David LEGOUPIL Mémoire de Master professionnel
Master expertise en sémiologie Septembre
2008
& communication
Université Paris V René Descartes
Faculté des Sciences humaines et sociales
Sorbonne
Département de Sciences du langage
Directeur de Mémoire : M. Dominique
Desmarchelier
Une présentation de l'Office départemental
de la Culture de l'Orne
suivie d'une
Définition du texte promotionnel culturel
et d'une
Etude des différentes formes de modalisation
à l'oeuvre
dans les textes des Saisons 2007-2008
de l'ODC
Stage effectué à l'ODC
Du 1er mars 2007 au 30 juin
2007
Directrice de stage : Madame Martine Gasnier
David LEGOUPIL Mémoire de Master professionnel
Master expertise en sémiologie
Septembre 2008
& communication
Une présentation de l'Office
départemental de la Culture de l'Orne
suivie d'une
Définition du texte promotionnel
culturel
et d'une
Etude des différentes formes de modalisation
à l'oeuvre
dans les textes des Saisons
2007-2008
de l'ODC
Remerciements à Dominique Desmarchelier,
Hervé Le Tellier et Patricia von
Münchow,
à Martine Gasnier, directrice de l'ODC,
ainsi qu'à toute son équipe : Pierrick
Bigot, Jacques Lécuyer,
Alain Mégissier, Joëlle Planchais, Vincent
Roche et Chantal Yvard
SOMMAIRE
Sommaire p. 3
Introduction p. 4
Première partie : une
présentation
de l'Office départemental de la Culture de
l'Orne
I Le cadre du stage p. 6
II Fonctions, structure et réalisation des plaquettes
« jeune » et tout public de l'ODC p. 11
III Position des rédacteurs de l'ODC face à
l'écriture p. 16
*
Deuxième partie : essai de
définition comparative
du texte promotionnel culturel
I Pour une désignation et une définition du
texte qui vise à promouvoir
une manifestation culturelle p. 24
II Le texte promotionnel culturel, un texte publicitaire comme
les autres ? p. 28
*
Troisième partie : étude des
principales modalisations à l'oeuvre dans les textes promotionnels
culturels
I La modalisation prescriptive p. 35
II La modalisation méliorative p. 44
III La modalisation persuasive ou la tentation de la
littérature p. 74
*
Conclusion p.
116
Bibliographie
p. 119
Annexes I p.
122
Annexes II p.
128
Tables des matières
p. 132
Mon stage s'est déroulé, en province, de mars
à juin 2007 dans un organisme culturel parapublic,
l'Office départemental de la culture de l'Orne (ODC), dont la
mission est de programmer des manifestations touchant à tous les
domaines artistiques (chanson, musique, théâtre, arts plastiques,
etc.) et visant un public large, des scolaires au « tout
public ». Cette programmation, qui s'étend à l'ensemble
du département de l'Orne, est relayée par une
communication à portée essentiellement
régionale dont l'ODC a seul la charge, hormis pour une
partie du graphisme.
Ce stage s'est inscrit pour moi dans une démarche de
réorientation professionnelle. Enseignant depuis 1995, j'ai en effet
aujourd'hui le projet de travailler dans le domaine de la
communication écrite pour une collectivité
territoriale.
Mon mémoire professionnel sera organisé en deux
parties : la première s'attachera à une
définition de ce genre, extrêmement
répandu et pourtant mal connu, qu'est le texte promotionnel culturel. Ce
travail de définition, conduit à l'aide d'un appareil
théorique diversifié, sera réalisé au moyen d'une
étude comparative qui mettra en perspective le genre
que j'ai pratiqué avec des genre ou forme de discours
proches : la critique culturelle journalistique et le
discours publicitaire.
La deuxième partie de ce mémoire portera sur
l'étude des modalisations qui m'est apparu, grâce
aux cours du master et par mes lectures personnelles, comme le point
central de tout discours promotionnel. Elle consistera, au risque
peut-être d'apparaître comme fragmentaire, en une
étude approfondie d'extraits de textes écrits par
l'équipe des rédacteurs de l'ODC (dont j'ai fait partie)
pour la promotion de la Saison culturelle 2007-08.
Cette analyse, qui tiendra compte de l'influence des domaines
artistiques des spectacles promus (on n'écrit ni de la même
façon ni sur le même ton, lorsqu'on présente, par exemple,
un concert de chanson française ou une exposition d'art contemporain),
cherchera avant tout à dégager certaines
mécaniques textuelles observables chez les
rédacteurs de l'ODC.
Elle ne passera pas sous silence l'identité des
rédacteurs de l'ODC en 2007. Non pas dans le but de porter un jugement
de valeur sur la qualité de tel ou tel texte ou de décerner les
palmes du meilleur rédacteur mais avec l'intention de permettre, a
posteriori, une « plongée » dans la
fabrique des textes, d'en montrer le fonctionnement (leurs astuces
rodées mais aussi leur part plus inconsciente), bref de
saisir un peu de la complexité de ces petits textes qui donnent
(ou non) l'envie d'aller voir un artiste ou une manifestation
culturelle.
Pas d'anonymat, donc, d'abord parce que ce
mémoire est professionnel, qu'il doit s'ancrer dans la
réalité du travail et qu'il peut être
utile (voire amusant) pour les rédacteurs
réguliers ou éphémères de l'ODC de
connaître leur « façon »,
leurs tics, par une analyse qu'eux-mêmes, dans le contexte
professionnel, n'ont pas le temps de conduire. De plus,
l'étude, si elle parvient à dépasser le constat
individualisé et à dégager des tendances de
fond, peut permettre aux rédacteurs de l'ODC d'enrichir leur
pratique au contact de celles de leurs collègues, mais aussi
d'appréhender théoriquement les
techniques incitatives qu'ils utilisent, pour une bonne part,
intuitivement et empiriquement.
Dans le domaine qui est le sien, l'étude tentera ainsi
de répondre à cette observation générale de Sophie
Moirand reprise par Jean-Michel Adam dans Linguistique textuelle, Des
genres de discours aux textes1(*): «On commence à peine à aborder
«la diversité des genres discursifs et la variété des
configurations textuelles qui hantent les mondes quotidiens, professionnels ou
médiatiques»».
Première partie : une
présentation
de l'Office départemental de la Culture de
l'Orne
1. Présentation de l'ODC
Mon stage professionnel s'est déroulé durant
quatre mois (de mars à juin 2007) à l'Office
départemental de la culture de l'Orne. Statutairement, cet
organisme, contrairement à ce que laisse penser son nom, chargé
d'officialité, n'est pas une institution publique mais une
association de type loi 1901, créée en 1976, sous le nom
d'Orne animation, avec à sa tête M. Georges Bertin.
L'organisme, né d'une charte signée alors entre le
président du Conseil Général de l'Orne M. Hubert
d'Andigné et l'Etat, peut cependant être qualifié de
parapublic. D'abord parce qu'il est, dès l'origine, le
fruit d'une volonté politique du Conseil Général
de l'Orne. Ensuite parce que financièrement,
il dépend, pour une très large part, du
département, dans son fonctionnement comme dans ses
activités2(*),
à savoir la programmation et l'organisation de manifestations
culturelles de qualité et variées dans l'Orne. Enfin
parce que son Conseil d'Administration, auquel j'ai pu
assister, est presque exclusivement composé d'élus,
conseillers généraux ou élus municipaux. Ainsi le
rapport moral 2006 de l'association laisse clairement apparaître le
caractère public de son action: «L'Office départemental
de la Culture assure, depuis 1976, pour le compte du Conseil
Général, le développement culturel de l'Orne. Il
peut mettre en place ses propres projets ou oeuvrer en
partenariat dans les domaines suivants: arts plastiques, musique,
équipement, cinéma, théâtre, littérature,
diffusion en milieu rural».
2. Fonctionnement et raison d'être de l'ODC
Aujourd'hui, l'Office départemental de la culture
de l'Orne, le plus souvent abrégé par le sigle ODC
(en interne comme en externe), est présidé par un élu du
conseil général (M. André Dubuisson) et a pour directrice,
depuis 1992, Madame Martine Gasnier, à l'initiative,
dès son arrivée, du changement de nom de l'organisme. C'est aussi
sous son impulsion que l'ODC a su, étendre sa programmation,
tant en quantité qu'en qualité, en l'orientant vers une
conception de la culture moins régionaliste et plus
universelle.
Ce qui distingue l'ODC de la plupart des autres
associations culturelles en France est que ses actions ne sont pas
circonscrites en un lieu unique (une salle de spectacle, un site sur lequel
aurait lieu chaque année un festival, une ville) mais se
déploient à l'échelle d'un
département, dans des communes essentiellement
rurales qui, le plus souvent, ne disposent pas des
infrastructures adéquates pour recevoir des manifestations culturelles
de qualité.
Ainsi la plupart des actions de l'ODC (
manifestations ponctuelles et parfois saisons culturelles) sont conçues
en partenariat. Le plus souvent avec des
communes ou des communautés de communes de l'Orne (plus
d'une vingtaine de conventions existent en 2007), qui mettent à
disposition un lieu (le plus souvent une salle polyvalente, un gymnase, une
église mais parfois aussi une véritable salle de spectacle),
l'ODC s'occupant de la programmation, et généralement de
la réalisation technique (grâce à son parc son et
lumière) ainsi que de l'accueil des artistes. Dans ce type de
partenariat, les éventuelles recettes de billetterie
(certaines manifestations étant gratuites) reviennent le plus souvent
à la commune ou sont partagées entre les
partenaires. C'est grâce à ce mode de fonctionnement que
peut avoir lieu, pendant tout le mois de mars, dans une vingtaine de communes
du département, le festival itinérant de chanson
française, «Le Printemps de la chanson», organisé par
Vincent Roche, chargé de mission à l'ODC.
D'autres types de partenariats ont été
contractés avec des organismes privés ou publics, dans des
domaines différents et en direction de publics variés :
expositions d'art contemporain avec le quotidien Ouest France et avec
La Poste à Alençon, festival de musique classique
«Autour d'un piano» et expositions de peinture (Piga) ou de sculpture
(Kishida) avec le Centre des Monuments Historiques au château de
Carrouges, classes à projet culturel (arts plastiques,
théâtre) avec l'Inspection académique.
La lecture de ce bref panorama des partenariats de l'ODC
confirme bien la mission à caractère public de
l'organisme: il lui revient de diffuser la culture en milieu
rural, dans «un but non lucratif» comme le
stipule son statut d'association. Ce dernier point est important puisqu'il
influe, comme on le verra, sur la stratégie de communication d'un
organisme dont la raison d'être n'est pas la rentabilité
financière.
3. Personnel et organisation de l'ODC
L'ODC est une petite structure composée d'un
«pôle administratif» constitué de cinq
personnes à pleins temps (auxquelles s'ajoutent deux personnes à
temps partiel et parfois un stagiaire) et d'un «pôle
technique» fait d'un effectif variable d'intermittents du
spectacle (dont le régisseur général), en fonction des
besoins. Notons que la division en «pôle» n'est utilisée
que pour les besoins de ce rapport de stage et que les termes réellement
utilisés sont «les bureaux» et «l'atelier». Ces
deux entités assez nettement séparées du
point de vue des statuts (les «permanents» d'un côté,
les «intermittents» de l'autre) et des missions (ici,
l'administration, là, la réalisation technique) le sont
également sous l'angle de leur spatialisation. Le siège de l'ODC,
le Palais d'Argentré à Sées (propriété du
Conseil Général), est en effet un majestueux (quoique
décrépit) château du XVIIIe siècle, disposé
en «U», avec en son centre une grande cour; à droite l'aile
occupée par «les bureaux», à gauche l'aile où se
trouve «l'atelier», la façade étant
inoccupée.
Mon stage s'est (évidemment) déroulé au
sein du «pôle administratif» qui recouvre les activités
liées à la communication. J'y ai eu le plaisir
d'y côtoyer au quotidien pendant quatre mois Martine
Gasnier dont les fonctions de directrice, déjà
très étendues (comme c'est généralement le cas dans
les structures de petite taille) se doublent de missions qui n'ont pas trait,
en propre, à son travail de direction. Ainsi, responsable et
représentante de l'organisme auprès du Conseil
Général, des partenaires et de la presse, en charge
d'activités aussi diverses que l'administration, le management ou la
politique d'acquisition d'oeuvres pour le Fonds d'art contemporain du
département, elle est aussi directrice des publications de
l'ODC, programmatrice de concerts de musique classique, organisatrice
des expositions d'art contemporain mais également
rédactrice, comme les deux autres programmateurs, des
textes visant à promouvoir auprès du public les manifestations
dont elle est à l'initiative.
La directrice de l'ODC est soutenue dans son travail par deux
secrétaires. Joëlle Planchais (en poste depuis la
création de l'organisme, en 1976) est responsable du volet
administratif, tandis que Chantal Yvard gère le volet
communication, notamment les relations avec la presse.
Deux chargés de mission
complètent l'équipe, tous les deux également
responsables de la programmation et donc
rédacteurs des textes promotionnels des spectacles
qu'ils proposent:
Vincent Roche, recruté en 2005 après un
Diplôme d'Etudes Supérieures Spécialisées dans
l'organisation du spectacle vivant, en assure la plus grande part en mettant
à l'affiche de la saison culturelle de l'ODC une quarantaine de
spectacles tant en chanson française qu'en théâtre, dans le
domaine du jazz ou des danses urbaines. Jacques Lécuyer, jeune
retraité de l'Education nationale et salarié à l'ODC
à mi-temps, a, lui, pour mission principale l'élaboration d'une
saison «jeune public» (vingt spectacles sont ainsi programmés
en 2007-08 à l'intention des scolaires) ainsi que l'organisation d'un
autre festival de chanson française, Les Vibrations, en
partenariat avec la ville de Flers. Le travail de Jacques pour le «jeune
public» est complété par celui d'un enseignant, Alain
Mégissier, délégué trois heures par semaine par
l'Education nationale, afin de proposer aux professeurs des écoles qui
le souhaitent des dossiers pédagogiques comportant des activités
préparant ou prolongeant la venue des élèves aux
spectacles que leur destine l'ODC.
Enfin, un infographiste, Pierrick Bigot,
également responsable technique des expositions de peinture et de
sculpture (scénographie, accrochage des oeuvres, éclairage)
permet à l'ODC d'être
autonome dans la réalisation de ses publications
courantes; Pierrick réalise en effet bon nombre des
photographies publiées (notamment pour les catalogues des expositions ou
pour certaines affiches), mais s'occupe surtout de la mise en page des
documents et assure notamment celle des plaquettes
«tout» et «jeune public» pour lesquelles j'ai
écrit des textes.
II Fonctions, structure et réalisation des plaquettes
«jeune» et «tout public» de l'ODC
|
1. Fonctions et destinataires des deux plaquettes
Les plaquettes «jeune» et surtout «tout
public» sont (avec le site Internet qui en reprend les textes et
les images) les documents les plus importants dans la communication de l'ODC
puisqu'ils présentent, séparément, la
totalité des offres culturelles faites par l'organisme au cours de la
saison, allant de septembre à août pour le «tout
public» et de septembre à juin pour les scolaires.
Ces deux plaquettes qui n'obéissent pas au même
mode de diffusion sont avec leurs renseignements pratiques (date, lieu,
horaire, prix du spectacle, calendrier récapitulatif), des
outils informatifs pour leurs utilisateurs. En externe
bien sûr ( pour les spectateurs ou les enseignants qui veulent
emmener leurs classes) mais aussi en interne puisque, pour
tout le personnel de l'ODC, ces deux publications ont valeur de
feuilles de route qui permettent l'organisation du travail de
chacun. Toutes les manifestations culturelles nécessitent en effet une
préparation technique (montage d'une scène, des feux),
protocolaire (par exemple, une invitation pour un vernissage), administrative
(enregistrement des réservations, comptabilité de la billetterie)
et communicationnelles (affichage dans la commune concernée, annonce
dans la presse locale).
Outils informatifs, ces deux plaquettes sont aussi (et avant
tout) des documents promotionnels qui agissent doublement, d'un point de vue
pragmatique et institutionnel. En effet, leur
finalité première, concrète, est, au-delà d'une
simple information, de donner aux lecteurs l'envie de venir aux
spectacles ou à l'exposition. D'autres part, les deux
plaquettes, en version papier ou numérique, constituent des
vitrines qui représentent l'ODC pendant toute une
année. Elles jouent un rôle fort, en terme de
communication institutionnelle cette fois, puisque, à
travers les manifestations programmées (contenu), à travers les
choix graphiques et rédactionnels pour les faire connaître
(forme), c'est une image de l'ODC que l'on propose aux publics
mais aussi aux citoyens et aux élus ornais, à qui
l'organisme parapublic, en dépit d'une assez grande autonomie, doit des
comptes.
La plaquette « tout public »,
éditée à 10 000 exemplaires, doit
représenter l'organisme auprès d'un éventail large
de destinataires : le public de l'Orne et des départements
limitrophes. On trouve ainsi la brochure dans les offices du tourisme et les
lieux culturels (bibliothèques, médiathèques,
théâtres municipaux, école de musique, etc.) de l'Orne, de
la Manche, du Calvados, de l'Eure, de l'Eure et Loir, de la Sarthe, de la
Mayenne, mais elle est aussi adressée aux médias locaux (presse,
France 3, radios), aux professionnels de la culture du Grand Ouest (Compagnies,
administrateurs) ainsi qu'aux élus des collectivités
territoriales partenaires de l'ODC (500 exemplaires environ). Précisons
que l'ODC envoie gratuitement aux professionnels comme aux particuliers qui en
ont fait la demande (notamment au moyen du coupon-questionnaire figurant en
dernière page de la plaquette) ses publications (hormis les catalogues
d'exposition) et que l'organisme tient à jour une liste de diffusion
afin d'en fidéliser les destinataires. Pour exemple, la lettre
web de l'ODC est reçue par près de 800
«foyers».
2. Structure, mode de lecture et réalisation de la
plaquette « tout public »
La brochure «tout
public»compte environ 70 pages (72 en 2006, 64
en 2007 - Vincent Roche souhaitant une formule plus resserrée et,
à l'avenir, un format «pockett»). C'est, pour l'heure, une
publication soignée, réalisée en quadrichromie, sur papier
glacé non-recyclé, en format 15 x 21 dit
«à la française», par l'imprimerie
Bémographic Imprimeur située à Alençon. Le
visuel de la première de couverture3(*) ainsi que la trame du chemin de
fer sont réalisés, pour la deuxième année
consécutive, par l'agence d'infographie caennaise
Comme une idée, la mise en forme des textes
(rédigés par l'ODC) et des images (provenant le plus souvent des
maisons de production des artistes) étant effectuée en interne
par Pierrick Bigot. La plaquette 2007 s'ouvre sur une première page
partagée entre un édito (signé par le Président M.
Dubuisson mais écrit, en fait, par la directrice Martine Gasnier) et un
sommaire (p. 1); puis une double page de calendrier général (p. 2
et 3) - au lieu de deux doubles, en 2006, permettent au lecteur de visualiser
rapidement l'ensemble de la saison au niveau du département. Ensuite,
chaque page (un peu moins d'une cinquantaine - p. 4 à 50) est
consacrée à la promotion d'une date de la saison au moyen d'une
image (occupant, au-dessus, 55% de la page - au lieu de 60 en
2006) et d'un texte qui trouve place, en dessous, sur un fond
blanc (constituant donc 45% du total - 40 en 2006). Cet équilibre formel
est rompu par l'insertion, de la page 29 à 33, d'une sorte de
parenthèse, un «focus» sur une des manifestations phares de
l'organisme: le Printemps de la chanson. Ce coup de projecteur est
fait de l'affiche du festival ou d'un visuel pour une pré-affiche
(réalisée en 2006 et 2007 par l'artiste Olivier Thiebault),
accompagnée d'un préambule - au ton plutôt vindicatif,
(p.29) puis d'un édito (p. 30), écrits par Vincent Roche;
ensuite, six puis quatre photos d'artistes (p. 30-31 et 33), non
légendées (format 5,2 x 7), encadrent le calendrier des concerts.
Dans ce décrochage consacré à un festival, aucune
présentation d'artiste n'est faite, la manifestation faisant l'objet
d'une publication à part, diffusée dans le courant du mois de
janvier (sur support papier et sur le site Internet), comme l'indique en bas de
la page 33, en italique, un court paragraphe informatif.
Après le déroulé calendaire dans lequel
est inclus la parenthèse Printemps de la chanson, la plaquette
«tout public» offre une suite d'éclairages divers et
variés sur d'autres temps forts de l'année qui n'ont pas
été incorporés dans la présentation chronologique
et ce, curieusement, sans rupture formelle (aucune page intercalée,
aucun titre n'indiquant le changement de régime). On y trouve des
informations sur la saison «jeune public» (double page avec liste des
spectacles - p. 52-53) et l'annonce d'actions qui peuvent également
faire l'objet de double pages comme le festival «Autour d'un piano»
à Carrouges (p. 56-57) ou la saison du Mémorial pour la Paix de
Montormel (p. 54-55). Enfin, la brochure s'achève par un nouveau
calendrier (titré «Renseignements») sur 5 pages (contre 6 en
2006), présentant cette fois les offres de l'ODC, commune par
commune, ainsi que des informations pratiques (tarifs, numéros de
téléphone des partenaires).
Cette proximité, dans
l'économie de la plaquette, des textes culturels avec
des formes et des contenus strictement
informatifs montre bien que les textes, pris dans un
réseau où ils interagissent avec des
images et des données pratiques,
appartiennent à un espace communicationnel qui relève de
« l'information-service ». Les plaquettes
de l'ODC, en cela, obéissent à une tendance que Gilles Lugrin a
récemment relevée et analysée dans différents
genres de la communication écrite dont la presse4(*). Ainsi, selon lui, en
partie sous l'influence d'Internet, le lecteur veut aujourd'hui accéder
à une information plus utile et plus
sélective. Parallèlement, on assiste au
développement important de l'image, dont on a dit la
prééminence dans les pages de la plaquette tout public. Gilles
Lugrin cite M.Mouriquaud pour qui «la longueur décourage
systématiquement. [...] Les textes dépassant 1800
signes, poursuit-il, vont de plus en plus vite perdre des lecteurs.
D'où l'habileté des journaux à éclater leurs textes
en de petits modules.»
Le chercheur constate que «l'éclatement
des articles en modules plus courts » permet une
lecture sporadique, une sélection plus aisée de
l'information, une forme de zapping de l'écrit. L'ère de
l'écrit serait à l'hyperstructure, inspirée du
langage HTML (hypertext markup language), technologie qui permet de naviguer
entre les liens et que l'on utilise désormais quotidiennement avec
l'Internet.
La plaquette de l'ODC n'échappe pas à cette
tendance et permet ce type de lecture. Il est ainsi possible pour l'utilisateur
de la plaquette de ne pas lire le texte présentant le spectacle et de se
contenter du titre, de la photo, du lieu et de la date qui le
précèdent voire d'établir un parcours entre image,
titre du spectacle, pages des tarifs et éléments du texte
parcouru en diagonal.
Notons, pour finir sur cette notion d'hyperstructure de
l'information-service, que parmi tous les textes rédigés pour la
Saison « tout public » 2007, les miens sont toujours les
plus longs comme si j'avais voulu profiter entièrement de l'espace
d'écriture (1500 signes) qui m'était
accordé. Les autres rédacteurs (surtout les plus
confirmés) ont, eux, tendance à écrire des textes plus
courts ; quelles qu'en soient les raisons, cette tendance fait que,
globalement, la morphologie de la plaquette de l'ODC corrobore les analyses de
Gilles Lugrin sur la fragmentation et la juxtaposition de formes et de langages
différents (titres, textes, tableaux, images, etc.) dans l'information
et la communication écrite contemporaine.
3. Structure, mode de lecture et réalisation de la
plaquette « jeune public »
La plaquette «jeune public», dont
j'ai écrit l'intégralité des textes, a (habituellement)
une diffusion beaucoup plus restreinte puisqu'elle n'est pas
destinée au grand public mais seulement aux enseignants
et aux élus des huit communes ou communauté de
communes dont les écoles primaires ont signé une convention avec
l'ODC. Alors qu'en 2006, la brochure était, en modèle
réduit (9 pages seulement), un décalque, réalisé en
interne, de celle du «tout public» (même format, même
trame visuelle mais photo de première de couverture différente),
l'ODC a souhaité en 2007, un document original qui
sera, pour la première fois remis également aux
élèves assistant au(x) spectacle(s). Le tirage,
confié au même imprimeur que celui de la plaquette «tout
public», est plus important donc que les autres années et
s'élève à 6000 exemplaires. La
réalisation du visuel et de la maquette est, là encore, l'oeuvre
de Comme une idée. Il s'agit d'un
dépliant qui, sur 18 faces (10 x 13,5), présente
chacun des spectacles (17 au total, la face restant servant, après
pliage, de première de couverture) alors que la feuille
entièrement dépliée propose, au verso, sous forme de
poster (60 x 40), un visuel enfantin (deux lapins
dessinés de manière décalée et «arty»)
aux couleurs vives et «sucrées» (framboise, rose, mauve sur
fond ocre) à destination des petits spectateurs.
Précisons, enfin, que le format poster de la plaquette
« jeune public » ne favorise pas un mode de lecture par
renvois. Ainsi, contrairement à son homologue « tout
public », la plaquette-poster ne correspond pas au mode de
lecture en hyperstructure, même si elle procède toujours
du genre communicationnel de l' « information-service ».
Concluons sur la matérialité des plaquettes par
un commentaire sur leur impression. J'ai eu la chance d'assister début
juin à une réunion de l'équipe avec l'imprimeur où
j'ai pu glaner certaines des informations qui précèdent. La
réunion, rapide (pas plus d'un quart d'heure, le format «tout
public» étant reconduit) n'a pas porté sur le coût (le
prix du pliage, assez compliqué, du poster «jeune public»
nécessitant une réflexion devant être communiquée
à l'ODC ultérieurement) mais sur le calendrier. Pour une
livraison au 30 août des deux plaquettes, l'imprimerie devait recevoir
(sur cd-rom) leur mise en page au 20 juillet, soit une semaine avant la
fermeture de l'ODC pour les congés d'été. La fin de mon
stage survenant trois semaines avant le «bouclage» de la plaquette
«tout public», alors encore loin d'être finalisée (celle
des scolaires étant, elle, terminée peu de temps avant mon
départ), l'expérience me laisse un certain goût
d'inachevé car j'aurais aimé assister et participé
à cette effervescence, à cette excitation que procure le travail
en urgence.
III Positions des rédacteurs de l'ODC face à
l'écriture
|
1. Variété des énonciateurs et des
domaines artistiques: des ethos différents
Habituellement, à l'ODC chaque programmateur est aussi
le rédacteur des textes faisant la promotion des manifestations qu'il
choisit. Ces manifestations sont très variées, l'ODC étant
un organisme culturel généraliste devant, autant que possible,
proposer pour le département des événements couvrant tout
le champ des aspects culturels. Les spectacles sont
«mis en texte» (pour reprendre l'expression de
Sophie Moirand5(*)) avec des
ethos spécifiques qui dépendent à la fois
de la «position» qu'occupe le programmateur et des domaines
artistiques concernés.
Ici la question de l'énonciation est
prépondérante. En effet, «selon ma place, mon statut, le
lieu, l'interlocuteur, je ne m'exprime pas de la même
façon6(*)».
Celui qui écrit (plus encore, sans doute, que celui qui
«dit» dans une conversation courante, parce que le scripteur a la
possibilité de peser ses mots, de se corriger, bref, de livrer une
version «lisse», maîtrisée de son propos) donne
de lui, à travers son discours, une image
spécifique et cherche, par son texte, à valoriser sa
« face positive ». Cette mise en scène de
soi correspond, selon Dominique Mainguenau (reprenant la
« théorie des faces » de P. Brown, S. Levinson et E.
Goffman), à la «façade sociale»7(*) du locuteur, c'est-à-dire
à l'image valorisante qu'il s'efforce de présenter
à l'extérieur.
Les programmateurs-rédacteurs de l'ODC ont des
âges, des parcours, des motivations qui diffèrent mais qui
établissent des profils d'énonciateurs que je
vais essayer de présenter rapidement, tout en ayant bien conscience de
la très grande subjectivité de l'exercice et de son
caractère assez peu universitaire8(*). Pour éviter une trop grande dérive,
nous choisissons de travailler ici encore sous l'égide de Sophie Moirand
pour qui les énoncés découlent du «langage
intérieur» du scripteur qui les produit, langage
intérieur nourri par une « norme », en grande partie
subjective et non-conscientisée, variable selon la culture et le
vécu du scripteur9(*).
Ainsi, même si les textes de la plaquette sont rarement
signés, Martine Gasnier, lorsqu'elle promeut une
exposition d'art contemporain ou un concert de musique classique,
«parle» en tant que directrice et garante de l'institution, en tant
aussi que Docteur en histoire du Droit. De ce fait, le registre de langue
qu'elle utilise tend vers un certain académisme, un
certain maintien qui n'exclut ni l'humour ni
la profondeur et trouve un équilibre entre
recherche stylistique et simplicité. De plus, les
domaines artistiques dont elle a la charge (qui induisent
évidemment des «lieux» - un type de salle avec un public qui
adopte un comportement adapté, «normé», à
l'endroit et à la manifestation) requièrent traditionnellement,
d'un côté, un registre sérieux (la musique
classique au Château de Carrouges), de l'autre, un registre
intellectuel et analytique (l'art contemporain), registres qui ne sont
jamais convoqués par Martine Gasnier sans le souci constant de
s'adresser au plus grand nombre.
Vincent Roche qui s'occupe de la chanson, du
théâtre et des danses urbaines adopte un style plus
direct, un niveau de langue (vocabulaire,
références et structures de phrases) sans doute moins
littéraire, avec une volonté de très
grande proximité avec son lecteur qu'il considère toujours comme
un spectateur. Cet ethos s'explique par la nature des
domaines dont il est responsable (plus populaires et moins élitistes)
mais aussi par sa position: à 26 ans, il est le plus
jeune des programmateurs et a été
précisément engagé dans une volonté de
modernisation de l'ODC, tant en ce qui concerne la
programmation elle-même que sa communication. De plus, il est aussi
«homme de terrain», étant, par exemple,
très présent dans les salles aux côtés des
intermittents pendant Le Printemps de la chanson qu'il organise.
Enfin Jacques Lécuyer, dont le style allie notamment la
simplicité et le sens de la formule,
l'humour et le sens du détail,
«parle» en tant que professeur de Lettres,
spécialiste du théâtre (il est dans ce
domaine le programmateur des villes de Domfront et de L'Aigle) et en
qualité de programmateur fin connaisseur du «jeune
public». J'ajouterais (mais est-ce un trait significatif pour
définir son ethos ?) que Jacques était étudiant (en
province) en mai 68.
Trois ethos différents, donc, auxquels s'est
ajouté le mien dont, indirectement, j'ai commencé à
brosser le contour: celui d'un stagiaire, par nature
en quête de reconnaissance et désirant faire ses
preuves et qui, plus spécialement, compte tenu notamment de son parcours
universitaire et professionnel, entretient avec l'écrit un
rapport chargé d'affects et tend même (bien que le mot
soit un peut fort) à le sacraliser.
Notons que ces ethos sont, comme on l'a annoncé,
plastiques, adaptables car fortement influencés par le domaine
artistique sur lequel porte le discours. Dominique Maingueneau, dans ses
commentaires sur l'ethos du Guide du routard10(*) remarque que les textes y
adoptent un style qui ressortit à la fois à l'écrit et
à l'oral avec certaines interventions du locuteur qui semblent
« parlées ». Selon lui, cette forme
non-pédante, cette « scénographie » de la
décontraction se justifie par le lectorat du Guide du routard,
composé de voyageurs relativement peu fortunés, jeunes, curieux
et itinérants ou qui, plus âgés et vivant plus
confortablement, souhaitent continuer de voyager comme ils le faisaient
auparavant. Dominique Mainguenau analyse cependant que la contrainte
imposée par le nom de catégorie, «guide», pousse aussi
le locuteur à « respecter le contrat générique,
à élaborer des textes informatifs »11(*). De là un compromis
instable, entre les attentes informatives et didactiques que suppose un guide
et le rejet des « formes trop voyantes de
didacticité ».
Les textes de l'ODC sont eux aussi soumis
à ce genre de tensions, entre exigence d'informations,
didacticité et volonté de capter l'attention du
destinataire. Ainsi les textes « jeune
public » que j'ai rédigés, même s'ils ne
s'adressent pas en premier lieu aux enfants mais à leurs parents ou
éducateurs, vont, tout en informant, chercher à susciter un
désir en adoptant souvent un ethos décontracté,
familier, comme s'il s'adressait aux enfants eux-mêmes, parfois sur le
mode d'une histoire que l'on raconte. De même, l'ethos
décontracté, décrit par Dominique Mainguenau, se retrouve
dans certains textes écrits par Vincent pour promouvoir des
concerts de rock ou de chansons françaises souhaitant
ainsi se conformer aux attentes, manières d'être et de parler
supposées du public se rendant à ce type de manifestation.
A l'inverse, le texte que j'ai écrit sur l'exposition
du sculpteur contemporain Denis Monfleur, inspiré
notamment par les analyses du critique d'art de Télérama
Olivier Céna, multiplie les signes d'érudition,
de conceptualisation, de
« didacticité » et ne cherche pas
à rendre populaire une exposition que, de fait, mon texte (de
manière plus ou moins bien assumée) semble destiner à un
public averti. La démarche est autre lorsque Martine ou
Jacques endossent pour des expositions, des concerts de musique classique ou
des pièces du répertoire, un ethos plus
pédagogue ou ludique afin d'amener un public large vers
des événements culturels réputés
exigeants.
2. Un stagiaire qui doit s'approprier un genre et un
savoir-faire rédactionnel
Pour Jean-Michel Adam, tout genre est prescriptif dans le sens
où «le locuteur [...] reçoit outre les formes prescriptives
de la langue commune, les formes non-moins prescriptives de
l'énoncé, c'est-à-dire les genres du
discours.» [...] Les genres du discours, comparés aux
formes de la langue, sont beaucoup plus changeantes, souples, mais pour
l'individu parlant, ils n'en ont pas moins une valeur
normative: ils lui sont donnés, ce n'est pas lui qui
les crée. C'est pourquoi l'énoncé dans sa
singularité, en dépit de son individualité et de
sa créativité, ne saurait être
considéré comme une combinaison absolument libre des formes de
langue»12(*). Ainsi, le genre pratiqué dans les plaquettes
de l'ODC m'a été « donné » et c'est
à l'intérieur de ce cadre que j'ai pu
« créer » mes textes. A l'ODC, ce cadre, cette
prescription générique, cette norme n'est pas définie et
aucun conseil ne m'a été donné. La seule règle,
explicitée par Pierrick suite à une de mes questions,
étant celle du nombre de signes impartis, identique à celui de la
Saison précédente : un maximum de 1500 signes pour le
« tout public », de 750 pour le « jeune
public ». Ainsi c'est intuitivement et surtout par
imprégnation (en lisant et relisant avant et pendant la
phase de rédaction les textes des Saisons antérieures et
principalement ceux de 2006-07) que j'ai assimilé les formes
prescriptives du genre. Alors, comme tout rédacteur se
saisissant d'un genre, j'ai été pris, comme l'écrit encore
Jean-Michel Adam, entre deux principes [qui] prévalent dans le rapport
entre texte singulier et genre: un « principe
centripète d'identité (vers le
passé, la répétition, la
reproduction et gouverné par des
règles) » et « un principe
centrifuge de différence (vers le futur,
l'innovation et le déplacement ou la
variation des règles) »13(*).
Replongeant, avec le recul, dans le laboratoire de
l'écriture, je me limiterai, sans gloser davantage cet équilibre
entre répétition et innovation,
modèle et originalité, (
équilibre « classique », puisque ce fut, notamment,
l'une des questions centrales, en littérature, à partir de la
Renaissance) à quelques remarques techniques au sujet de
l'évolution de mon travail rédactionnel qui m'a
occupé environ deux mois.
Du point de vue de la préparation,
j'ai pu remarquer, au fil des jours, que les notes manuscrites
prises consciencieusement à partir de dossiers de presse étaient
de moins en moins nombreuses ; que les éléments importants,
d'abord surlignés, ne l'étaient ensuite plus
nécessairement et que, finalement, ces notes, que j'ai pourtant
continuées de prendre jusqu'à la fin de mon travail
rédactionnel, étaient à peine relues. A
ceci, deux explications : d'abord, le fait que l'exercice ayant un
caractère répétitif, l'expérience et la confiance
afférente s'acquièrent très rapidement et que l'assurance
que prodigue les sources (en plus de leur intérêt objectif de base
informative), auxquelles on se raccroche au tout début, laisse vite la
place à une compréhension générale du
sujet, au repérage intuitif de ses
faits saillants (thème principal, personnages,
événements) et de la tonalité du
spectacle (festif, comique, absurde, poétique,
« social », etc.). Ensuite, le fait que, dans mon cas (
contrairement aux autres rédacteurs qui devaient conjointement assurer
leurs missions de programmateurs ou de directeurs), l'écriture
suive immédiatement la lecture du dossier de presse et sa prise
de notes, l'a grandement facilitée comme si elle en découlait,
naturellement, par imprégnation.
Il est intéressant de noter que le même
phénomène ou plutôt la même
« technique intuitive » (même si ces
deux mots paraissent antithétiques) a opéré
également lorsque mon travail préparatoire ne s'est pas seulement
appuyé sur une source papier mais a consisté en une
interview. En effet, par une après-midi de printemps
ensoleillée, j'ai joué avec plaisir à l'apprenti
reporter en rendant visite au sculpteur Fabienne
Hanteville, chez elle, à l'atelier (une jolie
longère percheronne). Autour des oeuvres (puis d'un café...),
nous avons conversé avec Fabienne (que j'avais
précédemment rencontrée et ... tutoyée au bout d'un
quart d'heure) et j'ai pris quelques notes pour, finalement, là encore,
ne presque rien garder de ce qui avait été dit, sinon
une anecdote qui m'a servi de point de départ (un jour,
artiste fauchée, elle a ramené du sud de la France jusqu'en en
région parisienne un bloc de marbre ... dans son sac à dos -
annexe n° 19) et les traits marquants de sa
personnalité, qu'un dossier de presse ne m'aurait certainement
pas permis de connaître (très grande simplicité,
timidité, moments de découragements et volonté farouche de
continuer à créer en dépit des difficultés
matérielles).
Ainsi, on pourrait recourir, au sujet de la préparation
de ces textes, aux images de l'entonnoir ou du
tamis. Un somme parfois conséquente d'informations
« se dépose » sur le bloc-notes (souvent sous la
forme de syntagmes nominaux) - ou est simplement captée par la
conscience, avant qu'un tri, plus ou moins intuitif, ne se
fasse et ne la réduise à quelques détails
qui vont servir de squelette au texte.
Du point de vue de l'écriture, la contrainte, sous la
forme d'un nombre de signes donnés ( que j'ai d'abord, écrivant
à la main, comptés sur les doigts avant d'écrire
directement sur Word et d'en découvrir le programme
«statistique»...), s'est avérée un exercice de
style intellectuellement stimulant et ludique. Ce
mode d'écriture, auquel le master prépare bien car se situant
dans le droit fil des ateliers d'H. Le Tellier, est à la fois une
règle du jeu et une «ascèse».
Une gageure, certes sympathique à relever, mais qui permet
aussi, parce que produisant des textes allant à l'essentiel, une
communication plus impactante.
