I.3.BACTERIOLOGIE
L'agent pathogène de l'Ulcère de Buruli est une
mycobactérie environnementale (exmycobactérie atypique)
appelée Mycobacterium ulcerans. Elle possède un tropisme
essentiellement cutané. Il est utile de connaître ses
caractéristiques propres afin de mieux envisager
l'épidémiologie de la maladie, sa physiopathologie et les bases
du traitement.
M. ulcerans appartient à un groupe de
mycobactéries potentiellement pathogènes pour l'homme et l'animal
(parfois appelées « mycobactéries opportunistes »).
Selon de récentes informations, M. ulcerans ne se trouverait
pas dans l'environnement à l'état libre, mais elle occuperait une
niche spécifique dans certains milieux aquatiques (petits animaux
aquatiques ou biofilms), à partir desquels elle se transmettrait
à l'homme par un mécanisme encore imparfaitement connu.
Mycobacterium ulcerans est un bacille
acido-alcoolo-résistant (BAAR). Difficilement cultivable à partir
des échantillons cliniques, c'est une mycobactérie à
croissance lente : son temps de doublement est d'environ 20 heures. Le milieu
de culture idéal est le milieu de Löwenstein-Jensen (milieu de
culture classique pour les mycobactéries). La croissance de M.
ulcerans est favorisée par un milieu microaérophilique,
c'est à dire pauvre en oxygène (pression en oxygène p02
< 2,5 kPa). Le pH optimal pour sa croissance varie de 5,4 à 7,4. Les
cultures primaires peuvent prendre de 6 à 8 semaines, comme pour le
bacille tuberculeux, mais les sous-cultures deviennent en général
positives en deux semaines, suivant le nombre de mycobactéries dans
l'inoculum.(8).
I.4.IMMUNOPATHOLOGIE
M. ulcerans possède une particularité
qui la rend unique parmi les mycobactéries : sa virulence ne provient
pas du germe lui-même mais d'une toxine destructrice qu'elle produit, la
mycolactone, qui provoque des lésions tissulaires et
inhibe la réaction immunitaire.
C'est en fait une exotoxine lipidique nécrosante qui
possède des propriétés cytotoxiques pro-coagulantes et
immunosuppressives., Il est admis depuis peu que la mycolactone est
classée dans les polykétides (composés naturels
contenant des groupements carbones et méthylène alternés,
dérivés de la condensation itérative d'acétyl-CoA),
et également reconnue comme un membre de la famille des macrolides. La
virulence de M. ulcerans s'explique en grande partie par les effets
toxiques de cette mycolactone.
Les connaissances actuelles permettent d'élaborer le
scénario immunopathologique le plus probable : une fois qu'il est
parvenu dans le tissu sous-cutané, le bacille prolifère et
synthétise la toxine qui s'attaque aux adipocytes. La nécrose qui
en résulte crée un milieu qui stimule la prolifération de
la mycobactérie .Au cours de cette phase, à cause des
propriétés immunosuppressives de la mycolactone, la
réaction immunitaire à médiation cellulaire est
très faible.
En effet, l'activation de la toxine entraînerait la lyse
du macrophage hôte et paralyserait les fonctions cellulaires des
lymphocytes et des macrophages qui s'infiltrent. Cette
immunosuppression locale pourrait à son tour contribuer à
retarder la réponse immunitaire systémique précoce
à l'antigène bactérien. Cela pourrait expliquer le fait
que souvent les patients présentant des lésions évolutives
ne réagissent pas à un antigène dérivé de
M. ulcerans (buruline) et administré par voie intradermique.
On retrouve donc, au stade précoce, des nodules
cutanés précoces avec un grand nombre de BAAR
extracellulaires, une nécrose sous-cutanée étendue, dans
un contexte de réaction inflammatoire très faible.
Puis, sans que l'on sache en expliquer la raison, certaines
lésions guérissent spontanément (activation tardive des
défenses immunitaires de l'hôte, sous quelle influence ?) avec
fibrose cutanée d'origine inflammatoire (cette fibrose entraînant
des contractures majeures) ou bien au contraire, la lésion s'aggrandit,
avec apparition d'ulcérations qui évoluent de
façon péjorative (atteinte des tissus mous sous-jacents et
extension de l'ulcère). Ces ulcérations sont
caractérisées par un faible nombre de BAAR et l'apparition de
nouvelles structures histologiques : les granulomes. A noter qu'à ce
stade granulomateux autant qu'au stade de guérison avec fibrose,
l'intradermoréaction à la buruline se positive, indiquant qu'une
réponse immunitaire cellulaire est apparue et se développe.
L'hypothèse d'un système d'anticorps à
développement lent est donc actuellement avancée. (9).
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