La protection de la santé comme limite à la liberté d'entreprendre( Télécharger le fichier original )par Thomas BERTRAND Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012 |
5 « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique et sociale. La santé de tous les peuples est une condition
fondamentale de la paix du monde et de la sécurité , Les résultats atteints par chaque Etat dans l'amélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous. L'inégalité des divers pays en ce qui concerne l'amélioration de la santé et la lutte contre les maladies, en particulier les maladies transmissibles, est un péril pour tous. Le développement sain de l'enfant est d'une importance fondamentale ; l'aptitude à vivre en harmonie avec un milieu en pleine transformation est essentielle à ce développement. L'admission de tous les peuples au bénéfice des connaissances acquises par les sciences médicales, psychologiques et apparentées est essentielle pour atteindre le plus haut degré de santé. Une opinion publique éclairée et une coopération active de la part du public sont d'une importance capitale pour l'amélioration de la santé des populations. Les gouvernements ont la responsabilité de la
santé de leurs peuples , « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. » [Article IV de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789] Parmi les grandes libertés conférées aux individus, on compte aujourd'hui la liberté d'entreprendre ; mais elle n'est pas définie par le droit. Que recouvre-t-elle ? (section 1). Sans être remise en question dans son principe, cette liberté trouve des limites tenant aux droits d'autrui ; parmi celles-ci, on trouve la protection de la santé, nous allons la définir (section 2). Section 1. La liberté d'entreprendre : un concept non défini par le droit6 « Considérant que la liberté
d'entreprendre n'est ni générale, ni absolue , « Soit ! Mais quelle liberté serait donc générale et absolue ? Il n'y en a aucune. Je trouve surprenant que l'accent soit mis sur le fait que cette liberté n'est ni générale ni absolue - ce qui est généralement perçu comme une restriction à l'égard de la liberté d'entreprendre - alors que c'est le lot commun, me semble-t-il, de toutes les libertés. Il n'est donc pas question de revendiquer pour la liberté d'entreprendre, non plus que pour aucune autre, un caractère général et absolu qui ne serait ni possible ni souhaitable. »2 Voilà une réponse pleine de bon sens apportée par M. CARCASSONNE à ce célèbre considérant du Conseil Constitutionnel relatif à la portée de la liberté d'entreprendre. En effet, le concept juridique de la liberté, comme celui de l'égalité par exemple, est issu d'une valeur au sens de « ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d'un point de vue personnel ou selon les critères d'une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre »3. Or en pratique, cet idéal, cet objectif, n'est pas en soi atteignable, mais le droit cherche à le rendre effectif en le conciliant avec d'autres idéaux, des principes d'intérêt général, et dans le respect des droits d'autrui. C'est ainsi que le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre tire, notamment, sa source de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 17894. C'est donc en puisant dans la source juridique de la liberté d'entreprendre que nous trouvons celle de ses limites. Pour comprendre la portée de cette liberté (II) et tenter de la définir (III), il faut remonter à ses origines (I) sans oublier ses équivalents en droit de l'Union européenne (IV). 1 CC, 89-254 DC, 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations, Rec. Cons. const. 41 2 CARCASSONNE G., « La liberté d'entreprendre », L'entreprise et le droit constitutionnel - Colloque du CREDA, 26 mai 2010 3 Dictionnaire Larousse.fr, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/valeur/80972 4 CC, 81-132 DC, 16 janvier 1982 : « (...) la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre (...) » 7 I - Genèse de la liberté d'entreprendre : un acquis de la Révolution française (1789-1799)On ne peut envisager d'étudier les origines (A), objectifs et conséquences (B) de la liberté d'entreprendre sans évoquer son quasi alter ego, la liberté du commerce et de l'industrie. A - Consécration juridique des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industriePremière tentative. Il nous faut remonter sous l'Ancien Régime5 pour percevoir une tentative d'établissement de la liberté du commerce et de l'industrie avec l'édit de septembre 1774 établissant la liberté de circulation relative au commerce des grains et l'édit de février 1776 établissant la liberté « d'embrasser et d'exercer dans tout notre royaume et notamment dans notre bonne ville de Paris telle espèce de commerce et telle profession d'arts et métiers qui bon leur semblera, et même d'en réunir plusieurs ». Cependant, cet essai sera vite remis en question jusqu'en 1791. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 consacrera dans son article 4 la liberté individuelle, qui sera redécouvert en 1982 par le Conseil constitutionnel en tant que fondement de la liberté constitutionnelle d'entreprendre. Décret d'Allarde. La loi des 2-17 mars 1791 dite « décret d'Allarde » (dans la terminologie de l'époque, les lois étaient qualifiées de décrets quand elles n'avaient pas reçu la sanction royale) consacra les principes de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté d'entreprendre, sans qu'ils furent toutefois mentionnés expressément. Ainsi son article 7 dispose qu'« à compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute personne de faire négoce ou d'exercer telle activité, art ou métier qu'elle trouvera bon ; mais elle sera tenue de se pourvoir auparavant d'une patente, d'en acquitter le prix d'après les taux ci-après déterminés, et de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits. » Quelques mois plus tard, la loi « Le Chapelier » des 14-17 juin 1791 viendra conforter ces principes en abolissant les corporations et groupements. Elle fut abrogée par la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats. Quels étaient les objectifs de cette reconnaissance à l'époque ? Quelles en ont été les conséquences ? 5 GUIBAL M., « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, Dalloz, février 2003 (MAJ octobre 2010) 8 B - Objectifs et conséquences des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrieSelon M. GUIBAL, en 1789, la liberté du commerce et de l'industrie répondait à un double objectif : « D'une part, la puissance publique ne peut prendre en charge une activité qui pourrait être assumée par les citoyens. Si elle monopolisait cette activité à son profit, elle commettrait une infraction flagrante. Mais elle commettrait aussi une infraction en prenant en charge une partie de cette activité et en laissant les citoyens libres de prendre en charge l'autre partie concurremment avec elle, car la concurrence serait inégale, compte tenu des moyens exorbitants dont dispose la puissance publique. La seconde conséquence principale de la reconnaissance de la liberté du commerce et de l'industrie est l'interdiction faite à la puissance publique de fausser le libre jeu de la concurrence entre les citoyens - et les entreprises6 -. Elle ne doit pas intervenir par voie réglementaire, non seulement pour interdire certaines activités, non seulement pour favoriser certaines personnes au détriment d'autres, mais encore pour troubler la libre concurrence. »7 Plus largement, pour M. RIVÉRO8, « la liberté d'entreprendre n'interdit pas l'existence d'un secteur public, mais elle interdit la suppression du secteur privé. La proportion de chacun des deux secteurs peut varier d'une époque à l'autre, mais un certain équilibre doit subsister. Si le législateur porte atteinte gravement à cet équilibre, son action doit désormais être considérée comme inconstitutionnelle. »9 Aujourd'hui, on peut résumer ces objectifs et conséquences de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie avec la coexistence des secteurs public et privé, la fin des corporations, la libre concurrence et, en somme, avec la liberté des individus de créer une activité économique et d'accéder aux professions qui en découlent. Maintenant que nous avons approché les origines, les objectifs et conséquences de ces libertés, intéressons-nous dès à présent à leur portée juridique. 6 Tout au long de notre démonstration, nous envisagerons le concept d'entreprise au sens d'entité de droit privé exerçant une activité économique (conception restrictive de la notion d'entreprise, notamment au regard de la définition large de l'entreprise en droit de l'UE qui inclut les entreprises publiques (CJCE, 23 avril 1991, Höfner). 7 Ibidem. 8 RIVÉRO J., « Ni lu, ni compris ? », AJDA 1982.209, cité par GUIBAL M., op. cit., note 5 9 GUIBAL M., op. cit., note 5 9 II - Portée juridique de la liberté d'entreprendre : une place importante dans la hiérarchie des normesComprendre la portée juridique de la liberté d'entreprendre ne peut se faire en ignorant son quasi alter égo. Il nous faudra pour cela étudier la valeur juridique de ces principes (A) avant de les confronter (B). A - La valeur juridique des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie Valeur juridique de la liberté du commerce et de l'industrie Principe général du droit. Tout d'abord, notons que la liberté du commerce et de l'industrie connait plusieurs apparitions expresses dans la loi10 et dans des arrêts du Conseil d'Etat11, qui se réfère plus souvent à ce principe qu'à celui de la liberté d'entreprendre (le Conseil Constitutionnel se référant quant à lui à la liberté d'entreprendre). Par ailleurs, la liberté du commerce et de l'industrie a été reconnue comme un principe général du droit12 (règle jurisprudentielle applicables sans texte), ce qui explique notamment que le Conseil d'Etat ne se réfère pas nécessairement au décret d'Allarde quand il évoque cette liberté. Quelles sont les conséquences de cette qualification de principe général du droit ? La doctrine est partagée sur la valeur juridique des principes généraux du droit et donc sur leur place dans la hiérarchie des normes. Selon M. CHAPUS, ils ont une valeur infra-législative et supra-décrétale. Mais selon M. GENEVOIS, cette approche parait trop réductrice « alors que le droit comparé nous montre qu'il peut y avoir des principes constitutionnels non-écrits. »13 Ainsi l'auteur défend la thèse selon laquelle on peut aussi bien « faire dépendre la valeur juridique 10 Voir par exemple les articles 5 et 48 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions. 11 Voir par exemple, CE, 4 mars 1910, 29373, publié au recueil Lebon 12 CE Ass., 20 décembre 1935, Éts Vezia (Lebon T. 1212, RD publ. 1936. 119, concl. R. Latournerie) : « Le Conseil d'Etat admet que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie est applicable dans les colonies soumises à une législation autonome et dans lesquelles la loi de 1791 n'avait pas été promulguée » (V. LATOURNERIE, concl. RD publ. 1936. 127. - F. DREYFUS, op. cit., p. 227)) ; CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac (à propos de la décision du maire d'une commune de soumettre à autorisation préalable l'activité de photographie dans les rues) ; CE Ass., 13 mai 1983, Sté René Moline ; CE, 13 mai 1994, Présid.de l'assemblée territoriale de la Polynésie française 13 GENEVOIS B., « Principes généraux du droit », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz 10 d'un principe général du droit du point de savoir s'il est le fruit de l'interprétation d'un texte ou procède d'une reconnaissance par le juge à partir de l'esprit général de la législation. Dans le premier cas, la valeur du principe est fonction du niveau dans la hiérarchie des normes du texte interprété. [...] Lorsqu'un principe ne peut, prima facie14, être rattaché à un texte constitutionnel ou conventionnel [...] il paraît logique de s'en tenir à l'affirmation de sa valeur infra-législative et supra-décrétale. Mais de tels principes sont toujours susceptibles de faire l'objet d'une promotion ultérieure, pour autant qu'ils viendraient à être pris en considération par le juge constitutionnel ou trouveraient un équivalent dans l'interprétation que reçoit le droit conventionnel. »15 Il semblerait ainsi que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie étant issu de la loi des 2-17 mars 1791 ait, en tant que principe général du droit, une valeur législative. Liberté publique. Ensuite, la liberté du commerce et de l'industrie est une liberté publique placée par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 sous la sauvegarde du législateur.16 Quelles sont les conséquences de cette qualification ? Cela signifie, en théorie, que le législateur est exclusivement compétent pour réglementer les garanties fondamentales de l'exercice de la liberté du commerce et de l'industrie, à savoir, étendre ou restreindre le domaine dans lequel elle s'exerce. Mais, comme le souligne M. GUIBAL, cela « n'implique évidemment pas une compétence exclusive du législateur pour réglementer directement toutes les formes de son exercice. Elle implique une exclusivité du législateur soit pour réglementer intégralement - si cela est techniquement possible - telle ou telle modalité d'exercice de la liberté, soit - ce qui est beaucoup plus fréquent pour des raisons techniques - pour fixer aux autorités administratives les limites à l'intérieur desquelles ces autorités auront compétence pour encadrer l'exercice de la liberté. »17 Ainsi, à titre d'illustration, on peut noter qu'en l'absence de loi, la subordination par le maire d'une commune de l'exercice d'une activité économique à la délivrance d'une autorisation préalable est contraire à la liberté du commerce 14 Expression latine signifiant « Au premier regard » 15 GENEVOIS B., op. cit. Note 12 16 CE Sect., 18 octobre 1960, Martial de Laboulaye ; CE Ass., 22 juin 1963, Syndicat du personnel soignant de la Guadeloupe, Rec. CE, p. 386 (le gouvernement ne peut porter atteinte au « libre accès à l'exercice par les citoyens de toute activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale ») 17 GUIBAL M., op. cit., note 5 11 et de l'industrie.18 Il existe de nombreuses limitations réglementaires à la liberté du commerce et de l'industrie, mais elles ne sont possibles que par habilitation législative, la loi étant garante de cette liberté.19 Enfin, le Conseil Constitutionnel n'a pas reconnu de valeur constitutionnelle à la liberté du commerce et de l'industrie, ce qui n'est pas le cas de la liberté d'entreprendre. Valeur juridique de la liberté d'entreprendre Valeur constitutionnelle. Par une décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 dite « Nationalisation », le Conseil Constitutionnel a reconnu comme principe à valeur constitutionnelle la liberté d'entreprendre. Le Conseil précisera dans cette même décision que « la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre. » Le Conseil a toutefois précisé la même année, concernant la liberté de communiquer et la liberté d'entreprendre, que « ces libertés qui ne sont ni générales ni absolues ne peuvent exister que dans le cadre d'une réglementation instituée par la loi (...).20 Ainsi, « il est loisible au législateur d'y apporter [au principe de la liberté d'entreprendre] des limitations exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée. »21 De même, le législateur peut apporter à cette liberté des limitations « liées à des exigences constitutionnelles »22 comme par exemple l'objectif constitutionnel du pluralisme23. Ainsi, cette liberté doit être conciliée avec les autres principes à valeur constitutionnelle, notamment 18 CE, 22 juin 1951, Daudignac 19 Outre la jurisprudence Laboulaye précitée ; CE, 22 mars 1991, Association Fédérale des Nouveaux Consommateurs et Société Tousalon 20 CC, 82-141 DC, 27 juillet 1982 21 CC, 89-254 DC, 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations 22 CC, 2000-433 DC, 27 juillet 2000 23 CC, 2000-433 DC, 27 juillet 2000 12 issus du Préambule de 1946, à condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivit.24 En résumé, le législateur peut apporter des limites à la liberté d'entreprendre si elles sont justifiées par des exigences constitutionnelles ou par l'intérêt général et à la condition de respecter le principe de proportionnalité au regard de l'objectif poursuivi.25 Ainsi on peut dire que la loi ne peut remettre en cause substantiellement la liberté d'entreprendre mais elle peut et doit la mettre en oeuvre. Outre le contrôle de conformité des lois à la liberté d'entreprendre opéré par le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat a pu examiner la conformité d'actes administratifs à la liberté d'entreprendre26 ou à la protection de la santé.27 En effet, « lorsqu'il ne fait pas application de la théorie de l'écran législatif28 (...), le juge administratif opère un contrôle de constitutionnalité direct de l'acte administratif dans deux hypothèses : quand l'acte 24 CC, 2004-509 DC, 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale : « pour poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, il peut apporter à la liberté d'entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi» 25 CC, 2010-55 QPC, 18 octobre 2010 : « Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. » 26 CE, 9 nov. 2007, req. no 257252 ; CE, 10 juin 2009, req. no 318066 27 CE, 2 juill. 2007, req. no 295685 28 « Le juge administratif français s'est traditionnellement refusé à opérer un contrôle de constitutionnalité des lois, qu'il s'agisse d'un contrôle direct ou dans le cadre de l'examen de la légalité d'un acte administratif. », « Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des actes administratifs, le juge ordinaire distingue deux hypothèses : soit aucune loi ne s'interpose entre la Constitution et l'acte administratif à analyser, soit cet acte administratif est fondé sur une loi qui fait écran entre cet acte et la Constitution. Contrôler la constitutionnalité de cet acte administratif reviendrait alors à contrôler indirectement la constitutionnalité de la loi, car l'acte administratif serait toujours conforme à la loi, même s'il n'est pas conforme à la Constitution. », VERPEAUX M., « Contrôle de constitutionnalité des actes administratifs », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, janvier 2011 (mise à jour : janvier 2012). En résumé, le juge administratif, refuse d'effectuer un contrôle de constitutionnalité d'un acte administratif qui résulte directement de l'application d'une loi (l'acte est ici vu comme contenant des dispositions d'application de la loi se bornant à la réitérer) car cela reviendrait, selon la théorie de la loi-écran, à contrôler la constitutionnalité d'une loi, examen réservé au Conseil Constitutionnel. 13 administratif relève du pouvoir réglementaire autonome (Const., art. 37)29 ou quand l'acte ne constitue pas une stricte application de la loi. »30 Par ailleurs, il faut noter que les actes de gouvernement non détachables de la conduite des relations internationales de la France échappent à tout contrôle juridictionnel et peuvent donc faire échec à la liberté d'entreprendre.31 Liberté fondamentale. Enfin, il faut noter que la liberté d'entreprendre est une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative32 relatif au référé liberté33. Ainsi, les justiciables disposent d'un recours juridictionnel célère pour contester toute atteinte à la liberté fondamentale d'entreprendre. Nous venons de la voir, la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie n'ont pas la même valeur juridique mais coexistent. Il est temps de confronter ces principes et d'en dégager les similitudes et les différences. De même, nous pouvons légitimement nous demander quel est l'intérêt de leur coexistence. 29 « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. » 30 VERPEAUX M., op. cit. note 27 31 CE, 29 décembre 1997, Sté Héli-Union, req. no138310 : En l'espèce, un décret pris par le gouvernement et faisant appliquer une résolution de l'ONU interdisait aux citoyens la fourniture de tout avion ou tout composant d'avion à la Libye. 32 Article L. 521-2 du Code de justice administrative: "Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale..." 33 CE, 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay, requête numéro 239840 14 B - Les rapports entre la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrieGénéralement, la doctrine considère que la liberté du commerce et de l'industrie est un principe englobant la liberté d'entreprendre et la libre concurrence.34 Selon cette conception, la liberté d'entreprendre serait identique à la liberté du commerce et de l'industrie sans son versant concurrentiel. Ensuite, une partie de la doctrine considère que la liberté d'entreprendre est l'appellation moderne de la liberté du commerce et de l'industrie.35 On peut se demander si cette conception ne relève pas, entre autres, d'une analyse liant la terminologie de ces principes (« commerce », « industrie », « entreprendre ») et le contexte historique, économique et politique dans lequel ils interviennent ou sont intervenus (abolition des corporations, industrialisation, libéralisme, valorisation de l'entreprenariat, etc.). Pour illustrer ces contextualisations, on peut souligner que ces principes sont parfois utilisés à des fins politiques. On peut par exemple évoquer la récente volonté de Mme PARISOT de « demander au gouvernement d'inscrire la "liberté d'entreprendre dans la Constitution" et de mettre "la compétitivité" au centre des débats, lors de l'ouverture de la conférence sociale avec les partenaires sociaux [du] lundi 9 juillet [2012]. »36 Par ailleurs, on peut se demander si ces deux principes n'auraient pas au final comme différence que leur valeur juridique. Affirmer cela ne signifie pas qu'il est inopportun de faire coexister juridiquement ces deux principes et qu'il faudrait ainsi abandonner l'un des deux. En effet, au-delà des problèmes d'intelligibilité du droit que peut poser cette coexistence, elle 34 « V. par exemple, Jean-Yves Chérot, Droit public économique, Economica, 2002, p. 44 ; Hubert-Gérald Hubrecht, Droit public économique, Dalloz, 1997, p. 86 ; Jean-Philippe Colson, Droit public économique, LGDJ, 1995, p. 48 ; Pierre Bon, La liberté d'entreprendre, in Dictionnaire constitutionnel, sous la dir. de Olivier Duhamel et Yves Meny, 1992, p. 582 ; contra Pierre Delvolvé, Droit public de l'économie, Dalloz, 1998, p. 105 et s. » Cité par JACQUINOT N. dans « La liberté d'entreprendre dans le cadre du référé-liberté : un cas à part ? », AJDA 2003 p. 658 35 RUET L., « Du principe de rivalité », Recueil Dalloz, 2002 p. 3086 : « Le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, qui pose le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, rebaptisé aujourd'hui liberté d'entreprendre » ; CARCASSONNE G., op. cit. note 2 : « Ce n'est qu'à partir de la Révolution que, véritablement, ce qui s'appellera longtemps la liberté du commerce et de l'industrie (avant que de s'appeler la liberté d'entreprendre), sera proclamé de manière définitive. » 36 Le Monde.fr avec AFP. « Parisot veut inscrire la "liberté d'entreprendre" dans la Constitution ». http://www.lemonde.fr/ (page consultée le 16 mars 2013) 15 peut présenter un intérêt contentieux. Nous disions précédemment que le Conseil d'Etat a pu examiner la conformité d'actes administratifs à la liberté d'entreprendre ; pourtant, « l'invocation par les parties et leurs conseillers de normes à valeur constitutionnelle et le recours à celles-ci par le juge administratif restent, malgré tout, exceptionnel »37. En effet, l'invocation de normes à valeur constitutionnelles est un moyen pouvant entrainer l'application par le juge administratif de la théorie de l'écran législatif. Pour éviter cela, deux alternatives s'ouvrent aux justiciables. Premièrement, ils peuvent invoquer les instruments internationaux, dont le contenu est souvent semblable aux normes constitutionnelles (notamment concernant les droits et libertés), pour demander au juge ordinaire d'effectuer un contrôle de conventionalité38 pour contrôler la conformité de la loi nationale avec les traités internationaux et le droit communautaire dérivé.39 Notons que « la mise en cause de la loi peut seulement être invoquée quand celle-ci est la base de l'acte administratif objet du recours. »40 Deuxièmement, et c'est là que se trouve l'intérêt de la coexistence de nos deux principes, les justiciables peuvent invoquer devant le juge administratif la liberté du commerce et de l'industrie issue de la loi des 2 et 17 mars 1791 pour contester un acte administratif et ainsi faire échec à la théorie de la loi-écran. En effet, si un justiciable invoque le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre pour contester un acte administratif qui résulte directement de l'application d'une loi, le juge administratif pourra leur opposer la théorie de la loi-écran dans la mesure où contrôler la constitutionnalité de cet acte reviendrait à contrôler celle de la loi qu'il se borne à réitérer. Cette analyse demeure toutefois très théorique. Enfin, et c'est la conception que nous retiendrons, le Conseil d'Etat a récemment affirmé que la liberté du commerce et de l'industrie est une composante de la liberté fondamentale d'entreprendre41 (le terme « fondamentale » étant utilisé pour répondre au contexte de l'arrêt rendu qui était relatif au référé liberté de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative). 