II. RECOMMANDATIONS DE POLITIQUES ECONOMIQUES :
L'analyse empirique révèle que la
décentralisation politique et administrative a un impact négatif
(et statistiquement significatif) sur la croissance économique dans les
pays d'Afrique subsaharienne. Ce qui est contraire à la théorie
de la décentralisation politique et
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Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
administrative. Cependant, certains auteurs de la
théorie analytique relevaient déjà cette
possibilité en précisant notamment que, dans le contexte des pays
en développement, la décentralisation politique et administrative
est un facteur de corruption (PRUD'HOMME, 1995 et BARDHAN, 2002) et ceci pour
trois raisons (CALDEIRA, 2011):
- La multiplication des centres de décisions politiques
augmentent les opportunités de corruption
- Les décideurs locaux sont plus proches des groupes
d'intérêts locaux (TANZI, 1994) - Les obstacles à la
corruption sont moins nombreux au niveau local.
La conséquence de cette défaillance est la
faible redevabilité des dirigeants locaux dans les collectivités
locales africaines, ce qui ne les oblige pas à avoir une gestion
efficace. Les avantages qu'offre le principe de proximité sont ainsi
limités.
Les recommandations de politiques économiques portent
sur trois aspects : la maturation de ce processus dans les pays d'Afrique
subsaharienne (1), le renforcement de la démocratie locale (2) et la
lutte contre la corruption (3).
1. Maturation du processus dans l'échantillon
des 6 pays d'Afrique subsaharienne :
La grande majorité des pays qui constitue notre
échantillon expérimente encore cette nouvelle organisation
politico-administrative de sorte que l'on ne peut encore parler que de
processus de décentralisation. À titre d'exemple, même si
la constitution du 18 janvier 1996 stipule que le Cameroun est un Etat unitaire
et décentralisé, le processus de décentralisation au
Cameroun est véritablement enclenché en 2004 avec les lois du 22
juillet. Le transfert de compétences et de moyens n'ayant eu de contenu
formel et régulier qu'à partir de l'année 2010. C'est
également le cas en Guinée qui a initié son processus en
1986. La récente adoption en 2006, du code des collectivités
locales, traduit le fait que la décentralisation est encore un processus
en construction dans ce pays. Le cas de la RDC est encore plus flagrant, depuis
plus de 10 ans, les élections municipales sont incessamment
reportées, tout ceci malgré que la constitution de 2006 consacre
à nouveau la décentralisation comme un modèle de
gestion.
Les pays ont donc besoin de murir ce processus (notamment
l'aspect politique) avant d'en attendre les effets positifs sur les
économies locale et nationale. Le temps semble être une variable
non négligeable pour l'efficacité de ce processus.
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Alembe Ayima mathieu, diplôme d'études
supérieures en sciences économiques Option : gouvernance et
développement économique
Mémoire de Master II : Décentralisation et
croissance économique : le cas de 6 pays d'Afrique
subsaharienne
Le cas spécifique de l'Afrique du Sud, l'un des pays
anglophones du groupe des 6 pays de notre échantillon, semble
intéressant à étudier. Ayant connu un processus de
décentralisation politique et administrative relativement jeune, la
décentralisation Sud-Africaine a été utilisée par
le nouveau pouvoir pour rompre avec l'apartheid de sorte que
l'ascension au pouvoir de MANDELA corresponde à une nouvelle ère
politique (LOOTVOET et KHAN, 2002). Elle est donc instituée par la
constitution intérimaire de 1993. Mais le pays n'ayant pas connu une
colonisation francophone et donc centraliste, la décentralisation
politique et administrative s'est greffée facilement à
l'organisation politico-administrative du pays.
Il y a donc lieu, de murir le processus dans un premier temps
afin d'asseoir une démocratie locale, véritable catalyseur de la
politique de décentralisation.
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