Le texte promotionnel culturel( Télécharger le fichier original )par David LEGOUPIL Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007 |
7. Le prescriptif détournéDans les publications des Saisons 2007-08 de l'ODC, nous n'avons pas trouvé d'autres usages de la modalisation prescriptive. Si ce n'est peut-être sous la forme d'un jeu de mots dans un TPC écrit par Jacques Lécuyer (jeu de mots qui, nous le verrons, est l'une des marques de la modalisation persuasive) : « Un spectacle festif et convivial, à voir, à entendre et à chanter. » (Jacques, Monsieur Nô, j. p., site ODC) La tournure infinitive prépositionnelle « à voir » complétant le groupe nominal « un spectacle » peut être lue (avant le déchiffrage cognitif complet de la phrase) comme une prescription ; « à voir » serait dans ce cas le pendant affirmatif d' « à ne pas rater » commenté précédemment. Or, l'on peut aussi supposer que Jacques désamorce le caractère obligatoire et intrusif de l'infinitif en l'englobant dans une énumération où il est en fait question de deux des cinq sens et d'une faculté humaine : la vue, l'ouïe et la parole : « à voir, à entendre et à chanter ». Ainsi « à voir » est sémantiquement restitué dans son signifié premier, ne commande plus un « devoir faire » (sauf peut-être en creux et comme marque d'autodérision du rédacteur face au genre promotionnel qu'il pratique) et, habilement, ne constitue plus une menace sur les faces négatives des interlocuteurs. 8. Prescrire en postulant un public fidèleUne forme proche de la modalisation prescriptive, mais qui n'en possède pas les marques, est employée, cette fois par tous les rédacteurs de l'ODC, même si elle est encore majoritairement l'apanage de Vincent ; il s'agit d'une adresse à un public que le discours suppose fidèle au lieu où doit être donnée la manifestation culturelle promue. Cette technique du discours procède de la visée pragmatique que le locuteur poursuit. Sophie Moirand, dans son chapitre d'Une grammaire des textes et des dialogues consacré à la critique journalistique, remarque que c'est cette visée pragmatique qui «explique l'ancrage du lecteur dans le texte, ce qui parfois constitue un exemple de la stratégie du scripteur: assimiler déjà les destinataires à des spectateurs [...] 36(*)». Cette assimilation du lecteur en spectateur passe souvent dans les textes de l'ODC par la mention du lieu précis où se déroule la manifestation culturelle. Dans la typologie des arguments de la communication établie par Philippe Breton, l'attachement, l'identification à un lieu partagé, fonde, au même titre que des opinions et des valeurs communes, ce qu'il désigne par l'expression « argument de communauté »37(*). Dans les textes de l'ODC, le public est défini par rapport au plaisir que lui a précédemment procuré un concert, une pièce, au même endroit. Cette stratégie incitative fonctionne sur ce que l'on pourrait désigner plus précisément par une autre formule : le « principe de fidélisation ». Fidélisation effective de ceux qui comprennent la référence parce qu'ils y étaient (ou « en étaient », le « en », familier, marquant, selon nous, davantage ces spectateurs comme privilégiés car appartenant à une « communauté ») ; fidélisation souhaitée par ceux qui n'y /en étaient pas mais qui aimeraient intégrer ce groupe de privilégiés. * 36 MOIRAND Sophie (1990), op. cit., p. 97. * 37 BRETON Philippe (2001) - 2è éd., L'argumentation dans la communication, coll. Repères, Paris, La découverte. |
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