affaire est pendante devant le juge et celui-ci n'a pas
encore prononcé sa décision. La validation ici a pour but non
seulement de valider l'acte irrégulier, mais également de
supprimer l'objet de la demande portée devant le juge144(*). Intervenant dans le
procès, le législateur en influence ainsi le cours. Certains
auteurs estiment que cela est une atteinte grave à l'indépendance
de la justice et à la sécurité juridique145(*) ; d'autres par contre
estiment que cela contribue à la protection de la sécurité
juridique146(*)
L'objet est ce sur quoi le juge statue, c'est-à-dire le
problème qui lui a été soumis pour son
appréciation. Lorsque le législateur valide un acte dont
l'irrégularité constitue l'objet du litige, la
légalisation ou la ratification de cette irrégularité
retire au litige son objet. La suppression de l'objet n'est que la
conséquence de la validation. Dans la mesure où l'objet du litige
disparaît, le procès n'a plus de raison d'être et le juge
doit prononcer un non-lieu. On entend par non-lieu la décision par
laquelle le juge, se fondant sur un motif de droit ou une insuffisance de
charge, ne donne aucune suite au litige. Le litige est censé n'avoir pas
eu lieu, puisqu'il est suspendu avant même que le juge ait
prononcé sa décision. Dans le cadre des validations partielles,
le non-lieu n'est pas définitif puisque le juge peut annuler l'acte pour
toute autre irrégularité excepté celle qui a
été validée.
L'effet est différent lorsque le juge a prononcé
sa décision tendant à l'annulation de l'acte, le
législateur par la validation dispense l'Administration de
l'exécution de la décision.
2- L'abolition de l'obligation d'exécuter la
décision du juge
Elle constitue pour certains auteurs une atteinte grave
à l'autorité de la chose jugée, car l'Administration,
comme n'importe quel justiciable a l'obligation d'exécuter la
décision du juge quand cela la lui incombe. En revanche,
l'exécution de certains jugements est en effet susceptible de
créer d'inextricables difficultés à l'Administration, en
même temps que cette exécution préjudicierait gravement
à des agents ou à des administrés qui ne sont en rien
responsables des illégalités censurées147(*). Il est donc satisfaisant
que le Conseil constitutionnel français ait reconnu la conformité
de principe des lois de validation à la Constitution qui permet que le
législateur prenne des mesures rétroactives et cela notamment,
« afin de régler comme lui-seul... (peut) le faire, les
situations nées de l'annulation »148(*) d'un acte
administratif149(*).
CONCLUSION DU CHAPITRE I
Les lois de validation constituent un moyen pour le
législateur de corriger une illégalité contenue dans un
acte administratif que l'annulation pourrait causer un préjudice grave
dans le fonctionnement des services publics. Cette pratique, bien que
décriée par beaucoup, constitue à n'en point douter un
moyen plus ou moins efficace dont dispose le législateur pour amender un
acte illégal dont l'annulation aurait été
inévitable si ce dernier n'était pas intervenu. La
nécessité du recours aux validations législatives
réside dans le fait que le souci du législateur, motivé
par l'intérêt général, est d'assurer le bon
fonctionnement de l'Administration (continuité du service public,
maintien de l'ordre public...), abstraction faite des risques d'abus et de la
prise en compte d'autres objectifs autres que l'intérêt
général.
CHAPITRE 2 : LES LOIS INTERPRETATIVES
L'interprétation du droit (et dans une certaine mesure
de la loi), depuis l'ancien droit, peut être définie comme
l'explication d'une chose obscure ou douteuse150(*). En principe, c'est au juge qu'il appartient
d'interpréter la loi, parce que c'est lui qui l'applique à un
fait ou une situation litigieuse précise, mais tel n'a pas toujours
été le cas. Comme nous l'avons déjà dit, à
l'époque de la Révolution française, la crainte du
législateur l'a poussé à interdire au juge
d'interpréter la loi de manière souveraine (loi des 16 et 24
août 1790). Une procédure très curieuse consistait,
à partir de ce moment, lorsqu'une juridiction était saisie d'une
question d'interprétation délicate, à se
référer au législateur pour qu'il interprète
lui-même son propre texte. On appelait alors cette procédure
singulière le « référé
législatif » dont la raison d'être était
justifiée par la maxime : « ejus est legem
interpretari, cujus est condere »151(*) qui a fonctionné de 1790 à 1837.
Cette perversion à rebours du principe de la séparation des
pouvoirs qui tendait à assurer la suprématie absolue du pouvoir
législatif à l'occasion des affaires à juger ne fut qu'une
courte éclipse qui disparut assez rapidement152(*).
L'interprétation constitue le domaine de
prédilection du juge, car il permet à celui-ci de combler les
lacunes de la loi, lorsque son application à une situation litigieuse
nécessite une rectification de la part du juge, et parfois de la
rajeunir pour l'adapter aux besoins du temps, surtout lorsque le texte est
vague et contient des notions très malléables, le juge peut
conduire une certaine « politique
jurisprudentielle »153(*).
Par ailleurs, au fil des temps, il s'est avéré
que dans certains cas, le juge, en interprétant une loi lui donnait un
sens contraire à l'esprit de la loi ou du législateur. Cela
suscitait ou engendrait des conséquences plus ou moins graves, ce qui a
poussé le législateur à se reconnaitre le rôle
d'interprète occasionnel de son propre texte dans certaines
circonstances par l'intervention des lois interprétatives154(*). La loi
interprétative constitue une intervention du législateur dans le
fonctionnement de la justice car elle intervient généralement
lors d'un procès en cours. C'est un acte d'éclaircissement qui
interprète un acte antérieur obscur, plus
précisément, c'est une loi destinée à
interpréter une loi antérieure pour en préciser le sens et
la portée. La loi interprétative fixe le sens qu'une loi
antérieure est censée avoir eu dès l'origine155(*). Venant s'agréger au
texte qu'elle interprète pour lui donner un sens déterminé
et différent de celui que le juge va vraisemblablement lui
reconnaître, ou lui a déjà reconnu, elle prend effet
à la date de ce dernier.
Ainsi, rien n'interdit au législateur
d'interpréter lui-même, dans le souci d'apporter un
éclaircissement à un texte de loi, ou de mieux préciser sa
pensée. En soi, ce moyen législatif n'est pas illégitime,
mais il suscite des controverses lorsqu'une loi interprétative est
promulguée à l'occasion d'un procès en cours, alors que le
texte interprété (applicable au cas d'espèce) avait
déjà été interprété par le juge,
obligeant ainsi ce dernier à statuer dans le sens donné par le
législateur. Mais précisons que la loi interprétative
intervient pour dire ce qui a toujours été (ou ce qui aurait
toujours dû être) en dépit des malencontreuses
interprétations contraires qui auraient pu intervenir entre temps,
c'est-à-dire malgré les jugements intervenus entre la loi
à interpréter et la loi venant subséquemment
interpréter cette dernière156(*).
Très fréquente en droit privé (notamment
en droit civil), la pratique des lois interprétatives, bien que rare en
droit administratif, n'est pour autant pas inexistante surtout en droit
camerounais. Ainsi, dans le cadre de ce chapitre, la nature des lois
interprétatives (section 1) ainsi que leur
régime juridique (section 2) seront tour à tour
analysés, ceci dans l'optique de montrer en quoi cette pratique est
compatible avec l'Etat de droit.
SECTION 1 : LES CONTOURS DE LA NOTION DE LOI
INTERPRETATIVE
La loi interprétative est une loi « [qui]
tend, de la part de l'auteur d'un acte, à clarifier celui-ci par un
éclaircissement destiné à s'incorporer à l'acte
interprété »157(*). Elle est interprétative de la
volonté du législateur158(*). Il s'agit d'une loi purement explicative, car elle
prétend ne pas pouvoir excéder le rôle qu'un juge aurait pu
exercer dans l'interprétation de la même loi159(*). L'étude de la nature
des lois interprétatives revient à cerner la notion même
de ces lois. Etant des lois bénéficiant d'un statut particulier
tout comme les lois de validation que nous avons analysées plus haut,
ces lois n'interviennent que dans des circonstances très
particulières, c'est-à-dire lorsqu'une difficulté se
présente dans l'application du droit par le juge lors d'un
procès. Ceci étant, l'analyse des contours de la notion de loi
interprétative nous amènera d'une part à les distinguer
de certaines notions avec lesquelles elles ont tendance à se confondre
(paragraphe 1) afin de mieux cerner la notion et d'autre part
à étudier les caractères qui s'y rattachent
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La distinction des lois
interprétatives avec les notions voisines
Des confusions ou des assimilations sont souvent faites
entre les lois interprétatives et d'autres concepts qui s'y ressemblent.
Cela entraîne de ce fait des difficultés quant à sa
qualification. Ainsi, une distinction doit être faite entre les lois
interprétatives et ces notions dans le but de lever toute
équivoque afin de cerner les contours véritables des lois
interprétatives.
D'abord une distinction doit être faite entre les lois
interprétatives et les mesures interprétatives160(*), car on a souvent tendance
à assimiler les unes aux autres : premièrement, parce que
les deux ont un rôle explicatif. Mais la distinction se situe à
plusieurs niveaux : les lois interprétatives émanent du
législateur (ce sont des lois) alors que les mesures
interprétatives sont prises par une autorité administrative (en
tant qu'actes administratifs). Les lois interprétatives sont
susceptibles d'être contrôlées par le juge constitutionnel,
alors que les mesures interprétatives sont insusceptibles de recours
devant le juge administratif. Nous ne nous attarderons pas plus sur cette
distinction, nous procèderons plutôt à une distinction avec
d'autres lois auxquelles les lois interprétatives semblent se confondre
beaucoup plus.
Une distinction doit donc être faite entre les lois
interprétatives et les lois modificatives (A) et entre
les lois interprétatives et les lois de validation
(B).
A- Distinction loi interprétative et loi
modificative
Par loi modificative, nous entendons une loi prise par le
législateur qui se borne à modifier une loi initiale
partiellement ou totalement sans toutefois l'abroger et dont le but est de
régler une situation de droit précise et de l'adapter aux
besoins. La loi modificative a pour but de changer l'état du droit. A
certains égards, une loi interprétative peut être
assimilée à une loi modificative ; mais si l'on tient compte
de la définition donnée des lois interprétatives161(*), la différence
s'établit. Mais il convient de remarquer que la confusion entre les deux
notions peut tenir au fait que sous le couvert des lois
interprétatives, le législateur édicte des dispositions
nouvelles, modifiant ainsi le texte initial qu'il est censé seulement
interpréter. Reserve faite de cette confusion, la loi
interprétative et la loi modificative se distinguent tant au niveau de
leur contenu (1) qu'au niveau de leur finalité
(2).
1- Une différence de contenu
Comme nous l'avons déjà précisé,
la loi interprétative a pour but d'interpréter - sans rien
innover - un texte de loi réputé obscur ou, dans une certaine
mesure, de mettre un terme aux incertitudes et aux controverses
jurisprudentielles sur le sens d'une règle. Son contenu ne doit porter
que sur la controverse à résoudre, c'est-à-dire qu'elle a
une fonction purement explicative. En outre, la loi interprétative n'a
pas un caractère créateur, mais un caractère recognitif
car elle reconnait le droit préexistant162(*) (loi
interprétée). En venant conforter le droit existant, elle ne
ferait que déclarer un état de droit déjà positif
puisqu'elle n'a aucune vocation à modifier le droit applicable163(*). Elle n'est pas
indépendante de la loi interprétée puisqu'elle en est une
partie intégrante, ce d'autant plus qu'elle ne constituerait pas une
rupture, elle serait un gage de continuité164(*). La loi
interprétée et la loi interprétative sont
appliquées comme un seul texte.
Par contre, la loi modificative, comme son nom l'indique,
modifie un texte totalement ou partiellement. C'est un texte nouveau puisqu'il
est indépendant du texte modifié, il n'en est pas une partie
intégrante, même si ces deux textes peuvent être
appliqués ensemble, au regard des dispositions transitoires du moment
où le législateur l'a prévu comme tel ; chaque texte
pouvant régir des situations particulières. Elle a pour fonction
de modifier un état de droit applicable jusque là et dont le
besoin de l'adapter se fait ressentir. De plus, et en général, la
loi modificative modifie et complète la loi ancienne. La loi
modificative et la loi modifiée peuvent être appliquées
simultanément puisque la première, même en cas de
modification intégrale, n'abroge pas la seconde, auquel cas la loi
modifiée disparaîtra.
2- Une dissemblance de
finalité
La loi interprétative a pour finalité de
résoudre les incertitudes ou des controverses jurisprudentielles sur le
sens d'une règle. Sa portée est donc substantielle et non
simplement formelle165(*). Comme on peut le remarquer, la loi
interprétative n'intervient que lorsqu'une interprétation
jurisprudentielle crée des dissensions, elle constitue une
ingérence du législateur dans l'administration de la justice afin
d'influer sur le dénouement judiciaire du litige166(*). La loi modificative quant
à elle n'intervient pas forcément dans le cours d'un
procès mais elle a pour finalité d'adapter un état de
droit à une « situation » donnée, et en
complétant la loi ancienne, elle apporte des éléments
nouveaux (pas forcément des précisions) quant à un domaine
précis devant régir le droit positif. De plus, la loi
interprétative a un effet rétroactif alors que la loi
modificative n'est pas rétroactive (à moins que le
législateur n'en décide autrement, ce qui lui donnera le
caractère d'une loi simplement rétroactive pouvant être
attaquée pour inconstitutionnalité).
Ainsi, la loi modificative règle une situation de droit
que le législateur juge inadaptable aux situations en cours, ou tout au
moins complète ce qui existait déjà, alors que la loi
interprétative vise à régler une controverse
jurisprudentielle167(*)
liée à un problème d'interprétation.
B- Distinction loi interprétative et loi de
validation
La loi interprétative et la loi de validation
constituent des interventions du pouvoir législatif dans
l'administration de la justice afin d'influencer sur le dénouement des
litiges168(*).On a
toujours tendance à confondre les lois interprétatives et les
lois de validation. Certains auteurs les assimilent et leur reconnait un
même régime juridique169(*). Même s'il est vrai que ces deux techniques
ont un caractère rétroactif, et interviennent dans un
procès en cours, elles ne doivent pas être confondues.
La confusion tient parfois au fait que le législateur
peut faire passer facilement une loi de validation pour une loi
interprétative, on pourrait donc penser qu'il n'y a entre les deux
qu'une différence de degré mais ce serait oublier que la loi
interprétative est possible en droit pénal puisqu'elle n'est pas
censée modifier le texte original170(*). La loi de validation et la loi
interprétative s'apparentent parce qu'elles tendent à influencer
le juge ; mais les deux techniques sont distinctes aussi bien au niveau de
leur objet (1) qu'au niveau de leur contenu
(2).
1- Une différence d'objet
Comme nous l'avons mentionné dans le chapitre
précédent, en dehors des matières concernées,
l'objet même des validations législatives s'est également
diversifié : portant traditionnellement sur des actes administratifs, la
validation peut également concerner des procédures ou encore des
actes relevant des relations de droit privé, y compris en matière
contractuelle171(*).
L'objet de la loi de validation est principalement l'acte administratif, et de
plus en plus les contrats, même ceux passés entre personnes
privées172(*).
Par contre, l'objet de la loi interprétative ne saurait être un
acte administratif, mais bel et bien une loi173(*), antérieure, dont l'application dans des
procès a suscité de multiples interprétations qui ont
occasionné des controverses poussant ainsi le législateur
à intervenir. La loi de validation valide une irrégularité
dont un acte administratif fait l'objet, celui-ci étant susceptible
d'être annulé par le juge administratif, la loi
interprétative clarifie le sens d'une loi antérieure
obscure : on note de ce fait une différence d'objet.
La loi de validation a une portée
« correctrice », car elle corrige les erreurs commises par
l'Administration ; la loi interprétative a une portée
explicative, car elle tend à apporter des précisions sur ce qui
est ou ce qui a toujours été. Etant donné que la loi de
validation ne peut être possible en droit pénal174(*), cela constitue une
dissemblance fondamentale avec la loi interprétative.
A côté de la différence d'objet, la
différence de contenu est tout aussi palpable.
2- Une différence de contenu
Tandis que la loi interprétative se borne à
apporter des précisions quant à l'éclaircissement d'une
loi antérieure, sans rien innover ou sans donner toute autre
justification, la loi de validation, quant à elle, tend à
apporter des correctifs à l'action administrative. Le contenu de la loi
interprétative montre que celle-ci n'a pas vocation d'édicter des
normes nouvelles, sauf à expliquer. La loi de validation peut avoir un
contenu variable selon le type de validation envisagée par le
législateur. Ainsi, par exemple, lorsque le législateur prend une
validation par habilitation, il confère juste à l'autorité
administrative une autorisation expresse de prendre certaines mesures,
autorisant cette dernière à procéder à une
réfection rétroactive d'un acte administratif annulé par
le juge175(*). Il n'en
est pas de même pour les validations par substitution176(*), les validations par
ratification177(*), ou
lorsque le législateur prend une validation dite stricto sensu,
qui apparaît comme l'exemple-type des validations
législatives ; le législateur modifie le régime
contentieux de l'acte incriminé, et relève l'acte de son
illégalité178(*). Mais l'exigence de la précision de la
validation par le législateur oblige ce dernier à être
assez explicite quant au contenu d'une loi de validation. Cette même
exigence demeure également pour les lois interprétatives dont le
contenu ne doit en aucun cas aller au-delà de la simple explication du
texte controversé.
Ainsi, toute équivoque est levée quant à
la confusion loi interprétative et loi modificative d'une part et
d'autre part loi interprétative et loi de validation. Malgré les
éléments qui les unissent, cela ne peut en aucun cas
entraîner des confusions tant au niveau de leur nature qu'au niveau des
règles qui leur sont applicables.
Paragraphe 2 : Les caractères des lois
interprétatives
La loi interprétative, comme la loi de validation, a un
statut à part, et en tant que tel, elle présente des
caractères particuliers qui sont liés moins à sa nature
qui, comme on le sait, est bel et bien une loi179(*), qu'à sa
finalité. Ainsi, prise pour « redresser
l'interprétation faite de la loi par la jurisprudence qui ne serait
pas conforme à l'intention du législateur »180(*) et tendant à
briser une interprétation jurisprudentielle, la loi
interprétative intervient directement dans les litiges en cours. Il
convient de préciser que la loi interprétative est classée
parmi les lois rétroactives, c'est-à-dire celles qui s'appliquent
aux situations antérieures à leur entrée en vigueur. La
rétroactivité est donc ce qui caractérise la loi
interprétative (A), associée à un autre
caractère qui est l'application immédiate (B).
A- La rétroactivité des lois
interprétatives
Une loi est rétroactive lorsqu'elle s'applique à
des situations juridiques constituées avant son entrée en
vigueur, ainsi qu'aux effets passés de cette situation. Par
définition, la loi interprétative a pour objet de clarifier le
sens d'une loi antérieure obscure et, en tant que telle, elle fait corps
avec la loi qu'elle interprète et entre en vigueur en même temps
qu'elle. C'est ce qui justifie sa rétroactivité. Mais cette
rétroactivité n'est pas de mise puisqu'elle suscite des
polémiques quant à la nécessité du recours aux lois
interprétatives. Elle est donc présumée
(1), puisqu'elle constitue une exception au principe de la non
rétroactivité des lois (2).
1- La présomption de la
rétroactivité des lois interprétatives
La loi interprétative est
présumée181(*) rétroactive dans la mesure où son
entrée en vigueur remonte à celle de la loi
interprétée. En outre, elle règle une difficulté
née de l'application de cette dernière. En résolvant ce
problème d'interprétation, la loi interprétative est
censée faire partie intégrante de la loi
interprétée depuis son adoption, car elle intervient pour dire ce
qui a toujours été ou qui aurait dû être,
« en dépit des malencontreuses interprétations
contraires qui auraient pu intervenir entre temps »182(*). En principe, la loi
interprétative serait par essence même
rétroactive183(*), mais la détermination de ce caractère
rétroactif pose des difficultés : une loi
interprétative est-elle d'emblée rétroactive même
lorsque le législateur lui-même ne l'a pas expressément
qualifié comme telle?
Cette interrogation revêt une importance capitale,
d'autant plus qu'elle porte sur les hypothèses dans lesquelles le
législateur n'a pas expressément qualifié la loi
d'interprétative (lui conférant ainsi une nature
rétroactive)184(*). Dans la mesure où rien n'oblige le
législateur à qualifier une loi d'interprétative, le
problème ne saurait se poser lorsque la qualification découle
d'une disposition législative expresse. A défaut d'une telle
disposition, il revient donc en dernier lieu au juge de déterminer si la
loi en question crée des dispositions nouvelles, auquel cas elle ne
produira d'effet juridique qu'un jour après sa publication185(*), ou si elle ne fait que
régler une controverse née de la loi précédente
auquel cas elle sera qualifiée de loi interprétative186(*). La qualification de la
nature interprétative d'une loi, voire de son caractère
rétroactif, incombe donc au juge lorsque le législateur l'a
volontairement ou non omis. Le juge présume que la loi est
interprétative et par ricochet rétroactive ; cette
présomption peut avoir l'avantage d'éviter d'autres controverses
qui pousseront encore le législateur à intervenir.
Ainsi présumée, la loi interprétative
constitue donc une exception au principe de la non-rétroactivité
des lois.
2- L'exception au principe de la
non-rétroactivité des lois
L'article 2 du code civil pose comme principe que
« la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a point d'effet
rétroactif ». Cette disposition est
entérinée dans le préambule de la Constitution
camerounaise du 18 janvier 1996187(*). Le principe de la non-rétroactivité
protège le citoyen contre la loi. En son absence la loi pourrait
remettre en question les actes passés. On ne peut exiger des citoyens
l'obéissance à une règle qu'ils ne pouvaient pas
connaître puisqu'elle n'existait pas. C'est un principe dit de
sécurité juridique. Alors que la tendance du droit contemporain
est de faire reculer, en les encadrant, les diverses hypothèses de
rétroactivité du droit - de la loi voire de la jurisprudence -,
la loi interprétative conserve un statut à part, qui semble la
mettre à l'abri d'une telle défiance188(*). C'est que là
où la rétroactivité semble constituer une atteinte
à la sécurité juridique, la loi interprétative est
censée en être un véhicule privilégié
favorisant l'application du « droit préexistant »
tout en ayant pour finalité de mettre un terme aux incertitudes et aux
controverses sur le sens d'une règle189(*). Ainsi une loi n'est interprétative si elle
n'est rétroactive. En outre, et comme nous l'avons déjà
précisé, le fait pour une loi interprétative d'avoir un
caractère recognitif montre que celle-ci ne doit en aucun cas constituer
une rupture, elle sera le gage d'une continuité190(*).
Reconnaître le caractère rétroactif des
lois interprétatives revient à lui conférer un statut
à part191(*). La
doctrine majoritaire n'a jamais remis en cause la rétroactivité
reconnue aux lois interprétatives sauf dans les hypothèses
où ces lois créent des dispositions nouvelles, auquel cas la
rétroactivité constituerait une atteinte à la
sécurité juridique.
Bien qu'étant considéré en France comme
n'ayant qu'une simple valeur législative pouvant être
abrogée ou modifiée par une autre loi, la
non-rétroactivité des lois a une valeur constitutionnelle au
Cameroun, consacrée dans le préambule de la Constitution, qui ne
trouve en principe une exception qu'en matière pénale (lois
pénales plus douces) et dont le législateur doit s'y soumettre.
Le caractère rétroactif des lois interprétatives pourrait
donc constituer une inconstitutionnalité en droit camerounais ;
mais la nécessité pour le législateur de résoudre
une difficulté liée à l'interprétation d'une norme
dans le but de préserver la sécurité juridique peut
justifier voire tolérer le recours aux lois interprétatives.
La rétroactivité ne doit pas être
confondue à l'application immédiate d'une loi qui est un autre
caractère des lois interprétatives.
B- L'application immédiate aux instances en
cours des lois interprétatives
L'on a le plus souvent tendance à confondre l'effet
immédiat d'une loi et son caractère rétroactif. Par
l'effet rétroactif, la loi nouvelle192(*) modifierait ou interpréterait une situation
établie sous l'empire d'une loi ancienne, en supprimant par exemple les
effets des actes déjà accomplis. La loi régit les
situations antérieures à son entrée en vigueur. Par
contre, la loi nouvelle, qui entre en vigueur, s'applique aux faits et actes
postérieurs à sa publication. C'est l'effet immédiat de la
loi nouvelle. L'application immédiate de la loi nouvelle signifie donc
que la loi ancienne continue à être appliquer aux actes
passés sous son autorité et la loi nouvelle régit les
situations en cours et actes passés postérieurement à son
entrée en vigueur. Ce qui résous le problème du conflit
des lois dans le temps.
En principe, la loi nouvelle est automatiquement applicable
aux situations en cours et marque une coupure dans le temps. Le passé
demeure régi par la loi ancienne, l'avenir par la loi nouvelle. Les lois
interprétatives font exception à ce principe puisqu'elles ne
constituent pas des lois nouvelles. L'application immédiate est ainsi un
caractère de la loi interprétative, lorsque le législateur
l'a précisé (1). Mais son application pose des
difficultés puisqu'elle intervient dans les instances en cours, selon
que le législateur n'a pas expressément précisé que
la loi a un effet immédiat (2).
1- La précision expresse par le
législateur de l'application immédiate de la loi
interprétative
Cela ne pose pas de difficulté à proprement
parler, puisque du moment où le législateur a expressément
prévu qu'une loi interprétative est d'application
immédiate, le juge se contente de s'y conformer et de l'appliquer. Par
ailleurs, des débats sont nés sur le point de savoir si, en
présence d'une loi interprétative par détermination de la
loi193(*), le juge avait
la faculté de remettre en cause la qualification législative pour
refuser ensuite l'application du texte.
Certains auteurs estiment que le juge pourrait fort bien
refuser de prêter tout effet immédiat à la loi, tandis que
d'autres faisaient valoir que lorsque la loi est
« véritablement »194(*) interprétative,
son application immédiate ne saurait être discutée.
L'application immédiate apparaît alors comme l'essence même
des lois interprétatives, lorsque le législateur l'a
expressément précisé. Du moment où l'application
immédiate sous-entend que la loi s'applique aux instances en cours, cela
a également suscité des controverses au niveau de la doctrine,
car, en s'appliquant aux instances en cours, la loi interprétative
constitue une immixtion flagrante du législateur dans l'administration
de la justice195(*).
Mais au regard du but visé par cette loi196(*), son application aux
procès en cours reste primordiale, même lorsque le
législateur n'a rien dit.
La précision expresse de l'application immédiate
de la loi interprétative n'est pas une condition imposée au
législateur, il est libre d'en faire la précision. La situation
est donc différente lorsque celui-ci n'en a fait aucune
précision.
2- En cas d'absence de précision sur l'effet
immédiat de la loi interprétative
La question de la justification de l'application
immédiate ne vaut que lorsque le législateur lui-même ne
précise pas expressément que la loi interprétative
s'appliquera immédiatement aux instances en cours. Dans ce cas, le juge
doit faire recours aux dispositions transitoires pour déterminer si la
loi est applicable aux situations en cours ou pas197(*). Souvent, les lois nouvelles
comportent, à l'heure actuelle, des dispositions transitoires,
auxquelles il convient de se référer. Une disposition transitoire
peut être définie comme une règle ou une prescription
énoncée dans un texte juridique, et dont le but est de
règlementer les situations pendantes pour l'avenir du moment où
certaines dispositions de la loi nouvelle ne seront pas applicables
immédiatement pour quelles que raisons que ce soient. Dans ce cas, le
législateur peut décider que la loi ancienne continue à
s'appliquer totalement ou partiellement, tandis que la loi nouvelle ne pourra
soit ne pas s'appliquer immédiatement, soit ne s'appliquer que
partiellement. Le juge, sans avoir à qualifier la loi, devra donc
respecter les dispositions transitoires.
Une autre hypothèse est celle selon laquelle le
législateur a procédé à la qualification de la loi,
mais sans toutefois tirer les conséquences quant à l'application
du nouveau texte dans le temps198(*). En ce cas, si le juge choisit de l'appliquer
immédiatement, c'est bien parce que la loi interprétative, par
essence même, commanderait cette solution.
En somme, l'effet rétroactif et l'effet immédiat
caractérisent la loi interprétative. Mais il convient de
constater qu'au Cameroun, contrairement à la France où le
principe de la non-rétroactivité n'a qu'une simple valeur de loi,
ce principe a une valeur constitutionnelle ; et de ce fait, le
législateur est tenu de bien motiver son recours aux lois
interprétatives, sinon elle sera inconstitutionnelle. Il est vrai que ce
dernier n'a pas besoin de motiver son recours, car, on le sait, la loi
interprétative a un statut particulier du fait qu'elle n'est pas une loi
autonome, elle vient simplement corriger, voire rectifier des incertitudes
nées dans l'application d'un texte initial et en est donc une partie
intégrante. Ainsi, afin d'éviter que le législateur ne
sorte de ce cadre et n'édicte des lois nouvelles sous la qualification
de loi interprétative, celle-ci est soumise à un régime
juridique tout aussi particulier qui justifie une fois de plus son statut
à part.
SECTION 2 : LE REGIME JURIDIQUE APPLICABLE AUX
TEXTES INTERPRETATIFS
Une lecture soucieuse de la séparation des pouvoirs, de
la Constitution - puisque la loi interprétative peut constituer une
immixtion du législateur dans le champ de la justice (administrative) -,
montre que le caractère rétroactif de cette loi fait
problème199(*).
C'est la raison pour laquelle, dans le but d'encadrer ces lois afin
d'éviter tout risque d'abus de la part du législateur, la
doctrine, complétée par la jurisprudence, a élaboré
un régime juridique applicable aux lois interprétatives. Ainsi,
pour que le législateur édicte une loi interprétative, ou
pour qu'une loi soit qualifiée d'interprétative, un certain
nombre de conditions doit être remplie (paragraphe 1).
Ces conditions ne sont pas sans effet (paragraphe 2), au
regard du caractère particulier (rétroactif) que ces lois
présentent.
Comme nous l'avons déjà dit dans nos propos
introduisant ce chapitre, les lois interprétatives sont rares en droit
administratif. Le régime juridique est donc l'oeuvre de la doctrine
privatiste suivie par la jurisprudence civile et pénale. En droit
camerounais, tant le juge administratif que le juge judiciaire n'ont pas une
position établie quant à ce qui concerne le régime des
lois interprétatives. Nous emprunterons donc au droit français et
dans une certaine mesure au droit communautaire européen pour esquisser
une réflexion afin de cerner le régime des textes
interprétatifs. Nous essayerons tant bien que mal, et autant que faire
se peut d'illustrer au besoin, afin de ne pas rester cantonné dans la
théorie.
Paragraphe 1 : Les formalités exigées au
législateur dans l'édiction d'une loi interprétative
« [...] Pour qu'une loi soit vraiment
interprétative, il faut qu'il ait eu matière à
interprétation, qu'il ait eu une controverse à résoudre
(que les tribunaux auraient pu résoudre par leurs propres moyens quoique
plus péniblement, si la loi n'était pas intervenue)
[...]200(*). Il
convient de préciser qu'à ces conditions retenues par le
Professeur CARBONNIER, d'autres élaborées par la jurisprudence
constitutionnelle viennent s'y ajouter. Par ailleurs, afin d'avoir une vue
panoramique, nous prendrons en compte celles retenues par le juge communautaire
européen c'est-à-dire la Cour européenne des droits de
l'Homme (CEDH) pour encadrer minutieusement les lois interprétatives.
Nous classerons donc celles-ci en formalités liées à
l'interprétation proprement dite (A), et en
formalités relatives au caractère rétroactif des lois
interprétatives (B).
A- Les formalités relatives à
l'interprétation proprement dite
Nous retenons avec le Professeur CARBONNIER que, pour qu'une
loi soit vraiment201(*)
interprétative, il faut qu'il ait eu matière à
interprétation (1), qu'il ait eu une controverse
à résoudre (2). A ces deux conditions, la Cour
de cassation française en a retenu une autre lorsqu'elle affirme
qu' « une loi ne peut être considérée
comme interprétative qu'autant qu'elle se borne à reconnaitre
sans rien innover un état de droit préexistant qu'une
définition imparfaite a rendu susceptible de
controverse »202(*) : c'est la dénégation du
caractère créateur de la loi interprétative
(3).
1- L'exigence d'une matière à
interpréter
L'exigence d'une matière à interpréter
est la première condition sans laquelle une loi ne peut être
considérée comme interprétative. Dans la mesure où
le législateur n'est censé prendre une loi interprétative
que lorsqu'une loi antérieure pose un problème
d'interprétation, il ne saurait interpréter une loi qui ne pose
aucune difficulté d'interprétation. De plus, et c'est très
fondamental, le fondement de l'interprétation du législateur est
une loi ; cela veut tout simplement dire que l'interprétation ne
peut pas porter sur une fiction ou sur un acte autre que
législatif203(*),
le texte doit exister, ne pas être abrogé, ni caduc, car le
législateur ne peut interpréter une loi abrogée ou
caduque. Ainsi, l'équivalence des formes exige qu'on ne puisse concevoir
l'interprétation authentique sans équivalence entre le texte
originaire et celui qui l'interprète.