Toutefois, la rédaction n'a pas toujours était
aussi facile que ce que les lignes qui précèdent laissent
entendre. Ainsi des variations de rythme et de
« productivité » ont marqué cette
courte expérience ; d'abord en raison de la
densité ou de la pauvreté du
matériau, qu'il s'agisse de la manifestation en
elle-même (certains spectacles, à l'argument assez creux,
inspirent peu) ou de son dossier de presse, composé parfois d'un unique
article extrait de la presse régionale qui permet difficilement de se
faire son idée ou, au contraire, d'une documentation fournie de
plusieurs dizaines de pages, parfois très riches voire érudites
et qui nécessitent donc un important temps de lecture. Mais ces
variations de rythme et de « productivité » ont
aussi parfois été fonction d'une certaine inhibition
du rédacteur face à son sujet ou, au contraire, d'une
forme de décontraction. On pourrait dans mon cas parler
de « la lenteur de la pierre » lorsqu'il m'a fallu
écrire sur le sculpteur à envergure internationale Denis Monfleur
(au moins 10 jours, sans n'être certes pressé par aucune autre
tâche à ce moment-là - annexe n° 18) et de
« l'enthousiasme du jeune public » puisqu'il m'est
arrivé de composer 3 voire 4 textes en une journée.
Ces variations psychologiques, bien connues, se manifestant
par des blocages (la fameuse hantise de la page blanche) ou au
contraire par des phases d'écriture euphorique,
s'expliquent, à mon avis, principalement par
l'importance que l'on accorde à la manifestation culturelle
que l'on a la charge de promouvoir et par la prise en compte
du destinataire, ce qui ne préjuge en rien de la
qualité du texte. L'exposition de Denis Monfleur au
château de Carrouges étant prestigieuse, le public visé
étant plutôt élitiste ou du moins averti, j'ai certainement
émotionnellement surinvesti l'écriture de ce texte dont j'ai
rédigé plusieurs versions, toutes soumises à Madame
Gasnier. Doutant de chaque détail mais me complaisant
paradoxalement aussi du résultat, j'ai relu ces deux textes
pendant toute la durée mon stage, en ne cessant de modifier un mot ou
une virgule ! A l'inverse, certains textes jeune public ont
été écrits en toute spontanéité et m'ont
immédiatement satisfaits.
Terminons ce rapide parcours sur « mon petit
laboratoire interne d'écriture» par une remarque sur l'usage du
stylo et du clavier. La rédaction, dans son évolution, a suivi un
mouvement similaire au travail de préparation. Si, en début de
stage, j'ai écrit, à la main, une version
intégrale et biffée de mes textes avant de les saisir,
je suis ensuite passé (assez rapidement) à une rédaction
directe sur Word, n'utilisant en général le
stylo que pour l'amorce (phrase initiale) ou
le réutilisant, en cours de rédaction, pour faire sauter
des résistances et ce (sans que je me l'explique) presque
toujours avec un effet bénéfique
immédiat.
Deuxième partie : essai de
définition comparative du texte promotionnel culturel
I Pour une désignation et une définition du texte qui vise
à promouvoir une manifestation culturelle
|
1. Le problème de la désignation: un genre
sans nom?
Depuis le début de ce mémoire, j'ai
volontairement utilisé différentes expressions pour
désigner le genre textuel que j'ai été amené
à pratiquer. Il est maintenant temps de formaliser ce travail par une
approche plus théorique qu'il convient d'ouvrir sur la question de la
désignation. Mon intention, ici, s'exprimera, mieux que
je ne le ferais, par une citation de F. Just: « Les étiquettes
accolées au genre ne doivent pas être lues comme des traces de ce
rêve cratylique du mot juste, mais comme une sorte de label ou de
sceau garantissant la composition du produit»14(*). Ainsi il me faut bien nommer,
classer, connaître la «composition» de ce genre de texte
culturel, non pas, donc, pour que le langage soit harmonieusement le reflet
exact du monde mais, beaucoup plus simplement, pour les besoins de l'analyse
dans le cadre d'un mémoire de master et peut-être aussi pour avoir
une plus grande maîtrise professionnelle de l'exercice.
A l'ODC, ce genre n'a pas de nom. On parle
parfois de «présentation». C'est notamment le mot qu'utilise
Vincent Roche, à l'écrit, dans la plaquette 2007-08 (p. 33)
lorsque à propos du Printemps de la chanson, il renvoie son
lecteur, dans un court paragraphe informatif, à une publication
ultérieure: « A partir de janvier 2008, retrouvez sur notre
site Internet www. Odc-orne.com ou en nous demandant le programme complet du
festival, toutes les informations sur les artistes de cette nouvelle
édition: présentations, photos, extraits
musicaux, sites Internet, tarifs, points de vente, contacts...». Le
terme «présentation» est juste dans le sens où il
s'agit bien de donner à voir un artiste (ou un spectacle), de
«l'introduire» (en jouant sur l'anglicisme) dans la conscience du
lecteur. Le mot «présentation» revêt un caractère
informatif et suppose une forme de neutralité de la part du locuteur. De
plus, le fait qu'il soit associé dans le paragraphe cité à
des éléments d'ordre concret (le prix, l'heure, des adresses)
renforce la portée informative du mot. Or, le terme n'est pas, à
notre avis, pleinement satisfaisant, car il ne s'agit pas uniquement de
présenter, d'informer, mais de «donner envie», le texte ayant
une fin pragmatique: la venue du public dans les salles de spectacle
et les lieux d'exposition.
En fait, la plupart du temps, à l'oral, les textes sont
simplement désignés à l'ODC par le mot
«texte» ou par une locution du type «le texte sur...»
suivie du nom du spectacle ou du nom de l'artiste. Cette absence de nom
spécifique est peut-être une forme de modestie. Ne pas
nommer, ne pas catégoriser, c'est minimiser et ne pas se prendre trop au
sérieux en employant des grands mots comme ceux, par exemple,
du jargon journalistique (l'édito, le billet, la critique, etc.) dans un
cadre provincial et rural où l'humilité, même lorsqu'on
travaille dans la culture, est une valeur importante. Ainsi, outre les mots
«présentation» ou «texte», je me souviens d'avoir
utilisé des formulations ironiques («mon chef d'oeuvre») ou
banalisantes («le truc») afin de me conformer à cette exigence
de «simplicité».
Pourtant, faute d'un nom fixé, il y bien une
catégorisation générique opérée, même
intuitivement, par les rédacteurs de l'ODC car c'est bien,
comme l'écrit Jean-Michel Adam, cette
«catégorisation générique même
vague d'un objet discursif [qui] en permet la
production autant qu'elle en guide la lecture»15(*). On peut même aller plus
loin et suivre Dominique Maingueneau qui, dans une étude sur les guides
touristiques, affirme que tout genre de discours impose un contrat
entre le scripteur et son lecteur16(*).
D'après nos sources, ce genre de texte n'a
effectivement pas de nom stable. Et l'on considérera avec Jean-Michel
Adam17(*), reprenant
Bakhtine, que, les genres étant d'une infinie diversité, une
typologie générale, comme celle tentée par M. Dimter, est
impossible et que seules le sont les typologies «locales»,
c'est-à-dire relatives à une formation sociodiscursive
particulière.
2. Essai de désignation et de
définition du « texte promotionnel culturel »
Nous choisissons la désignation «texte
promotionnel culturel» (que l'on pourra abréger en TPC)
parce que l'adjectif «promotionnel» a l'avantage de recouvrir mais
aussi de dépasser la dimension simplement informative contenue dans le
mot «présentation». Le genre, en effet, a un caractère
argumentatif et pragmatique que le mot «promotionnel»nous semble bien
restituer.
Voici donc la définition que nous en proposons :
le texte promotionnel culturel (TPC) propose un contrat à son
lecteur (qui vaut aussi comme règle du jeu pour le scripteur); un
contrat qui a pour but, tout à la fois, de l'informer, par une
description, sur ce qu'il pourra voir et/ou entendre et de le persuader, au
moyen de différentes techniques incitatives, d'aller voir et/ou entendre
un spectacle ou une exposition culturelle.
3. Le TPC : une pratique discursive relative à
une formation sociodiscursive
Dans notre esprit, le «texte promotionnel culturel»
ne doit pas se réduire à la seule désignation de
«texte promotionnel». Car le domaine, la culture, et plus
précisément la culture d'initiative publique, n'est pas
accessoire mais détermine en profondeur les règles du
genre. Comme l'écrit Jean-Michel Adam, les genres, qui
produisent des «énoncés concrets, uniques qui émanent
des représentants de tel ou tel domaine de l'activité
humaine», influencent potentiellement tous les niveaux de la
textualisation. C'est ce que Bakhtine signifie aussi lorsqu'il fait remarquer
que «contenu thématique, style et construction compositionnelle
fusionnent indissolublement dans le tout que constitue
l'énoncé»18(*).
Ainsi peut-on dire que les textes que j'ai écrits
pendant mon stage («Là-haut la lune» - annexe n° 9,
«Pinocchio» - annexe n° 15, etc.) sont des
«pratiques discursives» particulières
s'inscrivant dans un «genre de discours» (ce que j'appelle en
l'occurrence le TPC) qu'il faut appréhender en tenant compte de la
«formation sociodiscursive» au sein de laquelle elles sont produites,
à savoir la politique culturelle d'une institution, le
Conseil Général de l'Orne, diffusée par un organe,
l'Office départemental de la culture. D'un point de vue
général, une «formation sociodiscursive» (l'industrie,
les médias, le politique, le culturel - en l'occurrence, pour nous, les
deux dernières réunies) est, comme son nom l'indique, à
l'origine d'un discours (le discours publicitaire, journalistique, politique).
Aussi, comme l'écrit Jean-Michel Adam citant François
Rastier : « «un genre est ce qui rattache un texte à un
discours». Ce qui signifie que le genre rattache [...] un texte toujours
singulier à une famille de textes»19(*) mais aussi (c'est nous qui
complétons) à une entité sociale qui parle, avec ses
thèmes de prédilection, son ou plutôt ses styles,
ses habitudes de composition.
De ce fait, nous pouvons affiner notre définition en
affirmant que le texte promotionnel culturel est un genre qui peut
émaner du discours culturel institutionnel. Comme tout genre,
le TPC est marqué par des règles fondamentales
mais aussi par une diversité de tendances formelles,
microstructures qui peuvent apparaître comme des sous-genres, de
même, par exemple, que le rondeau appartient au genre de la
poésie. Ces règles fondamentales et ces tendances seront, dans
les pages qui suivent, expliquées,
« démontées », par le biais d'un
rapprochement avec différentes «familles de
textes»20(*).
D'abord, le «genre TPC» sera rapproché de
genres voisins qui appartiennent parfois à des
«formations sociodiscursives» autres (le texte
publicitaire, la critique journalistique, l'info-service). Ensuite, certains
textes promotionnels culturels, certes « toujours
singuliers » (pour reprendre F. Rastier), seront
étudiés, afin de montrer, à travers la question de
la modalisation, les lignes de force du genre
et de jeter les bases d'une typologie du texte promotionnel culturel.
II Le texte promotionnel culturel, un texte publicitaire comme les
autres?
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1. Ce qui distingue le texte promotionnel culturel du
message publicitaire
Comme le message publicitaire, le texte promotionnel culturel
a pour principale caractéristique une dimension
pragmatique. Parler, dans les deux cas,
revient à agir, s'apparente à un acte qui, pour
reprendre la terminologie d'Austin dans Quand dire c'est faire, vise
à modifier une situation : acheter une chemise ou, en l'occurrence,
une place, un billet, pour une manifestation culturelle.
Toutefois, avec Grosse, il est possible d'affirmer l'existence
«du champ transitoire entre textes rédactionnels et
publicité»21(*). Le critique de citer, pour exemples, l'article de
complaisance d'un journaliste (plein d'éloges à l'égard
d'une personnalité publique) ou le genre de la publi-information,
prenant souvent la forme du publi-reportage et pouvant alors adopter la mise en
page et le style journalistique à des fins publicitaires.
Le texte promotionnel culturel, bien que très
éloignés des deux exemples précités, peut, à
notre avis, être rangé dans ce « champ
transitoire ».
Du point de vue de la théorie des faces22(*), il
s'éloigne en effet du message
publicitaire car son énonciation apparaît bien
moins menacée. Ainsi l'on suivra Dominique Maingueneau
lorsqu'il écrit que « pour le discours publicitaire le
problème de la préservation des faces est primordial car son
énonciation est par essence menacée: le seul fait de demander
à être lu constitue à la fois une menace sur la face
positive du responsable de l'énonciation (la marque), qui risque de
passer pour «casse-pieds», et une menace sur les faces
négative et positive du destinataire (que l'on traite comme
quantité négligeable en lui demandant de prendre sur son temps
pour s'intéresser à l'énoncé
publicitaire) »23(*).
Au contraire, les publications de l'ODC comportent des
similitudes avec le discours journalistique, notamment parce que l'acquisition
de la plaquette (gratuite) est le fruit d'une démarche
volontaire et non le résultat d'une intrusion,
plus ou moins forcée, dans le « territoire » du
destinataire, comme c'est le cas dans la majorité des publicités.
Dans le cas du TPC, on fait le choix de s'abonner, de prendre la brochure chez
un commerçant, dans un office de tourisme, un lieu culturel ou
d'accéder au site Internet de l'organisme. La face positive de
l'ODC peut donc difficilement être mise à mal au stade de la
diffusion.
Comme le discours journalistique, le TPC est en quelque sorte
légitimé par avance. Tous deux cherchent à se
présenter comme répondant à des demandes, explicites ou
non, faites par ses lecteurs. Voici comment Dominique Maigueneau applique la
théorie des faces au discours journalistique24(*) : «Le journal
valorise la face positive de ses lecteurs en montrant qu'il s'intéresse
à ses goûts ou ses besoins [...] il valorise aussi sa propre face
positive de locuteur en se présentant comme soucieux du bien être
de ses acheteurs». L'ODC dans ses publications gratuites n'opère
pas différemment : les « goûts »
culturels des Ornais sont théoriquement, à travers
l'éclectisme de la programmation, pris en compte, leurs
« besoins » culturels sont censés être
satisfaits, ce qui, en retour, soigne la face positive de
l'association parapublique qui apparaît « soucieuse du bien
être » de ses lecteurs-spectateurs qui sont aussi des
contribuables participant financièrement à l'effort de diffusion
culturelle dont l'ODC est l'agent.
2. Le TPC face à l'argent, «visée»
et « menace» propres au discours publicitaire
La question de l'argent,
évoquée plus haut, pourrait être mise au compte des points
communs entre le texte promotionnel culturel et le message publicitaire. Ce
dernier, selon D. Maingueneau, vise en effet à demander de l'argent au
lecteur-consommateur, demande qui représente une menace sur sa face
négative, comme d'ailleurs sur celle du locuteur, placé, lui, en
position de solliciteur. Depuis longtemps déjà, la
publicité a amorti cette menace en proposant des
messages qui soient séduisants, c'est-à-dire qui
donnent du plaisir au destinataire et annulent imaginairement cette
menace constitutive de l'énonciation publicitaire.
Le TPC agit de même mais il faut reconnaître que
la gêne tenant à la sollicitation est beaucoup plus faible dans
le domaine de la communication en faveur d'une manifestation culturelle et ce
pour plusieurs raisons.
D'abord parce que la culture,
indépendamment de la forme que l'on donne au message, enclenche
dans l'esprit du destinataire un processus de satisfaction et qu'il
est donc beaucoup plus facile de le séduire. Par le simple fait d'ouvrir
la plaquette de l'ODC, avant même que la lecture en soit effective, la
face positive du destinataire est déjà valorisée eu
égard aux connotations positives (prestige, connaissance, plaisir,
convivialité, anticonformisme) qui entourent le domaine culturel. On
peut même voir dans cette valorisation de la face positive du
destinataire plus que de la satisfaction et considérer que les
publications culturelles l'instituent dans une posture
d'autosatisfaction, fonctionnent comme un miroir positif, invitent
à une forme de narcissisme.
De plus, la culture, en dépit de sa
marchandisation (formidablement accrue avec l'essor de la société
de consommation) est bien souvent restée dans l'esprit du
destinataire (sans doute à tort) comme un espace
situé en dehors du domaine de l'argent, sur la base de
l'opposition chère à la philosophie idéaliste entre le
spirituel et le matériel. La culture ne serait pas affaire d'argent. A
l'élévation de l'âme, d'un côté,
répondrait, de l'autre, la vulgarité. C'est d'ailleurs ce que
semble dire l'organisation de la plaquette de l'ODC qui n'indique pas les
tarifs sur les pages où figurent les TPC mais en fin de fascicule (p.
58), en petit, dans la rubrique intitulée
« Renseignements ». Manière donc de ne pas
mélanger noblesse de la culture et trivialité de l'argent ;
manière peut-être aussi d'éliminer la
« menace », pourtant minime, que représente l'argent
sur la « face négative » de l'ODC.
Dans sa dimension mercantile, le TPC se distingue aussi du
message publicitaire parce que la manifestation culturelle est un
service facultatif (un luxe, dans le sens que ce mot
avait au XVIIIe siècle) et non un bien de consommation
nécessaire. Aussi le prix, s'il n'est pas oublié par le
destinataire25(*), n'est
jamais premier, du moins en ce qui concerne la programmation de l'ODC,
organisme parapublic à but non-lucratif. En outre, les
places pour les concerts ou les représentations théâtrales,
dans ce contexte à la fois rural et de politique culturelle publique,
oscillent en 2008 (en fonction des communes) entre 5 et 14 euros pour les
places plein tarif, ce qui doit permettre au plus grand nombre
l'accès à la culture (a fortiori si l'on
considère la faiblesse quantitative de l'offre) et justifie le fait que
le coût de la prestation ne soit jamais au
centre du discours.
3. Le TPC face à un des fondements de la
publicité : le stéréotype
Argent mis de côté (si je puis dire), un autre
point relevé par D. Mainguenau dans sa définition du
message publicitaire peut nous permettre a contrario
de définir le TPC : «la publicité cherche en
général à conforter les
stéréotypes»26(*). Elle s'oppose en cela à la démarche
littéraire, Mainguenau citant le cas des surréalistes qui
ridiculisèrent « la sagesse des nations » en faisant
subir aux proverbes des torsions drôles ou étranges. Les
rédacteurs de l'ODC sont-ils des publicitaires qui cherchent à
«conforter les stéréotypes»?
On serait d'abord tenté de répondre
négativement, d'abord parce que l'ethos culturel est souvent
celui du contre-pied à la pensée ambiante.
L'édito de la directrice de l'ODC Martine Gasnier (qui certes n'est pas
un TPC) peut, avec sa charge contre la médiocrité de la
« puissance médiatique » actuelle (
télévision, Internet, presse sensationnaliste ?), aller dans
ce sens : « A une époque où la puissance
médiatique agit trop souvent de façon négative sur les
esprits, notamment sur celui des enfants, faire en sorte que le mot culture ait
encore un sens est de notre devoir. ». Ce jugement qui se veut comme
une réaction à rebours des attitudes culturelles du grand public
(présenté à la fois comme consommateur et victime de cette
« puissance médiatique ») n'est cependant
peut-être pas à l'abri, sinon du stéréotype, du
moins d'une autre forme de pensée consensuelle :
celle des happy few de l'intellectualité et du monde
culturel. Les TPC de l'ODC (les miens compris) ne sont pas toujours
exempts de cette bonne conscience humaniste (d'aucuns diraient de gauche),
parfois un brin condescendante et qui ne brille pas nécessairement par
son originalité.
Plus convaincante est l'idée que le texte promotionnel
culturel se démarque de la publicité et du
stéréotype par son sujet même. En
effet, les spectacles et expositions promus ont été choisis par
un programmateur pour leur qualité et échappent en principe au
« stéréotype » qui est le ferment du discours
publicitaire. Les rédacteurs de l'ODC, chantres d'une matière
rejetant par nature le stéréotype, relayent dans
leurs textes promotionnels l'expression du regard original d'un
artiste. Aussi, influencés par leur sujet, ils emboîtent
le pas aux artistes en se faisant le porte-voix d'une parole
singulière.
4. TPC et publicité : des stratégies
incitatives similaires ?
On l'a vu le texte promotionnel culturel se distingue à
certains égards du message publicitaire. Cependant, parce qu'il poursuit
un objectif pragmatique, cherche à agir sur le destinataire en
l'incitant par différents leviers à jouir d'un bien ou d'un
service, il s'en rapproche dans l'utilisation de ce que Sophie Moirand nomme
les « modalités
appréciatives ». C'est à travers ces
opérations de modalisation que le locuteur inscrit dans
l'énoncé les rapports qu'il entretient avec les autres et avec ce
qu'il dit.27(*) Trois types de modalisations sont à
l'oeuvre dans le TPC comme dans le message publicitaire. Nous les nommerons
modalisation prescriptive, modalisation
méliorative et modalisation persuasive et les
définirons au fil de l'étude.
On notera, en prolongement de ce parallèle entre TPC et
publicité, que cette typologie par modalisation peut certainement
rejoindre la typologie générique et historique
de Nicole Everaert-Desmedt sur la publicité28(*), tout en gardant bien à
l'esprit que cette périodisation schématique propose des
repères et non des bornes infranchissables29(*). Selon N. Everaert-Desmedt, la
publicité se décompose en quatre genres que l'on peut, depuis la
seconde partie du XIXe siècle, ancrer historiquement30(*). La
« réclame », d'abord, s'est présentée
comme un conseil d'achat qui s'adressait à un
« acheteur ». Ensuite, la publicité dite
« classique » a valorisé le produit et le
« consommateur », celui-ci étant le destinataire du
message. Puis la publicité « moderne » a
valorisé la publicité elle-même, en tant que genre
communicationnel, et, dans le même temps, celui que N. Everaert-Desmedt
appelle le « récepteur », c'est-à-dire un
destinataire ayant une culture publicitaire. Enfin, la publicité
« contemporaine » aurait pour contenu un constat sur la
condition humaine et le positionnement éthique afférent de
l'entreprise, le message étant adressé à « un
citoyen du monde ».
Il faudrait une étude diachronique poussée du
TPC pour entreprendre un tel rapprochement, travail que nous n'avons
hélas pas le temps de réaliser dans le cadre d'un mémoire
professionnel. Toutefois, intuitivement, il nous semble probable que
l'organisation de notre étude, allant, en synchronie
(2007-2008), de la modalisation prescriptive à la modalisation
persuasive, pourrait être doublée, sans occasionner un
changement dans la structure de notre plan d'étude, d'une approche
historique du TPC. Ainsi, dans l'histoire de la communication, la
modalisation prescriptive semble, a priori, pouvoir
être rapprochée de la
« réclame » et des supports
promotionnels culturels (affiches, textes) produits à la même
époque, c'est-à-dire jusqu'aux années 50 ; de
même, la modalisation méliorative, quoique
aujourd'hui encore largement employée dans les TPC, serait autant
l'apanage de la « réclame » ou de
la « publicité classique » que
celui des supports culturels de la même
« période », à savoir des années 60
jusqu'à la fin des années 80 ; enfin, la
modalisation persuasive, plus utilisée aujourd'hui dans
les TPC, rencontrerait, théoriquement, davantage de similitudes avec les
genres publicitaires que Nicole Everaert-Desmedt désignent par les
expressions « publicité moderne »
et « contemporaine »31(*).
Troisième partie : étude des
principales modalisations à l'oeuvre dans les textes promotionnels
culturels
I La modalisation prescriptive
|
1. Quand « il faut » aller au
spectacle
La modalisation prescriptive consiste
à enjoindre de manière directe le destinataire à
choisir le bien ou le service promu. Ernest-Ulrich Grosse, allant
à l'encontre de la classification historique de Nicole Everaert-Desmedt,
remarque dans Semen 1332(*) qu'aujourd'hui, cette tendance, dans notre
société post-industrielle devenue une société des
services, n'est plus cantonnée à la publicité mais
s'étend à d'autres discours. Ainsi, selon lui, la
presse, par exemple, prodigue de plus en plus de
conseils dont les marques linguistiques sont l'adresse directe au
lecteur, l'impératif, les adjectifs en -able ou en -ible, les verbes
modaux «pouvoir», «falloir» et «devoir», à
savoir les ingrédients classiques de la modalisation
déontique.
Les TPC de l'ODC empruntent également cette voie,
prouvant par-là même que la modalisation
prescriptive ne saurait être un mode d'expression enfermé
dans une époque, même si, parmi les trois modalisations, elle nous
semble la moins utilisée.
Parmi les rédacteurs de l'ODC, Vincent dont l'ethos, on
l'a dit, plus pragmatique, est, par ailleurs, construit sur le postulat d'une
véritable connaissance des salles et du public, est celui qui recourt le
plus à la modalisation prescriptive. C'est le cas dans cet extrait de
TPC qu'il a rédigé pour la plaquette 2007-200833(*) :
« Une musicienne aux multiples percussions, un
couple de trapézistes aux acrobaties drapées, des marionnettes
à taille humaine, des touches de cirque et de
théâtre : Silencio est un projet unique
qu'il ne faut surtout pas rater. »
(Vincent, Silencio, t.p., p. 41).
Ici Vincent utilise l'auxiliaire modal
« falloir » et le tour impersonnel qu'il induit pour
enjoindre le lecteur à se rendre au spectacle. La prescription se fait
même fortement injonctive avec l'emploi de la tournure négative et
le choix de l'adjectif « unique ». L'injonction
« qu'il ne faut surtout pas rater » est une parfaite
illustration du déontique sur le mode du
« nécessaire » tel qu'il a été
conceptualisé par Aristote puis par Kant. Apodictique, l'expression
cherche à enfermer le destinataire dans un non-choix, s'adresse à
lui en déclarant qu'il « ne peut pas ne pas faire »,
qu'il « ne peut pas ne pas voir » Silencio.
2. Prescription et urgence
Dans l'exemple que l'on vient de citer, l'adjectif
« unique » en même temps qu'il apporte une
appréciation positive (« unique » est synonyme
d' « original », de
« singulier »), suggère aussi, contextuellement,
dans la proximité du verbe « rater », une forme
d'urgence. Ce type de prescription,
placée sous le signe de l'empressement et de la
vivacité, est assez courante dans les TPC de Vincent,
comme nous allons le voir un peu plus loin. Rappelons cependant ici que le
programmateur est, de loin, le rédacteur qui signe le plus de textes et
que sous sa plume tous les types de modalisation sont convoqués, ses
stratégies incitatives étant riches et variées.
3. Des dangers de la prescription
Lorsqu'il utilise la modalisation prescriptive, Vincent peut
recourir à des verbes de mouvements conjugués au mode
impératif :
« Si vous ne connaissez pas encore Renan Luce,
courez assister au concert de ce jeune chanteur »
(Vincent, Renan Luce, t.p., p.16)
« Si vous n'avez jamais assisté à
un spectacle de qualité de danse hip hop dans votre vie et que vous avez
soif de choses nouvelles, courez voir les Pokemon
Crew ! » (Vincent, Cie Pokemon Crew, t. p., Saison
06-0734(*), p. 52)
Dans ces deux exemples, la modalisation
prescriptive, qui risque toujours d'apparaître comme une
menace sur la face négative du destinataire, est, dans
une certaine mesure, quelque peu atténuée par la condition qui
précède, introduite par « Si vous ne... ». Le
déontique ne s'exprime plus alors sur le mode du « devoir
faire ». L'obligatoire s'édulcore en une
proposition qui s'énonce sur le mode du facultatif.
Toutefois, la conditionnalité de la prescription
(non-connaissance de Renan Luce ou des spectacles de danse hip hop
« de qualité ») est une arme à double
tranchant car elle peut être perçue par le lecteur
non-connaisseur comme une adresse ostracisante et dévalorisante
face à un locuteur qui se présente, lui, dans la
posture de l'initié, de celui qui, en tant que
professionnel de la culture, sait. L'argument d'autorité fondé
sur un critère de compétence, pour reprendre la
terminologie de Philippe Breton35(*), nous semble efficace s'il parvient à
éviter l'écueil de la sujétion du
destinataire. La seconde condition avancée par Vincent dans la
citation du TPC sur la Cie Pokemon Crew (« et que vous avez soif de
choses nouvelles ») agit d'ailleurs dans ce sens. Elle opère
comme une atténuation de l'argument d'autorité et n'insiste plus
sur le supposé caractère profane du destinataire : la raison
de se rendre au spectacle n'est pas l'unique non-connaissance du hip hop
« de qualité » ; on peut s'y rendre par
curiosité, pour le plaisir de la découverte, tient à
préciser le rédacteur.
4. Inviter le public en jouant stylistiquement sur un effet
« crieur public »
Dans l'extrait de TPC qui suit, la
prescription, avec le verbe « venir »
à la deuxième personne du pluriel (à l'impératif ou
au futur), se fait un peu moins pressante et s'apparente
davantage à une invitation, quoique les
marques du dynamisme restent prégnantes (utilisation du
verbe « plonger », de la métaphore du
manège):
« Venez découvrir ou
redécouvrir « La Ficelle », « L'Aventure
de Walter Schnaffs » et « Ce cochon de Morin »,
trois nouvelles publiées autour de 1883 et aux univers très
différents. Vous visiterez le marché de
Goderville où les rumeurs vont vite, vous vous
retrouverez au beau milieu de la guerre franco-prussienne aux
côtés d'un déserteur affamé, ou vous
plongerez dans un conte libertin digne de Feydeau ».
(Vincent, Les belles histoires d'Anatole, t.p., Saison 06-07, p.
12).
« Venez faire un tour
dans le manège de « Manu » Da
Silva, écouter ses carnets intimes et vous
laisser porter sur des flots de guitares. » (Vincent,
Da Silva, t.p., Saison 06-07, p. 16)
C'est, semble-t-il ici, dans un choix stylistique
assumé, que l'on retrouve chez Vincent un peu du ton des crieurs
publics dont la parole donnait à voir, par avance, à
l'entrée de la salle ou du chapiteau, des bribes du spectacle,
plaçant ainsi le badaud déjà en position de
spectateur. Ainsi le déontique prend la couleur d'un
« devoir faire » pressant sans être
autoritaire, s'exprime de manière vive mais sans contrainte,
principalement parce qu'il imite une parole publique, comme
lancée à la cantonade et non adressée
individuellement.
5. La modalisation prescriptive atténuée
La modalisation prescriptive d'un TPC peut se faire
sans adresse directe au destinataire, par une phrase nominale
et exclamative comme c'est le cas dans l'extrait suivant :
«Mais surtout un spectacle
hautement recommandé à tous
ceux qui pensent que le théâtre est
ennuyeux ! » (Vincent, Le Mariage forcé,
t.p., Saison 06-07, p. 26)
Ici, la prescription prend un tour
performatif avec l'emploi de participe passé à valeur
d'adjectif « recommandé ». Si la phrase nominale,
parce qu'elle dépronominalise, atténue quelque peu la face
négative d'un locuteur intrusif à qui l'on pourrait reprocher une
forme d'autoritarisme, le qualificatif
« recommandé », renforcé par les adverbes
« surtout » et « hautement », demeure
un équivalent, problématique en terme de ménagement des
faces, du performatif « Je vous
recommande ».
Vincent conclut un autre de ses textes promotionnels
culturels par la formule :
« Avis aux amateurs... »
(Vincent, DDG Pocket Trio, t.p., Saison 06-07, p. 46)
Celle-ci désigne les destinataires de manière
indirecte et avec un degré de prescription nettement moins
prononcé puisque derrière le mot « avis »,
qui se situe d'abord dans le champ de l'informatif, la promotion de ce concert
de jazz se fait aussi sous l'angle de la proposition, de
l'invitation et non comme un passage obligé.
La stratégie, moins incisive, presque
facultative, s'explique sans doute par le fait que, dans l'esprit du
rédacteur-programmateur, le trio de jazz n'est pas à même
de drainer, contrairement à Renan Luce, par exemple, un large public.
6. Un cas de modalisation prescriptive indirecte ?
On pourrait être étonné de constater que
la modalisation prescriptive soit employée par Vincent pour promouvoir
autre chose qu'un spectacle. C'est pourtant ce qu'on peut lire sous sa plume
numérique :
« [...] Caceres revient en 2007 avec Utopia, un
disque soyeux et une très bonne idée cadeau pour les
fêtes de fin d'année ». (Vincent, Juan
Carlos Caceres, t.p., p. 15)
On devine qu'en ventant avec insistance
(« très bonne idée de cadeau ») les
mérites du disque (sachant que Vincent n'a évidemment aucune
raison financière à un tel coup de pouce), le rédacteur
promeut indirectement le spectacle de Caceres qui, de
surcroît, doit avoir lieu dans l'Orne peu de temps avant Noël (17
novembre 2007). Promouvoir, en cette
période d'achat, le disque en tant que cadeau
potentiel, c'est implicitement en faire de même avec
la place de concert.
7. Le prescriptif détourné
Dans les publications des Saisons 2007-08 de l'ODC, nous
n'avons pas trouvé d'autres usages de la modalisation
prescriptive. Si ce n'est peut-être sous la forme d'un
jeu de mots dans un TPC écrit par Jacques
Lécuyer (jeu de mots qui, nous le verrons, est l'une des marques de la
modalisation persuasive) :
« Un spectacle festif et convivial,
à voir, à entendre et à chanter. »
(Jacques, Monsieur Nô, j. p., site ODC)
La tournure infinitive prépositionnelle
« à voir » complétant le groupe nominal
« un spectacle » peut être lue (avant le
déchiffrage cognitif complet de la phrase) comme une prescription ;
« à voir » serait dans ce cas le pendant affirmatif
d' « à ne pas rater » commenté
précédemment. Or, l'on peut aussi supposer que Jacques
désamorce le caractère obligatoire et intrusif de
l'infinitif en l'englobant dans une énumération
où il est en fait question de deux des cinq sens et d'une faculté
humaine : la vue, l'ouïe et la parole : « à
voir, à entendre et à chanter ». Ainsi
« à voir » est sémantiquement restitué
dans son signifié premier, ne commande plus un
« devoir faire » (sauf peut-être en creux et
comme marque d'autodérision du rédacteur face au genre
promotionnel qu'il pratique) et, habilement, ne constitue plus une
menace sur les faces négatives des interlocuteurs.
8. Prescrire en postulant un public fidèle
Une forme proche de la modalisation prescriptive, mais qui
n'en possède pas les marques, est employée, cette fois par tous
les rédacteurs de l'ODC, même si elle est encore majoritairement
l'apanage de Vincent ; il s'agit d'une adresse à un public
que le discours suppose fidèle au lieu où doit
être donnée la manifestation culturelle promue. Cette technique du
discours procède de la visée pragmatique que le locuteur
poursuit. Sophie Moirand, dans son chapitre d'Une grammaire des textes et
des dialogues consacré à la critique journalistique,
remarque que c'est cette visée pragmatique qui «explique l'ancrage
du lecteur dans le texte, ce qui parfois constitue un exemple de la
stratégie du scripteur: assimiler
déjà les destinataires à des spectateurs
[...] 36(*)».
Cette assimilation du lecteur en spectateur passe souvent dans les textes de
l'ODC par la mention du lieu précis où se déroule la
manifestation culturelle. Dans la typologie des arguments de la communication
établie par Philippe Breton, l'attachement, l'identification à un
lieu partagé, fonde, au même titre que des opinions et des valeurs
communes, ce qu'il désigne par l'expression « argument
de communauté »37(*).
Dans les textes de l'ODC, le public est
défini par rapport au plaisir que lui a
précédemment procuré un concert, une pièce, au
même endroit. Cette stratégie incitative fonctionne sur
ce que l'on pourrait désigner plus précisément par une
autre formule : le « principe de
fidélisation ». Fidélisation effective de ceux
qui comprennent la référence parce qu'ils y étaient (ou
« en étaient », le « en »,
familier, marquant, selon nous, davantage ces spectateurs comme
privilégiés car appartenant à une
« communauté ») ; fidélisation
souhaitée par ceux qui n'y /en étaient pas mais
qui aimeraient intégrer ce groupe de
privilégiés.
9. Monsieur Loyal face à un public fidèle
Le principe de fidélisation peut se doubler d'une
technique d'adresse plus directe, proche de l'apostrophe,
avec, dans l'exemple qui suit, l'utilisation du pronom
« vous », inclus dans la tournure de type attributive
« revient pour vous » :
« Après le succès du
concert de Daby Touré en janvier dernier /, la musique du
monde revient pour vous/ à la salle Daniel
Rouault. /C'est un immense plaisir d'accueillir/
cette année l'un des plus grands pianistes de tango argentin : Juan
Carlos Caceres. [...] » (Vincent, Juan Carlos Caceres,
t. p., p. 15)
On constate ici que le locuteur s'institue en Monsieur
Loyal avec la tournure présentative oralisante, à
l'indicatif présent, usitée dans le show
business : « C'est un immense plaisir d'accueillir
[...] ». Par la même, le récepteur est
déjà représenté comme un spectateur.
Aussi, si l'axiologique (sur le mode hédonique ou passionnel) semble
prédominer avec l'expression « très grand
plaisir », si aucun ordre atténué, si aucun conseil
n'est formulé comme dans la modalisation prescriptive, ce type de
communication s'en rapproche en terme d'effets. D'abord parce que,
fermé, le message repose sur le fait accompli ;
ensuite, parce qu'il se fonde, en dépit de l'expression du
bénéfice (« pour vous ») et d'un ethos sans
conteste humaniste, sur une relation où le locuteur,
en position dominante, développe un discours
intrusif plaçant le lecteur en position dominée.
En tant que stagiaire méconnaissant, par nature, le
terrain et parce que j'ai personnellement peu de goût pour ce type de
stratégie, je n'ai employé qu'une seule fois
l'effet de fidélisation dans mes 25 TPC. En l'occurrence, dans
un des cinq textes dont la rédaction (ce n'est pas fortuit) m'a
été confiée par Vincent :
« C'est avec un très grand
plaisir que nous accueillons à Argentan la compagnie de danse
cambodgienne Cabaret des oiseaux. » (David, L'Epopée
du prince Preah Chenvong, p. 13 - annexe n° 20)
Il s'avère que, par cette adresse directe à un
public que je ne connais pas, j'ai voulu gommer un des motifs pour lesquels
Vincent n'entendait pas déléguer « ses » TPC.
Ecrire à la façon du jeune programmateur- rédacteur a en
effet été pour moi, d'une part, une manière de lui prouver
que, sans être homme de terrain, on pouvait tout
à fait « faire comme si » ;
d'autre part, avec un tant soit peu de complaisance,
l'imitation a eu pour objectif de faire agréer mon texte par son
commanditaire afin qu'il soit publié dans la plaquette.
