Le texte promotionnel culturel( Télécharger le fichier original )par David LEGOUPIL Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007 |
9. Les évaluatifs affectifs dans les TPCLes évaluatifs affectifs décrivent une réaction émotionnelle du locuteur en même temps qu'ils caractérisent un objet. Selon Sophie Moirand, ces évaluatifs sont repérables par leur «coloration affective» et par le fait qu'ils «rendent compte de l'effet produit par l'objet de discours sur le locuteur». Dans son analyse des critiques journalistiques52(*), l'universitaire cite, parmi les évaluatifs affectifs, les adjectifs « ébouriffant», «émouvant», «ennuyeux». On rencontre dans un de mes TPC ce type d'évaluatif : « Commence alors un ballet époustouflant de fouets mécaniques [...] » (David, Toc-Toque, j. p., annexe n° 16) « Epoustouflant » auquel le Petit Robert donne pour synonyme les adjectifs « étonnant », « extraordinaire », « prodigieux », « stupéfiant » a pour origine le verbe de l'ancien français « s'esposser », autrement dit « s'essoufler ». L'adjectif exprime donc un très haut degré de surprise, un étonnement qui n'est pas nécessairement mélioratif. L'idée de « souffle » présente sémantiquement et presque phonétiquement (« -stouflant » rappelant « soufflant ») joue à un double niveau : d'abord, le spectateur, devenu locuteur et rendant compte du spectacle auquel il a censément assisté, précise qu'il a eu le souffle coupé devant la dextérité des manipulateurs qui savent donner vie à d'anodins ustensiles de cuisines. Son compte-rendu s'appuie donc (fictivement...) sur son ressenti, d'où l'usage de termes à « coloration affective ». Mais « époustouflant », qui connote encore le souffle, décrit aussi le spectacle, caractérisé, dans son ensemble, comme un « ballet » dont l'adjectif dit également l'énergie, la vitalité. 10. L'évaluatif affectif comme labelDans un TPC de Vincent se rencontre un autre type d'évaluatif affectif qui ne prend pas un tour adjectival mais nominal : « Silencio est un petit bijou et sans conteste un de nos coups de coeur de cette saison 2007-2008. » (Vincent, Silencio, t. p., p. 41) L'expression, lexicalisée, est un stéréotype de la promotion culturelle. Jugement affectif (il signifie que l'on aime et appartient tient donc à la sous-catégorie aristotélicienne du passionnel), la tournure est à rapprocher de la modalisation prescriptive dans le sens où elle agit comme un label et est fortement incitative. Pour preuve, depuis longtemps, l'image du coeur imprimée sur des autocollants apposés sur certains produits (vêtements, disques) signifie de la part d'une marque ou d'un distributeur qu'il s'agit d'un produit à part, soit parce qu'il est censé être représentatif de la marque soit, le plus souvent, que son prix, modique, doive séduire l'acheteur. A l'écrit, l'usage de l'expression « coup de coeur » doit être parcimonieuse (une seule occurrence en 2007-0853(*)) pour garder tout son impact, notamment dans le cas d'une brochure promouvant toute une saison culturelle. En effet, la plaquette peut (potentiellement) être lue in extenso et doit obéir à un principe de cohérence : alors même que tous les spectacles ont été programmés parce qu'aimés par les programmateurs, ils ne peuvent pourtant tous prétendre à l'évaluation « coup de coeur ». Parce que la tournure, galvaudée, deviendrait alors inopérante. Parce que surtout, elle entamerait la confiance du lecteur et que le jugement d'un rédacteur au ton par trop panégyrique n'aurait plus aucun crédit. On peut conclure ce commentaire en remarquant que l'évaluation affective de type « label » implique une hiérarchisation portant sur l'ensemble de la programmation, même s'il n'y pas de concertation entre les programmateurs et que l'appréciation globale sur la Saison reste individuelle. Ainsi, c'est tout particulièrement à Martine Gasnier, directrice de la publication, que revient la tâche d'harmoniser la somme des TPC promouvant la Saison afin de gommer les éventuelles surenchères dans ce que j'ai appelé la labellisation des manifestations. * 52 MOIRAND Sophie (1990), op. cit., p. 111-112. * 53 On trouve d'autres effets « label » mais qui n'impliquent pas nécessairement une évaluation affective. C'est le cas de l'expression « nouveau talent » dans le TPC suivant : « Si l'on ne devait retenir qu'un seul nouveau talent « chanson » en 2007, à coup sûr, ce serait Renan Luce. » (Vincent, Renan Luce, t. p., p. 16) |
|