2- L'exigence d'une controverse à
résoudre
L'exigence d'une controverse à résoudre
apparaît comme le corollaire de la première. L'exigence d'une
controverse à résoudre est fondamentale dans la mesure où
la finalité d'une loi interprétative serait de mettre un terme
aux incertitudes et aux controverses sur le sens d'une règle204(*). L'existence des
controverses peut donc justifier l'intervention du législateur.
L'interprétation jurisprudentielle n'est jamais une mais multiple et
diversifiée, car elle répond à une pluralité de
buts et de nécessités205(*), qui ne sont pas toujours ceux qui ont
motivés le législateur ou ceux visés par lui. C'est face
à ces multiples interprétations, qui pour le moins sont
éparses, que le législateur se trouve obligé d'intervenir
pour pallier à ces égarements jurisprudentiels, afin de donner un
sens précis et définitif à une règle. L'exigence de
la controverse à résoudre trouve donc son intérêt
à ce niveau puisqu'une interprétation ne peut créer une
controverse mais plusieurs interprétations divergentes. Cette condition
a été posée afin d'éviter que le législateur
ne trouve un prétexte pour s'immiscer continuellement dans le jugement
des affaires pour justifier cela par une interprétation douteuse de la
part du juge.
3- La dénégation du rôle
créateur de la loi interprétative
En posant qu' « une loi ne peut être
considérée comme interprétative qu'autant qu'elle se borne
à reconnaître sans rien innover un état de droit
préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de
controverse », la jurisprudence établit une nouvelle
condition liée à l'interprétation. Au regard de cette
exigence jurisprudentielle, la loi interprétative est privée de
toute portée créatrice206(*) : elle se « borne à
reconnaître sans rien innover ». Humilité
évidente prêtée à la loi interprétative,
dénuée de toute velléité modificatrice. C'est la
raison pour laquelle, « le texte étant
interprétatif est applicable aux instances en
cours »207(*). Précisément, les termes
employés par la jurisprudence, qui semblent issus de la théorie
des conflits de lois dans le temps, reposent sur une dénégation
du caractère créateur de la loi interprétative. En venant
conforter le droit préexistant, elle ne ferait que déclarer un
état de droit déjà positif. Du moment où la loi
interprétative n'a aucunement vocation à modifier le droit
applicable, elle présente à cet effet un caractère
recognitif208(*).
B- Les formalités relatives au caractère
rétroactif des lois interprétatives
Tout en sanctionnant l'immixtion du législateur dans la
fonction des juges, le Conseil constitutionnel français lui
reconnaît le pouvoir d'adopter des lois interprétatives, mais
à la condition que ces lois répondent à des motifs
d'intérêt général suffisants, et respectent par
ailleurs le principe de l'autorité de la chose jugée. Il a de ce
fait posé une règle générale valable pour toutes
les hypothèses de rétroactivité : « que
le principe de la rétroactivité des lois n'a valeur
constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits
de l'Homme et du citoyen qu'en matière répressive ; que si
dans les autres matières, le législateur a la faculté
d'adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu'en
considération d'un motif d'intérêt général
suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales
des exigences constitutionnelles »209(*). Au regard de cette prescription, la
considération d'un motif d'intérêt général
suffisant (1), le respect du principe de l'autorité de
la chose jugée (2) et le respect des normes
supérieurs (3) seront exigés au
législateur.
1- La prise en compte d'un motif
d'intérêt général suffisant
La détermination de l'intérêt
général par le législateur est-elle libre? Existe-t-il une
nécessaire et présumée conformité de la loi
à l'intérêt général? Quelle peut être
l'étendue du contrôle du juge constitutionnel en la
matière? La promotion d'intérêts catégoriels ou la
reconnaissance de droits spécifiques à des groupes peuvent-elles
répondre à la détermination de l'intérêt
général ou manifestent-elles au contraire un démembrement,
voire une négation de celui-ci? Toutes ces questions montrent la
nécessité pour le législateur de prendre en
considération l'intérêt général lorsque
celui-ci est appelé à interpréter une loi.
Dans la tradition juridique camerounaise, « la loi
est l'expression de la volonté générale »210(*). Il appartient au
législateur d'exprimer cette volonté qui ne peut qu'être
conforme à l'intérêt général. Plus
exactement, volonté générale et intérêt
général ne font qu'un. Il s'en déduit que la
détermination de l'intérêt général est
entièrement libre et que toute loi, par le seul fait qu'elle est le
produit d'une « volonté générale
démocratiquement constatée », est
présumée d'intérêt général.
Cette présomption longtemps irréfragable peut
désormais être renversée : le passage de « l'Etat
légal à l'Etat de droit » que manifeste l'existence
d'un contrôle de constitutionnalité permet ce renversement, depuis
que le Conseil constitutionnel français a affirmé l'existence
d'un contrôle effectif de la constitutionnalité des lois,
« la loi n'exprime la volonté générale que dans
le respect de la Constitution »211(*). Si l'on soutient le parallélisme
initial entre intérêt et volonté, on pourrait dire,
parodiant le Conseil, que la loi ne détermine l'intérêt
général que dans le respect de la Constitution. C'est la raison
pour laquelle le législateur, par respect de la Constitution, devrait se
plier à cette exigence.
Mais l'appréciation de l'intérêt
général pose toujours des difficultés, dans la mesure
où elle est réduite, ce d'autant plus que l'appréciation
de cet intérêt général faite par le juge ne peut
être identique à celle du législateur. Car cela reviendra
à transformer le juge (surtout constitutionnel) en juge de
l'opportunité, ce qui l'exposerait à la critique212(*). Le contrôle du juge
constitutionnel ne peut qu'être minimal. C'est un contrôle de
l'erreur manifeste. Le juge de l'application de la loi est-il légitime
à contrôler la réalité de l'intérêt
général poursuivi par le législateur?
Dans la théorie de la séparation des pouvoirs,
le juge ordinaire doit appliquer la loi. Il le fait en évitant les deux
écueils majeurs que rappelle le Code civil en ses articles 4 et 5 :
l'arrêt de règlement d'un côté, le déni de
justice de l'autre. Pour appliquer la loi, le juge ordinaire doit être en
mesure de l'interpréter, ce qui lui laisse une marge
d'appréciation essentiellement limitée par l'objectif premier qui
lui est assigné : l'application. D'ailleurs, le juge ordinaire s'est
toujours refusé à contrôler la constitutionnalité
des lois213(*). A
priori, il n'appartient donc pas au juge de contrôler l'existence ou la
réalité de l'intérêt général
invoqué par le législateur. Cela reviendrait à faire de
lui un juge de 1'opportunité des lois votées par le Parlement.
Ainsi, le législateur doit prendre en compte l'intérêt
général lorsqu'il édicte une loi
interprétative ; en outre, on pourrait également estimer que
l'interprétation faite par le législateur, afin d'éviter
des controverses peut constituer un intérêt
général.
2-Le respect du principe de l'autorité de la
chose jugée
L'application d'une loi interprétative ne peut
cependant passer outre l'
autorité
de la chose jugée. On pourrait penser que la
rétroactivité reconnue aux lois interprétatives les
exempte du respect de l'autorité de la chose jugée. Il n'en est
rien. Du moment où la loi interprétative s'applique aux
procès en cours, le législateur doit respecter les exigences du
principe de la séparation des pouvoirs, ce qui veut dire, qu'il doit
s'abstenir de faire obstacle à l'exécution des actes
annulés par les décisions juridictionnelles
« passées en force de chose jugée ».
Ainsi, toutes les décisions devenues définitives ne peuvent plus
être perturbées par une loi interprétative
postérieure à la décision du juge. Tout comme pour les
lois de validation, les lois interprétatives sont également
soumises à cette exigence. En application de ce principe, le Conseil
constitutionnel français a décidé « qu'il
n'appartient ni au législateur, ni au gouvernement de censurer les
décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des
injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges
relevant de leurs compétences »214(*). Le législateur
est donc tenu d'éviter de faire mention du fait que la loi
interprétative s'appliquera aussi aux décisions de justice
revêtant l'autorité de la chose jugée. Il peut
décider comme nous l'avons déjà dit que la loi
interprétative s'appliquera aux instances en cours215(*), mais il ne peut
décider qu'elle s'appliquera aux décisions définitives
sans toutefois porter atteinte à un principe constitutionnellement
reconnu : l'indépendance de la justice.
Ainsi, il n'est pas interdit au législateur d'adopter
des mesures interprétatives, mais à la condition que ces mesures
respectent par ailleurs le principe de l'autorité de la chose
jugée216(*), car
l'interprétation qu'il fait d'une loi antérieure ne signifie pas
que l'effet rétroactif qui lui est reconnu s'appliquera aux situations
déjà jugées, mais plutôt à la loi qu'elle
interprète.
3-L'obligation de ne pas priver de garanties
légales des exigences constitutionnelles
Le législateur est également tenu de respecter
les exigences constitutionnelles et de les garantir légalement. Cela
veut dire que ce dernier ne doit pas, si la Constitution renvoie la mise en
application d'une exigence constitutionnelle à la loi, priver ces
exigences de garanties légales. Il ne doit pas donc passer outre les
exigences constitutionnelles.
Paragraphe 2 : L'impact ou les effets des lois
interprétatives
A cause de son statut à part dû à son
caractère rétroactif, la loi interprétative produit des
effets particuliers par rapport aux lois ordinaires, étant donné
qu'elle influence non seulement le juge (A) dans sa
compétence d'interprétation, mais également le cours du ou
des procès (B), lorsque la loi
interprétée faisait l'objet d'une application dans un ou dans
plusieurs litiges dont les juges étaient appelés à
connaître.
A- Les effets des lois interprétatives à
l'égard du juge
Comme on le sait, le rôle d'interprétation
revient normalement au juge, particulièrement en tant que
« gardien du droit », à l'occasion d'un litige qui
peut lui être soumis. Rien n'empêche cependant le
législateur de mieux affirmer sa volonté. C'est donc la raison
pour laquelle, lorsque ce dernier interprète, le juge est tenu de s'y
conformer217(*), et il
ne peut plus donner une nouvelle interprétation au texte qu'il est
censé appliquer, car l'interprétation du législateur est
réputée de ce fait authentique218(*).
1- Le respect par le juge de
l'interprétation faite par le législateur
Dans la mesure où la loi interprétative
apparaît comme un mode de réparation, qui officiellement
reconnaît l'interprétation comme relevant du judiciaire219(*), le législateur peut
toujours se substituer au juge pour interpréter lui-même la loi de
façon substantielle220(*). C'est la raison pour laquelle, en tant qu'auteur
d'une loi, le législateur est tenu de l'interpréter, et le juge
doit s'y conformer et orienter sa décision dans le sens de
l'interprétation faite par le législateur, même s'il avait
déjà au préalable donné une interprétation
au texte. Cela se justifie par le fait que le principe de la séparation
des pouvoirs confie une tâche précise à chaque
pouvoir : le législateur édicte les normes, le juge les
interprète et les applique aux litiges qui lui sont soumis. Mais
lorsqu'un problème d'interprétation se pose221(*), le législateur, en
tant qu'auteur de la norme peut se substituer au juge. Certains auteurs se sont
posé la question de savoir si le juge était tenu de se plier
à l'interprétation faite par le législateur. La
réponse à cette question se trouve dans les articles 4 et 5 du
code civil de 1804 applicable au Cameroun. En effet, l'article 4 dispose que
« le juge qui refusera de juger, sous prétexte de silence,
de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être
poursuivi de déni de justice ». L'article 5 ajoute
qu' « il est défendu aux juges de se prononcer par
voie générale et règlementaire sur les causes qui lui sont
soumises ».
Subséquemment, le principe de la séparation des
pouvoirs, bien que prônant une égalité entre les pouvoirs,
ne devrait pas perdre de vue qu'il existe une certaine hiérarchie entre
les pouvoirs (surtout entre le législatif et le judiciaire),
c'est-à-dire que le juge a obligation d'appliquer un texte
édicté par le législateur. Le juge ne devrait pas
justifier sa position222(*) par le fait que l'interprétation des textes
ressortit de sa compétence, car comme on l'a si bien dit, rien
n'interdit au législateur d'interpréter son propre texte, car
cette interprétation est réputée authentique223(*).
2- La question du caractère rétroactif
des revirements de jurisprudence liés à une loi
interprétative
Prêter un effet déclaratif à la loi
interprétative, croire qu'elle reconnaît le droit
préexistant sans opérer de rupture ou introduire de modification,
c'est, pour faire bref, nier l'existence même d'une jurisprudence source
de droit224(*). S'il y a
eu loi interprétative, c'est évidemment parce que
l'interprétation précédemment retenue ne satisfaisait pas
le législateur. La loi interprétative vient toujours faire
échec à une interprétation prétorienne : elle
n'est précisément rien d'autre « qu'un changement
de jurisprudence d'origine législative »225(*). En première
intention, c'est la solution du juge qu'il s'agit de mettre en mal.
« La loi interprétative prétend opérer
revirement de jurisprudence à droit constant »226(*).
En tant que tel, le problème du caractère
rétroactif des revirements de jurisprudence se pose en ces termes :
quels effets peuvent entraîner une reconnaissance du caractère
rétroactif des revirements de jurisprudence? Si l'on admet que les
revirements jurisprudentiels doivent avoir un effet rétroactif, ce sera
porté atteinte aux droits acquis des justiciables reconnus par les
décisions antérieures passées en force de choses
jugées, et pour reprendre l'expression du Professeur MOLFESSIS, un
revirement de jurisprudence à effet rétroactif produit des effets
pervers227(*). Il reste
qu'en toute hypothèse, un revirement de jurisprudence ne peut avoir lieu
à droit constant : il est toujours une rupture avec le droit
ancien, un droit ancien controversé et discuté certes, mais un
droit désormais modifié228(*).
C'est la raison pour laquelle l'application aux instances en
cours d'une loi interprétative consiste à lui conférer un
effet rétroactif. C'est d'ailleurs, depuis bien longtemps, l'opinion de
la très grande majorité de la doctrine. L'idée s'est
progressivement affirmée en même temps que l'on reconnaissait
à la jurisprudence un pouvoir créateur. Mais croire en la
rétroactivité des lois interprétatives, c'est-a-dire
croire qu'une solution nouvelle va s'imposer pour le passé, suppose
qu'une règle distincte avait été antérieurement
consacrée par la jurisprudence. Sous cet aspect, la loi
interprétative peut bien avoir pour finalité de restaurer la
signification méconnue ou controversée de la loi première,
elle constituera tout de même une rupture avec la solution
immédiatement applicable. Si elle n'est pas créatrice - en quoi
elle mérite bien d'être qualifiée de loi
interprétative -, c'est uniquement au regard du corpus législatif
existant. Ce qu'elle déclare, c'est le sens de la loi, mais pas le
« droit préexistant », comme l'affirme la Cour de
cassation dans une formule qui réduit le droit a la loi229(*).
Or, une telle conception - réaliste - devrait conduire
à remettre en question l'application automatique des lois
interprétatives aux instances en cours, c'est-a-dire pour le cas
où le législateur n'a fixé aucune règle de droit
transitoire. La doctrine s'est pourtant toujours refusé à
l'admettre230(*).
B- Les effets des lois interprétatives sur le
cours du procès
C'est ici que les lois interprétatives produisent des
effets considérables. Comme on l'a dit, l'une des principales
caractéristiques des lois interprétatives est qu'elles sont
d'application immédiate, cela veut dire que tous les procès qui
n'ont pas été définitivement jugés sur le fondement
de la loi interprétée se trouvent ainsi réorientés
dans le sens de la loi interprétative. Elle est donc d'application
immédiate aux instances en cours (1), ce qui influence
la décision que le juge est appelé à prendre
(2).
1- L'application immédiate aux instances en
cours231(*)
La loi interprétative a pour vocation de s'appliquer
aux instances en cours à son entrée en vigueur232(*). Cet effet d'application
immédiate trouve sa justification dans le fait le législateur, en
interprétant une loi, tient à éviter dans l'avenir
d'autres inconvénients liés à une interprétation
jurisprudentielle. L'effet immédiat se justifie également par le
fait qu'en présence d'une interprétation authentique faite par le
législateur, le juge ne peut plus interpréter le texte dans un
sens différent de celui du législateur233(*).
L'application immédiate ayant déjà fait
l'objet d'une analyse plus haut, nous ne nous attarderons plus
là-dessus. La loi interprétative influence en fin de compte la
décision du juge.
2- L'influence sur la décision du
juge
Du moment où la loi interprétative s'applique
immédiatement au procès en cours, il est évident qu'elle
influencera la décision que le juge est appelé à prendre.
Ce dernier étant tenu de se conformer à l'interprétation
réputée authentique du législateur, une autre
interprétation de sa part constituerait une immixtion dans le domaine du
législateur234(*), ce d'autant plus que la loi interprétative
est censée avoir donné toutes les précisions
nécessaires à l'esprit du texte. Le juge est de ce fait tenu de
prendre une décision qui ira dans le sens de l'interprétation
donnée par le législateur. C'est en cela que la loi
interprétative est considérée comme « une
ingérence du pouvoir législatif dans l'administration de la
justice afin d'influer sur le dénouement judiciaire des
litiges »235(*).
CONCLUSION DU CHAPITRE II
Au demeurant, le recours aux lois interprétatives
apparaît comme une nécessité inhérente à
l'Etat de droit, dans la mesure où, premièrement elles permettent
de résoudre des difficultés liées à
l'interprétation jurisprudentielle d'un texte de loi en apportant des
précisions sans lesquelles on se retrouverait dans une situation
inextricable ; deuxièmement, elles reconnaissent
l'interprétation comme relevant du judiciaire236(*). Cette pratique peut
être considérée comme compatible avec l'Etat de droit, et
cela se justifie par le fait que, dans le cadre des lois
interprétatives, seul le législateur peut intervenir pour lever
l'équivoque sur la mauvaise interprétation d'une loi par les
juges, le juge constitutionnel ne s'étant pas encore reconnu cette
compétence d'interprète authentique de la loi. Le juge
constitutionnel (français)237(*) a lui-même reconnu cette
« compétence » au législateur sous certaines
conditions. Reste donc à ce que le législateur ne se hisse pas en
bourreau du juge toutes les fois qu'il jugera opportun pour intervenir au nom
d'une loi interprétative pour influer sur le dénouement d'un
litige, ce qui appellera à un contrôle plus stricte de la part du
juge constitutionnel.
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Au terme de cette analyse des interventions compatibles avec
l'Etat de droit, ce qu'il faut retenir que, contrairement à une opinion
dominante de la doctrine selon laquelle il n'est pas légitime pour le
législateur de s'ingérer dans l'administration de la justice
administrative dans le but d'influencer le cours d'un procès et par
ricochet la décision du juge, on ne saurait remettre
catégoriquement en question la nécessité pour le
législateur d'intervenir dans le cours des procès ceci dans le
but de pallier aux conséquences irréversibles qu'une
décision rendue par le juge pourrait avoir sur l'Etat de droit. C'est en
cela que ces interventions sont qualifiées de positives. Mais cela ne
veut pas dire que le juge devient une menace permanente pour l'Etat de droit,
bien au contraire. C'est juste des mesures mises sur pied pour assurer une
sécurité juridique qui se trouverait compromise. Le juge joue
ainsi un rôle prépondérant dans la garantie de l'Etat de
droit, car il est toujours, sauf opinion contraire, le meilleur garant des
droits et libertés fondamentaux et de l'Etat de droit.
Le législateur, tout comme le juge administratif
devront jouer chacun son rôle dans la consolidation de l'Etat de droit au
Cameroun. Les lois de validation et les lois interprétatives
apparaissent alors comme une solution offerte au législateur, non pas de
se dresser contre le juge administratif et de se positionner comme le
protecteur de l'Administration, mais de régler des situations
compréhensibles de droit contribuant à assurer la
stabilité juridique qui permettra aux justiciables (Administration y
compris) d'évoluer dans un environnement juridique
« sain ».
Seconde partie :
Les interventions contraires a l'etat de droit
« Si la loi a perdu une grande partie de son
prestige, cela ne tient pas seulement à la concurrence d'autres normes
auxquelles elle est subordonnée, mais aussi aux dérives qui
affectent son contenu»238(*). « Le premier mérite d'une
bonne législation serait précisément qu'aucun dommage si
léger qu'il fût ne demeurât sans réparation et aucun
grief sans juge »239(*). Au lieu d'être l'expression de la
volonté générale, et partant édictant des normes
dans l'intérêt général, la loi240(*) est devenue le sanctuaire
des déclarations dépourvues d'effet normatif réel et des
dispositions normatives qui, loin de se borner à édicter des
principes ou des règles générales de portée
véritablement normative, « bricolent » un droit au
jour le jour241(*) dont
la finalité est de favoriser des intérêts individuels, afin
de protéger une poignée (pouvoirs publics) au détriment de
l'ensemble.
Par ailleurs, le juge est celui qui subit ces
égarements du législateur, puisque ce dernier l'oblige dans
certains cas, lorsqu'il est appelé à statuer de jure
sur les faits qui lui sont soumis, à se plier à la volonté
du législateur. Dans une certaine mesure, le législateur a pris
la fâcheuse habitude de s'ingérer dans les procès
portés devant le juge administratif, lorsque les intérêts
de l'Administration sont en cause. Si les motifs d'intérêt
général justifient comme nous l'avons vu plus haut une certaine
immixtion du législateur dans le jugement de certaines affaires, ces
motifs d'intérêt général ne sont pas toujours
poursuivis par le législateur lorsqu'il édicte des lois dont
l'objectif est d'empêcher le juge administratif de statuer dans un litige
dans lequel l'Administration est partie. Cela engendre des conséquences
néfastes tant à l'égard du juge qu'à l'égard
des administrés-justiciables, et plus largement sur l'Etat de droit.
Mais, le législateur peut passer outre l'intérêt
général qui fonde chacune des normes qu'il édicte et
prendre des normes qui entravent le cours d'un procès voire la
décision du juge.
Ces immixtions injustifiées242(*) dans le domaine du juge
administratif constituent ce que nous avons appelé les interventions
contraires à l'Etat de droit. Par interventions contraires à
l'Etat de droit, il faut entendre ici les ingérences du
législateur qui ne sont pas motivées par des garanties
constitutionnelles liées au respect du principe de la séparation
des pouvoirs243(*) et
par ricochet à l'indépendance de la justice, au principe de la
prééminence du droit, au droit à un procès
équitable et à la sécurité juridique.
Quelles sont donc les interventions contraires à l'Etat
de droit ?
Les lois de validation, tout comme les lois
interprétatives sont, comme nous l'avons vu en première partie de
l'étude, perçues comme compatibles avec l'Etat de droit. Mais
certaines dérives de la part du législateur peuvent affecter ces
lois et rendre celles-ci contraires à l'Etat de droit244(*). Au regard de ces
dérives, ces lois sont généralement inconstitutionnelles.
Dans le cadre de cette partie, il conviendra pour nous d'identifier ces
interventions contraires à l'Etat de droit, au regard de l'importance
singulière que celles-ci revêtent. Il s'agit des lois
d'immunité juridictionnelle (chapitre 3) d'une part et
des lois expressément rétroactives (chapitre
4) d'autre part.
CHAPITRE 3 : LES LOIS D'IMMUNITE
JURIDICTIONNELLE
« Comment le droit peut-il s'épanouir si
le juge est lésé dans sa matière même ? Si son
domaine de compétence varie au gré des humeurs d'un autre pouvoir
(pouvoir législatif) ? »245(*) Il est admis dans
toutes les nations dotées d'un Etat moderne que « l'Etat
de droit est celui dans lequel les citoyens peuvent déférer
devant les tribunaux compétents les actes émanant du pouvoir
exécutif et même dans une certaine mesure les lois, par le biais
du recours pour excès de pouvoir »246(*). Par conséquent,
soustraire certains actes de tout contrôle par quelque juge que ce soit
ne peut donc être qu'une mesure spéciale visant une
catégorie d'actes clairement définie ou au besoin strictement
limitée247(*).
Et comme l'a écrit le Doyen Louis FAVOREU,
« aucun acte de l'exécutif ne peut logiquement se voir
reconnaître le statut juridique d'acte incontestable, car quelle que soit
l'activité qu'il exerce, l'exécutif est soumis à la loi du
moins à la Constitution »248(*). L'injusticiabilité de certains actes
émanant de l'exécutif249(*) trouve son origine dans l'idée que certains
actes des autorités administratives sont pris non pas en vertu du
pouvoir règlementaire, mais plutôt en vertu des pouvoirs de
gouvernement ; par conséquent, ils échappent à la
connaissance de toute juridiction. L'immunité juridictionnelle dont
bénéficient certains actes, la justice déniée aux
plaideurs, apparaissent évidemment choquantes au regard des principes de
l'Etat de droit250(*),
et le législateur apparaît comme l'artisan majeur, l'instigateur
de cette immunité juridictionnelle.
Concernant au départ, et beaucoup plus les actes de
gouvernement, le législateur camerounais a étendu le champ des
immunités juridictionnelles à d'autres actes émanant de
l'exécutif. Dans le cadre de ce chapitre, il sera question d'analyser le
développement des lois d'immunité juridictionnelle
(section 1) et leur impact sur l'Etat de droit
(section 2).
SECTION 1 : LE DEVELOPPEMENT DES LOIS D'IMMUNITE
JURIDICTIONNELLE
Cette pratique a une origine lointaine. En effet, depuis une
certaine époque, le législateur camerounais s'est toujours permis
de s'ingérer dans le domaine de compétence du juge administratif,
en créant des zones d'immunité, soit dessaisissant le juge
administratif des affaires pendantes dans certains domaines, soit en
déclarant purement et simplement le juge incompétent pour
connaître des litiges attachés à certains domaines
précis251(*) ; sapant par ce fait même les bases
déjà fragiles de l'Etat de droit au Cameroun252(*). On assiste actuellement
à une extension législative des immunités
juridictionnelles en matière administrative (paragraphe
1). Cette extension suscite une interrogation quant aux actes qui
découlent de ces immunités (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'extension législative des
immunités juridictionnelles en matière administrative
Un bref aperçu de la législation camerounaise
montre que les lois d'immunités juridictionnelles remontent aux
indépendances et ne concernaient que les actes de gouvernement. Ainsi,
la loi du 19 novembre 1965 relative aux modalités de saisine de la Cour
Fédérale de justice (CFJ) statuant en matière
administrative consacrait l'immunité juridictionnelle des actes de
gouvernement. Depuis lors, les immunités juridictionnelles se sont
considérablement étendues touchant les actions en indemnisation
des préjudices causées par les activités
terroristes (A), les actes pris pour le règlement des
litiges portant sur la limite des circonscriptions administratives
(C), en passant par les actes de désignation des chefs
traditionnels (B). La liste n'est pas exhaustive, mais nous ne
nous limiterons qu'à celles-là.
A- Immunité juridictionnelle partielle et
dommages causées par les activités terroristes
L'immunité juridictionnelle partielle pour les dommages
causés par les activités terroristes est instituée par la
loi n°64/LF/16 du 26 juin 1964 sur la répression du
terrorisme253(*).
L'article 1er de cette loi dispose que : « est
irrecevable, nonobstant toutes dispositions législatives contraires,
toutes actions dirigées contre la République
Fédérale, les Etats Fédérés et les autres
collectivités publiques dans le but d'obtenir la réparation des
dommages de toute nature occasionnées par les activités
terroristes ou pour la répression du terrorisme ». En
excluant ainsi de la connaissance du juge toutes actions en réparation
des dommages causés par les activités terroristes, le
législateur consacre le Président de la République comme
le seul « juge » exclusif en la matière. Seul
celui-ci « peut accorder aux victimes du terrorisme ou de la
répression particulièrement dignes d'intérêt ou
susceptibles d'apporter une contribution spéciale au
développement économique et social du pays, des secours, dans la
limite des crédits ouverts à cette fin ou une aide, sous tout
autre forme que ce soit »254(*). Ce que certains auteurs qualifient de
« considérations
métajuridiques »255(*).
En effet, ce n'est pas le fait dommageable du fait des
activités terroristes ou de sa dépression qui revêt
l'immunité juridictionnelle, ce pourrait être la décision
du Chef de l'Etat en raison de son caractère souverain256(*). Ainsi, l'Etat a la
qualité de juge et de partie, puisque ce dernier utilise son pouvoir
discrétionnaire de réparation comme une arme politique
« dans la mesure où il peut s'exercer de façon
sélective »257(*). De plus, cette loi a été
édictée pendant les périodes troubles qui ont
marqué les premières années d'indépendance du
Cameroun258(*). Mais ce
qui semble curieux c'est qu'on se serait attendu à ce que, passer cette
période de troubles considérables et de
déréglementation, cette loi soit retirée de
l'ordonnancement juridique camerounais surtout avec l'avènement de la
démocratie au début des années 1990.
En application de cette loi qui se voulait
rétroactive259(*), l'Assemblée plénière de la
Cour Fédérale de justice a déclaré irrecevable le
recours de la Société Forestière de la Sanaga dans son
arrêt du 15 mars 1967260(*). Cette politisation à la fois
« discrétionnaire et
aléatoire »261(*) donne droit à l'autorité
administrative qui soupçonne l'existence d'un groupe ou des faits
qualifiés de terroristes de mettre en oeuvre toute procédure
inique au mépris des règles élémentaires de
protection des mis en cause262(*). « Il y aura ainsi un secret autour de
la procédure, la présomption de culpabilité, l'absence des
droits de la défense et la toute puissance des autorités
publiques, lesquelles peuvent prendre des mesures, y compris les plus
graves »263(*). Le principe de la réparation
politico-administrative à la direction du Chef de l'Etat est ainsi
posé.
Quelques conséquences peuvent être tirées
de ce texte législatif. D'abord, l'immunité juridictionnelle dont
bénéficient les actes liés à la répression
du terrorisme n'est pas absolue, le contentieux de l'excès de pouvoir
à leur encontre est tout à fait recevable264(*) dans la mesure où la
répression du terrorisme peut entraîner des dommages aux
particuliers, donnant lieu au contentieux de la responsabilité
entraînant indemnisation de la victime265(*). Il convient de remarquer que, jusqu'à
présent, ce domaine demeure soustrait à tout contrôle
juridictionnel et constitue de ce fait une « véritable
négation du droit »266(*), le juge administratif demeurant dessaisi de
toute affaire y afférant. Qui ne constate pas quelle atteinte
à l'Etat de droit cela constitue, si des actes y afférents,
faisant pourtant grief, sont insusceptibles de tout recours en
responsabilité? Au demeurant, ces actes ne sont pas les seuls.
B- Immunité juridictionnelle absolue et actes
portant désignation des chefs traditionnels
A la différence de la répression du terrorisme,
les actes portant désignation des chefs traditionnels
bénéficient d'une immunité juridictionnelle totale. Ils
sont consacrés par la loi n°80/031 du 27 novembre 1980
dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux contestations
soulevées à l'occasion de la désignation des chefs
traditionnels267(*) dont
l'article 1er dispose que : « les
juridictions de droit commun et de l'ordre administratif sont dessaisies
d'office de toutes les affaires pendantes devant elles et relatives aux
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des
chefs traditionnels ». Ce texte est le prolongement logique de
la loi n°79/17 du 30 juin 1979268(*) qui « constitue la
première riposte législative à l'attitude un peu trop
libérale au gré de l'Etat, du juge
administratif »269(*). L'article 1er alinéa 1 de
cette loi dispose que « par dérogation à l'article
9 de l'ordonnance n°72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la
Cour Suprême, les contestations soulevées à l'occasion de
la désignation des chefs traditionnels sont portées devant
l'autorité investie du pouvoir de décision qui se prononce en
premier et en dernier ressort ».
Avant l'adoption de ces lois, la situation était toute
autre en la matière. Il convient de préciser que la
procédure de désignation des chefs traditionnels est régie
par le décret n°77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des
chefferies traditionnelles270(*). C'est en relation avec l'article 16 dudit
décret qui déclare que « les contestations
soulevées à l'occasion de la désignation des chefs
traditionnels sont portées devant l'autorité investie du pouvoir
de désignation qui se prononce en premier et en dernier
ressort » que le législateur vote la loi du 30 juin 1979
précitée, validant271(*) ainsi les dispositions de l'article 16. C'est suite
au non respect de ces dispositions par le juge272(*) que le législateur va
prendre une loi plus ferme, celle de 1980.
Par ailleurs, on peut constater une mise hors jeu du juge et
l'ouverture d'une sorte de recours administratif correspondant au recours
administratif classique273(*), car l'immunité juridictionnelle dont
bénéficient ces actes est absolue. C'est donc sur cette base que
le juge administratif (Assemblée Plénière de la Cour
Suprême) se déclara dessaisi dans un arrêt de trois affaires
pendantes devant lui274(*), et que la Chambre administrative se déclara
incompétente pour les autres qui lui seront soumises ensuite275(*). Ainsi, il n'est point
à douter que les actes de l'Administration comme celles du Parlement
appellent à des sanctions, et force est de souligner qu'au vu de la
configuration actuelle des forces politiques au Parlement, il n'est pas
étonnant que le pouvoir prenne encore le risque
« antidémocratique » d'emprunter la voie
législative pour contrer toute velléité
juridictionnelle276(*) ; le Parlement n'étant devenu que
l'expression d'une majorité d'occasion dont l'intérêt
particulier se confond à l'intérêt général et
qui amène cette minorité gouvernante à oppresser la grande
majorité277(*).
Par conséquent, une mesure visant à inverser cette tendance
fâcheuse de neutraliser le juge administratif s'impose.