10. Quand l'effet de fidélisation est
distancié
Le recours à l'effet de fidélisation
ne donne en revanche pas au message promotionnel
un caractère « forcé » dans
les TPC de Martine et de Jacques, notamment parce que l'apostrophe,
inhérente à la deuxième personne du pluriel, y
disparaît au profit d'une formulation plus neutre,
à la troisième personne du singulier, suivie d'un futur :
« le public découvrira [...] » ou « le
public domfrontais sera [...] » :
« Lors d'une soirée exceptionnelle au
château de Carrouges, le public
découvrira Barbara Kitts, soprano lyrique et Matthieu Van Den
Bogaerde, baryton, tous deux élèves de Martine Postel. [...] Une
initiative destinée à encourager les jeunes et à remercier
leurs maîtres de nous apporter cet indispensable
supplément d'âme qui nous ravit
l'âme ». (Martine, Récital Jeunes Talents,
t. p., p.40)
« Le public domfrontais sera, /
n'en doutons pas, / heureux de retrouver
l'acteur de Luna Negra dans son tout nouveau spectacle Âmes à
gramme. » (Jacques, Âmes à grammes, t. p.,
p. 20)
On peut remarquer que dans ces deux TPC le principe de
fidélisation est utilisé de manière
distanciée. Du fait, d'abord, de l'emploi du futur ;
le lecteur n'a ainsi pas encore revêtu la peau
du spectateur à l'inverse des précédents
extraits rédigés, au présent, par Vincent et David. Au
contraire, l'ontique est ici de mise, même si le futur est
envisagé avec une forte voire très forte potentialité de
réel, notamment par l'emploi de l'expression épistémique
« n'en doutons pas ». Distance également en raison
d'une énonciation qui peut inclure, à travers le
« nous », le locuteur et le public, le
rédacteur se présentant, dans le TPC de Martine, non en
Monsieur Loyal mais comme un spectateur potentiel parmi
d'autres, « s'assimil[ant]
soi-même, selon les termes de Sophie Moirand à propos de
la critique journalistique, au même groupe que les
lecteurs»38(*): « Une initiative destinée à
encourager les jeunes et à remercier leurs maîtres de nous
apporter cet indispensable supplément d'âme qui
nous ravit l'âme ». Cette
utilisation, beaucoup plus nuancée de l'effet de fidélisation,
est peut-être moins efficace (seule une étude quantitative par
sondage pourrait le confirmer) mais à l'avantage de ne pas brusquer le
lecteur en le comptant, à l'avance, en spectateur acquis (sinon
conquis), faisant peu ou prou fi de son libre choix. Au contraire, dans les
deux extraits de TPC précités, c'est un peu comme si le
lecteur recevait une invitation, une proposition, de la part de quelqu'un qui
serait son égal, scripteur et lecteur partageant ce que
Philippe Breton appelle des « valeurs
communes »39(*).
11. Un étonnant effet de fidélisation qui ne
vise pas son destinataire et transforme une communication
événementielle en communication institutionnelle
Terminons ce parcours d'extraits fondés sur le postulat
de la fidélité du public par l'analyse d'un cas
particulier :
« Nul doute que la rencontre avec les
détenus / de la Maison d'arrêt et du Centre de détention
s'annonce comme un moment exceptionnel pour cet artiste enthousiaste
et généreux ». (Vincent, Rouda, t. p., p.
8 )
La mention du public et du lieu ne s'accompagnent pas ici
d'une apostrophe et le bénéfice
« moral » produit par le spectacle est attribué,
curieusement, à Rouda (« un moment exceptionnel pour
cet artiste ») et non aux spectateurs, les
détenus. Si l'absence du « nous »
s'explique par les conditions particulières du concert qui restreint,
par nature, le public à un « ils » ou un
« eux » tacites désignant les prisonniers, on peut
envisager le non-emploi de « vous » par le fait que
les détenus ne sont pas les destinataires directs du
message ; d'une part, parce que, contextuellement, il est assez
peu probable qu'ils aient reçu et lu une plaquette promouvant
très majoritairement des spectacles extérieurs au monde
carcéral ; d'autre part, parce que les destinataires
réels du message sont en fait le grand public ornais et les
institutionnels qui apprennent par ce TPC que l'Office départemental
de la culture de l'Orne mène, en particulier grâce
à l'action de Vincent Roche, une politique culturelle courageuse
et humaniste à l'intention du milieu carcéral. Ainsi
l'effet de fidélisation peut fonctionner par ricochet, toucher un
destinataire écran pour en atteindre finalement un autre. On peut
pousser la conclusion plus avant en affirmant que par cette technique, on
glisse d'une communication de « produit »
(disons plutôt d'événement) à une
communication institutionnelle dont l'objectif est de promouvoir non
le concert de Rouda mais l'image de l'ODC.
II La modalisation méliorative
|
1. Définir le TPC au moyen d'un parallèle
avec la critique culturelle journalistique
La rhétorique classique a désigné ce que
nous choisissons d'appeler modalisation
méliorative par une catégorie modale,
l'axiologique. Dans la tradition aristotélicienne,
cette hypercatégorie se décline en multiples
sous-catégories du discours comme l'éthique (le fait de
se prononcer sur ce qui est bien ou mal), l'esthétique (sur ce
qui est beau ou laid), le pratique (sur ce qui est utile ou inutile),
l'hédonique (sur l'agréable ou le
désagréable) ou le passionnel (sur ce que l'on aime ou
exècre), etc.
Notre étude renonce, dans ses grandes lignes, à
cette typologie qui nous entraînerait vers un risque de morcellement.
Nous lui préférons la classification des termes
évaluatifs proposée par Sophie
Moirand40(*)
parce que plus simple et ramassée, mais aussi parce
qu'elle a constitué, pour l'universitaire, un outil d'analyse
appliqué à un genre voisin du TPC, la critique culturelle
journalistique.
Selon Sophie Moirand, il existe quatre types de termes
évaluatifs qui permettent différentes formes
d'appréciation: les termes axiologiques, les
évaluatifs affectifs, les évaluatifs de
comparaison et les évaluatifs contextuels.
Avant de les analyser dans différents extraits de TPC, il nous semble
important d'interroger la notion même de modalisation méliorative
par un parallèle entre deux genres procédant de
discours différents mais appartenant (pour reprendre l'expression de J-M
Adam qui nous servira encore de méthode) à une même
« famille de textes»41(*) : le TPC et le genre de la
critique journalistique culturelle.
Dans le cas du texte promotionnel culturel,
les termes évaluatifs vont, lois du discours obligent,
être nécessairement positifs lorsqu'il s'agit
d'émettre un jugement sur l'artiste ou le spectacle
promu. Ainsi la modalisation méliorative, rarement absente des
TPC, est ce qui va le séparer d'un genre du discours journalistique avec
lequel il entretient par ailleurs d'étroits rapports de cousinage :
la critique culturelle, telle qu'elle peut s'écrire aujourd'hui en
France42(*) dans les
grands quotidiens (Le Monde, Libération, etc.), les
magazines culturels (Télérama, Les
Inrockuptibles, etc.) ou, oralement, dans certaines émissions de
radio (par exemple Le Masque et la Plume sur France
Inter).
2. Le TPC, rien moins qu'une critique journalistique
positive ?
Aussi, si on passait, avec quelque
légèreté, sur la question de la modalisation
méliorative (qui est en fait un distinguo essentiel), on
pourrait affirmer que le TPC relève du genre de la critique. Ce
postulat un peu provocateur ne l'est peut-être pas tant que cela. En
effet, une étude quantitative approfondie des articles
de la critique culturelle dans la presse (formellement
très proches de certains TPC) dévoilerait, à notre avis,
une proportion plus grande de critiques positives.
Cela, paradoxalement, en raison même
de ce qui manque au texte promotionnel
culturel pour être une critique : l'usage de cette
liberté qui consiste à dire que l'on n'aime pas. Car si
les lois du discours rendent impossible, pour le
communicant culturel, l'utilisation du
« pôle négatif » des
catégories classiques de l'esthétique voire du
passionnel, il nous semble que d'autres lois contraignent l'expression
du « pôle négatif » dans les critiques de
presse.
En effet, la critique culturelle, parce
qu'elle est une partie de la presse d'opinion
et qu'elle contribue à former la pensée et le goût
de ses lecteurs, va davantage prescrire,
conseiller des spectacles, des artistes ou des auteurs que les
déconseiller. Quel serait en effet l'intérêt d'une
critique culturelle qui travaillerait essentiellement à dénigrer
oeuvres et artistes ? Si, dans la balance du jugement,
le nombre de critiques négatives étaient nettement plus
important que celui des critiques mélioratives, la profession
concourrait certainement, d'une manière générale, à
ce qu'elle n'est pas censée vouloir, ni par amour pour sa matière
ni (plus cyniquement) pour sa survie : un
désintéressement général de l'opinion
publique pour la culture.
Par ailleurs, les TPC de l'ODC sont rédigés
à partir de dossiers de presse envoyés par les Compagnie ou les
producteurs des artistes, que les rédacteurs aient assistés ou
non, au préalable, au spectacle (c'est toujours le cas du stagiaire mais
parfois aussi du programmateur). Les TPC s'inspirent donc de critiques
journalistiques positives, en sont même assez souvent (c'est ce
que m'a confié Madame Gasnier) de simples
copier-coller.
Mais remarquons aussi que l'accointance est double. Car
si l'on peut gager, sans pouvoir le prouver, que certains articles de presse
doivent « se nourrir », être influencés par
des TPC (comme ceux-ci le sont par les critiques), l'on peut écrire,
avec certitude, que la presse, notamment
régionale, insère dans ses pages culturelles des TPC qui
ne sont pas réécrits mais reproduits à la virgule
près. J'ai ainsi pu constater, en photocopiant la presse
locale, que les TPC de Vincent promouvant le festival du Printemps de la
chanson 2007 avaient été repris intégralement et
littéralement sur toute une page (agrémentés de photos
présentes dans la plaquette tout public et envoyés par l'ODC), et
ce, sans la signature du rédacteur, sans aucun signalement de
publi-reportage mais avec ce que Grosse appelle « la forme
extérieure des contributions de la rédaction »43(*) . En fait, il ne s'agit pas
d'une tractation commerciale ni encore moins d'un plagiat éhonté
mais de connivence et d'avantages partagés
entre l'ODC et la presse locale. Le focus pleine page sur le festival
(qui vient compléter la publicité couleur en encart dans le
journal, payante celle-ci) est gratuit pour l'ODC et constitue
pour un petit hebdomadaire local (qui n'a pas alors à
rétribuer un journaliste ou un pigiste), une page culturelle de
qualité.
3. TPC et critique journalistique : quand ne pas
programmer ou taire revient à évaluer
De plus, la presse culturelle est contrainte,
matériellement, de choisir parmi l'offre pléthorique des
différents domaines culturels dont elle doit rendre compte. A ce titre,
elle est sensiblement dans la même position qu'un organisme programmant
une saison culturelle. Ainsi si l'ODC ne va sélectionner que des
spectacles ou expositions qui lui semblent dignes d'intérêt pour
son public, la presse critique culturelle va aussi privilégier ceux
qu'elle veut, non promouvoir mais soutenir. Les mauvais films, les
mauvaises pièces, les mauvais disques sont, le plus souvent,
passés sous silence (ce qui est peut être la plus
haute forme de l'appréciation négative) ou réduits
à un commentaire aussi bref qu'acerbe. En ce qui concerne le
TPC, on peut considérer que le jugement
critique négatif sur les spectacles non programmés par
l'ODC ont été portés préalablement,
collectivement, en interne, entre les programmateurs, ou individuellement et
« intérieurement », par chacun d'entre eux,
sans être publiés.
4. L'impact d'un discours professionnel et institutionnel
Poursuivons cette réflexion sur les rapports entre le
texte promotionnel culturel et la critique journalistique par un commentaire
sur ce que Sophie Moirand appelle la «position» du locuteur.
Celle-ci est, en effet, fondamentale pour comprendre le rôle que
joue l'évaluation dans « la mise en texte ». Ainsi,
selon Sophie Moirand, « si je suis critique
professionnel et que je dise c'est beau, j'incite le lecteur à
aller voir ou à lire »44(*). De même, les plaquettes de l'ODC (dont les
textes ne sont en principe jamais signés par les rédacteurs)
apparaissent aux yeux du public comme émanant non d'une personne
mais d'un organisme qui, dans son domaine, fait
autorité. Au niveau du récepteur « grand
public », les ethos « individuels » de Jacques,
de Vincent et, à un degré moindre de Martine (parce qu'elle est
aussi Mme Gasnier, directrice, et que son statut lui confère autant une
responsabilité morale qu'un rôle de représentativité
vis-à-vis de la structure), n'existent quasiment pas - celui du
stagiaire, pas du tout ! Ce sont leurs mots mais pour le lecteur,
une seule voix parle : celle de l'ODC dont l'ethos (la
« position »), non-personnel mais institutionnel, est
chargé, selon les mots de Philippe Breton, de
l' « expérience » et des
« compétences »45(*) qui font la réputation de l'organisme ;
réputation qui se double plus largement de toutes les connotations
propres au domaine culturel et recouvre également différentes
représentations qu'on attribue (peut être encore...) à un
organisme public ou parapublic comme le professionnalisme, le
sérieux, l'intégrité, le
désintéressement. Ainsi, c'est en fonction de
cette « position » que les termes évaluatifs
mélioratifs présents dans les TPC de l'Office
départemental de l'Orne font sens.
5. Entre publicité et critique, des « airs
de famille » variables
Terminons le parallèle en essayant de résoudre
un dilemme catégoriel. Le TPC a-t-il davantage à voir
avec le discours publicitaire ou le genre de la critique
journalistique ? Pour Sophie Moirand, le
fonctionnement de l'écriture critique suit un mouvement qui va
de l'information à la suggestion46(*). L'universitaire fait
précisément de la suggestion le point de rupture entre le
discours critique et le discours publicitaire. Ainsi elle affirme que
« le rôle du critique ne peut-être confondu avec
celui du publicitaire, et ce qui est persuasion pour
celui-ci n'est que suggestion pour le premier»47(*). Cette remarque nous
intéresse au premier chef puisqu'elle nous amène à nous
interroger sur la véritable parentèle du TPC. Ce
dernier tend-il davantage à « persuader » et
est-il donc à ranger aux côtés du discours
publicitaire ? Au contraire, « suggère »-t-il
plus et penche-t-il donc plutôt vers la critique
journalistique ?
Sur le fond, le TPC est évidemment
à rapprocher du discours publicitaire puisqu'il
promeut, c'est-à-dire cherche à présenter au lecteur un
objet désirable, dans une visée
pragmatique (achat d'une place ou simple fait de venir au
spectacle dans le cas d'une manifestation gratuite).
Dans la forme, en revanche, seule
l'analyse attentive de la modalisation à l'oeuvre dans
chaque TPC peut permettre de dire, suivant la distinction de Sophie Moirand,
s'il tend, comme la publicité, à persuader
(étymologiquement : attirer à soi par la
douceur) ou à suggérer,
c'est-à-dire à proposer, à inviter comme le ferait le
critique journalistique. Toutefois, la distinction entre persuasion et
suggestion nous apparaît ténue et, à dire vrai, source de
confusion. En effet, si la persuasion est clairement affaire de
séduction, le mot « suggestion », suppose dans son
acception moderne, d'après le Petit Robert, à la fois
l'idée de conseil ou de proposition et l'idée d'insinuation, de
sous-entendu, rejoignant ainsi le sens de l'étymon latin
suggere qui signifie « porter sous ». Ainsi,
persuasion et suggestion ne sont pas si éloignées et ont toutes
les deux un lien avec l'idée de ruse et d'artifice (pour parler
négativement), d'habileté, de technicité, bref de
rhétorique (si l'on préfère user de mots plus neutres).
6. Le TPC, un genre qui, comme la critique,
« informe » et « donne un avis »
Afin d'approfondir notre définition du
TPC par la confrontation avec ce genre proche, on suivra le travail
de définition de la critique journalistique conduit par Sophie
Moirand. Pour elle, le critique joue un rôle dans ce qu'elle
appelle « l'univers médiatique ». Journaliste
spécialiste, par exemple, de cinéma, de théâtre ou
de littérature, il a pour fonction d'
« informer » (fonction
informative) et de « donner son avis »
(fonction évaluative) mais aussi de « dire aux
lecteurs » si le film, la pièce, le livre « vaut la
peine » d'être vu /lu ou non (visée
communicative). Son travail consiste dans « le
choix des éléments qu'on décrit, le
choix des mots qui décrivent, le choix de ce
qu'on évalue et le choix des formes de ces
évaluations ». Ces choix « concour[ant]
à justifier cette visée d'ordre pragmatique:
suggérer de consommer ou de ne pas consommer» 48(*).
La démarche du rédacteur de TPC est
très proche. En effet, lui aussi
« informe » et « donne un avis »,
quoique biaisé par la loi du discours promotionnel. Lui aussi retient
des éléments qu'il décrit, choisit pour cela certains mots
plutôt que d'autres, certaines formes plutôt que d'autres (la
description, le récit), évalue l'ensemble ou une partie du
spectacle ou de l'exposition, opère des choix quant « aux
formes de ces évaluations » (juger, comparer...), à
ceci près donc (mais le détail est de taille...) que ce choix
doit, par nature, être restreint au champ de la modalisation
méliorative.
On trouve d'autres traits communs entre ces deux genres, du
point de vue du choix du type textuel comme du point de vue stylistique. Ainsi
tous deux optent souvent pour une combinaison du compte-rendu
(«texte mettant en relief l'information» par une
«énonciation objectivée»49(*)) et de
l'évaluation («texte où l'expression de l'opinion
domine», qui ressortit à l' « énonciation
subjectivée »). De plus, nous le verrons, l'usage d'un
langage esthétisant et le recours à la
comparaison-référence sont au coeur de
l'écriture des deux genres.
7. Des objets de discours
« catégorisés » communs aux critiques de
presse et aux TPC
Dans les critiques de presse, les évaluations portent,
selon Sophie Moirand, sur des « objets de
discours »50(*) divers. On assiste non seulement à
cette même variété dans les TPC mais on constate aussi que
les objets de discours évalués le sont sous les mêmes
angles ; soit que l'on «juge» (ou plutôt «formule une
appréciation sur») le produit culturel dans sa
globalité :
« C'est une histoire sans paroles, du
théâtre de marionnettes naïf et profond comme un
Chaplin, poétique et onirique comme un film de
Méliès. » (David, Les Pieds dans les
nuages, j. p., annexe n° 8 bis)
soit que l'on «juge» l'histoire ou les
personnages :
« Une troupe italienne, un public
français, le texte d'une Suédoise : belle Babel mais aucune
confusion, car Pepe e Stella, magnifique histoire d'une
amitié entre un enfant de la balle et son cheval de cirque,
possède le souffle et l'universalité du
mythe.» (David, Pepe e Stella , j. p., annexe
n° 14),
« En ce début de millénaire, plus
de quatre siècles après la mort de Giordano Bruno (1548-1600),
face à toutes les dérives de ce nouveau siècle, il n'est
pas inutile de se pencher sur la vie de cet homme hors du
commun. » (Jacques, Giordano Bruno, t. p., p.
38),
soit que l'on «juge» l'auteur ou les
interprètes :
« Ses textes, finement
écrits, sont une succession d'histoires douces et
amusantes et sont peuplés de personnages hauts en
couleur » (Vincent, Renan Luce, t. p., p.
16),
« Artiste complet,
Rémy Boiron campe à lui seul tous les personnages de la
pièce. » (Jacques, Âmes à grammes,
t. p., p. 20),
soit, enfin, que l'on «juge» les
caractéristiques techniques de la manifestation (Sophie
Moirand utilise le mot « produit ») :
« Un spectacle malin, drôle et
poétique, à la croisée des arts, où la
comédie revisite le théâtre d'ombres, se combine avec brio,
à la musique, la peinture et l'illustration (réalisées en
direct sur un écran), pour un moment coloré »
(David, La Reine des couleurs, t. p., annexe n° 7).
Sophie Moirand remarque dans son chapitre portant sur les
critiques de presse que ces objets de discours sont généralement
« catégorisés », et que cette
catégorisation constitue déjà une
évaluation51(*). Cette opération se fait notamment
par rapport aux « connaissances que l'on a du
domaine ». Elle repère par exemple dans quelques
critiques de presse les étiquettes «comédie
américaine moderne», «comédie à la Capra»,
«roman historique et poétique», «mélancolie
matinée d'éclats de jazz façon Joni Mitchell», etc.
Nous relevons, de notre côté, en limitant les citations, tant
elles sont pléthoriques, à deux extraits de TPC que nous venons
de citer, les « catégories » :
« histoire sans parole, théâtre de
marionnettes naïf et profond comme un Chaplin,
poétique et onirique comme un film de
Méliès », « Un spectacle malin,
drôle et poétique, à la croisée des arts,
où la comédie revisite le théâtre
d'ombres, se combine avec brio, à la musique, la
peinture et l'illustration (réalisées
en direct sur un écran)». On constate que les
catégories ne correspondent pas toujours à des genres artistiques
codifiés précisément et que les
spectacles peuvent être décrits au moyen
d'une addition, d'une série de « catégorie »
ou en recourant à la comparaison (« naïf et
profond comme un Chaplin, poétique et onirique comme un film de
Méliès »). Cette valse des étiquettes et
des références, plus qu'une faiblesse à trouver
le mot juste, s'explique à notre avis par le
caractère de plus en plus polymorphe des
spectacles produits aujourd'hui, spectacles qui, comme je l'ai
écrit dans le TPC promouvant La Reine des couleurs, se situent
très souvent à la croisée des arts, mêlent, par
exemple, théâtre, musique, cirque et vidéo.
8. Les évaluatifs axiologiques positifs dans les
TPC
Portant, donc, sur les mêmes objets que ceux
jugés par la critique journalistique culturelle,
« ciblés » de la même façon,
l'évaluation dans les TPC se fait notamment, comme dans les exemples qui
suivent, grâce à une palette large de termes
axiologiques, c'est-à-dire, par essence,
sémantiquement appréciatifs et, en l'espèce,
toujours positifs :
« Ce jeune artiste viendra présenter son
sublime premier album « Repenti » au
public de Gacé. » (Vincent, Renan Luce, t. p.,
p. 16)
« Ce génial trio fait
revivre l'univers magique du Music-Hall » (Jacques, Lucienne
et les Garçons, t. p., p. 5)
« La lecture est ponctuée par la musique
romantique de Chopin admirablement servie ici par la jeune et
très talentueuse pianiste qu'est Agnès
Graziano ». (Martine, Le Pianiste, t. p., p. 9)
« Soutenu par une machinerie
astucieuse, ce spectacle de marionnettes, terriblement
rythmé, mêle aux éléments traditionnels du conte le
suspense d'une enquête policière, pour le plaisir de
tous. » (David, Au voleur !, j. p.,
annexe n° 1)
« Mais soudain : bing ! zing !
TOC ! tout un monde de cuillères et de faitouts s'anime, sous
l'action de deux manipulateurs-musiciens, invisibles et
géniaux.» (David, Toc-Toque, j. p.,
annexe n° 16)
« Cet artiste septuagénaire à la
voix rocailleuse est un instrumentiste hors pair capable
de faire secouer la tête à un lampadaire » (Vincent,
Juan Carlos Caceres, t. p., p.15)
Ces termes axiologiques, corollairement
à leur fonction essentiellement évaluative,
caractérisent l'objet décrit en recourant
principalement à un langage esthétisant. Ainsi,
dans les exemples cités, la modalisation méliorative valorise, en
même temps qu'elle le décrit, le beau
(« sublime album ») ou le talent,
sous différentes formes, que ce soit d'un point de vue
général (« admirablement servie ici par la
jeune et très talentueuse pianiste» ,
« Ce génial trio » ) ou, plus
précisément, sous l'angle, de la
technicité (« machinerie astucieuse »), de
l'habileté (« deux manipulateurs-musiciens,
invisibles et géniaux ») et de la
virtuosité (« un instrumentiste hors
pair »). Ces termes axiologiques caractérisant peuvent avoir
pour objet non pas le spectacle ou un de ses composants mais le
public et le bénéfice qu'il peut en
tirer : « pour le plaisir de tous ». D'autres
évaluatifs, dits affectifs,
promeuvent aussi la manifestation culturelle proposée
par l'ODC en décrivant l'effet qu'il a produit sur le scripteur
ou qu'il produira sur le destinataire dès lors qu'il sera en position de
spectateur.
9. Les évaluatifs affectifs dans les TPC
Les évaluatifs affectifs
décrivent une réaction émotionnelle du locuteur en
même temps qu'ils caractérisent un objet. Selon Sophie
Moirand, ces évaluatifs sont repérables par leur
«coloration affective» et par le fait qu'ils
«rendent compte de l'effet produit par l'objet de discours sur le
locuteur». Dans son analyse des critiques
journalistiques52(*),
l'universitaire cite, parmi les évaluatifs affectifs, les adjectifs
« ébouriffant», «émouvant»,
«ennuyeux».
On rencontre dans un de mes TPC ce type
d'évaluatif :
« Commence alors un ballet
époustouflant de fouets mécaniques
[...] » (David, Toc-Toque, j. p., annexe n° 16)
« Epoustouflant » auquel le
Petit Robert donne pour synonyme les adjectifs
« étonnant »,
« extraordinaire », « prodigieux »,
« stupéfiant » a pour origine le verbe de l'ancien
français « s'esposser », autrement dit
« s'essoufler ». L'adjectif exprime donc un très
haut degré de surprise, un étonnement qui n'est pas
nécessairement mélioratif. L'idée de
« souffle » présente sémantiquement et
presque phonétiquement (« -stouflant » rappelant
« soufflant ») joue à un double niveau :
d'abord, le spectateur, devenu locuteur et rendant compte du spectacle
auquel il a censément assisté, précise qu'il a eu
le souffle coupé devant la dextérité des manipulateurs qui
savent donner vie à d'anodins ustensiles de cuisines. Son
compte-rendu s'appuie donc (fictivement...) sur son ressenti, d'où
l'usage de termes à « coloration
affective ». Mais
« époustouflant », qui connote encore le souffle,
décrit aussi le spectacle, caractérisé, dans son ensemble,
comme un « ballet » dont l'adjectif dit également
l'énergie, la vitalité.
10. L'évaluatif affectif comme label
Dans un TPC de Vincent se rencontre un autre type
d'évaluatif affectif qui ne prend pas un tour adjectival mais
nominal :
« Silencio est un petit bijou et sans conteste
un de nos coups de coeur de cette saison
2007-2008. » (Vincent, Silencio, t. p., p. 41)
L'expression,
lexicalisée, est un stéréotype de
la promotion culturelle. Jugement affectif (il
signifie que l'on aime et appartient tient donc à la
sous-catégorie aristotélicienne du passionnel), la
tournure est à rapprocher de la modalisation prescriptive dans le sens
où elle agit comme un label et est fortement
incitative. Pour preuve, depuis longtemps, l'image du coeur imprimée sur
des autocollants apposés sur certains produits (vêtements,
disques) signifie de la part d'une marque ou d'un distributeur qu'il s'agit
d'un produit à part, soit parce qu'il est censé être
représentatif de la marque soit, le plus souvent, que son prix, modique,
doive séduire l'acheteur. A l'écrit, l'usage de
l'expression « coup de coeur »
doit être parcimonieuse (une seule occurrence en
2007-0853(*)) pour
garder tout son impact, notamment dans le cas d'une brochure
promouvant toute une saison culturelle. En effet, la plaquette peut
(potentiellement) être lue in extenso et doit obéir
à un principe de cohérence : alors
même que tous les spectacles ont été programmés
parce qu'aimés par les programmateurs, ils ne peuvent pourtant tous
prétendre à l'évaluation « coup de
coeur ». Parce que la tournure, galvaudée, deviendrait
alors inopérante. Parce que surtout, elle entamerait la
confiance du lecteur et que le jugement d'un rédacteur au ton par trop
panégyrique n'aurait plus aucun crédit.
On peut conclure ce commentaire en remarquant que
l'évaluation affective de type « label » implique
une hiérarchisation portant sur l'ensemble de la
programmation, même s'il n'y pas de concertation entre les
programmateurs et que l'appréciation globale sur la Saison reste
individuelle. Ainsi, c'est tout particulièrement à
Martine Gasnier, directrice de la publication, que revient la
tâche d'harmoniser la somme des TPC promouvant la Saison
afin de gommer les éventuelles surenchères dans
ce que j'ai appelé la labellisation des manifestations.
11. Faire du lecteur, par avance, un spectateur
ressentant
Dans notre analyse de la modalisation prescriptive, on a vu
comment le scripteur pouvait recourir à une stratégie
consistant à « assimiler déjà les destinataires
à des spectateurs [...] »54(*). Le modalisation
méliorative use également de cette stratégie mais
dans des séquences textuelles où l'injonction ou
l'invitation laissent la place à la description et où le lexique
des sensations et des sentiments prédominent. Dans ces
passages, le public est inclus dans la séquence à dominante
descriptive par le biais d'une pronominalisation le désignant plus ou
moins directement : qu'il s'agisse du « vous » de
l'apostrophe, du « nous » ou du « on »
associant fictivement locuteur et scripteur dans une commune position de
spectateurs, ou de formulations fines où le lecteur est, en filigrane et
en l'absence de pronom le désignant, pourtant déjà
institué en spectateur.
Ce type de stratégie, si l'on puise dans l'apport
théorique de Philippe Breton, mêle l'argument de
« cadrage » où il s'agit de
« présenter », de
« définir » et l'argument de
« communauté », créée par le partage
d'un « lieu », le spectacle en tant qu'espace (un
théâtre, une salle, une église) et qu'expérience (la
manifestation culturelle et ses interactions avec le public)55(*) .
Dans tous les cas de figure, il s'agit de « donner
envie » en présentant des sentiments, des sensations
agréables que l'on cherche à faire
« pré-sentir »56(*) au lecteur, à la
manière d'un échantillon qui le toucherait
dès la lecture, et le persuaderait de se rendre à la
manifestation culturelle, cette fois, pour les ressentir
réellement et pleinement. Ce type de modalisation
méliorative situe autant le TPC dans la « famille »
de la critique journalistique que dans celle du message publicitaire, ce
dernier y recourant abondamment. Le TPC, les critiques
cinématographiques ou littéraires
« positives », le spot ou l'affiche publicitaire, sont en
effet souvent des promesses de plaisir et s'inscrivent dans la
sous-catégorie modale classique qu'est l'hédonisme.
Dans l'exemple qui suit, le « vous » est
par deux fois, avec l'emploi du verbe « offrir »,
présenté comme le bénéficiaire d'un don :
« Les chanteurs-guitaristes Bertrand Claudin et
Olivier Jouin s'associent en duo acoustique pour vous offrir
leur interprétation de morceaux mythiques qui ont
enflammé les ondes radio des sixties et seventies
[...] les chemins des deux artistes se croisent avec bonheur pour
vous offrir une grande ballade en cinémascope, riche en
couleurs et en émotion... » (Jacques,
Armadillo, t. p., p. 16)
Ici, ce qui est préalablement donné
à voir comme agréable au destinataire tient tout autant
au culturel qu'aux sentiments ou au
sensoriel (passages soulignés). En effet, si deux
expressions décrivent ce spectacle musical d'un point de vue visuel
(« riche en couleurs », « ballade57(*) en
cinémascope »), une autre de manière auditive
(« les ondes radio des sixties et seventies ») et une
dernière, de manière plus floue, d'un point de vue
émotionnel (« riche [...] en émotion »), la
brève description citée est surtout remarquable par ses deux
allusions culturelles (musicale et cinématographique) qui doivent servir
à camper l'atmosphère de ce groupe folk-rock aux
influences américaines ; influences que le locuteur cherche, en un
minimum de mots, à évoquer en usant de signes, parfois
proches du stéréotype, afin de suggérer
efficacement, comme dans un message publicitaire, l'Amérique de
l'après-guerre, le rêve américain, sans même avoir
à les nommer: « morceaux mythiques qui ont enflammé les
ondes radio des sixties et seventies / une grande ballade en
cinémascope»58(*).
Dans l'extrait suivant, le lecteur-spectateur
(« vous ») est placé en situation de
« pré-sentir », le lexique mettant l'accent sur les
sentiments émanant de la personnalité de
l'artiste (« charisme »,
« chaleur ») mais aussi sur l'effet qu'ils
induisent sur le spectateur (« un certain
ravissement ») :
« [...] Le charisme et la chaleur
de ce grand Monsieur vous caresseront avec un certain
ravissement. [...] » (Vincent, Juan Carlos Caceres,
t. p., p.15)
Notons que le verbe « caresser »
appartenant au lexique sensoriel est
détourné de son emploi. Le toucher est ici
convoqué au sens figuré et confère à la description
de l'artiste (donné à voir comme une simple présence, une
aura) une sensualité censée atteindre le public plus
directement ou intensément que ne le ferait peut-être l'ouïe
ou la vue.
La représentation du « spectateur
ressentant » peut être stylistiquement
réalisée au moyen d'une métaphore filée puisant au
lexique des sens:
« Vous l'aurez sans doute
compris, Otopodoragi se déguste d'abord sur
scène pour l'entière mesure d'un groupe plein de talent
qui nous sert une musique personnelle avant tout libre et
inspirée ». (Vincent, Otopodoragi, t. p., p.
24)
L'adresse liminaire au spectateur, marquée par
un effet de connivence (« Vous l'aurez sans doute
compris »), est combinée à une métaphore
culinaire - on pense à un plat ou à un bon vin :
« Otopodoragi se déguste [...] sur scène » /
« un groupe plein de talent qui nous sert une musique [...}] libre et
inspirée ». Le sens du goût est
là encore choisi en lieu et place de l'ouïe et de la
vue que l'on attendrait dans la description d'un spectacle musical. Le
trope, plus qu'une description objective, a pour effet de mettre en
avant la délectation, le plaisir ressenti par le spectateur de
ce groupe réputé pour donner son « entière
mesure »59(*)
sur scène plutôt qu'en studio d'enregistrement. Avec la
métaphore, on touche à une des quatre catégories
d'arguments de la communication théorisées par Philippe Breton,
« l'argument analogique »60(*).
Dans les deux extraits qui suivent, le locuteur (en principe
un rédacteur-programmateur qui a choisi le spectacle après
l'avoir vu) met en scène, par l'emploi du
« nous » ou du « on », un
destinataire spectateur avec qui il est supposé avoir partager le
spectacle. Cette fiction (que l'on peut nommer
l' « effet co-spectateur ») est éminemment
paradoxale puisque l'objectif est de faire venir
effectivement au concert ou au théâtre quelqu'un que le discours
présente comme y ayant déjà
assisté :
« Nous passons du rire
à l'émotion et assistons,
captivés, au lent cheminement de cette femme vers la
vieillesse ». (Vincent, Palatine, t. p., p.17)
« Agnès Limbos [...] adapte très
librement la figure du Vilain petit canard chère à Andersen dans
une pièce cruelle, drôle et poétique d'où
l'on sort tout chamboulé » (David,
Dégage, petit ! , j. p., annexe n° 3)
Dans la première citation, le formule « Nous
passons du rire à l'émotion » est sans doute moins
nettement marquée par cet « effet
co-spectateur » car le « passage » du
rire à l'émotion peut apparaître comme le simple
compte-rendu des impressions du locuteur qui emploierait le
« nous » d'auteur, celui aussi par exemple de la tradition
dissertative des lycées français. En revanche, la forme verbale
« assistons » et le participe passé pluriel à
valeur adjectivale « captivés », parce qu'ils
impliquent sémantiquement les idées de regard et de
perception, assimilent clairement le lecteur à un
spectateur, non pas potentiel, à venir, mais
« faussement réel » dans la fiction du
TPC.
Dans la seconde citation, le spectateur est,
si l'on ose l'anglicisme militaire,
« embarqué »61(*) au côté du
locuteur. Cette fois-ci à la sortie du spectacle :
« d'où l'on sort tout chamboulé ». On peut
s'amuser avec quelque ironie de l'effet quand on sait que, statut de stagiaire
oblige, je n'ai pas « plus » assisté au spectacle
que mon destinataire mais me suis contenté d'en lire le dossier de
presse... Si l'on outrepasse la question complexe de l'honnêteté
intellectuelle appliquée à la rédaction du TPC 62(*), deux remarques peuvent
être faites sur cette expression à effet
« co-spectateur » : d'abord le fait qu'elle
insiste sur des impressions fortes et durables.
« Chamboulé », qui dénote
familièrement un bouleversement des sentiments, traduit de
manière hyberbolique l'impact de cette « pièce
cruelle, drôle et poétique », qui mélange les
genres (le comique, le mélodramatique), brasse des émotions
contraires. L'expression « d'où l'on sort » qui met
l'accent, on l'a dit, sur les impressions ressenties dans les minutes,
les heures voire les jours qui suivent le spectacle, contribue
à présenter ces émotions comme
plus marquantes puisque laissant leurs empreintes dans la
conscience du spectateur, l'imprégnant au-delà du terme de la
pièce.
Allant dans le même sens, une formule fine de Vincent,
qui ne passe ni par une adresse directe au destinataire ni par la
fiction d'un lecteur déjà « assis »
au milieu du public, vante les qualités de Silencio en
soulignant l'impact, à long terme, du spectacle dans la mémoire
de celui qui l'a vu :
« Une création dont le souvenir
restera vif tant l'âpreté et l'atmosphère, les
prouesses artistiques et la poésie y sont intenses »
(Vincent, Silencio, t. p., 41)
La formule trouve notamment sa force dans la justification qui
suit, reposant sur l'emploi d'un vocabulaire
esthétisant, celui d'un spécialiste de la
culture dont le jugement vaut pour argument
d'autorité. Ainsi c'est en raison des caractéristiques
esthétiques de Silencio
(« âpreté », « atmosphère »,
« prouesses artistiques »,
« poésie »), de son
«intensité », que le spectateur restera longtemps
marqué par la pièce (« souvenir vif »). Mais
la force de l'expression tient aussi à l'utilisation du futur
(« restera ») qui ne suppose pas un lecteur
déjà acquis mais, temps de
l'inaccompli, attend de lui une démarche active. La
promesse de plaisir est ici
suspendue, non pas incertaine comme l'induirait le
conditionnel, mais bien certaine, à l'unique condition cependant
que le destinataire se mue en spectateur, statut que ne lui accorde
pour un fois pas encore le TPC puisque faisant en sorte de ne le nommer
d'aucune façon.
Dans le passage sus-cités de Palatine et de
Dégage, petit ! , l'« effet
co-spectateur » s'articule, au sein de la
même phrase, à des éléments descriptifs post
(pour le premier) ou anteposés (pour le
second, avec un effet de chute se voulant persuasif). L'exemple qui suit
montre comment la promesse de plaisir qu'implique le TPC, suit
le plus souvent, dans sa double description du spectacle et du
public, un schéma que l'on qualifiera de
binaire et dont nous indiquerons les deux temps par les
chiffes 1 et 2 :
« 1 [La Compagnie] initie les
petits aux mélodies / 2 que l'on aime à partager
entre enfants et avec les grands./1 Sur scène, nos deux
compères rivalisent de facéties, alternent avec brio chansons ou
comptines /2 reprises par la salle/ (1) et moments
instrumentaux » (David, Fleurs de peau, j. p., annexe
n° 4)
Ce schéma, dans chacune des deux phrases qui composent
l'extrait (nommées, cette fois, par les lettres a et b), commence par
une description de ce qui se passe sur scène : 1
a. «[La Compagnie] initie les petits aux mélodies » / 1b.
« Sur scène, nos deux compères rivalisent de
facéties, alternent avec brio chansons ou comptines »,
pour aboutir à la description d'un public unanime et
chaleureux, sans rupture syntaxique mais au moyen d'une proposition
subordonnée ou adjectivale : 2 a. « que l'on aime
à partager entre enfants et avec les grands »/ 2b.
« reprises par la salle ». Le TPC tend donc à
fusionner ce que Philippe Breton nomme
l'« argument de cadrage » et
l' « argument de
communauté »63(*).
Cette imbrication du descriptif et de l'émotionnel
souligne d'abord le caractère économe du
TPC : le rédacteur en effet dispose dans les plaquettes de
l'ODC d'un espace de signes réduit. Aussi, il est techniquement
avantageux de mêler intimement, par souci
d'efficacité, la description et les accroches à
caractère incitatives. D'autre part, cette combinaison permet
d'atténuer la dimension promotionnelle dont peut être
« suspectée » le lexique du sentiment (un
des éléments de la face négative du TPC) en le fusionnant
à la description ou plutôt, en mettant en texte le
sentiment (« matériau » précieux qui
est toujours au coeur d'un désir culturel) comme le
résultat naturel des éléments décrits dans le
spectacle.