37 VERPEAUX M., op. cit. note 27 38 Contrôle rendu possible devant le juge judiciaire depuis Cass., ch. mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre et devant le juge administratif depuis CE Ass., 20 oct. 1989, req. no 108243, Nicolo 39 Concernant les règlements, CE 24 sept. 1990, req. no 58657 ; concernant les objectifs d'une directive restés non transposés, une fois expiré son délai de transposition, CE Ass., 28 févr. 1992, SA Rothmans International France et SA Philip Morris France, req. no 56776 40 VERPEAUX M., op. cit. note 27 41 CE, 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay, requête numéro 239840 : « (...) la délibération litigieuse ne saurait être regardée comme portant une atteinte grave à la liberté du commerce et de l'industrie qui est une composante de la liberté fondamentale d'entreprendre » 16 A ce titre, le fait que cette affirmation émane du Conseil d'Etat, qui se réfère généralement à la liberté du commerce et de l'industrie (alors que le Conseil Constitutionnel se réfère quant à lui à la liberté d'entreprendre) ne peut que renforcer son autorité. En somme, si on voyait là (notamment) une « guerre terminologique » entre ces deux juridictions, le fait que le Conseil d'Etat vienne donner force supérieure à la liberté d'entreprendre sur la liberté du commerce et de l'industrie a, au minimum, une portée symbolique remarquable. Au-delà de cette remarque, ce que nous avons expliqué précédemment sur l'utilité d'invoquer la liberté du commerce et de l'industrie devant les juridictions administratives plutôt que la liberté d'entreprendre au regard de la théorie de l'écran législatif peut aussi expliquer le choix par les juridictions (ou les justiciables) d'utiliser l'un ou l'autre de ces deux principes. Par ailleurs, Mme JACQUINOT nous livre une analyse intéressante et pertinente de cet arrêt : « En effet, le Conseil d'Etat, en choisissant de faire de la liberté du commerce et de l'industrie une composante de la liberté d'entreprendre (...) et non l'inverse, a pris le contre-pied de la position généralement retenue. Il retient donc délibérément une conception de la liberté d'entreprendre qui laisse planer un doute sur ses composantes exactes mais qui ne peut être que très large, sauf à exclure la liberté de concurrence, puisque, traditionnellement, la liberté du commerce et de l'industrie était considérée comme incluant cette dernière. Pour l'instant, étant donné que la liberté du commerce et de l'industrie implique d'accéder librement aux activités économiques et donc aux professions qui en découlent, il est logique, dans cette perspective large, que la liberté d'entreprendre englobe plus généralement le libre exercice de toute activité professionnelle (...), reconnue plus récemment (...), et sans que le Conseil d'Etat ait besoin de faire explicitement mention de ce rattachement. »42 Ce dernier commentaire nous amène à nous interroger sur le contenu de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie, composante de cette première. 42 JACQUINOT N., « La liberté d'entreprendre dans le cadre du référé-liberté : un cas à part ? », AJDA 2003, p. 658 17 III - Contenu polysémique de la liberté d'entreprendreNous l'avons dit, nous considérons dorénavant la liberté du commerce et de l'industrie comme composante de la liberté d'entreprendre. Ainsi nous nous permettront de confondre à certains moments ces deux termes. Avant d'évoquer le contenu de la liberté d'entreprendre et ainsi la définir (B), nous devons déterminer quels en sont les bénéficiaires (A). A - Les bénéficiaires de la liberté d'entreprendre (conception restrictive)Nous allons tenter de donner une définition des bénéficiaires de la liberté d'entreprendre. Notre définition n'a pas pour ambition d'être absolue mais de tenter de dégager la logique globale qui se trouve derrière la reconnaissance de cette liberté afin de la cerner. Nous pouvons dire, qu'en principe, cette liberté appartient aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique en leur nom et pour leur compte. Premièrement, il s'agira donc des entreprises privées et des travailleurs indépendants. Concernant les entreprises, cette liberté s'exercera à travers leurs dirigeants de droit ou de fait. Par ailleurs, on doit exclure en principe les salariés des bénéficiaires de cette liberté à cause de leur lien de subordination vis-à-vis de leurs employeurs. Les salariés n'entreprennent pas une activité économique mais participent à son exercice. Toutefois, au nom du « principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 120-2 du Code du travail43 »44, la Cour de cassation a pu déclarer illicite une clause de non-concurrence au motif qu'elle ne comportait aucune contrepartie financière au bénéfice de l'employé. On peut donner deux interprétations à cette décision. Premièrement, on peut rattacher le libre exercice d'une activité professionnelle des salariés à la liberté d'entreprendre et ainsi conclure qu'elle peut dans certains cas bénéficier à ces derniers. Deuxièmement, on peut distinguer le libre exercice d'une activité professionnelle des salariés du libre exercice d'une activité professionnelle des entreprises ou travailleurs indépendant. Le premier serait une notion autonome du droit du travail et le second serait une composante de la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini. Sans exclure la première interprétation, nous penchons plutôt vers la seconde. Enfin, s'il fallait retenir la première interprétation, il faudrait envisager que le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle 43 « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » 44 Cass. soc. 10 juill. 2002, N° 00-45.135 18 tel qu'évoqué par la Cour de cassation puisse avoir un double contenu. Après la rupture d'un contrat de travail, il s'agirait d'une part, de la liberté d'être embauché dans nouvelle entreprise et d'autre part, de pouvoir créer une nouvelle activité économique. Dans le premier cas, on est dans une notion autonome du droit du travail et dans le second, on entre dans le cadre de la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini. Deuxièmement, notre définition exclut les personnes publiques (et probablement les personnes privées agissant au nom et pour le compte des personnes publiques) et les activités d'intérêt général et donc, en principe, les services publics (service public hospitalier par exemple). M. GUIBAL précisera en ce sens qu' « Ici, la liberté des personnes privées ne semble pas s'arrêter là où commence la liberté des personnes publiques. En revanche, la liberté des personnes privées semble être un obstacle à la liberté des personnes publiques. Bref, la liberté du commerce et de l'industrie, individuelle ou collective, est bien une liberté publique, c'est-à-dire des droits et prérogatives accordés aux personnes privées. »45 Enfin, il faut noter que certains auteurs excluent les activités libérales de la liberté du commerce et de l'industrie. Par exemple, M. GENEVOIS considère qu'elles relèvent du libre exercice, par les membres des professions libérales, de leur activité : « Les professions libérales sont censées ne pas s'exercer comme un commerce. »46 On peut se référer en ce sens par exemple au principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins.47 Toutefois, outre le fait que nous nous référons à la notion de liberté d'entreprendre, cette exclusion semble avant tout relever d'une question terminologique. Nous préfèrerons donc nous référer à l'analyse de M. GUIBAL selon qui « Lorsqu'il s'agit de liberté du commerce et de l'industrie (...), les termes « commerce » et « industrie » ne doivent pas être pris au pied de la lettre, car cette liberté a un champ d'application beaucoup plus vaste et concerne la quasi-totalité des activités économiques. » En l'espèce, les professions d'avocat et de médecin libéral sont des activités économiques. Evoquons dès à présent le contenu de cette liberté et tentons par la même de la définir. 45 GUIBAL M., op. cit., note 5 46 GENEVOIS B., op. cit. Note 12 47 CE, 20 avril 1988, Conseil national de l'ordre des Médecins ; article L. 257 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi no 71-525 du 3 juillet 1971 19 B - Définition « stipulative » et composantes de la liberté d'entreprendre (conception large)La liberté d'entreprendre, comme la liberté du commerce et de l'industrie, n'est pas définie par le droit. Ainsi nous donnerons notre propre définition de ce concept. A ce propos, selon M. GUIBAL, « Le plus sage sera de s'en tenir, non pas à une définition de la liberté du commerce et de l'industrie qui n'est nulle part donnée, mais à l'idée que semblent s'en faire les juridictions, lorsqu'elles l'utilisent à la fois comme justificatif d'activités économiques et comme limite d'autres activités économiques. » C'est donc à travers le contenu, l'application et les limites de la liberté d'entreprendre que nous pouvons la définir. C'est pourquoi nous nous permettons de donner une définition large de ce principe, au-delà même de ce que nous en dit la jurisprudence, qui n'emploie pas toujours expressément les termes de liberté d'entreprendre ou de liberté du commerce et de l'industrie dans des situations analogues. La doctrine a pu donner une définition intéressante de la liberté d'entreprendre qui serait la « liberté d'exercer une activité professionnelle, commerciale ou industrielle et donc d'accéder à ce type d'activité. »48 Cette définition comporte deux éléments : le libre exercice d'une activité économique privée et la libre création de cette activité ou son accès (accès à une profession, acquisition d'une société, etc.) Il serait réducteur de voir dans la liberté d'entreprendre uniquement la liberté de création d'une activité ou son accès car ces dernières ne peuvent être réelles que si elles s'accompagnent de la liberté d'exercer l'activité. En s'inspirant de cette dernière définition, nous définirons la liberté d'entreprendre comme la liberté conférée aux personnes privées d'exercer une activité économique et donc de la créer ou d'y accéder, de la gérer matériellement, de l'exploiter économiquement et d'y mettre un terme. Concernant le contenu de la liberté d'entreprendre, M. CARCASSONNE nous dit que « c'est entreprendre, c'est exploiter, c'est aussi contracter (...), c'est aussi rechercher. »49 Globalement, la liberté d'entreprendre correspondrait à la vie de l'activité économique : création de l'activité ou son accès, exercice de l'activité et fin de l'activité. Nous définirons les composantes de cette liberté en donnant des exemples de limites à cette liberté. 48 FERRIER D., Libertés et droits fondamentaux sous la direction de R. Cabrillac, M-A Frison-Roche et T. Revet, Dalloz 2011 (17e édition), p. 770. Dans sa définition, l'auteur traite de la liberté du commerce et de l'industrie, dans laquelle il inclut la liberté d'entreprendre. 49 CARCASSONNE G., op. cit. note 2 20 Créer ou accéder. Premièrement, la liberté d'entreprendre consiste à créer une activité économique ou à y accéder. Concrètement, l'entrepreneur pourra créer, acquérir ou organiser une entreprise, ce qui inclut par exemple le libre choix de la forme de l'entreprise (société anonyme, SARL, etc.) et le libre choix dans cette création de s'associer ou de ne pas s'associer (exemple : auto entrepreneur). De même, on peut parler de liberté d'établissement ou d'installation, ce qui implique le libre choix du lieu d'installation, y compris l'absence de lieu fixe (commerce ambulant), le libre choix du moment et de la durée de l'installation et la liberté de cumuler plusieurs activités économiques. M. GUIBAL précisera à ce sujet qu'« il n'en reste pas moins que la liberté d'installation est indiscutablement confortée par les diverses incitations que les personnes publiques mettent en place depuis de nombreuses années : aides financières, soutiens juridiques, avantages fonciers, exonérations fiscales, etc. »50 Enfin, le libre accès à une activité économique ne se résume pas aux professions mais peut s'étendre par exemple au libre accès aux contrats publics qui est fondé sur la liberté d'entreprendre. Cette première composante de la liberté d'entreprendre connait des limites comme par exemple les conditions d'accès à certaines activité économique (capacité commerciale pour un commerçant, achat d'une charge pour un notaire, obtention d'un diplôme pour un médecin, etc.). De même, on peut relever l'obligation dans certains cas de déclaration d'existence qui consiste par exemple à se faire connaître des tiers en tant que commerçant, artisan ou professionnel libéral (inscription au Registre du commerce et des sociétés, inscription à un ordre professionnel, etc.). De même, certaines activités sont réservées à la puissance publique (création d'un crématorium,...) ou interdites (commerce de stupéfiants,...). Exercer. Deuxièmement, la liberté d'entreprendre inclut la liberté d'exercer, gérer ou exploiter une activité économique. Il s'agira par exemple de définir la stratégie commerciale, choisir ses partenaires, collaborateurs51 ou encore se constituer une clientèle et l'étendre.52 De 50 GUIBAL M., op. cit., note 5 51 CC, 88-244 DC, 20 juill. 1988, Loi portant amnistie, « Considérant que les dispositions de l'article 15 risquent de mettre en cause la liberté d'entreprendre de l'employeur qui, responsable de l'entreprise, doit pouvoir, en conséquence, choisir ses collaborateurs ; que, dans certains cas, elles peuvent également affecter la liberté personnelle de l'employeur et des salariés de l'entreprise en leur imposant la fréquentation, sur les lieux de travail, des auteurs d'actes dont ils ont été
victimes ; » NB : l'article 15 précité est relatif à
l'amnistie des 21 même, il s`agira de pouvoir embaucher librement dans le cadre de cette activité. Plus largement sur ce dernier point, on parlera de liberté du travail. La liberté d'embaucher n'est pas sans limite, par exemple, l'employeur devra respecter le droit du travail et l'interdiction en droit de la discrimination. Concernant la discrimination, il faut se méfier du caractère péjoratif trop souvent conféré à ce terme. En effet, dans le cadre d'une embauche, l'employeur, peut tout à fait faire des discriminations sur l'expérience ou les compétences des candidats. La discrimination sera inacceptable lorsqu'elle consistera en une distinction ou préférence fondée sur un critère illégal ou illégitime comme l'origine ethnique, le sexe, la religion ou encore l'orientation sexuelle du candidat. Plus précisément, cette liberté d'exercice est, selon M. GUIBAL, multiforme et « recouvre, en effet, une multitude de possibilités de choix variés : des méthodes de gestion, des procédés de fabrication, des matières premières, des produits à utiliser, des outils, des techniques de vente, des réseaux de distribution, des modalités de commercialisation, etc. Elle concerne tout à la fois la liberté de décision, la fixation du bénéfice, la possibilité de faire ou de ne pas faire crédit, d'accepter ou non d'être payé autrement qu'en espèces, de faire ou non de la publicité, la diversification des activités, la modernisation, l'informatisation, l'arrêt de la production, etc. La liste pourrait être prolongée sans peine. Toutes ces parcelles de libre arbitre, variables selon les secteurs et d'importance inégale selon les intéressés, sont évidemment intégrées à la liberté du commerce et de l'industrie. »53 Ensuite, cette liberté comprend la liberté contractuelle qui consiste en la liberté de contracter ou de ne pas contracter (vendre ou de ne pas vendre, etc.), de négocier des clauses du contrat (conditions de vente, prix, etc.) et de choisir son cocontractant (fournisseur, client, etc.). La question qui peut se poser ici est de savoir si la liberté contractuelle est une composante ou une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre. Notre conception large nous laisse à penser que la liberté contractuelle est à la fois une composante et une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre. Cette liberté peut être limité par exemple au regard de l'interdiction en principe du refus de vente vis-à-vis des consommateurs. 52 CC, 84-181 DC, 11 octobre 1984 : « Considérant que ceux-ci ne sauraient davantage soutenir que ces dispositions méconnaissent la liberté d'entreprendre alors qu'elles ne limitent en rien la création de nouveaux quotidiens ou l'expansion de la clientèle des quotidiens existants ; » 53 GUIBAL M., op. cit., note 5 22 Ensuite, la liberté d'exercice consiste aussi dans la liberté de poursuivre ad personam l'activité entreprise (bien entendu, en dehors des cas de faillite, etc.). On peut trouver comme limites, par exemple, les nationalisations54 qui portent inévitablement atteinte au libre exercice. De même, quand un droit exclusif sur un objet de propriété intellectuelle tombe dans le domaine public, le détenteur perd son monopole d'exploitation au profit des tiers. La limite à la liberté d'entreprendre de ces tiers se trouve dans le respect de l'intégrité de l'oeuvre, imposé par le droit moral de l'auteur. On inclut aussi dans le cadre de cette liberté d'exercer, la liberté de la recherche et de l'innovation. Nous envisageons ici la liberté de la recherche au sens de la liberté d'entreprendre, à savoir dans une optique économique et essentiellement dans le domaine de la recherche et développement. Au niveau de la recherche, on peut citer comme exemple le droit d'effectuer des recherches médicales sur les personnes. Quant à l'innovation, on peut se référer à la protection juridique des inventions biotechnologiques55 qui vise à définir une approche commune de l'attribution des brevets liés aux biotechnologies. Précisons toutefois que le droit d'effectuer des recherches sur un objet précis n'implique pas nécessairement la brevetabilité de ce dernier. Ainsi la question de la brevetabilité ne doit pas être confondue avec celle de la liberté de la recherche, bien que ces deux questions puissent être liées. A ce sujet, Mme Gaumont-Prat éclaircit les liens entre brevet, recherche, innovation et liberté d'entreprendre : « Il importe de souligner le paradoxe inhérent au brevet pour comprendre le sens et la portée de la directive du 6 juill. 1998 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques : ce sont des considérations tirées de l'intérêt général qui ont conduit le législateur à créer des monopoles au profit du breveté dans un système économique fondé sur la liberté d'entreprendre : le brevet constitue un facteur de développement technique et de progrès économique. »56 Il faut aussi noter que le droit de la propriété intellectuelle, en ce qu'il confère à un individu un monopole, un droit exclusif sur un objet de propriété intellectuelle (comme une invention), 54 Alinéa 9 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. » 55 Voir en ce sens par exemple la directive n° 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques 56 GAUMONT-PRAT H., « Les tribulations en France de la directive n° 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques », Recueil Dalloz 2001 p. 2882 23 n'est pas une composante de la liberté d'entreprendre mais une mise en oeuvre de cette dernière. En effet, la protection conférée par un brevet sur une invention permet à son titulaire de protéger l'exercice de son activité économique en ce qu'il est assuré d'avoir, en théorie, le temps d'amortir ses investissements grâce au monopole d'exploitation qui lui est conféré ; comme le permet, en l'absence de droits exclusifs, l'action en concurrence déloyale (notamment l'action en contrefaçon). Toutefois, en tant que modalité d'exercice de la liberté d'entreprendre et condition d'exercice du droit de propriété57, le droit de la propriété intellectuelle est aussi une limite à la liberté d'entreprendre des tiers au bénéficiaire de droits exclusifs.58 Ainsi la liberté d'entreprendre des uns peut constituer une limite à la liberté d'entreprendre des autres. On revient ainsi à l'un des fondements de la liberté d'entreprendre, l'article 4 de la DDHC de 1789, et aux relations qu'entretiennent la liberté d'entreprendre et le droit de propriété ; modalité et parfois condition d'exercice de cette dernière.59 Par ailleurs, on notera comme exemple de limite à la liberté de la recherche l'encadrement juridique de la recherche scientifique sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Ainsi, la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique interdit par principe la recherche dans ce domaine (sauf dérogations). Cette loi est d'ailleurs actuellement remise en question devant le parlement français. Mettre fin. Troisièmement, nous affirmons qu'il existe, quelle que soit la valeur juridique qu'on lui donne, une liberté de mettre fin à une activité économique (cessation de l'activité), composante de la liberté d'entreprendre. Elle consisterait, à la fois en la liberté de détruire l'activité qui nous appartient et en la liberté d'en démissionner (l'activité continue d'exister). 57 CC, 90-283 DC, 08 janvier 1991 : « Considérant que les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux ; que parmi ces derniers figure le droit pour le propriétaire d'une marque de fabrique, de commerce ou de service, d'utiliser celle-ci et de la protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France ; » 58 « Les droits de propriété intellectuelle instituent des monopoles d'exploitation qui dérogent à la liberté du commerce et de l'industrie, M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d'auteur, Précis Dalloz, 2009, n° 62, p. 69., » cité par EDELMAN B., « L'oeuvre ne meurt jamais », Recueil Dalloz 2011 p. 1708 59 Par exemple, voir en ce sens : SCHOETTL J-E., « Le Conseil constitutionnel et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains », AJDA 2001 p. 18 : « Or, en soumettant systématiquement à autorisation administrative tout changement de destination d'un local commercial ou artisanal, la disposition critiquée, a jugé le Conseil, portait au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre une atteinte hors de proportion avec l'objectif poursuivi (en ce sens, v. déc. n° 2000-433 DC du 30 juin 2000, « Sur les articles 65 et 66 de la loi »). » 24 Pour comprendre les limites qui peuvent être apportées à cette liberté, il faut garder à l'esprit que les entreprises sont des petites sociétés (au sens de « groupe social formé de personnes qui se réunissent pour une activité ou des intérêts communs »60) que le droit cherche à protéger. En effet, l'entreprise est dans un monde économique avec des créanciers, des tiers et la chute d'une entreprise entraine des effets étendus. Ainsi par exemple, dans un objectif de protection de l'entreprise, ses membres et des tiers, la banqueroute, qui peut être analysée comme la faillite frauduleuse d'une entreprise, est une infraction pénalement réprimée par l'article L. 654, s. du Code de Commerce et constitue une limite à la liberté de mettre fin à une activité économique. Par ailleurs, le législateur a tenté de réglementer les parachutes dorés (indemnités de départ versées aux dirigeants d'entreprises)61, ce qui confirme que la liberté de de quitter une activité économique ou d'y mettre fin n'est pas absolue. A titre d'illustration générale, nous pouvons évoquer la décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 à travers laquelle le Conseil Constitutionnel a pu censurer au nom de la liberté d'entreprendre l'article 107 de la loi de modernisation sociale, qui opérait une modification de la définition du licenciement économique. Le Conseil a considéré que « le cumul des contraintes que cette définition fait ainsi peser sur la gestion de l'entreprise a pour effet de ne permettre à l'entreprise de licencier que si sa pérennité est en cause ; qu'en édictant ces dispositions, le législateur a porté à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l'objectif poursuivi du maintien de l'emploi ; ». Quelles composantes de la liberté d'entreprendre étaient mises en cause ? Premièrement, en suppriment l'adverbe « notamment » de la liste des situations économiques permettant de licencier et donc en limitant aux trois cas qu'il énonce les possibilités de licenciement économique, le législateur a écarté le motifs tiré de la simple cessation d'activité de l'entreprise (limite à la liberté de mettre fin). Deuxièmement, avec la notion de « difficultés sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen », le juge est conduit à « substituer son appréciation à celle du chef d'entreprise quant au choix entre les différentes solutions possibles »62 et ainsi 60 Dictionnaire Larousse. http://www.Larousse.fr/ (page consultée le 4 mars 2013) 61 Selon la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, l'octroi de parachutes dorés doit faire l'objet de conventions réglementées approuvées par le CA et l'AG des actionnaires et la loi du 21 août 2007 dite « TEPA » (en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat) qui dispose que ces conventions soient rendues publiques et fixent des critères de performance du bénéficiaire des parachutes dorés. 