A la lecture de la loi, au regard de sa formulation, on se
serait attendu à ce que le juge administratif se déclarât
seulement dessaisi des affaires pendantes et que pour toutes les autres
à venir, il ne sente pas sa compétence
affectée, « le dessaisissement n'étant pas
synonyme d'incompétence »278(*). Malheureusement ce ne fut pas le cas, et le
juge administratif a contribué lui-même à cet abus du
législateur car si lui-même s'était montré
audacieux279(*), il
aurait contribué à la neutralisation du législateur.
Ainsi, on voit une fois de plus une immixtion
exagérée du législateur dans le fonctionnement de la
justice. Qu'en est-il des actes portant sur les limites des circonscriptions
administratives ?
C- Immunité juridictionnelle partielle et
règlement des litiges portant sur la limite des circonscriptions
administratives
L'immunité juridictionnelle ici est partielle. Le
règlement des litiges portant sur la limite des circonscriptions
administratives est régi par la loi n°2003/016 du 22
décembre 2003280(*). L'article 1er de ladite loi dispose que
ces litiges « sont portés devant des commissions qui,
à la suite d'une procédure contradictoire, établissent des
procès verbaux au vu desquels l'autorité compétente statue
en premier et dernier ressort ». Comme on peut le constater, il
n'est pas fait allusion à un quelconque règlement juridictionnel.
Cela n'est pas étonnant puisque l'article 2 ajoute que :
« Est irrecevable, nonobstant toutes dispositions
législatives contraires, tout recours judiciaire en annulation d'un acte
pris pour le règlement des litiges portant sur la limite des
circonscriptions administratives ». Ainsi, comme pour les deux
premiers cas, le juge est mis hors-jeu au profit du Gouvernement ou de
l'Administration qui reçoit donc compétence de la part du
législateur pour le règlement desdits litiges.
Observons avec le Docteur BILONG Salomon que
« sans être parfaite, cette loi est nettement mieux
présentée que celle sur la désignation des chefs
traditionnels. Elle va même jusqu'à préciser que cette
irrecevabilité s'étend aux recours pendants devant les
juridictions à sa date de publication et, de ce fait soulève un
problème juridique, notamment du point de vue de sa
constitutionnalité (...) »281(*). Une fois de plus, on remarque cet acharnement
du législateur sur le juge administratif. Tout concoure à ce que
des barrières soient hissées tout autour de lui afin de
l'empêcher d'agir surtout lorsque l'Administration y est
impliquée. Quoi de plus étonnant qu'on puisse exclure de tout
contentieux juridictionnel les litiges portant sur la limite des
circonscriptions administratives, quand on connait les multiples abus, voire
les multiples atteintes aux droits des administrés qu'une
décision d'une autorité administrative y relative peut engendrer.
En confiant le contentieux portant sur la limite des circonscriptions
administratives à l'autorité administrative compétente qui
statue « en premier et dernier ressort »282(*), le législateur
dénie encore une fois de plus l'Etat de droit et le principe de la
séparation des pouvoirs législatif et judiciaire et avec l'aide
de l'exécutif ou sous son impulsion.
En définitive, peut-on parler dans ces cas d'un
« déclin de l'Etat de droit »283(*) ? Quoiqu'il en soit,
confier le règlement des litiges soit au Président de la
République en personne (cas du contentieux lié aux
activités terroristes), soit à une autorité administrative
« prétendument » compétente (cas des
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des
chefs traditionnels et des litiges portant sur les limites des
circonscriptions administratives), participe à une régression de
l'Etat de droit au Cameroun ; et progressivement, on tend vers un retour
à l'époque de « l'absolutisme
royal » ou dans une certaine mesure de
« l'absolutisme législatif », ou à
l'époque de l'administration-juge284(*). L'on est tenté de s'interroger de plus en
plus sur la place du juge administratif dans le règlement des litiges
dans lesquels l'Administration est impliquée.
Par ailleurs, nul ne doute que la juridictionnalisation de
l'activité administrative est un élément consubstantiel de
l'Etat de droit285(*) ; par conséquent, l'immunité
juridictionnelle confiée par le législateur à certains
actes de l'Administration constitue cette réticence à la
soumission au droit. Ainsi, ni le législateur ni l'Administration ne
saurait être, même mue par une grande volonté, des garants
efficaces d'une bonne justice. Mais une question reste maintenant à
résoudre. Au regard de ces lois évoquées et de bien
d'autres, qu'est-ce qui peut justifier l'immunité juridictionnelle dont
bénéficient certains actes de l'administration? Quelle est la
nature des actes de l'Administration bénéficiant de
l'immunité juridictionnelle?
Paragraphe 2 : Le problème de
détermination de la nature des actes bénéficiant de
l'immunité juridictionnelle
La question de détermination de la nature juridique
des actes bénéficiant de l'immunité juridictionnelle est
très cruciale, ce d'autant plus qu'elle a toujours embarrassé de
nombreux juristes camerounais286(*). Pendant que les uns les assimilent aux actes de
gouvernement, d'autres par contre estiment que ce ne sont que des actes
administratifs pour lesquels le législateur a consacré un
régime contentieux particulier. Quoiqu'il en soit, le débat reste
ouvert. Ainsi, les actes de l'Administration bénéficiant de
l'immunité juridictionnelle sont-ils des actes de gouvernement?
(A) ou des actes administratifs? (B)
A- Actes de gouvernement?
Par définition, l'acte de gouvernement est une
« qualification à prétention explicative donnée
à certains actes émanant d'autorités de l'Etat, dont les
juridictions tant administratives que judiciaires se refusent à
connaître et qui en général, soit concernent les relations
du Gouvernement et du Parlement, soit mettent directement en cause
l'appréciation de la conduite des relations internationales par
l'Etat »287(*). C'est la « dénomination
appliquée à un certain nombre d'actes émanant des
autorités administratives et dont la caractéristique commune est
de bénéficier d'une immunité juridictionnelle
absolue »288(*). La genèse des actes de gouvernement
trouve sa justification dans le fait que certains actes de l'Administration,
notamment ceux portant sur les relations entre le Gouvernement et le Parlement,
et ceux concernant la conduite des relations internationales par l'Etat au
regard de leur délicatesse ne sauraient être justiciables devant
le juge (administratif ou judiciaire), car ils sont pris non pas en vertu du
pouvoir règlementaire mais plutôt en vertu des pouvoirs de
gouvernement289(*).
Mais, à l'analyse, il n'existe pas d'explication valable à la
non-justiciabilité des actes de gouvernement dans leur ensemble. Nous ne
reviendrons pas de façon approfondie sur cette genèse, nous nous
contenterons d'analyser si tous les actes auxquels le législateur
confère une immunité juridictionnelle sont des actes de
gouvernement. Ainsi, l'étude de la consécration de la notion
d'acte de gouvernement (1) précèdera celle de
ses conséquences (2).
1- La notion d'actes de gouvernement en droit
camerounais
La notion d'acte de gouvernement est consacrée par le
droit positif camerounais. En reprenant en effet le principe de l'exclusion
contentieuse les caractérisant, le législateur camerounais fixe
qu'aucun recours n'est possible à l'encontre des actes de
gouvernement290(*).
Force est de constater que malgré cette consécration
législative, aucune définition n'est donnée à cette
catégorie d'actes, ce qui a posé et pose encore le
problème de leur véritable nature. Leur principale
caractéristique est l'immunité absolue dont ils
bénéficient. De sa consécration française291(*) jusqu'à sa
réception camerounaise, il convient de préciser que la notion
d'acte de gouvernement a connu une évolution significative.
Au départ, les actes de gouvernement étaient
considérés comme des actes dictés par une
« pensée politique »292(*), ce qui justifiait leur
soustraction du champ du contentieux administratif et judiciaire. Une tentative
du rejet du mobile politique est consacrée par l'arrêt de principe
du Conseil d'Etat français Prince Napoléon293(*). Cette tentative bien que
progressive aboutit à la juridictionnalisation294(*) des actes de gouvernement
qui rompt ainsi avec le mobile politique, l'immunité juridictionnelle
qui le caractérise n'étant plus un point de départ mais un
résultat, c'est-à-dire que l'immunité juridictionnelle
n'est pas le fondement de l'acte de gouvernement mais la
conséquence295(*). Le Cameroun a emboité le pas en rejetant le
mobile politique comme définissant les actes de gouvernement, cela va de
soi car le droit administratif camerounais est essentiellement textuel
(même si aucune définition normative n'est donnée à
la notion). C'est à l'occasion de trois litiges relatifs à la
désignation des chefs traditionnels que le juge administratif
camerounais a eu à établir sa position296(*). Mais cette prise de
position sera de courte durée puisque ce dernier va revenir sur le
mobile politique déjà abandonné quelque temps plus
tôt, ce que la doctrine a qualifié de « revirement
malheureux »297(*). On croyait la jurisprudence camerounaise
définitivement fixée sur la définition de l'acte de
gouvernement, mais tel n'était pas le cas, car l'affaire ESSOUGOU
Benoît298(*)
marque ce retour en arrière lamentable du juge administratif
camerounais.
Ainsi, la conception camerounaise de l'acte de gouvernement
montre que le mobile politique constitue encore l'élément de
définition, ce qui est regrettable ; mais constatons que depuis
lors c'est un cas isolé qui n'a pas été
entériné jusque-là. On peut donc espérer que le
juge administratif revienne sur cette position avec le temps. Mais est-ce que
les actes découlant des lois précitées sont effectivement
des actes de gouvernement?
2- La dénaturation de certains actes de
l'Administration en actes de gouvernement
La définition donnée à certains actes
de l'Administration qualifiés d'actes de gouvernement laisse entendre le
caractère absolu de l'immunité juridictionnelle dont
bénéficient ces actes. Cette même définition
établit clairement les domaines ou tout au moins le cadre des actes de
gouvernement à savoir les rapports entre le Gouvernement et le Parlement
d'une part, et d'autre part les actes à caractère international
ou diplomatique299(*).
Il convient de ce fait de remarquer que le domaine des actes de gouvernement
est bien circonscrit. Mais la question que l'on se pose est celle de savoir
est-ce que les actes liés à la répression du terrorisme,
à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des
circonscriptions administratives rentrent dans les domaines suscités
(rapports Gouvernement- Parlement et actes à caractère
international ou diplomatique notamment)?
Au regard de la définition des actes de gouvernement
consacrée par la jurisprudence, les actes pris en vertu des lois
précitées ne sauraient être considérés comme
des actes de gouvernement, ce d'autant plus que « l'acte de
gouvernement est une notion proprement juridique consacrée par les
textes et ayant un contenu qui n'a cessé de se
préciser »300(*). On peut se demander si l'intention du
législateur est de passer outre cette définition pour
élargir le champ et le contenu des actes de gouvernement. Cela ne
saurait être établit, puisque le législateur ne qualifie
pas expressément ces actes d'actes de gouvernement. Par
conséquent, on peut déduire que, en l'absence d'une
définition normative des actes de gouvernement, son domaine peut
être étendu à d'autres actes consacrés par le
législateur. Mais cette déduction n'est pas sans risque, ce
d'autant plus que le juge administratif dans l'affaire KOUANG Guillaume Charles
affirmait que « c'est la matière à laquelle ils
sont relatifs qui déterminent les actes de
gouvernement » : matière qui n'a jamais cessé
d'être précisée.
En effet, si le législateur camerounais avait voulu
faire des actes liés à la répression du terrorisme,
à la désignation des chefs traditionnels ou aux limites des
circonscriptions administratives des actes de gouvernement, « il
avait la possibilité de viser les dispositions pertinentes qui les
consacrent »301(*). Mais il s'est acharné plutôt sur
les dispositions qui donnent compétence au juge de connaître de
tels actes. « C'est pourquoi il dit : « Est
irrecevable nonobstant toute disposition législative
contraire... », pour reconnaître en l'occurrence que dans les
conditions normales ces matières sont justiciables, (...) mais qu'il
décide qu'il devra en être autrement dans
l'avenir »302(*). Ces actes sont donc justiciables par nature et
injusticiables par accident pour reprendre les propos du Professeur
FAVOREU303(*). Nous
convenons donc que l'idée selon laquelle les actes liés à
la répression du terrorisme, à la désignation des chefs
traditionnels ou aux limites des circonscriptions administratives constituent
des « actes de gouvernement d'un type
nouveau »304(*)est fortement contestable car le domaine des actes de
gouvernement est suffisamment précis et ne saurait être
élargi au gré du législateur, tant on sait que c'est dans
le but de neutraliser le juge administratif camerounais.
Si ces actes ne sont pas donc des actes de gouvernement,
sont-ils des actes administratifs ordinaires bénéficiant de
l'immunité juridictionnelle?
B- Actes administratifs?
Nous sommes tenté de répondre directement par
l'affirmative, mais notre réponse sera limitée car
dépourvue de tout argument. Ainsi, il apparaît nettement que les
actes liés à la répression du terrorisme, à la
désignation des chefs traditionnels ou aux limites des circonscriptions
administratives sont des actes administratifs (1) qui
bénéficient d'une injusticiabilité consacrée par le
législateur (2).
1- La détermination du caractère
administratif desdits actes
L'acte administratif est un acte qui, considéré
sous l'angle de ses caractères propres, du point de vue formel est toute
décision prise par une autorité administrative ; et du point
de vue matériel est un acte visant un individu ou des individus
identifiés ou identifiables305(*). Considéré sous l'angle de son
régime juridique, l'acte administratif est tout acte relevant du droit
administratif et de la compétence de la juridiction administrative, que
cet acte soit unilatéral ou conventionnel, qu'il émane ou non
d'une autorité administrative306(*). Nous remarquons donc que d'après cette
dernière définition, les actes administratifs sont des actes
faisant grief, c'est-à-dire susceptibles d'être contestés
devant le juge administratif, soit par un recours pour excès de pouvoir,
soit par un recours de plein contentieux lorsque ceux-ci portent atteinte aux
droits des individus.
Nul doute que les actes de répression du terrorisme, de
désignation des chefs traditionnels ou relatifs aux limites des
circonscriptions administratives sont purement des actes administratifs faisant
grief. L'explication en est simple : c'est en puisant dans les ressources
du recours pour excès de pouvoir, voie ouverte devant le juge
administratif par la Constitution contre tout acte administratif faisant grief
que le juge administratif allait statuer sur le contentieux relatif à
ces actes307(*). De
plus, comme on l'a si bien précisé la position du juge
administratif camerounais était fort louable lorsqu'il affirmait ou
décidait que « même dans l'hypothèse
où une loi dispose qu'un acte donné ne peut faire l'objet d'un
recours administratif ou judiciaire, cette disposition ne saurait être
interprétée comme excluant le recours pour excès de
pouvoir qui est ouvert sans texte contre tout acte administratif faisant grief
et qui a pour effet d'assurer conformément aux principes
généraux, le respect de la
légalité »308(*). Force est donc de remarquer que les actes pris
en vertu des lois de 1964, de 1980 et de 2003 sont effectivement des actes
administratifs à qui le législateur a choisi
délibérément de consacrer un régime contentieux
particulier. Mais la question qui nous vient à l'esprit est la
suivante : Au regard de tout cela, ne peut-on pas tomber sous le coup
d'une injusticiabilité générale et totale des actes
administratifs au Cameroun? Comment justifier cet acharnement du
législateur à s'ingérer intempestivement dans le domaine
de compétence du juge administratif?
En somme, on ne saurait affirmer que les actes liés aux
trois domaines précités constituent des actes de gouvernement de
type nouveau parce que leur contenu est suffisamment précis. Ces actes
sont de nature administrative, leur immunité procède tout
simplement des lois inconstitutionnelles.
2- L'injusticiabilité desdits actes
consacrée par le législateur
La Constitution camerounaise a ouvert et consacré un
recours pour excès de pouvoir contre tout acte administratif faisant
grief. Et comme on vient de le montrer, les actes découlant des lois de
1964, de 1980 et de 2003 sont des actes administratifs. La consécration
par le législateur d'un régime contentieux particulier à
leur profit, c'est-à-dire leur injusticiabilité frise au
drame309(*), car
constitue une atteinte flagrante à l'Etat de droit. Ces lois brillent
par leur inconstitutionnalité et dans cet imbroglio juridique, on doit
pointer du doigt le manque de hardiesse du juge administratif dont la
ténacité à revendiquer son domaine d'intervention reste
bien lâche310(*).
Ce d'autant plus qu'il ne prend aucune position ferme et se hisse en victime
résignée. On se demande donc s'il survivra à toutes ces
lois d'immunité qui excluent sa compétence dans des domaines qui
lui sont propres.
L'injusticiabilité de tels actes tient au fait que la
justice administrative camerounaise est affectée par le
phénomène d'une constitutionnalité extrêmement
lâche311(*) dont
la solidité des principes qui la régissent laisse encore à
désirer. Et le juge administratif lui-même hanté par ce
manque d'audace qui le caractérise surtout dans ce domaine
précis, n'a pas la délicatesse à changer d'attitude. On
peut penser qu'il se laisse manipuler dans son propre terrain (nous ne faisons
pas ici le procès du juge administratif loin s'en faut). Nous pouvons
donc penser avec Charles EISENMANN312(*) que l'injusticiabilité dont
bénéficient ces actes serait imputable à l'organisation
juridictionnelle administrative camerounaise : la compétence
limitée du juge administratif et la quasi-absence d'un juge
compétent, le juge constitutionnel.
L'article 40 de la Constitution du 18 janvier 1996313(*) qui se contente d'affirmer
que la Chambre administrative connait de l'ensemble du contentieux
administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques, laisse
ainsi au législateur, bien subjugué à l'exécutif,
le soin de donner un contenu au contentieux administratif314(*).
En conséquence de tout ce qui précède,
remarquons l'inconstitutionnalité de l'injusticiabilité des actes
précités, car cette injusticiabilité ne saurait trouver un
fondement légal et légitime car cela entraverait la
stabilité déjà fragile du contentieux administratif
camerounais, et on pourra se retrouver dans une situation où, au
gré du législateur, certains actes, administratifs par nature,
seront purement et simplement exclus du contentieux administratif. Le juge
administratif gagnerait à protéger son champ de compétence
qui lui est constitutionnellement reconnu et consacré.
En définitive, retenons que l'infaillibilité du
législateur camerounais a poussé ce dernier à se donner
plus de pouvoir (avec la bénédiction du pouvoir exécutif)
allant jusqu'à s'ingérer dans le domaine du juge administratif en
consacrant des lois d'immunité juridictionnelle qui se sont rapidement
développés au fil du temps. Ce développement tient au fait
que le statut et le domaine d'intervention du juge administratif ne sont pas
sécurisés, et également de l'inconstitutionnalité
qui caractérise ces lois du fait de l'absence d'un contrôle
adéquat. Cette infaillibilité caractérisée du
législateur porte atteinte à l'Etat de droit ce qui engendre des
conséquences juridiques importantes.
SECTION 2 : LES CONSEQUENCES JURIDIQUES DES LOIS
D'IMMUNITES JURIDICTIONNELLES
Au regard de notre analyse, il n'y a plus de doute que les
conséquences juridiques des lois d'immunité juridictionnelle sont
négatives sur l'Etat de droit, voire désastreuses315(*). Nous analyserons ainsi tour
à tour les conséquences que nous qualifierons de
générales (paragraphe 1) et les
conséquences dites particulières ou spécifiques
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les conséquences
générales des lois d'immunité juridictionnelle
Elles tiennent à la consolidation de la théorie
de l'écran législatif (A) et au
développement exponentiel de l'inconstitutionnalité
(B).
A- Le retour de la théorie de l'écran
législatif
On parle de loi-écran ou d'écran
législatif lorsqu'un acte règlementaire repose sur une loi
inconstitutionnelle, rendant ainsi le contrôle de l'acte impossible
à cause du risque de contrôle de constitutionnalité de la
loi par le juge administratif (ce qui ne ressort pas de sa
compétence)316(*). C'est un obstacle juridique empêchant au
juge de retenir l'irrégularité d'un acte administratif, sous
peine de censurer, également, la loi à laquelle cet acte est
conforme.
Raymond ODENT définit l'écran législatif
ainsi qu'il suit : « Quand la légalité d'un
acte administratif est contesté, pour des motifs tirés de la
violation de la Constitution, la position du juge administratif est totalement
différente selon qu'une loi s'interpose entre la Constitution et cet
acte, auquel cas, la loi constitue pour le juge un écran
infranchissable, c'est en fonction de la loi seule qu'il apprécie la
légalité de l'acte litigieux. Si au contraire aucune loi n'est
intervenue en la matière, le juge administratif apprécie
directement par rapport à la loi constitutionnelle la
légalité discutée devant lui de l'acte
administratif »317(*).
Il ressort clairement de cette définition que la
théorie de l'écran législatif conduit le juge
administratif à s'interdire de contrôler la
constitutionnalité des lois. La question de l'écran
législatif est suffisamment connue au Cameroun et prend de plus en plus
de l'ampleur. Ainsi, la Constitution camerounaise318(*), ainsi que l'ordonnance de
1972319(*) en son
article 9 alinéa 2 précise que la Cour Suprême connait de
l'ensemble du contentieux administratif qui comprend, entre autres, le recours
en annulation pour excès de pouvoir dirigé contre les actes
administratifs et les recours en indemnisation du préjudice causé
par ces mêmes actes. Mais force est de constater que l'avènement
des lois de 1980320(*)
et de 2003321(*) est
venu mettre un point d'interrogation sur la compétence du juge
administratif. Ce dernier se trouve face à un dilemme : Doit-il
obéir à la norme constitutionnelle qui lui donne autorisation de
contrôler les actes administratifs au nombre desquels figurent les actes
portant désignation des chefs traditionnels, les actes portant les
limites des circonscriptions administratives et des unités de
commandement traditionnel? Malheureusement, le juge administratif a choisi de
respecter la loi (1) au détriment de la Constitution
(2).
1- La soumission du juge administratif au
législateur
Le « choix » du juge administratif
d'appliquer la théorie de l'écran législatif se manifeste
par une soumission implicite au législateur. Bien avant les lois de 1980
et de 2003, deux espèces, Société des grands travaux de
l'Est contre Etat fédéré du Cameroun oriental du 28
octobre 1970 et Claude HALLE contre Etat du Cameroun oriental du 8
décembre 1970 marquent la réception par le juge administratif
camerounais de la théorie de l'écran législatif
consacré en France par la jurisprudence Arrighi322(*). Invoquant la
« souveraineté de la loi », le juge de ces
espèces (Société des grands travaux de l'Est et HALLE
Claude) se déclare incompétent pour en apprécier la
constitutionnalité323(*). Bien que n'étant pas la première en
la matière, la loi n°80/31 du 27 novembre 1980 a connu un grand
retentissement, ce d'autant plus qu'elle est la manifestation parfaite de
l'application de la théorie de la loi-écran, car, s'inscrivant
manifestement en faux contre l'article 32324(*) de la Constitution du 2 juin 1972 relatif au
principe de l'attaquabilité de tout acte administratif faisant
grief325(*), dessaisit
les juridictions de toutes les affaires portant sur les contestations
soulevées à l'occasion de la désignation des chefs
traditionnels.
Depuis lors, l'Assemblée plénière en
appel326(*) et la
Chambre administrative de la Cour Suprême en premier ressort327(*) ont
régulièrement appliqué cette loi. Alors que, comme on l'a
dit, le juge avait jusque-là adopté une attitude bien audacieuse
dans l'affaire MONKAM TIENTCHEU David328(*), position empruntée à la jurisprudence
administrative française dans l'arrêt Dame Lamotte du Conseil
d'Etat.
Il convient de remarquer que cette soumission du juge
administratif au législateur dénote encore du manque d'audace et
d'effort du juge administratif à se faire entendre et à adopter
une attitude claire (qualification du litige). En effet, « que la
désignation d'un chef traditionnel ou les limites des circonscriptions
administratives et des unités de commandement traditionnel soient
impliqués dans un litige ne signifie pas pour autant que les
juridictions seront écartées d'office de leur
connaissance »329(*).
Une autre illustration de cette soumission au
législateur est tirée du jugement BATEG Daniel330(*), où le juge
administratif décide qu' « attendu qu'en
conséquence, cette affaire relative aux contestations soulevées
à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels est exclue
de la compétence de cette juridiction, la loi ne précisant pas
s'il s'agit des contestations soulevées au cours des consultations ou
après l'arrêté préfectoral d'approbation de la
désignation ». Cette attitude de repli du juge
administratif suscite une grande interrogation : le juge administratif
n'a-t-il pas la possibilité de limiter les effets de ces lois
d'immunité juridictionnelle afin de lever toute équivoque quant
à son indépendance et sa compétence contentieuse
même si certaines lois les lui enlèvent? Si on continue de la
sorte, l'Etat de droit finira par être dénué de tout sens
en droit camerounais. Il appartient donc au juge administratif d'éviter
que tout manquement à la légalité ne devienne un principe
au profit des autorités administratives et de l'Administration en
général.
Si le juge se soumet au législateur, la Constitution se
voit sacrifiée et ce sacrifice de la Constitution aura des
conséquences graves sur l'Etat de droit.
2- La Constitution sacrifiée
On peut valablement contester la raison d'être de
l'écran législatif, dans la mesure où cette théorie
est considérée comme une entrave, un obstacle à l'exercice
par le juge administratif du contrôle de constitutionnalité d'une
loi. Le rejet par le juge administratif de la théorie de l'écran
transparent dénote le sacrifice fait de la Constitution ; et l'on
est tenté de se poser la question de savoir quelle est à cet
égard la place de la Constitution dans la hiérarchie des normes.
Sommes-nous revenus à l'époque du règne de la loi? Dans un
Etat de droit comme le Cameroun la théorie de l'écran
législatif apparait comme une monstruosité car consacrant la
sacralisation de la loi au détriment de la Constitution, puisqu'il est
généralement admis que la théorie de l'écran
législatif « permet d'éviter que le juge
administratif contrôle la constitutionnalité d'une loi, oubliant
qu'elle amène à sacrifier la Constitution, norme
suprême »331(*) ; « le résultat en est
qu'on sacrifie le fond à l'autel de la forme »332(*).
La tendance actuelle dans l'ordre juridique camerounais est
cette suprématie de la loi sur la Constitution avec les
conséquences que cela pourrait entraîner. La raison en est simple
et le constat est d'évidence : l'absence d'un véritable
contrôle de constitutionnalité des lois est à l'origine de
tous ces écarts et atteintes à l'Etat de droit ; et le juge
administratif, qui peut bien se hisser contre ces abus, se trouve juridiquement
et politiquement désarmé, ayant en face de lui l'Administration
et le législateur. Le seul espoir réside donc sur le juge
constitutionnel, et comme on le sait, ce dernier est tout aussi impuissant et
même plus que le juge administratif, soumis à des
considérations plus politiques que juridiques333(*).
En définitive, le juge administratif camerounais est
confronté au problème de légitimité dans la mesure
où en se prononçant sur la validité ou
l'applicabilité d'une loi, il remettrait en cause le monopole de
l'interprétation de la Constitution par le « Conseil
constitutionnel » en l'absence du mécanisme de l'exception
d'inconstitutionnalité. Mais la meilleure solution pour le juge
administratif serait de prendre le risque, à moins de sombrer
définitivement dans le « non-droit » et dans
l'inconstitutionnalité.
Ainsi, l'admission de la théorie de la loi-écran
entrave non seulement le contrôle juridictionnel de l'Administration,
mais porte atteinte à la hiérarchie des normes. En
conséquence, les lois d'immunité juridictionnelle sont en voie de
devenir une base légitimante d'inaction et de déni de justice
remettant ainsi en cause le principe de l'action juridictionnelle334(*) et ouvrant la voie à
l'inconstitutionnalité.
B- Le développement exponentiel de
l'inconstitutionnalité
Comme nous venons de l'analyser, le sacrifice de la
Constitution au profit de la loi entraîne une
inconstitutionnalité. Mais ce qui apparait comme un drame est que cette
inconstitutionnalité prend de plus en plus de l'ampleur. Comme il
ressort d'une décision du Conseil constitutionnel français,
« la loi n'est l'expression de la volonté
générale que dans le respect de la
Constitution »335(*), peut-on encore penser que l'édiction
des normes par le législateur se fait toujours dans le respect de la
norme fondamentale? L'inconstitutionnalité se traduit donc ici par
l'atteinte portée au principe de la séparation des pouvoirs et de
l'indépendance de la justice (1) et la
déjudiciarisation de certains domaines de l'action administrative
(2).
1- L'atteinte au principe de la séparation
des pouvoirs et à l'indépendance de la justice
On peut affirmer que l'indépendance de la Justice est
consubstantielle à l'État de droit. Le principe de la
primauté du droit postule en premier lieu la primauté de la
Constitution et par conséquent l'existence de limitations à la
compétence des organes législatifs et exécutifs336(*). L'État de droit
n'établit ainsi une pyramide de normes hiérarchisées et
interdépendantes que si la séparation des pouvoirs est effective.
Une conséquence implicite de la séparation des pouvoirs
réside dans la spécialisation des tâches. Celle du pouvoir
judiciaire consiste à « rendre justice » aux
citoyens et à « déclarer le droit »337(*).
L'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs
revêt de ce fait un parfum de scandale dans la mesure où la
Constitution camerounaise consacre à juste titre ce principe338(*) et par ricochet
l'indépendance de la justice et plus spécifiquement de la justice
administrative. L'article 37 alinéa 2b de la Constitution de 1996 pose
que le pouvoir judiciaire « est indépendant du pouvoir
exécutif et du pouvoir législatif ». Ainsi,
« la tendance à la généralisation des lois
d'immunité juridictionnelle traduit un empiètement du
législateur (...) sur l'indépendance des juridictions
(...) »339(*). Cela constitue une inconstitutionnalité
flagrante et scandaleuse dans la mesure où comme le disait le Professeur
PERROT, la séparation des pouvoirs est devenue un symbole de la
« mythologie politique »340(*). Tout compte fait, « il ne
saurait appartenir ni au législateur, ni au gouvernement de censurer les
décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des
injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges
relevant de leur compétence »341(*) . C'est sur la
base de l'article 66 de la Constitution française que le Conseil
constitutionnel reconnaît comme valeur constitutionnelle l'existence de
la juridiction administrative.
2- La déjudiciarisation progressive de
l'action administrative
La déjudiciarisation se définit à
l'opposé de la judiciarisation, qui s'entend de l'intervention des juges
dans le contrôle de la régularité des actes de certaines
autorités342(*).
C'est une tendance à privilégier le recours aux juridictions (au
sens judiciaire du terme) pour trancher les litiges. Ainsi, malgré les
dispositions de l'article 40 de la Constitution du 18 janvier 1996 qui
prévoit que « la Chambre administrative connait de
l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres
collectivités publiques », on assiste avec la
recrudescence des lois d'immunité juridictionnelle à un
émiettement progressif de la judiciarisation de l'action administrative,
pourtant constitutionnellement consacrée.
En empêchant au juge administratif de connaitre du
contentieux dans lequel l'Administration est impliquée, le
législateur porte atteinte à une règle
constitutionnelle : le contrôle par le juge de la
légalité des actes administratifs, ainsi que le contrôle de
la responsabilité des autorités administratives. Le Conseil
constitutionnel pourrait émettre son avis sur cette
déjudiciarisation scandaleuse. Un Etat peut-il être
qualifié d'Etat de droit si les citoyens ne peuvent pas
« déférer devant les tribunaux compétents
les actes émanant du pouvoir exécutif et même, dans une
certaine mesure, de la loi, par le biais du recours pour excès de
pouvoir »343(*) ? Quelle sera donc la place de la justice
administrative dans ce cas? Le recours aux tribunaux ou aux juridictions
constitue encore pour les citoyens le meilleur moyen de combattre l'arbitraire
de l'Administration (recours pour excès de pouvoir) et du
législateur (recours en inconstitutionnalité).
Le développement de l'inconstitutionnalité
laisse apparaître le problème crucial du contrôle de
constitutionnalité. Mais le plus grave est l'impact que les lois
d'immunité juridictionnelle ont sur les justiciables
(administrés).
Paragraphe 2 : Les conséquences
particulières des lois d'immunité juridictionnelle
Par conséquences particulières, nous entendons
les conséquences liées aux droits et libertés des
justiciables qui ne sont rien d'autre que les administrés. Dans la
mesure où les lois d'immunité visent à
« protéger l'Administration contre le
juge », l'administré se trouve ainsi sacrifié car
ne pouvant se prévaloir de son droit à un procès
équitable. On assiste ainsi à une atteinte à la
sécurité juridique (A) et au droit à un
procès équitable (B).
A- Le problème de l'insécurité
juridique des lois d'immunité juridictionnelle
« L'insécurité juridique se
nourrit de l'inflation normative comme de l'instabilité des
règles ou encore du déclin de l'art de
légiférer »344(*). En tant que principe, la
sécurité juridique s'entend comme la possibilité reconnue
à l'opérateur économique, fiscal, à tout
administré, d'évoluer dans un environnement juridique
« sûr » parce qu'à l'abri des aléas et
des revirements impromptus affectant les normes de droit345(*). C'est un principe selon
lequel les justiciables doivent pouvoir compter sur une stabilité
minimale des règles de droit et des situations juridiques346(*). Si la consécration
du principe de sécurité juridique constitue un signal fort quant
à l'orientation de la jurisprudence administrative, nous pensons
toutefois que sa portée concrète ne doit pas être
surestimée347(*).