Vincent évoque aussi le spectateur ressentant,
représenté comme un égal, en le portraiturant
brièvement dans l'après spectacle :
« Cette pièce nous
entraîne dans un voyage introspectif où la bêtise humaine
est tellement énorme que l'on en rit ou que
l'on en pleure, c'est selon, mais duquel on ne sort pas
intact. Ayons le courage de nous regarder dans le
miroir... » (Vincent, Lettres de
délation, t. p., p. 43).
Tous les ingrédients de l'émotion (rire,
pleurer, ne plus être « intact »), de l'effet
« co-spectateur » (« nous »), de
l'impact post spectacle (« duquel on ne sort pas ») se
retrouvent ici. Toutefois, l'impératif de la clausule, même s'il
inclut le scripteur, tend par sa nature prescriptive à atténuer
voire abolir la mise à niveau du locuteur et du destinataire. Le
thème lui-même (l'Occupation et l'ignominie de la Collaboration et
de ses délateurs), fait, de plus, de l'injonction une menace sur la face
négative du destinataire. En effet, implicitement, le locuteur fait du
lecteur qui n'aurait pas le « courage » de venir au
spectacle et de « [se] regarder dans le miroir », un
lâche qu'on peut avoir tendance à assimiler aux délateurs
mis en scène dans la pièce. Le malaise
créé par l'injonction vient, il nous semble,
fortement entamer la promesse de plaisir
suggérée dans les lignes qui précède. Cependant,
lorsqu'on connaît l'ethos de Vincent, on peut supposer que ce
côté « grain de sable », offensif voire
vindicatif, n'est pas une maladresse et que l'entorse
faite au discours promotionnel (qui cherche habituellement à
caresser son destinataire « dans le sens du poil ») a une
raison idéologique, sans doute liée au contexte politique
ornais.
Une autre technique d'écriture visant à
établir le lecteur en spectateur ressentant est usitée par les
rédacteurs de l'ODC. Plus indirecte, elle décrit les
réactions du public sans inclure le destinataire. Le spectacle
est alors la promesse d'un plaisir qu'on ne vit pas encore fictivement
mais que d'autres ont déjà connu, groupe heureux auquel
le lecteur pourra peut-être appartenir. Le plus souvent, ce sont les
expressions « le public » ou « la
salle » qui sont employées :
« Les fringants et fougueux comédiens
[...] font des grimaces et semblent s'amuser autant que leur
public. Cette vivacité et cette jeunesse sont
communicatives. » (Jacques, Les Fourberies de
Scapin, t. p., p. 37)
« Le public assiste alors,
amusé ou attendri, au récit de leurs aventures
(leur rencontre, un bal, une fameuse partie de pêche), complice
et acteur d'un spectacle qui nous plonge dans l'univers
revigorant des clowns. » (David,
Félix et Filomène, j. p., annexe n° 5).
Dans ce cas, les termes appartenant au lexique des
émotions et des sentiments ne se distinguent pas nettement des
éléments du spectacle décrits. Tout se passe comme si le
rédacteur mettaient sur le même plan le spectacle
(avec son énergie -« vivacité », ses
anecdotes -« une fameuse partie de pêche »)
et les réactions ou l'effet sur le public
(« amusé», « attendri »,
« complice ») dans un panorama descriptif englobant
la scène et la salle. On peut même, sans invoquer Brecht,
parler d'abolition de la frontière entre les comédiens et
le public lorsque les rédacteurs soulignent les
échanges voire l'unité de sentiment
entre les deux entités au moyen d'une expression
comparative : « Les [...] comédiens semblent
s'amuser autant que leur public », ou de termes
signifiant l'échange, la communion d'esprit : «
Cette vivacité et cette
jeunesse sont
communicatives », «[un public] complice et
acteur d'un spectacle qui nous plonge dans l'univers revigorant
des clowns. » Ainsi, là encore,
s'interpénètrent l'argument de type desription-cadrage et
l'argument de communauté autour de « valeurs » comme
l'amusement, la vivacité ou la jeunesse.
12. Les évaluatifs de comparaison dans les TPC
Les évaluatifs de comparaison,
remarquables par leur graduabilité, caractérisent
quantitativement et qualitativement un objet et témoignent souvent d'un
jugement de valeur implicite ou suggéré. Dans
les critiques journalistiques comme dans les TPC, ces évaluatifs
prennent souvent la forme de ce que Sophie Moirand appelle la
comparaison-référence: «Présenter un
nouveau livre, un nouveau film ou un nouveau disque dans un journal, c'est le
«distinguer» de l'ensemble des livres ou des films
qui constituent «l'univers partagé» du
critique et des lecteurs mais c'est aussi le classer dans des
sous-catégories connues ou présupposées
telles.» Ainsi c'est parfois par une
« comparaison à l'intérieur de la
catégorie »64(*) que s'énonce l'évaluation.
Sophie Moirand en propose un exemple extrait d'une critique journalistique
culturelle que l'on pourrait tout à fait lire dans un
TPC : «De cette nouvelle école, c'est de
loin, le plus achevé, le plus sympathique, le plus
ébouriffant».
Vincent use de ce type d'évaluatifs de comparaison
graduables pour, tout à la fois, présenter et mettre en valeur la
comédienne Marie-Christine Barrault et le chanteur auteur-compositeur
Renan Luce :
« [...] cette pièce offre un rôle
en or à une femme talentueuse : Marie-Christine Barrault.
Une des comédiennes les plus douées de sa
génération et dont la trajectoire depuis près de
quarante ans est un exemple pour beaucoup. »
(Vincent, Opening night, t. p., p. 10)
« Ses textes, finement écrits, sont une
succession d'histoires douces et amusantes et sont peuplés de
personnages hauts en couleur. Il y a du Brassens. Du Fersen.
Ou tout simplement du Renan Luce tant il est rare de découvrir
chez un artiste de cet âge là un univers autant affirmé et
différent de ceux que l'on côtoient
habituellement. » (Vincent, Renan Luce, t. p.,
p. 16)
Ces comparaisons-référence, qui
constituent donc une des armes favorites de l'arsenal descriptif commun aux
journalistes et aux communicants culturels, sont pratiques
(d'aucuns diraient faciles), notamment pour présenter un artiste
peu connu du grand public.
On sait en revanche qu'elles sont diversement
appréciées des artistes. La
référence, par exemple, à Georges
Brassens, pour décrire l'univers d'un jeune auteur-compositeur
français, est, certes, élogieuse. Mais elle peut
être ressentie par l'artiste comme un héritage
encombrant voire comme un étiquetage un peu
stéréotypé.
Ainsi, nous ne devons pas oublier que, du point de vue de la
réception, l'artiste est, après le public, un
destinataire second du texte et que, même si son statut de lecteur est
plus qu'incertain (surtout lorsque le texte provient d'un tout petit
« média » provincial...), il occupe une
place essentielle dans l'imaginaire du rédacteur
culturel. Ainsi la
comparaison-référence, même
élogieuse, peut être envisagée, comme
menace, sous l'angle de la théorie des faces, dans le
rapport rédacteur / artiste.
13. Quand la comparaison s'appuie sur un effet de
dévalorisation
Dans les deux cas précités, l'éloge passe
par une comparaison qui est à la fois gratifiante pour l'artiste promu
et dévalorisante (implicitement dans le premier cas,
explicitement dans le second) pour les artistes à qui on les
compare. Ainsi il est intéressant de noter que le compliment
formulé soit par un superlatif relatif (« Une des
comédiennes les plus douées de sa
génération ») soit par une
comparaison-référence méliorative (« Il y a du
Brassens. Du Fersen. ») est renforcé par un jugement plus ou
moins vindicatif à l'encontre des membres de ce que Sophie Moirand
appelle les
« sous-catégories »65(*), ici celles des
comédiennes d'expérience et des jeunes auteurs-compositeurs.
Cette « négativité » dans le
jugement ( au service, certes, d'une évaluation qui se veut
prioritairement positive) tire ces deux TPC de Vincent du
côté de la critique puisqu'elle témoigne d'une certaine
liberté de ton qui semblent les affranchir de leur vocation
promotionnelle. Notons, cependant, que l'allusion, plus ou moins
acerbe, n'est pas nominale, contrairement à ce qu'elle pourrait
être dans une critique journalistique et que la publicité recourt
également, en France, à ce type de jugement négatif
vis-à-vis d'un concurrence toujours
laissée, réglementation oblige, dans
l'indétermination et l'anonymat.
14. Evaluatif comparatif et « univers
partagé »
On trouve dans les textes de Vincent d'autres
évaluatifs de comparaison qui situent l'artiste promu dans
l' « univers partagé » du
rédacteur et du lecteur.
« C'est un immense plaisir d'accueillir cette
année l'un des plus grands pianistes du tango
argentin : Juan Carlos Caceres » (Vincent,
Juan Carlos Caceres, t. p., p. 15)
« Flavio Boltro est sans conteste l'un des
plus grands trompettistes européens actuels. »
(Vincent, Flavio Boltro & Frank Woeste, t. p., p. 12)
Il s'agit encore de superlatifs relatifs qui
expriment un point de vue positif par rapport à une catégorie
artistique (celle des pianistes de tango et celle des trompettistes
européens de jazz), cette fois, sans être doublés par un
jugement explicitement négatif à l'encontre des autres membres de
la catégorie.
Cette technique combine deux types
d' « arguments » si on l'analyse au moyen de la
classification de Philippe Breton66(*) : d'abord, l'argument dit de
« cadrage » avec à la fois la
« définition-présentation » d'une
catégorie artistique et la « dissociation »,
l'artiste promu étant extrait de l'ensemble ; ensuite,
l' « argument d'autorité » puisque cette
dissociation s'opère dans le sens d'une hiérarchisation qui
suppose un jugement émanant d'un locuteur qui tire sa
légitimité de sa
« compétence ».67(*)
Sous la plume de Jacques, l'évaluatif de comparaison
insiste sur le caractère consensuel de la réception du spectacle.
Pour cela, il recourt à un comparatif d'égalité et manie
l'implicite :
« [Neapolis Ensemble] obtient toujours
de grands succès aussi bien auprès du public que de la
critique ». (Jacques, Neapolis ensemble, t.
p., p. 14)
Ainsi l'ensemble vocal italien est présenté
comme susceptible de plaire au grand public (supposé
indifférent aux jugements de la critique culturelle journalistique)
comme au spectateur plus averti (qui, lui, suivrait son avis).
La comparaison dans les TPC peut évidemment être
construite sans le recours à une tournure comparative graduable
(comparatif de supériorité, d'infériorité ou
d'égalité). Le rapprochement entre deux artistes, deux
spectacles, deux catégories ou sous-catégories
esthétiques, peut être réalisé sur le mode de
l'allusion à un artiste-référence ou par une simple
comparaison:
« Le cuivre conquérant de cet italien de
Paris fait des étincelles dans une esthétique
« Miles Davis » sous vitamines C. »
(Vincent, Flavio Boltro & Franck Woeste, t. p., p. 12)
« Les frères Léon, comme
les petits héros de la série anglaise L'autobus à
impériale (so seventies !),
ont cette chance. » (David, L'araignée du
soir, j. p., annexe n° 10)
« Agnès Limbos, extraordinaire
comédienne souvent comparée à Raymond Devos pour son
goût des mots et de l'absurde, adapte très librement la
figure du Vilain petit canard chère à Andersen »
(David, Dégage, petit ! j. p., annexe n°3)
Dans la première de ces trois citations, les guillemets
semblent utilisées pour justifier la licence de l'emploi
adjectivé du nom propre Miles Davis, servant ici à
caractériser l' « esthétique » de Flavio
Boltro. Ainsi « Miles Davis » n'est plus seulement
un musicien mais un genre, une catégorie du jazz. De
manière plus classique, les deux autres comparaisons usent d'un outil
établissant le lien entre le comparé et le comparant . La
préposition « comme » ou la tournure adjectivale
« comparée à » permet, tout à la fois,
d'introduire une comparaison qui décrit le spectacle ou
l'artiste dont il est question (univers de l'absurde et jeux de mots
pour Limbos / Devos, gamins intrépides et bric-à-brac
favorisant l'imaginaire pour Les Frères Léon /
L'autobus à impériale) et, dans le même temps,
valorise ce spectacle ou cet artiste, si l'on suppose acquis
l' « univers partagé » entre le
rédacteur et le lecteur. Cet « univers
partagé » est affaire de connaissance mais aussi de
goût. La stratégie comporte donc un risque. En
l'occurrence, si le rapprochement entre Agnès Limbos et l'univers de
Raymond Devos (mentionné dans le dossier de presse que j'avais à
ma disposition) est peu sujet à caution en matière
d'adhésion (Devos est connu du grand public et
généralement apprécié des amateurs d'humour), j'ai
hésité à recourir à la comparaison entre Les
Frères Léon et la série anglaise L'autobus
à impériale qui m'a pourtant également
été « soufflée » par le dossier de
presse. Hésitation parce que la référence,
parlant, peut-être, à une génération restreinte de
téléspectateurs (les enfants des années 70 et du
début des années 80), pouvait ne pas être comprise
par tous. Finalement, le plaisir nostalgique du rédacteur l'a
emporté, le choix de la comparaison se justifiant aussi par la prise en
compte, peut-être erronée, du destinataire. En effet, le poster
jeune public, avant d'être éventuellement vu et lu par les enfants
et leur famille, a eu, pour premier destinataire, les enseignants du
primaire que j'ai spontanément projetés, au moment de
l'écriture, comme des gens de ma génération pouvant
apprécier la référence. Or, avec le recul, je
devine que certains (parmi les plus âgés mais aussi parmi les plus
jeunes...) n'ont pu la comprendre. Ainsi l'« argument de
communauté » peut toucher un public ciblé voire
très ciblé et ne pas s'adresser au plus grand nombre.
S'il a peu d'incidence dans une communication à portée et
à budget limités comme celle de l'ODC, on peut dire que le
choix d'une communication « communautaire »
est, cependant, toujours une prise de risque.
15. Les évaluatifs contextuels dans les TPC
Les évaluatifs contextuels sont des
termes objectifs du point de vue de la dénotation mais
qui peuvent, en contexte, devenir
appréciatifs68(*). Avant de les analyser dans les sous-parties
16 à 19, nous citons quatre fragments comportant des termes (plus ou
moins) neutres qui, en contexte, témoignent donc d'un jugement:
« Utopia, un disque
soyeux » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p.,
p. 15)
« De formation classique, [Franck Woeste]
rafle un nombre impressionnant de prix dans différents
conservatoires et concours internationaux. »
(Vincent, Flavio Boltro & Franck Woeste, t. p., p. 12)
« [Le Neapolis Ensemble] se produit dans les
cadres les plus divers : théâtres, centres culturels,
festivals, églises, avec ou sans sonorisation. Cette polyvalence fait du
Neapolis le groupe « populaire » par
excellence. » (Jacques, Neapolis Ensemble, t.
p., p. 14)
« Le cuivre conquérant
de cet italien de Paris fait des étincelles dans une
esthétique « Miles Davis » sous vitamines
C. » (Vincent, Flavio Boltro & Franck
Woeste, t. p., p. 12)
16. Le cas étrange d'un évaluatif axiologique
et contextuel
Commençons notre analyse par le commentaire d'une
occurrence atypique. L'adjectif « soyeux »
qui, presque toujours est porteur de connotations positives (une étoffe,
des cheveux, un pelage soyeux...) parce que le soyeux est une
caractéristique descriptive induisant un plaisir sensoriel, pose la
question de la frontière parfois poreuse entre évaluatif
axiologique et évaluatif contextuel. Dans le passage
cité, l'adjectif « soyeux » est intéressant
à double titre. En effet, mélioratif (donc axiologique), dans
l'expression de Vincent, il peut, plus rarement, dans un autre contexte,
être neutre lorsqu'il ne désigne que ce qui est relatif à
la soie. Ainsi, Le Petit Robert nous apprend, par exemple, qu'un
« soyeux » pouvait désigner, à Lyon, un
industriel de la soie. Dans l'usage qu'en fait le rédacteur de
l'ODC, le mot « soyeux » reste positif par
nature et serait rangé, dans la classification modale
aristotélicienne, dans la sous-catégorie axiologique de
l'hédonique. Mais c'est par un emploi
métonymique inhabituel, par une sorte de
recontextualisation qui rappelle la théorie des
correspondances rendue célèbre par Baudelaire, qu'il acquiert sa
force évaluative, devenant, serait-on tenté de dire,
« hypermélioratif». En
appliquant une sensation tactile (« soyeux »)
à un objet (« un disque ») qui,
communément, ressortit au domaine de l'auditif, le rédacteur
fait oeuvre de stylisticien, invente, surprend, en
enrichissant la palette des évaluatifs :
« soyeux » est donc ici tout à la fois un
évaluatif par nature (axiologique) et un évaluatif
contextuel puisque, c'est bien son emploi marginal,
qui lui donne toute sa richesse sémantique et
poétique.
17. L'évaluatif contextuel, une arme à double
tranchant
Contrairement à l'adjectif
« soyeux » qui trouble quelque peu la catégorisation
des évaluatifs, le deuxième extrait précité est
clairement a rangé dans la classe des évaluatifs
contextuels. Il est toutefois intéressant parce que le
jugement positif est globalement formulé de manière
indirecte (à l'exception de l'adjectif
« impressionnant » -« un nombre impressionnant de
prix », qui traduit un jugement de la part du locuteur),
comme s'il s'agissait d'un simple constat, d'une description.
Or, l'évocation des « prix » reçus par le
jazzman Franck Woeste dans les « conservatoires » et
« concours internationaux » participe bien de
l'écriture de l'éloge propre au TPC mais aussi
à la publicité ou à la critique journalistique lorsqu'elle
est positive. Ainsi se superposent l'« argument de
cadrage » avec une définition-présentation
censément objective et l' « argument
d'autorité »69(*) qui ne tient plus ici à la compétence
du locuteur mais à une compétence déléguée
à laquelle on se réfère, celle des
« conservatoires » et « concours ».
Remarquons toutefois, avec, Sophie Moirand que ce type
d'évaluation « pren[d] des valeurs différentes
qui tiennent aux conditions sociales de la
représentation»70(*). Ainsi de la même façon que l'adjectif
« didactique » peut être neutre dans le jargon de
l'enseignement, il peut, en contexte, être connoté
négativement : « Le ministre s'est lancé dans un
exposé très didactique sur les mérites de la baisse des
impôts ». Ici, les marques de
reconnaissances institutionnelles et internationales obtenues
par le jazzman peuvent être reçus par le destinataire
comme autant de signes de sa valeur (c'est l'effet recherché
par Vincent) mais peuvent peut-être, à l'inverse, pour certains
amateurs de jazz ou pour un public profane, être mal
perçus et considérés comme les marques d'un
académisme, d'un certain conformisme, d'un
« ronron » institutionnel synonyme d'ennui.
18. Petit décryptage de l'inconscient scriptorial
autour du mot « populaire »
De même l'adjectif « populaire »
dans le TPC de Jacques, est contextuellement positif. Le Neapolis Ensemble, en
raison, de son adaptabilité aux conditions matérielles de la
représentation (« théâtres, centres culturels,
églises »), serait (un peu curieusement) « le groupe
« populaire » par excellence ». Les guillemets
utilisés par le rédacteur témoignent d'une certaine
précaution dans l'emploi de l'adjectif. Non que Jacques craignent une
incompréhension du public et la lecture du terme dans son acception
évaluative strictement négative que l'on trouve, par exemple,
dans une phrase telle : « Tenues tapageuses, parler et allures
populaires, tout chez cette femme indique la poissarde ». La
précaution tient, à notre avis, plutôt, à
l'évolution historique du mot et nous semble révélateur de
ce que l'on peut appeler « l'inconscient du
texte », sorte de carrefour au centre
duquel on trouve évidemment le scripteur mais
traversé par les attentes du lecteur qu'il projette (ou
plus exactement, on le verra, des lecteurs), traversé aussi par les
aspirations et les défiances du social sous l'oeil duquel il
écrit.
Aujourd'hui l'adjectif
« populaire » a perdu son sens totalement
neutre de « relatif au peuple ». D'un point de vue
général, il s'est idéologisé et
réfère toujours à la pensée marxiste,
c'est-à-dire à l'opposition entre classes dominantes et classes
dominées (ex : soulèvement populaire, république
populaire, etc.). Appliqué à la culture, le terme peut avoir
trois acceptions, parfois contradictoires : la première, positive
mais plutôt oubliée, renvoie aux initiatives publiques
pour rendre accessible à tous la culture (multiplication
des bibliothèques, création des MJC, tarifs
préférentiels ou gratuité des musées). Les
ministres Malraux, dans les années 60, et Lang, dans les années
80, l'employaient dans ce sens. La seconde a un sens
anthropologique que l'on retrouve dans l'expression
« art populaire », l'adjectif
concurrençant fortement l'anglicisme « folklorique »
devenu aujourd'hui plutôt péjoratif. Mais
« populaire » signifie aussi, en matière de culture,
« de piètre qualité »,
« peu exigeant » voire
« racoleur ». Ce dernier sens ne peut
qu'être rejeté par la nature même du groupe vocal italien
devant se produire à Domfront. Le Neapolis Ensemble interprète,
en effet, sur scène les chants et les danses du répertoire
traditionnel napolitain (« chants, villanelles et tarentelles
nous entraînent au coeur d'une ville mythique [...] » )
qui ont peu de choses à voir avec la culture de
masse.
Il semble que la précaution induite par les guillemets
rejettent ou atténuent, plus ou moins consciemment dans l'esprit du
locuteur, certaines de ces significations et que l'adaptabilité du
groupe à tous les types de scènes soient, en quelque sorte, un
faux- semblant, une justification qui en cache d'autres
comme si l'on ne voulait pas tout dire explicitement au lecteur ou du
moins à tous les lecteurs.
Dominique Mainguenau parle de « lecteur
modèle »71(*), ce lecteur idéal que l'on projette quand on
écrit et qui diffère du « lecteur
empirique » ou effectif. Or, Jacques donne un peu
l'impression dans ce TPC de ne pas avoir trouvé son
« lecteur modèle », comme si ce qu'il
écrivait était déjà remis en cause par des lecteurs
empiriques plus ou moins bienveillants.
Tentons ici un décryptage et commençons par
admettre (soit) que le Neapolis Ensemble est « populaire »
parce qu'il peut se produire partout ; ceci posé, les guillemets
préviennent également le lecteur que
« populaire » ne veut pas dire ici vulgaire ou
racoleur . « Populaire », en
revanche, le Neapolis Ensemble l'est parce qu'il est dépositaire
d'une tradition et que le rédacteur sait qu'une certaine frange
du public n'aime pas le folklore, d'où l'usage des guillemets
comme atténuateurs sémantiques, équivalents bien
connus d'un « si l'on peut dire » ou d'un « si
vous me passez l'expression ». Enfin le groupe est aussi
« populaire »
idéologiquement parce que, comme l'écrit Jacques
à la fin de son texte, la musique qu'il propose « peut
accompagner les luttes politiques et sociales mais aussi la vie de tous les
jours pour la rendre plus légère ». Ce sens
politique, les guillemets et la justification leurre, le
mettent à distance, peut-être parce que, inconsciemment,
le rédacteur compose avec le fait que, politiquement, le
département de l'Orne (Alençon et quelques petites villes
exceptées), mais aussi les élus qui siègent au Conseil
d'administration de l'ODC sont globalement conservateurs et assez peu enclins
aux « luttes politiques et sociales »72(*).
19. Des évaluatifs contextuels qui font sens en
chaîne
La citation (déjà exploitée) de Vincent
extraite de son TPC Flavio Boltro & Franck Woeste nous
amène à considérer comment les
évaluatifs contextuels peuvent opérer en
chaîne, l'un appelant l'autre et constituant un champ lexical
qui traverse l'énoncé : « Le cuivre
conquérant de cet italien de Paris fait des
étincelles dans une esthétique « Miles
Davis » sous vitamines C. » Les qualificatifs
« conquérant » et « sous vitamine
C » peuvent, dans un autre contexte (discours d'un historien,
prescription d'un médecin), être neutres,
« conquérant » pouvant, par ailleurs, aussi bien
être dépréciatif, par exemple dans une conversation sur la
colonisation ou mélioratif dans le cas d'un texte littéraire
épique. « Conquérant »,
« sous vitamine C » sont des
évaluatifs contextuels qui interagissent, dans
l'énoncé, avec l'expression
stéréotypée « faire des
étincelles » qui, selon le Petit Robert,
signifie « réussir brillamment » et serait donc un
évaluatif axiologique positif.
Toutefois la locution verbale figée « faire
des étincelles » ne se restreint pas à cette
signification. Le rédacteur mobilise en effet
plusieurs strates de ce même signifié. Vincent y recourt
en jouant à la fois sur son sens figuré
(« réussir brillamment ») et sur son sens
propre (faire jaillir des « parcelles
incandescentes »). Ce sens propre est, dans la phrase,
appelé par la proximité du mot
« cuivre » qui, sémantiquement construit
sur une synecdoque, désigne un instrument de musique où la
lumière se réfracte et, à un second niveau, le
métal dont il est fait et que l'on travaille grâce au feu.
Ainsi les trois expressions
(« conquérant », « faire des
étincelles », « sous vitamine C »),
utilisées en synergie, génèrent une impression de
dynamisme qui décrit une qualité des artistes promus et,
implicitement, une promesse de plaisir pour le futur spectateur.
Accessoirement, rappelons que le dynamisme est une marque constitutive de
l'écriture de Vincent mais qu'elle se retrouve aussi chez d'autres
rédacteurs73(*).
20. Evaluatifs contextuels et norme cognitive du
locuteur
Les évaluatifs contextuels peuvent jouer leur
rôle de manière moins explicite, plus insinuante, sans qu'il
soient pour autant moins efficaces. On pourrait dire de concert avec Sophie
Moirand que certains mots « ne prennent une valeur
évaluative que par référence à une norme que le
locuteur possède dans sa structure cognitive (norme par rapport à
lui-même, par rapport à la catégorie de l'objet) et
à laquelle il compare implicitement ou explicitement les objets de ses
évaluations»74(*). Dans l'extrait de TPC qui suit, en gras, de
nombreuses références au nomadisme se mêlent à des
termes participant d'un éloge tacite du cosmopolitisme :
« Titi Robin est un véritable
nomade. Il est en perpétuel mouvement
tant dans sa vie que dans ses expériences artistiques. Sa musique ?
Nourrie par les esthétiques gitanes, arabes,
méditerranéennes et orientales, ces disques se veulent
universels. [...] Porté également par
l'aérien et excellent percussionniste brésilien Ze Luis
Nascimento, et par Francis Varis, fidèle compagnon de
route du guitariste angevin, cette formation nous
emmène dans une atmosphère de
transe au pays imaginaire et sans
frontières de Thierry « Titi »
Robin. » (Vincent, Thierry «Titi» Robin, t.
p., p. 11)
La « norme » que Vincent
« possède dans sa structure cognitive » correspond
clairement à l'idée que la culture ne peut se concevoir que dans
l'ouverture à l'autre, le brassage de toutes les différences et
richesses musicales. Cette vision universaliste de la
culture est implicitement comparée et opposée à
une conception plus étroite, soit franco-française soit
régionaliste du culturel, comme c'était majoritairement le cas
à la création de l'ODC. Ici, la présence de nombreux
termes allant dans le sens du métissage culturel n'apparaît, en
raison même de leur abondance, pas fortuite, inconsciente. Au point
que l'on peut se demander si la description ne dépasse pas la
seule promotion, particulière, du spectacle de Titi Robin mais
s'érige, comme le ferait un journaliste dans une critique culturelle, en
une sorte de plaidoyer, général, en faveur d'une musique aux
influences multiples. Ainsi, pour conclure dans les termes
employés par Philippe Breton, le « cadrage », la
description sans jugement explicite, vise en fait à
toucher le destinataire sur la base de
« valeurs »75(*) humanistes partagées par le locuteur et ses
lecteurs ; ces derniers étant projetés
implicitement par le discours, sans adresse directe ni prescription, comme
adhérant nécessairement à la programmation universaliste
de l'ODC.
21. La « neutralité
méliorative » ou l'influence tacite du discours promotionnel
sur la description
Sophie Moirand remarque, notamment à travers l'analyse
d'extraits de catalogues de tourisme que «certains termes
évaluatifs (appréciations positives) contaminent les termes
«neutres» (expressions descriptives) lorsque la visée
communicative sous-jacente consiste à valoriser le produit qu'on
propose»76(*). Dans le TPC qui suit, à nette dominante
descriptive, les cinq évaluatifs axiologiques
(soulignés) sont minoritaires. Toutefois les
termes neutres (uniquement en gras) subissent bien leur
influence ainsi que celle de l'objet culturel
décrit (la culture et les femmes cambodgiennes ou plus
largement asiatiques). Ce dernier opère en tant que
« représentation supposée
partagée » par le locuteur et son lecteur
projeté ou « modèle » :
« Egalement ouvert sur la
modernité, le Cabaret des Oiseaux propose un spectacle
où évoluent les principaux personnages du panthéon
mythologique et chorégraphique khmer : prince
séducteur, princesses séduites, sage ermite, monstres
gigantesques et démoniaques, tous incarnés par
six danseuses, au moyen d'un vocabulaire
gestuel, gracieux et
évocateur, de 3500 expressions.
Jambes à demi fléchies comme pour puiser
la force du sol, doigts tendus, parées
de soies précieuses, de bracelets aux formes
serpentines et de casques dorés, ces
héritières des envoûtantes danseuses
apsaras (représentées sur les bas-reliefs du
temple d'Angkor) fascinent les spectateurs
occidentaux tant par leur étrangeté mystique que
par la beauté des chorégraphies.»
(David, L'Epopée du prince Preah Chenvong, t. p., p. 13 -
annexe n° 20)
Constatons d'abord, avant de nous intéresser à
l'influence de l'évaluation sur la description que la mise en avant de
la « modernité » (terme a priori neutre
mais certainement plus fréquemment positif) a pour but de
prévenir le préjugé négatif pouvant être
attaché à un spectacle perçu, à l'instar de celui
du Neapolis Ensemble, comme folklorique.
La description des danseuses, de leurs postures, de leurs
parures, l'évocation de l'origine sacrée de ces
chorégraphies, le thème de la séduction, du merveilleux et
la représentation du spectateur occidental
« fasciné » composent un cocktail descriptif
où s'allient, étrangeté, érotisme doux et
mysticité. Ainsi si cinq termes évaluatifs sont présents
dans le texte, (mais de manière plus concentrée dans sa
clausule), on peut se demander si la simple description, un peu datée,
de la mystérieuse Asie (on pense un peu à la découverte
par le grand public des civilisations exotiques avec les premières
Expositions universelles du XIXe siècle) ne suffirait pas à
promouvoir le spectacle. On acquiescera ainsi aux propos de Sophie Moirand
lorsqu'elle écrit que «choisir de désigner
un objet, choisir de caractériser une personne
par tel mot plutôt que par un autre constitue
déjà une forme d'évaluation». On
souscrira aussi à la pertinence de ses commentaires lorsqu'elle affirme
que ««mettre en texte» un objet, une personne,
ce qui se passe dans la réalité, implique une
activité de perception, et donc d'interprétation. En
quelque sorte, il y aurait toujours une évaluation
implicite, puisqu'il s'agit d'une «représentation»
verbale que le locuteur donne à l'autre»77(*).
Notre TPC sur le spectacle de la Cie Cabaret des oiseaux
(comme celui de Vincent sur Thierry « Titi » Robin
étudié dans la sous-partie n°20), parce qu'il
mêle évaluation explicite et évaluation
implicite, nous semble à la frontière entre ce que nous
avons appelé modalisation méliorative et modalisation
persuasive. C'est cette dernière que l'on va
maintenant définir à l'ouverture de la troisième partie de
ce mémoire qui lui sera consacrée.
III La modalisation persuasive ou la tentation de la littérature
|
1. Pour une définition de la modalisation
persuasive
Le TPC, par nature promotionnel, contient, on l'a vu, le plus
souvent, des termes appréciatifs positifs. Cependant la modalisation
méliorative peut être aussi mesurée voire
absente. Ceci pour ne pas lasser et afin que le
domaine culturel se démarque clairement de l'univers commercial
et des stratégies incitatives employées par le discours du
marketing. Sophie Moirand explique que le positionnement ou l'effacement du
scripteur participe de stratégies de communication78(*). Or, si la disparition des
marques ostensibles du discours promotionnel caractérise certains TPC,
il n'en reste pas moins que la fin, pragmatique, reste la
même et que d'autres stratégies,
sous-jacentes, sont développées pour inciter les gens
à se rendre au spectacle ou à l'exposition. Dans ces textes, les
indices de la position de l'énonciateur face à son discours,
à l'objet de son discours, à son destinataire, sont certes
peu voyants mais cet apparent
«effacement » de la modalisation (en fait jamais tout
à fait possible) est bel et bien une stratégie. Il
regarde pleinement le rapport entre scripteur, énoncé et
lectorat et donc la question de la modalisation.
Ainsi la modalisation persuasive peut-elle
être définie comme une tentative de séduction
à travers une écriture qui rejette les marques trop directes du
discours promotionnel (apostrophe, injonction, présence exclusive de
termes axiologiques) au profit d'une rédaction inspirée par le
modèle littéraire, recourant volontiers (comme c'est le
cas dans l'extrait de TPC promouvant le spectacle de danse cambodgienne
analysé plus haut), à la description, aux jeux de mots et
de rythmes ou utilisant, ainsi qu'on le verra, des formes
narratives parfois proches ou inspirées du
modèle littéraire romanesque.
Le TPC recourant à la modalisation persuasive
continue d'informer (le docere de la
rhétorique classique demeure donc) mais déporte la notion
de plaisir (le placere). Le texte ne contient
pas seulement (voire plus du tout) une promesse de
plaisir, il cherche lui-même à une être un
objet plaisant. On pourrait alors arguer que la manifestation
culturelle n'est plus que prétexte à exercice de style. Or, ce
type de technique incitative où le style mais aussi l'emprunt à
des formes littéraires, les mots d'esprit, les clins d'oeil, sont
nombreux, continue, à notre avis, d'être
efficace d'un point de vue promotionnel. Tout se passe alors comme si
le TPC oeuvrait indirectement à la promotion du spectacle. Cette
promotion indirecte pourrait être résumée,
grossièrement, par une formule cliché empruntée
(justement !) au discours promotionnel : « vous
avez aimé le TPC, alors vous aimerez le spectacle qu'il
promeut. » On peut aussi user pour définir ce type de
technique d'une métaphore : la modalisation
persuasive fonctionnerait un peu à la manière d'une
bande annonce au cinéma qui
prélève des fragments du film promu mais
constitue un objet de discours à part entière.
Un film sur le film qui n'est pas à proprement parler
un résumé et tient même parfois un propos
assez différent de celui dont il doit faire la promotion.
2. Le TPC ou la persuasion par la connivence culturelle
Dans certains textes des Saisons 2007-08, on trouve des
références culturelles qui n'ont pas,
contrairement aux cas étudiés dans notre partie sur la
modalisation méliorative, pour principale fonction de
caractériser le spectacle79(*) mais servent surtout à
instituer un certain degré de connivence entre le
locuteur et le destinataire. Or, c'est de ce même territoire
commun dont a besoin le discours littéraire
pour qu'un échange puisse exister.
Ces références qui reposent sur un
univers partagé que l'on pourrait appeler le
culturel, tentent de mettre sur un pied
d'égalité scripteur et lecteur autour d'un point de
connaissance. Le « culturel », dans les TPC, peut
être spécifique au champ artistique ; il est
aussi à entendre, dans un sens plus large, et peut renvoyer à ce
que l'on a coutume d'appeler la culture
générale.
Il peut s'agir, comme dans la phrase qui suit (par ailleurs
peu marquée par des effets littéraires), de supposer connu le
succès d'un film tiré d'une oeuvre littéraire qui,
elle-même, a marqué l'univers culturel :
« Ce livre a d'ailleurs donné naissance
au film de Polanski avec le succès que l'on
sait ». (Martine, Le Pianiste, t. p., p. 9)
C'est en pariant sur la dynamique, connue par le
destinataire, d'un succès en chaîne que Martine cherche,
indirectement, à promouvoir le concert de musique classique que ces deux
précédents avatars ont inspiré. « Vous comme moi
savons que Le Pianiste et ses adaptations constituent des oeuvres
fortes » semble ainsi écrire la directrice de l'ODC. Et l'on
pourrait prolonger le décodage de l'implicite,
c'est-à-dire des interstices où se loge le discours
littéraire (et parfois le discours publicitaire), en
prêtant à sa conscience ces mots : « Je n'ai donc
pas besoin de déployer l'habituel éventail du discours
promotionnel pour vous enjoindre de vous rendre au concert. »
3. TPC et allusions intertextuelles
La connivence culturelle sur laquelle repose
la modalisation persuasive se manifeste parfois à travers des
allusions intertextuelles. C'est le cas dans le TPC que j'ai
écrit sur le spectacle jeune public La berce oreille:
« Dans neuf mois, HomHom va être
papa ! Heureux et bouleversé, son enfance remonte à la
surface et charrie avec elle, vaguement, imparfaitement, la chanson
douce que lui chantait sa maman... Mais comment s'en souvenir
vraiment ? » (David, La berce oreille, j.p.,
annexe n° 6)
Le clin d'oeil à la célèbre chanson
d'Henri Salvador est ici transparent. La citation, tellement connue qu'elle n'a
pas besoin des guillemets pour être identifiée comme telle, fait
partie d'un patrimoine culturel collectif. Elle s'est
imposée à moi comme une référence incontournable,
cette petite pièce ayant en effet pour thème le voyage autour du
monde d'un homme en quête de la chanson qui a bercé sa petite
enfance. La référence m'est même apparue comme une sorte
d'inconscient sur lequel aurait été bâti le
spectacle (même si la citation n'apparaissait pas dans le
dossier de presse mis à ma disposition). J'ai, par l'écriture,
réalisé une opération que Dominique Mainguenau
désigne, en des termes simples, comme le fait de mettre
«des énoncés sur d'autres
énoncés». L'objectif est, selon lui,
d'«accrocher le lecteur en faisant percevoir deux
énoncés en un, tout en mettant en
évidence un ethos ludique»80(*). Effectivement, même si
le texte est emprunt d'émotion (« heureux »,
« bouleversé »), de nostalgie voire d'un vocabulaire
d'inspiration psychanalytique (« son enfance remonte à la
surface et charrie [...] »), la citation de la chanson d'Henri
Salvador, sans guillemets, est bien ludique, apparaît comme un
jeu de connivence entre le scripteur et son lecteur, un
clin d'oeil complice et amusé qui vise à
séduire. Implicitement, la référence semble
vouloir dire au destinataire : « ces mots ne sont pas les miens,
vous le savez, et vous les avez sans peine reconnus puisqu'ils sont aujourd'hui
à tous ».
D'autres allusions intertextuelles provenant du
discours littéraire, moins connues, moins
fédératrices mais toujours formulées avec l'esprit ludique
dont parle Mainguenau, sont utilisées par le rédacteur. D'abord
parce qu'elles sont des formules toutes faites
(préfabriquées mais de qualité), commodes
car permettant parfois de surmonter une difficulté de
formulation. Convoquées aussi parce qu'elles sonnent bien
à l'oreille, ces allusions intertextuelles apportent à
celui qui les emprunte (sachant qu'elles toucheront sûrement
moins de lecteurs) une sorte de petit plaisir personnel ou
partagé avec un petit nombre. L'ethos ludique repose
alors non sur le fait de mettre « un énoncé sur un
autre énoncé » mais plutôt de dissimuler
un énoncé derrière un autre et d'en laisser la
décryptage à la sagacité du destinataire. C'est
ainsi, par exemple, qu'on retrouve dans la phrase « Quelle bande de
joyeux garnements n'a pas rêvé d'avoir rien que pour elle un vieux
hangar tout plein de
vieilleries ? », extraite de mon TPC sur
L'araignée du soir (annexe n° 10), un emprunt
plus ou moins discret, au célèbre vers du poème d'Arthur
Rimbaud, Le Buffet : « Tout plein, c'est un
fouillis de vieilles vieilleries, / De linges odorants
[...] ».