62 CC, 2001-455 DC, 12 janvier 2002 25 contrôler les choix stratégiques de l'entreprise qui relèvent, en vertu de la liberté d'entreprendre, du pouvoir de gestion du seul chef d'entreprise (limite à la liberté d'exercer). Liberté du commerce et de l'industrie et libre concurrence. Enfin, la liberté d'entreprendre inclut la liberté du commerce et de l'industrie et donc toutes les composantes de cette dernière, ce qui nous permet en théorie d'inclure la libre concurrence. Toutefois, si comme une partie de la doctrine l'affirme, la libre concurrence devait être exclue de la liberté d'entreprendre, elle devrait au minimum être considérée comme une mise en oeuvre de cette dernière. En effet, par exemple, l'abus de position dominante, qui est contraire à la libre concurrence, est une pratique ayant notamment comme effet de fermer ou de restreindre l'entrée du marché à de nouveaux concurrents et ainsi de porter atteinte à la liberté d'entreprendre de ces derniers. De même, la liberté de la concurrence consistera par exemple, du point de vu des individus, en la liberté de pouvoir attirer la clientèle de ses concurrents. Par ailleurs, concernant les rapports entre la libre concurrence et l'interventionnisme public, la jurisprudence depuis 193063 est constante sur le principe de l'interdiction de création d'un service public dans l'économie. Toutefois depuis 2006, l'interventionnisme est autorisé en cas d'intérêt public local résultant notamment d'une carence de l'initiative privée.64 L'adverbe « notamment » offre ainsi une perspective interventionniste bien plus large aux personnes publiques. En cas d'intervention, la collectivité territoriale devra respecter la libre concurrence, sauf si cette intervention résulte du prolongement d'un service public existant65, de l'exploitation d'une dépendance du domaine public,66 ou d'un service « in house ».67 La liberté d'entreprendre permet donc en principe à toutes personnes privées d'entrer sur le marché. Aujourd'hui, notamment avec le marché intérieur, nous nous devons étendre notre étude de la liberté d'entreprendre à son équivalant en droit de l'Union européenne. 63 CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers 64 CE, 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, n°275531 65 CE, 18 décembre 1950, Delansorme : il s'agissait d'un parc de stationnement qui a été complété par une station-service ; CE, 1996, SARL La Roustane : une université a pu créer une librairie universitaire en soin sein. 66 CE, 5 mai 1944, Compagnie maritime de l'Afrique oriental ; CE, 29 janvier 1932, Société des autobus antibois 67 CE, 29 avril 1970, Société Unipain : En l'espèce, une caserne militaire avait décidé de créer un service de boulangerie pour nourrir ses militaires (satisfaction des besoins d'un service public existant). 26 IV - Droit de l'Union européenne et liberté d'entreprendreAvant d'étudier la place de la liberté d'entreprendre dans le marché intérieur (B), nous donnerons un aperçu général des droits et principes de l'UE rattachables à cette dernière (A). A - Principes généraux et droits fondamentaux rattachables à la liberté d'entreprendreAperçu général. En droit de l'Union européenne, la liberté d'entreprendre « se confond avec le libre exercice d'une activité professionnelle (CJCE, 9 sept. 2004, Espagne et Finlande c/ Parlement et Conseil, aff. jointes C-184/02 et C-223/02, Rec. I. 7789) »68 qui est un principe général du droit communautaire.69 Parmi les expressions de cette liberté, on peut évoquer, selon M. MOLINIER, « la liberté de choix du partenaire économique, à laquelle une réglementation de l'Union ne peut porter atteinte (CJCE, 16 déc. 1993, Luxlait, aff. C-307/91, Rec. I. 6835). »70 De même, au-delà du libre exercice des activités professionnelles étudier la liberté d'entreprendre implique aussi de se référer à la liberté générale d'agir et à la liberté de concurrence71. Enfin, on peut lier cette liberté avec le droit fondamental du libre accès à un emploi.72 Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre dans ces articles 15 et 16 la liberté professionnelle et la liberté d'entreprise.73 68 MOLINIER J., « Principes généraux », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, mars 2011 (MAJ : juin 2012) 69 TPICE, 29 janv. 1998, Dubois et Fils c/ Conseil et Commission, aff. T-113/96, Rec. II. 125. ; TPICE, 11 sept. 2002, Pfizer Animal Health c/ Conseil, aff. T-13/99, Rec. II. 3305 70 MOLINIER J., op. cit. note 67 71 CJCE, 21 mai 1987, Rau c/ BALM, aff. jointes 133 à 136/85, Rec. 2289 72 CJCE, 15 oct. 1987, Unectef c/ Heylens, aff. 222/86, Rec. 4097 73 Art. 15 : « 1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée. 2. Tout citoyen de l'Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout État membre. 3. Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des États membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens de l'Union. » ; article 16 : « La liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales. » 27 Portée des droits et principes. Source non écrite du droit et énoncés par le juge de l'Union européenne dans le cadre de l'exercice de son pouvoir prétorien, les principes généraux sont pourvus d'un effet direct et sont donc « spécialement invocables [devant le juge] par les particuliers. »74 Naturellement, la Cour de Justice a précisé que les droits fondamentaux ou plus largement principes généraux qu'elle reconnait « n'apparaissent pas comme des prérogatives absolues mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société ».75 Ainsi, « des restrictions peuvent être apportées à leur exercice, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, compte tenu du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même de ces droits »76. A ce propos, l'article 52 al. 1 de la Charte des droits fondamentaux reprends en substance cette jurisprudence et dispose que « Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui. ». Enfin, selon M. MOLINIER, ces principes généraux ont une valeur supérieure aux dispositions de droit dérivé et la Cour de Justice leur reconnait « une valeur égale aux dispositions des traités institutifs. »77. Ainsi font partie du droit communautaire primaire, les « principes généraux dont font partie les droits fondamentaux. »78 Après ce bref paysage des droits et principes, nous devons étudier la place de la liberté d'entreprendre au sein du marché intérieur. 74 MOLINIER J., op. cit. note 67 75 CJCE, 14 mai 1974, Nold c/ Commission, aff. 4/73, Rec. 491 76 CJCE, 13 juill. 1989, Wachauf c/ Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft, aff. 5/88, Rec. 2609 77 Cf., « L'Union est une Union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment avec le Traité FUE et les principes généraux du droit (dernièrement : CJUE, grande chambre, 29 juin 2010, E. et F., aff. C-550/09, non encore publié) », cité par MOLINIER J., op. cit. note 67 78 « Toutefois, cette primauté au plan du droit communautaire ne s'étendrait pas au droit primaire et, en particulier, aux principes généraux dont font partie les droits fondamentaux. » : CJCE, grande chambre, 3 sept. 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c/ Conseil et Commission, aff. C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. I. 6351, point 308 ; Les droit fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit communautaire : CJCE, 12 nov. 1969, Stauder c/ Ulm, aff. 29/69, Rec. 419 28 B - La place de la liberté d'entreprendre au sein du marché intérieur« S'agissant de la liberté d'entreprendre, le professeur L. IDOT écrit : "Etroitement liée au principe de libre circulation dans ses diverses composantes, la liberté d'entreprendre a néanmoins une portée encore plus large que celui-ci. La Cour de justice y rattache en particulier les deux piliers du droit privé que sont la propriété et la liberté contractuelle." »79 Concernant la propriété et la liberté contractuelle, nous ne nous y attarderons pas ici car le raisonnement est similaire à ce que nous avons dit précédemment concernant les liens entre la liberté d'entreprendre et la propriété ou la liberté contractuelle en droit français. Libre circulation des marchandises. Avec l'instauration de l'union douanière80, qui s'étend à ensemble des échanges de marchandises, le droit de l'UE interdit entre les Etats membres les droits de douane à l'importation et à l'exportation ainsi que toutes taxes d'effet équivalant. Plus largement, le droit de l'UE tend à éliminer les entraves à la libre circulation des marchandises, qu'elles soient de nature pécuniaires (interdiction des taxes d'effet équivalent à des droits de douane81) ou non pécuniaires (interdiction des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives82). Ainsi le droit de l'UE permet collectivement une mise en oeuvre effective de la liberté d'entreprendre au sein du marché intérieur. Libre circulation des personnes et des services. La liberté d'entreprendre s'applique aux entreprises et aux travailleurs indépendants que l'on distingue des travailleurs salariés. Le critère de distinction est la subordination des salariés. On peut ainsi se référer à la liberté d'établissement (articles 49 et s. TFUE) des personnes exerçant une activité indépendante ainsi que des entreprises. L'établissement peut consister d'une part dans l'accès aux activités indépendantes et leur exercice, ce qui suppose un déplacement de la personne dans un autre Etat. D'autre part, il vise la constitution et la gestion d'entreprise, ce qui ne nécessite pas de 79 Cité par GUYOMAR M., « Le contrôle de constitutionnalité d'un règlement transposant une directive communautaire », RFDA 2007 p. 384 80 Articles 28, 30 et 32 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE ») ; article 33 TFUE relatif à la coopération douanière) 81 Article 28 TFUE. Elles sont définies par la jurisprudence : CJCE, 14 décembre 1962, Commission c/ Grand-Duché de Luxembourg et Royaume de Belgique ; CJCE, 1er juillet 1969, Commission c/ Italie 82 Fondement : article 34 et 35 TFUE ; définition : CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville, CJCE, 9 décembre 1997, Commission c/ France [« Guerre des fraises »], CJCE, 24 novembre 1993, Keck et Mithouard déplacement et consiste en pratique en un établissement économique et financier. La notion d'établissement a été précisée par la jurisprudence « Gebhard » rendue par la CJCE le 30 novembre 1995 : elle consiste pour un résident communautaire en la possibilité de participer de façon stable et continue à la vie économique d'un autre Etat que son Etat d'origine. Enfin, on peut se référer à la libre prestation de service.83 Elle consiste pour le prestataire à se livrer sur un autre Etat membre à l'exécution d'une prestation de service de façon temporaire. Cette activité temporaire peut être occasionnelle ou même régulière mais dans ce cas sans implantation permanente parce que sinon il s'agirait de l'exercice du droit d'établissement. Toutefois, des limites peuvent être apportées aux libertés de circulation, notamment au nom de la protection de la santé, nous y reviendrons. Après cet aperçu général de la notion de liberté d'entreprendre en droit interne et en droit de l'Union européenne, nous allons dès à présent nous interroger sur la notion de protection de la santé. 29 83 Articles 56 et 57 du TFUE. Section 2. La protection de la santé : un concept évolutif30 « Ce droit [à la protection de la santé] est reconnu depuis la Seconde guerre mondiale de façon quasi unanime par l'ensemble des instruments de protection des droits de l'homme, aussi bien au niveau international et régional que national84, voire même sous la forme d'une valeur à défendre dans les traités établissant les organisations économiques que sont notamment l'Organisation mondiale du commerce ou l'Union européenne. L'ensemble de ces normes n'oblige cependant pas dans les mêmes termes les débiteurs du droit consacré. »85 Ces considérations nous amènent à étudier, afin de cerner la notion de protection de la santé, sa portée et son contenu (II), ses aspects en droits de l'Union européenne (III) et avant tout, l'évolution du concept de santé (I). I - Evolution du concept de santé (conception large)Alors que la conception traditionnelle voyait dans la santé un bien individuel à préserver, la conception contemporaine y voit une richesse collective indispensable à la puissance d'une nation ; ce qui justifie l'intervention des Etats dans ce domaine. Droit à la santé. Il a été proclamé dès 1948 par les Nations-Unies dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dont l'article 25 dispose que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de 84 « Sur le plan international, (...) art. 25 § 1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, art. 12 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (...) Charte de l'Organisation mondiale de la santé de 1946, art. 5 §e-IV de la Convention relative à la lutte contre les discriminations raciales, art. 24 § 1 de la Convention sur les droits de l'enfant. Au niveau régional, (...) art. 16 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, art. 10 du Protocole additionnel à la Convention interaméricaine des droits de l'homme traitant des droits économiques sociaux et culturels, art. 11 de la Charte sociale européenne, dans sa version révisée de 1996, art. 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Enfin, la plupart des constitutions nationales contenant une référence aux droits sociaux reconnaissent ce droit à la protection de la santé. », GRÜNDLER T., op. cit. note 91, p. 835 85 GRÜNDLER T., op. cit. note 91, p. 835 31 veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. » Pour autant, rares sont les Etats où ce droit est effectif pour tous car il exige des moyens considérables et une réelle volonté politique. Politique de santé. En France, le principe d'une véritable politique de santé est désormais acquis. Cette volonté s'inscrit dans la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui est la première loi de promotion de la santé publique depuis celle de 190286. Désormais, l'existence et la nécessité d'une telle politique sont clairement affirmées au niveau législatif. L'article L. 1411-1 du CSP souligne que « La nation définit sa politique de santé selon des propriétés pluriannuelles ». Ainsi, cette politique est de surcroit institutionnalisée, elle doit faire l'objet d'un débat parlementaire annuel et doit définir les objectifs et les priorités du système de santé. Cette loi met en relief le rôle central de l'État, maitre d'oeuvre de toutes ces politiques, et donne à l'échelon régional le soin de décliner les objectifs et les programmes fixés au niveau national. A travers le droit à la santé des individus et la politique de santé des Etats, que recouvre la notion de santé ? Son évolution a permis un élargissement de son champ d'application (A) et a transformé les rapports qu'elle entretient avec les individus. (B). A - Evolution de la notion de santé : vers un élargissement de son champ d'applicationSelon l'Organisation Mondiale de la Santé, « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. »87 Cette définition large de la notion de santé appelle deux remarques. Acte de santé. Aujourd'hui, la santé ne vise plus simplement l'acte thérapeutique (acte de soin stricto sensu). Ainsi, le patient attend que la médecine apaise sa souffrance et les demandes de prise en charge de la douleur physique et morale sont de plus en plus fréquentes. De même, de nombreux actes demandés par les patients ont pour objet d'atteindre un autre résultat que le soin (par exemple : les IVG, procréation médicalement assistée,...). 86 Loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique 87 Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948. 32 Enfin, est apparue une médecine du bienêtre et du confort et la médecine moderne concerne de plus en plus des sujets biens portants. Elle est sollicité pour répondre à des désirs divers comme avoir un enfant, changer de sexe, modifier son apparence physique, etc. Prévention et prédiction. La santé ne peut plus être abordée sous le seul aspect curatif. En effet, la prévention est devenue essentielle, ce qui suppose une véritable organisation de la gestion du risque ainsi que des actions en faveur de l'éducation à la santé (exemple : prévention contre les risques liés au tabac et à l'alcool). De même, on a une nouvelle forme de médecine, en particulier grâce aux tests génétiques : la médecine prédictive. Ceci conduit à transformer la place de la médecine dans la société. L'évolution de la notion de santé s'est aussi accompagnée d'une reconsidération de la place du patient. B - Evolution de la place du patient : vers un modèle autonomisteDepuis la loi du 4 mars 2002, la priorité est donnée à la prise en considération de la personne malade et de ses droits. En effet, s'est substitué à un « model paternaliste » centré sur le médecin, un « model autonomiste » où le malade est conscient et peut prendre des décisions et les comprendre. C'est ainsi que son consentement est requis avant toute intervention et qu'il a le droit à être informé. Il est donc acteur de sa propre santé et n'hésite pas à intervenir individuellement dans le « colloque singulier » (relation singulière de l'individu avec son médecin, protégée par le secret professionnel) mais aussi collectivement par le biais d'associations. Le droit a pris acte de cette évolution sociologique et s'adaptant à ce contexte, il a dû multiplier les règles juridiques en matière de santé et donner une place prépondérante au droit à la protection de la santé. 33 II - Portée juridique et contenu de la protection de la santéIl résulte de la conception contemporaine de la santé (cf. supra) de nouvelles obligations pour les institutions publiques. Ainsi, la protection de la santé a acquis une certaine valeur juridique (A) et a été doté d'une définition et d'un contenu larges (B). A - Valeur juridique de la protection de la santéLa protection de la santé est un principe à valeur constitutionnelle88 issu de l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.89 Les pouvoirs publics ont pour charge d'assumer la protection de la santé, et non la santé, « tache évidemment impossible, même pour l'Etat-providence. »90 A l'instar du juge constitutionnel italien qui considère que le droit à la santé présente deux aspects (l'un individuel et subjectif en tant que droit fondamental individuel, l'autre collectif, social et objectif, la protection de la santé dans l'intérêt de la collectivité91), la jurisprudence française retient une conception duale du principe de protection de la santé.92 L'analyse de la jurisprudence française faite par Mme GRÜNDLER montre qu'à côté de sa dimension individuelle, la dimension collective de la protection de la santé est mieux garantie par le juge qui, « au terme de son opération de conciliation de droits, n'hésite pas à faire prévaloir la protection de la santé publique, composante de l'intérêt général, sur des intérêts particuliers. »93 Dans son aspect individuel, le droit à la protection de la santé est à la fois un droit-liberté interdisant aux pouvoirs publics d'agir contre la santé des individus et à la fois un 88 CC, 74-54 DC, 15 janv. 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse ; CC, 90-283 DC, 08 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, « Considérant que l'évolution qu'a connue le droit de propriété s'est également caractérisée par des limitations à son exercice exigées au nom de l'intérêt général ; que sont notamment visées de ce chef les mesures destinées à garantir à tous, conformément au onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, "la protection de la santé" ; » 89 « Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. » 90 MOREAU J., « Le droit à la santé », AJDA 1998 p. 185 91 Cour constitutionnelle italienne, Sent. 118, 18 avr. 1996 92 GRÜNDLER T., op. cit. note 91, p. 835 93 Ibidem. 34 droit-créance impliquant l'accès aux soins.94 Toutefois, Mme GRÜNDLER évoquera à ce sujet « une justiciabilité sans effectivité du droit individuel » de protection de la santé.95 Quant à l'aspect collectif, il renvoi notamment à l'interprétation du Conseil constitutionnel de l'alinéa 11 du Préambule de 1946.96 En effet, le Conseil évoque la protection de la santé « publique », terme qui élargit la portée de la protection de la santé à des perspectives collectives. Cela explique par exemple que le Conseil d`Etat a refusé de qualifier de liberté fondamentale (dans le cadre du référé liberté) le droit individuel à la protection de la santé invoqué par le requérant, retenant ainsi sa seule dimension collective.97 Au-delà de cette dualité que nous venons d'évoquer sommairement, nous retiendrons, comme pour la liberté d'entreprendre, une conception large de la protection de la santé. Enfin, le principe de protection de la santé peut entrer en conflit avec d'autres normes juridiques, comme par exemple, la liberté d'entreprendre et le droit de propriété98, le droit de grève99, la liberté d'aller et venir100 ou encore la libre disposition du corps humain.101 Le juge devra alors concilier ces différents principes qui sont, bien évidemment, ni généraux, ni absolus. Il est temps maintenant de tenter de définir le concept de protection de la santé. 94 Ibid. 95 Ibid. 96 CC, 90-283 DC, 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme 97 « CE, ord. 8 sept. 2005, Garde des Sceaux c/ Bunel. L'espèce concernait un détenu ayant subi un infarctus du myocarde, qui demandait au juge, d'une part, de suspendre la décision de placement dans une cellule partagée avec trois fumeurs et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de la Justice de l'affecter dans une cellule individuelle, afin de ne plus être soumis au tabagisme passif (M. Laudijois, Le droit à la santé n'est pas une liberté fondamentale, AJDA 2006. 376). », GRÜNDLER T., « Le juge et le droit à la protection de la santé », Revue de droit sanitaire et social 2010 p. 835 98 CC, 90-283 DC, 8 janvier 1991 (cons. 8, 9, 11, 14, 29 et 30) ; CC, 90-287 DC, 16 janvier 1991 (cons. 11, 21 et 22) 99 CC, 80-117 DC, 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires 100 CE, 17 octobre 1952, Chambre syndicale climatique de Briançon, dame Simon, Dominique et autres, Lebon p. 445, concl. Chardeau 101 CE Ass., 4 juillet 1958, Graff et Epx Reyes, Lebon p. 415 ; JCP 1959.II.11117, concl. M. Long 35 B - Définition, composantes et bénéficiaires de la protection de la santéDéfinition et composantes (accès, continuité prévention et sécurité). L'article L. 1110-1 du CSP définit la notion de protection de la santé en nous donnant ses quatre composantes : « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible. » Selon Mme FEUILLET, on peut dégager de cet article deux dimensions de la protection de la santé : « une curative (assurer les soins et leur continuité) et une préventive (assurer la prévention et la sécurité sanitaire). Ce deuxième aspect repose sur l'idée que "protéger, c'est préserver du danger." »102 Cette dimension préventive était d'ailleurs déjà évoquée par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi contre le tabagisme et l'alcoolisme.103 Toujours selon Mme FEUILLET, ces deux dimensions ne sont pas de même nature car « garantir l'accès ou la continuité des soins nécessite de reconnaître une prérogative directe au citoyen alors qu'assurer la prévention ou la sécurité sanitaire reste de l'ordre des objectifs généraux à atteindre. Ainsi, l'idée d'accès aux soins fait émerger celle d'une possibilité de revendiquer une prestation (des soins), c'est-à-dire un droit d'accéder aux soins. »104 Ainsi on rejoint la conception duale de la protection de la santé : collective et individuelle. On pourrait parler pour la première de protection de la santé publique et pour la seconde de droit à la protection de la santé. Bénéficiaires. Qui bénéficie du droit à la protection de la santé ? L'alinéa 11 du Préambule de 1946 nous précise que cette protection est garantie « à tous ». On peut citer à titre d'exemple les salariés et les jeunes. Il faut toutefois noter qu'il existe deux situations délicates concernant les titulaires de ce droit. Sans entrer dans les détails, citons à titre d'information le cas des étrangers et des enfants à naitre (à partir de quel stade de développement est-on en présence d'un être humain ?). 