CONCLUSION:
La défense de la langue française, en
particulier dans les zones où elle est menacée, ne doit pas
reposer exclusivement sur les médias d'Etat. Les médias
privés, à investissement équivalent ont une
efficacité supérieure et souvent une plus grande
crédibilité auprès du public.
Ce qui empêcherait à la Télé
Haïti de contribuer à la production locale
Il est vrai que toute production demande un certain budget,
cependant certaines émissions peuvent être réalisées
en différé et à un coût modeste, notamment les
documentaires, les reportages sur les sites historiques, les magazines
culturels ou sportifs, les émissions de variétés
(concerts, festivals, spectacles divers, marionettes, conférences,
débats, enseignements pédagogiques, cours d'éducation
musicale, de danse, de langues), etc.
Jusqu'ici, aucun effort particulier en ce sens n'a
été accompli du côté de la première station
de télévision par câble du pays. On peut interpréter
ce comportement comme étant dû à des problèmes de
matériels, de cadres appropriés, de budget ou tout simplement
à un désintéressement pour les valeurs locales, ou un
manque de volonté de la part des responsables de l'entreprise.
LE COTE POSITIF
Les techniciens, journalistes, caissières, dirigeants
de la Télé Haïti ont su créer et entretenir dans le
public, même non-téléspectateur, une image positive faite
notamment d'efficacité (e.g. gestion informatique des appels de la
clientèle et des dépannages) de respect des abonnés
(excellent rapport qualité-prix) et des annonceurs (affidavit de
performances), d'indépendance (expression de tous les courants de
responsabilité (installation de petites génératrices
alimentant le réseau pour pallier les coupures de l'EDH) , de
dévouement à la communauté caritative ou
philanthropique).
L'incendie de Juillet 1985 fut d'ailleurs l'occasion d'une
démonstration spectaculaire et inattendue de la sympathie que la station
a su s'attirer: de nombreux abonnés apprenant la destruction de
Télé-Haïti s'empressèrent de venir payer leurs
abonnements, souvent pour plus d'une année à l'avance, d'autres
témoignèrent leur attachement en proposant à la station
leur propre matériel vidéo. Des fournisseurs offrirent un
crédit illimité afin de reconstituer les stocks. Les deux banques
de la compagnie, la B.N.P. et la B.U.H., accordèrent
spontanément un report des échéances. Des organisations
à but non lucratif et des associations exprimèrent à cette
occasion, en envoyant des dons en espèces, leur gratitude à
Télé-Haïti pour son soutien constant et
bénévole à leurs campagnes de collecte de fonds et
à la promotion de leurs activités caritatives.
Le sondage réalisé en août 1989 à
la demande de la SHTS par un cabinet indépendant auprès d'un
échantillon représentatif de 150 abonnés a confirmé
cette appréciation positive: 42% des personnes jugeaient
Télé-Haïti «très sympathique», 19%
«sympathique» et 32%» plutôt sympathique».
Ce sondage indiquait également que les abonnés
accordent leur préférence aux programmes de la SHTS: 54% d'entre
eux regardent exclusivement les chaînes de Télé-Haïti
tandis que 43% regardent Télé-Haïti et la TNH.
Cette préférence pourrait s'expliquer peut
être dans la diversité et la richesse des programmes offerts. A
cet égard la SHTS dispose en fait, mais non en droit, d'un
quasi-monopole puisque seul le câble peut fournir le choix exceptionnel
de 21 chaînes, ou davantage.
Au demeurant, ce choix entre des programmes étrangers
mais très variés fait partie intégrante de l'image de
Télé-Haïti.
Par ailleurs, par comparaison avec le journal
télévisé de la télévision d'Etat, le
Télé-Presse produit par Télé-Haïti a toujours
été perçu comme beaucoup plus fiable et
équilibré. Le sondage de 1989 montre que 59% des abonnés
sont branchés sur la chaîne 2 à 6 : 30 PM (heure de la
première diffusion du Télé-Presse). 41% de la
clientèle identifie le Télé-Presse comme leur
émission préférée. A noter que depuis août
1998, le journal Télé Presse de la Télé Haïti
est repris régulièrement par la Télé Anacaona
à Léogane.