4. Un cas de connivence culturelle qui repose sur la
connaissance du monde contemporain
Jacques, dans son TPC sur Giordano Bruno, joue
sensiblement de la même connivence culturelle. Toutefois, la
supposée conjonction de point de vue entre scripteur et lecteur fait ici
l'économie d'un pronom. L'objectif est d'insister sur la
contemporanéité de la pièce promue (et donc de son
intérêt) en faisant allusion, de manière
implicite et peu précise, non au domaine artistique mais
à certains aspects de la situation politique
mondiale :
«En ce début de
millénaire, plus de quatre siècles après
la mort de Giordano Bruno (1548-1600), face à toutes les
dérives de ce nouveau siècle, il n'est pas inutile de se
pencher sur la vie de cet homme hors du commun. Quand débute notre
pièce, nous sommes en 1599, Giordano Bruno est enfermé depuis six
ans dans la forteresse Saint-Ange, sur les bords du Tibre, à
Rome ». (Jacques, Giordano Bruno, t. p., p. 38)
Ici, nous pensons que Jacques cherche habilement à ce
que son lecteur fasse le lien entre l'intolérance religieuse dont a
été victime l'humaniste Giordano Bruno au XVI ème
siècle et celles dont, par exemple, peuvent être victimes
aujourd'hui les religieux modérés ou les libres penseurs face aux
fanatismes, notamment islamiques. Cependant, le clin d'oeil culturel
n'étant pas appuyé, l'émetteur laisse
à son lecteur une grande liberté
d'interprétation. L'allusion, aux accents quelque peu
teintés de « déclinologie » (« face
à toutes les dérives de ce nouveau siècle »),
offre au destinataire la possibilité de choisir parmi les vertus
cardinales que l'on prête au grand homme (le courage, la bonté, le
don de soi, le combat pour la vérité et contre l'obscurantisme,
etc.) et dont notre époque (les années 2000) se serait
détournée. L'indétermination, outre qu'elle permet au
scripteur de préserver sa face positive en ne désignant pas, dans
un contexte polémique, d'ennemis précis, d'anti-Bruno moderne,
inscrit bien l'extrait dans la modalisation persuasive : elle suppose en
effet un lecteur complice et actif qui ne fait pas
qu'ingérer, que consommer de l'information. Celui-ci doit
décrypter l'implicite, se faire une idée
du spectacle en mobilisant ses connaissances. Schématiquement,
on pourrait dire que contrairement à ce qui se passe avec les
modalisations prescriptives et mélioratives, le destinataire
développe, lorsque la modalisation persuasive est dominante, de
véritables compétences de lecteur, son attention étant
sollicitée par des contenus et des formes qui dépassent
l'informatif et impliquent, à l'instar de la lecture littéraire,
une lecture fine, « entre les lignes », en
deçà ou au delà du texte.
5. Connivence culturelle, autobiographie nostalgique et
esthétique de la pointe: un fragment de TPC à l'écriture
très littéraire
Un autre TPC de Jacques s'appuie sur un effet de connivence
culturel et montre bien comment l'écriture promotionnelle peut
puiser aux ressources de l'écriture littéraire.
Recourant au « nous », le texte adopte un registre
nostalgique. Il apparaît aussi subrepticement comme un
fragment autobiographique, l'ensemble convergeant vers un
effet de chute, une esthétique de la pointe sous la
forme d'un jeu de mots.
« Bobet, Robic, Coppi, Anquetil,
Pélissier, Hassenforder, Merckx nous rappellent
sobrement que le Tour était alors uniquement dépassement de soi.
Ils étaient comme nos grands frères modèles et
notre jeunesse, avec eux, s'est
envolée. Au sommet du Ventoux ? » (Jacques,
La Victoire à Ventoux, t. p., p. 42)
On trouve, condensés dans ces trois lignes, un
maximum d'effets littéraires qui font du TPC de Jacques
un objet plaisant pour lui-même et qui, par
ricochet, doivent rendre attrayant le spectacle
promu. La longue énumération (sept noms) des grands
champions du cyclisme des années 60 et 70, introduit le thème de
la nostalgie et participe de l'écriture du souvenir,
d'inspiration proustienne, comme si le simple fait de les
invoquer, avec leurs sonorités variées,
«douces » (Pélissier, Bobet, Coppi),
« martiales » (Hassenforder) ou
« coupantes » (Robic, Anquetil, Merckx), permettait
de les faire remonter à la surface de la mémoire81(*).
La connivence culturelle passe, on l'a dit, par l'emploi du
« nous », qui induit un univers supposé
partagé. Cet univers est celui du cyclisme professionnel contemporain
que l'on oppose à celui des années 60-70. Comme dans le TPC sur
Giordano Bruno, Jacques crée cette connivence au moyen d'un
sous-entendu : « le Tour était alors
uniquement dépassement de soi. » Entre les lignes, on devine
une allusion au dopage (qui pourtant existait déjà à
l'époque présentée par le rédacteur comme
l'âge d'or du cyclisme...) voire aux enjeux financiers, beaucoup plus
importants aujourd'hui.
La connivence culturelle se prolonge ensuite par une
étonnante confidence aux accents autobiographiques et
mélancoliques : « Ils étaient comme nos
grands frères modèles et notre jeunesse, avec eux, s'est
envolée. » Le TPC dévoile joliment une part
intime de l'ethos du scripteur et s'écarte ostensiblement de
l'écriture promotionnelle. Jacques s'inscrit dans son texte en
homme d'âge mûr, parle de sa jeunesse et des modèles que
constituaient pour l'adolescent d'alors les grands champions cyclistes. Il
évoque par là-même le passage du temps et le vieillissement
(« notre jeunesse, avec eux, s'est envolée »).
Pourtant, bien que très littéraire, ce
fragment de TPC fonctionne pleinement, à notre avis, d'un point de vue
promotionnel. L'évocation de la jeunesse d'une
génération désignée par le
« nous » (« nos »,
« notre ») pourrait être excluante, rejetée
par des lecteurs plus jeunes. Or, ce ton très personnel et
sensible, inattendu dans un TPC, soulève chez
le lecteur une forme d'empathie qui dépasse le clivage
générationnel et permet même une
identification. Ainsi séduit, une bonne part du
lectorat peut se sentir dans la situation d'un potentiel spectateur.
La tournure verbale « s'est
envolée » est décisive dans l'écriture de ce
fragment. Elle constitue un jeu de mots qui établit un
double parallèle autour de l'idée d'envol et
d'ascension. Parallèle d'abord, entre la jeunesse
révolue du scripteur et l'effacement des noms de ces grands champions
sur la scène de l'actualité sportive - le thème de
l'ascension pris dans une perspective chrétienne étant
renforcé par le fait que nombre de ces champions sont aujourd'hui
décédés. Parallèle ensuite, qui repose sur une
métaphore répandue dans le discours des commentateurs
cyclistes : « s'envoler », c'est, pour un grimpeur,
mettre à distance ses adversaires, faire la différence dans
l'ascension d'un sommet. Ainsi la jeunesse se serait envolée
telle un grimpeur.
Finalement, la mélancolie qui sourd de
l'évocation nostalgique est désamorcée grâce
à la clausule nominale : « Au sommet du
Ventoux ? ». La malice reprend le dessus et la
jeunesse n'apparaît plus comme définitivement perdue mais comme
protégée par un territoire mythologisé de l'enfance :
le sommet du Ventoux. Cette dernière phrase,
brève, interrogative, clôt très habilement une
écriture personnelle tout en renouant le fil de l'écriture
promotionnelle. En effet, cette « pointe », comme
on disait aux XVII et XVIII ème siècles (dite aussi, plus
savamment, apothèse), ferme le texte par un
écho ingénieux au titre de la
pièce « La Victoire à Ventoux ». La pointe,
qui découle, sans rupture, de l'évocation nostalgique
opère comme un clin d'oeil au titre, c'est-à-dire au spectacle
à promouvoir, objet premier du texte. La chute rappelle aussi (en creux,
c'est-à-dire avec la délicatesse de ne pas le reprendre) le jeu
de mots que le titre recèle : la victoire avant tout82(*).
6. Quand le TPC fait entendre sa petite musique
Des jeux de rythme et de sonorités,
qui constituent une partie de la matière du texte littéraire,
sont repérables dans les TPC. Notons toutefois,
d'emblée, que cet aspect musical n'est pas seulement le propre du
discours littéraire et que, depuis son origine, le
discours publicitaire utilise ces mêmes ressorts,
très efficaces pour s'imposer à la conscience des consommateurs
et permettre leur mémorisation : songeons, par exemple, à
tous les slogans qui se servent de la rime et de l'assonance,
(« Barilla. Et l'Italie est là », « Y'a
pas d'erreur, c'est Lesieur), de l'allitération
(« Monster Munch
mieux vaut tous les manger ») ou
d'une combinaison des deux (« Vittel, la vitalité est en
elle »).
Comme nous venons de le voir dans l'étude du texte de
Jacques sur La Victoire à Ventoux, le genre du TPC recherche
souvent un effet de chute, lequel est souvent souligné par un jeu sonore
ou rythmique. Sylvie Durrer, dans son article paru dans Semen 13 sur
le genre du billet journalistique83(*), affirme que le soin accordé à la chute
en est une des caractéristiques. A l'appui de sa démonstration,
elle cite cette définition qu'elle emprunte à Bernard Dupriez
dans Le Gradus (Les Procédés
littéraires)84(*) :
« Comme les anciens, quelques modernes ont des finales de phrases ou
d'alinéa, un soin particulier. Loin de laisser la pensée
s'achever conventionnellement, ils en soulignent quelque trait par
métaphore ou paradoxe et font sentir l'achèvement de l'ensemble
par un rythme à part».
La très courte phrase nominale « Au sommet du
Ventoux ? » est remarquable parce qu'elle ferme un texte
composé de cinq phrases longues. Plus que son rythme binaire, c'est ce
passage du court au long ainsi que le mode
interrogatif (avec l'intonation montante qu'il induit) qui
« font sentir » ici « l'achèvement
de la pensée ». Sémantiquement, la question
est, nous l'avons dit, une allusion fine au titre de la pièce et
correspond à ce que Dupriez appelle un « trait » ou
trait d'esprit.
Le plus souvent, les clausules ne constituent pas, comme dans
le TPC de Jacques, une phrase à part entière et ne se
détachent donc pas clairement au moyen de la ponctuation. D'un point de
vue général, il existe deux types de clausules rythmiques dans
les TPC. Nous nous limiterons, pour le premier cas de figure, à un seul
exemple. Cet effet «achèvement de la pensée » est
donc parfois produit par un rythme ternaire venant conclure
une longue phrase que les stylisticiens appelle traditionnellement
période:
« Et très vite, la vie de la maison danse
en aparté sous les yeux du spectateur, lui révèle ce que
seul il est censé entendre : l'existence autour de lui /
d'un territoire merveilleux / qu'il ne soupçonnait
pas » (David, En
aparté, t. p., p. 34, annexe n° 22)
On peut constater, même si l'effet réalisé
par le rédacteur est sans doute plus intuitif que calculé, que
chacun des membres de la clausule compte 6 ou 7 syllabes. Ainsi le
« trait » (l'idée que l'inconnu
réside au coeur du connu) est comme rehaussé par la
matière mélodique du langage.
Les TPC peuvent s'achever sur un rythme binaire,
suivant peut-être en cela une tendance forte du discours
télévisuel. Cette chute binaire, certainement
enseignée dans les écoles de journalisme, est devenue, par
exemple, l'une des marques de fabrique de l'information et des magazines de la
chaîne M6 (Zone interdite, Capital). A l'oral, elle se
caractérise par un court silence (pouvant agacer...) qui souligne la
chute (ex : « des produits ... [pause courte] pas toujours
/ de qualité ». A l'écrit, dans les TPC, ce
soulignement de la clausule est moins marqué ; d'abord car la
virgule qui peut précéder la chute n'est pas
nécessairement prise en compte par le destinataire ; ensuite parce
que, même observée, la pause textuelle induite par la ponctuation
n'équivaut jamais, en durée, au silence oratoire appuyé
qui caractérise la mise en valeur de l'apothèse
télévisuelle.
Cependant, même moins ostentatoire, le rythme
binaire final joue son rôle de soulignement dans de nombreux
TPC. Dans les deux exemples qui suivent, la clausule à rythme
binaire apporte thématiquement un jugement d'ordre
général sur le spectacle (« sans didactisme /
ni complaisance ») ou sur l'artiste (« cet
artiste / enthousiaste / et généreux »):
« Un spectacle à la croisée des
arts, époustouflant de vitalité, qui propose à destination
du jeune public une véritable réflexion sur la violence, / sans
didactisme / ni complaisance ». (David, Le Garçon aux
Sabots, t.p., p. 46, annexe n° 23)
«[...] un moment exceptionnel pour cet
artiste / enthousiaste / et généreux .»
(Vincent, Rouda, t. p., p. 8)
Ainsi rythme et
généralité du propos concourent
concomitamment à signifier au destinataire le caractère
conclusif, achevé, de la pensée.
Cependant les jeux rythmiques et sonores, même s'ils
nous semblent plus nombreux dans les chutes, sont présents
ailleurs dans les TPC.
On trouve par exemple dans le texte promouvant le spectacle de
danse contemporaine « Même pas seul » une
écriture syncopée, hachée, faite de très
courts segments qui peuvent rappeler l'écriture si
caractéristique de Marguerite Duras :
« Ils vivent là / dans un F2, /
tout près de la mer. / Mais c'est pas les vacances ,/ non. / C'est
leur vie à eux, / ici, / depuis longtemps , / sans enfants, / sans
même un chien. » (David, Même pas seul, t.
p., p. 23 , annexe n° 24)
Ailleurs, avec le recul, je m'aperçois qu'un
effet d'allitération très marqué se
déploie dans un de mes textes :
« Et l'on est tout à la fois admiratif et
pris de vertige en voyant avec quel talent (et quelle
patience !) la
sculptrice
« recycle » les
résidus de
l'hyperconsommation,
standardisés et ignobles, en oeuvres
d'art singulière :
[...] » (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4 ,
annexe n° 19)
Paradoxalement, la série d'allitération en [s] ,
manifeste et complétée par quelques [z], nous semble tout
à la fois inconsciente (je ne l'ai pas réalisée sciemment)
et motivée, du moins explicable. En effet, c'est parce que
le rédacteur a remis sur le métier de nombreuses fois la
formulation pour qu'elle sonne bien à son oreille que
l'allitération a surgi, née en partie de
l'instinct, du travail, de
l'association fortuite des mots et des sons, mais aussi d'une
musique un peu indistincte qu'il peut avoir en tête au moment
où il écrit.
On trouve chez Jacques, par exemple, une allitération,
plus réduite, qui, sûrement, ne doit rien au hasard:
« Les fringants et fougueux
comédiens [...] » (Jacques, Les Fourberies de Scapin,
t. p., p. ). L'allitération interpelle ici car elle a quelque chose
d'imitatif (on peut penser au bruit du vent) qui s'accorde
pleinement avec l'axe thématique choisi par le rédacteur,
à savoir l'énergie, la vivacité de la jeune troupe.
D'autres jeux sonores comme cette assonance
en [?] dans le TPC sur l'exposition du sculpteur Denis Monfleur sont des
choix stylistiques délibérés qui visent
à séduire, à charmer l'oreille mais aussi
à asseoir, comme si les sons avaient à faire
avec la logique, une idée, une jugement :
« Du corps à corps épuisant que
livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle qui semble animer
son humanité de pierre, partagée entre
souffrance et élan,
abattement et
Espérance. » (David, Denis
Monfleur, t. p., p. 50, annexe n° 18)
L'anaphore est aussi employée, par
exemple, comme dans la citation qui suit, dans le cadre d'une
description-énumération catégorielle de la
pièce ; la répétition se trouvant, de plus
amplifiée, par un rythme binaire:
« Entre récits
du quotidien / et imaginaire collectif, entre contes
fantastiques / et légendes urbaines, / Cité Babel raconte les
habitants de la Lionderie face à leur destin
commun [...]» (Vincent, Cité Babel, t. p., p.
49)
Enfin le rédacteur peut jouer sur le seul
signifiant sonore. C'est le cas du cri de ralliement
étrange et poétique, extrait du spectacle
« Là-haut la lune », dont je me suis servi pour
l'ouverture de mon TPC (« « Ohaoy,
pitchipitchipoy ! » C'est le mot de passe qui retentit
dans la forêt » - David, Là-haut la
lune, j. p., annexe n° 9). De la même
façon, le spectacle musical Toc-toque (et son titre même)
m'a inspiré la série d'onomatopées
censée transcrire la musique, les rythmes joués par des
ustensiles de cuisine :
« Une table de cuisine dans la pénombre.
Des ustensiles sont posés là, en attente de mains. Mais rien. Le
coeur de la maison dort, livré à l'inertie des choses. Mais
soudain : bing ! zing ! TOC ! tout un
monde de cuillères et de faitouts s'anime, sous l'action de deux
manipulateurs-musiciens invisibles et géniaux. [...] (David,
Toc-toque, régal musical pour les enfants, j. p., annexe n°
16)
Ainsi, différents moyens sont utilisés par les
rédacteurs pour introduire dans les TPC un matériau
mélodique qui fait que ces textes vont parfois,
au-delà de la simple information, et tentent de
promouvoir par des effets de persuasion de type auditif,
même s'ils n'ont pas pour fonction d'être oralisés.
Précisons, par souci de rigueur intellectuelle et non
pour nous en glorifier, que ce balayage rapide de la matière
phonique du langage dans les TPC de l'ODC des Saisons 2007-08, semble
révéler qu'elle est plus
« travaillée » par le stagiaire que par les
autres rédacteurs. Ceci, d'abord, par goût
personnel, même si Jacques et Martine ont aussi une
« formation en », un « goût
pour », ou une pratique de la littérature. Plus
sûrement, c'est parce que j'étais beaucoup moins
occupé qu'eux, plus motivé aussi parce qu'en
situation de devoir faire mes preuves, que j'ai davantage
joué sur les rythmes et les sons et que, d'une manière
générale, j'ai pu
« ciseler » mes textes.
7. Des TPC où sont convoqués humour et
calembours
La modalisation persuasive dans les TPC passe souvent par ce
que la rhétorique traditionnelle nomme la saillie ou le
trait d'esprit. Ce mode de séduction prend la plupart
du temps une coloration humoristique. Il suppose un
ethos ludique commun au scripteur et au lecteur.
L'usage de l'humour est, en terme de communication, toujours une prise
de risque, une mise en danger (certes
relative) de la face positive du locuteur85(*). En effet, rien de pire
lorsqu'on cherche à séduire par le discours qu'un mauvais jeu de
mots, qu'une « blague » qui, comme on le dit
familièrement, « tombe à plat ».
Souvent présent, on l'a vu, dans la clausule - parce
que celle-ci doit marquer le lecteur et opère donc comme une sorte de
« concentré » de séduction, le trait
humoristique se retrouve aussi, au coeur du texte, au
détour d'une phrase. Il peut même être un angle
d'écriture qui structure tout un texte dans un
enchaînement burlesque de jeux de mots. C'est le cas dans le TPC suivant
que je cite intégralement :
« Le moins que l'on puisse dire, c'est que la
Cie Ernest le dromadaire a (en plus de sa
bosse) la musique dans la peau ! Et pas
chameau, elle nous l'offre en bouquet avec ce
Fleurs de peau qui initie les petits aux mélodies et aux
rythmes que l'on aime à partager entre enfants et avec les grands. Sur
scène, nos deux compères rivalisent de facéties, alternent
avec brio chansons ou comptines reprises par la salle et moments instrumentaux.
Une guitare, une clarinette mais aussi des instruments plus inattendus
composent l'arsenal de ces éducateurs hors pair. Ernest le
dromadaire, c'est sûr, sait transmettre la bosse de la
musique ! » (David, Fleurs de peau, j.
p., annexe n° 4)
Cumulée à une formulation dynamique (faite de
phrases nominales et d'une ponctuation expressive) et à un
ethos décontracté (le niveau de langue est
essentiellement familier), une série de jeux de mots
(plus ou moins heureux...) traversent le texte pour en former, en quelque
sorte, l'épine dorsale. Ces jeux de mots
découlent tous du nom de la compagnie
« Ernest le dromadaire » et du titre du
spectacle Fleurs de peau. Ainsi le signifié Ernest le
Dromadaire fait surgir des expressions figées
(parfois détournées : « avoir la bosse des
mathématiques) que l'on s'amuse à employer
systématiquement, comme une série de clins d'oeil :
« Pas chameau » / « transmettre la bosse de la
musique » - cette dernière expression étant
préparée, dès la première ligne, par la
parenthèse « La Cie Ernest le dromadaire a (en plus de sa
bosse) la musique dans la peau ». Le signifié Fleurs de
peau (lui-même initialement jeu de mots déformant le
signifié « fleurs en pot »), appelle, quant à
lui, le cliché « avoir la musique dans la peau » et
l'expression « offrir en bouquet ».
D'un point de vue pratique, ce type d'écriture,
consistant en une variation humoristique sur le titre et le nom de la
troupe, est un recours commode lorsque la
matière (contenu du spectacle en lui-même ou du dossier
de presse) est un peu pauvre. Ainsi, ne sachant que peu de
choses sur Fleurs de Peau, j'ai comblé ce
manque informatif en maximalisant la modalisation persuasive sous la forme de
jeux de mots.
Cependant, l'humour qui consiste à proposer une
variation amusante sur le titre n'est pas toujours une
béquille voire un pis-aller. Ce peut être un
véritable choix d'écriture,
dicté généralement par le propos
même du spectacle. C'est ainsi, par exemple, que j'ai
désigné le héros du spectacle pour enfant Le Petit
bonhomme à modeler (David, Le Petit bonhomme à
modeler, j. p., annexe n° 8) par l'expression
« notre petit héros à la gomme » jouant sur
le sens littéral du mot « gomme » et sur le sens
figuré de l'expression populaire « à la
gomme », le personnage éponyme étant, au début
(suivant en cela un des principaux archétypes du spectacle jeune
public), un individu de peu de chose (physiquement comme psychologiquement) qui
s'avère finalement d'une grande richesse.
Certains jeux de mots sont à
double entente. Ils peuvent être utilisés en
filigrane et adressés au passage, comme glissés
au lecteur attentif. C'est le cas dans ce TPC jeune public :
« Agnès Limbos, extraordinaire
comédienne souvent comparée à Raymond Devos pour son
goût des mots et de l'absurde, adapte très librement la figure du
Vilain petit canard chère à Andersen dans un pièce
cruelle, drôle et poétique d'où l'on sort tout
chamboulé. Avec trois fois rien, un abat-jour en guise de jupon, un
saladier figurant un lac, un tableau noir et quelques points à la craie,
la comédienne, tantôt ballerine tantôt clown pataud et
fragile, nous conte l'itinéraire de tous ceux que l'on rejette parce
qu'ils sont différents. Et parvient à désamorcer, sans
l'édulcorer, une histoire bêtement tragique
grâce à un humour décalé et salvateur. »
(David, Dégage, petit ! j. p., annexe n° 3)
Ainsi, l'expression « histoire bêtement
tragique » développe plus de signifiés qu'il n'y
paraît. En effet, si l'histoire de ce vilain petit canard est
qualifiée de « bêtement tragique », c'est,
d'abord, pour atténuer la portée grandiloquente du
mot tragique et suggérer l'idée d'une
tragédie du quotidien (l'adverbe pouvant alors être pris
pour un synonyme de « banalement ») ; de ce fait,
l'adverbe « bêtement », en minorant l'adjectif
« tragique », permet de conserver le ton de
dérision (souvent caractéristique de l'humour belge)
présent dans le TPC car induit par le spectacle. Enfin,
« bêtement » renvoie humoristiquement au fait
que cette petite tragédie concerne un animal, une bête,
même si le rôle est joué par une comédienne qui ne se
déguise pas en canard.
L'humour, en tant que moyen au service de la modalisation
persuasive, peut aussi prendre la forme du calembour.
D'essence plutôt populaire, ce type de jeu de mots qui repose sur
la paronymie, a souvent été controversé en
littérature : Hugo le méprisait (« Le calembour
est la fiente de l'esprit qui vole »86(*)), alors que Mallarmé l'a anobli (le
plaçant souvent à la rime) dans des poèmes à la
complexité et au raffinement extrême. Dans mon TPC sur
l'exposition de la sculptrice animalière F. Hanteville, je recours au
calembour en contrefaisant le proverbe
« Nécessité fait loi » :
« [...] L'anecdote dit bien la volonté
farouche de celle qui, contre vents et marées, pense, vit et dort
sculpture animalière. Mais le marbre est rare ; alors bien souvent,
Fabienne sculpte ce qui lui tombe sous la main. Ainsi l'argile extraite de son
jardin donna vie, il y a peu, à une étonnante basse-cour.
Nécessité fait l'oie, pourrait-on
dire... » (David, Fabienne Hanteville, t. p.,
p. 4, annexe n° 19)
La précaution oratoire et les
points de suspension qui suivent le calembour, plutôt
que d'en marquer la profondeur (discutable), apparaissent comme une
marque prudente d'autodérision et une invitation adressée
au lecteur à sourire, ensemble, d'un jeu de mots plus ou moins
heureux.
Mais l'usage du substantif « oie » n'est
pas sans risque. Ainsi je me suis demandé au moment de la
rédaction si le terme ne risquait pas de desservir la sculptrice :
fâcheusement, un esprit malveillant pourrait assimiler l'artiste à
l'animal ( !) qui, par tradition langagière, ne jouit pas d'une
bonne réputation (« bête comme une oie »,
« faire l'oie »). Finalement, j'ai décidé de
conserver le jeu de mots qui a été avalisé par Martine
Gasnier, en tant que « directeur (sic) de la
rédaction ».
Ajoutons qu'en deçà de l'humour et du
ménagement des faces qui l'accompagne, le calembour proverbial a aussi
pour fonction d'imposer avec force l'idée, en
l'occurrence, celle d'une artiste pas encore reconnue qui crée dans les
difficultés matérielles. Dominique Mainguenau écrit, dans
Analyser les textes de communication, à propos de l'imitation
des proverbes que «tout slogan aspire à avoir
l'autorité du proverbe, à être universellement
connu et accepté de l'ensemble des locuteurs d'une langue, de
manière à être utilisé en toutes
circonstances»87(*).
Certes, nous ne parlons pas ici d'un slogan publicitaire et mon TPC n'aura que
très peu d'audience et donc très peu d'impact sur les
destinataires. Toutefois, on peut dire que la même logique est à
l'oeuvre et que le recours à un proverbe (même
détourné) dans un texte promotionnel est une tentative de se
parer de sa force, de ce que Mainguenau
appelle son
« autorité ».
D'autres traits humoristiques peuvent être
relevés dans les brochures 2007-08 de l'ODC. Ainsi Vincent utilise dans
son TPC sur Juan Carlos Caceres une métaphore hyperbolique qui a pour
but de faire sourire son lecteur :
«[...] un instrumentiste hors pair
capable de faire secouer la tête à un
lampadaire » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t.
p., p. 15)
Sur un ton populaire, qui correspond bien à
l'ethos jeune et décontracté que cherche à
transmettre en général le discours de Vincent,
l'expression (à notre connaissance non
lexicalisée) attire l'attention du lecteur par son comique
absurde, amuse par sa bizarrerie teintée de
surréalisme. Elle est d'autant plus étonnante qu'elle
surgit dans un texte à la tonalité plutôt
sérieuse et qui cherche à promouvoir un artiste
septuagénaire plus apprécié, a priori,
par un public d'âge mur. L'objectif, probablement conscient, peut
être alors de présenter, par l'humour et la décontraction,
ce spectacle comme transgénérationnel.
Une autre forme d'humour doit être ici
considérée : l'ironie. Très rare
dans un texte promotionnel, puisque généralement
dépréciative, on la rencontre sous deux aspects. D'abord, sur un
mode agressif quoique diffus et impersonnel lorsqu'il s'agit,
comme on l'a vu précédemment, de prononcer un jugement
mélioratif sur un artiste ou un spectacle en dévalorisant un
objet appartenant à la même catégorie placé dans un
rapport de concurrence88(*). Mais l'ironie peut aussi parfois prendre un
caractère affable, marquer de la sympathie
envers un personnage dont on se moque affectueusement. C'est l'usage
qui en est fait au début du TPC jeune public, La reine des
couleurs :
« Pas drôle la vie en noir et blanc !
Même dans un château. Alors la petite reine décide de passer
par toutes les couleurs. Ainsi, du bleu qu'elle a sur les fesses pour
être tombée d'un cheval rouge aux larmes multicolores qu'elle
verse quand son château devient tout gris, notre héroïne
royale les expérimente toutes ! Un vrai
arc-en-ciel... » (David, La reine des
couleurs, j. p., annexe n° 7 )
Ici, après l'énumération des
mésaventures de l'héroïne, toutes relatives à une
couleur, le rédacteur ironise doucement sur ces petits malheurs, usant
d'un jeu de mots métaphorique qui les résume (« Un vrai
arc-en-ciel...) dans une phrase nominale à la ponctuation suggestive qui
cherche à établir une connivence amusée
avec le destinataire. Ce jugement tendrement ironique sur le personnage a
à voir avec la métatextualité, regarde ce
que la linguistique nomme modalisation autonymique. En effet,
l'énonciation crée ici ce que Dominique Mainguenau appelle un
« décalage [...] à l'intérieur
d'elle-même par sa manière de moduler la prise en charge
de l'énoncé»89(*). Comme si « l'énonciateur
dédoubl[ait] en quelque sorte son discours
pour commenter sa parole en train de se
faire.90(*)»
Et pour entraîner avec lui, sommes-nous tenté d'ajouter, le
lecteur, convié à se moquer lui aussi gentiment de cette petite
reine qui en voit de toutes les couleurs.
8. Des figures de style pour persuader
Le TPC se présente également comme un objet
séduisant en usant de figures de style forgées de longue
date par la tradition littéraire. Loin d'en faire un
recensement complet dans les textes de la Saison 2007-08, nous nous limiterons
à quelques remarques et exemples.
On peut, de prime abord, s'étonner que la
simple comparaison (avec les outils « comme »,
« ainsi que », « pareil à »,
etc.) soit quasi absente de la modalisation persuasive. En
fait, il apparaît que ce trope appartient davantage à la
part informative du TPC sous la forme de
comparaisons-référence qui (comme on l'a vu
précédemment) permettent de catégoriser un artiste, un
spectacle, par rapport à d'autres artistes ou genres artistiques. Aussi
est-il probable qu'intuitivement, par souci de clarté, les
rédacteurs n'utilisent pas les mêmes formes selon qu'ils
cherchent à informer ou à séduire.
Ainsi, lorsque la modalisation persuasive est à
l'oeuvre, ce sont des figures de l'analogie moins
repérables, plus disséminées dans le
discours qui s'imposent. On peut citer cette métaphore
(à la frontière de la comparaison-référence car
construite sur une allusion culturelle) pour désigner le héros
d'un spectacle qui a le pouvoir de rétrécir :
« Liliputien au pays
des couteaux, des détergents, de
l'électro-ménager ou des casseroles sur le feu, notre journaliste
retrouve une taille d'homme pour inventorier, en chanson et avec son public,
les pièges du home sweet home. » » (David,
Méfy, méfie-toi, j. p., annexe n° 12)
L'analogie est un moyen persuasif intéressant dans
l'écriture d'un TPC car elle permet d'ouvrir
l'évocation-promotion de la manifestation culturelle sur
d'autres objets du monde et de donner au texte une sorte de
profondeur de champ. C'est ce qui se produit à la fin
du TPC sur F. Hanteville :
« [...] Et l'on est tout à la fois
admiratif et pris de vertige en voyant avec quel talent (et quelle
patience !) la sculptrice « recycle » les
résidus de l'hyperconsommation, standardisés et ignobles, en
oeuvres d'art singulières : taureaux à l'encolure puissante
ou petites vaches malicieuses qui sont autant d'odes à la vie. On se dit
alors que sa ménagerie « recyclée »
est soeur de ces tortues géantes crevant le ventre plein du plastique
que charrient nos océans mondialisés
[...] ». (David, Fabienne
Hanteville, t. p., p. 4, annexe n° 19)
La coloration polémique (et un tant
soit peu politique) que prend le texte dans sa clausule peut surprendre. Elle
n'est pas le fait d'un rédacteur qui, suivant son bon vouloir,
séduirait en profitant d'une préoccupation sociale en vogue,
l'écologie, ou d'une idéologie montante, l'altermondialisme. Ce
ton engagé amené par l'analogie (à travers le vocable
charnière « soeur de »), je l'ai insufflé
dans mon texte parce que les organisateurs de l'exposition (La Poste
et Ouest France) souhaitaient la placer (peut-être avec
opportunisme...) sous le signe du développement durable. Ainsi
l'ouverture sur le monde91(*), la profondeur de champ de
l'analogie ici n'est pas gratuite. Elle répond
à une commande et s'inscrit dans le contexte
thématique de l'exposition.
Vincent emploie souvent des métaphores
littéraires et poétiques dans les séquences
descriptives de ses TPC. Ces métaphores ont d'abord l'avantage d'offrir
une variété de synonymes qui, par exemple, dans
le cas d'un spectacle musical, se substituent au verbe
« jouer » :
« Derrière lui (Kevin Doherty),
James Delaney tisse sur ses claviers un écho
discret » (Vincent, Kevin Doherty, t. p., p. 26)
Au-delà de la diversité que la métaphore
permet sur l'axe syntagmatique de la langue, l'image produite par le verbe
« tisser » a également un fort pouvoir
évocateur. Par cet emploi, Vincent fait plus que parler de notes de
musiques : il parvient à camper, en usant d'un seul mot,
une ambiance, à suggérer l'idée d'une
« trame » musicale92(*). Une « trame », un
« tissu » sonore, qui aurait pour rôle de mettre en
valeur la prestation du chanteur-guitariste irlandais Kevin Doherty, à
la façon d'une toile de fond (« écho
discret ») mais peut-être aussi comme quelque chose qui
enveloppe (l'une des fonctions du textile).
La métaphore peut aussi dans les TPC
de l'ODC prendre un tour périphrastique. C'est le cas
dans mon texte sur le spectacle musical Toc-Toque dans lequel je
cherche, en partie sous l'influence de la prose poétique de Francis
Ponge93(*), à
donner l'idée d'une vie secrète des
objets :
« [...] Commence alors un ballet
époustouflant de fouets mécaniques, un concerto drolatique pour
bouilloires et théières qui confie à tous un secret :
sous la nappe à carreaux du quotidien, le monde des
choses palpite, prêt à livrer une musique
insoupçonnée... » (David, Toc-toque, j.
p., annexe n° 16)
La périphrase « sous la nappe à
carreaux du quotidien » se substitue, de manière
métonymique, à une formulation plus directe, qui aurait pu
être simplifiée,
« dé-métaphorisée », en un simple
« sous le quotidien » ou «derrière le
quotidien ». L'expression métaphorique a
été préférée car elle s'inscrit
dans la thématique de la cuisine et contribue à donner
au texte une continuité lexicale. Elle amorce
aussi, je crois, de manière cohérente
et originale, la clausule qui porte un jugement
général sur le spectacle en en dégageant une sorte
de morale.
Mais, beaucoup plus nettement que la métaphore, une
autre figure de style s'impose quantitativement dans l'écriture des
TPC : l'antithèse.
On trouve cette figure qui consiste à
rapprocher des signifiés qui entrent en contradiction
le plus souvent à la clausule, passage décisif, on l'a
dit, du texte promotionnel culturel. C'est ainsi qu'elle apparaît sous ma
plume dans le texte sur le sculpteur Denis Monfleur,
« [...] Et c'est peut-être ce risque,
cette fragilité paradoxale / d'un geste
puissant et irrémédiable, qui permet aux statues
de Monfleur de révéler, dans leur âpre
minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la
condition humaine. Loin de l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre
de Monfleur invite au recueillement. Sans doute parce que, malgré son
intense modernité, elle ne peut échapper
(éloge de la lenteur dans une époque qui sacralise
l'instantané) / aux gestes millénaires qu'elle
prolonge et au sublime de l'homme qui, par la médiation de l'art,
interroge sa destinée. » (David, Denis Monfleur,
t. p., p. 50 - annexe n° 18)
dans celui sur le spectacle de danse contemporaine
« Même pas seul »,
« [...] Même pas seul est un spectacle de
danse qui tient un propos, une sorte de théâtre
chorégraphié qui offre une vision à la fois
très amère / et douce de la vie
de couple. Sur scène, les corps se meuvent, s'ignorent
/, se rapprochent, dans un va-et-vient
vachard / et tendre qui, entre
petites tragédies / et grands
espoirs, dit avec beaucoup de pudeur, de force et de poésie la
grandeur de/ deux petites
gens. » (David, Même pas seul, t. p., p.
23 - annexe n° 24)
ou dans les chutes des TPC jeune public
« Pinocchio » et « Pepe et
Stella » :
« [...] ici, Pinocchio n'est ni une fable
moralisatrice ni un conte libertaire voire psychanalytique ; c'est
Pinocchio, tout simplement ! Celui des origines, au plus près du
conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo Collodi : un
pantin de bois paradoxal qui , d'aventures merveilleuses en /
déconvenues bien réelles, éprouve la
difficulté d'être si humain, tout en
déplorant de n'être que /
marionnette... » (David, Pinocchio, j.
p., annexe n° 15)
« [...] Une Odyssée de poche qui parle de
séparation, d'attente / et de
retour ; où le cheval Stella, promis à
l'abattoir, traverse la mort et mille autres dangers. Un itinéraire vers
l'inconnu, tracé par les étoiles, qui conduit nos deux
héros à quitter la toute-puissance de l'enfance
pour vivre / la fragile beauté d'une vie
d'homme. » (David, Pepe e Stella, j. p.,
annexe n° 14)
L'antithèse est également présente
à la clôture du texte de Martine sur l'exposition de photographies
de l'artiste italien Luciano Ferrara :
« [...] Luciano Ferrara ouvrira la Saison 2008
au château de Carrouges. Il apportera un peu de l'incandescence
de sa terre du Sud dans / notre hiver
normand. » (Martine, Luciano Ferrara, t. p.,
p. 28)
Cette écriture du paradoxe s'explique
sans doute en partie par le domaine concerné : la
culture. En effet, celle-ci, quand elle est de qualité, a
à voir avec la complexité et s'avère
(à l'instar de tout ce qui est humain) rarement
univoque. L'antithèse (et sa forme plus poussée,
l'oxymore) permet de dire ce foisonnement des contraires et de
souligner, derrière le dissemblable
(qui va parfois jusqu'à prendre une dimension
ontologique), une forme de
cohérence.
Admettons aussi, toutefois, que l'antithèse peut plus
prosaïquement être un « truc »
de rédacteur, une « ficelle » du métier. Le
figure, en effet, permet d'exprimer de manière plus ou moins
fumeuse, la chose et son contraire, astuce précieuse pour
parler, sous un voile d'intelligence, d'un spectacle ou d'une
exposition lorsqu'on en maîtrise mal le sujet ou que les informations
dont on dispose sont insuffisantes en nombre ou en qualité.
Terminons ce commentaire des figures de style par un apax
remarquable dans les textes des Saisons 2007-08 : l'emploi d'un
chiasme.
« Coiffé de mitaines et entouré
d'un bonnet, Valentin Saitou vend des colliers artisanaux en coton
trempé, contre deux sourires et trois poignées de main. Pourtant,
il n'a pas toujours fait ça.