Le principe de la sécurité juridique est un
principe largement utilisé par le droit communautaire européen
car rattaché directement à l'Etat de droit348(*). C'est un principe
polysémique : il assure la protection contre la
rétroactivité, la consolidation des situations individuelles, le
respect des engagements, la promesse d'une relative stabilité de
l'environnement juridique, la clarté et la cohérence de la
règle de droit...349(*) il peut justifier une limitation des interventions
du législateur dans le contentieux de certains actes, comme il peut
légitimer ces interventions350(*), et ne conduit pas nécessairement à
figer les situations juridiques au profit d'intérêts individuels,
il prend également en compte des considérations
d'intérêt général351(*).
Au Cameroun comme en France, ce principe n'est pas
constitutionnellement reconnu. Nous pourrons donc dire que les lois
d'immunité juridictionnelle constituent une atteinte à la
sécurité juridique dans la mesure où, en retirant du
contentieux certains actes administratifs qui sont censés être
justiciables, on bouleverse des situations juridiques. Pour cela, la
sécurité juridique pourra être invoquée comme ayant
une valeur constitutionnelle. « En ce sens, elle ne
représente pas un droit subjectif directement invocable par les
particuliers, mais permettrait au juge constitutionnel de vérifier que
les dispositions prises par le législateur répondent aux
exigences qui relèvent de la sécurité
juridique »352(*). Nous nous limiterons aux variantes que nous avons
jugées importantes tout en rappelant que, comme nous l'avons dit plus
haut, il en existe d'autres.
1- Une atteinte à la garantie des droits des
justiciables
Les lois d'immunité juridictionnelle constituent une
atteinte à la garantie des droits des justiciables que le juge
administratif aurait reconnu si ces lois n'étaient intervenues.
Contrairement au principe de confiance légitime, consacré par la
jurisprudence communautaire européenne, le principe de la
sécurité juridique permet la prise en compte d'exigence tenant
à la fois à la protection de situations individuelles et à
la défense d'intérêts collectifs353(*). Le droit au recours
prévu dans la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de
1981 en ses articles 7 et 26, consacré dans le préambule de la
Constitution camerounaise, constitue pour les justiciables une garantie pour la
protection de leurs droits. Cela est d'autant plus valable en droit
administratif. Le droit au recours à une juridiction est donc l'une des
applications fondamentales du principe de la sécurité juridique,
à côté du droit reconnu à tout justiciable
d'être entendu devant un tribunal compétent. Le justiciable se
trouve ainsi dépourvu de ses droits les plus fondamentaux.
L'instabilité juridique de certains actes administratifs dont le
régime contentieux est sans cesse modifié ne favorise pas
l'administré- justiciable, puisque ce dernier se présentera
devant le juge pour faire valoir ses droits, et sera confronté à
une dénégation de ses droits.
Ainsi, le justiciable se trouve désarmé ;
il ne peut invoquer devant le juge l'irrégularité d'un acte
administratif, qui en principe est susceptible d'être annulé et
qui bénéficie de l'immunité juridictionnelle
consacrée par le législateur. Il ne peut non plus se
prévaloir de l'exécution de cet acte bien qu'illégal, s'il
en est concerné, puisqu'il a obligation de s'y conformer. Il ne peut
donc bénéficier du juge administratif la protection de ses droits
constitutionnellement reconnus.
Cette atteinte à la garantie des droits des
justiciables empêche la décision du juge, lorsqu'elle est
déjà rendue, à produire des effets subséquents.
2- Une atteinte aux effets d'une décision
juridictionnelle
Dans la mesure où l'action politique a pris la forme
d'une gesticulation législative, l'inflation législative et la
dégradation de la qualité de la loi sont des
phénomènes trop connus par le juge administratif camerounais. A
maintes reprises, le juge administratif a été contraint de se
déclarer dessaisie ou incompétent, selon le cas.
Les lois d'immunité juridictionnelle portent ainsi
atteinte aux décisions juridictionnelles passées en force de
chose jugée, du fait de leur caractère rétroactif. Le
législateur peut décider que tous les procès en cours
seront régis par la nouvelle loi354(*). Toutes les affaires pendantes devant les
juridictions et relatives aux domaines concernés se trouvent ainsi
influencées. Il convient de préciser que l'avènement de la
loi du 30 juin 1979355(*) relative aux contestations soulevées à
l'occasion de la désignation des chefs traditionnels, n'a pas
empêché le juge administratif de prendre des décisions
allant à son encontre356(*). Ces décisions sont donc remises en cause par
la loi du 27 novembre 1980357(*).
B- L'atteinte portée au droit à un
procès équitable
Le droit à un procès équitable est au
coeur de la doctrine juridique, car c'est un élément central et
essentiel de l'Etat de droit, en tant qu'organisation de la soumission
collective, c'est-à-dire les institutions collectives et privées
et les personnes qui habitent cet Etat, au droit358(*). L'Etat moderne est celui
qui se préoccupe de l'individu et qui construit les solidarités
autour des principes de vie et d'organisation sociale359(*). Et, comme l'a
affirmé le Professeur Marcellin NGUELE ABADA dans sa
thèse360(*), la
construction d'un Etat de droit démocratique suppose la manifestation de
la volonté d'être régi par le droit, à l'exclusion
de toute autre manoeuvre et, partant, la garantie d'un ordre social
fondé sur la liberté et l'égalité. C'est
également édifié un ordre juridique cohérent
à partir et autour de la Constitution et organiser la sanction des
violations du droit grâce à des juridictions qualifiées et
totalement dévouées à la cause du droit361(*). Mais est-ce que cela est
toujours observé? Le législateur camerounais est devenu le
bourreau de la Constitution, sacrifiant ainsi à sa guise certaines
exigences constitutionnelles relatives au droit à un procès
équitable362(*)
reconnu à tous les justiciables, tant en matière pénale,
civile qu'administratif. Le contentieux administratif, du fait même qu'il
convoque au prétoire la puissance publique, n'organise t-il pas
lui-même un déséquilibre favorable à
l'Etat?363(*) Le
législateur contribue largement à l'inapplicabilité des
exigences du droit à un procès équitable
(1) ; ce qui empêche de ce fait le juge
administratif de l'appliquer aux litiges qu'il est appelé à
connaitre (2).
1- L'inapplicabilité des exigences du
procès équitable dans le cadre des lois d'immunité
juridictionnelle
« L' «égalité des
armes» garantie par le droit au procès équitable s'impose
donc à un litige opposant des intérêts privés
à des intérêts étatiques : l'égalité
se situe donc entre les parties à la cause, le justiciable particulier
et l'Etat »364(*).
Le principe d'égalité des armes contenu dans la
notion de procès équitable ne peut cependant empêcher
toute ingérence du législateur dans une procédure
juridictionnelle. Le législateur doit donc conserver une marge
d'appréciation sur l'opportunité d'une intervention. Ce qui
n'est pas toujours le cas. Cette égalité des armes est
considérée généralement comme une
« fiction » dans le procès administratif365(*). Le législateur rend
inapplicable les exigences du droit à un procès équitable,
dans la mesure où cette inapplicabilité est implicitement
consacrée pour les lois d'immunité juridictionnelle en se
présentant comme un obstacle à l'exercice par les
administrés-justiciables de ce droit. Ainsi, comme on peut le constater,
en consacrant les lois d'immunité juridictionnelle, le
législateur camerounais a crée un régime
d'inapplicabilité du droit à un procès équitable.
Le droit à un procès rappelle les règles
de procédure permettant le déroulement, à la satisfaction
des parties, du procès devant la juridiction saisie366(*). Ainsi, tout justiciable
doit bénéficier du droit d'accès à la justice,
droit à une juridiction impartiale. Ces exigences, bien que reconnues
principalement dans les procès civil et pénal, sont aussi
valables en contentieux de droit public (constitutionnel, administratif et en
matière fiscale). A la vérité, le principe de
légalité, qui soumet l'Administration au respect de la loi, est
aujourd'hui au prise avec les intérêts politiques
éloignés du souci d'assurer la primauté du droit. Mais le
législateur ne tient compte que de ces intérêts politiques
qui entravent ainsi le droit à un procès équitable. La
soumission du législateur, et dans une certaine mesure de
l'Administration, au droit en général et à la Constitution
et aux instruments internationaux auxquels l'Etat est partie en particulier,
n'est plus de mise au Cameroun, au regard de l'atteinte portée au droit
à un procès administratif équitable. Cette
inapplicabilité rendue possible par le biais du législateur
entraîne une inapplication de la part du juge.
2- L'inapplication des exigences du procès
équitable dans le cadre des lois d'immunité
juridictionnelle
« Toute personne a droit à ce que sa cause
soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui
décidera, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations
sur ses droits et obligations de caractère civil
»367(*). Ainsi présenté, le champ
d'application du droit à un procès équitable, tel qu'il
est défini dans le Droit International des Droits de l'Homme, semble ne
pas devoir concerner, de près ou de loin, le juge
administratif368(*). Il
apparaît que l'application du droit à un procès
équitable par le juge administratif n'est pas un simple gadget
procédural, mais bien une nécessaire et indispensable exigence de
Justice. Mais les constatations qui découlent de l'inapplication de ce
droit ne favorisent-elles pas un déséquilibre entre les parties
au procès?369(*)
Cette difficile application du droit à un procès
équitable en droit administratif tient au fait que le juge administratif
n'est pas libre : il convient de préciser que le juge qui
intervient dans le contentieux administratif ne se préoccupe
généralement pas de la finalité des parties, il examine la
demande et dit le droit. Par ailleurs, le problème qui pourrait se poser
est celui de la liberté de ce juge à dire effectivement le droit
sans mettre en péril son statut370(*). Le juge doit de ce fait se plier à certaines
exigences extra juridiques imposées par le législateur qui
s'érige en protecteur de l'Administration, lorsqu'il édicte des
lois d'immunité juridictionnelle. Etant donné la peur et le
laxisme du juge administratif camerounais, ce dernier participe à
l'inapplication des exigences du droit à un procès
équitable. L'administré-justiciable se trouve ainsi sacrifier, et
son droit bafoué. On se serait attendu à ce que, en tant que
protecteur des droits fondamentaux des administrés, le juge
administratif camerounais puisse mettre en oeuvre un régime de
protection contre l'immunité juridictionnelle dont
bénéficient certains actes administratifs.
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
En guise de conclusion de ce chapitre, il convient d'avoir
présence à l'esprit que le législateur camerounais a
développé une nouvelle typologie des interventions contraires
à l'Etat de droit à travers les lois d'immunité
juridictionnelle. On assiste à un phénomène d'inflation
législative qui s'accentue de plus en plus. L'Administration se
trouve progressivement immunisée dans la prise de certains de ses actes.
Telle une peau de chagrin371(*), les lois d'immunité juridictionnelle
remettent sur la sellette l'épineux problème de la soumission des
autorités étatiques au droit (Gouvernement, Administration,
pouvoir législatif). Cela est d'autant plus inquiétant dans la
mesure où l'absence d'un véritable contrôle de
constitutionnalité des lois au Cameroun, une quinzaine d'années
après sa consécration, témoigne de la volonté de
l'Etat d'empêcher le juge constitutionnel de s'affirmer et de soulever,
à chaque fois que le besoin se présente, la
responsabilité constitutionnelle du législateur, soutenu
par l'exécutif.
La loi est devenue entre les mains du législateur une
arme redoutable contre le juge, et ce dernier l'utilise, non pas dans un but de
droit, mais mue par des aspirations politiques : peut-on de ce fait penser
que l'Etat de droit est vraiment en déclin au Cameroun?372(*)
CHAPITRE 4 : LES LOIS EXPRESSEMENT
RETROACTIVES
« Si le phénomène des lois
rétroactives est fort ancien, force est de constater que le recours
à de telles lois est plus fréquent que jadis. Laissant de
côté les lois « normalement »
rétroactives dont la légitimité n'a jamais
été contestée, lois pénales plus douces et lois de
procédure, on s'attachera à celles, souvent
considérées aujourd'hui comme suspectes, probablement parce
qu'inspirées par des considérations politiques, que sont les lois
de validation, les lois interprétatives373(*) et plus
généralement les lois expressément
rétroactives »374(*). On remarque donc la distinction qui est faite
entre les lois « normalement » rétroactives et les
lois expressément rétroactives. Parfois, ces lois trouvent leur
justification dans le souci de progrès social375(*), mais hélas, bien
souvent de telles lois trouvent leur cause dans la piètre qualité
de la législation376(*).
Cette législation, qui est très souvent
très mal rédigée ou mal édictée, suscite
a posteriori le souci du législateur de réparer les
erreurs commises et dans la mesure du possible, d'empêcher la
réalisation des conséquences néfastes tirées de la
loi par la jurisprudence377(*). L'on pourrait alors penser que ces lois sont
simplement rectificatives car elles ne joueraient que pour l'avenir, a
contrario, elles sont rétroactives ; et là où le
bas blesse, elles se présentent comme une immixtion du
législateur dans le domaine du juge du moment où il est
établit qu'elles modifient ou changent les règles du droit
applicables aux procès en cours. Car l'objectif désavoué
du législateur peut être de neutraliser le juge dans son
élan.
Le Conseil constitutionnel français a affirmé le
caractère particulier des lois expressément rétroactives
en posant une règle générale : « que le
principe de la non-rétroactivité des lois n'a valeur
constitutionnelle, en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits
de l'Homme et du Citoyen, qu'en matière répressive ; que si,
dans les autres matières, le législateur a la faculté
d'adopter des dispositions rétroactives, il ne peut le faire qu'en
considération d'un motif d'intérêt général
suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales
les exigences constitutionnelles »378(*).
Par lois expressément rétroactives, il faut
entendre une loi dont les effets remontent dans le passé et qui a pour
conséquence de faire renaître des droits qui n'existaient pas
à l'origine379(*). C'est une loi dont le législateur a
décidé expressément qu'elle serait
rétroactive380(*). Le terme
« expressément » renvoie au
caractère particulièrement exceptionnel de ce type de loi
trouvant ou justifiant sa nature dans la volonté du législateur.
Au regard de tout cela, et comme nous l'avons dit avec le professeur MALINVAUD,
on assiste à un développement des lois expressément
rétroactives qui sont de plus en plus fréquent dans l'ordre
juridique camerounais, ce qui les rend néfaste à l'Etat de
droit (section 1). Le caractère anormalement
rétroactif de ces lois (leur applicabilité à des actes ou
des situations intervenues antérieurement et portées devant le
juge) montre une fois de plus l'immixtion intempestive du législateur
dans le jugement des affaires par le juge administratif, qui eussent
été jugées différemment si la loi n'était
pas intervenue. D'où la nécessité d'un encadrement
(section 2) non seulement dans le but de protéger
l'Etat de droit, mais d'empêcher ou de réduire à sa plus
stricte expression les interventions du législateur contraires à
l'Etat de droit.
Bien que très rares, les lois expressément
rétroactives nécessitent une étude, du fait de leur
incompatibilité avec l'Etat de droit. En droit administratif, ces lois
ont pour objectif désavoué du législateur de régir
des situations antérieures au profit de l'Administration (soit dans la
prise des actes administratifs, soit dans la conclusion des contrats), afin de
contrecarrer le juge administratif, lorsque ce dernier est appelé
à statuer sur une situation mettant au prise l'Administration. Le juge
administratif est une fois de plus menacé par la loi.
SECTION 1 : LA NOCIVITE DES LOIS EXPRESSEMENT
RETROACTIVES VIS-A-VIS DE L'ETAT DE DROIT
Les individus ont besoin de sécurité
juridique : ils accomplissent les actes de la vie juridique en
fonction de la législation en vigueur à l'époque où
ils agissent. C'est dans le souci de préserver cette
sécurité juridique que l'article 2 du Code Civil pose comme
principe que « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a
point d'effet rétroactif », principe qui est
entériné par la Constitution camerounaise, en son
préambule. Si les articles 2 du Code Civil et 4 du Code Pénal
Français ne visent que la non-rétroactivité des lois
pénales, par contre le Préambule de la Constitution Camerounaise
est absolument formel et général lorsqu'il dispose :
« la loi ne peut avoir d'effet rétroactif ». Le
législateur ne peut pas expressément y porter atteinte381(*), à moins d'être
expressément autorisé par la Constitution, ce qui n'est pas le
cas ; cela constitue donc une inconstitutionnalité. C'est pour
cette raison qu'une loi expressément rétroactive est une limite
flagrante au principe constitutionnellement reconnu par la Constitution
camerounaise de la non-rétroactivité des lois (paragraphe
1), et cela ne peut qu'entrainer des conséquences
désastreuses à la stabilité de l'Etat de droit
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Une limite au principe constitutionnel
de la non-rétroactivité des lois
La loi expressément rétroactive fait
échec au principe de la non-rétroactivité des lois. Bien
qu'étant un principe qui s'impose d'abord au juge, le principe de la
non-rétroactivité des lois s'impose aussi au législateur
au regard de la Constitution camerounaise. Cette exigence sous-entend que le
législateur ne devrait pas édicter des lois expressément
rétroactives. Un point apparaît d'emblée certain : la loi
ne gouverne pas rétroactivement les situations juridiques
définitivement achevées avant son entrée en vigueur. Le
principe de la non-rétroactivité est fondé sur des
considérations de justice, un individu ne peut respecter que les normes
qui sont en vigueur au moment où il agit ; de
sécurité juridique (un des objectifs du Droit), cela implique la
possibilité pour les sujets de droit de connaître avec certitude
les règles de droit s'appliquant à leur situation, et de bon
ordre social, la rétroactivité peut être synonyme de
bouleversement social (la solution révolutionnaire, on efface tout et on
recommence)382(*).
Donc, comme on peut le constater, le juge constitutionnel
français, sans aucunement être lié par le terme de
non-rétroactivité, mais dont il a seulement déduit
l'idée, absolument incontestable, du principe que nul ne peut
être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée,
logique avec lui-même et se prémunissant contre
l'impondérable des faits à venir, n'a reconnu au principe valeur
constitutionnelle qu'en matière répressive. De cette
manière, - qu'il n'a pas choisie, du reste, mais qui lui est
imposée par la Constitution, car il ne doit se prononcer que dans son
cadre et rien d'autre - il a ouvert la voie non pas à des
dérogations (dans la mesure où l'on ne peut juridiquement parler
de dérogations que si le principe de non-rétroactivité
avait été expressément cité et avait eu valeur
constitutionnelle absolue, comme au Cameroun), mais à la faculté
pour le législateur d'opérer des dispositions fiscales à
caractère rétroactif.
Il arrive donc que le principe de non
rétroactivité ait des exceptions (par réaction à
une décision d'un juge)383(*). Il faut noter qu'il est de mauvaise politique
d'édicter des lois rétroactives, qui ruinent toute
sécurité juridique. En matière pénale, il n'est pas
possible d'édicter une loi expressément rétroactive
lorsque la loi est plus sévère384(*). Par contre, en matière civile et en
matière administrative, le législateur a trouvé un terrain
privilégié pour édicter des lois expressément
rétroactives385(*). Il convient de préciser que ces lois sont
rares, au regard de leur caractère exceptionnel. Ainsi, en tant que
limite au principe constitutionnel de la non-rétroactivité des
lois, la loi expressément rétroactive constitue une
inconstitutionnalité (A) ce qui lui confère un
caractère exceptionnel (B).
A- La volonté exprimée du
législateur d'édicter une loi expressément
rétroactive
Les conséquences du principe de la
non-rétroactivité des lois prévoient que : la loi
nouvelle ne s'applique pas à la constitution ou à l'extinction de
situations juridiques antérieures à son entrée en
vigueur ; la loi nouvelle ne s'applique pas aux effets déjà
passés d'une situation juridique née avant son
entrée en vigueur ; la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf
rétroactivité expresse386(*) prévue par le législateur, aux
conditions de l'acte juridique conclu antérieurement. Les lois ne sont
rétroactives que si le législateur l'a expressément
prévu. Les lois expressément rétroactives sont, comme on
l'a dit, rares, mais n'en constituent pas moins une ingérence flagrante
du législateur dans les procès pendants devant les juges pour en
modifier le cours. Elles interviennent le plus souvent en période
exceptionnelle387(*).
Ces lois exceptionnelles, rétroactives correspondent à des
périodes troublées de l'histoire où il existe une
volonté de faire table rase du passé388(*). En tant que volonté
exprimée du législateur, ce dernier confère le
caractère rétroactif à une loi à travers les
dispositions transitoires (1). En revanche, la loi
expressément rétroactive entraîne une conséquence
grave sur le sort de la loi ancienne qui régissait jusque-là des
situations parfaitement valables (2).
1- Une volonté exprimée à
travers les dispositions transitoires
Dans quelle mesure la loi nouvelle s'applique-telle aux
situations nées avant son entrée en vigueur? Quelle loi appliquer
aux situations en cours de constitution, la loi ancienne ou la loi nouvelle? Le
législateur peut régler la question de l'application de la loi
dans le temps par des mesures transitoires spéciales, à
défaut ce sont les règles générales de droit
transitoire qui s'appliquent. En adoptant la loi nouvelle, le
législateur précise (dispositions transitoires spéciales)
qu'elle va s'appliquer aux conditions de formation de situations juridiques
déjà légalement constituées, aux conditions
d'extinction de situations juridiques déjà légalement
éteintes ou aux effets révolus d'une situation juridique en
cours. Cette volonté du législateur de préciser la
portée d'une loi permet ainsi à ce dernier de contraindre le juge
à s'y conformer lorsque celui-ci est appelé à
interpréter une loi qu'il devra appliquer à une situation
précise. Car, dans le cadre des lois interprétatives, le juge est
tenu de se conformer aux dispositions transitoires prévues dans un texte
par le législateur389(*).
Souvent, les lois nouvelles comportent, à l'heure
actuelle, des dispositions transitoires390(*), auxquelles il convient de se référer
lors de leur application. Cela a un intérêt particulier dans la
mesure où, elles permettent de régler d'emblée le
problème des conflits de lois dans le temps. Il arrive que le
législateur insère dans la loi nouvelle un certain nombre de
dispositions qui ont pour but de régir l'application dans le temps de la
loi nouvelle. Mais cette pratique peut présenter des
inconvénients surtout dans le cadre des lois expressément
rétroactives, ce d'autant plus qu'elles obligent
généralement le juge à orienter son interprétation
dans un sens différent. De plus, cela empêche ou ralenti
également l'entrée en vigueur des dispositions qui auront pu
régir des situations en cours dans un intérêt
général.
La volonté du législateur à travers des
dispositions transitoires d'édicter des lois expressément
rétroactives confère donc à la loi nouvelle un statut
particulier : la rétroactivité, ce qui pose le
problème du sort de la loi ancienne par rapport à la loi
rétroactive.
2- La disparition rétroactive de la loi
ancienne
La règle de droit est provisoire car elle suit une
évolution constante de la société qu'elle régit. Le
problème est de savoir si une loi nouvelle s'applique à des actes
antérieurs à la promulgation de la loi mais dont les effets se
prolongent après l'entrée en vigueur de celle-ci. En
principe, l'application immédiate d'une loi nouvelle éteint la
loi ancienne qui régie les situations actuelles non encore
définitivement conclues ou les affaires non définitivement
jugées et aussi celles nées postérieurement à son
entrée en vigueur. Une loi nouvelle s'applique immédiatement
à l'apparition ou à l'extinction des effets après son
entrée en vigueur et normalement elle s'applique aussi
immédiatement aux situations en cours d'extinction, elle s'applique
immédiatement aux effets futurs d'une situation juridique née
antérieurement à son entrée en vigueur ; mais ce qui
est acquis sous la loi ancienne demeure. Ce principe est incontestable, mais
le législateur peut décider que les situations non encore
définitivement conclues ou jugées doivent désormais
être régies par la loi nouvelle, et ce même en
matière contractuelle391(*).
La question que l'on peut se poser est celle de savoir
à partir de quel moment la loi ancienne reste-t-elle en vie dans ce cas.
La difficulté réside sur le fait que certaines situations
juridiques ne peuvent pas être régies par une loi nouvelle sans
que cela ne porte atteinte à certaines prévisions notamment
en matière contractuelle, cela remettrait en cause la volonté des
parties qui avaient fait des prévisions en fonction de certaines
circonstances aussi bien liées au temps qu'à leurs
intérêts respectifs. En décidant que certains contrats
passés sous l'égide d'une loi ancienne et non
définitivement conclus seront désormais régis par une loi
nouvelle rétroactive, le législateur porte atteinte à
l'autonomie de la volonté des cocontractants. Il en est de même
lorsque le juge doit appliquer une norme à litige porté devant
lui, et se voit dans l'obligation d'appliquer une autre ayant une portée
rétroactive.
Ici, la loi ancienne est considérée comme
n'avoir jamais existé, puisque du moment où la loi nouvelle
rétroagit et régie les actes ou les situations passées
avant son entrée en vigueur, celle-ci n'a plus aucun
intérêt. Cet état de chose donne à la loi
expressément rétroactive un caractère exceptionnel.
B- Le caractère exceptionnel des lois
expressément rétroactives
Les lois expressément rétroactives
revêtent un caractère exceptionnel dans la mesure où la
rétroactivité qui leur est reconnu par le législateur
n'est pas en principe le propre de toutes les normes, ce d'autant plus que,
comme nous venons de le voir, c'est la volonté expresse du
législateur d'édicter des lois rétroactives surtout dans
des domaines qui ne ressortissent pas du droit pénal. Cette
exceptionnalité se traduit par l'intervention dans des procès en
cours.
Paragraphe 2 : Les effets pervers des lois
expressément rétroactives
Le législateur peut-il expressément remettre en
cause rétroactivement les actes et les situations antérieurs? Les
lois expressément rétroactives ont des conséquences
néfastes sur l'Etat de droit. A l'inverse d'une loi de validation qui
conduit à déclarer valables des actes qui auraient
été nuls par application de la loi ancienne, la loi nouvelle
rétroactive va entraîner, sinon la nullité, du moins la
révision d'actes qui étaient parfaitement valables suivant la loi
de l'époque392(*). Cette solution est particulièrement
troublante en termes de prévisibilité et de
sécurité juridique en ce qu'elle conduit à faire
considérer comme irrégulière une situation qui s'est
réalisée précédemment de manière tout
à fait régulière393(*). Bien que les juges français (Conseil d'Etat,
Cour de cassation) retiennent que « les motifs
d'intérêt général que le législateur a pris
en compte (...) justifient, (...), qu' (...) il ait décidé
d'appliquer les dispositions nouvelles aux situations apparues
antérieurement et aux instances en cours, tout en réservant comme
il le devait, les décisions juridictionnelles passées en force de
choses jugées »394(*), il n'empêche pas que cette
rétroactivité produit des effets pervers. Ainsi, dans certaines
affaires en cours (A), des demandeurs seront
déboutés du fait de l'application immédiate de la
loi395(*) ; la
situation des personnes qui ont acquis des droits sous l'égide de la loi
ancienne sera elle aussi influencée du fait de la
rétroactivité (B).
A- Les effets sur les affaires en cours
Du moment où le législateur décide qu'une
loi est expressément rétroactive, elle commence à produire
des effets d'abord sur les situations en cours, c'est-à-dire qui ne sont
pas encore définitivement conclues ou jugées par une juridiction.
Cette intervention dans les procès en cours affecte
considérablement non seulement les parties au litige, mais
également le juge. L'application immédiate de la loi risque ainsi
d'affecter rétroactivement tous actes qui, lors de leur confection,
étaient conformes à l'ordre public de l'époque396(*). La loi expressément
rétroactive constitue une entrave aux situations juridiques valables
sous l'emprise de la loi ancienne (1), mais exerce aussi une
influence sur la décision à venir du juge (2),
lorsque les faits sur lesquels il statue ont été radicalement
remis en cause par le législateur.
1- Une entrave aux situations juridiques
passées valablement sous l'égide d'une loi
ancienne
La loi nouvelle entraîne la révision des actes
qui étaient parfaitement valables suivant la loi de l'époque.
Cela constitue une entrave à la stabilité juridique des normes.
La question qu'on peut se poser dans une pareille situation est celle de savoir
quel est le statut de la loi ancienne dans ce cas. La situation est telle que
la loi ancienne ayant régis certains actes est considérée
comme n'avoir jamais existée.
Par exemple, une loi ayant règlementé la
passation des contrats entre l'Administration et des personnes privées
selon un régime d'indemnisation au profit de la personne privée
en cas de rupture abusive du contrat de la part de l'Administration
justifiée par les prérogatives exorbitantes de droit commun.
Cette dernière se pourvoit devant le juge aux fins d'être
indemnisée, lorsqu'une situation similaire s'est produite. Pendant que
le procès est en cours, le législateur vote une loi
rétroactive qui prévoit expressément que
dorénavant, en cas de rupture abusive d'un contrat du fait de
l'Administration, aucune indemnisation n'est plus accordée, et cela est
valable pour les situations en cours et même passées. Cette
situation est particulièrement choquante pour les personnes
concernées. Aucun motif d'intérêt général ne
peut justifier une telle attitude du législateur, car la loi qui est
censée exclure l'indemnisation ne peut être d'ordre public
puisqu'elle constitue une atteinte à la sécurité juridique
en ce qu'elle conduit à considérer comme
irrégulière une situation qui s'est réalisée de
manière tout à fait régulière397(*). Deux choses sont
particulièrement regrettables dans cet exemple : l'entrave au
principe de la non-rétroactivité et l'exclusion d'un
régime d'indemnisation au profit des cocontractants de l'Administration
lésée, alors que ceux-ci étaient auparavant
protégés de tout abus de la part de l'Administration qui
l'exonère totalement. Cette insécurité juridique
occasionnée par une telle loi aura des répercussions sur la
décision du juge du moment où celui-ci sera appelé
à statuer sur ce cas.
2- Une influence exercée sur la
décision du juge
La principale critique apportée à une loi
expressément rétroactive est qu'elle s'ingère dans les
affaires en cours pour en influencer l'issue. Le juge se trouve ainsi
influencer dans son domaine, car ce dernier ne peut pas passer outre
l'application d'une loi. En vertu des articles 4 et 5 du Code civil398(*), le juge est tenu
d'appliquer la loi sous peine de déni de justice399(*). Cette obligation qui
pèse sur celui-ci l'empêche de se passer d'une loi qu'il juge
« critiquable », puisqu'il ne peut émettre des
jugements de règlements. Cela est d'autant plus inconcevable dans la
mesure où le juge ne peut pas apporter des objections à
l'application d'une loi, même si celle-ci entrave le cours d'un litige
à lui soumis. Le juge est tenu de se soumettre à la loi, et de
l'appliquer dans le sens voulu par le législateur. Cet état de
chose montre une atteinte à l'indépendance du juge.
B- Les effets sur les situations devenues
définitives
Une norme ne peut constituer un obstacle aux situations
juridiques devenues définitives, car cela est une entrave à la
stabilité juridique, et dans une certaine mesure à la
sécurité juridique. Le principe des droits acquis trouve son
fondement ici, car tout sujet de droit ne saurait voir ses droits lui
être imputés. Par droits acquis, il faut entendre les droits
reconnus à un sujet de droit et qui font partie de son
« patrimoine ». Les lois expressément
rétroactives ont des effets sur les situations devenues
définitives en ce qu'elles constituent une atteinte à
l'autorité de la chose jugée (1), et une
modification défavorable dans le passé des situations
légales (2).
1- Une atteinte à l'autorité de la
chose jugée
Cette exigence découle du principe de la
séparation des pouvoirs. Dans sa décision de 1980400(*), le juge constitutionnel
français rappelle qu'il « n'appartient ni au législateur
ni au gouvernement de censurer les décisions des juridictions,
d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à
elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence
». Cela est d'autant plus valable pour les lois expressément
rétroactives : le législateur ne peut modifier l'issue d'un
litige qui a été jugé et qui a acquis autorité de
la chose jugée. Selon une jurisprudence constante401(*), une loi rétroactive
ne peut rétroagir sur les effets d'un jugement ayant acquis
autorité de la chose jugée. Bien que l'autorité de la
chose jugée n'exclut pas l'exercice des voies de recours, la
règle est la même lorsqu'une décision du juge est
passée en force de chose jugée, c'est-à-dire que toutes
les voies de recours ont été épuisées.
Ainsi, les décisions de justice devenues
définitives ou passées en force de chose jugée
bénéficient d'une protection absolue. Cela ne pourrait en
être autrement, puisque le souci de respect du principe de la
séparation des pouvoirs, de l'indépendance de la justice, de
sécurité et de stabilité juridiques oblige le
législateur à respecter l'autorité de la chose
jugée. En édictant des lois rétroactives, le
législateur remet en cause, même de façon implicite, les
faits déjà définitivement jugées, car elle fait
remonter ses effets dans le passé, tout en modifiant des droits qui
étaient déjà acquis. Cela peut amener un justiciable qui
s'est vu débouter sur un droit de saisir une fois de plus le juge pour
être entendu sur la base d'une loi nouvelle rétroactive qui a
modifié l'état du droit préexistant.
2- La modification défavorable dans le
passé d'une situation juridique légale
Comme nous l'avons dit en comparant une loi
expressément rétroactive à une loi de validation, à
l'inverse d'une loi de validation qui conduit à déclarer valables
des actes qui auraient été nuls par application de la loi
ancienne, la loi nouvelle rétroactive va entraîner, sinon la
nullité, du moins la révision d'actes qui étaient
parfaitement valables suivant la loi de l'époque. Cette modification est
défavorable dans le passé, puisque les situations que la loi
nouvelle régie n'étaient pas contestables, voire
illégales. On peut se poser la question de savoir ce qui peut motiver le
législateur à édicter des lois qui auront pour effet de
déroger aux situations valables, non pas dans un souci de l'adapter,
mais de les modifier rétroactivement.