Une étude de Price Waterhouse notait à cet
égard en 1988:
«Since the beginning, SHTS has been keeping high quality
standards in spite of numerous technical and environmental problems, and has
maintened impartiality concerning information broadcast. This has helped in
developing a larger and larger clientele and in performing constant and
harmonious growth.»
D'ailleurs depuis Janvier 1991 le Télé-Presse
est retransmis simultanément sur la station de radio RFI-Haïti 89.
3 FM. Grâce à cette synergie entre les deux médias les
abonnés peuvent suivre en toute circonstance leur émission de
nouvelles tandis qu'un nouveau public découvre une production
Télé-Haïti.
Enfin, Télé-Haïti bénéficie
aussi bien entendu de la fascination que suscitent les caractéristiques
du média électronique qu'est la télévision:
ubiquité, rapidité, réalité, diversité,
ouverture sur le monde, force émotive. Elle permet au
téléspectateur de rester à jour en matière
d'informations sur une variété de sujets y compris les
dernières innovations technologiques à travers le monde, ce qui
serait peut être impossible sur une station de télévision
qui serait consacrée exclusivement aux réalités locales.
Ces caractéristiques sont évidemment multipliées par les
21 chaînes que propose la SHTS.
Constituant pour les habitants de la zone
métropolitaine une source permanente de divertissements variés,
d'éducation, d'informations locales indépendantes, d'informations
internationales, d'annonces commerciales et personnelles
appréciées, Télé-Haïti est très
largement perçue comme une institution ayant sa raison d'être
dans le milieu.
Enquête: dépouillement, analyse et
vérification des hypothèses
En plus de nos observations et de nos comparaisons, pour
vérifier nos hypothèses et aboutir à des conclusions
pertinentes, nous avons eu recours à la technique de l'enquête
basée sur l'échantillonage. Nos échantillons sont
exclusivement des abonnés de Télé-Haïti qui, d'une
certaine manière, peuvent porter une appréciation sur la
qualité des services, l'orientation des émissions,
l'utilisation des ressources locales, l'impact de cette station sur les gens
et son implication dans la diffusion de la culture. En un mot, la question de
couleur locale.
En effet, poser le problème de la Télé
Haïti et de la culture locale nous oblige à une analyse de sa
programmation en matière de temps et de répartition et aussi en
matière de contenu. En effet, nous sommes déjà conscients
de l'envahissement de l'environnement culturel haïtien par les nombreuses
chaînes étrangères captées par la TH. Un reproche
pourrait être fait en ce sens, mais qui dit mieux?
Honnêtement, la question ne se situe pas à un
niveau de comparaison et de concurrence entre les différentes stations
de télévision, mais dans la diffusion et la protection de la
culture haïtienne. Il faut être conscient des ravages
psychosociologiques que peut causer l'acculturation (cette tendance et ce fait
de s'adapter à une autre culture en rejetant sa propre culture). Tout le
monde est enculturé du fait de naître et de grandir dans une
culture, mais à un certain moment donné, un choix peut être
fait. Aussi, on peut penser à inculturer les éléments
culturels extérieurs dans la mesure où ils ont un apport positif.
Cependant, est-ce qu'au moins on prend le temps de réfléchir sur
le contenu des émissions étrangères, de les analyser et
peut-être de les adapter?
En effet, notre étude s'est basée sur un
échantillon de 110 abonnés dont l'âge et le niveau
socio-professionnel présentent les caractéristiques suivantes:
Tableau I
Répartition des abonnés suivant leur
âge
Age
|
Abonnés
|
%
|
19-24
|
30
|
27,25
|
25-30
|
30
|
27,25
|
31-36
|
22
|
20
|
36 et plus
|
28
|
25,5
|
Tableau II
Niveau de formation
Niveau de formation
|
Abonnés
|
%
|
Primaire seulement
|
0
|
0
|
Secondaire
|
28
|
25,5
|
Universitaire
|
56
|
51
|
Professionnel
|
26
|
23,5
|
D'après le tableau I, les gens touchés
représentent des gens réellement impliqués, capables de
faire un choix dans le maintien ou l'annulation d'un abonnement dans la mesure
où ce service va dans le sens de ses intérêts ou pas.