Autrefois, il avait une vie normale. Marié. Deux
enfants. Situation stable. Puis, un jour, il est licencié et à
partir de là tout se dégrade. Le voilà sans domicile,
errant, la nuit, à la recherche d'on ne sait quel havre de paix. Tout
à coup, une vieille enseigne, aux néons flétris :
« La Luna Negra, Cabaret ».
Un vieux propriétaire et une dame de joie
fanée vont l'accueillir.
« Petit... on ne voit bien qu'avec le
coeur » qu'ils lui disent. Un rêve au pays de la
réalité. Une réalité au pays du
rêve. » (Vincent, La Luna Negra, t. p.,
p. 19)
Le chiasme comme l'antithèse est une figure du
paradoxe. Croisant quatre termes dans une construction en
miroir de type AB / BA, il en constitue la forme la plus
complexe. Particulièrement frappant par sa
mécanique à la fois logique ( le
thème de la première proposition devenant le
rhème de la seconde et vice versa) et
mélodique (une même signe étant
répété deux fois), le chiasme aspire, lui aussi, à
l' « autorité » du slogan ou du proverbe. Il
condense l'idée dans une formule choc qui doit
emporter, de manière définitive,
l'adhésion du destinataire. Ainsi, souvent
convoqué à la fin d'une démonstration ou d'un jugement, il
a, le plus souvent, une portée argumentative.
Vincent y recourt dans la clausule de son TPC sur la
pièce La Luna Negra dont la séquence textuelle dominante
est une description de type romanesque (premier et
deuxième paragraphe), avec, à la fin du deuxième
paragraphe, un effet de complication (élément
perturbateur) comme ceux que l'on trouve dans les textes
narratifs : « Tout à coup, une vieille enseigne,
aux néons flétris : « La Luna Negra,
Cabaret ». // Un vieux propriétaire et une dame de joie
fanée vont l'accueillir. [...] »
La clausule (quatrième et dernier paragraphe), outre
le chiasme, comporte un extrait de discours rapporté :
« « Petit... on ne voit bien qu'avec le coeur »
qu'ils lui disent. » Cet échantillon de discours direct joue
(ou plutôt devrait jouer) un rôle décisif, celui d'avant-
dernier maillon de la chaîne discursive censé préparer ce
point d'orgue du TPC que devrait être le chiasme. Or,
l'enchaînement, le lien entre le chiasme final et le
texte de type romanesque qui précède est peu
clair. La figure du paradoxe semble ici un peu
plaquée, placée en position conclusive
pour l'ornement. L'effet d'autorité recherché
nous semble manqué et, par là-même, c'est tout le
texte qui en pâtit alors que, par ailleurs, il
relevait, à notre avis94(*), jusqu'à la dernière
phrase, pleinement et efficacement
de la modalisation persuasive.
On pourrait, certes, admettre la pertinence du premier
mouvement du chiasme « Un rêve au
pays de la réalité. » Il est en effet possible de
conjecturer que le cabaret où échoue Valentin Saitou va
être un endroit onirique (« rêve » étant
mis en valeur car placé en position de thème) où
il va pouvoir échapper au réel
(« réalité » étant le
rhème). Cependant, même en suivant cette
hypothèse, toute confusion n'est pas levée car
que signifie, dans la phrase qui amorce le chiasme, « voir bien avec
le coeur » ? S'agit-il de voir avec l'imaginaire, à
travers le rêve, donc, ou de voir, comme le laisse plutôt entendre,
usuellement, le mot « coeur », avec les yeux de
l'amour ?
Dans son second mouvement (« Une
réalité au pays du rêve »), qui met l'accent sur
le thème « réalité », la
pertinence de la figure du paradoxe est beaucoup plus discutable et donc
peu prégnante. En effet, que fait ce second mouvement, sous
couvert de virtuosité stylistique, sinon rappeler ce
sur quoi le reste du TPC a déjà beaucoup insisté,
à savoir le fait qu'il s'agisse d'une fiction onirique ancrée
dans une réalité (notamment économique)
contemporaine ?
On peut conclure, à la lumière de ce dernier
exemple, ce survol des figures de style dans les TPC par une remarque,
à valeur de recommandation, que je m'adresse d'abord à
moi-même. Si la figure de style peut contribuer à
donner un tour séduisant au texte qui, par
ricochet, donnera peut-être au destinataire l'envie de
se rendre au spectacle, le rédacteur doit l'utiliser avec
prudence et maîtrise : afin, d'une part, qu'une
figure utilisée confusément ne compromette pas
la dimension informative inhérente au genre ;
afin, d'autre part, qu'elle ne vienne saper l'impact d'autres
moyens d'expression employés judicieusement dans une
promotion relevant de la modalisation persuasive.
9. Des TPC qui recourent au discours indirect libre
La modalisation persuasive s'exprime aussi dans les TPC
à travers des formes littéraires que l'on qualifiera de plus
modernes, inspirées principalement par le genre romanesque.
On y trouve ainsi, quoique rarement, des
fragments au style indirect libre, forme narrative aujourd'hui couramment
pratiquée par les romanciers contemporains dans le sillage
d'écrivains novateurs du XXème siècle. Ecrivains parmi
lesquels on peut citer Céline, Joyce, Faulkner ou Giono qui, les
premiers, ont pratiqué cette technique que Dominique Mainguenau
résume en une formule simple : « le mélange
étroit de deux voix »95(*). Le discours indirect libre consiste en effet
à mêler à la voix englobante du
narrateur (parfois lui-même personnage) d'autres
voix qu'aucun signe graphique (tirets, guillemets) ne
distingue. Cette technique subtile combine le plus souvent une
énonciation à la troisième personne (voix
englobante du narrateur), le point de vue de deux ou de plusieurs
personnages (visions subjectives embrayées par des expressions
de perception) ainsi que des discours différents
(embrayés par des expressions de parole) par leur thématique ou
leurs niveaux de langue qui permettent de discriminer la voix du narrateur des
voix des autres personnages incluses dans le discours.
Ni extrait de spectacle, ni résumé factuel, le
discours indirect libre appliqué au TPC (qui ne prétend
évidemment pas à la complexité et à la richesse du
modèle qui l'a inspiré) à l'avantage d'immerger
in medias res le lecteur au coeur de la fiction96(*). C'est le cas dans cet extrait
de spectacle jeune public qui, s'ouvrant sur un bref extrait au discours
direct, laisse rapidement place au discours indirect libre :
[ discours direct : ] « Ohaoy,
pitchipitchipoy ! » [discours explicatif: ] C'est le
mot de passe qui retentit dans la forêt ; l'annonce, pour nos
deux amoureux, de [discours descriptif : ] leur rendez-vous
galant, au pied de leur arbre. Car l'un et l'autre en ont assez du monde et de
son tumulte. [discours indirect libre :] Marre des
horloges, des cartes bleues, des clefs d'ceci ou d'cela. Et si on restait
à l'écart, dans notre arbre, au milieu des oiseaux? Et si on
grimpait tout là-haut ? Si on allait sur la lune, au calme, rien
qu'avec notre amour ? Au calme, oui, mais éternellement... quel
ennui ! Alors on regarde en bas et on se dit qu'il faut apprendre à
vivre avec ce monde-là, sans se résigner. [
jugement :] Du théâtre lunaire qui donne corps
magnifiquement à un texte où fourmillent les trouvailles
poétiques.» (David, Là-haut la lune, j. p.,
annexe n° 9)
Le découpage proposé monte comment le discours
indirect libre s'agence ici avec d'autres séquences textuelles. Ainsi le
rédacteur fait entendre une voix
« homogène »97(*), quand il
explique (« c'est le mot de passe qui retentit dans
la forêt »), quand il décrit
(«leur rendez-vous galant, au pied de leur
arbre ») ou quand il porte un jugement (
« Du théâtre lunaire qui donne corps magnifiquement
à un texte où fourmillent les trouvailles
poétiques.»). Ces va-et-vient entre la monophonie et la polyphonie
peuvent, comme dans la clausule du TPC cité, s'accompagner d'un
basculement de la modalisation persuasive à la modalisation
méliorative. Si la rupture causée par le passage de la
voix hétérogène à la voix homogène
paraît atténuée par un lexique
(« lunaire », « poétique »),
qui prolonge le registre poétique mis en place en amont du texte, c'est
bien une seule voix qui se fait entendre dans la clausule sous la forme d'un
jugement fait de termes positifs axiologiques (« donne corps
magnifiquement ») ou contextuels (« où fourmillent
les trouvailles poétiques. »)
En revanche, dans les lignes signalées en gras, cette
voix se trouve comme volontairement absorbée par son sujet, ses
personnages et leurs discours. Ainsi remarque-t-on qu'aucune mention
relative à la matérialité du spectacle (jeu des acteurs,
scénographie et dispositif technique, réaction de la salle) n'est
convoquée. Seule importe dans ce cas l'histoire telle qu'elle
pourrait être perçue au niveau des personnages.
Le rédacteur n'apparaît plus alors comme le
médiateur direct entre le public et le spectacle à promouvoir.
Sans renoncer à sa subjectivité, il devient plutôt une
caisse de résonance par laquelle se fait entendre la polyphonie
de la fiction. Il est un réceptacle où se mêlent
tout à la fois les voix jamais individualisées des personnages
(on ne sait, par exemple, pas qui dit en avoir « marre des clefs
d'ceci ou d'cela ») et sa propre voix de rédacteur qui
se dissout dans son adhésion aux propos tenus dans et par la
fiction. Ici, donc, « on ne peut pas (pour
reprendre les mots de Dominique Mainguenau) dire exactement quels mots
appartiennent à l'énonciateur cité et quels mots à
l'énonciateur citant. »98(*)
Cette distinction entre « énonciateur
cité » et « énonciateur citant »
peut tenir à un fil. Ainsi dans le TPC « Même
pas seul », j'ai voulu écrire un fragment (déjà
commenté d'un point de vue rythmique) au discours indirect
libre99(*) :
« Ils vivent là dans un F2, tout
près de la mer. Mais c'est pas les vacances, non. C'est
leur vie à eux, ici, depuis longtemps, sans enfants, sans même un
chien. » (David, Même pas seul, t. p., p. 23,
annexe n° 24)
Recevant par la poste, trois mois après mon stage, la
brochure de la Saison tout public, j'ai constaté qu'une correction avait
été apportée. Le « c'est pas
les vacances » oralisant que les personnages Rose et Jacky
auraient pu prononcer s'est transformé en un « ce
n'est pas les vacances », beaucoup plus
« écrit ». L'ajout du « n' »,
signe de la voix du rédacteur et donc de sa
médiation, suffit à ruiner l'effet que devait produire
le discours indirect libre, à savoir l'immersion direct du
lecteur dans l'univers de la fiction, « à niveau »
de personnage et sans le regard en surplomb du rédacteur100(*).
10. Des TPC descriptifs proches de l'écriture de
l'article ou de l'essai
Le TPC pour persuader peut s'inspirer de formes
littéraires autres que le genre romanesque.
Cherchant, par nature, à représenter des
éléments de la manifestation qu'il promeut
(éléments visuels, sonores, impressions), on sait que le TPC
comporte nécessairement des séquences descriptives à
l'échelle d'un passage, d'une phrase ou, de manière plus
fragmentaire, d'un groupe nominal. Ainsi un certain nombre des TPC de
l'ODC sont exclusivement de type descriptif, délivrant au
destinataire des informations brutes sans
particulièrement chercher à le séduire. Citons, par
exemple, ce texte informatif de qualité sur le spectacle Cielos
Argentinos dans lequel la modalisation persuasive n'est pas
utilisée :
« « Cielos Argentinos » est
un projet issu de la rencontre entre le guitariste argentin Leonardo Sanchez,
et l'Ensemble orchestre régional de Basse-Normandie dirigé par
Dominique Debart, agrémenté par la voix lyrique de Nathalie Sanz.
Il présente une succession de douze tableaux basés sur des
rythmes populaires argentins autour de l'évocation des cieux, et, allie
le professionnalisme de l'orchestre bas-normand à la beauté de
l'inspiration des contrées de ce grand pays d'Amérique du
Sud.
Comme ce fut le cas récemment avec la guitare
flamenca de Juan Carmona, les Percussions-Claviers de Lyon, mais
également d'autres créations dans le domaine du cinéma, de
la danse et du théâtre, l'ENSEMBLE renoue une nouvelle fois avec
son ouverture vers des projets novateurs, s'inscrivant ainsi, de manière
originale et atypique, dans le paysage des grands ensembles
français. » (Martine, Cielos Argentinos, t. p., p. 35)
Conjointement à cette forme de TPC que l'on qualifiera
de descriptif de type informatif101(*), il existe dans les plaquettes de la Saison
2007-08 des TPC qui, recourant également à un
matériau principalement descriptif, appartiennent
pleinement à la modalisation persuasive en raison d'une
filiation intertextuelle (ou intergénérique),
plus ou moins explicite, avec des genres littéraires
fondés eux-mêmes sur une dominante descriptive.
Le TPC jeune public Pinocchio peut ainsi être
identifié comme un texte descriptif à tour
définitoire. Ainsi, toutes proportion et modestie
gardées, il peut rappeler, peu ou prou, par sa forme et ses tournures,
davantage qu'un article de dictionnaire traditionnel, les
articles subjectifs que pouvaient, par exemple,
rédiger, au XVIIIe siècle, Voltaire et les
Encyclopédistes :
« C'est un spectacle de
marionnettes dont le personnage principal est... une marionnette. /
C'est Pinocchio, mythe encombrant que la Divine Quincaillerie a choisi
de nous présenter en le débarrassant des interprétations
accumulées au fil des variantes : ici, Pinocchio n'est ni
une fable moralisatrice ni un conte libertaire voire psychanalytique ;
c'est Pinocchio, tout simplement ! Celui des origines, au
plus près du conte imaginé en 1881 par le journaliste toscan
Carlo Collodi : un pantin de bois paradoxal qui , d'aventures
merveilleuses en déconvenues bien réelles, éprouve la
difficulté d'être si humain, tout en déplorant de
n'être que marionnette... » (David, Pinocchio, j.
p., annexe n° 15)
La tournure présentative
employée en anaphore à trois reprises affiche le
caractère définitoire du texte en même
temps qu'elle peut stylistiquement le rapprocher (le génie en
moins !) de son lointain modèle littéraire.
Une lecture rapide de la troisième occurrence du tour
présentatif peut faire croire que la forme définitoire est plus
factice et stylistique qu'opératoire puisque le présentatif
« C'est Pinocchio, tout simplement ! » ne paraît
mettre en valeur aucun élément informatif, cependant qu'ailleurs,
de nombreux éléments propres à la
définition-description peuvent être recensés.
Ainsi le TPC s'articule autour d'un thème-titre :
le spectacle Pinocchio. L'objet est présenté d'un point de vue
aspectuel sous des angles multiples (le personnage est une
marionnette, l'histoire est devenue un mythe, elle a été
inventée en 1881 par un journaliste italien, etc.) et à l'aide
d'un vocabulaire esthétique.
C'est au moyen de ce dernier que le rédacteur donne
d'abord une définition-description a contrario
de cette version de Pinocchio (ni une « fable
moralisatrice », ni un « conte libertaire », ni
« [un conte] psychanalytique ») avant de la définir,
par l'affirmative, en soulignant sa principale
qualité : elle est la plus proche de l'histoire
originale. Aussi, si l'on y regarde de plus près, on peut
constater que la troisième occurrence de la tournure présentative
n'a pas qu'une fonction purement stylistique (anaphorique). Elle a en effet
pour rôle de souligner non l'exclamation, un peu creuse,
« C'est Pinocchio, tout simplement ! » mais la phrase
qui suit : « Celui des origines, au plus près du conte
imaginé en 1881 par le journaliste toscan Carlo
Collodi [...]», phrase qui constitue, en définitive,
l'argument promotionnel le plus fort du
texte.
Les TPC à dominante descriptive peuvent aussi prendre
une coloration explicative et didactique qui les rapprochent
d'une autre forme littéraire, le genre de l'essai.
Descriptif, le TPC sur l'exposition de Denis Monfleur nous semble pouvoir
être classé dans une typologie textuelle des TPC recourant
à la modalisation persuasive que nous ne faisons ici
qu'esquisser102(*) :
« Du corps à corps épuisant que
livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle épique qui
semble animer son humanité de pierre, partagée entre souffrance
et élan, abattement et Espérance. Ses sculptures, fragmentaires
comme celles de l'antique, évidentes dans leur rugosité
primitive, condensent une essentielle beauté : ici se dégage
le déhanchement vivant d'un torse, là un bras de pierre où
se réfracte la lumière, là une profonde entaille dans un
abdomen supplicié. Ces corps incomplets, parfois suppliciés, le
sculpteur les travaille en taille directe, sans repentir possible. Et c'est
peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste
puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de
révéler, dans leur âpre minéralité, une
beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine. Loin de
l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre de Monfleur invite à
la méditation, au recueillement. Sans doute parce que, malgré son
intense modernité, elle ne peut échapper (éloge de la
lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané) aux gestes
millénaires qu'elle prolonge et au sublime de l'homme qui, par la
médiation de l'art, interroge sa destinée.
« Rarement on n'avait de la pierre dure
révélé à ce point la tendresse et la
poésie. » Olivier Céna,
Télérama. » (David, Denis Monfleur, t.
p., p. 50, annexe n° 18)
Ce TPC, élaboré au stade préparatoire par
la lecture attentive de sources variées et conséquentes (articles
de critique d'art, interviews de l'artiste, textes et photos de catalogues
d'exposition), a alimenté une prise de notes manuscrites volumineuse.
Ces notes à caractère descriptif ou
interprétatif, ensuite triées et saisies sur traitement
de texte, ont alors constitué un matériau que mon texte a, comme
on a pu déjà l'indiquer, patiemment mis en forme103(*). A partir de cet apport,
j'ai, comme dans un essai ayant pour sujet un art ou un
artiste, écrit mon texte, dans une langue
soutenue, sans volonté de vulgariser ou de
promouvoir. Au risque de paraître prétentieux
et élitiste, j'ai projeté un
lecteur idéal amateur d'art contemporain104(*) et me suis
amusé à jouer les critiques d'art professionnel, avec
comme modèle, Olivier Céna (à qui j'ai emprunté, en
la reformulant, sa diatribe sur l'éloge de la vitesse dans notre monde
contemporain) et comme horizon inaccessible dans le champ de la critique
culturelle, le Baudelaire des Curiosités esthétiques et
de L'Art romantique ...
Comme dans l'écriture de l'essai d'art, j'ai donc
abondamment utilisé un vocabulaire relevant de
l'esthétique (« la sculpture »,
« le sculpteur », « aux statues »,
« ses sculptures fragmentaires », « souffle
épique », « essentielle beauté »,
« art conceptuel »), ce lexique étant
complété par quelques
comparaisons-références d'ordre culturel
(« fragmentaires comme celles de l'antique »,
« rugosité primitive »).
J'ai également combiné entre elles
différentes séquences descriptives :
Des séquences décrivant les
productions de l'artiste : « ici
se dégage le déhanchement vivant d'un torse, là un bras de
pierre où se réfracte la lumière, là une profonde
entaille dans un abdomen supplicié ».
Des séquences décrivant
l'artiste au travail : « corps à
corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit »,
« Ces corps incomplets, parfois suppliciés, le sculpteur les
travaille en taille directe, sans repentir possible», « geste
puissant et irrémédiable ».
Des séquences
interprétatives : « un souffle
épique qui semble animer son humanité de pierre, partagée
entre souffrance et élan, abattement et Espérance »,
« Et c'est peut-être ce risque, cette fragilité
paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable, qui permet aux
statues de Monfleur de révéler, dans leur âpre
minéralité, une beauté et une grandeur qui questionnent la
condition humaine », « l'oeuvre de Monfleur invite à
la méditation, au recueillement », [cette oeuvre] ne peut
échapper [...] au sublime de l'homme qui, par la médiation de
l'art, interroge sa destinée ».
Mais aussi des mises en perspective de l'oeuvre avec
la culture et le monde contemporains : « Loin de
l'art conceptuel et de ses vanités », « éloge
de la lenteur dans une époque qui sacralise
l'instantané ».
Notons aussi que la citation en bas de page
(« Rarement on n'avait de la pierre dure
révélé à ce point la tendresse et la
poésie. » Olivier Céna,
Télérama. »), qui sert d'argument
d'autorité, peut (en plus de son évident impact promotionnel)
être rapprochée, formellement et dans sa fonction, de
l'épigraphe sous le signe duquel de nombreux
essayistes (de Montaigne à Michel Onfray, par exemple)
écrivent leurs livres ou leurs chapitres.
Le texte, toutefois, malgré ses prétentions
littéraires, cherche bel et bien à promouvoir.
Quel que soit le brio de ses descriptions ou de ses commentaires (un peu
pédants parfois...), je n'oublie pas qu'il n'a de raison
d'être que par sa dimension pragmatique. S'il m'est
évidemment impossible de savoir si ce TPC empruntant à
l'essai d'art ses ressources (séquences textuelles, lexique,
niveau de langue, thématiques, etc.) a majoritairement rebuté les
lecteurs ou, au contraire, les a incités à se rendre à
l'exposition, je crois que, pour promouvoir certaines manifestations de
prestige, l'usage fortement marqué de la modalisation
persuasive peut être efficace pour la
communication culturelle d'un organisme comme l'ODC.
11. Combinaison de la fonction poétique du langage
et de séquences descriptives d'« ambiance » (avec
essai d'étude quantitative)
Dans la plupart des TPC de l'ODC, on relève des
descriptions qui, contrairement à d'autres
séquences descriptives, ne mettent en avant ni des
informations (Pinocchio), ni des commentaires
(Denis Monfleur) ni, comme on le verra dans
les deux derniers chapitres, des bribes d'histoire. Ces
séquences descriptives ont principalement pour but de
camper, ce que l'on choisit d'appeler, une
atmosphère ou une ambiance.
Dans ces textes ou séquences dits
d' « ambiance », la description passe souvent par
l'usage de ce que la linguistique nomme la fonction poétique du
langage: un mode d'écriture complexe obtenu
par un agencement des différentes potentialités du
signe, qu'il s'agisse des ressources du
signifié (dénotation, connotation, implicite) ou
du signifiant (sonorité, rythme,
graphème105(*)),
dans le but de s'adresser à
l'imaginaire du destinataire, de susciter
chez lui des émotions ou des
sentiments. Tel est le cas dans le texte jeune public Dans
ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu :
« Un canapé, la lumière douce
d'une veilleuse. C'est sans doute une chambre d'enfant mais une chambre
imaginaire, celle que s'invente, à la faveur de la nuit, une petite
fille. Une petite fille qui, en un clin d'oeil, devient une vieille dame... Et
que l'on retrouve bien vite sans que... ne disparaisse la vieille dame... Une
petite fille qui recherche une présence : celle de la
lumière, parce que la nuit, avec son cortège de peurs, est
à apprivoiser ; celle de la vieille dame, surtout, parce que la
féerie du monde nocturne est aussi un bonheur à
partager. » (David, Dans ma maison de papier, j'ai des
poèmes sur le feu, j. p., annexe n° 2)
Le texte, qui s'apparente à la situation
initiale d'un récit, décrit le cadre de
l'histoire (« canapé », « lumière
douce d'une veilleuse », « chambre d'enfant ») en
adoptant le point de vue du spectateur au lever de rideau. Ce
point de vue est nécessairement restreint
(ignorant, serait-on tenté de dire) puisque, dans les
toutes premières secondes de la pièce, ni le décor ni
« le » personnage ne font encore sens pour lui. Ainsi la
focalisation interne décrit mais en affectant
l'incertitude : au moyen d'un marqueur modal
indiquant la probabilité (« C'est sans doute
une chambre d'enfant ») ; au moyen, aussi, des nombreux
points de suspension qui suggèrent l'étonnement
voire l'incompréhension du spectateur face à cette curieuse
entrée en matière théâtrale où le lieu (la
chambre) est en fait imaginaire, où le personnage principal,
« la petite fille », se métamorphose en
« vieille dame » mais continue d'endosser, par
ubiquité, les deux identités. Ainsi l'écriture du
mystère prévaut ici. Avec un style fait
d'indétermination (on peut relever l'usage de groupes
nominaux déterminés par l'article indéfini :
« une petite fille », « une vieille
dame », « une présence »). Avec
aussi un style qui cherche à représenter
poétiquement la nuit, notamment par une série
d'oppositions entre l'obscurité et la lumière et par l'emploi
d'un vocabulaire de l'étrangeté (« féerie du
monde nocturne ») ou de la peur (« parce que la nuit, avec
son cortège de peurs, est à
apprivoiser »).
Une étude détaillée des textes
(pléthoriques) usant de la fonction poétique du
langage106(*)
pour donner un aperçu de l'« ambiance » du spectacle
n'apporterait rien de plus à la démonstration. C'est
pourquoi nous lui préférons (une fois n'est pas coutume)
un parcours quantitatif qui, s'il ne se
prétend pas infaillible, nous a étonné par la constance de
ses résultats.
Ainsi, dans des proportions séquentielles
variables allant du syntagme jusqu'au au texte, 9 des 18
textes jeune public que j'ai écrits, sont nettement
marqués par cette orientation rédactionnelle
prépondérante pour le genre. C'est le cas de « Pepe et
Stella » (annexe n° 14), « Là-haut la
lune » (annexe n° 9), « Veille au grain, il fera beau
demain » (annexe n° 17), « Loin de mon
doudou » (annexe n° 11), « Félix et
Filomène » (annexe n° 5), « Le Petit bonhomme
à modeler » (annexe n° 8), « Les Pieds dans les
nuages » (annexe n°8 bis)107(*), Le Berce-Oreille (annexe n° 6) et
« Dégage, petit » (annexe n° 3), textes dont
les passages donnant à voir une atmosphère de
manière poétique seront signalés en
annexe par des caractères gras.
Aux 18 TPC jeune public se sont ajouté trois textes,
publiés sur le site Internet de l'ODC108(*), écrits par Jacques : « Petite
migration », « Monsieur Nô » et
« La Balle rouge ». Ce dernier allie, de
manière fragmentaire (première phrase), description d'ambiance et
poésie, alors que cet angle d'écriture est, selon nous, absent
dans « Monsieur Nô ». En revanche,
« Petite migration », que nous citons ici
intégralement, est totalement traversé par ce type de
séquence descriptive relevant de la modalisation
persuasive :
« Un petit personnage s'éveille d'une
mauvaise nuit et enfile ses bottes beaucoup trop grandes pour lui. Dans la cour
de l'école les moqueries des autres enfants le poussent à se
réfugier sous le grand arbre. Mais voilà qu'une larme lui
échappe. Sans la perdre de vue il s'aventure à la suivre sous la
terre, dans le ciel, jusqu'à l'océan et même au-
delà, tout près de l'horizon où le soleil se
couche...Autant de découvertes et de rencontres qui l'aideront à
se tenir enfin, bien d'aplomb dans ses bottes. » (Jacques,
Petites migrations, j. p., site Internet de l'ODC)
Ainsi le bilan quantitatif des textes
jeune public combinant séquence descriptive et fonction
poétique du langage s'élève, à notre avis,
à 11 TPC sur un total de 21, ce qui semble bien en
faire une tendance forte du genre.
En ce qui concerne les textes tout public,
nous choisissons de poursuivre l'analyse quantitative au moyen
d'un tableau. Celui-ci, dépourvu de toute citation et
de tout commentaire, puisque tel n'est pas notre objet, permettra, en outre, au
lecteur (et en particulier aux rédacteurs de l'ODC) de cibler, s'il le
souhaite, ces séquences descriptives que l'on trouve marquées par
la fonction poétique du langage.
La plaquette tout public est composée de 45
TPC109(*). Dans
ce corpus, 22 textes correspondent à la
combinaison textuelle recherchée :
Nom du TPC, du rédacteur, n° de
page
|
Séquence descriptive
concernée
|
Fabienne Hanteville (David) p. 4
|
Surtout de « Et l'on est tout à la fois
admiratif » à « odes à la vie » -
voir annexe
|
Armadillo (Jacques) p.6
|
Subordonnée relative de la phrase 1
|
Thierry « Titi» Robin (Vincent) p.
11
|
Seconde partie du 1 § + seconde partie de la
dernière phrase
|
L'Epopée du prince Preah Chenvong (David) p.
13
|
Seconde partie du texte (à partir de « prince
séducteur, princesses séduites »
|
Neapolis Ensemble (Jacques) p. 14
|
Second §
|
Palatine (Vincent) p. 17
|
De « Avec un soupçon » à
« l'ordure »
|
La Luna Negra (Vincent) p. 19
|
Fin de la phrase 1. Dernière phrase du 3 § + 4
§
|
Même pas seul (David) p. 23
|
Quasi totalité du texte - voir annexe
|
Kurt Stier (par lui-même) p. 25
|
Tout le texte
|
Luciano Ferrara (Martine) p. 28
|
Dernière phrase du texte
|
En aparté (David) p. 34
|
Voir annexe
|
Les Fourberies de Scapin (Jacques) p.37
|
Second et surtout troisième §
|
Giordano Bruno (Jacques) p. 38
|
Tout le texte
|
Chiffonade (David) p. 39
|
Phrase 1 - voir annexe
|
Récital jeunes talents (Martine) p. 40
|
Dernier syntagme nominal du texte
|
Silencio (Vincent) p. 41
|
Phrase 1 (avant les points de suspension)
|
La Victoire à Ventoux (Jacques) p. 42
|
Principalement le dernier §
|
Tempo Slavia (Vincent) p. 44
|
Tout le texte
|
Florane Blanche (Martine) p. 45
|
Deuxième §
|
Le Garçon aux sabots (David) p. 46
|
Principalement phrase 1 et 2 - voir annexe
|
Cité Babel (Vincent) p. 49
|
Tout le texte
|
Denis Monfleur (David) p. 50
|
Tout le texte
|
Festival autour d'un piano (Martine) p. 56
|
Dernier syntagme nominal du texte
|
Ainsi, alors que légèrement plus de 50%
des textes jeunes public combinent fonction poétique du langage
et description d'ambiance (11/21), on constate, avec
étonnement, que 23 TPC sur 45 choisissent de promouvoir
par le même biais, soit un pourcentage identique à celui
de jeune public.
Deux enseignements peuvent être tirés à la
lumière de ces chiffres. Le fait, d'abord, que la combinaison de
la fonction poétique du langage et de la description d'ambiance
s'avère une ressource stylistique de premier plan pour
promouvoir une manifestation culturelle. Plus
généralement, ensuite, on peut affirmer que la
modalisation persuasive, ou ce que l'on pourrait appeler le
littéraire, apparaît bien comme une partie
intégrante de l'écriture du texte promotionnel
culturel.
12. Des récits en trompe-l'oeil pour séduire
(ou le pouvoir des fables)
Si les TPC sont toujours des textes
à forte dominante descriptive qui, soit
informent, soit commentent, soit
donnent à voir une ambiance110(*), ils empruntent aussi parfois au
narratif certaines de ses caractéristiques afin de
séduire le destinataire.
Ces emprunts séquentiels de type
narratif, parce qu'ils sont la plupart du temps insuffisants
en nombre111(*), ne font jamais pleinement des TPC des
récits mais en donnent sciemment l'illusion, comme s'il
s'agissait de trompe-l'oeil.
Les raisons du caractère à notre avis hautement
persuasif de cette stratégie incitative sont difficiles à
expliquer car elles ressortissent autant de la linguistique, de la psychologie,
de l'ethnologie que de la sociologie. Pourquoi les hommes aiment-ils
à entendre des histoires ? Et plus
prosaïquement, pourquoi les rédacteurs de l'ODC en proposent-ils
à leur destinataire, même de manière
tronquée?
On sait que les meilleures rhétoriciens
(Cicéron) et les philosophes (Socrate) de l'Antiquité usaient de
l'anecdote ou du récit pour
convaincre. La Fontaine, dans ses Fables, ou Voltaire, dans
ses Contes philosophiques, ne procédaient pas
différemment, l'apologue cherchant à séduire pour marquer
les esprits à des fins morales112(*).
Pour poursuivre cette réflexion, il nous semble
préférable de recourir à une paraphrase,
en nous appuyant (ce qui peut surprendre le linguiste) sur la pensée
lumineuse de La Fontaine. Le fabuliste, en effet, analyse, dans « Le
Pouvoir des fables », à travers une subtile mise en
abyme qui tient lieu d'art poétique « en
acte », l'impact du récit et de la
poésie. Un « pouvoir », dans un contexte
communicationnel pragmatique, puisqu'il s'agit pour les Athéniens de se
mobiliser contre une invasion ennemie :
« Dans Athène autrefois peuple vain et
léger,
Un Orateur voyant sa patrie en danger,
Courut à la Tribune ; et d'un art tyrannique,
Voulant forcer les coeurs dans une république,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l'écoutait pas : l'Orateur recourut
A ces figures violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes.
Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.
Le vent emporta tout ; personne ne s'émut.
L'animal aux têtes frivoles
Etant fait à ces traits, ne daignait
l'écouter.
Tous regardaient ailleurs : il en vit s'arrêter
A des combats d'enfants, et point à ses paroles.
Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour.
Cérès,
commença-t-il, faisait voyage un jour
Avec l'Anguille et l'Hirondelle :
Un fleuve les arrête ; et l'Anguille en
nageant,
Comme l'Hirondelle en volant,
Le traversa bientôt. L'assemblée
à l'instant
Cria tout d'une voix : Et Cérès, que
fit-elle ?
- Ce qu'elle fit ? un prompt courroux
L'anima d'abord contre vous.
Quoi, de contes d'enfants son peuple s'embarrasse !
Et du péril qui le menace
Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet!
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ?
A ce reproche l'assemblée,
Par l'Apologue réveillée,
Se donne entière à l'Orateur :
Un trait de Fable en eut l'honneur.
Nous sommes tous d'Athène en ce point ; et moi-
même,
Au moment que je fais cette moralité,
Si Peau d'âne m'était conté,
J'y prendrais un plaisir extrême,
Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant. »
(Livre huitième -
deuxième partie de la fable, 1668)
Cette dimension pragmatique dont peut se
charger le récit (même lorsqu'il est un
leurre à l'instar de la fausse fable
« Cérès, l'Anguille et l'Hirondelle), la
communication et la publicité s'en
servent abondamment. Aussi la fable dans la fable de La
Fontaine - ou plutôt celle qu'il prête à son personnage
« l'Orateur », nous semble un formidable
« bain révélateur » pour
comprendre l'univers médiatique contemporain.
« Si notre monde est vieux », les fictions et les
récits y sont toujours plus foisonnants comme s'il fallait toujours
l' « amuser encor », le maintenir éveillé par des
récits en trompe-l'oeil sinon trompeur. Success
story du self-made man113(*), récit vaguement romanticisé
de la vie intime des puissants114(*), story-telling comme stratégie de
communication pour gérer une situation de crise115(*) (etc.), le monde
médiatique moderne ne cesse de servir, à
« l'animal aux têtes frivoles » que nous sommes
(magnifique image du corps social), ses « contes
d'enfants ». Oui, en 2008, davantage, certainement, que dans
la deuxième partie du Grand siècle, « nous sommes tous
d'Athène en ce point », tant abondent ces récits
montés de toute pièce, ces histoires qui transforment les
événements communs d'une vie en « roman
médiatique », boursouflé par tant d'écrits et
tant d'images qu'amplifie encore la rumeur.
Rien de tel, bien sûr, dans nos TPC, petits textes
à audience provinciale. Mais la modalisation persuasive
s'y manifeste aussi parfois dans des ersatz
de récit. Cependant, ce n'est pas uniquement par le
volume de l'audience (pas plus que par le sujet abordé) que nos
petits récits incomplets diffèrent des
fables produites par l'implacable machine médiatique.
La différence est de nature ou, si
l'on préfère, d'ordre technique.
En effet, les TPC ne produisent jamais de
récits sans base textuelle, contrairement aux
« histoires » de l'univers médiatique. Les TPC
ne sont jamais des textes ex nihilo mais
toujours des textes qui s'inspirent d'autres textes :
scénario et dialogues d'une pièce de théâtre,
critiques de presse que le rédacteur peut lire dans un dossier de presse
ou prises de notes personnelles d'un programmateur ayant vu un spectacle.
On ne sera pas surpris de constater que les TPC promouvant un
spectacle théâtral (pour le jeune comme pour le grand public)
apparaissent, pour la plupart, comme des récits au stade
embryonnaire. Ces textes, inspirés par la pièce qu'ils
promeuvent semblent s'ouvrir sur une situation initiale qui
est une promesse de récit, autant dire une
promesse de plaisir. Citons par exemple, le premier paragraphe
du TPC « La Luna Negra » :
« Coiffé de mitaines et entouré
d'un bonnet, Valentin Saitou vend des colliers artisanaux en coton
trempé, contre deux sourires et trois poignées de main. Pourtant,
il n'a pas toujours fait ça.» (Vincent, La Luna
Negra, t. p., p. 19)
Dans bien des cas, on peut rapprocher ces TPC, construits sur
une situation initiale et sur le principe d'une « narration
interrompue », des présentations-critiques des
films des magazines populaires consacrés aux programmes
de télévision (Télé Star,
Télé 7 jours, etc.), très proches des TPC d'un
point de vue générique, et qui, longtemps, ont été
précédées de la mention-titre « Si vous
avez manqué le début... ».
En revanche, il est intéressant de relever que des
TPC de type « récit en
trompe-l'oeil » se retrouve dans la promotion de
manifestations culturelles a priori non
diégétique. Par exemple, j'ai fait
« comme si je me mettais à raconter une histoire »
pour promouvoir le spectacle de danse « Même pas
seul » :
« On est à Dunkerque, c'est le
Nord et sa culture populaire, son humanité. Une humanité qui
déborde. De désespoir, d'ennui mais aussi d'un amour
viscéral de la vie. Tout ça mêlé. Une vie que l'on
voudrait manger à pleines dents, avec l'appétit bouffon des
géants du carnaval. Une vie où les rires et la fête ne sont
jamais bien loin des larmes. Rose et Jacky sont de ce pays
(comme leurs très touchants interprètes
Christine Bastin et Thomas Lebrun). Ils vivent là dans un F2,
tout près de la mer. Mais c'est pas les vacances, non. C'est leur vie
à eux, ici, depuis longtemps, sans enfants, sans même un chien.
Une solitude à deux qui les enferme, qui rend presque impossible la
parole ; où les mots, l'envie parfois, manquent pour
s'aimer. Même pas seul est un spectacle de danse qui tient un
propos, une sorte de théâtre chorégraphié qui offre
une vision à la fois très amère et douce de la vie de
couple. Sur scène, les corps se meuvent, s'ignorent, se rapprochent,
dans un va-et-vient vachard et tendre qui, entre petites tragédies et
grands espoirs, dit avec beaucoup de pudeur, de force et de poésie la
grandeur de deux petites gens.» (David, Même pas seul,
t. p., p. 23, annexe n° 24 )
Je fais de même pour promouvoir l'exposition de la
sculptrice Fabienne Hanteville en commençant par la formule
« Un jour » qui fait mine d'entamer une
histoire116(*)
comme le ferait un peu, dans un conte pour (de vrais) enfants, l'embrayeur de
récit « Il était une fois » :
« Un jour, un ami sculpteur
installé dans le Midi offrit à Fabienne Hanteville un bloc de
marbre qu'elle ramena chez elle dans son sac à dos. Elle en fit un coq
fièrement dressé. L'anecdote dit bien la volonté farouche
de celle qui, contre vents et marées, pense, vit et dort sculpture
animalière. Mais le marbre est rare ; alors bien souvent, Fabienne
sculpte ce qui lui tombe sous la main. [...] » (David,
Fabienne Hanteville, t. p., p. 4, annexe n° 19)
Ainsi, on peut avancer que le récit en
trompe-l'oeil, à l'ouverture du TPC, a pour
objectif (comme dans « Le Pouvoir des fables ») de
séduire le destinataire en captant son attention,
de le divertir mais avec pour véritable dessein de
l'informer et de le persuader de se rendre à la manifestation
culturelle.