102 FEUILLET B., « L'accès aux soins, entre promesse et réalité », Revue de droit sanitaire et social 2008 p. 713 103 CC, 90-283 DC, 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme 104 FEUILLET B., op. cit. note 101, p. 713 36 III - Droit de l'Union européenne et protection de la santéAlors que les traités fondateurs de l'UE considéraient la santé simplement comme une préoccupation légitime des Etats, le Traité de Maastricht (1992) est venu consacrer la politique de la santé parmi les autres politiques communautaires.105 Puis, le Traité d'Amsterdam (1997) a renforcé la politique de santé de l'UE. Mais, la politique de santé reste complémentaire des politiques nationales106, notamment via le principe de subsidiarité. Les politiques de l'UE en matière de santé sont très variées. On peut citer en exemple le développement de la libre circulation des patients, la liberté des soins médicaux dans l'Union, la mobilité des professionnels de santé ou encore la libre circulation des marchandises et notamment des produits de santé. Des programmes d'action107 sont aussi mis en oeuvre par l'Union et visent notamment les luttes contre la toxicomanie, l'obésité, le cancer et le SIDA. Dans le cadre de notre sujet, les rapports entre liberté d'entreprendre et protection de la santé se retrouveront essentiellement dans le domaine du marché intérieur via la libre circulation des marchandises (A) et la libre circulation des personnes et des services (B). A - La protection de la santé face à la libre circulation des marchandisesGénéralités. Comme nous l'avons dit, le droit de l'UE interdit les entraves de natures non pécuniaires à la liberté de circulation des marchandises. Toutefois, la protection de la santé publique peut constituer sous certaines conditions un motif de dérogation à ces règles. Nous y reviendrons. Aussi, Mme DE GROVE-VALDEYRON nous dit : « La Cour juge de manière constante qu'il appartient aux États membres, à défaut d'harmonisation complète, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la vie des personnes (...), tout en tenant compte des exigences de la libre circulation à l'intérieur de la Communauté. »108 Principe de précaution. La Cour de Justice a admis l'application du principe de précaution en matière de santé publique. Il consiste ici en la prise, par les Etats membres, de mesures restreignant les échanges commerciaux en cas d'incertitude scientifique quant à l'existence du danger qu'il s'agit de prévenir. La Cour a pu dire ainsi « que lorsque des incertitudes 105 Traité CE, art. 129, devenu art. 152 106 Traité CE, art. 152-1, al. 2, et 152-5 107 Voir par exemple le programme d'action 2008-2013 établit par la Décis. no 1350/2007 du Parlement européen et du Conseil, 23 oct. 2007, JOUE, no L 301, 20 nov. 108 DE GROVE-VALDEYRON N., « Santé publique », Répertoire de droit communautaire, Dalloz 37 scientifiques subsistent quant à l'existence d'un risque pour la santé humaine, les institutions communautaires peuvent prendre les mesures de protection nécessaires sans attendre que la réalité et la gravité de ces allégations soient pleinement démontrées. »109 Ainsi, au nom de ce principe, les Etats membres peuvent refuser l'entrée d'une marchandise sur leur territoire. Harmonisation. En cas d'harmonisation communautaire, les États gardent la possibilité d'adopter ou de maintenir des mesures plus strictes à condition « de démontrer le risque sanitaire et d'établir que les dispositions nationales assurent un niveau de protection de la santé publique plus élevé que la mesure d'harmonisation et qu'elles ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif » (respect de la proportionnalité).110 A titre d'illustrations de mesures d'harmonisation, « les médicaments, en tant que marchandises, sont soumis aux règles sur la liberté de circulation, mais leur nature particulière a justifié la mise en place d'une harmonisation dans un souci de protection de la santé publique. » Ainsi le droit de l'UE réglemente les autorisations de mise sur le marché de médicaments ainsi que les importations parallèles de médicaments. Par ailleurs, il existe des directives spécifiques relatives au sang humain, composants sanguins et tissus humains. B - La protection de la santé face à la libre circulation des personnesSynthétiquement, la protection de la santé pourra constituer un motif de restriction des libertés de circulation des travailleurs, d'établissement ou encore de prestation de services et plus généralement, limiter le libre exercice d'une activité économique. De même, le libre séjour peut connaitre des limitations justifiées pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Par exemple, les maladies potentiellement épidémiques sont susceptibles de justifier une interdiction d`entrée sur le territoire d'un Etat membre ou un éloignement ou encore, sous conditions, la soumission du bénéficiaire du droit de séjour à un examen médical gratuit. Maintenant que nous avons défini et contextualisé les principales notions attachées à notre sujet, il est temps de les confronter et de dégager les problématiques juridiques pouvant en découler. 109 CJCE, 5 mai 1998, Royaume-Uni c/ Commission, aff. C-180/96, Rec. I. 2265 110 DE GROVE-VALDEYRON N., op. cit. note 107 La protection de la santé comme limite à la liberté d'entreprendre 38 L'intérêt de notre sujet se trouve dans la protection des droits d'autrui comme justification de limites apportées à une liberté constitutionnelle. En effet, c'est en remontant à la source du principe de la liberté d'entreprendre (art. 4 DDHC de 1789) que l'on comprend la justification de ses limites. On ne peut comprendre la liberté d'entreprendre sans entrevoir ses limites et parmi celles-ci, la protection de la santé occupe une place non-négligeable. Notre démonstration n'a pas pour ambition de traiter exhaustivement des aspects liant la liberté d'entreprendre et la protection de la santé ; il faudrait un ouvrage entier pour approcher cette exhaustivité. Il s'agira concrètement de dresser un paysage global des domaines dans lesquels la protection de la santé justifie des limites la liberté d'entreprendre et comprendre quelle est la logique juridique qui amène à ces situations. Notre longue introduction était nécessaire pour cerner la liberté d'entreprendre, principe non défini juridiquement, et la protection de la santé. Cela nous a permis de donner un cadre global à l'analyse qui va suivre quant à la confrontation de ces deux principes. Dans un contexte mondial empreint de libéralisme économique et de libertés individuelles, il est essentiel de fixer des limites à la liberté d'entreprendre. C'est d'ailleurs « l'ultra-libéralisme », à savoir la liberté sans limite et indifférente des droits d'autrui, qui a tendance à causer le plus de tort au libéralisme. Ainsi, en limitant au nom de la protection de la santé la liberté d'entreprendre, on la moralise, on la légitime et ainsi on la renforce. Il ne s'agit pas de remettre en cause cette liberté dans son principe mais, pour la rendre effective, de la concilier avec les droits d'autrui et l'intérêt général. Par ailleurs, la liberté d'entreprendre des uns peu restreindre la liberté d'entreprendre des autres. C'est ainsi que le droit de la concurrence vient encadrer les activités économiques afin de trouver un équilibre entre les libertés de chacun. Ainsi la puissance publique vient fixer un cadre juridique à la liberté d'entreprendre permettant de passer d'une liberté formelle à une liberté réelle, pour tous les individus. En tant que limite à la liberté d'entreprendre, la protection de la santé agit quasi systématiquement selon une logique préventive : prévenir le dommage, prévenir le risque. Ainsi, soumettre une profession médicale à l'obtention d'un diplôme, encadrer la recherche médicale sur les personnes, requérir une autorisation de mise sur le marché d'un médicament, interdire le commerce de stupéfiants, contrôler la qualité des aliments, limiter la publicité de 39 l'alcool, etc., suit une logique préventive. Il n'est pas évident de trouver des limites à la liberté d'entreprendre fondées uniquement sur l'aspect curatif de la protection de la santé. La logique globale c'est donc la prévention. Toutefois, la protection de la santé n'agit-elle pas sur des variables différentes dans les limitations qu'elle impose aux activités économiques ? Si on prend comme exemple la nécessité d'obtenir un diplôme pour exercer la profession de médecin, c'est bien la qualité de la personne qui est en jeu. De même, le fait pour un Etat membre de réserver à des ophtalmologues (qui sont des médecins contrairement aux opticiens) le droit d'effectuer sur leurs patients certains examens afin de garantir un niveau élevé de protection de la santé et ainsi limiter la liberté d'établissement des opticiens étrangers qui, dans leurs Etats sont autorisés à pratiquer lesdits examens se fonde encore une fois sur la qualité de la personne qui exerce l'activité de santé. Ensuite, concernant l'encadrement recherche médicale sur les personnes, cette fois-ci, c'est le sujet impliqué dans la recherche qui est la variable sur laquelle la protection de la santé agit. Par ailleurs, qu'est-ce qui justifie une différence de traitement dans l'encadrement de la mise sur le marché d'un médicament et d'un cosmétique ? Les contraintes ne sont en effet pas les mêmes entre une autorisation de mise sur le marché pour les premiers et une simple déclaration préalable pour les seconds. N'est-ce pas la nature du bien ou encore sa destination qui vont conditionner son régime de commercialisation ? Mais alors, si la protection de la santé agit à la fois sur la variable bien et à la fois sur la variable personne, les conséquences des limitations de la liberté d'entreprendre sont-elles fonction des variables utilisées ? On a vu que la liberté d'entreprendre peut être limitée dans tous les aspects de la vie de l'activité économique, de la création à la fin, en passant par l'exercice. Si on regarde la variable personne, si la personne ne satisfait pas aux exigences imposées par la protection de la santé, l'activité ne peut pas être exercée : pas de médecin sans diplôme, pas de déplacement dans un autre Etat membre sans équivalence professionnelle, etc. Si la personne, sujet dans la recherche n'est pas disponible, la recherche ne peut pas avoir lieu. Sans les personnes, l'ensemble de l'activité est remis en cause. Elle ne peut avoir lieu : pas de création, pas d'accès et donc pas d'exercice de l'activité. Concernant la variable bien, si le bien ne satisfait pas aux exigences imposées par la protection de la santé, sa commercialisation n'est pas possible. Dans ce cas ce n'est pas l'ensemble de l'activité qui est mise en cause mais une de ses mises en oeuvre (la 40 commercialisation) et dans cette mise en oeuvre, un bien. La nature du bien (produit dangereux, produit alimentaire, médicament, etc.) conditionnera le régime de commercialisation applicable (interdiction, déclaration préalable, contrôles de sécurité, autorisation de mise sur le marché, etc.). L'objectif est la sécurité sanitaire et donc la protection de la santé publique. Ces différents régimes de commercialisation conditionnent le degré de liberté d'entreprendre des acteurs économiques via les contraintes qu'il leur impose. Dans le cas des personnes, l'activité n'existe pas encore. Ce sont les personnes qui créent les activités. Même si une profession préexiste à la volonté d'un individu d'y accéder (exemple : pharmacien), l'absence de qualification ne permet pas d'y accéder et donc de créer l'activité économique découlant de l'accès à cette profession. Dans le cas des biens, l'activité existe déjà. C'est dans la mise en oeuvre, dans l'exercice de l'activité que les limites vont se poser. L'activité globale n'est pas remise en cause. Plus généralement, que ça soit pour les personnes ou les biens, c'est la nature de l'activité en cause, sa complexité, les risque qu'elle peut présenter pour la santé des personnes qui impose que des diplômes, des qualifications, des autorisations de mise sur le marché, etc. soient requis. Pour les personnes, on devra combiner la nature de l'activité et la qualité de ces premières et dans cette qualité, parfois même leur comportement. Par exemple, même avec les qualifications requises, une personne devra obtenir une autorisation pour créer un laboratoire d'analyse de biologie médicale (article L. 6211-2 du Code de la santé publique). Pour les biens en revanche, il semble que la nature des biens transcende la nature de l'activité. En effet, par exemple, l'article L. 5432-1 du Code de la santé publique interdit la fabrication et la vente de jouets dangereux. C'est bien plus la nature du bien que la nature de l'activité qui est en cause. Il ne faudra pas oublier de surcroit de se demander quelle est la destination du bien et qui en sont les destinataires. Ainsi par exemple, les médicaments ont pour destination le soin et pour destinataires soit les personnes humaines, soit les animaux. Enfin, les personnes et les biens sont liés, il y a une continuité. Par exemple, un médicament légalement commercialisé pourra être prescrit par un médecin qui, dans le cadre de la pharmacovigilance, devra signaler tout effet secondaire observé sur un médicament, pouvant ainsi remettre en cause sa commercialisation. Globalement, la création de l'activité économique précède le commerce de biens. C'est pour cela qu'il sera méthodologiquement plus pertinent de traiter des personnes avant de traiter des biens. 41 Ainsi suivant ces précédentes considérations, nous nous demanderons quelles sont les variables sur lesquelles la protection de la santé agit principalement pour limiter la liberté d'entreprendre ? Par quels procédés la protection de la santé vient limiter la liberté d'entreprendre ? Les conséquences des limitations de la liberté d'entreprendre sont-elles fonction des variables utilisées ? Plus généralement, comment, au nom de la protection de la santé, la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini, peut-elle être limitée ? Nous verrons ainsi que la protection de la santé est la source de limites à la liberté d'entreprendre en étudiant dans une première partie les limites fondées sur la qualité des personnes dans le cadre des activités économiques et dans une seconde partie, les limites fondées sur la nature et la destination des biens dans le cadre de leur commercialisation. 42 PREMIÈRE PARTIE
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PREMIER CHAPITRE
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On peut analyser les limitations à la liberté d'entreprendre dans le commerce de biens et au-delà en allant des procédés les plus dirigistes vers les plus libéraux. Nous dresserons ici un paysage général de ce dégradé de limitations en matière de santé publique. La plupart des points évoquées ci-dessous seront approfondis dans nos développements futurs.
Interdictions. C'est le régime le plus contraignant, les interdictions sont généralement absolues. Ainsi, par exemple, est interdit le commerce et la fabrication d'agents microbiologiques ou autres agents biologiques et toxines biologiques s'ils ne sont pas destinés à des fins pacifiques (article L2341-1 du Code de la défense), d'absinthe (article 347 du Code général des impôts, repris par l'article L3322-4 CSP) et de jouets ou amusettes dangereux (article L5231-1 CSP). Enfin, l'interdiction peut être relative par exemple quand elle désigne une catégorie de personnes. Ainsi, la vente de produits du tabac est interdite aux mineurs de moins de dix-huit ans (article L3511-2-1 CSP).
Autorisation administrative, licence ou agrément préalables. C'est le régime de contrainte intermédiaire, l'administration peut refuser une autorisation, une licence ou un agrément. Sont par exemple soumises à autorisation administratives préalables l'exploitation des eaux minérales naturelles (article L1322-1 CSP), l'ouverture des établissements de préparation et de vente en gros de produits pharmaceutiques (article L5124-1 et s. CSP) et la mise sur le marché de certains médicaments (article L5121-8 CSP). Enfin, est par exemple soumise à une licence préalable la vente de boissons alcoolisées (article L3331-1 CSP).
Déclaration préalable d'activité. C'est le régime le moins contraignant, il suffit simplement pour l'entrepreneur d'informer l'autorité administrative compétente. Ainsi, doivent faire par exemple l'objet d'une déclaration préalable l'ouverture et l'exploitation d'une entreprise de cosmétiques (article L5131-2 CSP) et l'ouverture d'un café, cabaret ou débit de boissons à consommer sur place et y vendre de l'alcool (article L3332-3 CSP).
Note bene. Nous mettrons à disposition en annexe un tableau des principales activités réglementés (annexe n°1).
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Ainsi, des procédés les plus dirigistes vers les plus libéraux, nous traiterons dans une section 1 des interdictions de commercialisation résultant de la dangerosité des biens ou de leur provenance d'un corps humain ; puis nous analyserons dans une section 2 les contrôles de commercialisation fondés sur les dépendances que peuvent créer certains biens.
Nota bene. Faute de pouvoir réaliser une étude exhaustive, nous regrettons de ne pas traiter des contrôles de commercialisation des eaux minérales et des aliments.
L'interdiction de commercialisation d'un bien renvoi à première vue à celle des choses hors du commerce juridique, c'est-à-dire, selon le Code civil, à des choses qui ne peuvent pas faire l'objet d'une convention (article 1128), être vendues (article 1598), prêtées (article 1878), et dont la propriété ne peut s'acquérir par prescription (article 2226).
Toutefois, M. LOISEAU précise sur la typologie des choses hors du commerce qu' « une chose peut être écartée des opérations proprement commerciales sans échapper nécessairement à toute circulation juridique. »181 C'est ainsi que l'auteur précité opère une distinction entre les choses hors du commerce juridique et les choses hors du marché. Selon lui, cette distinction « se déduit du sens donné au mot commercium, qui ne désigne pas seulement les opérations commerciales stricto sensu mais vise le commerce juridique lato sensu, c'est-à-dire l'ensemble des actes juridiques dont une chose peut être l'objet. »182 L'auteur en tire comme conclusion que « si une chose hors du commerce est nécessairement hors du marché, à l'inverse une chose hors du marché n'est pas forcément hors du commerce si elle peut faire l'objet de conventions à titre gratuit »183.
Nous reprendrons dans nos développements cette distinction en nous intéressant d'une part aux biens mis hors du commerce juridique au nom de la protection de la santé (I) et, d'autre part, aux biens qui, s'ils ne peuvent eux aussi être commercialisables, ne sont pas totalement indisponibles ; ils sont alors hors du marché au nom de la protection de la santé (II).
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181 LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ. 2000 p. 47
182 Ibidem.
183 Ibid.
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Nous allons traiter ici des produits présentant un danger pour la sécurité ou la santé des personnes et notamment des consommateurs. Il nous faudra ainsi souvent combiner le Code de la santé publique et le Code de la consommation. Nous allons nous interroger tout d'abord sur les principaux fondements des interdictions des produits dangereux (A), puis nous établirons un inventaire illustratif d'interdictions des produits dangereux fondées sur la protection de la santé (B).
Avant d'évoquer les principaux fondements des décisions administratives d'interdiction de choses dangereuses (3) et l'obligation générale de sécurité à la charge du professionnel (2), nous traiterons en avants propos du cas particulier des produits falsifiés (1).
1 - La falsification d'un produit comme source de dangerosité du bien
Concernant le droit de la consommation, il faut évoquer en avant-propos le cas particulier de l'interdiction des produits falsifiés. En fait, le Code de la consommation interdit dans ses articles L. 213-3 et s. la falsification des denrées alimentaires (destinées à l'homme ou à l'animal), des boissons (alcoolisées ou non) et des produits agricoles ou naturels destinés à être vendus ainsi que leur exposition ou leur mise en vente ou leur détention. De même les articles précités interdisent les « produits, objets ou appareils propres à effectuer la falsification » ainsi que leur commercialisation. Enfin, ces articles ajoutent que « Si la substance falsifiée ou corrompue est nuisible à la santé de l'homme ou de l'animal, l'emprisonnement sera de quatre ans et l'amende de 75 000 euros. » On voit très bien ici, qu'avec la protection du consommateur, la protection de la santé vient servir de base à ces dispositions.
Quels sont les éléments constitutifs de cette infraction ? Au niveau matériel, la falsification consiste en la fabrication d'un produit dans des conditions non conformes à la réglementation en vigueur. Au niveau de l'élément moral, l'auteur doit avoir eu connaissance de la falsification du produit, qui doit être destiné à la vente. Ainsi le consommateur altère lui-même le produit en vue de le consommer, il n'est pas concerné par ces dispositions.
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On notera enfin que des dispositions spécifiques encadrent l'interdiction de la falsification de médicament à usage humain.184
A titre d'illustration, la Cour de cassation a pu condamner sur ce fondement la falsification d'un vin d'appellation d'origine contrôlée qui avait été enrichis par du sucre afin d'augmenter son titre alcoométrique, en violation de la réglementation applicable à ce vin pour la récolte incriminée.185 La même solution a été donnée quant à l'incorporation de douelles ou de copeaux de chêne dans les cuves pour donner au vin en question un goût boisé.186
In fine, si les produits falsifiés sont effectivement des biens interdits de commercialisation, il n'est pas évident qu'ils appartiennent en soi à la catégorie des biens hors commerce. En effet, c'est d'avantage les conditions et méthodes de fabrication du bien qui constituent l'élément déclencheur et non la nature du bien en soi. Il n'en demeure pas moins qu'étant interdits de commercialisation notamment pour des motifs de santé publique, les produits falsifiés ont toutes leur place dans notre développement sur les produits dangereux si tant est que nous n'en traitons qu'en avant-propos et non au coeur de notre développement pour les raisons que nous venons d'évoquer.
2 - L'obligation générale de sécurité à la charge du professionnel
Premièrement, l'article L. 221-1 du code de la consommation dispose que « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. ». Cet article pose ainsi une obligation générale de sécurité attendue du professionnel et il s'agira d'un régime de responsabilité sans faute. Si la lettre de la loi n'évoque pas en soi une interdiction de commercialisation de produits dangereux, son application amène au même résultat. On peut retrouver d'ailleurs l'esprit de cette loi dans l'article 1er (abrogé) de la loi n°78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services
184 Ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments, à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments
185 Crim. 17 déc. 1997: Bull. crim. no 433; RTD com. 1998. 698, obs. Bouloc
186 Crim. 6 févr. 2001: Bull. crim. no 37; JCP 2001. IV. 1661; Dr. pénal 2001. Comm. 37, obs. J.-H. Robert.
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qui dispose : « Les produits, objets ou appareils dont une ou plusieurs caractéristiques présentent, dans des conditions normales d'utilisation, un danger pour la santé ou la sécurité des consommateurs sont interdits ou réglementés dans les conditions fixées ci-après. »
A titre d'illustration, la jurisprudence a considéré comme responsable sans faute un laboratoire fabriquant le médicament Distilbène (défectueux en l'espèce) qui, inhalé par une femme enceinte, a provoqué l'apparition d'une tumeur cancéreuse chez l'enfant exposé in utero.187
3 - Le pouvoir d'interdiction de commercialisation de l'administration
Code de la consommation. Tout d'abord, l'article L. 221-3 du code de la consommation prévoit en effet la possibilité d'interdire, par décret en Conseil d'Etat, la fabrication, la vente, l'offre à titre gratuit, etc. de produits qui sui sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à la santé des personnes.
