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La santé communautaire dans la région des savanes, Togo. Une étude de cas sur les commissions santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône

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par Alexander Doyle
Université libre de Bruxelles - Master en sciences de la population et du développement 2012
  

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2. ADAPTATIONS ET « MÉCANISMES DE DÉBROUILLE »

En réponse à la première partie de notre analyse, nous signifierons à présent du caractère complexe des moyens déployés par les CS pour répondre aux objectifs qui leur furent assignés a priori.

Les CS parviennent dans une certain mesure, à assurer une forme de continuité au « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », malgré tout les aspects abordés ci-dessus. Les CS développent, dans certains cas des procédés ou stratégies, dont 3ASC ne semble pas toujours informé. En ce sens, ce deuxième aspect reflète ce qu'Olivier de Sardan nomme une « dérive »163, autrement dit un décalage entre les buts assignés et les réalisations effectuées.

Ceci résulte d'une forme d' « adaptation » à la conjoncture en présence. « C'est en effet dans le cadre cognitif et normé du populisme bureaucratique que les acteurs construisent leurs intérêts et élaborent alors des stratégies pour les promouvoir. Ces stratégies sont alors dépendantes de variables telles que la conjoncture, l'organisation hierarchique des organisations de développement, les particularités nationales ou la « culture d'organisation » »164.

Ceci étant, nous nous appuierons, sur notre deuxième hypothèse, de façon à orienter le canevas de notre analyse. Celle-ci fut formulée dans les termes suivants (voir I. 2.3. Hypothèses) :

162 Chauveau, J.-P., op. cit., pp. 45-46.

163 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 140

164 Chauveau, J.-P., Ibid., p. 50.

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« En réponse aux dysfonctionnements relevés, les Commissions Santé s'adaptent à la situation et développent des initiatives dans le souci d'assumer leur responsabilité sur la scène sanitaire locale »

Certains comportements innovants, permettent de faire face aux difficultés survenant dans l'exercice de leur fonction. Malgré les entraves du dispositif actuel, ces acteurs tendent à affirmer leur « capacité de résilience »165. Pour ce faire, nous rendrons compte de ces « mécanismes de débrouille » qui furent portés à notre attention. Il s'agit principalement de cas particuliers rencontrés au cours de nos entretiens qui méritent, à notre sens, d'être mis en lumière.

2.1.Autofinancement

Il fut décidé au sein de la CS de Bougou, Tône, que lors de chaque réunion, l'ensemble des membres reversait une somme convenue à la collectivité pour subvenir aux dépenses relatives à leur groupement. De plus, une forme de pénalité fut imposée aux retardataires. De ce fait, afin de récolter et conserver les fonds sans difficulté, ils décidèrent de choisir en interne un trésorier. Cette initiative permit de pallier un autre problème majeur : la dépendance financière vis-à-vis des bailleurs de fonds et de l'ONG 3ASC.

« On a dit que pendant les réunions, c'est important que tout le monde soit à l'heure, parce que quand on arrive pas à l'heure on peut pas parler. Et on avait dit que celui qui vient en retard, il doit payer 50 francs, parce que les autres, ils ont laissé leurs travaux, ils sont à l'heure, et toi tu es dans tes travaux, tu n'arrives pas à l'heure. Donc on fait ça. Les gens, ils viennent à l'heure maintenant. Bon et sinon on avait dit que à chaque réunion, chacun doit donner cent francs, parce que des fois, il y a des déplacements, on peut payer comme ça vers Dapaong ou là, parce que des fois, on te demande, comment on va aller ? Il faut se déplacer. Bon pour les déplacements, où il faut trouver ça ? La personne ici n'en a pas dans sa poche, donc il est obligé puisque sinon il ne peut pas aller. On a choisi un trésorier, chaque réunion, chacun donne 100 francs, 100 francs, on note, on donne au trésorier, il garde ça. À chaque réunion, 700 francs pour la Commission et on garde. Mais bon, celui qui arrive en retard, il peut donner 150 francs, donc ça peut monter » [Président de la CS de Bougou, Tône].

Par ailleurs, la CS de Nanergou, Tône a décidé récemment d'appliquer le même système :

165 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 52.