D'autres usages du narratif nous semble devoir être
relevés. Un TPC comme « La Reine des couleurs », par
exemple, comporte de micro-séquences narratives,
extrêmement condensées, qui sont comme des
morceaux choisis d'histoire :
« Pas drôle la vie en noir et blanc !
Même dans un château [x]. Alors la petite reine
décide de passer par toutes les couleurs. Ainsi, du bleu qu'elle a
sur les fesses pour être tombée d'un cheval rouge
(micro-séquence narrative 1) aux larmes
multicolores qu'elle verse quand son château devient tout
gris (micro-séquence narrative 2), notre
héroïne royale les expérimente toutes ! Un vrai
arc-en-ciel...Un spectacle malin, drôle et poétique, à la
croisée des arts, où la comédie revisite le
théâtre d'ombres, se combine, avec brio, à la musique, la
peinture et l'illustration (réalisées en direct sur un
écran), pour un moment coloré. » (David, La
reine des couleurs, j. p, annexe n° 7)
Après une phrase au discours indirect libre ([x]), deux
événements sont prélevés dans la
diégèse pour donner un aperçu de l'histoire
(description) mais en faisant « comme si »
on la racontait (narratif en trompe-l'oeil) : 1) Elle est
tombée de cheval et a eu un bleu. 2) elle a pleuré quand son
château est devenu gris.
D'autres TPC, dont la classification reste
problématique, semblent à mi-chemin
entre le récit en trompe-l'oeil (du type « La
petite reine ») et le texte narratif stricto sensu.
« Félix et Filomène », par exemple,
en dépit des apparences, peut être qualifié de faux
récit. Le texte est composé d'une situation
initiale (1) puis d'un événement (2 -
le simple fait de s'affubler d'un nez rouge) qui, s'il n'est
pas une complication, est présenté comme un
événement transformateur puisque magique ;
la suite du texte (3) étant (jusqu'à la fin de la
parenthèse) le récit-description de ce que l'on
a appelé des morceaux choisis de l'histoire :
« (1 -situation initiale) Un
homme assis se maquille dans un rond de lumière. Il parle de
Filomène sans s'apercevoir que là, à ses
côtés, la merveilleuse femme clown l'écoute et le regarde.
(2 -événement transformateur)
Puis s'accomplit le rite magique, répété chaque
soir dans la coulisse: sur son visage maquillé, l'homme pose un nez
rouge pour devenir Félix, l'alter ego de Filomène.
(3 -récit-description de morceaux
choisis) Le public assiste alors, amusé ou attendri,
au récit de leurs aventures (leur rencontre, un bal, une fameuse partie
de pêche), / complice et acteur d'un spectacle qui nous
plonge dans l'univers revigorant des clowns. » (David,
Félix et Filomène, j. p., annexe n° 5)
Le « puis » qui introduit
l'événement transformateur (2) fait partie de ces outils
qui peuvent faire passer une description pour un récit, un TPC
pour un conte en « modèle réduit »... Or,
l'on sait que l'addition de la chronologie, d'un
événement et d'une durée peuvent créer un
artefact de récit mais ne suffisent pas pour
écrire un véritable texte narratif. De plus,
l'événement transformateur n'est pas à proprement
parler une complication, ce qui corrobore ici l'hypothèse d'un
ersatz de récit.
Deux TPC jeune public, en revanche, nous semblent plus
nettement de type narratif et apparaissent donc comme
des hapax dans notre corpus. Dans « Au
voleur ! », l'ouverture emprunte au romanesque certaines de ses
caractéristiques. Il débute au discours indirect libre, in
medias res, par le récit-description d'un événement
(vol d'un porte-monnaie) dramatisé au moyen d'une ponctuation
émotive qui suggère le trouble de la petite
héroïne :
« Quel choc! Quelqu'un est entré et a
volé le porte-monnaie de maman ! La veille de
l'anniversaire de la Petite Fille ! Et maman qui n'a pas eu le temps
d'acheter son cadeau ! Résolue, notre petite héroïne se
lance à la poursuite du maraud et rencontre au cours de sa filature une
kyrielle de personnages haut en couleur (marchande de bazar, paysanne,
marin...) qui la mettent sur les pas d'un voleur qu'elle ne croyait pas si bien
connaître... Soutenu par une machinerie astucieuse, ce spectacle de
marionnettes, terriblement rythmé, mêle aux éléments
traditionnels du conte le suspense d'une enquête policière, pour
le plaisir de tous. » (David, Au voleur ! , j. p.,
annexe n° 1)
L'écriture des trois premières phrases
apparaît comme une fusion entre une situation
initiale qui répondrait aux questions essentielles que
se poserait un lecteur au début d'un roman ou d'une
nouvelle ( quoi ? un vol ;
qui ? une petite fille, un voleur, une maman ;
où ? chez l'héroïne ;
quand ? le veille de l'anniversaire de l'enfant) et un
effet de complication. L'état des chose a
été perturbé, ce qui implique une
réaction : la filature de la petite fille au cours
de laquelle elle va rencontrer « une kyrielle de
personnages » dont l'énumération, entre
parenthèses, correspond à ce que l'on a désigné par
l'expression « morceaux choisis d'histoire
hyper-condensés ». On peut même constater, dans
ce TPC, que la résolution et la situation
finale sont sinon racontées du moins fortement
suggérées : « une kyrielle de personnages [...]
qui la mettent sur les pas d'un voleur qu'elle ne croyait pas si bien
connaître »117(*).
Plus nettement encore, le TPC jeune public « Mister
Django et Madame Swing » semble réunir un nombre
suffisant de macro-propositions narratives et peut être qualifié
de texte narratif hyper-condensé118(*) :
« (1) Au pays des
roulottes, la guerre des musiques est déclarée!
La faute à la sorcière, férue de solfège, que
révulsent tous ces gratteux et violonneux, voleurs de notes et de
rythmes. (2) Pour punir Django l'autodidacte, elle lui
enlève Madame Swing, jolie chanteuse qui, accompagnée de son
public, improvise sur des airs de jazz des scats qui font se trémousser.
Et la méchante d'imaginer un odieux chantage : Django retrouvera sa
douce à la seule condition d'apprendre La Chevauchée des
Walkyries ! (3) Pouah ! une musique encadrée
par des portées, avec force clés et moult croches ! Du
symphonique que Django ne peut s'empêcher d'accommoder à la
sauce manouche... » (David, Mister Django et Madame
Swing, j. p., annexe n° 13)
Le texte débute par une situation initiale
(1) qui présente un univers (celui des musiciens gitans) dans
un contexte précis (la guerre entre les Gitans et la sorcière).
Une complication (2) survient : l'enlèvement de
Madame Swing pour punir son compagnon Django d'être un musicien
autodidacte ; enlèvement doublé d'un chantage et d'une forme
de rançon : apprendre La Chevauchée des
Walkyries pour retrouver Madame Swing. Le texte s'achève, non par
la situation finale, mais par la « dynamique » du
récit, l'effet réaction (3), à savoir les
efforts fournis par Django (racontés au DIL) pour
récupérer sa belle.
Ainsi l'on peut remarquer que dans ce texte atypique,
aucune phrase ne sort de l'intention narrative. Aucun jugement
ou aucune information sur les conditions de production du spectacle ou sur sa
réception ne sont mentionnés. Le texte n'est, de plus,
pas marqué par le décrochage habituel entre
séquence descriptive (ou narrative en trompe-l'oeil) et
séquence ou micro-séquence de commentaire, par
laquelle le rédacteur donne un avis, généralement en usant
de la modalisation méliorative.
Au terme de cette étude sur l'usage du narratif dans
les TPC, on retiendra une idée principale : c'est le plus souvent,
sous forme d'imitation, de trompe-l'oeil que
des éléments caractéristiques du récit
sont employés pour leur fort pouvoir de captation du
destinataire, conjointement à des séquences
descriptives, elles majoritaires, et à l'expression d'un jugement
positif.
Le stage que j'ai effectué en 2007 à l'Office
départemental de la culture de l'Orne en qualité de
rédacteur et le mémoire de Master qui en a été le
prolongement (sans doute plus universitaire que professionnel), ont
constitué pour moi des « expériences très riches
en enseignements »119(*).
Cette formule, banale, pourrait être remplacée
par d'autres : « expériences
décisives »,
«expériences révélatrices », si on
n'en craignait pas le caractère quelque peu emphatique et la foule de
connotations et de références qu'elles appellent en moi. Leur
caractère trompeur, aussi. Puisque, au bout du chemin, ce qui se
révèle n'est rien d'autre qu'une confirmation.
Car il me semble que le stage et le mémoire m'ont
« révélé », finalement, ce que je
savais déjà, sans oser tout à fait l'affirmer - pour des
raisons qui tiennent à la fois de la psychologie et du social : je
souhaite que l'écriture, sous des formes qui restent à
déterminer (communication écrite, journalisme, recherche
universitaire ou écriture personnelle et / ou littéraire) soit,
pour le dire simplement, présente dans ma vie.
Pratiquer, pour la première fois, un genre de la
communication écrite, le texte promotionnel culturel, a
été pour moi (après les ateliers d'écriture
oulipiens d'H. Le Tellier, légers, joyeux et stimulants) un plaisir et
une forme d'émancipation par rapport aux inhibitions qui étaient
encore les miennes face à l'écriture.
Définir et étudier, ensuite, le texte
promotionnel culturel, pendant plusieurs mois (avec le concours
précieux des différents apports théoriques du master) a
constitué un travail, certes long, très accaparant et
ponctué de moments de découragements mais dont on sort
valorisé. Avec le sentiment d'être parvenu (du moins, nous
l'espérons) à mettre au jour les principales
caractéristiques de ce genre mal connu ;
caractéristiques que nous rappelons ici :
Le contrat générique que
propose le texte promotionnel culturel à son
lecteur est double. Il a pour objectif de l'informer
par une description sélective de différents aspects
d'une manifestation culturelle, cette description apparaissant comme un des
chaînons d'une lecture informative de service, de type hypertextuel.
Promotionnel, le genre du TPC poursuit
aussi, à l'instar du discours publicitaire et de la critique culturelle
« positive », un objectif
pragmatique : inciter son lecteur, en recourant
à 3 types de modalisation (le plus souvent combinés),
à se rendre à une manifestation culturelle, toujours
présentée comme une promesse de plaisir. Ces
modalisations, influencées par l'ethos de chaque
rédacteur et par le domaine culturel
concerné, ont été par nous
désignées sous les appellations « modalisation
prescriptive », « modalisation
méliorative » et « modalisation
« persuasive ».
La modalisation prescriptive, peu
usitée, a l'avantage de s'adresser directement au
lecteur en l'assimilant déjà à un
spectateur ; mais elle présente l'inconvénient de
constituer une intrusion dans le « territoire » du
destinataire.
Plus distanciée vis-à-vis du
lecteur, la modalisation méliorative,
très courante, promeut la manifestation culturelle en
utilisant toute la variété des évaluatifs
positifs, l'éloge pouvant être explicite ou moins
marqué.
Enfin, la modalisation persuasive recourt
à des techniques stylistiques, à des
emprunts formels et culturels propres au littéraire,
afin de promouvoir le spectacle ou l'exposition, de manière
indirecte. Usitée, à peu près, dans un
TPC sur deux, elle incite le lecteur à devenir spectateur, par
ricochet, en faisant du texte un objet plaisant par
lui-même, un objet discursif
« palimpseste », qui recouvre, pour mieux le
dévoiler, un autre plaisir : celui que procurera au lecteur devenu
spectateur, non plus le discours, mais la pièce de
théâtre, le concert ou l'exposition.
Pour finir, on remarquera, sans feindre la surprise, que
l'analyse générique réalisée (se voulant, autant
que faire se peut, universitaire et objective) ne peut se départir du
bilan personnel dressé au début de cette conclusion.
En effet, mon étude, dans son propos comme dans son
économie générale, se présente, j'en suis
conscient, comme une démonstration de l'utilité du
« Littéraire » (sinon de sa suprématie...)
dans la communication écrite. Démonstration
« justifiante » qui en rejoint une autre :
l'affirmation de moi-même en tant que littéraire (y compris
socialement). C'est-à-dire en tant qu'individu formé par le
Littéraire120(*).
Ce que j'entends par Littéraire, en tant que
catégorie, peut être défini comme un espace de connaissance
qui recouvre évidemment la « littérature »
mais qui englobe ce que l'on a l'habitude d'appeler les « sciences
humaines », dont je ne sais encore que peu de choses. Le
« littéraire », c'est notamment aussi l'histoire, la
sociologie, la psychologie, la linguistique ou la sémiologie. Ainsi,
être formé par le Littéraire, dans ses différentes
composantes, c'est disposer de savoir-faire, d'un fonds culturel, de
méthodes d'analyse mais aussi d'un certain mode de pensée. Bref,
c'est disposer de compétences.
*
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ANNEXES
On trouvera dans cette annexe tous les TPC que j'ai écrits
pour l'ODC.
I
TEXTES PROMOTIONNELS CULTURELS
JEUNE PUBLIC
n. b. : les passages en caractère gras, dans les
textes jeune public, correspondent à la
combinaison « fonction poétique du langage + description
d'ambiance » que nous avons analysée dans le chapitre 11 de
notre partie consacrée aux différentes ressources de la
modalisation persuasive.
ANNEXE N°1 :
Au voleur !
Théâtre de marionnettes. Durée : 40'.
Public limité à 100 enfants. Compagnie du Jarbron
Rouge - Narbonne. Texte, création des marionnettes et
interprétation : Nathalie Roques. Scénographie,
décor : René Delcourt. Mise en scène : Pierre
Richards.
Quel choc! Quelqu'un est entré et a volé le
porte-monnaie de maman ! La veille de l'anniversaire de la Petite
Fille ! Et maman qui n'a pas eu le temps d'acheter son cadeau !
Résolue, notre petite héroïne se lance à la poursuite
du maraud et rencontre au cours de sa filature une kyrielle de personnages haut
en couleur (marchande de bazar, paysanne, marin...) qui la mettent sur les pas
d'un voleur qu'elle ne croyait pas si bien connaître... Soutenu par une
machinerie astucieuse, ce spectacle de marionnettes, terriblement
rythmé, mêle aux éléments traditionnels du conte le
suspense d'une enquête policière, pour le plaisir de tous.
ANNEXE N°2 :
Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur
le feu
Théâtre. Durée : 45 à
50'. Public limité à 100 enfants. Nathalie
Bensard - Loire-Atlantique. Texte : Philippe Dorin. Mise en
scène : Nathalie Bensard. Comédiens : Nathalie
Hauwelle, François Lepage et Catherine Vuillez
Un canapé, la lumière douce d'une veilleuse.
C'est sans doute une chambre d'enfant mais une chambre imaginaire, celle que
s'invente, à la faveur de la nuit, une petite fille. Une petite fille
qui, en un clin d'oeil, devient une vieille dame... Et que l'on retrouve bien
vite sans que... ne disparaisse la vieille dame... Une petite fille qui
recherche une présence : celle de la lumière, parce que la
nuit, avec son cortège de peurs, est à apprivoiser ; celle
de la vieille dame, surtout, parce que la féerie du monde nocturne est
aussi un bonheur à partager.
ANNEXE N°3 :
Dégage, petit !
Comédie et théâtre d'objets.
Durée : 1h00. Public limité à 150 enfants. Compagnie
Gare Centrale - Belgique. Créatrice et comédienne :
Agnès Limbos. Collaboration à la mise en scène et à
la chorégraphie : M-K Rutten, N. Harcq, A-M Loop, G. Molnar, F.
Bettini, F. Bloch et M. Godat. Costume et accessoires : F. Colpé,
A. Limbos, M. Lhommel, M. Vandenbroek.
Agnès Limbos, extraordinaire comédienne
souvent comparée à Raymond Devos pour son goût des mots et
de l'absurde, adapte très librement la figure du Vilain petit canard
chère à Andersen dans un pièce cruelle, drôle et
poétique d'où l'on sort tout chamboulé. Avec trois
fois rien, un abat-jour en guise de jupon, un saladier figurant un lac, un
tableau noir et quelques points à la craie, la comédienne,
tantôt ballerine tantôt clown pataud et fragile, nous conte
l'itinéraire de tous ceux que l'on rejette parce qu'ils sont
différents. Et parvient à désamorcer, sans
l'édulcorer, une histoire bêtement tragique
grâce à un humour décalé et salvateur.
ANNEXE N°4 :
Fleurs de peau
Spectacle musical.Durée : 35. Public limité
à 80 enfants. Compagnie Ernest le dromadaire - Puy-de-Dôme.
Création et interprétation : Florian Allaire et
Grégory Truchet.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Cie Ernest le
dromadaire a (en plus de sa bosse) la musique dans la peau ! Et pas
chameau, elle nous l'offre en bouquet avec ce Fleurs de peau qui initie les
petits aux mélodies et aux rythmes que l'on aime à partager entre
enfants et avec les grands. Sur scène, nos deux compères
rivalisent de facéties, alternent avec brio chansons ou comptines
reprises par la salle et moments instrumentaux. Une guitare, une clarinette
mais aussi des instruments plus inattendus composent l'arsenal de ces
éducateurs hors pair. Ernest le dromadaire, c'est sûr, sait
transmettre la bosse de la musique !
ANNEXE N°5 :
Félix et Filomène,
« Impromptu »
Théâtre de clowns. Durée :
50'. Public limité à 100 enfants. Le Voyageur
debout - Lyon. Comédiens : Marie Emilie Nayrand et Jean-Luc Bosc.
Mise en scène : Jean-Luc Bosc
Un homme assis se maquille dans un rond de
lumière. Il parle de Filomène sans s'apercevoir que là,
à ses côtés, la merveilleuse femme clown l'écoute
et le regarde. Puis s'accomplit le rite magique,
répété chaque soir dans la coulisse: sur son visage
maquillé, l'homme pose un nez rouge pour devenir Félix, l'alter
ego de Filomène. Le public assiste alors, amusé ou attendri, au
récit de leurs aventures (leur rencontre, un bal, une fameuse partie de
pêche), complice et acteur d'un spectacle qui nous plonge dans l'univers
revigorant des clowns.
ANNEXE N°6 :
Le Berce-Oreille
Théâtre musical. Durée : 30'. Public
limité à 80 enfants. Quelqu'uns - Vendée. Ecriture,
conception et interprétation : Jean-Louis Cousseau. Costume et
décor : Bibi Lolol. Musiques et objets sonores : Christophe
Moy.
Dans neuf mois, Homhom va être papa ! Heureux
et bouleversé, son enfance remonte à la surface et
charrie avec elle, vaguement, imparfaitement, la chanson douce que lui chantait
sa maman... Mais comment s'en souvenir vraiment ? Pour pouvoir la
chanter à bébé, Homhom part faire le tour du monde des
berceuses. Un périple musical où l'on traverse des horizons
contrastés, passant du Népal au Rwanda, du Maroc à la
Géorgie ; où chaque culture est symbolisée par un
objet sonore que J-L Cousseau, en homme-orchestre virtuose, sort de son
grand manteau magique, étonnante boîte à malices
devenant aussi, en un tournemain, montagne, grotte ou tente
d'indiens !
ANNEXE N°7 :
La Reine des Couleurs
Théâtre musical et graphique. Durée :
50'. Public limité à 150 enfants. Erfreuliches
Theater Erfurt - Allemagne.
Texte adapté du livre éponyme de Jutta Bauer.
Adaptation, mise en scène et scénographie: Eva Noell et Paul
Ollbrich. Comédienne et peintre : Eva Noell. Composition,
accordéon et comédie : Alexander Voynov. Animation :
Paul Ollbrich. Lumière : Martin Bartels.
Pas drôle la vie en noir et blanc ! Même
dans un château. Alors la petite reine décide de passer par toutes
les couleurs. Ainsi, du bleu qu'elle a sur les fesses pour être
tombée d'un cheval rouge aux larmes multicolores qu'elle verse quand son
château devient tout gris, notre héroïne royale les
expérimente toutes ! Un vrai arc-en-ciel...Un spectacle malin,
drôle et poétique, à la croisée des
arts, où la comédie revisite le théâtre
d'ombres, se combine, avec brio, à la musique, la peinture et
l'illustration (réalisées en direct sur un écran), pour un
moment coloré.
ANNEXE N°8 :
Le Petit Bonhomme à modeler
Théâtre de marionnettes. Durée : 45.
Public limité à 80 personnes. Théâtre de Romette -
Le Puy-en-Velay. Texte et scénario : Alexia Saubert et Johanny
Bert. Mise en scène : Johanny Bert. Interprétation et
manipulation : Sébastien Miro.
Au début, c'est une naissance, toute en
poésie : un jeune homme trouve dans sa poche une boule de
pâte à modeler et lui donne forme. Ensuite, c'est comme la vie. Le
petit être maladroit, à la tête un peu cabossée,
accomplit ses premiers pas, trébuche, repart, consolé par le
jeune homme qui l'encourage et le protège. En chemin,
se succède une galerie d'étonnants personnages
créés à partir d'objets ou... d'une partie du corps du
marionnettiste ! Tous (de l'escargot espiègle à l'arbre qui
n'en finit pas de grandir) enseignent à notre petit héros
« à la gomme » l'art de grandir, en l'initiant
à la fonction et au plaisir des cinq sens mais aussi au bonheur du
langage.
ANNEXE N° 8 BIS :
Les pieds dans les nuages
Théâtre de marionnettes. Durée : 50'.
Public limité à 120 personnes. Théâtre de Romette -
Le Puy-en-Velay. Création et interprétation : José
Pedrosa et Jean-Christophe Luçon. Mise en scène : Marc
Brazey. Son : Eric Clet.
Manipulation: Johanny Bert.
C'est une histoire sans paroles, du théâtre
de marionnettes naïf et profond comme un Chaplin, poétique et
onirique comme un film de Méliès. Sur scène, deux
« personnages » : un petit homme bricolo
(merveilleusement manipulé par Johanny Bert) et... un piano.
Pendant que l'un, poursuivant obstinément son rêve, bidouille, tel
Léonard de Vinci, toutes sortes de machines pour enfin voler,
« l'autre » lui répond, accompagne ses élans
et ses échecs, dans un dialogue, mystérieux et tendre,
entre l'art de la marionnette et la musique.
ANNEXE N°9 :
Là-haut, la lune
Comédie et théâtre de marionnettes.
Théâtre Bascule - Préaux-du-Perche (61).
Comédiens : Loïc Auffret, Stéphane Fortin et Pascaline
Gauthier. Mise en scène : François Chevallier.
Scénographie : Anne Pitard. Texte : Emmanuel Darlay
« Ohaoy,
pitchipitchipoy ! » C'est le mot de passe qui retentit
dans la forêt ; l'annonce, pour nos deux amoureux, de leur
rendez-vous galant, au pied de leur arbre. Car l'un et l'autre en ont assez du
monde et de son tumulte. Marre des horloges, des cartes bleues, des clefs
d'ceci ou d'cela. Et si on restait à l'écart, dans notre arbre,
au milieu des oiseaux? Et si on grimpait tout là-haut ? Si on
allait sur la lune, au calme, rien qu'avec notre amour ? Au calme, oui,
mais éternellement... quel ennui ! Alors on regarde en bas et on se
dit qu'il faut apprendre à vivre avec ce monde-là, sans se
résigner. Du théâtre lunaire qui donne
corps magnifiquement à un texte où fourmillent les trouvailles
poétiques.
ANNEXE N°10 :
L'araignée du soir
Théâtre musical, d'ombres et de marionnettes.
Durée : 1h00. Public limité à 500 spectateurs
( !). Les frères Léon - Nantes.
Quelle bande de joyeux garnements n'a pas
rêvé d'avoir rien que pour elle un vieux hangar tout plein de
vieilleries ? Les frères Léon, comme les petits héros
de la série anglaise L'autobus à impériale (so
seventies !), ont cette chance. Leur terrain de jeu, une gare
désaffectée, est un vaste bric-à-brac où toutes les
inventions et toutes les aventures deviennent possibles! Bricoleurs
géniaux d'objets et de sons, ils donnent vie à toutes sortes de
personnages (une araignée gardienne des lieux, un funambule, un
épouvantail...) à travers des saynètes loufoques,
poétiques et chantées qui séduiront tous ceux qui ont une
araignée au plafond !
ANNEXE N°11 :
Loin de mon doudou
Théâtre. Durée : 30'. Public
limité à 80 spectateurs (adultes et enfants). La Compagnie
Sémaphore - Alsace.
Comédienne : Sandra Denis. Texte et mise en
scène : Denis Woelffel. Musique : Lydia Reilthler et Yves
Bleicher. Scénographie et costumes : Nicolas Houdin et Thibault
Welchlin
Quand doudou disparaît, P'tidom, tout
désemparé, s'adresse à Nona. Il ne peut tomber mieux
puisque les doudous, c'est elle, Nona, qui les tisse et les arrange en
farandole, dans sa drôle de roulotte. Notre experte ès
doudous part alors à la recherche de l'ami de chiffon et entraîne
les petits spectateurs captivés dans un pays fabuleux, fait de
mouvements et de couleurs, de ritournelles et de poésie, pour un voyage
qui aide à grandir...
ANNEXE N°12 :
Mefy, méfie-toi !
Théâtre d'objets et de marionnettes.
Durée : 40'. Public limité à
120 enfants. Le Théâtre de la Toupine - Evian.
Conception des marionnettes et
manipulation : René Greloz et Arnaud Decorzent
Du théâtre éducatif, préventif
et... rusé. Normal puisque Méfy, le protagoniste, est un renard.
Mais rusé, surtout, parce que Le Théâtre de la Toupine
relève la gageure de sensibiliser les enfants, par un divertissement
enlevé, drôle et riche en rebondissements, aux dangers de la vie
domestique. Un goupil reporter, aux pouvoirs magiques, qui a le don de
rétrécir pour enquêter au plus près du terrain.
Liliputien au pays des couteaux, des détergents, de
l'électro-ménager ou des casseroles sur le feu, notre journaliste
retrouve une taille d'homme pour inventorier, en chanson et avec son public,
les pièges du home sweet home.
ANNEXE N°13 :
Mister Django et Madame Swing
Conte musical. Durée : 45'. Doudou Swing -
Yvelines. Spectacle et musique : Doudou Cuillerier, Victorine Martin,
Antonio Licusati et Emy Dragoï.
Au pays des roulottes, la guerre des
musiques est déclarée! La faute à la
sorcière, férue de solfège, que révulsent tous ces
gratteux et violonneux, voleurs de notes et de rythmes. Pour punir Django
l'autodidacte, elle lui enlève Madame Swing, jolie chanteuse qui,
accompagnée de son public, improvise sur des airs de jazz des scats qui
font se trémousser. Et la méchante d'imaginer un odieux
chantage : Django retrouvera sa douce à la seule condition
d'apprendre La Chevauchée des Walkyries ! Pouah ! une musique
encadrée par des portées, avec force clés et moult
croches ! Du symphonique que Django ne peut s'empêcher
d'accommoder à la sauce manouche...
ANNEXE N°14 :
Pepe e Stella
Comédie et théâtre d'ombres.
Durée : 50'. Public limité à 200 enfants. Teatro
Gioco Vita - Piacenza (Italie).
Comédiens : Federica Anna Armillis et Alessandro
Ferrara. Mise en scène et décors : Fabrizio Montecchi. Texte
adapté du livre de Barbro Lindgren : Pojken och Stjärnan.
Adaptation : Nicola Lusuardi. Silhouettes : Nicoletta Garioni. Sons
et lumières : Sebastiano Peyronel.
Une troupe italienne, un public français, le texte
d'une Suédoise : belle Babel mais aucune
confusion, car Pepe e Stella, magnifique histoire d'une amitié entre un
enfant de la balle et son cheval de cirque, possède le souffle et
l'universalité du mythe. Une Odyssée de poche qui parle
de séparation, d'attente et de retour ; où le cheval Stella,
promis à l'abattoir, traverse la mort et mille autres dangers. Un
itinéraire vers l'inconnu, tracé par les étoiles, qui
conduit nos deux héros à quitter la toute-puissance de l'enfance
pour vivre la fragile beauté d'une vie d'homme.
ANNEXE N°15 :
Pinocchio
Théâtre de marionnettes. Durée :
55'. Public limité à 100 enfants. Divine
Quincaillerie - Nice. Texte adapté du conte de C. Collodi « Le
Aventure di un Burattino » (1881). Adaptation, mixage et
comédie : Vanessa Clément
Création des marionnettes et manipulation :
Thierry Hett.
C'est un spectacle de marionnettes dont le personnage
principal est... une marionnette. C'est Pinocchio, mythe encombrant que la
Divine Quincaillerie a choisi de nous présenter en le
débarrassant des interprétations accumulées au fil des
variantes : ici, Pinocchio n'est ni une fable moralisatrice ni un conte
libertaire voire psychanalytique ; c'est Pinocchio, tout simplement !
Celui des origines, au plus près du conte imaginé en 1881 par le
journaliste toscan Carlo Collodi : un pantin de bois paradoxal qui ,
d'aventures merveilleuses en déconvenues bien réelles,
éprouve la difficulté d'être si humain, tout en
déplorant de n'être que marionnette...
ANNEXE N°16 :
Toc-toque - régal musical pour les
enfants
Théâtre musical d'objets. Durée :
45'. Public limité à 150 enfants. La Compagnie du Petit Monde -
Indre-et-Loire. Mise en scène et interprétation : Johanny
Bert. Musique et interprétation : Didier Klein. Dramaturgie :
Chantal Péninon. Marionnettes et accessoires : Nadia Espaignet.
Une table de cuisine dans la pénombre. Des
ustensiles sont posés là, en attente de mains. Mais rien. Le
coeur de la maison dort, livré à l'inertie des choses. Mais
soudain : bing ! zing ! TOC ! tout un monde de
cuillères et de faitouts s'anime, sous l'action de deux
manipulateurs-musiciens invisibles et géniaux. Commence alors un ballet
époustouflant de fouets mécaniques, un concerto drolatique pour
bouilloires et théières qui confie à tous un secret :
sous la nappe à carreaux du quotidien, le monde des choses palpite,
prêt à livrer une musique insoupçonnée...
ANNEXE N°17 :
Veille au grain, il fera beau demain
Théâtre de marionnettes. Durée : 45'.
Public limité à 200 enfants. La Compagnie Artemisia -
Haute-Garonne.
Création et interprétation : Anne-Laure
Vergnes.
Maudite époque. La terre, naguère si
fertile, est aujourd'hui désolée. Autant que le grand-père
de Granimède qui se lamente : plus un grain de blé à
se mettre sous la dent ! Heureusement, Granimède le petit rongeur
ne se résigne pas. Il quitte les siens en quête d'une graine
magique aux pouvoirs fertilisants et en chemin, laisse grandir en lui une autre
graine, plus précieuse encore... Une fable aux accents
d'Asie, écologique et zen, qui, sur fond de chants mongols, nous dit
avec grâce et sensibilité qu'il est encore temps d'agir.
II
TEXTES PROMOTIONNELS CULTURELS
TOUT PUBLIC
ANNEXE N°18 :
Exposition Denis Monfleur
Château de Carrouges (du 14 juin au 17 août 2008).
Du corps à corps épuisant que livre Denis
Monfleur avec le granit émane un souffle qui semble animer son
humanité de pierre, partagée entre abattement et
Espérance. Ses sculptures, fragmentaires comme celles de l'antique,
évidentes dans leur rugosité primitive, condensent une
essentielle beauté : ici se dégage le déhanchement
vivant d'un torse, là un bras de pierre où se réfracte la
lumière. Ces corps incomplets, parfois suppliciés, le sculpteur
les travaille en taille directe, sans repentir possible. Et c'est
peut-être ce risque, cette fragilité paradoxale d'un geste
puissant et irrémédiable, qui permet aux statues de Monfleur de
révéler, dans leur âpre minéralité, une
beauté et une grandeur qui questionnent la condition humaine. Loin de
l'art conceptuel et de ses vanités, l'oeuvre de Monfleur invite au
recueillement. Sans doute parce que, malgré son intense
modernité, elle ne peut échapper (éloge de la lenteur dans
une époque qui sacralise l'instantané) aux gestes
millénaires qu'elle prolonge et au sublime de l'homme qui, par la
médiation de l'art, interroge sa destinée.
« Rarement on n'avait de la pierre dure
révélé à ce point la tendresse et la
poésie. » Olivier Céna, Télérama.
VARIANTE 1 :
Du corps à corps épuisant que livre Denis
Monfleur avec le granit émane un souffle épique qui semble animer
son humanité de pierre, partagée entre souffrance et élan,
abattement et Espérance. Ses sculptures, fragmentaires comme celles de
l'antique, évidentes dans leur rugosité primitive, condensent une
essentielle beauté : ici se dégage le déhanchement
vivant d'un torse, plus loin un bras de pierre où se réfracte la
lumière, là une profonde entaille dans un abdomen
supplicié. Ces corps incomplets, le sculpteur les travaille en taille
directe, sans repentir possible. Et c'est peut-être ce risque, cette
fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable,
qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur
âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui
questionnent la condition humaine. Loin de l'art conceptuel et de ses
vanités, l'oeuvre de Monfleur invite à la méditation, au
recueillement. Sans doute parce que, malgré son intense
contemporanéité, la sculpture de Denis Monfleur, éloge de
la lenteur dans une époque qui sacralise l'instantané, ne peut
échapper aux gestes millénaires qu'elle prolonge et au sublime de
l'homme qui, par la médiation de l'art, interroge sa
destinée.
« Rarement on n'avait de la pierre dure
révélé à ce point la tendresse et la
poésie. » Olivier Céna, Télérama.
VARIANTE 2 (avec les anges) :
Du corps à corps épuisant que livre Denis
Monfleur avec le granit émane un souffle qui semble animer son
humanité de pierre. Ses sculptures, fragmentaires comme l'antique,
évidentes dans leur rugosité primitive, condensent une
essentielle beauté : celle de l'homme qui, face à
l'adversité, passe perpétuellement de l'abattement à
l'Espérance. Ces corps, le sculpteur les travaille en taille directe,
sans repentir possible. Et c'est peut-être ce risque, cette
fragilité paradoxale d'un geste puissant et irrémédiable,
qui permet aux statues de Monfleur de révéler, dans leur
âpre minéralité, une beauté et une grandeur qui
invitent, loin d'un certain art conceptuel et de ses vanités, à
interroger la condition humaine. L'homme toujours. Même lorsque Monfleur
suspend au-dessus de nous, comme sculptés en plein saut, de petits anges
de granit semblant nous parler moins de leur chute que de la beauté de
l'instant ; comme une invitation à saisir ici-bas ce moment de
grâce, fugace, où le lourd devient léger, où la
pierre et l'air s'accordent.
« Rarement on n'avait de la pierre dure
révélé à ce point la tendresse et la
poésie. » Olivier Céna, Télérama.
ANNEXE N° 19 :
Sculptures de Fabienne Hanteville
Alençon : La Poste / Ouest France. Du 19 septembre au
20 octobre 2007.
Un jour, un ami sculpteur installé dans le Midi
offrit à Fabienne Hanteville un bloc de marbre qu'elle ramena chez elle
dans son sac à dos. Elle en fit un coq fièrement dressé.
L'anecdote dit bien la volonté farouche de celle qui, contre vents et
marées, pense, vit et dort sculpture animalière. Mais le marbre
est rare ; alors bien souvent, Fabienne sculpte ce qui lui tombe sous la
main. Ainsi l'argile extraite de son jardin donna vie, il y a peu, à une
étonnante basse-cour. Nécessité fait l'oie, pourrait-on
dire... Aujourd'hui, le papier journal, les publicités, le carton, les
bouteilles de plastique qui encombrent nos boîtes à lettres et nos
poubelles constituent le matériau de son fabuleux bestiaire. Et l'on est
tout à la fois admiratif et pris de vertige en voyant avec quel talent
(et quelle patience !) la sculptrice « recycle » les
résidus de l'hyperconsommation, standardisés et ignobles, en
oeuvres d'art singulières : taureaux à l'encolure puissante
ou petites vaches malicieuses qui sont autant d'odes à la vie. On se dit
alors que sa ménagerie « recyclée » est soeur
de ces tortues géantes crevant le ventre plein du plastique que
charrient nos océans mondialisés. Un bestiaire, familier ou
mystérieux, qui nous regarde comme pour nous demander si cette folie
cessera un jour.
ANNEXE N° 20 :
L'Epopée du prince Preah
Chenvong
Danse. Argentan. La Cie le Cabaret des Oiseaux.
Chorégraphie : Leng Santha. Création lumière :
Frédéric Audegond. Costumes : Sisowat Kresna, Ming Than,
Sisowat Teso, Roath Mom.
C'est avec un très grand plaisir que nous
accueillons à Argentan la compagnie de danse cambodgienne le Cabaret des
Oiseaux. Créée à Paris en 1991 par d'anciens membres du
Ballet royal du Cambodge (classé en 2003 par l'UNESCO
« trésor du patrimoine immatériel de
l'humanité »), la Cie s'inscrit dans une tradition
chorégraphique millénaire mais menacée d'oubli depuis la
vaste et terrible épuration culturelle des années Pol Pot
(1975-79). Egalement ouvert sur la modernité (à travers des
créations en danse contemporaine qui vivifient le répertoire), le
Cabaret des Oiseaux propose un spectacle où évoluent les
principaux personnages du panthéon mythologique et chorégraphique
khmer : prince séducteur, princesses séduites, sage ermite,
monstres gigantesques et démoniaques, tous
incarnés par six danseuses, au moyen d'un
vocabulaire gestuel, gracieux et évocateur, de 3500 expressions. Jambes
à demi fléchies comme pour puiser la force du sol, doigts tendus,
parées de soies précieuses, de bracelets aux formes serpentines
et de casques dorés, ces héritières des envoûtantes
danseuses apsaras (représentées sur les bas-reliefs du temple
d'Angkor) fascinent les spectateurs occidentaux tant par leur
étrangeté mystique que par la richesse des
chorégraphies.
ANNEXE N° 21 :
Chiffonnade
Danse. Durée : 3O'. Public limité à 100
personnes. Carré blanc (Cie Michèle Dhallu) - Gers.
Chorégraphie : Michèle Dhallu. Costumes : Anne Rabaron.
Interprétation : Leslie Barra ou Nicole Estrabeau ou Neige
Salinas.
Montage sonore : Eric Mauer.
Mouvements et bruissements des étoffes que l'on
froisse, que l'on caresse, que l'on déchire ; tissus mats, nobles
et sobres, ou éclatants de mille feux ; vêtements du bout du
monde qui dans leur diversité, partout, sertissent les corps pour en
dire la beauté... Cette fascination pour les tissus, la
chorégraphe Michèle Dhallu la doit à la costumière
Anne Rabaron qui accompagne depuis quelques années ses créations.
Subjuguée, la danseuse a voulu cette fois-ci inverser les rôles,
placer le vêtement en amont de son travail et non comme complément
d'un projet chorégraphique déjà établi.
Chiffonnade, créé donc à partir des contraintes et du
pouvoir évocateur des matières imposées par Anne Rabaron,
s'impose comme une somptueuse exaltation du vêtement en mouvement. Tulles
et soieries, lin, draps et cuirs, volent et ondoient sur scène, parfois
comme des prolongements de la danseuse, souvent comme de véritables
partenaires. Une chorégraphie superbe qui, sur des rythmes jazzy et
africains, est aussi une réflexion sur le rapport à l'autre,
à travers ce que l'on choisit de cacher ou de montrer par le
vêtement.