Code du travail. De même, évoquons l'article L. 231-7 du code du travail qui dispose que « Dans l'intérêt de l'hygiène et de la sécurité du travail, peuvent être limitées, réglementées ou interdites la fabrication, la mise en vente, la vente, l'importation, la cession à quelque titre que ce soit ainsi que l'emploi des substances et préparations dangereuses pour les travailleurs. »
Code de la santé publique. Enfin, les dispositions d'interdiction contenues dans le code de la santé publique sont assez diverses et on peut noter par exemple l'article L. 5132-8 qui soumet la commercialisation et la détention des plantes, substances ou préparations classées comme vénéneuses à des conditions définies par décrets en Conseil d'Etat (les articles R. 5132-84, R. 5132-87 rendent possible une interdiction de ces produits par arrêté du ministre chargé de la santé).
Dès à présent, nous allons dresser un inventaire non exhaustif d'illustrations de choses qui sont interdites au nom de la protection de la santé publique.
187 TGI Nanterre, 24 mai 2002: D. 2002. IR 1885; RTD civ. 2002. 527, obs. Jourdain
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Nous opérerons une division entre les choses non consomptibles (1) et les choses consomptibles (2) afin de faciliter la lecture de cet inventaire. Au-delà de cette facilité, la distinction peut présenter un intérêt dans la mesure où les produits consomptibles présentent généralement la particularité de pouvoir être source de dépendance. En effet, le danger se présente souvent à partir d'une certaine fréquence de consommation des produits en question. Du côté des choses non consomptibles, l'attitude de l'individu dans l'utilisation du bien influe moins sur sa dangerosité.
1 - Les produits dangereux non consomptibles : une dangerosité dans des conditions normales d'utilisation
Textile et vêtements. Un décret du 24 septembre 1990 interdit « la fabrication, l'importation, l'exportation, la détention en vue de la vente, la vente et la distribution à titre gratuit de textiles ou de vêtements traités à l'oxyde de triaziridinylphosphine ou au polybromobiphényle. » Au contact de la peau, les vêtements traités ainsi présentent un danger pour la santé des personnes quelle que soit leur attitude face à ces biens, leur interdiction est donc absolue.
Protection de la santé des nourrissons et des enfants. Le code de la santé publique, dans ses articles L. 5231-1 et s., interdit la fabrication et la distribution de jouets ou d'amusettes, contenant les substances vénéneuses ou dangereuses, des biberons à tube, des tétines et sucettes ne répondant pas aux conditions établies par un décret en Conseil d'État.
De plus, sans interdire la vente ou l'utilisation de téléphones mobiles aux enfants de moins de quatorze ans (ce qui serait difficilement mis en oeuvre), l'article L. 5231-3 interdit toute publicité ayant pour but de promouvoir la vente, la mise à disposition, l'utilisation ou l'usage d'un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans.
Enfin, l'article L. 5231-4 confère au ministre de la santé le droit d'interdire par arrêté la distribution d'objets contenant un équipement radioélectrique dont l'usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans afin de limiter l'exposition excessive des enfants.
La fragilité des nourrissons et des enfants et le faible degré de responsabilité (au sens courant du terme, non juridique) que l'on peut leur imputé dans leurs attitudes font que, dans des conditions normales d'utilisation par des nourrissons et des enfants, ces biens présentent un danger, sans que l'on puisse l'imputer substantielle à leur attitude face auxdits biens.
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2 - Les produits dangereux consomptibles : une dangerosité dans l'excès de consommation
Boissons interdites. Premièrement, l'art. L. 3322-3 CSP interdit en France, sauf en vue de l'exportation à l'étranger, la fabrication, la détention et la commercialisation ou l'offre à titre gratuit des boissons apéritives à base de vin titrant plus de 18 degrés d'alcool acquis, des spiritueux anisés titrant plus de 45 degrés d'alcool et des bitters, amers, goudrons, gentianes et tous produits similaires d'une teneur en sucre inférieure à 200 grammes par litre et titrant plus de 30 degrés d'alcool.
Deuxièmement, interdites initialement par la loi du 16 mars 1915188, la fabrication et la vente d'absinthe et des liqueurs similaires (dont les caractères sont déterminés par décret) sont aujourd'hui prohibées par l'article 347 du code général des impôts, reproduit par l'art. L. 3322-4 CSP. Ainsi, le Décret n°88-1024 du 2 novembre 1988189, modifié par le Décret n° 2010-256 du 11 mars 2010190, nous donne une définition des liqueurs similaires à l'absinthe, il s'agit des « boissons alcoolisées produites à partir des espèces d'Artemisia présentant une quantité de thuyone supérieure à 35 mg / kg. » C'est ainsi qu'en deçà de ces seuils, des liqueurs similaires à l'absinthe pourront être fabriquées en France ou importées. Par ailleurs, lors de la session plénière du 13 mars 2013, le Parlement européen a rejeté une première tentative de définition européenne de l'absinthe (la Commission européenne devrait prochainement présenter une nouvelle proposition de définition).
Enfin, évoquons le cas intéressant d'une boisson (non alcoolisée) dénommée « Security Feel Better » mise sur le marché depuis 1996 (proposée dans la grande distribution depuis 2005) et présenté par le fabriquant au public comme ayant pour effet diminuer instantanément le degré d'imprégnation alcoolique, créant un sentiment erroné de sécurité au volant. Par un arrêté du 24 février 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, pour une durée d'un an, suspendu la mise sur le marché et ordonné le retrait de ladite boisson en ce qu'elle induirait chez le consommateur « des comportements dangereux et des risques pour la santé :
188 Loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que de la circulation de l'absinthe et des liqueurs similaires
189 Décret n°88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe
190 Décret n° 2010-256 du 11 mars 2010 modifiant le décret n° 88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe
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incertitude du taux réel d'alcool, sentiment de fausse sécurité, incitation à la consommation d'alcool avant la conduite qui va à l'encontre de la politique de prévention de la sécurité routière actuellement menée ; »191 Mais le Conseil d'Etat192 a jugé que, si le produit en question présentait un danger grave et immédiat en matière de santé, l'arrêté constitue une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques que présentent sa commercialisation. Le Conseil d'Etat fonde son raisonnement sur le fait que le produit, « compte tenu de sa composition, n'est pas par lui-même dangereux » mais que c'est la présentation faite au public qui pouvait constituer un danger, et qu'ainsi, permettait la prise de mesures proportionnées tel qu'imposer la diffusion de mises en garde ou de précautions d'emploi à la charge du fabriquant. Ce qui est intéressant dans ce cas c'est que ce n'est pas la nature du produit qui présente un danger pour la santé mais ses conditions d'utilisation et en d'autres termes, les raisons pour lesquelles et le contexte dans lequel ce produit est consommé. Ainsi, si l'atteinte à la liberté d'entreprendre a en l'espèce été considérée par le juge comme excessive au regard de l'objectif de protection de la santé, des atteintes proportionnées auraient pu être envisagées. Cela démontre que le champ des mesures restrictives à la liberté d'entreprendre prises en application de la protection de la santé sur des biens est étendu de la nature dangereuse du bien à ses conditions d'utilisation, en l'absence même de toute nature dangereuse du bien. C'est ainsi, sous l'influence de la présentation des effets du produit par le fabriquant, c'est le consommateur qui fait la dangerosité du produit pour la santé et non l'inverse.
Certains produits du tabac à usage oral. L'art. L. 3511-2 du CSP interdit la fabrication, la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit des produits destinés à usage oral (à l'exception de ceux qui sont destinés à être fumés ou chiqués) constitués totalement ou partiellement de tabac, sous forme de poudre, de particules fines ou toutes combinaisons de ces formes, notamment ceux qui sont présentés en sachets-portions ou en sachets poreux, ou sous une forme évoquant une denrée comestible.
Les produits dits « poppers ». Le cas des produits dits poppers est intéressant, notamment au regard du contentieux dont leur interdiction a pu faire objet. Tout d'abord, définissons ce qu'est un produit dit « poppers ». Un auteur nous dit que « Poppers » est la désignation
191 Arrêté du 24 février 2006 portant suspension de la mise sur le marché de la boisson « Security Feel Better »
192 CE, 7 février 2007, décision n° 292615
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courante d'un liquide vendu en flacons dans les sex-shops, boîtes de nuit et sur internet, sous diverses dénominations et qualifications, dont les utilisateurs inhalent par le nez l'effluve aux vertus euphorisantes (usage en discothèque et rave party) et aphrodisiaques. »193 De plus, le même auteur nous explique que « le poppers peut provoquer nausées, vomissements, hypotension, tachycardie, irritations, convulsions ou encore troubles sanguins sérieux. Associé à l'alcool, des médicaments, d'autres stimulants sexuels ou des drogues, le poppers a pu provoquer des comas, voire des décès. Dans certaines discothèques, le poppers serait diffusé à l'insu des clients en guise de désodorisant. »194
Quel est le droit applicable en matière de fabrication et de commercialisation du poppers ? Tout d'abord, l'auteur précité nous informe qu'un décret du 26 mars 1990 avait interdit les poppers à base de certaines composantes, en somme, il s'agissait d'une interdiction relative de fabrication et commercialisation. C'est ainsi que les fabricants de poppers ont continué à commercialiser ce produit sous d'autres formes et avec d'autres composantes, respectant ainsi le décret précité.
Ensuite, un décret du 20 novembre 2007195 pris notamment en application de l'article L. 2213 du code de la consommation est venu modifier le décret de 1990 et interdire les produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques (poppers). Il faut noter que l'article L. 221-3 précité dispose que des décrets en Conseil d'Etat « fixent, en tant que de besoin, par produits ou catégories de produits, les conditions dans lesquelles la fabrication, l'importation, l'exportation, l'offre, la vente, la distribution à titre gratuit, la détention, l'étiquetage, le conditionnement, la circulation des produits ou le mode d'utilisation de ces produits sont interdits ou réglementés ; ». Toutefois, le Conseil d'Etat196 est venu annuler de décret en considérant que s'il était établit que le poppers présentait un risque sanitaire grave, son interdiction était « excessive et disproportionnée eu égard au risque » qui n'était établit qu'en cas « d'usages anormaux », à savoir haute dose ou en association avec d'autres produits. Cette fois-ci la liberté d'entreprendre a prévalu sur la police de la sécurité des consommateurs et sur la protection de leur santé.
193 MARKUS J.-P., « Police de la sécurité des consommateurs : l'interdiction des produits dits « poppers » est illégale », AJDA 2009 p. 1668
194 Ibidem.
195 Décret n°2007-1636 du 20 novembre 2007 relatif aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques, hétérocycliques ou leurs isomères destinés au consommateur et ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché.
196 CE, 15 mai 2009, décision n° 312449
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Enfin, en réponse à cette décision juridictionnelle, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, par arrêté du 29 juin 2011197, revient à la charge et interdit encore une fois le poppers. Cette fois-ci, le texte est fondé sur le code de la santé publique et notamment sur l'article L. 5132-8 que nous avons évoqué précédemment. A ce jour, le poppers demeure interdit en France.
Stupéfiants. Les stupéfiants font partie de la catégorie des substances vénéneuses et sont encadrés par le code de la santé publique dans ses articles L. 5132-7, L. 5132-8, L. 3421-1 et L. 3421-4. Ainsi l'article L. 342-1 dispose que « L'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende. » Toutefois, les dispositions principales encadrant l'interdiction des stupéfiants sont contenues dans le code pénal. Ainsi les articles 222-34 et s. du code précité disposent que sont interdites l'importation, l'exportation, la production, la fabrication, le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi illicites de stupéfiants, même en vue de la consommation personnelle d'une personne.
Le terme illicite est très important car il est possible de se procurer légalement des stupéfiants pour des raisons médicales. A ce propos, l'article R5132-29 CSP interdit la prescription et la délivrance « des substances classées comme stupéfiants lorsqu'elles ne sont pas contenues dans une spécialité pharmaceutique ou une préparation. » Mais, afin d'éviter toute dérive, l'article 222-37 al. 2 du code pénal interdit le fait de faciliter « l'usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d'ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant. » Ainsi les stupéfiants sont des choses dangereuses généralement hors commerce mais dans certains cas à commercialité limitée.
Moins restrictive que la mise hors du commerce juridique, la mise hors du marché a pu être décidée au nom de la protection de la santé pour certaines choses. Il s'agit notamment des éléments et produits du corps humain.
197 Arrêté du 29 juin 2011 portant application d'une partie de la réglementation des stupéfiants aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères
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On peut définir une chose hors du marché (en s'inspirant des propos de M. LOISEAU198) comme une chose soustraite aux rapports marchands mais qui n'échappe pas de façon générale au commerce juridique. Au niveau de la protection de la santé publique, les éléments et produits détachés du corps humain sont un bon exemple de choses hors du marché ; à la différence du corps humain qui, en soit, est frappé d'extracommercialité « en raison de son assimilation impérieuse à la personne. »199
Au-delà d'être des choses, ces produits seraient selon M. LOISEAU des biens « si l'on en croit la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux qui, après avoir défini le produit comme tout bien meuble (art. 1386-3 c. civ.), traite de son application aux éléments et produits du corps humain (art. 1386-12, c. civ.). »200 On peut à ce propos définir les biens comme toute chose qu'il est utile, généralement économiquement, et possible de s'approprier.
Malgré tout, la distinction chose/bien n'est pas au coeur de notre sujet. Le plus important pour rattacher ce thème à notre sujet étant de noter que l'art. L. 1211-1 dispose que « La cession et l'utilisation des éléments et produits du corps humain sont régies par les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code civil et par les dispositions du présent livre. » En utilisant le terme de « cession » ; le CSP reconnait ainsi que les éléments et produits sont dans le commerce juridique, bien qu'ils soient hors marché.
Après avoir fait l'inventaire général des éléments et produits du corps humain (A), nous traiterons des principes généraux régissant le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain contenus dans les articles L. 1211-1 à L. 1211-9 du CSP (B).
198 LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ. 2000 p. 47
199 Ibidem.
200 Ibid.
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Il s'agira ainsi essentiellement du sang (articles L. 1220-1 - L. 1224-3 CSP), des organes (articles L. 1231-1 A - L. 1235-7 CSP) et des tissus, cellules et gamètes (articles L. 1241-1 - L. 1245-8 CSP).
Toutefois, en sont par exemple exclus sur le fondement de l'article L. 1211-8 les cheveux, les ongles, les poils et les dents (article R. 1211-49) qui peuvent être vendus.201 Ainsi ces derniers biens ne sont pas frappés d'extracommercialité. Cela s'explique avant tout parce que les enjeux de santé publique sont faibles concernant ces biens.
Evoquons dès à présent les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des produits du corps humain.
Consentement. L'article L. 1211-2 impose avant tout prélèvement d'éléments du corps humain ou collecte de ses produits de requérir le consentement du donneur, qui est révocable à tout moment. Cette condition préalable est fondée sur la protection de la personne qui ne peut se voir imposer le prélèvement ou la collecte de produits issus de son corps.
Interdiction de la publicité, gratuité et anonymat. Premièrement, l'article. L. 1211-3 interdit la publicité en faveur d'un don d'éléments ou de produits du corps humain au profit d'une personne déterminée ou au profit d'un établissement ou organisme déterminé sans toutefois faire obstacle à l'information du public en faveur du don d'éléments et produits du corps humain. Ensuite, l'article L. 1211-5 dispose que « Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. » Enfin, l'article L. 1211-4 impose la gratuité de ces dons et prélèvements.
Il s'agit de mesures visant à éviter toute tentation de faire du commerce marchand des éléments et produits du corps. La logique marchande pourrait en effet inciter les personnes à mettre entre parenthèses les risques pouvant émaner de dons et prélèvements répétés, fréquents, non surveillés, etc. et en somme la protection de leur santé, au profit des gains
201 Décret n°95-904 du 4 août 1995 relatif aux produits du corps humain non soumis aux dispositions du titre Ier du livre VI du code de la santé publique
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économiques que pourrait constituer la contrepartie ces dons et prélèvements. Le trafic d'organe étant une réalité, le droit, au nom de la protection de la santé et des bonnes moeurs cherche en effet à le combattre. Ce sentiment est conforté par le fait que la gratuité n'est imposée que dans les relations entre donneur et receveur. Une fois le prélèvement ou la collecte réalisée, « les produits s'insèrent en revanche dans le circuit économique. »202 Ainsi la gratuité vise la protection de la santé du donneur afin de ne pas l'inciter à commercialiser des produits ou éléments de son corps ; d'autant plus que le don est encadré par le droit dans le respect des normes de sécurité sanitaire en vigueur (notamment concernant les tests de dépistage des maladies transmissibles (art. L. 1211-6 CSP), renforcé par la mise en place d'un système de vigilance (art. L. 1211-7).
Proportionnalité. L'article L. 1211-6 dispose que « les éléments et produits du corps humain ne peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques si le risque mesurable en l'état des connaissances scientifiques et médicales couru par le receveur potentiel est supérieur à l'avantage escompté pour celui-ci. » On s'en doutait mais rappelons-le : l'encadrement des dons et prélèvement protège ainsi la santé des donneurs et celle des receveurs.
Ainsi, en résumé, afin d'éviter toute dérive commerciale (qui serait contraire aux bonnes moeurs et pourrait avoir pour conséquence de créer des risques pour la santé des donneurs), le code de la santé publique encadre strictement le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain qui sont des choses, voir des biens, hors du commerce marchand.
Nous venons de le voir, lorsque une chose est substantiellement caractérisée par sa dangerosité pour la sécurité et la santé des consommateurs ou lorsqu'elle est définie comme un élément ou produit du corps humain, elle pourra subir un régime d'interdiction de commercialisation. En outre, au-delà de leur potentielle dangerosité, certains biens se caractérisent par les risques de dépendance qu'ils peuvent susciter chez le consommateur au détriment de leur santé. Généralement, on leur appliquera un régime de commercialisation strictement contrôlé par les autorités publiques.
202 LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ. 2000 p. 47
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La lutte contre les dépendances occupe une place importante dans les politiques de protection de la santé publique. Elle prend forme dans la prise de conscience des pouvoirs publics que la consommation de certains produits est susceptible de créer une dépendance pour l'individu. Globalement, ces biens ne sont pas substantiellement caractérisés par leur dangerosité, qui est principalement potentielle. En réalité, c'est la façon de consommer ces biens qui peut être à l'origine de graves problèmes de santé publique. Ainsi une consommation régulière ou excessive de ces produits est susceptible de nuire à moyen ou long terme à la santé des consommateurs. De plus, si l'on prend en considération leur caractère addictif, on comprend pourquoi des politiques de lutte contre les dépendances visant à limiter la consommation de ces produits sont mises en place. Ainsi, diverses mesures sont adoptées par les pouvoirs publics comme le contrôle de la fabrication ou de l'importation du bien, le contrôle de la commercialisation sa commercialisation au consommateur final, la publication et la promotion de messages de prévention à caractère sanitaire, etc.
Les biens concernés par ces politiques sont principalement l'alcool, le tabac et les stupéfiants. En outre, on peut aussi trouver par exemple les jeux-vidéos ou les jeux laissant une trop grande place au hasard. Nous concernant, nous traiterons ici exclusivement de l'alcool et du tabac car il s'agit des activités les plus réglementés, outre les stupéfiants qui sont quant à eux interdits comme nous l'avons vu précédemment.
A titre d'illustration de politiques de prévention, le code de la santé publique met à la charge de l'Etat l'organisation et la coordination de la politique de prévention contre l'alcoolisme (art. L. 3311-1 du CSP). Dans le cadre de cette politique, l'Etat peut organiser des campagnes d'information, qui doivent comporter des messages de prévention et d'éducation (art. L. 33113 du CSP). Sans porter atteinte à la liberté d'entreprendre des fabricants et distributeurs de boissons alcoolisés, ces campagnes peuvent avoir pour effet d'influer négativement sur les ventes de ces produits. De ce fait, dans un contexte de libre concurrence le code de la santé publique interdit, dans le cadre de ces campagnes et des messages de prévention et d'éducation, toute discrimination entre les différents produits (art. L. 3311-3 du CSP). Par exemple, « le fait qu'une campagne, destinée à alerter les conducteurs sur la diminution de l'acuité visuelle liée à une consommation d'alcool, comporte un message illustré par des
symboles susceptibles d'évoquer le vin ne suffit pas à établir qu'elle présente un caractère discriminatoire entre les différents produits alcoolisés. »203
En outre, nous concentrerons nos efforts sur l'analyse des politiques de lutte contre les dépendances à l'alcool et au tabac sous le prisme des limitations à la liberté d'entreprendre qu'elles comportent. Cependant, du fait de la grande diversité des dispositions applicables en la matière, nous ne traiterons pas des dispositions pénales contenues dans le CSP et des dispositions issues du droit de l'UE. Nous verrons ainsi que les politiques de lutte contre les dépendances ont conduit à des restrictions encadrant en premier lieu la création d'un commerce de tabac et de boissons alcoolisées (I) et en second lieu la commercialisation desdits produits (II).
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203 CE 11 juin 2003, Conféd. des caves coopératives de France et a.: Lebon T. 997.
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Du fait de la complexité et de la grande diversité des dispositions juridiques encadrant la création d'un commerce de tabac ou de boissons alcoolisées et parce que l'objet de notre démarche n'est pas de décrire intégralement le circuit de commercialisation des produits du tabac et de l'alcool, nous nous bornerons à évoquer les principales dispositions applicables en la matière afin de montrer qu'il s'agit de secteurs économiques dans lesquels la politique et le droit, fondés en l'espèce sur la protection de la santé, jouent un rôle important ayant pour conséquence de limiter substantiellement la liberté d'entreprendre.
Les degrés de limitations de la liberté d'entreprendre diffèrent qu'il s'agisse d'un commerce de tabac ou d'un commerce de boissons alcoolisées. Nous verrons ainsi qu'alors que la vente au détail des tabacs manufacturés est sujette à un monopole étatique restreignant de fait la création d'un commerce adéquat (A), la création d'un commerce de boissons alcoolisées est quant à elle sujette à strict contrôle administratif (B).
Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous allons présenter le contexte dans lequel intervient la création d'un commerce de tabacs manufacturés.
Tout d'abord, il faut noter que la vente au détail de tabacs manufacturés est un monopole de l'Etat confié à l'administration des douanes et droits indirects exercé par l'intermédiaire des débitants de tabac. Mais que recouvre la notion de tabacs manufacturés ? Il s'agit des produits destinés à être fumés, prisés ou mâchés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac ainsi que les cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux (art. 564 du CGI).