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À chaque réunion, tous les deux mois, nous mettons maintenant de l'argent dans une cagnotte, cent francs, deux cents francs par personne, selon les moyens, le 20 de chaque deux mois nous récoltons des petits fonds. Comme ça en cas de problème, nous pouvons utiliser cet argent, avec ça maintenant on peut démarrer. C'est de l'argent de notre poche, mais on considère que ce n'est pas grand chose. Comme on n'a pas de moyens, on doit faire quelque chose, chaque deux mois, on met quelque chose. Comme ça, si on vous appelle à une réunion très urgente, et il doit venir, avec quoi maintenant il va aller ? Si il y a l'argent maintenant, on peut prendre dedans, mille francs ou mille cinq-cents francs pour lui remettre, il va prendre un zem [moto-taxi], aller-retour, c'est bon » [Membre de la CS de Nanergou, Tône].

Il continue son explication par rapport au manque de moyens pour superviser correctement le travail des ASC.

« Concernant les fiches de rapport des ASC. On nous remet une fiche et nous on va photocopier ça à nos frais et puis partager ça aux ASC, or il y a une photocopieuse à 3ASC. Vous voyez, ce n'est pas normal. On ne nous donne pas l'argent pour aller faire ça. On doit toujours mettre la main à la poche, alors qu'il y a des moyens. C'est pour ça, par exemple, qu'on a mis en place ce système de cagnotte » [Membre de la CS de Nanergou].

La CS de Namoudjoga, Kpendjal, tente quant à elle, de mettre en place des initiatives génératrices de revenus, en partenariat avec les populations de son aire sanitaire afin d'utiliser ces ressources financières a posteriori pour se rendre vers le centre de santé et augmenter les adhésions à la mutuelle de santé, et ainsi bénéficier de soins de santé de plus ample qualité.

« Il dit, c'est toujours le même problème de moyens financiers que la population rencontre, mais quand même il arrive souvent qu'ils appuient la population à mener des activités génératrices de revenus afin de pouvoir subvenir à leurs besoins, ils leurs donnent des conseils sur le jardinage, sur les activités champêtres, qui peuvent leur permettre d'avoir un peu de sous pour pouvoir s'adhérer à la mutuelle et venir plus vite vers le centre. C'est aussi un rôle qu'ils mènent et ils auraient bien besoin de l'appui pour faire la promotion de cette initiative, de ces activités génératrices de revenus. Ceci pourrait augmenter les revenus de la population et par conséquent augmenter le taux de pénétration de la mutuelle de santé » [Traduction d'un membre de la CS de Namoudjoga, Kpendjal].

Par ailleurs, un membre de la CS de Sanfatoute, Tône a effectué un plaidoyer pour détourner une certaine somme d'argent destinée à un autre effet pour améliorer les conditions matérielles du centre.

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« Moi j'ai fait aussi un plaidoyer au niveau de Bonfonden la semaine passé et que, ça a marché quand même. Parce que chez nous à Bonfonden là-bas, chaque mois il y a le parrainage des enfants qui arrive. Bon, et moi j'avais dit, les mois passés, on a acheté les nattes et tout pour le jardin d'enfants qui nous entoure, cette fois-ci on a eu aussi un parrainage, mais l'argent n'était pas beaucoup, c'était 28.000 [42 €] comme ça. Mais au cours des propositions, j'ai dit bon, est-ce qu'il ne pourrait pas appuyer l'USP avec quelque matériel pour que ça nous aide. Les gens ont compris la proposition, et on a décidé d'acheter 20 litres de pétrole pour la chaîne de froid pour garder bien les produits, on a proposé d'acheter aussi 10 litres d'alcool au moins pour déposer à la salle de pansements, comme ça quand les gens ils viennent on peut essayer de nettoyer aussi leurs plaies, ensuite le coton et les bandes. Donc aujourd'hui le président du COGES est parti là-bas, il est membre aussi de la Commission, ils vont acheter ça demain matin pour l'USP, bon c'est un pas, une petite chose. Ça peut aller » [Membre de la CS de Sanfatoute].

Ces différentes mesures mentionnées ci-dessus témoignent d'une volonté propre de la part des CS de subvenir à leurs propres besoins de commissionnaires face aux problèmes financiers qui les touchent. De telles initiatives permettent une forme de continuité, du moins tendent-elles à résoudre certaines difficultés quotidiennes et ainsi à répondre à quelques unes des tâches qui leur incombent.

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