Au regard de ce qui précède, les lois
expressément rétroactives sont nocives pour l'Etat de droit.
C'est dans le souci de pallier aux effets néfastes des ces lois qu'il
convient de strictement les encadrer afin de protéger l'Etat de droit.
SECTION 2 : LA PERSPECTIVE D'UN ENCADREMENT DES
INTERVENTIONS CONTRAIRES A L'ETAT DE DROIT
Dans la conception traditionnelle de souveraineté du
législateur, « il relevait de sa toute-puissance de
légiférer rétroactivement, de délivrer une
interprétation authentique de dispositions existantes ou encore de
« valider » un acte administratif entaché d'une
illégalité en vue de le mettre à l'abri d'une
éventuelle censure juridictionnelle »402(*). Paré de l'aura de la
légitimité démocratique, le pouvoir législatif
trônait au sommet de la hiérarchie des pouvoirs ; il ne pouvait
mal faire puisque « la Loi est l'expression de la volonté
générale »403(*). En l'absence d'un contrôle juridictionnel -
constitutionnel ou conventionnel - de la loi, les cris d'alarme de la
doctrine404(*)
étaient voués à demeurer de simples voeux platoniques.
En conséquence, l'essor d'un contrôle de
constitutionnalité des lois au Cameroun, s'il ravive l'archaïque
crainte du gouvernement des juges405(*), érige la Constitution en contrainte
effective adressée à l'activité législative : la
loi n'est l'expression de la volonté générale que
si elle respecte la Constitution406(*). Malgré le voeu du législateur et du
gouvernement de retarder le plus longtemps possible la mise en place effective
du Conseil constitutionnel au Cameroun, et par ricochet du contrôle de
constitutionnalité des lois, la perspective d'un contrôle efficace
et efficient est toujours envisageable.
A cet égard, le juge, tant administratif que
constitutionnel devrait prendre les choses en main et se hisser en
véritable protecteur de l'Etat de droit au Cameroun, afin de limiter,
voire de pallier définitivement aux ingérences flagrantes du
législateur dans le dénouement des litiges portés devant
les juridictions407(*) ; et pour cela, ils devront cesser d'être
timides et être audacieux. Ainsi, le contrôle de
constitutionnalité de ces lois (paragraphe 1) et la
consécration effective de la responsabilité du fait des lois
(paragraphe 2) permettra au juge constitutionnel de
contrôler ces immixtions, et au juge administratif de veiller à la
protection des droits des justiciables qui se trouveront affecter par ces
ingérences.
Paragraphe 1 : La reconnaissance effective des
pouvoirs du juge constitutionnel en matière de contrôle de
constitutionnalité des lois
Le contrôle de constitutionnalité des lois a
longtemps suscité au Cameroun, comme en France, une réticence
certaine de la part des hommes politiques comme des juristes, tous
persuadés que son introduction conduirait à une profonde
altération des souverainetés législative et populaire au
regard de l'article 6 de la Déclaration du 26 août 1789
(«La loi est l'expression de la volonté
générale»). Ils rejoignaient à cet égard
la conception dégagée par Jean-Jacques Rousseau dans son ouvrage
majeur «Du Contrat Social» (1762). Cet auteur
confère une supériorité juridique à la loi. Cette
conception «rousseauiste» de la loi, faisant de cette
dernière un acte inconditionnel, irrésistible, incontestable et
irréprochable, a toujours été invoquée pour
dénier à toute autorité juridictionnelle le pouvoir de
contrôler la conformité de la loi à la Constitution dans le
cadre d'une activité de collation des textes. C'est dans cette
orientation que s'est rangé le Cameroun dont les premières
Constitutions408(*) ne
prévoyaient l'exercice d'un éventuel contrôle de
constitutionnalité des lois que par le Président de la
République409(*),
qui se présentait comme le seul garant du respect de la
hiérarchie juridique des normes étatiques. Cela trouvait sa
justification dans le fait que la loi devait être protégée
contre des incessants appels en inconstitutionnalité émanant des
citoyens410(*).
Cette conception continue sous la République
unie411(*), mais la
nuance qui en est apportée est que « le Président
de la République saisit la Cour suprême dans les conditions
déterminées par la loi lorsqu'il estime qu'une loi est contraire
à la présente Constitution »412(*). L'article 27
alinéa 4413(*)
permet en effet à la Cour suprême de jouer le rôle du juge
de la recevabilité d'un texte de loi, elle peut être saisie
lorsque surgit un désaccord. Certes, le Professeur OWONA notait-il
déjà qu'en matière de contrôle de
constitutionnalité des lois au Cameroun « la Cour
Suprême intervient pour juger de la constitutionnalité d'une loi
sur demande du président de la République, pour juger de la
recevabilité d'une proposition de loi ou d'amendement du chef de l'Etat
ou du président de l'Assemblée Nationale »414(*).
Mais cet état des choses a évolué avec
l'avènement de la loi constitutionnelle de 1996415(*), qui crée un Conseil
constitutionnel dont les attributions, les règles de saisine et la
procédure sont contenues dans le Titre VII416(*), et l'article 46
énonce sans équivoque que « le Conseil
constitutionnel est l'instance compétente en matière
constitutionnelle. Il statue sur la constitutionnalité des
lois. ». L'alinéa 1er de l'article 47 ajoute
que « Le Conseil Constitutionnel statue souverainement sur : - La
constitutionnalité des lois, (...) ». La magnificence
présidentielle qui a marqué le cycle constitutionnel depuis plus
de quatre décennies est donc totalement remise en cause avec
l'avènement d'un contre-pouvoir juridictionnel chargé de dire le
droit avec l'autorité absolue de la chose jugée417(*).
La présence d'un juge constitutionnel apparaissait
dès lors comme la condition d'un Etat de droit dans lequel l'Etat,
dans ses relations avec ses sujets et pour la garantie de
leur statut individuel, se soumet lui-même à un régime de
Droit, afin d'empêcher l'édiction des lois liberticides et
inconstitutionnelles. Par ailleurs, malgré cette consécration
constitutionnelle, la mise en place effective tarde à venir, au regard
de la panoplie des lois inconstitutionnelles418(*) qui bondent notre ordre juridique et on se demande
bien pourquoi : est-ce une volonté des pouvoirs publics à
retarder au maximum cette mise en place ou est-ce par conformisme que ces
derniers ont institué dans les textes une juridiction constitutionnelle
au Cameroun? Cela nous pousse à analyser l'état actuel du
contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun
(A), avant d'envisager la perspective d'une reforme
(B).
A- L'état actuel du contrôle de
constitutionnalité des lois au Cameroun
La loi constitutionnelle du 18 janvier 1996 crée un
Conseil constitutionnel au Cameroun dont les attributions sont prévues
par le Titre VII. Cette consécration entre en droite ligne avec les
changements politiques intervenus depuis les années 1990 :
« introduites à la faveur des changements politiques
intervenues sur le continent, les juridictions constitutionnelles africaines
actuelles procèdent d'un mouvement endogène et exogène des
constituants africains, qui mettent un point d'honneur à organiser des
contrôles de constitutionnalité. Ceux-ci deviennent un
élément incontournable de l'Etat de droit »419(*) Les reformes
entreprises par l'Etat camerounais en faveur de la promotion et de la
protection des droits de l'Homme et des libertés fondamentaux, en raison
essentiellement des mutations juridiques touchent la protection de
l'intégrité de la Constitution420(*). Mais jusqu'à l'instant présent, cette
consécration est restée lettre morte, puisque les dispositions
transitoires de la loi constitutionnelle de 1996 confie l'exercice des
attributions du Conseil constitutionnel à la Cour suprême
(1), de plus, le contrôle de constitutionnalité
des lois est encore ineffectif (2).
1- La Cour Suprême statuant comme Conseil
constitutionnel
Comme la plupart des Etats africains francophones,
« le Cameroun s'est doté d'une juridiction
constitutionnelle intégrée à la Cour Suprême,
caractérisé par l'inexistence d'une formation
spécialisée dans le contentieux
constitutionnel »421(*). C'est en effet la Cour Suprême qui se
prononce en sections réunies en matière constitutionnelle.
L'article 67 alinéa 4422(*) de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996
prévoit que « La Cour Suprême exerce les
attributions du Conseil Constitutionnel jusqu'à la mise en place de
celui - ci ». Cette disposition transitoire fait de la Cour
Suprême juge constitutionnel au Cameroun en attendant la mise en place
effective du Conseil constitutionnel. Cela aurait paru logique si cette
tâche confiée à la Cour Suprême était de
courte durée ; mais on se rend compte que, quinze ans après
l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution et six ans après
la promulgation de la loi portant son organisation et son
fonctionnement423(*), le
« Conseil constitutionnel » n'a pas encore
été effectivement mis sur pied. On remarque encore le laxisme des
pouvoirs publics à prendre des dispositions pour la mise en place du
Conseil constitutionnel. En attendant toujours cette mise en place, la Cour
Suprême essaye tant bien que mal de jouer ce rôle à
côté de ses attributions classiques424(*). Ainsi, la Cour
Suprême camerounaise forme un « bloc
monolithique »425(*), car elle exerce toute la fonction
juridictionnelle au Cameroun.
La Cour Suprême, lorsqu'elle statue comme Conseil
constitutionnel, décide en sections réunies. L'article 67
alinéa 4 n'a donné aucune autre précision quant la
procédure suivie devant la Cour Suprême statuant comme Conseil
constitutionnel ; on estime que cette dernière devra se conformer
aux dispositions du Titre VII (articles 46 à 52). Jusqu'à
présent, le contrôle de constitutionnalité des lois n'a
touché que certains domaines précis426(*), au regard de la panoplie
des lois inconstitutionnelles qui abondent dans notre ordre juridique. Cela
n'est pas étonnant si quinze ans plus tard on se trouve dans une
situation pareille : on comprend dès lors que le souci du
constituant de 1996 n'était pas d'innover en consacrant une justice
constitutionnelle au Cameroun, mais de se conformer au phénomène
de mode lié à la création en Afrique des juridictions
constitutionnelles calquée sur les modèles européens et
américains. « La difficulté réside au
Cameroun dans le fait que le pouvoir refuse de se soumettre à la
suprématie constitutionnelle et au contrôle de la
conformité de ses actes avec la norme suprême. Le poids du
passé reste latent, notamment le maintient d'un mode de gouvernement
fondé sur la primauté du président.»427(*)
La doctrine camerounaise428(*) considérait déjà cet
état de chose429(*) comme justifiant la prise en compte des dispositions
transitoires430(*). Ce
sont ces dispositions transitoires qui mettent à mal l'application des
dispositions constitutionnelles pour une durée limitée ou
illimitée ; « en prévoyant une
délégation de pouvoir à un autre
organisme »431(*).
Tout en espérant que la Cour Suprême, en
attendant la mise en place véritable du Conseil constitutionnel, pourra
dans un avenir proche exercer véritablement un contrôle de
constitutionnalité des lois. On se pose la question de savoir si cette
mise en place sera effective, puisque le constituant a élaboré
toutes les stratégies pour contrecarrer le contrôle de
constitutionnalité des lois, notamment en instituant une
procédure assez rigoureuse, ce qui ne favorisera pas le contrôle.
2- La rigueur des procédures devant le juge
constitutionnel pas toujours favorable à un contrôle de
constitutionnalité des lois efficient
L'étroitesse de la saisine, la consécration d'un
contrôle a priori, sont des éléments qui
permettent d'affirmer la rigueur de la procédure consacrée par le
constituant camerounais.
Pour ce qui est de la saisine, il convient de distinguer
quatre types de saisine du juge constitutionnel432(*): les saisines
obligatoires433(*), les
saisines facultatives434(*), les saisines intéressées435(*) et les saisines
controversées436(*). Si le sort des décisions ne dépend
pas des saisines, la sélection des autorités investies du pouvoir
de saisine compromet le principe de justiciabilité devant l'instance de
garantie de l'idée de droit et de jeu politique437(*). En matière de
contrôle de constitutionnalité des lois, la saisine est
réservée aux autorités politiques : Président de la
République, les présidents des chambres parlementaires
(Assemblée Nationale et Sénat), le tiers des
députés ou des sénateurs438(*). Cette saisine est confisquée par
ceux-là mêmes qui sont à l'origine des textes439(*). En sus de ces
autorités, le droit de saisine du Conseil constitutionnel est reconnu
aux exécutifs régionaux uniquement lorsque les
intérêts de leur région sont en cause440(*). Cette étroitesse de
la saisine entrave considérablement l'accès au juge
constitutionnel ; « or, pour garantir le contrôle de
constitutionnalité, il faut que le juge constitutionnel soit
accessible »441(*). Malgré l'extension considérable
du droit de saisine, celle-ci est toujours précaire, car mêmes
ceux qui ont été ajouté ne peuvent pas être
considérés comme exerçant une influence quelconque par
rapport à la situation antérieure442(*).
En introduisant un contrôle strictement a
priori443(*), le
constituant camerounais entendait limiter les recours incessants devant le
Conseil constitutionnel. Bien que présentant des avantages
considérables, notamment sa simplicité (saisine immédiate
du juge constitutionnel dès qu'une loi est votée), sa
rapidité (15 jours444(*)), son efficacité (dans la mesure où
elle ne remet pas en cause les lois en vigueur), le mode de saisine vient
rendre ce type de contrôle contestable. Cela se justifie par le fait que
les autorités disposant du pouvoir de saisine sont ceux là
mêmes qui sont à l'origine des textes ou qui sont
influencées par leur opinion ; et comme nous l'avons dit, le
problème de la minorité parlementaire se pose.
Subséquemment, en l'état actuel du
contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun, on ne peut
s'empêcher de remettre en question ce contrôle, due à
l'étroitesse de la saisine du juge constitutionnel et à la
consécration d'un contrôle a priori qui apparaissent comme
insuffisants pour un contrôle de constitutionnalité efficient. La
perspective d'une reforme ou d'une reconsidération de la
procédure est envisageable.
B- La perspective d'une reconsidération du
contrôle de constitutionnalité des lois
La soumission du pouvoir politique à la norme
fondamentale n'est pas encore réalisée au Cameroun. Cela est la
conséquence de multiples hésitations, méfiances et
craintes des pouvoirs publics. Le constituant camerounais de 1996 a
essayé de limiter cette soumission du pouvoir au droit, malgré la
consécration d'un Conseil constitutionnel445(*), et par ricochet d'un
contrôle de conformité de ses actes à la norme
fondamentale. Mais au regard des lois inconstitutionnelles sans cesse
croissant, parmi lesquelles les ingérences du législateur dans
l'administration de la justice, et au regard de l'échec actuel du
contrôle de constitutionnalité des lois, il serait indispensable
d'envisager une reconsidération de ce contrôle au Cameroun ;
cela dans le but, non seulement d'exercer un contrôle efficient de
l'activité législative, mais aussi de protéger l'Etat de
droit.
Ainsi, la mise en place effective du Conseil constitutionnel
(1) et la consécration de l'exception
d'inconstitutionnalité (2) contribueront à
l'émergence du contrôle de constitutionnalité des lois au
Cameroun.
1- La mise en place d'une justice constitutionnelle
autonome
Contrairement à d'autres systèmes africains, le
Cameroun est resté au statuquo en matière de contrôle de
constitutionnalité. La transition vers le pluralisme politique n'a pas
semblé entrainer avec elle les démons du passé.
L'importante mutation constitutionnelle du 18 janvier 1996 a permis un
changement considérable, mais ce changement se trouve biaisé par
la volonté des pouvoirs publics de retarder au maximum la mise en place
des institutions telles le Conseil constitutionnel446(*).
En 2004, le législateur camerounais a voté deux
lois447(*) relatives au
Conseil constitutionnel, promulguées par le Président de la
République, qui consacrent définitivement le statut du Conseil
constitutionnel. Mais des difficultés se sont présentées
quant au statut des membres du Conseil448(*). On peut encore s'étonner de ce laps de temps
qui s'est écoulé depuis l'entrée en vigueur de la
Constitution de 1996 et les lois fixant l'organisation, le fonctionnement et le
statut des membres du Conseil constitutionnel ; et entre la promulgation
de ces lois jusqu'à l'heure actuelle.
La mise en place effective du Conseil constitutionnel
nécessite donc une prise en compte de certains paramètres :
Le juge constitutionnel bénéficie d'un ensemble de garanties dans
l'exercice de ses fonctions. Ces garanties sont à la fois personnelles
et organiques. Il s'agit des garanties statutaires organisant
l'indépendance et la dignité dans l'exercice des fonctions au
sein de la juridiction constitutionnelle449(*). Le juge constitutionnel camerounais se trouve
placé face aux pouvoirs politiques. Son action dépend des
garanties statutaires conférées tant à l'organe qu'aux
membres.
Au surplus, l'effectivité de l'Etat de droit se mesure
au sort quotidien réservé aux décisions du juge
constitutionnel450(*).
Dans le souci de construire un Etat de droit, il convient d'assurer au Conseil
constitutionnel, ainsi qu'à ses membres des garanties
d'indépendance451(*). On espère que lorsque les pouvoirs publics
vont enfin se décider de mettre sur pied véritablement le Conseil
constitutionnel, toutes ces garanties leur seront retenues ; mais le plus
tôt sera le mieux, car l'ordre juridique camerounais pullule des lois
inconstitutionnelles, parmi lesquelles certains interventions du
législateur dans le fonctionnement de la justice qualifiées de
contraires à l'Etat de droit, qu'il conviendrait d'encadrer. Mais la
mise en place d'un Conseil constitutionnel autonome ne suffit pas, il faudrait
l'accompagner des règles de procédure souples qui permettront une
limitation des lois inconstitutionnelles452(*).
2- La reconsidération des règles de
procédure devant le juge constitutionnel
La difficile gestation d'une justice constitutionnelle au
Cameroun est due à la rigueur de la procédure devant le juge
constitutionnel. « il ne suffit pas de proclamer la
suprématie du droit dans un texte constitutionnel pour que le droit joue
un rôle effectif dans la régulation des pouvoirs publics et la
protection des citoyens vis-à-vis de ces pouvoirs »453(*), il faut y
consacré des règles pouvant être en mesure d'assurer cette
régulation. Ainsi, en introduisant le cumul d'un contrôle a priori
avant la promulgation de la loi avec un contrôle a posteriori, cela
constituerait un progrès notable. Le contrôle a priori aura
l'avantage d'empêcher qu'une loi inconstitutionnelle ne
pénètre dans l'ordre juridique, alors que le contrôle a
posteriori, par le biais des questions préjudicielles, fera rouvrir le
débat454(*).
Par ailleurs, en l'absence de toute disposition
constitutionnelle leur accordant le droit de contrôle, les tribunaux
camerounais ne se sont pas crus autorisés à instituer ce
contrôle par voie jurisprudentielle, « ils ont
affirmé de façon implicite que le contrôle de
constitutionnalité est interdit aux citoyens au
Cameroun »455(*). Cela exclut l'exception
d'inconstitutionnalité au Cameroun. Sous l'empire de la Constitution de
1961, la Cour Fédérale de Justice avait eu à prendre
position sur le contrôle de constitutionnalité des lois456(*). Sous la Constitution du 2
juin 1972, la Cour d'appel de Garoua a eu aussi à prendre position sur
le contrôle de constitutionnalité des lois dans un arrêt du
5 mai 1973457(*).
Malgré le fait la Cour Suprême refuse de contrôler par voie
d'exception la constitutionnalité des lois, elle a, dans certains
cas458(*), amorcé
une évolution vers un contrôle indirect de la
Constitution459(*). De
même le juge des référés460(*), par une démarche
audacieuse, « consacre une captation du pouvoir
d'interprétation de la Constitution par le juge administratif à
des fins d'application au contentieux »461(*).
Cette prise de position hardie du juge camerounais en
matière de contrôle de constitutionnalité par voie
d'exception pose les bases d'une future consécration de ce type de
contrôle. On espère comme en France462(*), le Cameroun malgré
les réticences actuelles en faveur de ce type de contrôle pourra
faire une avancé considérable vers la consolidation d'Etat de
droit au Cameroun. La consécration de l'exception
d'inconstitutionnalité constituerait une garantie pour tout justiciable
de ses droits et libertés fondamentaux. Mais cela devrait, pour
éviter que la Constitution ne devienne entre les mains des justiciables
un instrument banal463(*), contenu dans un certain nombre de conditions.
Le contrôle de constitutionnalité des lois permet
au juge constitutionnel de veiller au respect de la Constitution par le
législateur, lorsque ce dernier intervient dans le fonctionnement de la
justice administrative. Ses actes doivent donc être soumis à un
contrôle rigoureux de la part du juge constitutionnel, même si
celui-ci, avec l'aide de l'exécutif, retarde au maximum
l'effectivité d'un contrôle de constitutionnalité au
Cameroun. Mais la possibilité peut aussi être donnée au
juge administratif pour contrecarrer les élans du législateur
à travers la responsabilité de l'Etat législateur.
Paragraphe 2 : La perspective d'une
reconsidération de la responsabilité du fait des lois par le juge
administratif
La responsabilité du fait des lois ou
responsabilité à l'occasion de la fonction
législative464(*), ou tout simplement responsabilité de l'Etat
législateur rentre dans la catégorie
« responsabilité de l'Etat du fait d'activités
autres qu'administratives »465(*). Au nombre de ces activités, on en
identifie trois : législatives, internationales ou
juridictionnelles, que seul l'Etat parmi les personnes publiques peut exercer.
La question de la responsabilité de l'Etat à l'occasion de la
fonction législative est classique. Elle concerne les dommages
causés par les lois formelles mais aussi, d'une manière plus
générale, par tout acte ayant valeur législative, tel que
les ordonnances, et même indirectement les dommages causés par les
mesures d'exécution des lois466(*). La caractéristique non administrative de
l'activité législative de l'Etat soulève des
interrogations quant à la responsabilité : tout d'abord,
peut-on admettre que l'Etat engage sa responsabilité dans l'exercice
d'activités qui concernent au premier chef sa souveraineté?
Certains auteurs, à l'instar de VEDEL et DELVOLVE467(*) pensent que
« l'argument de la souveraineté ne saurait constituer un
argument dirimant à la reconnaissance de la
responsabilité »468(*). Ensuite, le juge administratif peut-il statuer
sur des activités qui ne sont pas administratives? Bien qu'il ne
s'agisse pas de la responsabilité administrative au sens strict, les
principes applicables à la responsabilité administrative leur
sont applicables et c'est au juge administratif qu'il revient de les
appliquer469(*).
Le principe qui a longtemps prévalu était celui
de l'irresponsabilité absolue de l'Etat pour les dommages causés
par la législation. Les dommages causés par une loi n'ouvraient
pas de droit à indemnité. Cette irresponsabilité
était fondée sur des arguments divers entre autres la
souveraineté du législateur470(*) et la portée générale des actes
législatifs471(*). La responsabilité de l'Etat
législateur trouve sa consécration dans la jurisprudence à
travers un arrêt de principe du Conseil d'Etat français, La
Fleurette472(*).
D'autres arrêts viennent entériner de façon on ne peut plus
convaincante l'espèce La Fleurette473(*).
En tant que tel, la responsabilité du fait des lois
peut être engagée s'il s'avère qu'il y a violation du
principe de l'égalité des citoyens devant les charges
publiques474(*). Au
regard de sa particularité, la responsabilité de l'Etat
législateur pour être engagée est soumise à un
certain nombre de conditions (A). Après l'analyse de
ces conditions, nous envisagerons la question de la responsabilité de
l'Etat législateur relativement aux interventions contraires à
l'Etat de droit (B).
A- Les conditions d'existence de la
responsabilité du fait des lois en général
Elles ont été élaborées par la
jurisprudence du Conseil d'Etat français des espèces La
Fleurette, Lacombe et Secrétaire d'Etat à la jeunesse, et
théorisées par la doctrine. La responsabilité de l'Etat
législateur demeure difficile à mettre en jeu de sorte que ses
applications possibles sont relativement rares. Ainsi, plusieurs conditions
sont donc strictement exigées par la jurisprudence. La doctrine les a
regroupées en conditions négatives (1) et en
conditions positives (2).
1- Les conditions négatives de la
responsabilité de l'Etat législateur
Certaines circonstances excluent la responsabilité de
l'Etat législateur, c'est en cela qu'elles sont dites négatives.
La responsabilité de l'Etat législateur peut se trouver exclue
par le législateur lui-même, soit à raison des
caractères de l'activité à laquelle il a porté
atteinte, soit à raison du but poursuivi. En effet, le
législateur écarterait tout droit à indemnité
lorsque l'activité en cause est elle-même anormale ou lorsqu'elle
est limitée ou supprimée dans un but d'intérêt
général.
Dans le premier cas, la volonté du législateur
s'impose au juge, il ne pourra condamner l'Etat à réparer le
dommage causé par la loi, à moins qu'avant sa promulgation les
dispositions écartant la responsabilité aient été
déclarées contraires à la Constitution par le juge
constitutionnel475(*).
Le législateur peut rédiger la loi de trois
manières : soit en écartant purement et simplement la
responsabilité de l'Etat476(*), soit en édictant des dispositions qui
écartent implicitement mais nécessairement cette
responsabilité, soit enfin en aménageant un régime
particulier d'indemnisation477(*).
Dans le second cas, le but d'intérêt
général poursuivi par la loi exclut l'octroi d'une
indemnité pour préjudice causé par la loi ; mais elle
n'est pas absolue. La jurisprudence fait donc référence à
l'intérêt général pour justifier la
réparation des conséquences dommageables de la loi. Dans d'autres
cas, l'intérêt général constitue un obstacle
à la responsabilité spécialement en matière
économique478(*).
S'il est démontré que le législateur a entendu satisfaire
des intérêts particuliers aux détriments d'autres
intérêts, l'indemnisation des seconds devient une
nécessité. D'un autre côté, le principe
d'égalité peut être écarté dans un but
d'intérêt général, à condition qu'il existe
un lien de causalité entre le but d'intérêt poursuivi par
une loi et les dommages qu'elle entraîne. Ainsi, le principe de
l'égalité devant les charges publiques commande l'octroi d'une
indemnité, si les conditions dites positives sont remplies.
2- Les conditions positives de la
responsabilité de l'Etat législateur
Elles sont qualifiées de positives parce qu'elles
n'excluent pas la responsabilité et par ricochet l'indemnisation,
puisqu'elles doivent être remplies pour l'octroi de l'indemnisation. Pour
cela, il faut que le préjudice soit spécial et d'une
gravité suffisante.
Pour ce qui est de la spécialité, c'est cette
exigence qui a longtemps fait considérer que, par définition, la
loi ne pouvait donner lieu à responsabilité479(*). Le caractère
spécial signifie que la loi ne touche qu'une catégorie de
personnes, c'est-à-dire spéciale à celles-ci. C'est
à cette condition que s'ouvrira le droit à réparation.
Dans les espèces précitées480(*), il s'agissait effectivement
d'entreprises spécialisées dans des productions très
particulières. La jurisprudence a évolué en consacrant
cette application à des cas où il y a une pluralité de
victimes à condition notamment que celles-ci constituent une
catégorie limitée d'individus481(*).
Pour la gravité et l'anormalité, il faut
préciser que la notion de préjudice anormal intervient
généralement en matière de responsabilité pour
risque, elle entretient une relation avec la gravité. Précisons
également que certains préjugés nés de la loi ne
sont jamais anormaux, car les activités auxquelles la loi porte atteinte
sont elles-mêmes anormales (activités à caractère
immoral, illicite ou dangereux). Lorsque les activités n'ont rien
d'anormal l'anormalité du préjudice résultant de la loi,
les restreignant ou les limitant, n'est atteinte que s'il est grave482(*).
B- Le régime particulier de la
responsabilité de l'Etat législateur relativement aux
interventions contraires à l'Etat de droit
Au regard du caractère néfaste des interventions
du législateur contraires à l'Etat du droit, il convient
d'entrevoir l'application qui en est faite par le juge. Du fait de l'atteinte
qu'elle porte aux individus, parce qu'elles interviennent dans le cours d'un
procès, les interventions du législateur constituent un obstacle
particulier aux droits483(*) des justiciables. En cela, la responsabilité
de l'Etat législateur dans ces cas devrait être repensée,
du fait du caractère particulier de ces lois. Ainsi, la
responsabilité de l'Etat législateur peut être
différente pour les lois d'immunité juridictionnelle
(1) ainsi que pour les lois rétroactives
(2).
1- Le cas des lois d'immunité
juridictionnelle
Comme nous l'avons analysé dans le chapitre portant sur
les lois d'immunité juridictionnelle, ces lois consacrent à
certains actes administratifs un régime contentieux particulier qui
empêche certains justiciables de porter devant le juge administratif un
litige relatif soit à la désignation des chefs traditionnels,
soit à la répression du terrorisme, soit à la limite des
circonscriptions administratives et des unités de commandement etc. A la
différence du régime de la responsabilité des lois
ordinaires484(*), les
lois qui excluent de la connaissance du juge administratif ces domaines
doivent, du fait de leur inconstitutionnalité, tenir compte d'autres
paramètres lorsqu'il s'agit de la responsabilité de l'Etat
législateur.
Ainsi, les charges publiques ne suffiront plus pour justifier
la responsabilité de l'Etat législateur, puisque le
législateur entend explicitement remettre en cause des situations
spécifiques485(*)
au profit de l'Administration et au détriment d'une catégorie
d'individus ; il faudra envisager une éventuelle
responsabilité pour faute de l'Etat législateur486(*) : il est vrai qu'au nom
de la souveraineté absolue de l'Etat législateur, toute
idée de faute n'est pas envisageable ; mais au regard de la
nocivité des lois d'immunité juridictionnelle, la faute du
législateur peut être liée au fait que ce dernier n'oeuvre
pas dans l'intérêt général, mais motivé par
des considérations extra juridiques487(*). Le juge devra, afin de ne pas permettre d'attaquer
la loi intempestivement, encadrer la considération de cette faute dans
certaines conditions.
2- Le cas des lois expressément
rétroactives
Nous envisagerons ici les lois rétroactives dans leur
ensemble, y compris les lois de validation et les lois
interprétatives488(*). La particularité des lois
rétroactives est qu'elles influencent les situations et actes
passés sous l'emprise d'une loi ancienne, qui dans ce cas est
censée n'avoir jamais existé, puisque la loi nouvelle,
rétroactive, est revenue pour régir des situations
passées. Il est vrai que le juge administratif français exclut la
responsabilité de l'Etat législateur par rapport au but
poursuivi, c'est-à-dire l'intérêt général.
Mais les lois rétroactives ne poursuivent pas toujours
l'intérêt général, car la
rétroactivité qui caractérise ces lois constitue une
inconstitutionnalité. Inconstitutionnalité et
responsabilité sont liées dans le cadre des lois
rétroactives. Mais la responsabilité du fait des lois est
difficile à mettre en oeuvre dans le cadre des lois expressément
rétroactives ; la difficulté réside ici dans le fait
que, un nombre incalculable de personnes ont été régis par
une loi ancienne qui est remis en cause par une loi nouvelle qui
rétroagit, influençant ainsi les situations antérieures.
L'idée de la spécialité du préjudice est ainsi
problématique, mais l'anormalité et la gravité doivent
être prises en compte.
De plus, une constitutionnalisation de la
responsabilité du fait des lois reste envisageable, ce d'autant plus
qu'en intégrant dans la Constitution un régime de la
responsabilité de l'Etat législateur, à côté
du contrôle de la constitutionnalité des lois, cela contribuera
à contenir le législateur dans son élan, sans toutefois
limiter ses pouvoirs, lorsque ce dernier a l'intention d'agir en marge de la
Constitution.
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
Nul doute que la volonté du législateur
d'édicter des lois expressément rétroactives est contraire
à l'Etat de droit. Les lois expressément rétroactives
constituent une atteinte flagrante à l'indépendance de la
justice. En effet, comme nous avons essayé de le démontrer tout
au long du chapitre, le juge se trouve une fois de plus menacé par le
législateur, et il se trouve impuissant.
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE
L'Etat de droit est menacé au Cameroun, et cette
bravade est l'oeuvre du législateur qui, au fil du temps, se hisse en
bourreau à l'autel du sacrifice du principe de la séparation des
pouvoirs. Comme nous l'avons vu dans le cadre de cette partie, le
législateur s'est adjugé la place de protecteur de l'Etat en
général et de l'Administration en particulier, avec la
bénédiction du pouvoir exécutif, et c'est le juge
administratif qui en paie les frais. Ce dernier n'est plus en mesure de
s'exprimer dans son propre domaine, celui de dire le droit, et se trouve sans
cesse au prise avec les interventions du législateur dans son champ de
compétence. Le juge administratif camerounais se voit au jour le jour
menacé par la loi, et on assiste généralement à une
impossibilité de sa part d'aller à l'encontre de la
volonté du législateur. Les lois d'immunité
juridictionnelle et les lois expressément rétroactives sont
devenues récurrentes et le seul remède à ce
développement exponentiel est l'intervention du juge constitutionnel
qui, jusque-là, tarde encore à faire ses preuves à travers
un contrôle pointilleux de constitutionnalité de ces lois qui
portent atteinte à l'Etat de droit.