ANNEXE N° 22 :
En aparté
Danse. Durée : 45'. Public limité à 250
spectateurs. Cie Etant-donné - Rouen. Chorégraphie :
Frédérike Unger et Jérôme Ferron. Musique :
Hubert Michel. Création lumière : François Maillot.
Images, vidéo, animation : Nicolas Diologent. Décor :
Etienne David.
Avec En aparté, la compagnie rouennaise
Etant-donné éclaire ce qui nous est si proche et que nous ne
voyons pas : le rapport du corps à l'habitat et les milliers de
gestes que nous y accomplissons chaque jour mécaniquement : allumer
la lumière, s'asseoir, se relever, ouvrir une porte ou un robinet, la ou
le refermer, s'allonger sur un lit, rouler sur le côté...
Dépoussiérant le quotidien, le langage du corps proposé
par Frédérike Unger et Jérôme Ferron fait de chacune
de nos actions quotidiennes un événement unique. Ces gestes
extraits de leur torpeur routinière sont ramenés, par une
chorégraphie et une lumière admirables, à leur
beauté première. Un écran, des ombres, une musique
où s'entendent le ruissellement d'une douche ou le cliquetis de la
vaisselle, campent avec dérision et poésie cet univers si
familier. Les danseurs donnent à voir de manière ludique, parfois
absurde, le va-et-vient entre l'intérieur et l'extérieur, les
mouvements dans et entre ces espaces séparés que nous occupons,
traversons: salon, chambre, cuisine, cuisine, chambre, salon...Et très
vite, la vie de la maison danse « en aparté » sous
les yeux du spectateur, lui révèle « ce que seul il est
censé entendre » : l'existence autour de lui d'un
territoire merveilleux qu'il ne soupçonnait pas.
ANNEXE N° 23 :
Le Garçon aux sabots
Théâtre, danse hip-hop et figures d'ombres.
Durée : 1 h00. Cie Contre Ciel - Paris. Création et mise en
scène : Luc Laporte. Texte: Marie-Line Laplante.
Chorégraphie : Sébastien Lefrançois.
Interprètes : Milène Duhameau, Zouhir Charkahoui,
Jean-Charles Zambo, Clément Roussillat. Musique : Fred Costa.
Création lumière: Laurent Patissier. Sculptures,
marionnettes et scénographie: Thierry Dufourmantelle.
Sur scène, un cercle, comme une arène. Au
fond, des tôles ondulées translucides dessinent un univers urbain.
Arrivent bientôt quatre garçons. De ceux qui, démarche
chaloupée, effrayent parce que tout en eux, corps et langage, indique
qu'ils appartiennent aux marges de la ville, à ces quartiers où,
dans le rapport à l'autre, la violence est loi. Les personnages,
enfermés dans les codes de leur culture, se toisent, friment, se
cherchent, mi-fraternels mi-menaçants, avec les mots qu'ont
inspirés à la dramaturge québécoise Marie-Line
Laplante les joutes verbales hip hop. Mais rapidement le langage manque. Aussi
quand le garçon aux sabots lance, provocation dérisoire et
pathétique, qu'il est le maître du monde, seule la violence des
corps se croit apte à répondre. Caparaçonnés de
plaques de mousses, les danseurs se combattent alors, accompagnés par
leurs ombres. Détenteurs chacun d'une arme totémique qui,
à la façon des héros des mangas et des jeux vidéo,
les fige en stéréotype, ils s'affrontent, marionnettes conduites
par une une logique inexorable, dans une surenchère destructrice. Un
spectacle à la croisée des arts, époustouflant de
vitalité, qui propose à destination du jeune public une
véritable réflexion sur la violence, sans didactisme ni
complaisance.
ANNEXE N° 24 :
Même pas seul
Danse. Argentan. La Folia / Compagnie Christine Bassin - Val de
Marne. Conception et mise en scène Christine Bastin. Chorégraphie
et interprétation : Christine Bastin et Thomas Lebrun.
On est à Dunkerque, c'est le Nord et sa culture
populaire, son humanité. Une humanité qui déborde. De
désespoir, d'ennui mais aussi d'un amour viscéral de la vie. Tout
ça mêlé. Une vie que l'on voudrait manger à pleines
dents, avec l'appétit bouffon des géants du carnaval. Une vie
où les rires et la fête ne sont jamais bien loin des larmes. Rose
et Jacky sont de ce pays (comme leurs très touchants interprètes
Christine Bastin et Thomas Lebrun). Ils vivent là dans un F2, tout
près de la mer. Mais c'est pas les vacances, non. C'est leur vie
à eux, ici, depuis longtemps, sans enfants, sans même un chien.
Une solitude à deux qui les enferme, qui rend presque impossible la
parole ; où les mots, l'envie parfois, manquent pour s'aimer.
Même pas seul est un spectacle de danse qui tient un propos, une sorte de
théâtre chorégraphié qui offre une vision à
la fois très amère et douce de la vie de couple. Sur
scène, les corps se meuvent, s'ignorent, se rapprochent, dans un
va-et-vient vachard et tendre qui, entre petites tragédies et grands
espoirs, dit avec beaucoup de pudeur, de force et de poésie la grandeur
de deux petites gens.
TABLE DES MATIERES
Sommaire p. 3
Introduction p. 4
Première partie : une
présentation
de l'Office départemental de la Culture de
l'Orne
I Le cadre du stage
1 Présentation de l'ODC p. 7
2 Fonctionnement et raison d'être de l'ODC p. 7
3 Personnel et organisation de l'ODC p. 8
II Fonctions, structure et réalisation des
plaquettes « jeune » et tout public de l'ODC
1 Fonctions et destinataires des deux plaquettes p. 11
2 Structure, mode de lecture et réalisation de la
plaquette « tout public » p. 12
3 Structure, mode de lecture et réalisation de la
plaquette « jeune public » p. 14
III Position des rédacteurs de l'ODC face
à l'écriture
1 Variété des énonciateurs et des
domaines artistiques : des ethos différents p. 16
2 Un stagiaire qui doit s'approprier un genre et un
savoir-faire rédactionnel p. 19
*
Deuxième partie : essai de définition
comparative
du texte promotionnel culturel
I Pour une désignation et une définition
du texte qui vise à promouvoir une manifestation culturelle
1 Le problème de la désignation : un genre
sans nom ? p. 24
2 Essai de désignation et de définition du
« texte promotionnel culturel » p. 25
3 Le TPC : une pratique discursive relative à une
formation sociodiscursive p. 26
II Le texte promotionnel culturel, un texte
publicitaire comme les autres ?
1 Ce qui distingue le texte promotionnel culturel du message
publicitaire p. 28
2 Le TPC face à l'argent,
« visée » et « menace » propres
au discours publicitaire p. 29
3 Le TPC face à un des fondements de la
publicité : le stéréotype p. 31
4 TPC et publicité : des stratégies
incitatives similaires ? p. 32
Troisième partie : étude des principales
modalisations
à l'oeuvre dans les textes promotionnels
culturels
I La modalisation prescriptive
1 Quand « il faut » aller au spectacle
p. 35
2 Prescription et urgence p. 36
3 Des dangers de la prescription p. 36
4 Inviter le public en jouant stylistiquement sur un effet
« crieur public » p. 37
5 La modalisation prescriptive atténuée p.
38
6 Un cas de modalisation prescriptive indirecte ? p.
38
7 Le prescriptif détourné p. 39
8 Prescrire en postulant un public fidèle p. 39
9 Monsieur Loyal face à un public fidèle p.
40
10 Quand l'effet de fidélisation est distancié
p. 41
11 Un étonnant effet de fidélisation qui ne vise
pas son destinataire
et transforme une communication événementielle
en communication institutionnelle p. 43
II La modalisation méliorative
1 Définir le TPC au moyen d'un parallèle avec la
critique culturelle journalistique p. 44
2 Le TPC, rien moins qu'une critique journalistique
positive ? p. 45
3 TPC et critique journalistique : quand ne pas
programmer ou taire revient à évaluer p. 46
4 L'impact d'un discours professionnel et institutionnel p.
47
5 Entre publicité et critique, des « airs de
famille » variables p. 47
6 Le TPC, un genre qui, comme la critique,
« informe » et « donne un avis » p.
48
7 Des objets de discours
« catégorisés » communs aux critique de
presse et aux TPC p. 49
8 Les évaluatifs axiologiques positifs dans les TPC
p. 51
9 Les évaluatifs affectifs dans les TPC p. 52
10 L'évaluatif affectif comme label p. 53
11 Faire du lecteur, par avance, un spectateur ressentant
p. 54
12 Les évaluatifs de comparaison dans les TPC p.
61
13 Quand la comparaison s'appuie sur un effet de
dévalorisation p. 62
14 Evaluatif comparatif et « univers
partagé » p. 63
15 Les évaluatifs contextuels dans les TPC p. 66
16 Le cas étrange d'un évaluatif axiologique et
contextuel p. 66
17 L'évaluatif contextuel, une arme à double
tranchant p. 67
18 Petit décryptage de l'inconscient scriptorial autour
du mot « populaire » p. 68
19 Des évaluatifs contextuels qui font sens en
chaîne p. 69
20 Evaluatifs contextuels et norme cognitive du locuteur p.
70
21 Le « neutralité
méliorative » ou l'influence tacite du discours
promotionnel
sur la description p. 72
III La modalisation persuasive ou la tentation de la
littérature
1 Pour une définition de la modalisation persuasive
p. 74
2 Le TPC ou la persuasion par la connivence culturelle p.
75
3 TPC et allusions intertextuelles p. 76
4 Un cas de connivence culturelle qui repose sur
la connaissance du monde contemporain p. 77
5 Connivence culturelle, autobiographie nostalgique et
esthétique de la pointe :
un fragment de TPC à l'écriture très
littéraire p. 78
6 Quand le TPC fait entendre sa petite musique p. 80
7 Des TPC où sont convoqués humour et calembours
p. 84
8 Des figures de style pour persuader
p. 89
9 Des TPC qui recourent au discours indirect libre
p. 95
10 Des TPC descriptifs proches de l'écriture de
l'article ou de l'essai p. 98
11 Combinaison de la fonction poétique du langage
et de séquences descriptives d'«
ambiance » (avec essai d'étude quantitative)
p. 103
12 Des récits en trompe-l'oeil pour séduire (ou
le pouvoir des fables) p.107
Conclusion p.
116
Bibliographie
p. 119
Annexes I p.
122
Annexes II p.
128
Tables des matières
p. 132
* 1 ADAM Jean-Michel,
1999 : Linguistique textuelle, Des genres de discours aux textes,
Paris, Nathan université, p. 84.
* 2 Pour lui permettre de
remplir sa mission, le Conseil Général de l'Orne a ainsi
alloué, en 2006, à l'ODC une subvention de 773 165,52 euros.
* 3 Les visuels récents
de la plaquette tout public de l'ODC ont été
étudiés dans notre mémoire de sémiologie pour ce
master.
* 4 Gilles Lugrin, 2000 :
« Le mélange des genres dans l'hyperstructure »
dans Genres de la presse écrite et analyse de discours,
Semen 13 (revue de sémio-linguistique des textes et discours,
nouvelle série, n° 13), Besançon, Presses universitaires
Franc-comtoises, p. 70.
* 5 MOIRAND Sophie, 1990,
Une grammaire des textes et des dialogues, Paris, Hachette.
* 6 Idem.
* 7 MAINGUENEAU Dominique,
2005, Analyser les textes de communication, coll. Lettres Sup., Paris,
Armand Colin, p. 24.
* 8 L'intention ici n'est pas
dans la démonstration. Il s'agit de poser quelques premiers jalons sur
la question de l'énonciation. Les ethos se dégageront, je crois,
plus clairement, à travers l'étude précise des textes.
* 9 MOIRAND Sophie, 1990,
«Se mettre dans son texte: les évaluations des critiques de
presse», chapitre 4 d'Une grammaire des textes et des dialogues,
Paris, Hachette.
* 10 MAIGUENEAU (2005).
Op. cit.
* 11 Idem, p. 200.
* 12 ADAM Jean-Michel,
1999 : Linguistique textuelle, Des genres de discours aux textes,
Paris, Nathan université.
* 13 Idem
* 14 F. JUST dans
Réseaux (revue), cité par ADAM J- M (2001) dans
l'introduction de Genres de la presse et analyse de discours, dans
Semen 13 (op. cit.), p 9.
* 15 ADAM (2001) dans Semen 13
(op. cit.), introduction (d'après Bakhtine), p. 8
* 16 MAIGUENAU (2005), op.
cit., p. 200
* 17 ADAM (1999), op.
cit.
* 18 ADAM (1999), op.
cit.
* 19 Idem,
p.83.
* 20 Pour Bakhtine
(Esthétique de la création verbale, p. 287), «les
catégorisations fonctionnent par regroupements autour de prototypes, par
«airs de famille» pour reprendre une formule un peu trop
célèbre, mais fort utile, de Wittgenstein». Cité par
ADAM J-M (1999), op. cit.
* 21 GROSSE Ernest-Ulrich,
2001, « Evolution et typologie des genres journalistiques. Essai d'une vue
d'ensemble », dans Genres de la presse écrite et analyse
de discours, revue Semen 13, Besançon, Presses Universitaires
Franc-comtoises, p. 28.
* 22 KERBRAT-ORECCHIONI
Catherine, 1989, Théorie des faces et analyse
conversationnelle, p. 155-179, Le parler frais d'Erving Goffman,
Paris, Edition de Minuit.
* 23 MAINGUENAU (2005), op.
cit., dans « Les lois du discours » (chap. 2), p.
26.
* 24 MAINGUENAU (2005),
idem.
* 25 Notamment à Paris
et dans les grandes villes de province où l'on assiste dans le domaine
de la variété ou du rock, pour des artistes qui suscitent un
important engouement populaire, à une véritable flambée du
prix des places et à un processus d'industrialisation du spectacle.
* 26 MAINGUENAU (2005).
* 27 MOIRAND Sophie (1990),
Une grammaire des textes et des dialogues, Paris, Hachette.
* 28 EVERAERT-DESMEDT Nicole
(1984) La communication publicitaire. Etude sémio-pragmatique,
Louvain - la - Neuve, Cabay.
* 29 «Lorsqu'on aborde
une typologie des genres, il faut en effet être conscient de leur
historicité, tout comme de leur catégorisation parfois
floue.» Ernest-Ulrich Grosse (2001) dans Semen 13 (op. cit.), p.
18
* 30 Selon E-U Grosse
(idem), la brève publicitaire (simple encart avec mention du nom du
produit, du lieu de vente voire du nom du « producteur »)
apparaît au XVIIIe siècle, la publicité au XIXe
siècle.
* 31 On pense pour ce dernier
type publicitaire aux affiches Benetton des années 90,
célèbres pour s'être emparées, avec un certain
goût du scandale, de sujets de société tragiques (sida,
racisme, etc.) mais aussi à la vogue actuelle du développement
durable devenu le principal ressort de la communication institutionnelle des
entreprises du secteur industriel.
* 32 GROSSE Ernest-Ulrich
(2001), op. cit.
* 33 Après chaque
citation, nous indiquerons l'auteur du TPC, le nom du spectacle ou de
l'artiste, la plaquette concernée (spécification « tout
public » ou « jeune public »,
abrégées en t. p. et j. p.), le numéro de la page pour les
TPC t. p., ainsi que le numéro de l'annexe pour tous les textes que j'ai
rédigés.
* 34 Dans ce chapitre, nous
ouvrons notre corpus, exceptionnellement et pour les besoins de la
démonstration, aux textes de l'ODC de la Saison culturelle
précédente (Saison 2006-07).
* 35 Cf.
séminaire du master et schéma réalisé par Dominique
Desmarchelier, d'après BRETON Philippe (2001), L'argumentation dans
la communication, coll. Repères, Paris, La Découverte, p.
45.
* 36 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit., p. 97.
* 37 BRETON Philippe (2001) -
2è éd., L'argumentation dans la communication, coll.
Repères, Paris, La découverte.
* 38 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit., p. 97.
* 39 BRETON Philippe (2001),
op. cit.
* 40 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 41 ADAM Jean-Michel (1999),
op. cit.
* 42 Selon Grosse (GROSSE
Ernest-Ulrich (2001), op. cit.), la critique existe en France depuis
1721. Le Mercure de France proposait alors des comptes rendus de
spectacles comportant encore « peu d'évaluation ou de stimulus
esthétique ». D'après son étude diachronique du
Journal de Mantoue, elle apparaîtrait, sous sa forme moderne, en
Italie en 1815.
* 43 GROSSE Ernest-Ulrich
(2001), op. cit, p. 28.
* 44 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 45 BRETON Philippe (2001),
op. cit.
* 46 MOIRAND Sophie,
idem.
* 47 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit, « Se mettre dans son texte : les
évaluations des critiques de presse », chapitre 4, p.
97.
* 48 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit., p. 97.
* 49 GROSSE Ernest-Ulrich
(2001), op. cit., propos de Sophie Moirand cités par E-H
Grosse, p. 30.
* 50 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 51 MOIRAND Sophie (1990),
chap. 4, op. cit.
* 52 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit., p. 111-112.
* 53 On trouve d'autres effets
« label » mais qui n'impliquent pas nécessairement
une évaluation affective. C'est le cas de l'expression
« nouveau talent » dans le TPC suivant :
« Si l'on ne devait retenir qu'un seul nouveau talent
« chanson » en 2007, à coup sûr, ce
serait Renan Luce. » (Vincent, Renan Luce, t. p., p. 16)
* 54 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit. - voir notre Troisième partie, I La
modalisation prescriptive, « 8. Prescrire en postulant un public
fidèle », p. 46.
* 55 BRETON Philippe (2001),
op. cit.
* 56 Nous
préférons ce néologisme au verbe
« pressentir » qui, s'étant éloigné
des sèmes « sentiment » et surtout
« sensation », ne dénote plus qu'une
opération mentale consistant à deviner ou à tenter de
deviner ce qui n'est pas encore advenu. Notre
« pré-sentir » doit lui être entendu au sens
premier de « ressentir avant ».
* 57
« Balade » au sens de promenade ne devrait prendre qu'un
« l ». Une « ballade » est un
poème à l'origine chanté. S'agit-il ici d'une faute
d'orthographe ou de saisie ? Y-a-t-il au contraire, de la part de Jacques,
une jeu de mots et le souhait de décrire une promenade américaine
en image (sorte de road movie en « cinémascope »)
avec la bande son (« ballade ») qui l'accompagne?
* 58 Dans la totalité de
son TPC sur Armadillo, Jacques n'utilise jamais le nom
« Amérique » et ne recourt qu'une seule fois
à l'adjectif à propos du « « King »
Elvis Presley, qui a fusionné à lui seul les diverses influences
de la musique américaine [...] » (t. p., p 6)
* 59 On trouve cette
expression, un peu plus loin, dans le TPC de Vincent. Remarquons qu'elle est
aussi souvent utilisée au dos des bouteilles de vin sur le mode du
conseil (température, plat avec lequel il peut être servi,
etc.)
* 60 BRETON Philippe (2001),
op. cit.
* 61 Au début de
l'intervention américaine en Irak, les journalistes étaient dits
« embarked » lorsqu'ils couvraient les
événements au sein même d'une unité de combat.
* 62 Dominique MAINGUENAU
(2005) compte parmi les lois du discours la loi de
sincérité. Pour affirmer quelque chose, on est
censé pouvoir garantir la vérité de ce qu'on avance. Dans
mon cas, ce n'est pas en tant que témoin direct que je peux garantir la
vérité de mes comptes rendus de spectacle. On peut en revanche
dire que les dossiers de presse, constitués de sources
différentes que j'ai croisées et dont je me fais l'écho,
en sont la garantie. D'autre part, mes TPC sur les expositions (F. Hanteville,
D. Monfleur) promeuvent des manifestations qui n'ont pas encore eu lieu. Aussi
il ne suffit pas d'avoir vu pour être sincère mais d'être au
plus près, au plus juste de son sujet. On peut également
s'appuyer sur la linguistique et la théorie des fonctions du langage
pour contre-argumenter l'idée de malhonnêteté. En effet,
Sophie MOIRAND, rappelle dans Une grammaire des textes et des
dialogues (1990) que tout énoncé est soumis à la
fonction de représentation: on parle toujours de quelque chose qui est
absent (de quelque chose que l'on a vu, que l'on a fait, que l'on veut ou que
l'on va voir ou faire). Le TPC doit donc
« représenter », au plus près, au plus juste,
dans la conscience du destinataire, ce qui est absent, cette
« représentation » se doublant donc d'un travail de
modalisation.
* 63 BRETON Philippe (2001),
op. cit.
* 64 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 65 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 66 BRETON Philippe (2001),
op. cit.
* 67 Il est
intéressant de remarquer ici que la question de la
légitimité n'est pas seulement théorique mais que ce
commentaire fait écho à certains échanges dont j'ai pu
être témoin durant le stage. En effet, certaines communes
partenaires (peu nombreuses) contestent les choix de l'ODC et proposent parfois
d'autres artistes. Cette remise en cause, venant souvent d'élus n'ayant
aucune compétence dans le domaine culturel et veillant surtout à
contenter leurs électeurs par des spectacles grand public, parfois de
piètre qualité, est mal vécue par les programmateurs.
C'est ainsi que dans l'édito de la directrice Martine Gasnier, on a pu
lire cette petite mise au point rappelant la légitimité de l'ODC
en matière de programmation: « Depuis trois décennies,
l'Office départemental de la culture oeuvre au développement de
l'Orne et poursuit la voie qu'il s'est tracée, soucieux d'offrir aux
habitants, toutes générations confondues, des moments artistiques
de qualité au travers de saisons, de festivals mais aussi d'expositions
d'art contemporains programmés avec l'exigence qui doit
prévaloir lors de choix opérés par des professionnels dont
la mission est indissociable du respect du public. » -c'est
nous qui surlignons.
* 68 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 69 BRETON Philippe (2001),
op. cit.
* 70 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 71 MAINGUENAU Dominique
(2005), op. cit.
* 72 Majoritairement rural, le
département a cependant comporté des
« niches » industrielles à Flers, Argentan et
Alençon, berceau de la marque Moulinex. Dans cette dernière
ville, très durement touchée par la fermeture des usines Moulinex
au tournant du millénaire, les « luttes politiques et
sociales » ont été une réalité pour
nombre de ses habitants et font aujourd'hui partie de l'« imaginaire
collectif » local.
* 73 Dans l'extrait de TPC
cité ci-dessous que j'ai écrit, l'adjectif
« rythmé », a priori neutre, devient, comme
dans le texte de Vincent, évaluatif en contexte. Renforcé par
l'adverbe « terriblement » (jouant un rôle
d'intensificateur), cet emploi de l'adjectif fait de la vitesse, du dynamisme,
du rythme une valeur méliorative : « Soutenu par une
machinerie astucieuse, ce spectacle de marionnettes, terriblement
rythmé, mêle aux éléments traditionnels du
conte le suspense d'une enquête policière, pour le plaisir de
tous. » (David, Au voleur !, j. p., annexe n°
1). La vitesse, l'énergie a la même valeur méliorative dans
le texte de Jacques promouvant la mise en scène des Fourberies de
Scapin (t. p., p. 37)
* 74 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 75 BRETON Philippe (2001),
op. cit
* 76 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit.
* 77 MOIRAND Sophie (1990),
op. cit., p. 111.
* 78 MOIRAND Sophie (1990)
op. cit.
* 79 Troisième partie,
II, chap. ?, p. ?
* 80 MAINGUENAU Dominique
(2005), op. cit.
* 81 L'intertexte serait ici le
célèbre « Noms de pays » dans Du
côté de chez Swann.
* 82 Contrairement au
rédacteur, l'analyse du discours n'a pas (toujours) ces
délicatesses...
* 83 DURRER Sylvie (2001),
« De quelques affinités génériques du billet
», dans Genres de la presse écrite et analyse de
discours, revue Semen 13, Besançon, Presses Universitaires
Franc-comtoises, p. 163-185.
* 84 DUPRIEZ Bernard (1984)
Gradus, Les procédés littéraires (dictionnaire),
coll. 10/18, Union générale d'éditions.
* 85 Si le ridicule,
heureusement, ne tue pas dans les TPC, on songe ici au film de Patrice Leconte,
Ridicule (1996), qui, magistralement, a montré combien le
« trait » mal maîtrisé pouvait, à la
cour de Louis XVI, ruiner une réputation, défaire une situation
patiemment acquise et tuer socialement (disgrâces) ou
littéralement (suicides) le maladroit.
* 86 Le Nouveau Petit
Robert, citation extraite de l'article « calembour »,
Dictionnaire Le Robert, Paris, 1996)
* 87 MAINGUENAU Dominique
(2005), op. cit.
* 88 cf. Troisième
partie, Etude des principales modalisations à l'oeuvre dans les
textes promotionnels culturels, II « La modalisation
méliorative », chap. 13.
* 89 MAINGUENAU Dominique
(2005), dans le chap. 15 « Du proverbe à l'ironie:
polyphonie, captation, subversion », op. cit.
* 90 MAINGUENAU Dominique
(2005), dans le chap. 14 « Modalisation autonymique, guillemets,
italique », op. cit.
* 91 L'image des tortues
géantes mourant d'avoir ingéré des sacs plastiques
à la dérive m'a été
« inspirée » par un sujet, à fort impact
émotionnel, vu dans le journal télévisé de France
2, quelques semaines avant la rédaction de mon texte.
* 92 On parle aussi souvent,
dans le même registre métaphorique du tissu, de
« nappes » sonores.
* 93 PONGE Francis (1942),
Le Parti pris des choses, Gallimard.
* 94 Notre méthode qui
consiste à examiner les TPC de l'ODC objectivement et sans anonymat
touche peut-être ici à l'une de ses limites. D'abord parce qu'elle
me place, en dépit de l'engagement pris dans l'introduction, dans un
rôle de censeur assez désagréable. Ensuite parce que mon
jugement peut être tout à fait erroné et que, par ailleurs,
il est fort possible que certains dysfonctionnements m'aient
échappé dans mes propres textes : on voit la paille dans
l'oeil du voisin sans voir la poutre dans le sien...
* 95 MAINGUENAU Dominique
(2005), op. cit.
* 96 Dominique MAINGUENAU
(2005, op. cit.) remarque que cette « volonté de
cumul que l'on retrouve dans le discours indirect libre » [...]
« est plus rare dans la presse que dans le roman » (chap.
13, « Discours indirects, formes hybrides). Elle est également
relativement rare dans les TPC et très majoritairement employée
à partir d'un objet ayant originellement un contenu verbal ou du moins
narratif. Ainsi le discours indirect libre est parfois utilisé dans les
TPC de type théâtral (pièce mais aussi one man ou woman
show, marionnettes) alors que les rédacteurs n'y recourent pas pour les
concerts de chanson française, la musique classique ou les
expositions.
* 97 Sophie MOIRAND (1990,
op. cit.) oppose les « textes homogènes »
(qui parlent d'une seule voix) et les « textes
hétérogènes » qui laissent entendre plusieurs
voix.
* 98 MAINGUENAU Dominique
(2005), op. cit.
* 99 Celui-ci, dans sa
globalité, n'est peut-être pas stricto sensu une
séquence de discours indirect libre. Il peut s'apparenter à ce
que Dominique Mainguenau appelle une « contamination » du
discours du rédacteur par le milieu, le spectacle qu'il évoque
(MAINGUENAU Dominique, 2005, op. cit)
* 100 D'autres fragments au
DIL peuvent être repérés dans les TPC 2007-2008 de
l'ODC : dans « La Petite Reine » (David, j. p.) -
première phrase ; dans « Mister Django et Madame
Swing » (David, j. p.) - avant-dernière phrase, à
partir de « Pouah ! » ; dans « La Luna
Negra » (Vincent, t. p., p. 19) - 2e § de
« Autrefois [...] » à « tout se
dégrade ».
* 101 Les textes
à dominante descriptive de type informatif sont nombreux dans
les TPC « tout public » et prennent des formes variables.
Ils peuvent être entièrement
rédigés (« Livres objets », Martine,
t . p. 07 ; « Récital jeunes talents »,
Martine, t. p. , p. 40) ou prendre la forme, au moyen de
syntagmes exclusivement nominaux, d'un
programme-calendrier, avec mention de la date, de l'heure, du
type de la manifestation culturelle et de sa durée (« Le Vin
dans tous ses états », Martine, t. p., p. 36).
Les textes descriptifs de type purement informatif peuvent
aussi être uniquement constitués d'une biographie
de l'artiste où dates et phrases nominales prédominent
(« Roger Blaquière », rédacteur inconnu, t.
p., p. 21). Parfois, le texte est construit sur la combinaison de deux
biographies ( « Flavio Boltro et Frank Woeste »,
Vincent, t. p., p. 12) présentant (en l'occurrence, au moyen de phrases
verbales) deux artistes associés pour une même manifestation
culturelle. Ce TPC dont les biographies forment deux § distincts, suppose
toutefois un travail de réécriture ou du moins
une « fusion » de sources et de séquences
textuelles hétérogènes. En effet, ces biographies
s'insèrent dans un dispositif d'écriture du TPC
« standard », comme le prouve la présence d'un
§ conclusif qui prend un caractère descriptif non-biographique
(informations sur l'ambiance, les partenaires) et use de la modalisation
méliorative (« instrumentistes talentueux »,
« intensité étonnante »).
De nombreux textes utilisent des séquences descriptives
de type informatif de manière plus fragmentaire. C'est
le cas, par exemple, de « L'Epopée du Prince Preah
Chenvong » (David, t. p., p. 13 - annexe n° 20) qui,
après une première phrase donnant des informations sur l'histoire
contemporaine de la culture au Cambodge, décrit principalement, par la
suite, une atmosphère au moyen de la modalisation persuasive (voir chap.
suivant).
* 102 Dans notre plan initial,
une étude approfondie de l'agencement des séquences
textuelles (ou types de textes) dans les TPC devait faire l'objet
d'une quatrième partie. Parce qu'un mémoire professionnel ne
saurait avoir l'ampleur d'une thèse, nous nous contentons d'en commenter
brièvement quelques avatars dans le cadre (restreint) de notre analyse
de la modalisation persuasive.
* 103 Ce texte a
compté plusieurs variantes (cf. annexe n° 18), notamment
parce qu'au moment de la rédaction, l'ODC et l'artiste n'avaient pas
encore arrêté le choix des oeuvres devant être
exposées. Par ailleurs, dans sa mouture finale, on trouve une
différence minime entre la version papier (t. p., p. 50) et la version
diffusée sur le site Internet.
* 104 Il existe, selon
Dominique MAINGUENAU (2005), deux types de « lecteur
modèle » : celui de productions
médiatiques qui construisent leur public par
exclusion (public d'initié, publics thématiques - par
exemple, le compte-rendu dans L'Equipe, d'un match de basket) ;
celui aussi de productions médiatiques qui
excluent un minimum de catégories de lecteurs (publics
«généralistes»). Dans le cas de l'ODC, on peut parler
de tension entre ces deux types de lecteurs modèles, attendu que
l'objectif d'un organisme parapublic culturel est d'amener le plus grand monde
à voir des spectacles de qualité voire exigeants.
* 105 C'est ainsi que l'on
peut constater dans Toc-Toque (annexe n° 16), l'écriture
d'une phrase qui repose à la fois sur les potentialités
phoniques du signifiant (onomatopée) et sur
ses potentialités graphiques : «Mais
soudain : bing ! zing ! TOC ! tout un monde de
cuillères et de faitouts s'anime [...] ». La discrimination
volontaire entre lettres majuscules et lettres minuscules a été
réalisée afin d'introduire un décalage dans le
régime descriptif et de renvoyer, comme un clin d'oeil,
à un « au-delà » du texte qui lui est
proche : le titre même du spectacle. Nous sommes ici en
présence d'un cas de modalisation autonymique ainsi
définie par Dominique MAINGUENAU: « Ensemble des
procédés par lesquels l'énonciateur
dédouble en quelque sorte son discours pour commenter sa parole en train
de se faire » (MAINGUENAU, 2005, chap. 14,
« Modalisation autonymique, guillemets, italique »)
* 106 Nous sommes conscient
de ce que la combinaison textuelle « fonction poétique du
langage » + « description d'ambiance » puisse
faire problème. En effet, elle tend à
amalgamer une catégorie de la linguistique (la fonction
poétique parmi les autres fonctions du langage) et une
catégorie du littéraire, « la
poésie » (déclinables en multiples formes comme le
poème en vers, le poème en vers libre, le poème en prose
ou la prose poétique). « La poésie », cette
catégorie littéraire (d'avantage qu'un genre, à notre
avis) dont la fonction, pour simplifier grâce à Baudelaire,
serait, avant tout, dans un acception classique, la
recherche du Beau (« bizarre », dissonant
ou plus académique - disons, classique).
Or, si dans les TPC étudiés dans ce chapitre,
« fonction poétique du langage » et
« poésie » se recouvrent souvent, d'autres
avatars de la combinaison existent avec une acception du terme
« poétique » qui nous semble plutôt
tendre vers la linguistique ou du moins, concerner le
littéraire mais dans un sens non classique.
On peut d'abord prendre l'exemple de « Cité
Babel » (t. p., p. 49) et de « Même pas
seul », tous les deux inclus dans notre parcours
quantitatif. Ce sont des TPC qui rejettent les marques stylistiques
classiques du littéraire mais sont inspirés par une tendance
romanesque contemporaine. Dans ces deux textes, la description d'ambiance est
en effet obtenue par une écriture à tour
populaire. Une écriture, dans un « style
parlé », non poétique au sens
littéraire classique mais poétique au sens
contemporain puisqu'il est impossible aujourd'hui, dans l'analyse de
discours, de ne pas tenir compte de l'émancipation
vis-à-vis du beau langage de la littérature du
XXème siècle (Céline, Prévert, Duras, le Nouveau
roman, l'Oulipo, les romans policiers, l'autofiction)
« L'araignée du soir » (annexe
n°10) est, en revanche, un TPC qui nous laisse perplexe et qui
nous place devant nos contradictions terminologiques. Une
ambiance y est décrite grâce à la fonction
poétique du langage, à notre avis, sans
poésie au sens littéraire, que l'on pense en termes
classiques ou contemporains. Le texte adopte un style
humoristique et désinvolte donnant à voir une atmosphère
drôle, décontractée. Nous l'avons exclu de notre
étude quantitative, sans doute parce que, pour le littéraire que
je suis, son humour un peu potache (n'est pas Desproges qui
veut !) est un frein, une résistance qui m'empêche de le
ranger sous la bannière « fonction poétique du
langage ». On s'aperçoit ici qu'il m'est, en
définitive, difficile de séparer cette catégorie
linguistique de la catégorie littéraire
« poésie ». Le rire a souvent (à tort)
mauvaise presse et la lutte est, on le voit, âpre entre le
littéraire et l'apprenti linguiste...
* 107 Si 17 textes figurent
sur le poster alors que l'étude quantitative porte sur 18 TPC, c'est
notamment parce qu'un changement est intervenu dans la programmation.
Initialement la compagnie (Le Théâtre de Romette) devait venir
jouer dans l'Orne « Les Pieds dans les nuages », spectacle
qui a été remplacé par « Le Petit Bonhomme
à modeler ».
* 108 Le poster, pour des
raisons formelles, relatives au type de support, à son format et au
« pliage », ne pouvait compter que 17 TPC correspondant
chacun (photo et graphisme inclus) à une « face » du
verso de l'affiche.
* 109 Ce recensement inclut
aussi les TPC promouvant un festival, à savoir les p. 29-30 (que nous
considérons comme un seul texte) sur Le Printemps de la chanson
(Vincent), la p. 51 sur Les Vibrations de Flers (Jacques) et la
p. 56 sur le Festival Autour d'un piano de Carrouges (Martine). En
revanche, notre parcours quantitatif ne tient pas compte des textes
publiés uniquement sur le site de l'ODC et/ou ultérieurement
à la durée de notre stage (voir notamment les TPC promouvant,
individuellement, les groupes et chanteurs participant au festival Le
Printemps de la chanson).
* 110 Le parallèle
entre TPC et critique de presse peut ici être poursuivi du point de vue
de l'agencement des séquences textuelles. En effet, Ernest-Ulrich GROSSE
(2001) a dégagé dans son article diachronique
« Evolution et typologie des genres journalistiques. Essai d'une vue
d'ensemble » (Semen 13, op. cit.) la structure type d'une
critique culturelle observée dans Le Journal de Mantoue,
à partir de 1815. Selon le chercheur, le rédacteur transalpin s'y
présente comme le « témoin oculaire d'un
événement sensationnel »; son texte contient une
« description de l'atmosphère
générale », comporte des « impressions
visuelles et acoustiques très concrètes » et est
construit sur la base d'une « macrostructure chronologique et
descriptive ». On le voit, les similitudes entre TPC et critique,
frappantes, n'ont pas beaucoup changé depuis le XIX ème
siècle.
* 111 Le séminaire
du Master sur les types textuels de Patricia von Münchow nous a
enseigné qu'au moins « deux
macro-propositions » étaient nécessaires pour
qu'un texte puisse être affilié aux principaux types de textes
définis par la linguistique : l'argumentatif, le descriptif,
l'explicatif et le narratif. Dans le cas du narratif, 5
macro-propositions (formalisées par V. Propp dans son
schéma narratif - devenu célèbre
) caractérisent le type textuel : une situation
initiale, une complication, des réactions, un élément de
résolution et une situation finale que peut accompagner une morale.
* 112 Chez l'un comme chez
l'autre, on peut se demander toutefois si le plaisir de conter ne l'emporte pas
sur la morale qu'il faudrait alors considérer comme un
prétexte.
* 113 On pense à la
communication de Bernard Tapie dans le années 80 ou aux
publicités « success story en sépia » comme
celle de la marque Guy Degrenne (années 80) ou Gervais (devenu Charles
Gervais) dans le années 2000.
* 114 Orchestrées
par le pouvoir et avec la complicité des médias, l'idylle entre
un prétendant au trône d'Angleterre et une jolie roturière
blonde (puéricultrice de son état), ou celle entre un
président de la République française se réclamant
d'une droite « décomplexée » et une riche
héritière italienne, ex-top model devenue chanteuse, sont
des récits qui, amplifiés par l'extraordinaire
puissance de l'univers médiatique, entrent, immanquablement et
de manière tapageuse, dans de la vie de tout à chacun.
* 115 Cf. MALAVAL Catherine
et ZARADER Robert (2008) «Du storytelling au «sorry-telling»
dans le Magazine de la communication de crise et sensible, Naves, OIC
(Observatoire Internationale des Crises) publication.
* 116 Histoire qui
s'apparenterait davantage à une biographie qu'à un roman.
* 117 Le voleur n'est
évidemment autre que le papa de la petite héroïne qui a
emprunté le portefeuille de la maman pour acheter le cadeau de leur
fille.
* 118 A travers cette
expression, nous faisons référence aux travaux de G.Genette sur
le texte narratif romanesque. Dans les formes textuelles que sont les TPC, les
« ellipses » et les effets de
« sommaire » sont nécessairement très
nombreux.
* 119 A ces
« expériences très riches en enseignements »,
il faut ajouter un autre stage, celui de rédacteur d'un dossier de
presse général (axé sur le développement durable)
pour le Parc naturel régional du Morvan, de novembre 2007 à
février 2008.
* 120 L'emploi de la
majuscule, dans ces lignes, ne vaut pour « lettre de
noblesse ». Il s'agit juste de distinguer clairement la personne (le
littéraire) de la catégorie scientifique (le Littéraire,
donc) qui l'a formée.
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