Volontairement, nous avons exclu les moins de 19 ans parce que, au regard de la
loi, les moins de 18 ans ne sont pas encore majeurs. A 19 ans, c'est en moyenne
l'âge minimum pour terminer ses études, commencer à
travailler et faire certains choix. A 19 ans au moins. C'est en moyenne
l'âge minimum pour terminer les études, pour commencer à
travailler et faire certains choix. Voilà ce qui explique nos tranches
d'âge.
Le tableau II révèle le niveau de formation des
enquêtés. Selon cette enquête, aucune des personnes
touchées n'a seulement le niveau primaire et 28, soit 25,5% ont
uniquement le niveau secondaire. Par contre, 51% ont le niveau universitaire,
ce qui suppose une formation universitaire et une carrière leur donnant
accès à un emploi stable et rémunérateur pour leur
donner un standard de vie les plaçant à un échelon
élevé de la société. Les professionnels
représentent 26 sur 110, soit 23,5%. Quand nous disons professionnels,
nous incluons les arts et métiers, la formation technique et
professionnelle.
Ce deuxième tableau est très
révélateur en ce qui concerne les exigences qui pourraient
être faites en matière de qualité de service. Le fort
pourcentage d'universitaires traduit de manière indirecte le niveau de
vie, la qualité et la maturité de réflexion, le choix
d'une chaîne à regarder. Cette clientèle est capable de
payer et le pourvoyeur de service doit tenir compte de ses choix et de ses
exigences.
Toutefois, pour pouvoir apprécier le travail de TH au
niveau de diffusion de la culture locale, il faut tenir compte de certains
éléments de sa programmation, tels la musique, les films et les
video-clips. En effet, même si la production cinématographique et
vidéographique haïtienne n'est pas extraordinaire, il en existe une
certaine quantité pouvant aider à la diffusion de la culture
haïtienne. Par contre, il y a profusion en ce qui a trait à la
production musicale. Cependant, il faut toujours respecter la loi de l'offre et
de la demande. Les tableaux suivants III et IV permettent de saisir la tendance
des abonnés pour ce qui est du style de video-clip musical et des genres
de films à passer à la télévision.
A la question: »Quel type de video-clip aimeriez-vous
regarder à Télé-Haïti?», les réponses ont
permis d'aboutir à ce tableau:
Tableau III
Video-clips préférés
Video-clip musical
|
Interviewés
|
Pourcentage
|
Slow américain
|
|
|
Classique
|
|
|
Compas direct
|
|
|
Rap et racine
|
|
|
Autre
|
|
|
La question sur les films que devait diffuser
Télé-Haïti et les réponses reçues sont assez
révélatrices de l'orientation de ce média de masse qui est
très populaire en Haïti. Nous avons tenu compte dans la question:
des films d'éducation, c'est-à-dire des films de formation,
d'actualité, scientifique; des films de fiction parce qu'il y a une
catégorie de personnes qui aiment à se détacher de la
réalité; des films de guerre pour les plus agressifs et des films
haïtiens pour nous ramener à la réalité
haïtienne et nous imprégner du bain culturel.
L'élément «Autre» dans notre questionnaire se
réfère à toutes les autres catégories de films:
espionnage, histoire, amour, porno etc. Les résultats nous donnent le
tableau suivant:
Tableau IV
Films à diffuser par
Télé-Haïti
Types de films
|
Nbre de réponses
|
Pourcentage
|
Education
|
|
|
Fiction
|
7
|
|
Guerre
|
5
|
|
Haïtiens
|
36
|
|
Autre
|
|
|
Quand on connaît l'impact des medias de masse dans la
diffusion de la culture et surtout l'apport de la musique et du cinéma,
on est en droit de se deemander quelles sont les priorités des
abonnés. On se demande peut-être s'il faut parler d'acculturation
ou d'un certain rejet, mais le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a une
sorte de recherche d'évasion, la recherche d'un tout-autre que la
culture haïtienne.
En ce qui a trait à la chaîne spécifiquement
haïtienne de ce média qu'est la TH, le temps de
programmation..................
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