CONCLUSION GENERALE
De ce tour d'horizon sur les interventions du
législateur dans le fonctionnement de la justice administrative au
Cameroun, on tire cette conclusion que le principe de la séparation des
pouvoirs qui fonde notre droit est de plus en plus mis en danger. En
dépit des interventions qualifiées de compatibles avec l'Etat de
droit, on se rend compte que le législateur a toujours tendance à
en abuser.
Certes le pouvoir du législateur, notamment celui de
faire des lois qui interfèrent dans le dénouement de certains
procès, n'est pas contesté dans son principe489(*). Mais il est
singulièrement bridé dans la mesure où cela constitue une
entrave à l'exercice par le juge, surtout le juge administratif, de son
rôle de protecteur de l'Etat de droit.
Comme le rappelle le Professeur MALAURIE, pour justifier les
ingérences du législateur dans la justice, « c'est
[...] une donnée fondamentale de notre droit que le législateur a
le pouvoir de combattre la jurisprudence, [...] : telle est la
conséquence de deux principes constitutionnels essentiels, la
hiérarchie des normes et le refus du gouvernement des
juges »490(*). Deux siècles plus tôt,
PORTALIS491(*) tenait le
même langage : « Il faut que le législateur
veille sur la jurisprudence : il peut être éclairé par
elle, et il peut, de son côté, la corriger ; mais il faut
qu'il y en ait une »492(*). Mais il ne faut pas perdre de vue le fait que
le législateur n'est pas toujours motivé par ces
considérations, et ses interventions dans la justice ne sont pas
toujours empruntes de rationalisme et d'intention favorables au bien commun.
On se pose la question de savoir : le Cameroun est-il
prêt à passer d'un Etat de droit «relatif» à un
Etat de droit «absolu»? La dynamique du contrôle de
constitutionnalité semble lancée, et autorise quelques
interrogations légitimes. En effet, si Montesquieu présentait le
juge comme une «bouche qui prononce les paroles de la loi»
(cette fonction étant «en quelque façon nulle
»), de nos jours cette fonction de simple diction n'est-elle pas
devenue le fait des législateurs?
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
I- Ouvrages généraux et
spécifiques
1-ARDANT (Philippe), Institutions
politiques et droit constitutionnel, Paris, Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence, 8ième
édition, 1996, 578p.
2-AUBY (Jean-Marie) et AUBY (Jean-Bernard),
Institutions administratives, Paris, Précis Dalloz,
6ième édition, 1991, 567p.
3-BILONG Salomon, Approche
méthodologique du Droit administratif, Dschang, Presses
Universitaires de Dschang, 3ième édition
(corrigée et augmentée), 2008, 284p.
4-CHAPUS (René), Droit
administratif général, Paris, Montchrestien, Précis
Domat, Tome 1, 15ième édition, 2001, 1427p.
5-CHAPUS (René), Droit du
contentieux administratif, Paris Montchrestien, Précis Domat,
5ième édition, 1995, 1121p.
6-DE LAUBADERE (André), VENEZIA (Jean Claude)
et GAUDEMET (Yves), Traité de droit administratif,
Paris, LGDJ, Tome 1, 14ième édition, 1996, 1027p.
7-DREYFUS (Françoise) et D'ARCY
(François), Les institutions politiques et administratives
de la France, Paris, Economica, 4ième édition
revue et augmentée, 1993, 469p.
8-DUPUIS (Georges) et GUEDON (Marie-José),
Droit administratif, Paris, Armand Colin,
4ième édition, 1993, 581p.
9-FOILLARD (Philippe), Droit
administratif, Manuel, Orléans, Paradigme Centre des Publications
Universitaires, 8ième édition, 2003-2004, 426p.
10-GASNIER-JEANNOT (Anne), Institutions
administratives et judiciaires, Manuel, Paris, Le Périscope Centre
des Publications Universitaires, 2000-2001, 255p.
11-KAMTO (Maurice), Droit administratif
processuel du Cameroun, Yaoundé, Presses Universitaires du Cameroun,
1990, 256p.
12-LESAGE (Michel), Les interventions du
législateur dans le fonctionnement de la justice, Paris, Librairie
Générale de Droit et de Jurisprudence, 1960, 339p.
13-LOCKE (John), Traité du
Gouvernement civil, Paris, Flammarion, 2ième
édition corrigée, 1992, Traduction David MAZEL.
14-MONTESQUIEU, De l'esprit des lois,
Présentation par Victor GOLDSCHMIDT, Paris, Garnier-Flammarion, 1979,
507p.
15-MORAND-DEVILLER (Jacqueline), Cours de
droit administratif, Paris, Montchrestien, 8ième
édition, 2003, 858p.
16-NLEP (Roger-Gabriel), L'administration
publique camerounaise : Contribution à l'étude des
systèmes africains d'administration publique, Paris, LGDJ,
Bibliothèque africain et malgache, 1986, 406p.
17-OWONA (Joseph), Droit administratif
spécial de la République du Cameroun,
Yaoundé (séries manuels et travaux de l'Université de
Yaoundé), EDICEF, 1985, 256p.
18-OWONA (Joseph), Droit constitutionnel
et régimes politiques africains, Paris, Berger-Levrault, 1985, 410p.
19-PERROT (Roger), Institutions
judiciaires, Paris, Montchrestien, 7ième édition,
1995, 599p.
20-ROUAULT (Marie- Christine),
L'essentiel du droit administratif général,
Paris, Gualine éditeur, Collection Les Carrés,
6ième édition 2007, 128p.
21-SOKENG (Roger), Institutions
judiciaires au Cameroun, Yaoundé, Collection « Le
Bord », 3ième édition, 2000, 252p
22-VEDEL (Georges) et DELVOLVE (Pierre),
Droit administratif, Paris, Presses Universitaires de
France (PUF), Tome 1, 12ième édition, 1992, 716p.
23-VINCENT (Jean), GUINCHARD (Serge), MONTAGNIER
(Gabriel) et VARINARD (André), Institutions judiciaires.
Organisation-Juridictions-Gens de justice, Paris, Précis Dalloz,
6ième édition, 2001,822p.
II- Articles de doctrine
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développement constitutionnel de 1996 », in Juridis
Périodique n°44, octobre-novembre-décembre 2000, pp
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2-ATEMENGUE (Jean de Noël),
« Les actes de gouvernement sont-ils une catégorie
juridique ? Discussion autour de leur origine française et de leur
réception camerounaise », in Juridis Périodique
n°42, avril-mai-juin 2000, pp 102-109
3-AUVRET-FINK (Josiane), « Les
actes de gouvernement, irréductible peau de chagrin ? »,
in Revue de Droit Public et de Science Politique en France et à
l'étranger (RDP), janvier-février1995, pp 130-174.
4-BACOT (Guillaume), « L'esprit des
lois, la séparation des pouvoirs et Charles EISENMANN », in
RDP, mai-juin 1992, pp 617-656.
5-BILONG (Salomon), « Le
déclin de l'Etat de droit au Cameroun : Le développement des
immunités juridictionnelles », in Juridis
Périodique n°62, avril-mai-juin 2005, pp 52-61.
6-BILONG (Salomon),
« L'insaisissable responsabilité sans faute de la
puissance publique en droit camerounais », in Annales de la
Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de
Dschang, Tome 1, Volume 1, 1997, pp 87-101.
7-DU GRANRUT (Bernard), « Faut-il
accorder aux citoyens le droit de saisir le Conseil
Constitutionnel ? », in RDP, mars-avril 1990, pp
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8-HEERS (Mireille), « La
Sécurité juridique en droit administratif français :
vers une consécration du principe de confiance
légitime », in Revue Française de Droit
Administratif, septembre-octobre 1995, pp963-969.
9-KAMTO (Maurice), « Actes de
gouvernement et Droits de l'Homme au Cameroun », in Lex Lata
n°26, mai 1996, pp 9-14.
10-KEUTCHA TCHAPNGA Célestin, « La
réforme attendue du contentieux administratif au
Cameroun », in Juridis Périodique
n°70, avril-mai-juin 2007, pp 3-29 ; Commentaire de la loi
n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le
fonctionnement des tribunaux administratifs.
11-LEMIEUX
(Charlotte), « Jurisprudence et sécurité
juridique : une perspective civiliste », in Revue de droit de
l'Université de SHERBROOKE n°29, 1998-1999, pp 224-243.
12-MALINVAUD (Philippe),
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sur les lois rétroactives », in Le Code Civil, un
passé, un présent, un avenir, Dalloz, 2004, pp
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13-MANGA (Philippe), « Le
contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun : un
cliché à corriger », in Juridis info n°11,
juillet-août-septembre 1992.
14-MATHIEU (Bertrand), « Les
validations législatives devant le juge constitutionnel : Bilan
d'une jurisprudence récente », in Revue Française de
Droit Administratif, juillet-août 1995, pp 780-792.
15- MATHIEU (Bertrand),
« La sécurité juridique, un principe
clandestin mais efficient », Droit constitutionnel,
Mélanges P. Gélard, Montchrestien, 1999, pp 301-305.
16- MATHIEU (Bertrand), « Les
validations législatives devant le juge de Strasbourg : une
réaction rapide du Conseil Constitutionnel mais une décision
lourde de menace pour l'avenir de la juridiction constitutionnel »,
in Revue Française de Droit Administratif, mars-avril 2000, pp
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17- MOLFESSIS (Nicolas), « La
notion de loi interprétative », in Revue Trimestrielle de
Droit Civil, 2002, pp.599 et suivants.
18-MOMO (Claude), « Heurs et
malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun », in Juridis
Périodique n°64, octobre-novembre-décembre 2005, pp
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19-NGUELE ABADA (Marcelin), « La
réception des règles du procès équitable dans le
contentieux de droit public », in Juridis Périodique
n°63, juillet-aout-septembre 2005, pp 19-33.
20-ROSOUX (Géraldine), « Le
contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », in Revue de la Faculté de Droit
de l'Université de Liège, De Boeck et Larcier, pp 137-219.
21-SANDRAS (Catherine), « Les lois
de validation, le procès en cours et l'article 6 paragraphe
1er de la Convention européenne des Droits de
l'Homme », in Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme, 2002,
pp 629-657.
22-SHRAMECK (Olivier), « Les
validations législatives », in Actualité Juridique
de Droit Administratif n°5, 1996, pp 369-375.
23-SIETCHOUA DJUITCHOKO (Célestin),
« Perspectives ouvertes à la juridiction
administrative du Cameroun par la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision da la Constitution du 02 juin 1972 », in Annales
de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de
l'Université de Dschang, tome 1, volume 1, 1997, pp 162-175.
24- SIETCHOUA DJUITCHOKO (Célestin),
« Du nouveau pour la coutume en droit administratif
camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses
conséquences », in Revue Juridique Thémis,
n°1, Volume 34, 2000, pp 130-157.
25- TABE TABE (Simon),
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Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang, Tome 8, 2004,
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III- Notes de jurisprudence
1- BOLLE (Stéphane),
L'inconventionnalité d'une validation législative conforme
à la Constitution, Notes sous Cour européenne des Droits
de l'Homme, 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal & Gonzalez et autres c/
France, par, in Revue Française de Droit Administratif 2000.
2- KEUTCHA TCHAPNGA (Célestin), « Une
révolution juridique aux conséquences paradoxales en Droit
constitutionnel camerounais : Note sous Cour Suprême statuant
provisoirement comme Conseil constitutionnel, Décision
n°001/CC/02-03 du 28 novembre 2002, validation des mandats des
députés, in Juridis Périodique
n°53, janvier-février-mars 2003, pp 61-66.
3- KIBALO ADOM (Jules), Droit et liberté
fondamentaux : Les validations législatives et le contrôle
judiciaire de l'opportunité de la loi, Notes sous Cour de
Cassation, Chambre Sociale, 24 avril 2001 par in Recueil Le Dalloz n° 30,
6 septembre 2001, pp 2445-2448.
4- MELLA (Elisabeth), Les validations
législatives au regard du droit à un procès
équitable, Observations sous Cour européenne des droits
de l'Homme (Grande Chambre), 28 octobre 1999, Zielinski et Pradal &
Gonzalez et autres c/ France, par in Revue Trimestriel des Droits de l'Homme
2000, pp 787-818.
5- PERES, L'avenir compromis des lois des validations
consécutives à un revirement jurisprudentiel, Notes sous
Cour de Cassation (Chambre Sociale), 13 juin 2007, par in Dalloz 2007, pp 2439
et suivants.
IV- Thèse et mémoires
1-ABA'A OYONO (Jean Calvin), La
compétence de la juridiction administrative en droit camerounais,
Thèse de Doctorat en Droit public, Université de Nantes, 1994,
512p.
2-HOUHOULIDAKI (Antonia),
L'exécution par l'Administration des décisions du
juge administratif en droit français et en droit grec,
Mémoire de DEA de Droit public comparé des pays européens,
Université Paris I Sorbonne, disponible sur le site
www.memoireonline.com
3-NJANKEP NGONGANG (Gilbert), La
neutralisation des décisions du juge administratif camerounais,
Mémoire de Maîtrise en droit public, Université de Dschang,
Année académique 1998-1999.
V- Textes juridiques
a- Textes nationaux
1-Loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution 02 juin 1972.
2-Loi n°64/LF/1 du 26 juin 1964 relative
à la réparation des dommages causés par les
activités terroristes.
3-Loi n°79/17 du 30 juin 1979 relative
aux contestations soulevées à l'occasion de la désignation
des chefs traditionnels.
4-Loi n°80/031 du 27 novembre 1980
dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des
chefs traditionnels.
5-Loi n°2003/016 du 22 décembre
2003 relative aux règlements des litiges portant sur les
limites des circonscriptions administratives et les unités de
commandement traditionnel.
6-Loi n°2004/004 du 21 avril 2004
portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel.
7-Loi n°2006/022 du 29 décembre
2006 fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux
administratifs.
b- Textes internationaux
1-Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
du 10 décembre 1948.
2-Pacte international relatif aux droits civils et
politiques de 1966, entré en vigueur en 1976.
3-Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
peuples de 1981.
VI- Recueils de jurisprudence
1-FAVOREU Louis et PHILIP Loïc, Les
grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Paris, Dalloz,
9ième édition, 1997, 976p.
2-LONG Marcel, WEIL Prosper, BRAIBANT Guy, DELVOLVE
Pierre, GENEVOIS Bruno, Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative, Paris, Dalloz, 16ième édition, 2007,
998p.
3-MBOME François, Les grands
arrêts de la jurisprudence administrative camerounaise, Yaoundé,
1990.
VII- Sites Internet
1- http://
www.senat.fr/
Notes de synthèse du Service des Etudes juridiques du
Sénat français, 2005-2006.
2- http:// fr.jurispedia.org/
3- http://
www.memoireonline.com/
4- http// fr.wikipedia.org/
TABLE DES MATIERES
Avertissement.......................................................................................i
Dédicace................................................................................................ii
Remerciements.....................................................................................iii
Résumé.................................................................................................iv
Abstract.................................................................................................v
Principales
abréviations........................................................................vi
Sommaire...........................................................................................viii
INTRODUCTION
GENERALE...................................................................1
PREMIERE PARTIE : LES INTERVENTIONS COMPATIBLES AVEC
L'ETAT
DE
DROIT.....................................................................................21
Chapitre 1 : Les lois de
validation........................................................20
Section 1 : Les contours de la notion de
« validation législative ».................24
Paragraphe 1 : Essai de typologie des validations
législatives.....................24
A- La validation par habilitation et la validation par
substitution..........25
1- La validation par
habilitation..........................................................25
2- La validation par
substitution.........................................................26
B- La validation par ratification et la validation stricto
sensu.................26
1- La validation par
ratification...........................................................26
2- La validation stricto
sensu..............................................................27
Paragraphe 2 : Les caractères des validations
législatives..........................27
A- La portée rétroactive des validations
législatives...............................28
1- Le caractère rétroactif des validations
législatives............................28
2- Le caractère préventif des validations
législatives.............................29
B- La question de l'interférence dans une procédure
juridictionnelle.....30
1- L'existence d'un procès en
cours.....................................................30
2- L'existence d'une illégalité
avérée....................................................31
Section 2 : La compatibilité des validations
législatives avec les exigences de
l'Etat de
droit................................................................................32
Paragraphe 1 : Les formalités exigées pour
l'exercice du pouvoir de
validation......................................................................................33
A- Les exigences générales du recours aux
validations législatives.........33
1- La satisfaction d'un intérêt
général.................................................34
2- Le respect des décisions de justice devenues
définitives...................35
3- L'exigence d'une précision stricte des actes
validés..........................36
B- Les exigences spécifiques du recours aux validations
législatives......37
1- Les exigences tenant à l'acte
validé.................................................37
2- Les exigences tenant aux techniques de validation
employées..........38
Paragraphe 2 : La portée des validations
législatives.................................39
A- Sur l'acte
annulé...........................................................................39
1- La légalité conférée à
l'acte irrégulier par le législateur.....................39
2- La conservation de leur nature d'actes
administratifs.......................40
B- Sur le cours du procès et la décision du
juge...................................41
1- La suppression de l'objet de la demande portée devant
le juge..........41
2- L'abolition de l'obligation d'exécuter la
décision du juge...................42
CONCLUSION DU CHAPITRE
1...............................................................43
Chapitre 2 : Les lois
interprétatives.....................................................44
Section 1 : Les contours de la notion de loi
interprétative.........................46
Paragraphe 1 : La distinction des lois
interprétatives avec les notions
voisines........................................................................................46
A- Distinction entre loi interprétative et loi
modificative........................47
1- Une différence de
contenu..............................................................48
2- Une dissemblance de
finalité..........................................................49
B- Distinction entre loi interprétative et loi de
validation.......................49
1- Une différence
d'objet.....................................................................50
2- Une différence de
contenu..............................................................51
Paragraphe 2 : Les caractères des lois
interprétatives................................52
A- La rétroactivité des lois
interprétatives............................................52
1- La présomption de la
rétroactivité...................................................53
2- L'exception au principe de la non-rétroactivité
des lois.....................54
B- L'application immédiate des lois
interprétatives...............................55
1- La précision expresse par le législateur de
l'application immédiate....56
2- En cas d'absence de
précision.........................................................57
Section 2 : Le régime juridique applicable aux textes
interprétatifs.............58
Paragraphe 1 : Les formalités exigées au
législateur dans l'édiction d'une loi
interprétative.................................................................................59
A- Les formalités relatives à
l'interprétation proprement dite.................60
1- L'exigence d'une matière à
interpréter.............................................60
2- L'exigence d'une controverse à
résoudre..........................................60
3- La dénégation du rôle créateur de
la loi interprétative......................61
B- Les formalités relatives au caractère
rétroactif.................................62
1- La prise en compte d'un motif d'intérêt
général...............................62
2- Le respect de l'autorité de la chose
jugée........................................64
3- Le respect des garanties légales des exigences
constitutionnelles......65
Paragraphe 2 : Les effets des lois
interprétatives.......................................65
A- Les effets sur la compétence du
juge...............................................66
1- Le respect par le juge de l'interprétation faite par le
législateur.........66
2- La question du caractère rétroactif des
revirements de jurisprudence liés aux lois
interprétatives.............................................................67
B- Les effets sur les procès en
cours....................................................69
1- L'application immédiate aux procès en
cours...................................69
2- L'influence de la décision du
juge....................................................69
CONCLUSION DU CHAPITRE
2...............................................................70
CONCLUSION DE LA PREMIERE
PARTIE.................................................71
SECONDE PARTIE : LES INTERVENTIONS CONTRAIRES A
L'ETAT DE
DROIT..........................................................................................72
Chapitre 3 : Les lois d'immunité
juridictionnelle.................................75
Section 1 : Le développement des lois
d'immunité juridictionnelle..............76
Paragraphe 1 : L'extension législative des
immunités juridictionnelles en
matière
administrative..................................................................76
A- Immunité juridictionnelle et dommages causés par
les activités
terroristes....................................................................................77
B- Immunité juridictionnelle et actes portant
désignation des chefs
traditionnels.................................................................................79
C- Immunité juridictionnelle et règlement des
litiges portant sur la limite des circonscriptions
administratives...............................................82
Paragraphe 2 : Le problème de la détermination
de la nature des actes
bénéficiant de l'immunité
juridictionnelle.......................................84
A- Actes de
gouvernement ?................................................................84
1- La notion d'actes de gouvernement en droit
camerounais................85
2- La dénaturation de certains actes de l'Administration
en actes de
gouvernement...............................................................................87
B- Actes
administratifs ?.....................................................................88
1- La détermination du caractère administratif
desdits actes...............89
2- L'injusticiabilité desdits actes consacrée par
le législateur...............90
Section 2 : Les conséquences juridiques des lois
d'immunité
juridictionnelle............................................................................92
Paragraphe 1 : Les conséquences
générales des lois d'immunité
juridictionnelle..............................................................................92
A- Le retour de la théorie de l'écran
législatif.......................................92
1- La soumission au
législateur.........................................................94
2- La Constitution
sacrifiée...............................................................96
B- Le développement exponentiel de
l'inconstitutionnalité...................97
1- L'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et
à l'indépendance de la
justice.................................................................................98
2- La déjudiciarisation progressive de l'action
administrative..............99
Paragraphe 2 : Les conséquences particulières
des lois d'immunité
juridictionnelle............................................................................100
A- Le problème de l'insécurité juridique des
lois d'immunité
juridictionnelle............................................................................100
1- Une atteinte à la garantie des droits des
justiciables......................101
2- Une atteinte aux effets d'une décision
juridictionnelle....................102
B- L'atteinte portée au droit à un procès
équitable..............................103
1- L'inapplicabilité des exigences du procès
équitable.........................104
2- L'inapplication des exigences du procès
équitable..........................105
CONCLUSION DU CHAPITRE
3.............................................................107
Chapitre 4 : Les lois expressément
rétroactives.................................108
Section 1 : La nocivité des lois
expressément rétroactives vis-à-vis de l'Etat
de
droit.......................................................................................110
Paragraphe 1 : Une limite au principe constitutionnel de la
non-rétroactivité
des
lois.......................................................................................110
A- La volonté exprimée du
législateur................................................112
1- Une volonté exprimée à travers les
dispositions transitoires............113
2- La disparition rétroactive de la loi
ancienne...................................114
B- Le caractère exceptionnel des lois expressément
rétroactives..........115
Paragraphe 2 : Les effets pervers des lois
expressément rétroactives.........115
A- Les effets sur les affaires en
cours................................................116
1- Une entrave aux situations juridiques passées
valablement sous l'égide d'une loi
ancienne........................................................................116
2- Une influence exercée sur la décision du
juge................................117
B- Les effets sur les situations devenues
définitives............................118
1- Une atteinte à l'autorité de la chose
jugée......................................118
2- La modification défavorable dans le passée
d'une situation juridique
légale..........................................................................................119
Section 2 : La perspective d'un encadrement juridictionnel
des interventions
contraires à l'Etat de droit au
Cameroun.......................................119
Paragraphe 1 : La reconnaissance effective des pouvoirs du
juge
constitutionnel en matière de contrôle de
constitutionnalité des lois.121
A- L'état actuel du contrôle de
constitutionnalité des lois....................123
1- La Cour Suprême statuant comme Conseil
constitutionnel.............124
2- La nature du contrôle et les règles de saisine
pas toujours favorables à un contrôle de constitutionnalité
des lois efficient..........................126
B- La perspective d'une reconsidération du contrôle
de constitutionnalité des
lois.......................................................................................128
1- La mise en place d'une justice constitutionnelle
autonome............128
2- La reconsidération des règles de
procédure devant le juge
constitutionnel............................................................................130
Paragraphe 2 : La perspective d'une reconsidération
de la responsabilité du
fait des lois par le juge
administratif.............................................132
A- Les conditions d'existence de la responsabilité du fait
des lois en
général.......................................................................................134
1- Les conditions négatives de la responsabilité de
l'Etat législateur....134
2- Les conditions positives de la responsabilité de l'Etat
législateur.....135
B- Le régime particulier de la responsabilité de
l'Etat législateur relativement aux interventions contraires à
l'Etat de droit..............136
1- Le cas des lois d'immunité
juridictionnelle....................................137
2- Le cas des lois expressément
rétroactives......................................138
CONCLUSION DU CHAPITRE
4.............................................................139
CONCLUSION DE LA SECONDE
PARTIE................................................140
CONCLUSION
GENERALE.....................................................................141
ELEMENTS DE
BIBLIOGRAPHIE...........................................................143
TABLES DES
MATIERES.......................................................................151
* 1 PERROT Roger,
Institutions judiciaires, Paris, Montchrestien,
7ième édition, 1995, p.27. Voir KEUTCHA
TCHAPNGA Célestin, « La juridiction dans l'Etat :
place et finalité », Contribution à
l'atelier de formation en contentieux administratif portant sur
« Juridiction et Jurisprudence », Programme d'appui au
secteur de la justice, Kribi du 18 au 22 avril 2011.
* 2 PERROT (R.),
Institutions judiciaires, op.cit. p.27.
* 3 Les précurseurs du
principe de la séparation des pouvoirs ont consacré une
indépendance rattachée à chaque pouvoir. Cette
indépendance trouve son fondement dans le fait que pour mieux exercer
les fonctions qui leur sont dévolues, chaque pouvoir doit être
protégé contre les autres afin de ne pas avoir des comptes
à rendre quant à l'exercice de ses fonctions. Cette
indépendance qui n'est pas absolue doit laisser une marge de
collaboration, mais sans que cette collaboration ne devienne un prétexte
pour les uns d'empiéter dans les fonctions des autres.
* 4 Principalement en Grande
Bretagne.
* 5 VINCENT Jean,
MONTAGNIER Gabriel, GUINCHARD Serges et VARINARD André, Institutions
judiciaires : Organisations-Juridictions-Gens de justice,
Paris, Précis Dalloz, 6ième édition, 2001,
p.84.
* 6 John
LOCKE (1632-1704), célèbre philosophe anglais, fondateur
de l'Ecole empiriste.
* 7 Même si les toutes
premières idées remontent à Aristote. Voir ARDANT
Philippe, Institutions politiques et droit constitutionnel,
Paris, LGDJ, 8ième édition, 1996.
* 8 Certaines traductions
utilisent le terme « Traité », qui semble mieux
traduire l'expression.
* 9 Il établit une
distinction entre pouvoir législatif, pouvoir exécutif et pouvoir
« fédératif » (pouvoir de faire la guerre et
de mener les relations diplomatiques).
* 10 MONTESQUIEU
(Charles de Secondat, baron de Brède) (1689-1755), magistrat,
homme de droit et écrivain français.
* 11 MONTESQUIEU,
De l'esprit des lois, Paris, Garnier-Flammarion, 1979,
Présentation par Victor GOLDSCHMIDT (Chap.VI Livre XI).
* 12 Fonction
législative, fonction exécutive, fonction juridictionnelle.
* 13 MONTESQUIEU,
De l'esprit des lois, op.cit.
* 14 Ibidem.
* 15 Jean Jacques
ROUSSEAU, Du contrat social, 1762.
* 16 PERROT (R.),
Institutions judiciaires, op.cit. p.26.
* 17 Voir à titre
d'exemple, l'article 25 de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la Constitution du 02 juin 1972.
* 18 PERROT
(R.), op.cit. p.27.
* 19 En vertu de cette loi,
« les tribunaux ne peuvent prendre, directement ou
indirectement, aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni
empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du corps
législatif à peine de forfaiture ».
* 20 PERROT
(R.), op.cit. p.27.
* 21 LEMIEUX
Charlotte, « Jurisprudence et sécurité juridique :
une perspective civiliste », in R.D.U.S.,
n°29, 1998-1999, p. 229.
* 22 ABA'A OYONO
Jean-Calvin, « Les mutations de la justice à la lumière
du développement constitutionnel de 1996 », in
Juridis Périodique n°44, octobre-novembre-décembre
2000, p.74.
* 23 EISENMANN
Charles, Cours de droit administratif, Paris, LGDJ, 1982,
p.17, cité par ABA'A OYONO (J.-C.), article
précité.
* 24NGUELE ABADA
Marcelin, « La réception des règles du procès
équitable dans le contentieux de droit public », in
Juridis Périodique n°63, juillet- août-septembre
2005, p.20.
* 25 Jeremy
BENTHAM (1748-1859), illustre philosophe anglais, fondateur de l'Ecole
de l'Analytical Jurisprudence.
* 26 Cf. le petit Larousse
illustré, Paris, 2002
* 27 Cf. le Grand Robert de
la langue française, 2ième édition,
dirigé par Alain REY.
* 28 Cf. le petit Larousse
illustré, précité.
* 29 Ibidem.
* 30 GUILLIEN
Raymond et VINCENT Jean, Lexique des termes juridiques,
Paris, Dalloz, 14ième édition, 2001.
* 31 Ibidem.
* 32 SOKENG Roger,
Institutions judiciaires au Cameroun, Yaoundé,
Collection «Le Bord», 3ième édition, 2000,
p.129.
* 33 VINCENT (J.),
MONTAGNIER (G.), GUINCHARD (S.) et VARINARD (A.), op.cit.,
p.706.
* 34 Cf. le Grand Robert de
la langue française, précité.
* 35 Cf. le petit Larousse
illustré, précité.
* 36 GUILLIEN (R.)et
VINCENT (J.), op.cit.
* 37 Comme on l'a dit plus
haut la séparation des pouvoirs prône une séparation des
fonctions fondamentales dans un Etat : législative,
exécutive et judiciaire, et surtout leur attribution à des
organes distincts.
* 38 Il convient de
préciser que les ordonnances sont des actes fait par le Gouvernement
avec l'autorisation du Parlement (ou sans son autorisation dans certains cas)
dans des matières qui sont du domaine de la loi, qui a valeur de
règlement lorsqu'ils ne sont pas encore ratifiés par le
Parlement, mais qui prend valeur de loi après ratification. Voir
GUILLIEN (R.) et VINCENT (J.), op.cit.
* 39 Article 25 de la loi
n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du
02 juin 1972.
* 40 PERROT
(R.), op.cit. p.4.
* 41 Ibidem. p.4.
* 42 Ibid., p.23
* 43 Cf. le petit Larousse
illustré, précité.
* 44PERROT
(R.), op.cit. p.23.
* 45 Cf. le petit Larousse
illustré, précité.
* 46 PERROT
(R.), op.cit. p.23.
* 47 Cf. le petit Larousse
illustré, précité.
* 48 ABA'A OYONO
(J.-C.), article précité.
* 49 Elle est la conclusion
apportée par l'Assemblée constituante en 1790 qui, saisit de deux
propositions, d'une part la proposition de confier le contentieux de
l'administration à des tribunaux administratifs et d'autre part la
proposition de remettre ce contentieux aux tribunaux judiciaires, va les
rejeter l'une et l'autre. Voir CHAPUS René, Droit
administratif général, Paris, Montchrestien,
Précis Domat, tome 1, 15ième édition, 2001.
* 50 PERROT
(R.), op.cit. p.23.
* 51 Le «Conseil
d'Etat» institué par la Constitution du 22 frimaire an VIII (15
décembre 1799) et le « Conseil de
préfecture » par la loi du 28 pluviôse an VIII.
* 52 KAMTO Maurice,
Droit administratif processuel du Cameroun, Yaoundé, PUC, 1990,
p.10. ABA'A OYONO Jean Calvin, La compétence de la juridiction
administrative en droit Camerounais, Thèse droit public,
Université de Nantes, 1994, p.15.
* 53 KAMTO
(M.), op.cit., p.10.
* 54 Ibidem.
* 55 Voir ABA'A
OYONO (J.- C.), op.cit., pour plus de détail sur ce
Conseil d'Administration du territoire.
* 56 Décret
n°59-83 du 4 juin 1959, voir Journal Officiel du Cameroun 1959, p.832.
* 57 ABA'A OYONO
(J.-C.), op.cit., p.18.
* 58 Le Cameroun
accède à l'indépendance le 14 avril 1959,
indépendance qui sera proclamée le 1er janvier
1960.
* 59 KAMTO
(M.), op.cit., p.11.
* 60 Journal Officiel de la
République du Cameroun en Date du 30 septembre 1961.
* 61 Loi n°65/LF/29 du
29 novembre 1965 portant reforme du contentieux administratif. Journal Officiel
de la République Fédérale du Cameroun, 1er
décembre 1965.
* 62 Loi n°69/LF/1 du
14 juin 1969 fixant la composition, les conditions de saisine et la
procédure devant ladite Cour.
* 63 KAMTO
(M.), op.cit., p.11.
* 64 Ibidem.
* 65 Ordonnance n°72/06
du 26 août 1972 portant organisation de la Cour Suprême (JORUC,
août 1972, pp.97-101), modifiée et complétée par la
loi n°76/28 du 14 décembre 1976.
* 66 Loi n°75/17 du 8
décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour Suprême
statuant en matière administrative
* 67 Loi n°2006/016 du
29 décembre 2006 modifiant et complétant l'ordonnance
n°72/06 du 26 août 1972 portant organisation de la Cour
Suprême ; et la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006
fixant l'organisation et le fonctionnement des tribunaux administratifs.
* 68 Article 119 de la loi
n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant l'organisation et le
fonctionnement des tribunaux administratifs.
* 69 DESCARTES
René, Discours de la méthode,
2ième édition, Paris, Bordas, p.45.
* 70 Appellation
désuète.
* 71 Cela paraît
légitime au regard de l'inflation législative et de nombreuses
dérives qui affectent le contenu des textes législatifs.
* 72 PERROT
(R.), op.cit., p.32.