Ensuite, il faut noter que l'État français ne détient pas de monopole dans la fabrication du tabac mais seulement concernant la vente au détail des tabacs manufacturés204. Ainsi, l'article 565 du CGI dispose que « l'importation, l'introduction et la commercialisation en gros en France métropolitaine des tabacs manufacturés peuvent être effectuées par toute personne
204 Décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés
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physique ou morale qui s'établit en qualité de fournisseur en vue d'exercer cette activité dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. » De même, l'article précité nous donne la même solution concernant la fabrication de tabacs manufacturés.
Toutefois, l'article 571 du CGI impose aux fournisseurs de produits du tabac de déclarer administrativement chacun de leurs établissements. Notons aussi que les fournisseurs sont tenus de livrer des tabacs aux seuls débitants (article 570 CGI). On voit ainsi que la liberté d'entreprendre des fabricants ou importateurs est principalement limitée dans le choix de leurs cocontractants.
Par ailleurs et enfin, l'art. L. 3511-1 du CSP impose aux fabricants et importateurs de produits du tabac de soumettre au ministre de la santé « une liste de tous les ingrédients et de leurs quantités utilisés dans la fabrication des produits du tabac, par marque et type, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé. » Cette mesure n'est pas véritablement attentatoire à la liberté d'entreprendre des fabricants ou importateurs.
Note bene. A titre complémentaire nous mettrons à disposition en annexe une présentation de l'industrie du tabac (annexe n° 2).
Suite à cette contextualisation, nous allons prendre l'hypothèse d'un entrepreneur qui souhaite exercer la profession de débitant de tabac. Notre objectif sera de montrer, dans leur globalité, les principales étapes nécessaire à la création de cette activité économique et de rendre ainsi compte des limites qui y sont attachées. Ainsi nous verrons tout d'abord que les conditions préalables nécessaires à l'exercice de la profession de débitant de tabac sont inhérentes à la qualité de la personne en question (1) qui devra par la suite conclure un contrat de gérance avec l'Etat (2) pour enfin implanter son commerce dans un lieu qui n'est pas libre (3).
1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de tabac inhérentes à la qualité de la personne
Les conditions que nous allons évoquer sont inhérentes à la qualité de la personne qui souhaite créer le commerce. S'il est vrai qu'elles sont mises en place du fait de la nature des biens à commercialiser, ces conditions auraient pu figurer dans notre Partie 1 relative aux personnes. Nous avons fait le choix d'en traiter ici à la fois pour des questions d'intelligibilité de notre travail et à la fois parce qu'elles ne représentent pas une part substantielle des limitations à l'exercice de la profession en cause. Aussi restrictives soient ces limitations, il
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n'en demeure pas moins qu'elles ne touchent pas, si en prend la France comme référentiel, un nombre important de situations. En effet, ces conditions sont généralement remplies par les personnes concernées.
L'article 5 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 établit une liste de conditions cumulatives à remplir obligatoirement pour gérer ou exploiter un débit de tabac (a, b et c).
a - Nationalité de la personne
Pour exercer la profession de débitant de tabac, la personne concernée doit être de nationalité française ou ressortissante d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse.
b - Compatibilité et capacité de la personne
Tout d'abord, la personne doit être majeure mais ne pas être sous tutelle ou curatelle et jouir de ses droits civiques dans l'Etat dont elle est ressortissante.
Ensuite, la personne doit présenter des garanties d'honorabilité et de probité (casier judiciaire n°2 vierge). Il s'agit d'une éventualité d'incapacité d'exercice justifiée par des questions de moralité publique dans un contexte de moralisation des professions.
Aussi, la personne doit justifier de son aptitude physique par un certificat médical établit par un médecin agréé par l'agence régionale de santé (les associés minoritaires d'une société en nom collectif sont exemptés de cette obligation).
Enfin, la personne ne peut pas être gérant d'un autre débit de tabac, ni suppléant d'un débitant en exercice, ni associé dans une société en nom collectif exploitant un autre débit de tabac.
c - Formation de la personne
La personne doit suivre une formation professionnelle initiale (avant signature du contrat de gérance) et continue (dans les six mois précédant le renouvellement du contrat de gérance).
En outre, d'autres obligations sont imposées à la personne, notamment, quant au statut juridique de son entreprise (art. 3 du décret n° 2010-720) et concernant son local commercial et son fonds de commerce (art. 4 du décret n° 2010-720). Mais nous ne nous y attarderons pas et évoquerons dès à présent le contrat de gérance, symbole du monopole étatique.
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2 - La conclusion indispensable d'un contrat de gérance avec l'Etat
La vente au détail des tabacs manufacturés étant un monopole de l'Etat, lesdits produits ne peuvent être vendus que dans un débit de tabac. La gestion du débit de tabac est confiée à des acteurs économiques privés par un contrat de gérance conclu entre ces derniers et l'Etat (administration des douanes et des droits indirects). Le contrat, établit selon un modèle fixé par arrêté du ministre chargé du budget, est d'une durée légale de trois ans et est renouvelable par tacite reconduction par périodes de trois ans (article 2 du décret n° 2010-720).
En cas de non-respect de ses obligations contractuelles (au titre de la vente au détail des tabacs ainsi qu'au titre des missions de service public qui peuvent lui être confiées) ou du décret précité, l'exploitant du débit de tabac peut être sanctionné par la résiliation unilatérale ou le non-renouvellement de son contrat de gérance (article 2 du décret n° 2010-720).
Ce contrat de gérance illustre très bien un degré important de limitation de la liberté d'entreprendre dans un contexte monopolistique public.
Outre ce contrat de gérance, au-delà d'un seuil de chiffre d'affaire réalisé sur les ventes de tabacs manufacturés, les débitants seront tenus à droit de licence. Ce dernier est exigible à la livraison des tabacs manufacturés et liquidé par les fournisseurs au plus tard le 25 de chaque mois, sur la base d'une déclaration des quantités livrées au débitant au cours du mois précédent transmise à l'administration. Sans entrer dans les détails de ce droit à licence, évoquons dès à présent les restrictions relatives à la localisation du lieu de vente du tabac.
3 - Les restrictions relatives à la localisation du lieu de vente du tabac
En principe la vente de tabac s'effectue au moyen d'un débit de tabac (a) mais elle peut en outre s'effectuer, sous conditions, par revente en dehors dudit débit (b).
a - Conditions d'implantation d'un débit de tabac
Il existe deux catégories de débits de tabac : les débits de tabac ordinaires (permanents ou saisonniers) et spéciaux (article 1 du décret n° 2010-720). Nous allons présenter ces différents débits de tabac ainsi que les principales conditions d'implantation qui y sont attachées.
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Débits de tabac ordinaires permanents. Il s'agit des débits qui ont pour fonction de vendre au détail des tabacs manufacturés dans tous les lieux autres que ceux réservés aux débits de tabac spéciaux (article 7 du décret n° 2010-720). Il s'agit donc des débits de principe.
Ils sont ouverts toute l'année, sauf pendant les périodes de fermeture facultatives décidées par le débitant : deux journées hebdomadaires consécutives ou non, les jours fériés, et les congés annuels du débitant (article 30 du décret n° 2010-720).
L'implantation d'un nouveau débit de tabac dans un lieu déterminé fait l'objet d'une procédure qui peut être déclenchée soit à l'initiative de l'administration, soit à la demande d'une personne intéressée (article 8 du décret n° 2010-720).
Il faut préciser que cette implantation est interdite dans les galeries marchandes (en principe), dans les centres commerciaux (hormis ceux constitués exclusivement de commerces de proximité desservant principalement ou en totalité les résidents d'une commune ou de l'un de ses quartiers), dans le périmètre d'implantation des débits de tabac fermés provisoirement et en zone protégée conformément aux dispositions des articles L. 3335-1 et L. 3511-2-2 du code de la santé publique sur lesquelles nous reviendrons (article 11 du décret n° 2010-720).
Il existe deux procédures d'implantation, nous les présenterons sommairement :
- L'implantation par transfert . elle consiste en une autorisation administrative conférant au débitant le droit d'exercer dans un autre lieu son activité de vente au détail de tabacs. Le nouveau débit doit être implanté à l'intérieur du département ou, sous certaines conditions, dans un département limitrophe (article 14 du décret n° 2010-720).
- L'implantation par appel à candidature . cette procédure ne peut être déclenchée que lorsque l'implantation par transfert n'a pas abouti. Le directeur régional des douanes et droits indirects retiendra la candidature qui lui paraît présenter les meilleures garanties et les meilleures perspectives d'activité du débit de tabac (article 18 du décret n° 2010-720).
En outre, l'attribution de la gérance du débit de tabac peut se faire par présentation d'un successeur par le gérant en exercice ou par permutation entre conjoints, concubins ou partenaires d'un pacte civil de solidarité (articles 20 et 21 du décret n° 2010-720).
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Débits de tabac ordinaires saisonniers. Ces derniers ont pour fonction de vendre au détail des tabacs manufacturés dans les lieux d'affluence touristique tels que les stations balnéaires ou de montagne (article 31 du décret n° 2010-720).
Leur implantation est décidée par le directeur régional des douanes et droits indirects après avis des organisations représentant dans le département concerné la profession des débitants de tabac (article 31 du décret n° 2010-720).
L'attribution de la gérance d'un débit de tabac saisonnier s'effectue par voie d'appel à candidatures ou présentation d'un successeur par le gérant en exercice ou par permutation.
Un débit de tabac saisonnier ne peut être ouvert que durant la période d'affluence touristique et pour une période annuelle d'au moins trois mois n'excédant pas une durée fixée en fonction des situations prévues par l'article 32 du décret n° 2010-720.
Débits de tabac spéciaux. Il s'agit des débits se situant sur le domaine public concédé du secteur des transports (comprenant le réseau ferré, le réseau aéroportuaire, les aires de repos du réseau autoroutier non librement accessibles aux riverains dudit réseau, et le réseau portuaire fluvial et maritime) ou sur le domaine public autre que celui du secteur des transports, concédé ou géré en régie. En outre, ces débits peuvent également être implantés dans des enceintes qui ne sont pas librement accessibles au public (art. 38 du décret précité).
L'attribution de la gérance d'un débit de tabac spécial ne peut être attribuée qu'au titulaire exclusif d'un contrat de concession d'occupation d'un emplacement du domaine public ou au responsable du domaine public géré en régie ainsi qu'au titulaire exclusif d'un droit d'exercice d'une activité commerciale dans une enceinte non librement accessible au public (article 39 du décret n° 2010-720).
Le débit de tabac n'est pas le seul lieu où les acteurs économiques sont autorisés à commercialiser des produits du tabac. En effet, la revente est autorisée aux articles 45 et s. du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010.
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b - Revente et revendeurs de tabac en dehors d'un débit de tabac
Voyons quelles sont les conditions posées par le décret précité en matière de revente de tabac. Premièrement, la qualité de revendeur ne peut être attribuée qu'à trois types d'établissements : - Les débits de boissons à consommer sur place titulaires d'une licence de 3e ou 4e catégorie
effectivement exploitée, ou restaurants titulaires d'une licence restaurant proprement dite,
- Les stations-service implantée sur le réseau autoroutier, les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier, les voies express ou les voies rapides en milieu urbain telles que définies par le code de la voirie routière ou, pour les départements de Corse, toute station-service,
- Les établissements militaires, pénitentiaires ou accueillant une population dont la liberté d'aller et venir est restreinte, à l'exclusion des établissements de santé habilités à recevoir des personnes hospitalisées sous contrainte.
Deuxièmement, les revendeurs ne peuvent s'approvisionner en tabacs manufacturés qu'uniquement auprès du débit de tabac ordinaire permanent le plus proche de son établissement que l'on nomme « débit de rattachement ».
Troisièmement, « les revendeurs ne sont autorisés à vendre des tabacs qu'aux seuls clients et usagers de leur établissement, au titre d'un service complémentaire à l'activité principale de cet établissement, ainsi qu'à leur personnel. » Ils sont de même « tenus de proposer à la clientèle, aux usagers et au personnel de leur établissement des tabacs manufacturés d'au moins trois fabricants de leur choix. Ils ne peuvent passer un contrat d'exclusivité avec un fabricant ou un fournisseur de tabacs manufacturés. »
Le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 prévoit par ailleurs d'autres mesures contraignantes encadrant la rémunération du débitant ou encore le remplacement et la succession du gérant du débit de tabac. A défaut d'avoir abordé ces derniers éléments, l'essentiel à retenir est que le régime monopolistique est en somme le plus contraignant pour les acteurs économiques. Nous allons dès à présent étudier la question des restrictions à la création d'un commerce de boissons alcoolisées.
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L'hypothèse que nous allons étudier ici est celle d'un entrepreneur qui souhaite ouvrir (au sens de créer) un débit de boissons. Nous allons donc montrer dans leur globalité les principales étapes nécessaire à la création de cette activité économique.
Ainsi nous ne traiterons que de l'ouverture (création) et non des hypothèses de mutation (changement de propriétaire ou de gérant), de translation (changement de lieu du débit de boissons sur la même commune), et de transfert (changement de lieu du débit de boissons à l'intérieur d'un même département), prévues par le CSP. De même, nous ne traiterons pas des différentes formes de sociétés pouvant gérer un commerce de boissons alcoolisées, de l'enregistrement au Registre du commerce et des sociétés, etc.
L'idée directrice de notre démarche est de montrer qu'il s'agit là d'une activité économique dont l'accès est strictement encadré par le droit et limitée du fait de sa nature (la commercialisation de boissons alcoolisées), qui est susceptible de porter atteinte à la santé des personnes.
En outre, nous relèverons simplement, concernant les fabriquant et importateurs de boissons alcooliques du troisième, du quatrième ou du cinquième groupe, que l'article L. 3322-1 du CSP impose à leur charge d'effectuer une déclaration administrative préalable à la mise en vente ou l'offre gratuite desdites boissons. La déclaration doit indiquer le nom et l'adresse du fabricant ou importateur, le nom de la boisson, sa composition et l'usage, apéritif ou digestif, auquel elle est destinée.
Dès à présent, nous nous pencherons sur les limitations à la liberté d'entreprendre des personnes souhaitant exercer l'activité de débitant de boisson. Nous verrons successivement les conditions préalables à l'exercice de la profession inhérentes à la qualité de la personne (1), la nécessité d'obtenir une licence (2) et le choix du lieu du débit de boissons (3).
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1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de boisson inhérentes à la qualité de la personne
Nous appliquerons à ce « 1 - » la même remarque que celle faite concernant les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de tabac inhérentes à la qualité de la personne concernant le choix de traiter de ces éléments dans notre Partie 2. Ces limites tiennent à la nationalité de la personne (a), à sa capacité (b) et à sa formation (c).
a - Nationalité de la personne
L'art. L. 3332-3 du CSP interdit l'exercice de la profession de débitant de boissons aux personnes qui n'ont pas la nationalité français ou la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Toutefois, les ressortissants d'Etats ayant conclu un traité de réciprocité avec la France peuvent exercer ladite profession (Algérie, Andorre, République centrafricaine, Congo Brazzaville, États-Unis, Gabon, Mali, Monaco, Sénégal, Suisse et Togo).
En outre, ces conditions de nationalité ne s'appliquent pas aux licences restaurant.
b - Compatibilité et capacité de la personne
Premièrement, seuls les majeurs qui ne sont pas sous tutelle et les mineurs émancipés peuvent exercer la profession de débitant de boissons (art. L. 3336-1 du CSP).
De même, sauf exception applicable aux mineurs de plus de seize ans, il est interdit d'employer ou de recevoir en stage des mineurs dans les débits de boissons à consommer sur place, à l'exception du conjoint du débitant et de ses parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement (art. L. 3336-4 du CSP).
Deuxièmement, les personnes qui ont été condamnées à certaines peines notamment pour crime de droit commun ou proxénétisme (interdiction définitive), ou pour vol, escroquerie, abus de confiance (l'incapacité peut être levée au bout de 5 ans) ne peuvent exercer la profession de débitant de boisson à consommer sur place (art. L. 3336-2 du CSP) Il s'agit ici d'assainir les professions commerciales afin de protéger la moralité publique.
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e - Formation de la personne donnant lieu à un permis d'exploitation
Les articles L. 3331-4 et L. 3332-1-1 prévoient l'obligation pour toute personne déclarant l'ouverture d'un débit de boissons à consommer sur place ou d'un établissement pourvu de la "petite licence restaurant" ou de la "licence restaurant" ou qui souhaite dans son commerce (autre qu'un débit de boissons à consommer sur place) vendre des boissons alcooliques entre 22 heures et 8 heures, l'obligation de suivre une formation spécifique (axée notamment sur la prévention et la lutte contre l'alcoolisme, la protection des mineurs et la répression de l'ivresse publique). Cette formation donne lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation valable dix années (renouvelable pour une durée de validité de dix années sous condition de participer à une formation de mise à jour des connaissances).
Ces conditions, bien que sévères en soi, touchent globalement peu de personnes si on prend la France comme contexte. Elles ne sont qu'un préalable, l'obtention d'une licence étant au coeur des limitations à l'ouverture d'un commerce de boissons alcoolisées.
2 - L'obtention obligatoire d'une licence d'exploitation
Quiconque souhaite ouvrir un établissement qui vend des boissons alcoolisées sur place ou à emporter doit détenir au préalable une licence spécifique. Par exception, les débits de boisson temporaires (foires expositions, fêtes publiques et enceintes sportives) ne sont pas soumis à licence mais à autorisation administrative du maire de la commune.
Nous étudierons successivement les différents types de boissons, d'établissements et de licences (a) et les conditions d'exploitation ou d'obtention de ces dernières (b).
a - Les différents types de boissons, d'établissements et de licences
Classification des boissons. L'art. L. 3321-1 du CSP répartit en cinq groupes les boissons en vue de la réglementation qui leur sera applicable.
- 1. Boissons sans alcool : eaux minérales ou gazéifiées, jus de fruits ou de légumes non fermentés ou ne comportant pas, à la suite d'un début de fermentation, de traces d'alcool supérieures à 1,2 degré, limonades, sirops, infusions, lait, café, thé, chocolat;
- 2. Boissons fermentées non distillées : vin, bière, cidre, poiré, hydromel, auxquelles sont joints les vins doux naturels bénéficiant du régime fiscal des vins, ainsi que les crèmes de cassis et les jus de fruits ou de légumes fermentés comportant de 1,2 à 3 degrés d'alcool;
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Vins doux naturels autres que ceux appartenant au groupe 2, vins de liqueur, apéritifs à base de vin et liqueurs de fraises, framboises, cassis ou cerises, ne titrant pas plus de 18 degrés d'alcool pur;
- 4. Rhums, tafias, alcools provenant de la distillation des vins, cidres, poirés ou fruits, et ne supportant aucune addition d'essence ainsi que liqueurs édulcorées au moyen de sucre, de glucose ou de miel à raison de 400 grammes minimum par litre pour les liqueurs anisées et de 200 grammes minimum par litre pour les autres liqueurs et ne contenant pas plus d'un demi-gramme d'essence par litre;
- 5. Toutes les autres boissons alcooliques.
La classification des boissons est liée à la typologie des licences et établissements.
Typologie des licences et des établissements. Nous allons dès à présent présenter les trois groupements de licences existant.
Débit de boissons à consommer sur place. Premièrement, l'article L. 3331-1 du CSP prévoit trois licences différentes pour les débits de boissons à consommer sur place (la licence de 1e catégorie a été supprimée à compter du 1er juin 2011) :
- La licence de 2e catégorie dite « licence de boissons fermentées » autorisant la vente pour consommer sur place des boissons des deux premiers groupes.
- La licence de 3e catégorie dite « licence restreinte » autorisant la vente pour consommer sur place des boissons des trois premiers groupes.
- La licence de 4e catégorie dite « grande licence » ou « licence de plein exercice » autorisant la vente pour consommer sur place de toutes les boissons dont la consommation à l'intérieur demeure autorisée, y compris celles du quatrième et du cinquième groupe.
Restaurant. Deuxièmement, l'art. L. 3331-2 du CSP prévoit deux licences différentes pour les restaurants qui ne sont pas titulaires d'une licence de débit de boissons à consommer sur place mais qui souhaitent vendre des boissons alcooliques, exclusivement, à l'occasion des principaux repas et comme accessoire de la nourriture (dans le cas contraire les licences de l'art. L. 3331-1 du CSP sont requises) :
- La « petite licence restaurant » autorisant la vente pour consommer sur place de boissons du deuxième groupe.
- La « licence restaurant » autorisant la vente pour consommer sur place toutes les boissons dont la consommation est autorisée.
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Débit de boissons à emporter. Troisièmement, l'article L. 3331-3 du CSP dispose que si les établissements titulaires d'une licence à consommer sur place ou d'une licence restaurant peuvent vendre pour emporter les boissons correspondant à la catégorie de leur licence, les autres débits de boisson à emporter doivent être pourvus d'une des deux licences spécifiées :
- La « petite licence à emporter » autorisant la vente pour emporter des boissons du deuxième groupe.
- La « licence à emporter » autorisant la vente pour emporter de toutes les boissons dont la vente est autorisée.
Notons enfin que la vente à distance est considérée comme une vente à emporter (art. L. 3331-4 CSP). Ainsi quiconque souhaite vendre des boissons alcoolisées sur internet doit détenir l'une des deux licences évoquées ci-dessus.
La détention d`une licence n'est cependant pas suffisante pour exploiter un débit de boissons.
b. Les conditions d'exploitation ou d'obtention de la licence
Permis d'exploitation. Tout d'abord, est obligatoire pour obtenir ou exploiter une licence la détention d'un permis d'exploitation au sens des articles L. 3331-4 et L. 3332-1-1 du CSP.
Déclaration administrative préalable. Ensuite, les articles L. 3332-3 et L. 3332-4-1 du CSP imposent avant toute ouverture d'un café, d'un cabaret ou d'un débit de boissons à consommer sur place, dans lequel de l'alcool sera vendu, d'effectuer une déclaration administrative préalable à la mairie (ou à la préfecture de police à Paris) au moins quinze jours avant l'ouverture de l'établissement.
Fermeture administrative. Enfin et en outre, l'art. L. 3332-15 du CSP prévoit, à la suite d'infractions aux lois et règlements encadrant les débits de boisson ou les restaurants prévus au même code, la possibilité pour le représentant de l'État dans le département (ou le préfet de police à Paris) d'ordonner sur motivations et après avertissement préalable (sauf cas exceptionnels), la fermeture desdits établissements pour une durée n'excédant pas six mois.
