II- LES VISITES ET INSPECTIONS MEDICALES DES DETENUS ET
DES PRISONS
Elles sont réglementées par les instruments
juridiques internationaux et nationaux. Les normes internationales disposent
que le médecin doit faire des inspections régulières et
conseiller le directeur -régisseur -en ce qui concerne l'alimentation,
l'hygiène, l'habillement et la literie des pensionnaires40.
En respect de cette disposition internationale, le décret du 11
décembre 1973 dispose que "le médecin chef départemental
ou son suppléant est tenu d'inspecter chaque trimestre les locaux
pénitentiaires. Il peut demander que lui soient présentés
les détenus"41. Il ressort de ces textes organiques que les
détenus et les locaux de détention sont soumis à des
visites médicales et des
40 Règle 26 de l'ERMTD.
41 Article 35 du décret n°73/774 du 11
décembre 1973.
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inspections sanitaires. De telles prescriptions valent
également pour les prisons de Dschang et de Mantoum .Il s'agit à
présent de scruter profondément au niveau de ces deux
pénitenciers, l'inspection médicale des détenus et
l'inspection sanitaire des locaux de détention.
A. La visite médicale des détenus
Le décret n°73/774 du 11 décembre 1973
insiste sur l'inspection médicale des détenus et précise
les diverses périodes auxquelles ces inspections doivent avoir lieu. De
nombreux événements dans la vie des détenus donnent droit
à des inspections médicales. Le décret de 1973
conformément aux articles 33, 34 et 36 permet d'observer que les
événements concernés sont au nombre de trois à
savoir : l'incarcération ou l'emprisonnement, le transfèrement et
les situations de maladie.
1. L'emprisonnement
Il marque le premier contact avec les locaux de
détention. Aux termes de l'article 33 du décret de 1973, "chaque
détenu est soumis au moment de son incarcération à une
visite médicale"42. A cette disposition, on peut adjoindre
l'article 34 qui demande au médecin consultant l'obligation de consigner
les observations relatives à l'état du malade dans un cahier
spécial de visites médicales43.
A la lecture de cette disposition, il apparaît
clairement que la visite médicale est réservée aux
détenus condamnés à des peines d'emprisonnement. A cet
effet, la règle 24 de l'ERMTD renchérit que " le médecin
doit examiner chaque détenu aussitôt que possible après son
admission et aussi souvent que cela est nécessaire
ultérieurement, particulièrement en vue de déceler
l'existence possible d'une maladie physique ou mentale..."44.
42 Article 33 du décret précité.
43 Article 34 du décret du 11 décembre 1973.
44 Règle 24 de l'ERMTD.
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A l'observation des dispositions du décret de 1973 et de
la règle 24 de l'ERMTD, nous pouvons distinguer plusieurs raisons
importantes pour lesquelles on doit offrir aux détenus une visite
médicale à leur arrivée en prison. Tout d'abord, " elle
permet d'avoir une indication sur l'état sanitaire d'un détenu et
dans le cas où il est malade, de lui épargner les corvées
susceptibles de menacer sa vie"45. Les autres raisons et non les
moindres sont les suivantes : -Une telle visite permet au personnel
médical de dépister les problèmes de santé
existants et de leur apporter un traitement approprié46.
- Elle permet de fournir un soutien approprié aux
personnes qui peuvent souffrir des effets du manque de drogue. Cet aspect est
important à plus d'un titre car "en détention, certains
délinquants et criminels dépendants tentent de chercher des
substances qu'ils consommaient avant même leur incarcération pour
atténuer les effets de l'emprisonnement"47.
- Elle facilite l'identification des blessures
éventuelles qui ont pu être infligées durant la
détention initiale48.
- Elle permet en fin de compte au personnel formé
d'évaluer l'état mental des détenus et de fournir un
soutien approprié à ceux qui risquent de
s'automutiler49.
Toutefois, la visite médicale au moment de
l'incarcération ne s'effectuait pas le plus souvent dans les prisons de
Dschang et de Mantoum. Ainsi, au cours de la décennie 1960, aucun
détenu n'était soumis à la visite médicale au
moment de son incarcération. En effet, affirme Gabriel Tsafack, "les
détenus étaient incarcérés en groupe de 20 ou 30.
L'infirmier n'avait pas le temps de les consulter. Ils étaient
considérés comme des maquisards et ne méritaient pas
45 Alioum, "les prisons au..." 2006, p.291.
46 Isaac Piedjo, 50 ans, infirmier des prisons, Dschang,
06.09.2009.
47 Marie Théodule Beng Elingui, "l'administration
pénitentiaire : Toxicomanie et troubles du comportement en milieu
carcéral", Justitia, n°002 de Juin 2008, p.49.
48 Coyle, Gérer les prisons...", 2002, p.52.
49 Ibid.
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d'attention"50. Le contexte de l'époque
semble expliquer ce choix car c'est dans un environnement de troubles
politiques après 1960 dans la Région Bamiléké que
de nombreuses personnes furent incarcérées et dans une telle
atmosphère délétère, la visite médicale
n'était pas envisagée. Notre interlocuteur réaffirme que
sa toute première visite médicale fut faite après sept
mois de détention lorsqu'il souffrait des problèmes oculaires et
digestifs. Comme quoi, les textes règlementant l'univers carcéral
en matière de visite médicale préalable à
l'incarcération étaient ignorés. Mais, il convient de dire
que même si ces visites étaient effectuées, elles
étaient pour la plupart des cas bien rares51.
Ces allégations épousent aussi celles d'Adamou
Yap du pénitencier de Mantoum :
Le plus souvent, les assignés parlaient de visites
médicales qui n'étaient pas faites au moment de leur
incarcération. Bien que l'infirmerie du CRC était bien
dotée en matériel, les assignés étaient
consultés rien qu'en cas de maladie et au moment de leur
évacuation pour hospitalisation à l'hôpital protestant de
Njissé ou départemental de Foumban52.
Ceci peut s'expliquer par le fait que la problématique
dominante de l'époque demeurait la question de mettre hors d'état
de nuire des adversaires politiques supposés ou réels du pouvoir
en place53. Néanmoins, l'inspection médicale des
détenus pouvait aussi s'opérer avant leur
transfèrement.
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