* 73 VINCENT (J.),
GUINCHARD (S.), MONTAGNIER (G.), VARINARD (A.), op.cit.,
p.104.
* 74 PERROT
(R.), op.cit., p.32.
* 75 Cela est d'autant plus
vérifiable dans la mesure où l'Administration dans le souci de
rendre légal certains de ses actes pouvait faire recours au
législateur pour valider sans justification des actes
réputés illégaux et susceptibles d'être
portés devant le juge administratif par un recours pour excès de
pouvoir.
* 76 Cela montre que la
jurisprudence n'est pas insensible à la nécessité du
recours aux interventions du législateur.
* 77 Cf. Notes de
synthèses du Services des Etudes Juridiques du Sénat
français 2005-2006 in
www.senat.fr.
* 78 Nous nous sommes
attardés sur les plus importantes.
* 79 Terme qui est le plus
souvent employé, parfois juste « validation » dans
certains cas.
* 80 GUILLIEN (R.)
et VINCENT (J.), op.cit.
* 81 CORNU
Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, Presses
Universitaires de France, Association Henri CAPITANT, 2ième
édition, 2001
* 82 PERROT
(R.), op.cit. p.33. Sur le cas de la validation de l'acte
déjà annulé, certains auteurs à l'instar de
FOILLARD Philippe, Droit administratif, manuel,
Orléans, Paradigme CPU, 8ième édition,
2003-2004, estiment que le législateur ne peut pas valider les actes
déjà annulés par le juge.
* 83 Voir SANDRAS
Catherine, « Les lois de validation, le procès en cours et
l'article 6 paragraphe 1er de la Convention européenne des
Droits de l'Homme », in Revue Trimestrielle des Droits
de l'Homme ; MATHIEU Bertrand, « Les validations
législatives devant le juge constitutionnel : bilan d'une
jurisprudence récente », in RFDA, n°11,
juillet-août 1995.
* 84 Notamment
ROSOUX Géraldine, « Le contrôle juridictionnel
des « validations législatives » en France et en
Belgique : un conflit de légitimité », in
Revue de la Faculté de Droit de l'Université de
Liège ; SANDRAS Catherine, « Les lois de
validation, le procès en cours et l'article 6 paragraphe 1er
de la Convention européenne des Droits de l'Homme »,
in Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme ; LESAGE
Michel, Les interventions du législateur dans le fonctionnement de
la justice, Paris, LGDJ, 1960.
* 85 MOLFESSIS
Nicolas, « La rétroactivité de la
norme », article disponible sur le site
http//fr.wikipedia.org/
* 86 Par exemple, menace
pour la paix publique, continuité du service public, annulation d'un
concours administratif dont les candidats avaient déjà fini leur
formation au bout de quelques années, etc.
* 87 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.139.
* 88 Il s'agit de la
validation préventive d'actes non encore annulés et prospective
d'actes non encore édictés. Pour plus de précisions, voir
NGONGANG NJANKEP Gilbert, La
neutralisation des décisions du juge administratif
camerounais, Mémoire de Maîtrise en droit public,
Uds, 1998-1999, pp9-10.
* 89 Ce sont celles qui
interviennent lorsque l'acte est porté devant le juge
c'est-à-dire en cours d'instance.
* 90 MATHIEU (B.),
Les « validations » législatives -- Pratique
législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit.,
p.39.
* 91 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.146.
* 92 Ibidem.
* 93 MATHIEU (B.),
Les « validations » législatives -- Pratique
législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit.,
p.43.
* 94 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.146.
* 95 MATHIEU (B.),
Les « validations » législatives -- Pratique
législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit.,
p.57.
* 96 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.146. Bien que certains auteurs pensent que l'acte administratif doit
conserver sa nature d'acte administratif, il ne saurait en aucun cas être
transformé en loi. Voir CHAPUS (R.), Droit administratif
général, op.cit. ; FOILLARD (Ph.),
Droit administratif, op.cit.
* 97 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.146.
* 98 MATHIEU (B.),
Les « validations » législatives -- Pratique
législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit.,
p.105.
* 99 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.147.
* 100 Ibidem.
* 101 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.147.
* 102 Code civil de 1804
applicable au Cameroun.
* 103 Depuis la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996, le préambule fait désormais
partie intégrante de la Constitution, elle n'est plus comme à une
certaine époque considérée comme une simple
déclaration. Voir sur ce point MOUANGUE KOBILA James,
« Le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier
1996 : de l'enseigne décoratif à l'étalage
utilitaire », in Lex Lata n°023-024,
février-mars 1996, pp.33-38.
* 104 Loi n°96/06 du
18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972.
* 105 Cf. Notes de
synthèses du Service des Etudes juridiques du Sénat
français 2005-2006.
* 106 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article
précité.
* 107 Ibidem.
* 108 Ibid.
* 109 Seule une loi peut
défaire ce qu'une autre loi a fait précédemment.
* 110 FOILLARD
(Ph.), op.cit., pp.141 et ss.
* 111 NGONGANG
DJANKEP (G.), La neutralisation des décisions du juge administratif
camerounais, op.cit. p.9.
* 112 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article
précité.
* 113 Ibidem.
* 114 Il convient de faire
une distinction entre la « rétroactivité » et
la « validation législative » en ce qu'elle peut
être décidée comme telle par le législateur, sans
être la conséquence implicite du procédé de
validation ou de loi interprétative (nous y reviendrons). Voir
ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des
« validations législatives » en France et en
Belgique : un conflit de légitimité »,
article précité.
* 115 Au regard de
l'intérêt que cela porte non seulement pour l'Administration mais
aussi l'intérêt général.
* 116 C'est
généralement à la demande de l'Administration que ce
constat est fait, le législateur lui-même peut en prendre
l'initiative, mais c'est rarement le cas.
* 117 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.142.
* 118 Ibidem.
* 119 Ibid. Même
comme on le sait les validations législatives concernent de plus en plus
les contrats mêmes ceux passés sous l'égide du droit
privé.
* 120 Décision
n°80-119 DC du mardi 22 juillet 1980, in Les grandes décisions
du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 9ième
édition, 1997. Dans cette affaire, le juge constitutionnel a
été appelé à statuer sur la
constitutionnalité d'une loi de validation.
* 121 MATHIEU (B.),
« Les validations législatives devant le juge
constitutionnel : bilan d'une jurisprudence
récente », in RFDA, n°11,
juillet-août 1995, p.781
* 122 Ibidem. p.782.
* 123 Cf. CHAPUS
(R.), op.cit. ; DE LAUBADERE (A.), VENEZIA (J.
C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit administratif,
Paris, LGDJ, Tome 1, 14ième édition, 1996, p.458.
* 124 Voir MATHIEU
(B.), article précité, p.781.
* 125 Quelques exemples
tirés de la jurisprudence du Conseil constitutionnel
français : continuité et bonne marche du service public de
l'enseignement supérieur, continuité du service public des
transports urbains, de la protection sociale etc. Cf. notes de synthèses
précitées.
* 126 Cf. Notes de
synthèses précitées.
* 127 Cf. Notes de
synthèses précitées. Une validation de nature purement
financière n'est-elle justifiée que si les montants en cause sont
suffisamment importants pour mettre en péril un intérêt
public.
* 128 Décision
n°80-119 DC du 22 juillet 1980 précitée.
* 129 HOUHOULIDAKI
Antonia, L'exécution par l'Administration des décisions du
juge administratif en droit français et en droit grec,
Mémoire de DEA de Droit public comparé des pays européens,
Université Paris I Sorbonne, disponible sur le site
www.memoireonline.com
* 130 Cf. Notes de
synthèses précitées.
* 131 Ibidem.
* 132 C'est le cas par
exemple d'un concours administratif annulé pour cause
d'illégalité, les candidats reçus ont déjà
terminé leur scolarité et sont affectés à leur
poste respectif. Quelques années plus tard, le juge annule le concours
saisi d'un recours pour excès de pouvoir. Sa décision acquiert
autorité de la chose jugée. Mais il serait injuste, et ce dans le
souci de préserver la continuité du service public (motif
d'intérêt général) d'obliger tous les candidats
à subir un nouveau concours.
* 133 Cf. Notes de
synthèses précitées.
* 134 Voir MATHIEU
(B.), article précité, décision du Conseil
constitutionnel français n°95-363 DC du 11 janvier 1995.
* 135 Décision
n°99-422 du 21 décembre 1999 sur la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000.
* 136 MATHIEU
(B.), article précité.
* 137 Ibidem.
* 138 Ibid.
* 139 Voir supra Section
1.
* 140 CHAPUS
(R.), op.cit., p.830.
* 141 Dans le cas des
validations partielles, le régime contentieux n'est pas modifié
puisque l'acte reste soumis au contrôle du juge administratif, qui peut
l'annuler pour toute autre irrégularité que celle qui a disparu
du fait de la validation.
* 142 CHAPUS
(R.), op.cit., p.830.
* 143 Ibidem.
p.830.
* 144 PERROT
(R.), op.cit. p.33.
* 145 Voir à ce
sujet KIBALO ADOM Jules, « les validations
législatives et le contrôle judiciaire de l'opportunité de
la loi », Notes sous Cour de Cassation, Chambre sociale, 24
avril 2001, in Recueil Le Dalloz, p.2245.
* 146 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », in Le Code civil, un
passé, un présent, un avenir, Dalloz, 2004, p.671.
* 147 CHAPUS
(R.), op.cit., p.831.
* 148 Ibidem.,
p.831.
* 149 Ibid.,
p.831.
* 150 WERENNE
Jean-Christophe, « Le concept de loi
interprétative », disponible sur le site
http//fr.wikipedia.org/
* 151 Traduction
libre : « A celui qui crée la loi il appartient de
l'interpréter ».
* 152 PERROT
(R.), op.cit.
* 153 MOLFESSIS
Nicolas, « La notion de loi
interprétative », in RTD civ, 2002, pp.599
et suivants.
* 154 Les lois
interprétatives n'ont rien à voir avec le
référé législatif, qui était comme on l'a
dit fondé sur l'idée que l'auteur d'une règle est mieux
placé que quiconque pour en dévoiler le sens. Les lois
interprétatives sont un mode de réparation, reconnaissant
l'interprétation comme relevant du juge ; d'où leur
caractère incident. Nous y reviendrons.
* 155 WERENNE
(J.-C.), Les sources formelles, disponible sur le site
http//fr.wikipedia.org/
* 156 LEMIEUX (C.),
« Jurisprudence et sécurité juridique : une
perspective civiliste », article précité,
p.237.
* 157 CORNU
Gérard, Vocabulaire juridique, Paris, Presses
Universitaires de France, Association Henri CAPITANT, 2ième
édition, 2001.
* 158 LEMIEUX (C.),
« Jurisprudence et sécurité juridique : une
perspective civiliste », article précité,
p.236.
* 159 Ibidem.
* 160 Ces mesures
interprétatives renvoient aux circulaires administratives qui se
définissent comme des actes pris par une autorité administrative
dans le but d'apporter des précisions sur un acte initiale. Elles
présentent la caractéristique d'être insusceptible de
recours juridictionnel devant le juge administratif puisqu'elles ne sont pas
des actes administratifs au sens de la définition donnée par la
jurisprudence, et bénéficient d'une immunité
juridictionnelle.
* 161 Définition
donnée plus haut.
* 162 MOLFESSIS
(N.), « La notion de loi interprétative »
in RTD civ, 2002, pp.599 et suivants.
* 163 Ibidem.
* 164 Ibid.
* 165 LEMIEUX
(C.), article précité, p. 237.
* 166 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », in Le Code civil, un
passé, un présent, un avenir, p.685.
* 167 Ici, le
Professeur MOLFESSIS parle de revirement jurisprudentiel
d'origine législative ; Jean REYMOND parle de
changement de jurisprudence dans sa thèse intitulée
« Des lois d'interprétation et de leur
rétroactivité », 1925.
* 168 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », article
précité, p.685.
* 169 MATHIEU (B.),
Les « validations » législatives -- Pratique
législative et jurisprudence constitutionnelle, op.cit.
Étant donné qu'elles ont un caractère rétroactif et
interviennent dans un procès en cours.
* 170 LARGUIER
Jean, Droit pénal général, Paris,
Dalloz, 17ième édition, 1999, p.92.
* 171 Cf. Notes de
synthèses du Service des Etudes juridiques du Sénat
français 2005-2006.
* 172 Voir MATHIEU
(B.), « Les validations législatives devant le juge
constitutionnel : bilan d'une jurisprudence
récente », article précité ; voir aussi
ROSOUX (G.), « Le contrôle juridictionnel des
« validations législatives » en France et en
Belgique : un conflit de légitimité »,
article précité.
* 173 Qui pourra être
appliquée par le juge administratif ou tout autre juge lors d'un
procès qui est encore en cours devant celui-ci.
* 174 Même si une
exigence du Conseil constitutionnel français préconise que les
lois de validation ne peuvent donner rétroactivement de fondement
légal à des sanctions pénales ainsi qu'à toute
mesure ayant le caractère d'une punition.
* 175 Cf. les
développements sur la validation par habilitation, chapitre 1 section 1
paragr. 1.
* 176 Le législateur
reproduit le contenu de l'acte administratif illégal dans une
disposition législative. Cf. les développements sur la validation
par substitution.
* 177 Le législateur
modifie la nature juridique de l'acte administratif illégal qui devient
une loi. Cf. les développements sur la validation par ratification.
* 178 Cf. les
développements sur la validation stricto sensu.
* 179 Voir sur ce point le
Professeur MOLFESSIS qui conteste la nature « extra
législative » de la loi interprétative admise par le
Professeur ROUBIER en lui déniant sa nature même
de loi lorsque ce dernier affirme qu' « au fond, la loi
d'interprétation ne fait pas partie de la législation, mais de la
jurisprudence ; le législateur qui veut fixer quel est le sens du
droit existant, se place sur le même terrain que le juge et
prétend jouer un rôle analogue au sien ».
ROUBIER Paul, Le conflit de lois dans le temps,
Sirey, 1929, tome 1.
* 180 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », article
précité, p.685.
* 181 Même si cette
présomption est fortement contestée par une partie de la
doctrine, mais c'est oublier que la rétroactivité d'une loi
interprétative ne va pas de soi, car le législateur n'est pas
tenu de stipuler explicitement que les précisions apportées
à une loi sont de portée rétroactive ; il peut
décider autrement, car il est seul maître pour décider de
l'opportunité d'une rétroactivité.
* 182 LEMIEUX (C.),
« Jurisprudence et sécurité juridique : une
perspective civiliste », article précité,
p.237.
* 183 Voir LEMIEUX
(C.), « Jurisprudence et sécurité juridique : une
perspective civiliste », article précité,
p.237 ; MOLFESSIS (N.), « La notion de loi
interprétative » in RTD Civ. 2002, pp.599 et
suivants.
* 184 MOLFESSIS
(N.), « La notion de loi interprétative »,
article précité.
* 185 Il s'agira dans ce
cas d'une loi purement nouvelle dépourvu de tout effet
rétroactif, sauf si le législateur en décide qu'elle aura
un effet rétroactif, auquel cas on sera en présence d'une loi
expressément rétroactive.
* 186 MOLFESSIS
(N.), « La notion de loi interprétative »,
article précité.
* 187 Loi n°96/06 du
18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.
* 188 MOLFESSIS
(N.), « La notion de loi interprétative »,
article précité.
* 189 Ibidem.
* 190 Ibid.
* 191 Ce d'autant plus que
les lois interprétatives sont par essence des lois rétroactives
ayant un régime contentieux particulier, sans que toutefois une
confusion ne soit faite entre elles et les lois qu'on qualifie de lois
« normalement » rétroactives à savoir les
lois pénales plus douces et les lois de procédure dont la
légitimité n'a jamais été contestée.
* 192 Aucune confusion ne
doit être faite car ici la loi nouvelle n'est pas
« forcement » une loi interprétative, comme on le
sait, celle-ci n'est pas une loi nouvelle puisqu'elle est censée faire
partie de la loi qu'elle interprète.
* 193 C'est-à-dire
la précision expresse de son effet immédiat.
* 194 Selon la même
opinion, une loi dite « faussement »
interprétative doit être traitée comme une loi simplement
rétroactive.
* 195 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », article
précité.
* 196 A savoir
résoudre des controverses nées de l'interprétation d'un
texte afin de proposer une solution adéquate et d'éviter que les
procès en cours ne tombent une fois de plus dans les mêmes
incommodités
* 197 MOLFESSIS
(N.), « La notion de loi interprétative »,
article précité.
* 198 Ibidem.
* 199 LEMIEUX (C.),
« Jurisprudence et sécurité juridique : une
perspective civiliste », article précité,
p.237.
* 200 CARBONNIER
Jean, Droit civil, Introduction, Paris, PUF,
23ième édition, 1995, p.204.
* 201 Ou
« véritablement », selon l'expression
utilisée par certains auteurs, MOLFESSIS et
MALINVAUD notamment.
* 202 Cass. Soc., 14 juin
1989, Bull. civ. N°442 ; Cass. Com., 2 octobre 2001, D.2001.
* 203 Le législateur
ne pouvant interpréter un acte administratif par exemple.
* 204 MOLFESSIS
(N.), « La notion de loi interprétative »,
article précité.
* 205 WERENNE
(J.-C.), « Le concept de loi
interprétative », article précité.
* 206 MOLFESSIS
(N.), « La notion de loi interprétative »,
article précité.
* 207 Ibidem.
* 208 Elle ne modifie pas
le droit applicable mais en donne des précisions qui ne s'en
éloigne pas et dont le but est de résoudre rétroactivement
des difficultés inhérentes de droit.
* 209 Conseil
constitutionnel, 18 décembre 2001, en matière de financement de
la RTT (réduction du temps de travail).
* 210 Déclaration
des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
* 211 Décision du
Conseil constitutionnel n°85-197 DC du 23 août 1985, Nouvelle
Calédonie.
* 212 L'on doit se rappeler
de la polémique qui est née du « gouvernement des
juges »
* 213 Notamment Arrêt
n°4/A du 28 octobre 1970 ; Société des Grands Travaux de
l'Est C/Etat fédéré du Cameroun Oriental. La Cour
Fédérale de justice décide
qu' « attendu d'autre part qu'au regard de la
constitutionnalité ou de l'inconstitutionnalité de la
modification litigieuse, aucun contrôle de la constitutionnalité
des lois par voie d'exception, comme en l'espèce, n'est prévu par
le Droit Camerounais ».
* 214 Conseil
constitutionnel, décision n° 80-119 DC, 20 juillet 1980.
* 215 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », article
précité, p.676.
* 216 Ibidem.
* 217 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », article
précité.
* 218 Voir WERENNE
(J.-C.), « Le concept de loi
interprétative », article précité.
* 219 CORNU (G.),
Droit civil : introduction, Les personnes, Les biens,
Paris, Montchrestien, 5ième édition, 1991, p.127.
* 220 LEMIEUX (C.),
« Jurisprudence et sécurité juridique : une
perspective civiliste », article précité,
p.237.
* 221 Comme nous l'avons
dit avec Jean-Christophe WERENNE, l'interprétation
n'est jamais une mais multiple et diversifiée, car elle répond
à une pluralité de buts et de nécessités.
* 222 C'est-à-dire
au cas où il refuserait de se conformer à l'interprétation
faite par le législateur.
* 223 Voir
MOLFESSIS (N.), « La notion de loi
interprétative », article précité ;
WERENNE (J.-C.), « Le concept de loi
interprétative », article précité.
* 224 MOLFESSIS
(N.), « La notion de loi interprétative »,
article précité.
* 225 Ibidem.
* 226 Ibid.
* 227 Ibid.
* 228 Ibid.
* 229 Ibid.
* 230 Voir cependant
BARTHELEMY, « De l'interprétation des lois par le
législateur », in RDP, 1908, p.480, qui
considère qu'il est « absolument faux de prétendre
... que la loi interprétative est nécessairement
rétroactive ». L'auteur estime qu'il faut présumer
sa rétroactivité mais que le législateur peut y
déroger en prévoyant expressément que la loi
interprétative s'appliquera « à
l'avenir » ; cité par MOLFESSIS.
* 231 Cf. paragraphe 2 B
section 1
* 232 Entrée en
vigueur qui remonte à la date de celle de la loi
interprétée.
* 233 WERENNE
(J.-C.), « Le concept de loi
interprétative », article précité.
* 234 En violation de
l'article 4 du Code civil, le juge se hisserait ainsi en législateur et
prendra des décisions de règlement (arrêt de
règlement selon une expression y relatif), ce qui lui est interdit.
* 235 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », article
précité, p.685.
* 236 Et comme on l'a dit
l'intervention du législateur est dans ce cas occasionnelle, car venant
régler un problème imminent de droit.
* 237 Le juge
constitutionnel camerounais ne s'étant pas encore prononcé sur la
question.
* 238 MATHIEU (B.),
« les validations législatives devant le juge
constitutionnel : bilan d'une jurisprudence
récente », article précité, p.780.
* 239
HALLEYS-DABOT, Note sous C.E., 23 février 1870,
Compagnie de chemin de fer d'Orléans, cité par BILONG
Salomon, « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le
développement des immunités
juridictionnelles », in Juridis périodique
n°62, avril-mai-juin 2005, p.52.
* 240 La loi ici doit
être entendue au sens large, ordonnance y compris.
* 241 MATHIEU
(B.), article précité, p.780.
* 242 Dans la mesure
où le législateur est seul juge de l'opportunité des lois,
cela ne l'exempte pas du respect des garanties constitutionnelles liées
tant à l'intérêt général, au droit à
un procès équitable reconnu à tout justiciable y compris
dans un procès dans lequel l'Administration est partie etc. le
législateur peut, au nom de ces garanties prétendre que les
normes qu'il édicte sont faites dans le respect de la Constitution, le
juge constitutionnel devra donc être rigoureux dans le contrôle
exercé contre ces immixtions. En dehors de l'intérêt
général et de bien d'autres considérations admis par le
juge constitutionnel, le législateur ne peut pas prétendre
justifier son intervention par d'autres considérations dont il juge
lui-même de l'opportunité ; auquel cas il sera dans
l'inconstitutionnalité.
* 243 Comme nous l'avons vu
dans la première partie, afin d'éviter des conséquences
désastreuses liées à une décision du juge, la
nécessité de l'intervention du législateur l'exempte du
respect de la séparation des pouvoirs. Mais dans la mesure où
cette nécessité ne se fait pas ressentir, on considère
qu'il y a atteinte à la séparation des pouvoirs
* 244 Les lois de
validation comme les lois interprétatives présentent certes une
importance singulière, mais cela n'empêche pas que celles-ci
puissent être exposées aux dérives du législateur.
Elles subiront dans ce cas un contrôle plus rigoureux.
* 245 BILONG
(S.), article précité, p.52.
* 246 KAMTO (M.),
« Actes de gouvernement et droits de l'Homme au
Cameroun », in Lex Lata, n°026, mai 1996,
p.9.
* 247 Ibidem.
* 248 FAVOREU
Louis, Du déni de justice en droit public, Paris,
LGDJ, 1964, p.169.
* 249 L'exécutif
doit être entendu au sens large dans l'exercice de son pouvoir
réglementaire.
* 250 AUVRET-FINK
Josiane, « Les actes de gouvernement, irréductible peau de
chagrin », in RDP, n°1, 1995, p.134.
* 251 BILONG
(S.), « Le déclin de l'Etat de droit au
Cameroun : le développement des immunités
juridictionnelles », article précité, p.53.
* 252 Ibidem.
* 253 Intitulée loi
n°64/LF/16 du 26 juin 1964 relative à la répression des
dommages causés par les activités terroristes (J.O. du 15
août 1964).
* 254 Article 2 de la loi
du 26 juin 1964.
* 255 BILONG
(S.), article précité, p.53.
* 256 KAMTO
(M.), article précité, p.12.
* 257 Ibidem.
* 258 L'accession à
l'indépendance du Cameroun a été marquée par une
guerre civile qui a secoué le pays, et c'est dans ce contexte
mouvementé que les pouvoirs publics avaient constitué un arsenal
juridique, législatif et réglementaire, dans le but de
remédier à certains effets négatifs découlant de la
rébellion. Voir ATEMENGUE Jean de Noël, « Les
actes de gouvernement sont-ils une catégorie juridique ? Discussion
autour de leur origine française et de leur réception
camerounaise », in Juridis Périodique
n°42, avril-mai-juin 2000, p.104.
* 259 C'est-à-dire
qu'elle concernait les affaires déjà pendantes devant les
juridictions.
* 260 CFJ/AP n°5 du 15
mars 1967, Société Forestière de la Sanaga c/ Etat du
Cameroun oriental. Voir KAMTO (M.), article
précité, p.12 ; BILONG (S.),
« Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : le
développement des immunités
juridictionnelles », article précité, p.53.
* 261 ATEMENGUE (J.
de N.), article précité, p.104.
* 262 BILONG
(S.), article précité, p.53.
* 263 A titre illustratif,
l'arrêt du Tribunal d'Etat en date du 28 août 1963, TAKOUKAM Samuel
c/ Etat du Cameroun. Dans cette affaire, le chef d'un district avait
ordonné l'incendie de la case du requérant et toutes les
dépendances de sa propriété, ses plantations de bananes et
d'ananas, sous prétexte de la répression des activités
terroristes perpétrées dans le village. Voir BILONG
(S.), « Le déclin de l'Etat de droit au
Cameroun : le développement des immunités
juridictionnelles », article précité.
* 264 ATEMENGUE (J.
de N.), article précité, p.104.
* 265 C'est le
régime de la responsabilité de l'Administration pour risque qui
est ainsi consacré ici.
* 266 ATEMENGUE (J.
de N.), article précité, p.104.
* 267 J.O. du
1er décembre 1980.
* 268 Loi n°79/17 du
30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de
la désignation des chefs traditionnels. J.O.R.U.C. du 1er
juillet 1979.
* 269ATEMENGUE (J.
de N.), article précité, p.104.
* 270 J.O.R.U.C. du
1er août 1977.
* 271 Car cela est une loi
de validation du décret du 15 juillet 1977.
* 272 Jugement ADD
n°66/CS/CA/78-79 du 31 mai 1979 KOUANG Guillaume Charles c/ Etat du
Cameroun. Recueil MBOME, Yaoundé, 1990, p.106;
jugement n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 MONKAM TIENTCHEU David.
Recueil MBOME, p.80.
* 273 Le recours
administratif s'analyse par opposition au recours contentieux ou
juridictionnel. Au Cameroun, le contrôle de la légalité
administrative revêt deux formes possibles : il peut être
administratif ou juridictionnel. Bénéficiant chacun des
caractéristiques propres (le premier étant non contentieux et le
second étant contentieux), ces recours ne s'excluent pas l'un
l'autre : le recours administratif précède le recours
juridictionnel, dans la mesure où l'administré qui se trouve
lésé dans son droit par un acte administratif devra d'abord
saisir l'autorité administrative, c'est après l'échec de
celui-ci qu'il saisira, sous cette condition, le juge administratif. Ainsi, le
recours administratif revêt deux formes : le recours
hiérarchique porté devant le supérieur hiérarchique
de l'auteur de la décision critiquée, et le recours gracieux
porté devant l'auteur de l'acte même afin que ce dernier puisse
bien vouloir rétracter ou modifier sa décision. Ces deux types de
recours administratifs existent même sans texte.
* 274 BILONG
(S.), article précité, p.54. Arrêt n°17/CS/AP
du 19 mars 1981 : Etat du Cameroun c/ Enfants du Chef Banka ;
Collectivité Deido-douala c/Etat du Cameroun ; KOUANG Guillaume
Charles c/ Etat du Cameroun.
* 275 Jugement
n°3/CS/CA du 25 mai 1989, EGBE BESSONG Alfred ; jugement
n°262/CS/CA du 29 juin 1989 NKFU Simon NGWE c/ Etat du Cameroun ;
jugement n°345/CS/CA du 3 novembre 1989 EYONG EGBE Martin etc.
* 276ATEMENGUE (J.
de N.), article précité, p.107.
* 277 SIETCHOUA
DJUITCHOKO Célestin, « Du nouveau pour la coutume en droit
administratif camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses
conséquences », in Revue juridique
Thémis, n°1, Volume 34, 2000, p.152.
* 278 BILONG
(S.), « Le déclin de l'Etat de droit au
Cameroun : le développement des immunités
juridictionnelles », article précité, p.54.
* 279 Notamment dans
l'affaire KOUANG Guillaume Charles, le juge administratif s'est laissé
influencer lorsqu'il se déclare incompétent en matière de
constitutionnalité des lois et par conséquent, il ne saurait
statuer. SIETCHOUA DJUITCHOKO (C.), « Aspects de
l'évolution des coutumes ancestrales dans le droit public des chefferies
traditionnelles au Cameroun », in Revue
Générale de Droit du Canada.
* 280 Intitulée loi
n°2003/016 du 22 décembre 2003 relative au règlement des
litiges portant sur les limites des circonscriptions administratives et des
unités de commandement traditionnel.
* 281 BILONG
(S.), « Le déclin de l'Etat de droit au
Cameroun : le développement des immunités
juridictionnelles », article précité, p.54.
* 282 Article
1er de la loi du 22 décembre 2003 précité.
* 283 BILONG
(S.), article précité.
* 284 Comme nous l'avons
déjà dit, le contentieux administratif était exercé
sur la base de la théorie de l'Administration-juge car point
n'était question de confier le contentieux administratif à des
juridictions (loi des 16 et 24 août 1790 précitée), et
comme on peut le constater, on a tendance à y retourner, comme si les
institutions étatiques étaient allergiques à
l'évolution.
* 285 PREVEDOUROU
Eugénie, Les recours administratifs obligatoires. Etudes
comparées des droits allemands et français, LGDJ,
Bibliothèque de droit public, 1996, p.1. Cité par BILONG
(S.), article précité.
* 286 Par exemple le
Professeur Joseph OWONA sur la question de savoir si la
décision du Président de la République concernant la
répression du terrorisme ne constitue pas un « acte de
gouvernement de type nouveau ». Cf. Droit
administratif spécial de la
République du Cameroun,
Yaoundé (séries manuels et travaux de l'Université de
Yaoundé), EDICEF, 1985, p.
* 287 GUILLIEN (R.)
et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques,
op.cit.
* 288 CORNU (G.),
Vocabulaire juridique, op.cit.
* 289 BILONG
(S.), article précité, p.52.
* 290 Premièrement
consacré par la loi fédérale du 19 novembre 1965 relative
aux modalités de saisine de la Cour Fédérale de justice
statuant en matière administrative, l'immunité juridictionnelle
liée aux actes de gouvernement sera réitérée
après l'avènement de l'Etat unitaire dans l'ordonnance
n°72/06 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour
Suprême du Cameroun (article 9 alinéa 5) modifiée par la
loi n°76/28 du 14 décembre 1976. Cette exigence sera enfin reprise
dans la loi n°2006/022 du 29 décembre 2006 fixant organisation et
fonctionnement des tribunaux administratifs (article 4).
* 291 Essentiellement
jurisprudentiel, la théorie des actes de gouvernement est
consacrée par le Conseil d'Etat français dans un arrêt
rendu le 9 mai 1867, Duc d'Aumale.
* 292 D'après le
juge de l'affaire Duc d'Aumale précitée, c'est
précisément parce qu'ils sont pris sous la base de
considérations politiques qu'ils sont soustraits du champ des
contentieux administratif et judiciaire, l'acte de gouvernement n'étant
justiciable ni de son opportunité politique, ni de sa
régularité juridique. Voir ATEMENGUE (J. de N.),
article précité.
* 293 C.E. 19
février 1875, Prince Napoléon.
* 294 Voir KAMTO
(M.), article précité, lorsqu'il affirme que l'acte de
gouvernement est une notion purement juridique.
* 295 BILONG
(S.), article précité, p.55.
* 296 Il s'agit des
affaires KOUANG Guillaume Charles, ESSOMBA Marc Antoine et MONKAM TIENTCHEU
David précitées.
* 297 Notamment
KAMTO (M.), article précité.
* 298 Jugement
n°34/CS/CA/79-80 du 24 avril 1980 ESSOUGOU Benoît c/ Cameroun.
* 299 Définition
donnée par la jurisprudence Duc d'Aumale.
* 300 KAMTO
(M.), article précité, p.10.
* 301 BILONG
(S.), article précité, p.56.
* 302 Ibidem. p.56.
* 303 FAVOREU (L.),
Du déni de justice en droit public, op.cit. p.232 et
suivants.
* 304 C'est le point de vue
d'une bonne partie de la doctrine camerounaise. ATEMENGUE (J. de
N.), article précité; OWONA (J.),
notamment.
* 305 GUILLIEN (R.)
et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques,
op.cit.
* 306 Ibidem.
* 307 SIETCHOUA
DJUITCHOKO (C.), « Du nouveau pour la coutume en droit administratif
camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses
conséquences », article précité,
p.151.
* 308 Voir jugement
n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 MONKAM TIENTCHEU David. Recueil
MBOME, p.80. Voir aussi jugement n°63/CS/CA du 25
septembre 1980, Collectivité Deido-douala c/Etat du Cameroun.
* 309 Car,
« un acte n'est juridique que s'il offre la virtualité
d'une contestation de sa juridicité par un organe
juridictionnel », GOYARD Claude, Etat de droit et
démocratie, Mélanges René CHAPUS, Paris,
Montchrestien, 1992, p.303.
* 310 BILONG
(S.), article précité, p.56.
* 311 Ibidem.
