3.4.4. Structures des entretiens
Il est évident que les mêmes sujets furent repris
dans les différents questionnaires. Par contre, l'angle tendait à
différer pour pouvoir observer, recueillir et enfin analyser les
différents points de vues rencontrés suivant une
thématique semblable. Quelques logiques transversales propres à
l'ensemble des interviews semblaient se dégager. Tout d'abord, chaque
entretien s'attardait à retracer le cadre dans lequel les interlocuteurs
s'insèrent, il s'agit de la part descriptive. Ensuite, il était
question de définir les difficultés et les changements
observés inhérents à leur situation individuelle et
collective. Par la suite, il s'agissait de faire émerger des
propositions envisageables, à travers leurs doléances, pour
améliorer leur situation et élaborer une mise en contexte des
relations qu'ils entretiennent vis-à-vis des autres GI. Enfin, un
complément d'informations plus personnel fut apporté sur la
vision que chacun de ces interviewés détenait quant aux recours
thérapeutiques alternatifs face à la structuration de l'offre des
soins dans la région des Savanes.
Pour maintenir l'angle de notre recherche dans une perspective
holistique, nous avons dû élaborer des « stratégies
» d'entretiens. Nous les avons envisagées suivant deux perspectives
distinctes, afin d'être en position de recouper, trianguler et amorcer un
panel de points de vue suffisamment conséquents. Ces perspectives de
recherche proviennent des deux niveaux d'entretiens élaborés par
Olivier de Sardan55 : « la consultation »
et « le récit ».
Les techniques d'entretiens utilisées recoupent donc
différents procédés. Tout d'abord, nous avons
invité nos interlocuteurs à mentionner leurs perceptions et leurs
pratiques suivant une vision synchronique, cherchant une forme de
systématisation de certains de leurs agissements pour en comprendre les
défaillances intrinsèques. Ensuite, pour illustrer certains de
leurs propos et pour en extraire une forme de fiabilité, nous nous
sommes étendu, suivant une perspective diachronique, sur certaines
questions circonstancielles qui tendent à remettre en contexte, et sous
forme de récits, les acteurs dans le cadre de leurs interactions.
Grâce à cette méthode nous fûmes en
mesure de récolter des contradictions et des incohérences entre
leurs propos et la réalité vécue, nonobstant
l'unité intrinsèquement voulue au sein de chaque groupe
investigué ; d'une part « en interne », c'est-à-dire
des informations propres à la réalité de chacun, et
d'autre part, « en externe », c'est-à-dire entre les
différents membres d'un même GI, ou plus largement entre des
personnes issues des GI différents.
L'inconvénient de ce type d'approche est le travail
fastidieux qu'il représente. En effet, à défaut de vouloir
rendre compte, suivant un procédé exhaustif, des
réalités de chacun, cette
55 Olivier de Sardan, J.-P., 1995b, « La
politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie
». In Les terrains de l'enquête, s.l.d. de Passeron, J.-C, Edition
Parenthèses, Marseille.
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façon de procéder peut s'avérer
extrêmement longue, tant durant la récolte des données que
lors de la phase de décortication des données
précédent l'analyse. Il s'agit, en outre d'un processus de longue
haleine nécessitant patience et rigueur.
De plus, les discours des acteurs furent, dans un premier
temps, évoqués à la première personne du singulier
pour qu'ils mentionnent leurs pratiques et leurs représentations
à un niveau personnel. Dans un deuxième temps, il s'agissait
d'élaborer une tendance au pluriel, d'une part à la
première personne, pour exprimer l'importance du groupe, autrement dit
du « nous », et d'autre part à la troisième personne,
pour que les interviewés émettent un avis quant à cette
configuration multiforme dans l'interaction et le dialogue.
Enfin, concernant l'obtention d'informations allant plus dans
le sens de la « controverse », nous prenions la peine de saisir le
moment opportun, estimé au deux-tiers de l'interview.
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