La fermeture peut aussi être prononcée dans des conditions similaires pour une durée n'excédant pas deux mois en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques. La durée de fermeture pourra être réduite lorsque l'exploitant s'engage à
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suivre la formation spécifique visée à l'article L. 3332-1-1 du CSP, ou prolongée (jusqu'à six mois) si elle est motivée par des certains actes criminels ou délictueux.
Les difficultés ne s'arrêtent pas là puisque d'autres mesures viennent encadrer l'obtention d'une licence. Très sommairement, la licence peut soit être créée (nouveau débit de boisson), soit être achetée ou transférée dans le respect de la réglementation. Toutefois, l'article L. 3332-2 interdit l'ouverture d'un nouvel établissement de 4e catégorie et ainsi, interdit la création d'une licence 4 (qui ne peut donc qu'être achetée ou transférée). Enfin, la licence est susceptible d'expirer en cas de non utilisation pendant trois ans (art. L. 3333-1 du CSP).
Nous n'irons pas plus loin dans ces développements mais nous allons dès à présent étudier les restrictions relatives à la localisation du débit.
3 - Les restrictions relatives à la localisation du débit
Concernant ces restrictions spatiales, le CSP va soit imposer des restrictions légales (a), soit laisser le choix au représentant de l'Etat dans le département (b).
a - Les limitations légales du nombre de débits de boissons imposées par le CSP
L'art. L. 3332-1 du CSP interdit l'ouverture d'un débit de boisson de 2e ou 3e catégorie dans les communes où le total des débits de boissons atteint ou dépasse la proportion d'un débit pour 450 habitants. Il est donc impossible d'obtenir une licence pour l'ouverture d'un établissement situé dans une commune où le nombre de débits a atteint la limite précitée.
De même, sans que le CSP parle expressément de zone protégée, son article L. 3335-4 interdit la vente et la distribution de boissons alcoolisées au sein des établissements d'activités physiques et sportives. Toutefois, des dérogations peuvent être accordées par arrêté des ministres chargés du tourisme et de la santé pour des installations situées dans des hôtels classés de tourisme ou des restaurants. Il s'agit en tous cas d'une interdiction légale.
b - La création de zones protégées par le représentant de l'Etat dans le département
Les articles L. 3335-1 et s. du CSP confèrent la possibilité au représentant de l'Etat dans le département de créer des zones protégées dans lesquelles un débit de boissons à consommer sur place ne peut être établit. La zone devra se situer autour des édifices et établissements limitativement énumérés par le code.
Il s'agit des édifices consacrés à un culte, des cimetières, des établissements de santé, maisons de retraite et tous établissements publics ou privés de prévention, de cure et de soins comportant hospitalisation ainsi que les dispensaires départementaux, des établissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse, des stades, piscines, terrains de sport publics ou privés, des établissements pénitentiaires, des casernes, camps, arsenaux et tous bâtiments occupés par le personnel des armées de terre, de mer et de l'air et des bâtiments affectés au fonctionnement des entreprises publiques de transport.
Il s'agit bien évidemment de limitations à la liberté d'entreprendre concernant le lieu d'établissement du débit de boisson et donc de commercialisation des biens en question. C'est ici la nature de l'activité qui est en cause : le commerce de biens susceptibles de créer des dépendances présentant un danger pour la santé et la sécurité des personnes.
La jurisprudence a d'ailleurs précisé que les facultés constituent des établissements protégés205. On imagine, sans préjuger des risques pour la santé des usagers des établissements d'enseignement supérieur, qu'une mesure d'interdiction en ce sens aurait pour conséquence de voir s'envoler l'opportunité de créer des activités a priori plutôt lucrative. Enfin et naturellement, un préfet ne peut créer des établissements protégés qui ne figureraient pas dans la liste précitée.206
Une fois le commerce ouvert légalement, le commerçant va pouvoir vendre du tabac ou des boissons alcoolisées mais cette activité fait toutefois l'objet de nombreuses limitations légales.
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205 Crim. 4 nov. 1971: Bull. crim. no 299
206 Montpellier, 30 oct. 1951: Gaz. Pal. 1952. 1. 117
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Nous allons prendre comme hypothèses celle d'un commerçant ayant ouvert légalement un commerce de vente de tabac ou de boissons alcoolisées ou celle d'un fabriquant souhaitant distribuer les produits précités. La commercialisation de ces produits est encadrée par des conditions légales plus ou moins contraignantes (A) qui trouverons leur paroxysme dans l'encadrement de la promotion publicitaire desdits produits (B).
Etudions dès à présent les obligations légales mises à la charge du fabricant (1) et du commerçant (2).
1 - Les obligations à la charge du fabricant
Une fois le produit fabriqué (a), il sera conditionné par le fabriquant (b) qui en déterminera librement le prix de vente (c).
a - Les obligations en matière de composition du bien
Tabac. Premièrement, l'art. L. 3511-2 du CSP interdit les cigarettes aromatisées dont la teneur en ingrédients donnant une saveur sucrée ou acidulée dépasse des seuils fixés par décret. Ce contrôle de la composition du bien vise à contrer la stratégie commerciale de certains fabricants visant à attirer un public jeune ou féminin vers leurs produits.
Deuxièmement, l'art. L. 3511-6 du CSP prévoit que les teneurs maximales en goudron, en nicotine et en monoxyde de carbone des cigarettes soient fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé.
Boissons alcoolisées. L'art. L. 3322-11 du CSP prévoit la détermination par décret en Conseil d'Etat l'encadrement de la composition de certaines boissons alcoolisées et notamment la teneur maximal en produits actifs de certaines substance contenues dans lesdites boissons.
In fine, pour le tabac, comme pour les boissons alcoolisées, le fabricant n'est donc pas libre dans le choix des composants de ses produits, ce qui constitue une limitation à sa liberté d'entreprendre.
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b - Les obligations en matière de conditionnement du bien
Tabac. Les modalités de conditionnement du bien sont fixées aux articles L. 3511-6 et L. 3511-2 du CSP. Premièrement, chaque paquet de cigarettes doit porter mention de la composition intégrale du produit (exception faite, le cas échéant, des filtres), de la teneur moyenne en goudron, en nicotine et en monoxyde de carbone dont les modalités d'inscription et les méthodes de mesure sont fixées par arrêté du ministre en charge de la santé.
De même, toutes les unités de conditionnement du tabac et des produits du tabac (papier à cigarette inclut) doivent porter un message de caractère sanitaire (par exemple : « Fumer tue ») dans des conditions fixées par arrêté du ministre en charge de la santé. La jurisprudence a pu à ce titre condamner un fabriquant qui avait modifié l'avertissement sanitaire en question en ajoutant « selon la loi n°... » à la mention « nuit gravement à la santé ».207
Enfin, il est interdit d'inclure, sur l'emballage d'un produit du tabac, des indications selon lesquelles ledit produit serait moins nocif qu'un autre. C'est ainsi par exemple, qu'est prohibée l'utilisation de la mention « light » sur des paquets de cigarettes. Le législateur entend ainsi éviter de donner « bonne conscience » au consommateur.
Deuxièmement, sont interdites la distribution ou l'offre à titre gratuit de paquets de moins de vingt cigarettes ou de plus de vingt cigarettes qui ne sont pas composés d'un nombre de cigarettes multiple de cinq ainsi que des contenants de moins de trente grammes de tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes. Il s'agit ici, concernant le seuil minimum, de rendre plus effectives les mesures prohibitives visant à surtaxer les produits du tabac.
Boissons alcoolisées. L'art. L. 3322-2 prévoit l'obligation de mentionner sur l'étiquette des boissons du 3e, 4e et 5e groupe, aux côtés de leur dénomination, le nom et l'adresse du fabricant ou de l'importateur, ainsi que le qualificatif de digestif ou celui d'apéritif.
De même, l'article précité interdit d'inscrire sur l'étiquette des indications tendant à présenter la boisson comme possédant une valeur hygiénique ou médicale.
Enfin, et la mesure est moins contraignante que celle imposées en matière de tabac, le même article impose sur toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées la mention d'un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes. On est loin des messages du type « Boire nuit gravement à la santé » ou « Boire tue ».
207 Crim. 15 févr. 2000, D. 2000. AJ 238
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c - La théorique libre fixation du prix de vente
L'article 572 du CGI dispose que « le prix de détail de chaque produit, exprimé aux 1 000 unités ou aux 1 000 grammes est (...) librement déterminé par les fabricants et les fournisseurs agréés. » Toutefois, l'exorbitance des taxes affectées aux produits du tabac nous laisse à considérer que le prix est en pratique fixé substantiellement par l'Etat ; la marge de manoeuvre des fabricants est donc très faible. Cette haute taxation a pour effet involontaire de dissuader le fabricant d'augmenter ses prix. De plus, le même article précise que ce prix doit être unique pour l'ensemble du territoire, ce qui limite la liberté contractuelle des fabricants dans leurs relations avec leurs clients.
Une fois ces obligations respectées, les produits sont livrés directement ou indirectement au commerçant. Quelles sont les obligations de ce dernier ?
2 - Les obligations à la charge du commerçant
Il s'agit globalement de répondre aux questions suivantes : où, comment et à qui peut-on commercialiser les produits du tabac et de l'alcool ? Nous avons déjà en partie répondu à ces questions concernant la création d'un commerce de tabac ou de boissons alcoolisées. Ici, nous allons nous interroger sur les obligations du commerçant tenant au mode et au lieu de commercialisation des produits (a) et à la détermination du prix de vente et à la vente à crédit (b). Enfin, nous montrerons que la qualité de l'acheteur des produits en question est susceptible de justifier des interdictions de commercialisation (c).
a - Les obligations tenant au mode et au lieu de commercialisation des produits
Outre évidemment les règles relatives notamment à l'ouverture d'un débit de boisson ou de tabac que l'on a déjà étudié, certains modes de commercialisation, parfois associés à des critères spatiaux-temporaires, sont frappés d'interdictions.
Interdictions de modes de commercialisation associées à des critères spatiaux-temporaires
Premièrement, les articles L. 3511-2 et L. 3322-8 du CSP interdisent respectivement la vente de produits du tabac et la délivrance de boissons alcooliques au moyen de distributeurs automatiques. Ces interdictions constituent une limite absolue à la liberté de choix du mode de commercialisation d'un produit et, le cas échéant, à la liberté de choix du lieu de commercialisation (par exemple, installation d'un distributeur dans la rue).
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Deuxièmement, l'article 568 ter du CGI interdit la commercialisation à distance de produits du tabac manufacturés. Est ainsi notamment interdit le commerce électronique du tabac.
Troisièmement, l'art. L. 3322-9 du CSP interdit la vente de boissons alcooliques réfrigérées dans les points de vente de carburant (limite tenant au lieu et au mode de commercialisation). De même, l'article précité interdit la vente de boissons alcooliques à emporter, entre dix-huit heures et huit heures, dans les points de vente de carburant (limite tenant au lieu et à l'horaire de commercialisation). Ces limitations, outre la protection de la santé, sont essentiellement fondées sur un motif de sécurité routière.
Quatrièmement, l'art. L. 3322-6 interdit la vente au détail par un marchand ambulant de boissons des quatrième et cinquième groupes. Il s'agit là d'une limite à la liberté d'entreprendre dans le choix du lieu, et dans ce cas précis, de l'absence de lieu fixe, pour l'exercice de l'activité économique.
Les obligations en matière de présentation du bien
Tabac. L'article 46 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 interdit aux revendeurs de produits du tabac d'exposer dans leur établissement les tabacs à la vue de leur clientèle, de leurs usagers et de leur personnel. De plus, ils ne peuvent modifier la composition ou la présentation des tabacs manufacturés qu'ils revendent.
Boissons alcoolisées. L'article L. 3323-1 du CSP impose dans tous les débits de boissons, la mise en place à la vue du public d'un étalage des boissons non alcoolisées mises en vente dans l'établissement. Cet étalage doit être séparé de celui des boissons alcoolisées et doit être installé en évidence dans les lieux où sont servis les consommateurs. Ainsi, la loi impose aux débitants des modalités d'organisation de leur commerce vis-à-vis de la présentation de leurs produits, qui n'est donc pas totalement libre.
Les limites en matière de choix des produits à vendre
L'article 46 du décret n° 2010-720 impose aux revendeurs de proposer à la clientèle, aux usagers et au personnel de leur établissement des tabacs manufacturés d'au moins trois fabricants de leur choix. En somme, ils ne peuvent passer un contrat d'exclusivité avec un fabricant ou un fournisseur de tabacs manufacturés.
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b - Les obligations tenant à la détermination du prix de vente et à la vente à crédit
Tabac. L'art. L. 3511-3 interdit la distribution gratuite ou la vente du tabac à un prix inférieur à celui mentionné à l'article 572 du code général des impôts qui dispose d'ailleurs que le prix est unique pour l'ensemble du territoire comme nous l'avons évoqué ci-dessus et qu'il est homologué dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
Boissons alcoolisées. L'art. L. 3322-9 du CSP interdit de vendre au détail à crédit des boissons des 3e, 4e et 5e groupes à consommer sur place ou à emporter et des boissons du 2e groupe à consommer sur place. De plus, l'article précité interdit (sauf dans le cadre de fêtes et foires traditionnelles autorisées ou de dégustations en vue de la vente) d'offrir gratuitement à volonté des boissons alcooliques dans un but commercial ou de les vendre à titre principal contre une somme forfaitaire. Enfin, l'article 3323-1 du CSP impose au débitant qui propose des boissons alcoolisées à prix réduit pendant une période restreinte d'également proposer à prix réduit les boissons non alcoolisées tels que par exemple les jus de légumes ou l'eau minérale (l'article précité établit une liste de ces boissons).
c - Les interdictions de commercialisation tenant à la qualité de l'acheteur
Interdictions tenant à la qualité de personne extérieure à l'établissement de l'acheteur. L'article 46 du décret n° 2010-720 prévoit que les revendeurs ne sont autorisés à vendre des tabacs qu'aux seuls clients et usagers de leur établissement, au titre d'un service complémentaire à l'activité principale de cet établissement, ainsi qu'à leur personnel. Ainsi, en théorie, le client ne peut entrer dans ce type d'établissement dans le seul but d'acheter du tabac. Cette activité commerciale est obligatoirement l'accessoire de l'activité principale du commerçant. Ces restrictions sont une conséquence du monopole étatique de la vente au détail du tabac, qui nous permet d'analyser l'autorisation de la revente comme une tolérance.
Interdictions tenant à la qualité de mineur de l'acheteur. Tout d'abord, les articles L. 3511-2-1 et L. 3342-1 du CSP interdisent respectivement la vente ou l'offre à titre gratuit de produits du tabac et de boissons alcoolisées à des mineurs.
Ensuite, l'art. L. 3342-3 du CSP interdit dans les débits de boisson l'entrée de mineurs de moins de seize ans s'ils ne sont pas accompagnés de leur père, mère, tuteur ou toute autre personne de plus de dix-huit ans en ayant la charge ou la surveillance. Naturellement et
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toutefois, les mineurs de plus de treize ans, même non accompagnés, peuvent entrer dans les débits de boissons ne vendant pas d'alcool (assortis de l'ex licence de première catégorie). On voit très bien ici que la protection des mineurs, sous couvert de protection de la santé, est motif d'interdiction absolue de commercialisation du tabac et des boissons alcoolisées.
Nous l'avons montré précédemment, la commercialisation du tabac est bien plus restreinte que celle des boissons alcoolisées. L'étude des règles encadrant la publicité desdits produits nous démontre encore une fois la véracité de cette affirmation. Nous passons ainsi d'un régime d'interdiction de principe de la publicité ou propagande en faveur du tabac (1), à un régime strictement encadré concernant la publicité de l'alcool, qui n'est autorisée que dans des situations limitativement énumérée par le législateur (2).
1 - L'interdiction de principe de la publicité ou propagande en faveur du tabac
Principe. L'art. L. 3511-3 du CSP pose le principe de l'interdiction de la propagande ou de la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et des produits du tabac. Il s'agit là d'un principe qui va limiter les activités économiques à la fois des publicitaires, des fabriquant et des commerçants de tabac.
A ce sujet, le Conseil constitutionnel a considéré que l'encadrement de la publicité du tabac, fondé sur des exigences de protection de la santé, « ne porte pas à la liberté d'entreprendre une atteinte qui serait contraire à la Constitution. »208 En l'espèce, les auteurs de la saisine avaient opposé à l'encadrement de la publicité la liberté d'entreprendre « au motif que son exercice implique le pouvoir de soumettre les produits du tabac aux lois du marché et de la concurrence » et « que cela suppose une information du consommateur et une possibilité de diffusion des produits. »
Par ailleurs, la Cour de cassation considère que la protection de la santé est un motif légitime de restriction de la publicité commerciale en tant que forme de liberté d'expression protégée par l'article 10§1, Conv. EDH.209 On notera complémentairement que dans un contexte économique, la publicité « commerciale » ne peut être analysée qu'en tant que forme de la liberté d'expression mais aussi en tant que mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre, car la
208 CC, 90-283 DC, 08 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme
209 Crim. 19 nov. 1997, D. 1998. JR 59
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publicité fait partie intégrante de la stratégie commerciale des acteurs économiques. Ainsi dans ce cas, la liberté d'expression protégée par la Conv. EDH peut constituer un moyen juridique de niveau européen de défense de la liberté d'entreprendre des acteurs économiques. Mais que recouvre la notion de publicité ou propagande ?
Définition. Premièrement, la jurisprudence définit la publicité ou propagande illicite en faveur du tabac comme « toute diffusion d'écrit, d'image ou de photographie participant à la promotion du tabac ou des produits du tabac pour inciter à l'achat » et quel qu'en soit l'auteur.210 La jurisprudence précisera par la suite qu' « il est indifférent que certaines des inscriptions figurent à l'intérieur des paquets, la publicité illicite ne visant pas seulement l'incitation au premier achat, mais aussi l'incitation à consommer toujours plus une fois le paquet acheté et ouvert. »211
Deuxièmement, selon l'article 3511-4 du CSP, la publicité ou propagande indirecte en faveur du tabac est celle qui d'une part est faite en faveur d'un organisme, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac et qui d'autre rappelle par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, le tabac ou un produit du tabac.
On a donc une définition très large de la publicité ou propagande en faveur du tabac, ce qui ouvre de larges possibilités d'interdictions. Toutefois, certaines exceptions permettent dans certains cas d'admettre ce type de publicité ou propagande.
Exceptions. L'article précité autorise ainsi la publicité ou propagande sur les enseignes des débits de tabac et les affichettes disposées à l'intérieur de ces établissements, non visibles de l'extérieur, à condition que ces enseignes ou ces affichettes soient conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel212. L'arrêté prévoit l'obligation d'inscrire sur les affichettes un message à caractère sanitaire (« Faites-vous aider pour arrêter de fumer, téléphonez au... »). De plus, il interdit sur les affichettes d'autres mentions que la dénomination du produit, sa composition, ses caractéristiques et conditions de vente (à l'exception du prix), le nom et l'adresse du fabricant (et, le cas échéant, du distributeur), ou d'autre représentation graphique ou photographique que celle du produit, de son emballage et
210 Crim. 21 févr. 1996, Bull. crim. no 86
211 Crim. 3 nov. 2010, pourvoi no 09-88.599
212 Arrêté du 31 décembre 1992 fixant les caractéristiques des affichettes relatives à la publicité en faveur du tabac dans les débits de tabac, version consolidée au 14 avril 2006
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de l'emblème de la marque. La restriction est très sévère malgré le fait que ces publicités ne soient autorisées que dans les débits de tabac, c'est à dire généralement qu'à la vue des fumeurs. Ainsi comme nous l'évoquions, la publicité illicite ne vise pas seulement l'incitation au premier achat.
De même, la publicité ou propagande est autorisée dans les publications et communications en ligne éditées par les organisations professionnelles de producteurs, fabricants et distributeurs des produits du tabac et à destination de leurs adhérents. C'est également le cas pour certaines publications professionnelles spécialisées (cf. art. précité)
Enfin, la publicité ou propagande à disposition du public est autorisée lorsqu'elle émane de personnes établies dans un pays n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen et à condition qu'elle soit en ligne et qu'elle ne soit pas principalement destinée au marché communautaire (cf. art. précité).
Ainsi, même dans les rares hypothèses d'autorisation de la publicité ou propagande, un strict contrôle sera opéré. Les restrictions sont a contrario moins lourdes concernant la publicité ou propagande en faveur des boissons alcoolisées.
2 - L'exhaustivité des situations autorisant la publicité ou propagande en faveur des boissons alcoolisées
Principe. Sans poser explicitement un principe d'interdiction de la propagande ou de la publicité directe ou indirecte en faveur des boissons alcooliques (dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites), l'art. L. 3323-2 du CSP énumère une liste exhaustive de huit situations dans lesquelles elle est autorisée. Au sein de ladite liste, nous évoquerons à titre d'illustration l'autorisation de la publicité dans la presse écrite (à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse) par voie de radiodiffusion sonore (pour les catégories de radios et dans les tranches horaires déterminées par décret en Conseil d'État), sous forme d'affiches et d'enseignes à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé et en faveur des musées, universités, confréries ou stages d'initiation oenologique à caractère traditionnel.
Au sujet de cette liste exhaustive, un arrêt récent du Conseil d'Etat a particulièrement attiré notre attention.213 Ainsi, les juges ont considéré qu'impliquerait une violation de l'art. L.
213 CE, 11 juill. 2012, SARL Media Place Partners: req. no 351253
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3323-2 du CSP, la diffusion d'un programme thématique intégralement consacré au vin et à la viticulture, visant à en présenter les mérites et les attraits, au motif que les services de télévision ne sont pas compris dans les autorisations prévues par l'article précité. A première vue, considérant les dispositions de l'article précité, cette décision nous semble logique juridiquement. En revanche, il est fort à parier qu'il s'agisse en l'espèce d'une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression protégée par la Conv. EDH. En effet et de plus, si la protection de la santé est un objectif d'une importance primordiale, il n'en demeure pas moins qu'il serait douteux de croire qu'une telle émission aurait un impact si négatif sur la santé des consommateurs qu'elle justifierait son interdiction ; a fortiori en France, où la culture du vin est importante et dont le prestige est reconnu dans le monde entier. Enfin, la mesure serait bien plus proportionnée au regard de l'objectif de protection de la santé publique, si elle se contentait d'imposer dans ce type de diffusion, l'inclusion de messages à caractère préventif. D'ailleurs, que recouvre la notion de publicité ou propagande ?