* 312 EISENMANN
Charles, Actes d'autorité soustraits à tout contrôle
juridictionnel dans le droit français d'aujourd'hui,
1953.
* 313 Loi n°96/06 du
18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.
* 314 Loi n°2006/016
du 29 décembre 2006 portant organisation et fonctionnement des tribunaux
administratifs. Commentaire KEUTCHA TCHAPNGA Célestin,
« La réforme attendue du contentieux administratif au
Cameroun », in Juridis Périodique n°70,
avril-mai-juin 2007, pp.3-29.
* 315 BILONG
(S.), article précité, p.57.
* 316 En ce sens voir
arrêt n°68/CFJ-CAY du 30 septembre 1969 Société des
Grands travaux de l'Est c/ Etat du Cameroun.
* 317 ODENT
Raymond, Contentieux administratif, Paris, Les cours de
droit, 1977, fasc.1, pp.32 et ss, cité par SIETCHOUA DJUITCHOKO
(C.), « Du nouveau pour la coutume en droit administratif
camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses
conséquences », article précité,
p.150.
* 318 Loi n°96/06 du
18 janvier 1996 précitée.
* 319 Ordonnance
n°72/06 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour
Suprême du Cameroun modifiée par la loi n°76/28 du 14
décembre 1976.
* 320 Loi n°80/031 du
27 novembre 1980 dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des
chefs traditionnels.
* 321 Loi n°2003/016
du 22 décembre 2003 relative au règlement des litiges portant sur
les limites des circonscriptions administratives et des unités de
commandement traditionnel.
* 322 C.E. Section, 6
novembre 1936, Arrighi, Recueil. p.966, concl. Roger
LATOURNERIE.
* 323 SIETCHOUA
DJUITCHOKO (C.), « Du nouveau pour la coutume en droit administratif
camerounais : la constitutionnalisation de la coutume et ses
conséquences », article précité,
p.150.
* 324 Actuellement article
40 de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la
Constitution du 2 juin 1972.
* 325 SIETCHOUA
DJUITCHOKO (C.), article précité,
p.150.
* 326 CS/AP arrêt
n°17 du 19 mars 1981 (3 espèces) : Etat du Cameroun c/ Enfants
du Chef Banka ; Collectivité Deido c/ Etat du Cameroun, KOUANG
Guillaume Charles c/ Etat du Cameroun.
* 327 Jugement
n°3/CS/CA du 25 mai 1989, EGBE BESSONG Alfred ; jugement
n°262/CS/CA du 29 juin 1989 NKFU Simon NGWE c/ Etat du Cameroun ;
jugement n°345/CS/CA du 3 novembre 1989 EYONG EGBE Martin etc.
* 328 Jugement
n°40/CS/CA/79-80 du 29 mai 1980 MONKAM TIENTCHEU David. Recueil
MBOME, p.80.
* 329 BILONG
(S.), article précité, p.58.
* 330 Jugement
n°08/CS/CA/02-03 du 31 octobre 2002, BATEG Daniel c/ Etat du Cameroun.
Dans cette affaire, les opérations de désignation se sont
déroulées dans des bonnes conditions ; l'autorité
administrative, en l'occurrence le préfet, en a entériné
la décision. Quelques mois après, son supérieur
hiérarchique, la ministre de l'administration territoriale lui intime
l'ordre d'abroger son acte (le ministre l'abroge alors même qu'il n'est
pas compétent), ce qui est fait. Appelé à statuer sur
cette grave illégalité, du fait de l'incompétence du
ministre, le juge refuse de statuer.
* 331 BILONG
(S.), article précité, p.59.
* 332 Ibidem.
* 333 Comme on peut le
constater, depuis l'institution par la loi constitutionnel du 18 janvier 1996
du Conseil constitutionnel, aucune autre mesure n'a plus été
prise dans le sens de sa mise en place effective 15 ans plus tard, et par
ricochet de l'institution d'un véritable contrôle de
constitutionnalité des lois. Curieux encore, la Cour Suprême
à qui ont été confiées les attributions dudit
Conseil ne joue pas pleinement ce rôle.
* 334 BILONG
(S.), article précité, p.59.
* 335 Décision du
Conseil constitutionnel n°85-197 DC du 23 août 1985, Nouvelle
Calédonie.
* 336 DUPLE Nicole, « Les menaces
externes à l'indépendance de la justice », disponible
sur le site
www.wikipedia.org.
* 337 Ibidem.
* 338 Même si cela
n'est pas de façon explicite, les Titres II, III et V consacrent les
trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire
* 339 BILONG
(S.), article précité, p.61.
* 340 PERROT (R.),
Institutions judiciaires, op.cit. p.32.
* 341 Conseil
constitutionnel, décision n°80-119 DC du 20 juillet 1980,
validations d'actes administratifs in Les Grandes décisions du Conseil
constitutionnel, p.442.
* 342 Cf. Le petit Larousse
2002, précité.
* 343 KAMTO (M.),
« Actes de gouvernement et droits de l'homme au
Cameroun », article précité, p.9.
* 344 MOLFESSIS
(N.), « Combattre l'insécurité juridique ou la lutte du
système juridique contre lui-même », in E.
D.C.E. 2006, n°58, pp.391-406.
* 345 HEERS
Mireille, « La sécurité juridique en droit
administratif français: vers une consécration du principe de
confiance légitime », in Revue Française
de Droit Administratif, septembre-octobre 1995, p.963.
* 346 GUILLIEN (R.)
et VINCENT (J.), Lexique des termes juridiques, op.cit.
* 347 LANDAIS et
LENICA, « Sécurité juridique : la
consécration », AJDA, 2006, p. 1028.
* 348 MATHIEU (B.),
« La sécurité juridique, un principe clandestin mais
efficient », in Droit constitutionnel,
Mélanges P. GELARD, Montchrestien, 1999, p.301.
* 349 Cf. PACTEAU
Bernard, « La sécurité juridique, un principe qui nous
manque? », in AJDA, 1995, n° spécial
juin, p.151.
* 350 MATHIEU
(B.), article précité, p.301, à propos des lois
de validation et des lois interprétatives.
* 351 Ibidem.
* 352 Ibid.
* 353 MATHIEU (B.),
« La sécurité juridique, un principe clandestin mais
efficient », article précité.
* 354 C'est le cas des lois
dessaisissant les juridictions des affaires relatives aux contestations
soulevées à l'occasion de la désignation des chefs
traditionnels, et relatives au règlement des litiges portant sur les
limites des circonscriptions administratives, entre autres.
* 355 Loi n°79/17 du
30 juin 1979 relative aux contestations soulevées à l'occasion de
la désignation des chefs traditionnels précitée.
* 356 Jugement N°66
ADD/CS/CA du 31 mai 1979, KOUANG Guillaume Charles précité.
* 357 Loi n°80/031 du
27 novembre 1980 dessaisissant les tribunaux des affaires relatives aux
contestations soulevées à l'occasion de la désignation des
chefs traditionnels précitée.
* 358 NGUELE ABADA
Marcelin, « La réception des règles du procès
équitable dans le contentieux de droit public », in
Juridis Périodique n°63, juillet-aout-septembre 2005,
p.19.
* 359 Ibidem.
* 360 Etat de droit et
démocratisation, Université de Paris I, 1995.
* 361 NGUELE ABADA
(M.), article précité, p.20.
* 362 On ne saurait ignorer
que le Cameroun est partie aux instruments internationaux qui garantissent le
droit à un procès équitable : la Déclaration
universelle des Droits de l'Homme de 1948, le Pacte International relatifs aux
Droits civils et politiques de 1966 (entré en vigueur en 1976 en
même temps que le protocole facultatif), la Charte Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples de 1981, lesquels instruments entrent dans le
bloc de constitutionnalité. On peut de ce fait constater que le fait que
l'Etat soit partie à ces instruments constitue une obligation pour les
pouvoirs constitués.
* 363 NGUELE ABADA
(M.), article précité, p.20.
* 364 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », in Revue de la
Faculté de Droit de l'Université de Liège, De Boeck
et Larcier, pp137-219.
* 365 Du moment où
l'Etat, voire l'Administration est partie au litige, cela demeure
problématique.
* 366 NGUELE ABADA
(M.), article précité, p.21.
* 367 Extraits des articles
14 § 1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de
1966 ; 10 et 11 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
de 1948 ; et 7 et 26 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples de 1981, instruments internationaux auxquels le Cameroun est partie.
* 368
QUILLERE-MAJZOUB Fabienne, « Le droit à un
procès équitable et le juge administratif »,
Beyrouth, 2001, p.2.
* 369 Il convient de
préciser que le contentieux administratif a un régime
spécial, dans la mesure où un conflit de droit administratif est
d'abord porté à la connaissance de l'Administration aux travers
des recours administratifs et surtout le recours gracieux préalable,
c'est-à-dire préalable à toute saisine du juge dans le
fond. Voir NGUELE ABADA (M.), article précité,
p.21.
* 370 NGUELE ABADA
(M.), article précité, p.21.
* 371 Pour reprendre
l'expression d'AUVRET-FINK (J.), « Les actes de gouvernement,
irréductible peau de chagrin », Art. Préc.
* 372 Voir BILONG
(S.), « Le déclin de l'Etat de droit au Cameroun : Le
développement des immunités
juridictionnelles », article précité.
* 373 Ne nous
égarons pas, comme nous l'avons mentionné à l'introduction
de cette partie, des considérations d'opportunité autre que
l'intérêt général, peuvent rendre les lois de
validation et les lois interprétatives contraires à l'Etat de
droit. C'est pour cette raison qu'elles sont classées dans la
catégorie des lois rétroactives qualifiées de
« suspectes ». Mais cela n'en constitue pas moins une
raison pour remettre en cause leur nécessité du moment où,
comme nous l'avons montré, le législateur prend en compte
l'intérêt général pour justifier ces lois. La
mention de ces lois ici ne touche que leur aspect négatif.
* 374 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », in Le Code civil, un
passé, un présent, un avenir, p.671.
* 375 Concernant les lois
de validation et les lois interprétatives dont la
nécessité a été démontrée dans la
première partie de cette étude.
* 376 MALINVAUD
(Ph.), article précité, p.671.
* 377 Ibidem.
* 378 Conseil
constitutionnel, décision du 18 décembre 2001 relative à
la loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année
1999. Cette mesure censure la mesure de financement de la RTT (réduction
du temps de travail) qui conduisait à ponctionner rétroactivement
les comptes de l'exercice 2000 de la Sécurité sociale.
* 379 PERROT (R.),
Institutions judiciaires, op.cit., p.32.
* 380 MALINVAUD
(Ph.), article précité, p.689.
* 381 Sauf dans les cas que
nous avons énuméré plus haut : loi de validation et
loi interprétative se justifient au regard de leur statut à part
et de leur nécessité. Cela est d'autant plus vrai que, comme on
l'a vu, la rétroactivité, bien qu'étant le principal
caractère, n'en est pas le seul, et plusieurs justifications sont
apportées à cette rétroactivité.
* 382 CAMARA Fatou
Kiné, Introduction au droit civil, Cours de droit
civil 1ère année, Année 2010-2011.
* 383 Dans les
hypothèses que nous avons énumérées plus
haut ; dans ces cas la rétroactivité est
justifiée.
* 384 LARGUIER
(J.), Droit pénal général, op.cit.
* 385 Malgré
l'interdiction formelle de la Constitution, le législateur peut passer
outre cette exigence.
* 386 La loi est donc dite
expressément rétroactive lorsque le législateur a
décidé qu'elle serait rétroactive, cela marque la
différence entre les lois expressément rétroactives et les
lois interprétatives et de validation. Cela montre que le
législateur a la pleine latitude d'édicter des lois qu'il peut
décider comme rétroactives, selon qu'il juge cela
nécessaire, nécessité qui n'est pas toujours compatible
avec les exigences constitutionnelles, mais motivé par d'autres
considérations. Voir MALINVAUD (Ph.), article
précité, p.689.
* 387 Cela est d'autant
plus vrai si on considère les lois expressément
rétroactives comme des lois simplement rectificatives, car elles ne
joueraient que pour l'avenir, bien qu'il soit vrai que le législateur
n'édicte les lois expressément rétroactives la plupart du
temps qu'en période exceptionnelle, cette pratique devient de plus en
plus récurrente. Et cela se justifie par le fait que le
législateur légifère en général trop, trop
vite et trop mal, et ce n'est qu'a posteriori, à la
lumière de l'application de la loi par le juge que le législateur
s'aperçoit que la loi est mal rédigée ou, pire encore, mal
conçue. Cf. MALINVAUD (Ph.), article
précité, p.671.
* 388 C'est le cas de le
dire, un exemple patent de loi expressément rétroactive est la
loi n°64/LF/1 du 26 juin 1964 relative à la réparation des
dommages causés par les activités terroristes.
* 389 MOLFESSIS
(N.), « la notion de loi interprétative »,
article précité.
* 390 Ibidem.
* 391 MALINVAUD
(Ph.), article précité.
* 392 MALINVAUD
(Ph.), article précité, p.690.
* 393 Ibidem.
* 394 Avis du Conseil
d'Etat du 6 décembre 2002, RFDA 2003, note
PETIT.
* 395 Alors qu'il pouvait
en être autrement si la loi initiale n'avait pas été
modifiée.
* 396 MALINVAUD
(Ph.), article précité, p.689.
* 397 Ibidem.
* 398 L'article 4
prévoit que « « le
juge qui refusera de juger, sous prétexte de silence, de
l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi
de déni de justice ». L'article 5 ajoute
qu' « il est défendu aux juges de se prononcer par
voie générale et règlementaire sur les causes qui lui sont
soumises ».
* 399 PERROT (R.),
Institutions judiciaires, op.cit. p.28.
* 400 Décision
n° 80-119 DC du 22 juillet 1980 sur les lois de validation.
* 401 Jurisprudence du juge
constitutionnel et des juges ordinaires.
* 402 ROSOUX (G.),
« Le contrôle juridictionnel des « validations
législatives » en France et en Belgique : un conflit de
légitimité », article précité,
p.138.
* 403 Article 6 de la
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.
* 404 MBOME
François, « Le contrôle de constitutionnalité au
Cameroun », in RCD n°13 et 14, 1977, pp.30 et
suivantes ; MANGA Philippe, « Le contrôle de
constitutionnalité des lois au Cameroun : un cliché à
corriger », in Juridis info n°11,
juillet-août-septembre 1992 ; BILONG (S.), « Le
déclin de l'Etat de droit au Cameroun : Le développement des
immunités juridictionnelles », article
précité.
* 405 On doit avoir
présent à l'esprit que la crainte du gouvernement des juges a
également hantée les pouvoirs constitués au Cameroun et
c'est dans cette crainte que l'avènement d'une véritable justice
constitutionnelle tarde à être effectivement mise en place
jusqu'à nos jours, 15 ans après sa consécration par la loi
constitutionnelle du 18 janvier 1996.
* 406 Décision du
Conseil constitutionnel n°85-197 DC du 23 août 1985, Nouvelle
Calédonie.
* 407 Exception faite de
celles qui sont tolérées ou tout au moins compatibles avec l'Etat
de droit.
* 408 Notamment celles de
1960, 1961 et 1972.
* 409 Selon la doctrine
dominante, le droit d'initiative ou de saisine demeure l'apanage exclusif du
Président de la République, car « il paraissait par
ailleurs qu'étant garant de la Constitution (cf.art.8 de la Constitution
fédérale du 1er septembre 1961 et 5 de la Constitution
du 2 juin 1972) il pût seul chercher à extraire de l'ordre
juridique interne les lois qu'il estime contraires à la
Constitution.» Voir MANGA (Ph.), « Le
contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun : un
cliché à corriger », article
précité, p.62.
* 410 MANGA (Ph.),
« Le contrôle de constitutionnalité des lois au
Cameroun : un cliché à corriger »,
article précité, p.62.
* 411 Dont le changement
d'appellation est introduit par la loi n°84-1 du 4 février 1984.
* 412 Article 10 de la
Constitution du 2 juin 1972. Un commentaire hâtif de cette disposition de
la part de la doctrine s'est contenté de conclure que rien n'avait
changé par rapport au régime antérieur, alors qu'on
assistait déjà à une consécration bien qu'encore
timide du contrôle juridictionnel des lois.
* 413 « En
cas de doute ou de litige sur la recevabilité d'un texte, le
président de l'Assemblée ou le président de la
République saisit la Cour Suprême qui décide de la
recevabilité ».
* 414 OWONA (J.),
Droit constitutionnel et régimes politiques africains,
Paris, Berger-Levrault, 1985, p.235.
* 415 Loi n°96/06 du
18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972.
* 416 Articles 46 à
52.
* 417 NGUELE ABADA
(M.), « L'indépendance des juridictions constitutionnelles
dans le constitutionnalisme des Etats francophones post guerre froide :
l'exemple du conseil constitutionnel camerounais »,
disponible sur le site
www.droitconstitutionnel.org.
* 418 Parmi lesquelles ces
interventions du législateur dans le cours des procès que le juge
administratif est appelé à trancher pour en influencer le
dénouement ; ce que nous avons qualifié d'interventions
contraires à l'Etat de droit.
* 419 MOMO Claude,
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », in Juridis Périodique n°64,
octobre-novembre-décembre 2005, p.49.
* 420 NGUELE ABADA
(M.), « L'indépendance des juridictions constitutionnelles
dans le constitutionnalisme des Etats francophones postguerre froide :
l'exemple du Conseil constitutionnel camerounais », article
précité.
* 421 MOMO (C.),
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.50.
* 422 TITRE XIII DES
DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES.
* 423 Loi n°2004/004
du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel.
* 424 La Cour Suprême
rempli, à la fois, les fonctions de juridiction suprême de l'ordre
administrative, de juridiction suprême de l'ordre judiciaire, de
juridiction des comptes et de Cour constitutionnelle, qui sont ailleurs
dévolues aux plus hautes juridictions (cas du Gabon, du Benin etc.).
* 425 MOMO (C.),
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.50.
* 426 En ce sens voir
KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Une révolution juridique aux
conséquences paradoxales en Droit constitutionnel camerounais :
Note sous Cour Suprême statuant provisoirement comme Conseil
constitutionnel, Décision n°001/CC/02-03 du 28 novembre 2002,
validation des mandats des députés, in Juridis
Périodique n°53, janvier-février-mars 2003,
pp.61-66. Voir aussi NGUELE ABADA (M.), Commentaires
de la Décision n°001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 à propos
du Règlement de l'Assemblée nationale, Petites
Affiches n°154, 3 août 2004, pp.15-22.
* 427 Ibidem.
* 428 A l'instar du
Professeur OWONA (J.), « l'essor du constitutionnalisme en
Afrique noire : Etude de quelques « constitutions
janus », in Mélanges GONIDEC, LGDJ, 1985.
* 429 C'est-à-dire
l'absence de mise en place d'un véritable juge constitutionnel dans la
Constitution de 1972
* 430 La coexistence de
deux constitutions oblige que certaines dispositions de la loi fondamentale
réduisent à néant d'autres dispositions explicites ou
implicites. Dans ces cas, l'une organise les pouvoirs déterminant les
règles constitutionnelles vitales d'exercice des pouvoirs, l'autre
corruptrice et rédhibitoire portant atteinte soit à
l'organisation projetée, soit à la mise en vigueur de certaines
règles. Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs de la
justice constitutionnel au Cameroun », article
précité, p.51.
* 431 MOMO (C.),
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.51.
* 432 NGUELE ABADA
(M.), « L'indépendance des juridictions constitutionnelles
dans le constitutionnalisme des Etats francophones post guerre froide :
l'exemple du Conseil constitutionnel camerounais », article
précité.
* 433 Saisine
préalable et obligatoire du Conseil constitutionnel en cas de changement
et de modification du règlement d'une chambre parlementaire. Cf. art. 47
alinéa 1 de la constitution.
* 434 Elles visent le
contentieux de la normativité dit contentieux « objectif ».
C'est celle prévue par la Constitution camerounaise.
* 435 Elles se manifestent
dans le contentieux du droit de l'assentiment, dit contentieux « subjectif
» ou contentieux électoral.
* 436 Les saisines
controversées soulèvent la récurrente question de
l'exception d'inconstitutionnalité. Voir NGUELE ABADA
(M.), article précité.
* 437 NGUELE ABADA
(M.), article précité.
* 438 Article 47
alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.
* 439 Des efforts restent toutefois à
accomplir de ce point de vue en raison des insuffisances contingentes relatives
à la saisine du juge, par la minorité parlementaire due à
la sous-représentation de l'opposition au parlement. Cf. MOMO (C.),
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.53. Voir aussi MBEYAP
KUTNJEM Amadou, « Le droit à la justice au Cameroun
(à l'origine de l'accélération de la modernisation
du code pénal camerounais) », Chaire Unesco des Droits de la
personne et de la démocratie, Université
d'ABOMEY-CALAVI - DEA Droits de la personne et de la
démocratie 2005, disponible sur le site
www.memoireonline.com.
* 440 Article 47
alinéa 2 précité. Voir MBEYAP KUTNJEM (A.),
« Le droit à la justice au Cameroun (à
l'origine de l'accélération de la modernisation du code
pénal camerounais) », précité.
* 441 MOMO (C.),
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.53.
* 442 C'est-à-dire
à l'époque où le Président de la République
était seul détenteur de ce droit de saisine : Constitution
du 2 juin 1972.
* 443 Encore appelé
contrôle préventif, le contrôle a priori s'appréhende
comme un contrôle exercé par le juge constitutionnel avant que la
loi n'entre en vigueur, c'est-à-dire avant sa promulgation. Une fois que
la loi a été publiée au Journal Officiel, elle devient
incontestable et même le juge constitutionnel ne peut la remettre en
cause.
* 444 Article 49 de la loi
constitutionnelle de 1996.
* 445 Au sens organique du
terme.
* 446 Comme nous l'avons
dit plus haut, le recours aux dispositions transitoires met à mal
l'application des dispositions constitutionnelles pour une durée
limitée ou illimitée. Ainsi, « le
rédhibitionnisme constitutionnel (pour reprendre l'expression du
Professeur OWONA) a justifié jusqu'à une date récente
l'absence de mise en place d'un véritable juge constitutionnel, la Cour
Suprême continuant à suppléer l'absence d'un conseil
constitutionnel, cela s'explique par la coexistence de deux
constitutions ». Cf. MOMO (C.), « Heurs et malheurs
de la justice constitutionnel au Cameroun », article
précité, p.51.
* 447 Loi n°2004/004
du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil
constitutionnel et loi n°2004/005 fixant le statut des membres du Conseil
constitutionnel.
* 448 Etant donné
que ces derniers ne sont même pas encore nommés, la doctrine a
posé ce problème, cela dû à la procédure de
nomination. Le problème de l'intervention de l'exécutif dans la
désignation de ses membres pose le problème des garanties
d'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.
* 449 NGUELE ABADA
(M.), article précité.
* 450 Ibidem.
* 451 Il est vrai que la
Constitution (voir article 47 alinéa 1), entérinée par la
loi n°2004/004 garantie l'indépendance du Conseil constitutionnel,
et reconnait à ses décisions leur caractère insusceptible
d'être contesté.
* 452 Notamment celles qui
portent atteinte à l'indépendance de la justice et par ricochet
à l'Etat de droit.
* 453 Cf. MOMO
(C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.54.
* 454 La norme
inconstitutionnelle a pénétré dans un système de
droit qu'elle a infecté, l'insécurité juridique est
entretenue. Pour éviter de tels inconvénients, il ne faudrait
recourir au mécanisme de la question préjudicielle qu'en lui
assignant les limites précises dans le temps. Cf. MOMO (C.),
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.53.
* 455 MOMO (C.),
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.55.
* 456 Arrêt n°4
du 28 octobre 1970, Société des grands travaux de l'Est agence de
Yaoundé c/ Etat fédéré du Cameroun oriental. La
haute juridiction avait été appelé à se prononcer
par voie d'exception sur un recours introduite par la Société des
grands travaux de l'Est en annulation partielle d'une imposition. Celle-ci
soutenait que la loi du 30 juin 1966 qui donne un effet rétroactif aux
dispositions nouvelles de l'article 43 du code général des
impôts, a violé le principe fondamental de la
non-rétroactivité des lois inscrit dans le préambule de la
Constitution du Cameroun du 4 mars 1960. Elle est déboutée aux
motifs qu' « aucun contrôle de la constitutionnalité
des lois par voie d'exception n'est prévu par le droit
camerounais ». Cf. MOMO (C.), « Heurs et
malheurs de la justice constitutionnel au Cameroun »,
article précité.
* 457 Cour d'appel de
Garoua, Arrêt n°9/Criminel du 5 mai 1973 ; la juridiction avait
également été appelé à se prononcer par voie
d'exception. Le requérant étant accusé pour vol à
main armée, simple délit sous l'empire d'une législation
pénale plus douce, mais rendue plus rigoureuse par l'article 3 de
l'ordonnance n°72/16 du 28 septembre 1972 portant modification de
certaines dispositions du code pénal (rétroactivité d'une
loi pénale plus sévère). La Cour rappelle
que : « en tout état de cause, la juridiction
répressive n'est pas au Cameroun juge de la constitutionnalité
des lois »
* 458 CS/AP 15 août
1993, NOUGA André c/ Etat du Cameroun :
« considérant que la loi du 27 novembre 1980 dessaisi
toutes les juridictions des affaires pendantes devant elles concernant la
désignation des chefs traditionnels ; mais considérant que
l'article 39 de la Constitution du 2 juin 1972 donne compétence à
la Cour suprême pour statuer sur les recours en annulation dirigés
contre les actes administratifs ; qu'il échet par conséquent
de statuer sur la demande d'annulation de l'arrêté portant la
désignation du chef du 2è degré du canton Etouha, et qu'au
demeurant, cette demande est fondée ;.. ».
* 459 MOMO (C.),
« Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité, p.56.
* 460 Ordonnance de
référé n°30/OR/PCA/CS 2001-2002 Recours
n°135/2001-2002 du 10 avril 2002. Affaire : Union des populations du
Cameroun (UPC) (tendance KODOCK) contre Etat du Cameroun (MINAT) & UPC
(tendance HOGBE NLEND). Note OLINGA Alain Didier ;
Juridis-périodique. Octobre-novembre-décembre 2002.
Ord/PCA/CS du 7 décembre 2002. Affaire MAMA BILOA Sandrine c/
Université de Ngaoundéré.
* 461 Cf. MOMO
(C.), « Heurs et malheurs de la justice constitutionnel au
Cameroun », article précité. Le juge mentionne
une disposition constitutionnelle pour écarter de sa propre
autorité l'application d'une disposition processuelle législative
qui nuit à l'idée qu'il se fait de son nouveau statut
institutionnel, et avant une modification en bonne et due forme de la loi. Il
déclare caduque les dispositions législatives et
règlementaires relatives à l'exigence d'avis conforme du
ministère public en matière de référé
administratif, car contraire à la Constitution.
* 462 Après deux
décennies d'hésitations et d'atermoiements, la France va enfin
mettre en place un contrôle a posteriori de la constitutionnalité
des lois appelée la question prioritaire de constitutionnalité
dont le mécanisme est entré en vigueur le 1er mars
2010, permettant ainsi à tout justiciable d'invoquer
l'inconstitutionnalité d'une disposition législative. Voir
BENETTI Julie, « La question prioritaire de
constitutionnalité : la genèse d'une réforme, de 1990
à 2009 » in AJDA du 25 janvier 2010,
pp.74-79; ROBLOT-TROIZIER Agnès, « La question
prioritaire de constitutionnalité devant les juridictions
ordinaires : entre méfiance et prudence », in
AJDA du 25 janvier 2010, pp.80-87 ; VERPEAUX Michel,
« Le Conseil constitutionnel, juge de la question prioritaire de
constitutionnalité », in AJDA du 25 janvier
2010, pp.88-93.
* 463 C'est l'une des
critiques que les détracteurs de l'exception
d'inconstitutionnalité invoquent le plus souvent pour contrecarrer sa
consécration. Dans tous les cas, que ce soit le contrôle a priori
ou le contrôle a posteriori, chaque type a des avantages et des
inconvénients, il conviendrait juste d'en faire un usage rationnel et
les concilier tous les deux.
* 464 DE LAUBADERE
(A.), VENEZIA (J. C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit
administratif, op.cit., p.955.
* 465 VEDEL (G.) et
DELVOLVE (P.), Droit administratif, Paris,
Presses Universitaires de France (PUF), Tome 1, 12ième
édition, 1992, p.635.
* 466 Ibidem.
* 467 VEDEL (G.) et
DELVOLVE (P.), op.cit.
* 468 Ibidem. p.635.
* 469 La conséquence
qui découle de cette déduction est qu'en principe les
activités sont incontestables devant le juge administratif. Ce dernier
ne statue pas sur les lois, mais plutôt sur les conséquences
dommageables qui en découlent, compétence qui se limite
uniquement à l'appréciation de la responsabilité.
* 470 La loi étant
l'expression de la volonté générale, on ne pouvait
concevoir l'idée de faute commise par le législateur.
* 471 Les lois ne peuvent
causer que des dommages communs à tous les individus, dommages
constituant ainsi des charges publiques.
* 472 CE, Ass 14 janvier
1938, Société anonyme des produits laitiers « La
Fleurette », GAJA n°58.
* 473 CE 21 janvier 1944
Caucheteux ; 1er décembre 1961 Lacombe et 24 octobre
1973 Secrétaire d'Etat à la jeunesse. Pour les deux
espèces, admission du principe du droit à indemnisation d'un
administré privé par l'effet d'une loi de validation du
bénéfice qu'il pouvait attendre d'une annulation pour
excès de pouvoir prononcée à sa requête.
* 474 Depuis
l'espèce La Fleurette, l'idée du risque a été
exclue du fondement de la responsabilité au profit de
l'égalité devant les charges publiques qui constitue le seul
fondement possible de la responsabilité de l'Etat législateur,
car il faut exclure totalement la faute comme fondement de la
responsabilité : car la loi promulguée ne pouvant être
fautive puisqu'elle est la règle de droit hors de toute critique directe
ou indirecte. Cf. VEDEL (G.) et DELVOLVE (P.),
op.cit., p.638.
* 475 VEDEL (G.) et
DELVOLVE (P.), op.cit.
* 476 C'est le cas de la
loi n°64/LF/16 du 26 juin1964 sur la répression du terrorisme
précitée.
* 477 Pour ce
troisième cas, les solutions relèveront des régimes de
responsabilité déterminés par des textes particuliers, le
juge ne peut qu'appliquer les dispositions législatives réglant
le problème de l'indemnité. Voir VEDEL (G.) et DELVOLVE
(P.), op.cit.
* 478 Cela semble
paradoxal, puisque l'espèce La Fleurette qui constitue l'espèce
de principe en matière de responsabilité de l'Etat
législateur concernait des dispositions économiques.
* 479 DE LAUBADERE
(A.), VENEZIA Jean (C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit
administratif, op.cit., p.957.
* 480 La Fleurette et
Caucheteux notamment.
* 481 C'est ce que
décide le juge dans l'espèce Bovero du Conseil d'Etat
français rendu en date du 25 janvier 1963. Voir DE LAUBADERE
(A.), VENEZIA (J.C.) et GAUDEMET (Y.), Traité de droit
administratif, op.cit., p.957.
* 482 Voir VEDEL
(G.) et DELVOLVE (P.), op.cit.
* 483 Droit à ce que
la cause d'un justiciable soit entendue par le juge administratif (droit
à un procès équitable).
* 484 C'est-à-dire
celles qui ont été édictées dans
l'intérêt général, mais dont une catégorie de
personnes s'est trouvée lésée.
* 485 On prendra comme
exemple la répression du terrorisme, la désignation des chefs
traditionnels.
* 486 Même cela n'est
pas envisageable aux yeux de la doctrine, qui estiment qu'il faut exclure
totalement l'idée de faute comme fondement possible de la
responsabilité du fait des lois : la loi promulguée ne
pouvant être fautive puisqu'elle est la règle de droit hors de
toute critique directe ou indirecte. Cf. VEDEL (G.) et DELVOLVE
(P.), op.cit. Mais cette faute ne doit pas être
appréhendée au sens de la responsabilité pour faute de
l'Administration.
* 487 C'est l'idée
d'une faute immatérielle, c'est-à-dire un préjudice
causé par la modification de l'état du droit qui initialement ne
posait aucune difficulté et que le législateur a
décidé qu'il en serait désormais autrement.
* 488 Car elles aussi
peuvent entraîner la mise en oeuvre de la responsabilité de l'Etat
législateur, du fait de leur caractère rétroactif, mais
aussi du fait du préjudice que ces lois peuvent causer aux personnes
affectées par un acte administratif illégal qui est validé
par le législateur ou aux personnes bénéficiant d'une
interprétation jurisprudentielle qui leur était favorable avant
l'interprétation faite par le législateur.
* 489 MALINVAUD
(Ph.), « L'étrange montée du contrôle du juge sur
les lois rétroactives », article
précité, p.691.
* 490 MALAURIE
Philippe, « L'handicap de l'enfant : un droit
désemparé. A propos de l'avis du Conseil d'Etat du 6 novembre
2002 », JCP, 2003.
* 491
PORTALIS Jean (1746-1807), jurisconsulte et
homme politique français ; instigateur du Concordat de 1801,
ministre des cultes sous l'empire, il fut l'un des rédacteurs du Code
civil.
* 492 PORTALIS
Jean, Discours préliminaire sur le projet de Code
civil, 1804.
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