Définition. Premièrement, la jurisprudence a défini la publicité ou propagande illicite en faveur des boissons alcooliques comme « tout acte ayant pour effet, quelle qu'en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique sans satisfaire aux exigences de l'article L. 3323-4 du même code. »214 Il faudra alors s'interroger sur le contenu de cet article pour se rendre compte du degré de limitation contenu dans cette définition qui semble plus restrictive que celle donnée pour la publicité du tabac (promotion du tabac pour inciter à l'achat) dans la mesure où il suffit simplement que la publicité rappelle une boisson alcoolique.
Deuxièmement, selon l'art. L. 3323-3, la publicité ou propagande indirecte en faveur des boissons alcooliques est celle qui d'une part est en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique et qui, d'autre part, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique.
Ainsi, vu la liste exhaustive contenue dans le CSP, les situations dans lesquelles la publicité des boissons alcoolisées est autorisée sont plus nombreuses que celles autorisant la publicité du tabac. C'est semble-t-il pour cette raison que la définition de la publicité de l'alcool que nous venons d'évoquer est bien plus large que celle du tabac. En effet, face à un principe d'interdiction, ce qui est sensiblement le cas concernant la publicité des boissons alcoolisées,
214 Crim. 3 nov. 2004: Bull. crim. no 268
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plus la définition de la publicité est large, plus les contraintes qui y sont attachées sont élevées. En outre, que nous dit l'art. L. 3323-4 sur le contenu autorisé dans ces publicités ?
Contenu de la publicité. L'art. L. 3323-4 limite la publicité ou propagande en faveur des boissons alcooliques à l'indication du degré volumique d'alcool, l'origine, la dénomination, la composition du produit, le nom et l'adresse du fabricant, les agents et les dépositaires, ainsi que le mode d'élaboration, les modalités de vente et le mode de consommation du produit. De même, cette publicité doit être assortie d'un message à caractère sanitaire précisant que « l'abus d'alcool est dangereux pour la santé. » Cet article constitue une restriction sévère au contenu autorisé dans la publicité desdits produits et a fait l'objet d'une riche jurisprudence. Ainsi nous donnerons quelques illustrations relatives à la publicité du whisky. Tout d'abord, « une illustration publiée dans la presse écrite représentant le conditionnement d'une bouteille de whisky avec, à côté, deux livres aux reliures anciennes (sur lesquels est posée une paire de lunettes rondes cerclées d'une monture métallique, un ruban défait ainsi qu'une enveloppe ouverte), cet ensemble étant accompagné de la mention "le présent n'est rien sans l'héritage du passé", constitue une publicité illicite, dans la mesure où ces éléments ne se rapportent pas aux seules mentions autorisées par la loi. »215 De même, « constitue une publicité illicite une affiche publicitaire dont l'image et le slogan font expressément référence à la virilité de l'Écossais, en relation avec l'alcool, éléments qui ne se rattachent pas à l'une des informations limitativement énumérées par l'art. L. 3323-4 CSP. »216 Les marges de manoeuvre des publicitaires sont ainsi très limitées. Mais le degré de limitation atteint son paroxysme en matière de protection des mineurs.
Protection des mineurs. L'art. L. 3323-5 interdit de « remettre, distribuer ou envoyer à des mineurs des prospectus, buvards, protège-cahiers ou objets quelconques nommant une boisson alcoolique, ou en vantant les mérites ou portant la marque ou le nom du fabricant d'une telle boisson. » La jurisprudence précisera que « la seule remise à un mineur d'un objet quelconque nommant une boisson alcoolique caractérise le délit de l'art. L. 20 [CSP, art. L. 3323-5], sans qu'il soit nécessaire que ledit objet ait été, en outre, donné au mineur à titre définitif »217 Une
215 Civ. 2e, 28 juin 1995, D. 1995. IR 182
216 Crim. 29 nov. 2005, Bull. crim. no 312; AJ pénal 2006. 123, obs. Saas
217 Crim. 28 nov. 1973, D. 1974. 170
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fois de plus, la protection des mineurs constitue l'un des domaines contenant les plus hautes restrictions dans la politique de protection de la santé.
Ainsi, comme nous venons de le voir, la lutte contre les dépendances est source de multiples limites à la liberté d'entreprendre, qui peuvent atteindre des degrés de restriction très élevés. En outre, la lutte contre les dépendances ne concerne pas uniquement les produits du tabac et de l'alcool, qui en sont les figures emblématiques. Ainsi par exemple, la lutte contre les dépendances a pu justifier des limitations à la liberté d'entreprendre dans le secteur des jeux-vidéos, notamment pour prévenir les risques de crises épileptiques.
Plus généralement nous avons donc vu que la protection de la santé pouvait justifier des interdictions de commercialisation de biens ou des strictes conditions de commercialisation de ces derniers allant du monopole à un encadrement comportant des contraintes de divers degrés. Ces mesures constituent de nombreuses limitations à la liberté d'entreprendre mais sont toujours justifiées par la protection de la santé. Pour autant, les quatre catégories de biens que nous avons pris en exemple (choses dangereuses, éléments et produits du corps humain, tabac et alcool) n'avaient pas la même valeur économique marchande ou potentielle. Nous n'avons pas pu constater à ce titre de corrélation entre le degré d'interdiction de commercialisation de ces biens et leur valeur marchande hypothétique. C'est une bonne nouvelle car cela montre que la protection de la santé est dans sa globalité désintéressée de toute logique économique. On peut nuancer ce propos en rappelant que le coût de la sécurité sociale pèse considérablement dans les finances publiques et qu'ainsi par exemple, outre le principe budgétaire de non affectation des ressources publiques, les hautes taxations sur le tabac sont bienvenues concernant le coût engendré par la multiplication des maladies liées à la consommation du tabac.
Enfin, si les principales limites que nous avons analysées résultaient de mesures législatives, il ne faut pas pour autant oublier le pouvoir conféré aux autorités administratives de prendre des actes administratifs fondés sur la protection de l'ordre public. On peut d'ailleurs se référer à l'analyse de M. GUIBAL selon qui « les conditions de la légalité de ces décisions ne se jugent pas par rapport à la liberté qui est en cause ou bien par rapport à un but d'intérêt économique,
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mais par rapport aux justifications qui doivent fonder n'importe quelle mesure de police. »218 En effet, « elles ne sont pas prises par des autorités d'interventionnisme économique, mais par des autorités de police ». C'est ainsi qu'un maire a pu légalement prendre un arrêté temporaire de fermeture d'un commerce de boissons alcoolisées à certaines heures de la nuit pour des motifs de sécurité et de tranquillité publique.219 Une solution similaire, dans un contexte différent, pourrait être retenue pour des motifs de salubrité publique, qui sont liés à la protection de la santé.
Par ailleurs, l'étude, sous le prisme de la liberté d'entreprendre et de la protection de la santé, de la commercialisation des biens ne peut se faire que dans un contexte national. En effet, sous l'impulsion du droit de l'Union européenne, les biens sont amenés à circuler d'un Etat membre à l'autre, et si le principe est la libre circulation, il peut être nuancé pour des motifs de protection de la santé. De ce constat apparaitrons de nouvelles limitations à la liberté d'entreprendre.
218 GUIBAL M., op. cit., note 5
219 CE, 21 janv. 1994, Cne de Dannemarie-les-Lys, req. no 120.043, D. 1994, somm. 112, obs. D. Maillard Desgrées du Loû
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Le marché intérieur, mis en oeuvre par la libre circulation des marchandises, est, au même titre qu'un acquis social pour un salarié, un acquis économique pour une entreprise ou un professionnel. La libre circulation est devenue la référence, le principe fondamental en matière de commerce de biens au sein du marché intérieur. De ce constat, sans pour autant confondre liberté d'entreprendre et libre circulation des marchandises, toute atteinte à la libre circulation est susceptible de constituer une limite au libre exercice d'une activité économique, composante de la liberté d'entreprendre. Ainsi, lorsqu'un Etat prend une mesure protectrice de la santé ayant pour effet de restreindre la libre circulation des marchandises, il limite le champ spatial d'application de la liberté d'entreprendre des acteurs économiques.
Par ailleurs, si l'harmonisation communautaire de certains secteurs économiques impose entre autres des contraintes normatives aux entreprises dans l'exercice de leurs activités économiques, elle permet, in fine, de faciliter la libre circulation des marchandises. En effet, les normes contraignantes deviennent les mêmes d'un Etat membre à l'autre, et même si l'adaptation des entreprises à ces normes peut rendre plus difficile dans un premier temps l'exercice de leurs activités économiques, elles facilitent dans un second temps l'extension du champ spatial de leurs activités dans toute l'Union européenne. Ainsi, les entreprises n'auront plus à se soucier d'adapter leurs normes en fonction de l'Etat dans lequel elles exportent.
Nous verrons donc en premier lieu que la libre circulation des marchandises a pu être restreinte par des exigences de protection de la santé qui vont ainsi limiter la liberté d'entreprendre des acteurs économiques (section 1). En second lieu, nous verrons que les règlementations issues de procédés d'harmonisations communautaires encadrant le commerce de biens de santé destinés à l'homme imposent des contraintes aux acteurs économiques ayant pour effet de limiter leur liberté d'entreprendre (section 2).
Nota bene. Nous ne traiterons pas, avec regrets, des importations parallèles de médicaments et des règles spécifiques applicables aux autorisations de mise sur le marché de médicaments génériques, la démonstration en deviendrait trop longue.
Comme nous le disions précédemment, l'Union européenne interdit les mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation de marchandises.220 Cette notion de mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives a été définie par la jurisprudence de la Cour de Justice, il s'agit de « toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire. »221 La Cour précisera que cette entrave peut résulter d'une action ou d'une inaction d'un Etat.222
Cette règle a toutefois été assouplie par la jurisprudence Cassis de Dijon de la Cour de Justice223 ainsi que par l'article 36 TFUE et l'application du principe de précaution. Ainsi, les Etats membres, sous certaines conditions, ont la possibilité d'édicter des mesures dérogeant au principe de libre circulation des marchandises. De plus, ces mesures peuvent porter sur un objectif de protection de la santé. Nous verrons ainsi quels sont les fondements jurisprudentiels et textuels de ces dérogations (I) et nous en donnerons quelque illustrations en nous référant à la jurisprudence de la Cour de Justice (II).
D'une part, nous évoquerons les exigences impératives d'intérêt général (A) et d'autre part, nous évoquerons les dérogations issues de l'article 36 TFUE et le principe de précaution(B).
Dans sa jurisprudence Cassis de Dijon, la Cour de Justice énonce qu'en l'absence de réglementation commune sur la commercialisation et la production d'un bien, chaque Etat membre est compétent pour réglementer ces éléments sur son territoire. La Cour précise que le champ d'application d'une telle réglementation ne peut être étendu des produits nationaux
220 Cf. supra : Prolégomènes, section 1, IV, B.
221 CJCE, 11 juillet, 1974, Dassonville
222 CJCE, 9 décembre 1997, Commission c/ France [« Guerre des fraises »]
223 CJCE, 20 février 1979, Rewe c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein [Cassis de Dijon]
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aux produits importés d'autres Etats membres qu'en considération d'une exigence impérative d'intérêt général tenant notamment à l'efficacité des contrôles fiscaux, la protection de la santé publique, la loyauté des transactions commerciales et la défense des consommateurs. A défaut d'une exigence impérative, tout produit ou toute marchandise légalement produit et commercialisé dans un Etat membre doit pouvoir être introduit dans tout autre Etat membre ; c'est le principe de reconnaissance mutuelle. Derrière ce principe, l'idée sous-jacente est la confiance mutuelle entre Etats membres : à partir du moment où un produit est légalement commercialisé dans un Etat membre (il a donc passé les contrôles), il ne peut pas faire l'objet d'un autre contrôle dans un autre Etat membre. Avec ce principe, on présume que toutes les normes et contrôles ayant lieu dans l'Union européenne sont équivalents. C'est une révolution car il ne serait plus nécessaire d'établir de règlementations communes dans ce contexte.
Ainsi, au nom de la protection de la santé, les Etats membres peuvent individuellement restreindre la libre circulation des marchandises en imposant leurs règlementations nationales aux entreprises des Etats tiers, relativisant ainsi leur liberté d'entreprendre. A titre d'illustration, prenons comme exemple une entreprise qui commercialise des produits dans un Etat en respectant la réglementation nationale. Si cette entreprise, au nom de sa liberté d'entreprendre et de la libre circulation des marchandises, souhaite exporter ses produits vers un autre Etat membre mais que ce dernier pratique une réglementation plus contraignante, elle devra s'y soumettre. Le respect d'une réglementation différente de celle de son Etat d'origine peut avoir des conséquences économiques si lourdes pour l'entreprise qu'elle pourrait renoncer à exporter ses produits ; ce qui, dans le cadre du marché intérieur et donc de la libre circulation des marchandises, limite l'exercice de son activité économique. Il faut bien garder à l'esprit que dans le cadre du marché intérieur, la libre circulation est aujourd'hui le principe et l'invocation d`exigences impératives l'exception.
Quelles sont les conditions pour que les Etats puissent invoquer les exigences impératives ? Tout d'abord, l'Etat doit apporter la preuve que sa réglementation poursuit un objectif légitime (comme par exemple la protection de la santé) et qu'il y a un défaut d'harmonisation communautaire complète.
Ensuite, il faut que la mesure soit indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés (interdiction des discriminations).
Enfin, il faut que la mesure respecte le principe de proportionnalité, qui se caractérise par trois éléments. Premièrement, la nécessité : il faut qu'il y ait une relation étroite de cause à effet
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entre la réglementation protectrice et l'intérêt général que l'Etat veut protéger. Deuxièmement, la proportionnalité au sens strict : les atteintes à la libre circulation ne doivent pas être excessives. Troisièmement, la substitution ou entrave minimale : une mesure nationale doit toujours être la moins nocive possible pour atteindre la protection recherchée.
En complément des exigences impératives, le Traité apporte un deuxième fondement aux dérogations à l'interdiction des mesures d'effet équivalant.
Article 36 TFUE. Parmi les raisons invocables pour justifier des dérogations à la liberté de circulation, on trouve dans l'article 36 TFUE la « protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux ».
Ainsi, selon le même raisonnement que nous avons évoqué concernant les exigences impératives, l'article 36 permet de porter atteinte au libre exercice d'une activité économique.
Pour mettre en oeuvre ces dérogations, les Etats devront respecter les exigences posées par l'article 36 TFUE et la jurisprudence de la Cour.
Premièrement, l'article 36 TFUE impose que la mesure ne constitue pas une « discrimination arbitraire », c'est-à-dire qu'elle ne doit pas s'appliquer qu'aux produits importés ou exportés. De même, la mesure ne doit pas constituer une « restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres ». Par exemple, constitue une restriction déguisée le contrôle systématique qui avait été opéré par le Royaume-Unis sur les dindes de noël importées depuis la France alors que le but réel était de ralentir l'importation de ces dindes au moment des fêtes.224
Deuxièmement, la jurisprudence impose que la mesure intervienne en l'absence d'harmonisation communautaire complète et respecte le principe de proportionnalité.225
Ainsi, l'article 36 ouvre une voie complémentaire permettant la mise en place par les Etats de restriction à la libre circulation des marchandises fondées sur la protection de la santé. La
224 CJCE, 15 juillet 1982, Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Affaire 40/82
225 CJCE, 20 février 1979, Rewe c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein [Cassis de Dijon]
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jurisprudence de la Cour de Justice a de même accepté des dérogations à la libre circulation des marchandises en appliquant le principe de précaution à l'objectif de protection de la santé.
Principe de précaution. En 1998, la Cour de Justice a fait application pour la première fois du principe de précaution en matière de protection de la santé en affirmant « que lorsque des incertitudes scientifiques subsistent quant à l'existence d'un risque pour la santé humaine, les institutions communautaires peuvent prendre les mesures de protection nécessaires sans attendre que la réalité et la gravité de ces allégations soient pleinement démontrées »226 Par la suite, la Cour a reconnu aux Etats membres la faculté d'appliquer le principe de précaution en matière de protection de la santé.227
Ce principe va permettre aux institutions européennes et aux Etats membres de prendre des mesures restreignant les échanges en cas d'incertitude scientifique quant à l'existence d'un danger qu'il s'agit de prévenir, et pouvant entrainer des limites à la liberté d'entreprendre.
Ainsi par exemple, dans la jurisprudence précitée de 1998 dite « National Farmers' Union », la Cour de Justice a rendu un arrêt à propos de la décision d'embargo de la Commission sur les exportations de viande bovine en provenance du Royaume-Uni et en direction des autres Etats membres. La Commission avait légalement justifié sa décision par un motif de protection de la santé publique appuyé par l'application du principe de précaution.
Toutefois, le principe de précaution pourrait être invoqué de manière abusive par les Etats, ainsi « c'est au juge communautaire qu'il appartient de trouver un équilibre entre le respect des préoccupations légitimes des États membres en matière de santé publique et la sanction d'abus éventuels que l'évocation du principe de précaution pourrait engendrer. »228
Nous allons voir ici quelques illustrations de mise en oeuvre de ces dérogations dans la jurisprudence de la Cour. Donnons dès à présent des exemples de dérogations issues de la jurisprudence de la Cour.
226 CJCE, 5 mai 1998, Royaume Unis c/ Commission, aff. C-157/96, « National Farmers' Union »
227 CJCE, 8 janv. 2002, Van den Bor, aff. C-428/99, Rec. I. 127, point 40
228 DE GROVE-VALDEYRON N., « Santé publique », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, Août 2008 (MAJ janvier 2013)
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Rappelons-le, les Etats membres peuvent avoir recours à la protection de la santé lorsque leur législation est susceptible de constituer une mesure d'effet équivalent.
Cette raison est souvent invoquée dans le cas d'interdictions de mise sur le marché et d'utilisation de produits contenant certaines substances (comme des additifs) même si elles sont autorisées dans d'autres Etats membres. Par exemple, la Cour a admis que la législation néerlandaise qui interdisait un antibiotique dans la fabrication de certains fromages, alors même que ce traitement été autorisé dans d'autres Etats membres était justifiée par des motifs de protection de la santé conformément à l'article 36 du Traité.229
Par ailleurs, la Cour s'est prononcée sur une loi finlandaise qui exigeait une autorisation préalable pour pouvoir importer de l'esprit de vin (boisson avec un taux d'alcool supérieur à 80°). La question était de savoir si l'autorisation préalable était ou non conforme au Traité. Selon le gouvernement finlandais, cette loi répondait à des objectifs de santé et d'ordre public visés par l'article 36. Plus précisément, elle avait pour objectif d'orienter la consommation d'alcool de façon à éviter des effets préjudiciables à la santé des personnes et à la société. La cour décidera qu'il appartient à la juridiction nationale d'apprécier si l'obligation de cette autorisation préalable est bien de nature à combattre les abus liés à la consommation de ce produit ou si des mesures moins restrictives pourraient avoir un effet similaire. La mesure est-elle proportionnée à l'objectif poursuivi ?230 En somme la mesure entre dans le cadre des dérogations admises mais il faudra vérifier le critère de proportionnalité.
229 CJCE, 5 février 1981, Koninklijle Kassfabriek Eyssen, 53/80, Rec. 1981, p. 409 : « Pour ces raisons , il y a lieu de répondre à la question posée que les dispositions du Traité CEE relatives à la libre circulation des marchandises ne font pas obstacle , au stade actuel de la réglementation communautaire concernant les agents conservateurs dans les denrées destinées à l ' alimentation humaine , a des mesures nationales d 'un Etat membre qui , pour des raisons de protection de la sante , conformément à l'article 36 du Traite, interdisent l'addition de Nisine au fromage fondu produit ou importé, même si elles limitent une telle interdiction aux seuls produits destinés à être vendus sur le marché intérieur dudit Etat. »
230 CJCE, 28 septembre 2006, Procédure pénale contre Jan-Erik Anders Ahokainen et Mati Leppik, (question préjudicielle), Affaire C-434/04 : « Les articles 28 CE et 30 CE ne s'opposent pas à un régime, tel que celui prévu par la loi n° 1143/1994 sur l'alcool [alkoholilaki (1143/1994)], subordonnant l'importation d'alcool éthylique non dénaturé ayant un degré alcoolique supérieur à 80 degrés à une autorisation préalable, sauf s'il apparaît que, dans les circonstances de droit et de fait qui caractérisent la situation dans l'État membre concerné,
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Plus généralement, M. SIMON nous donne d'autres exemples de limitations, ainsi « la Cour de justice a admis par exemple que les exigences de protection de la santé publique étaient de nature à justifier l'interdiction de certains produits (...), des restrictions dans la mise sur le marché et la distribution des médicaments ou concernant la publicité pour les produits pharmaceutiques (...), des réglementations relatives à la fabrication et à la conservation des produits laitiers (...), ou encore des restrictions à l'importation de volailles en cas d'épizooties (...). »231
Finalement, en résumé, les Etats membres peuvent déroger à l'interdiction des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives (en se fondant sur la jurisprudence Cassis de Dijon, l'article 36 TFUE et le principe de précaution) qu'en l'absence d'harmonisation complète. En cas d'harmonisation, les mesures nationales doivent être analysées au regard des dispositions de cette mesure d'harmonisation.232 Mais, « les États se voient cependant reconnaître la possibilité d'adopter ou de maintenir des mesures plus strictes que celles adoptées au niveau communautaire. (...) Il appartient aux autorités nationales de démontrer le risque sanitaire et d'établir que les dispositions nationales assurent un niveau de protection de la santé publique plus élevé que la mesure d'harmonisation et qu'elles ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (C. NOIVILLE et N. DE SADELEER, La gestion des risques économiques et sanitaires à l'épreuve des chiffres. Le droit entre enjeux scientifiques et politiques, RD Union européenne 2001/2, p. 389 à 450). »233
Au-delà de cette possibilité offerte aux Etats membres, nous allons dès à présent évoquer deux exemples significatifs d'harmonisations communautaires.
la protection de la santé et de l'ordre publics contre les méfaits de l'alcool peut être assurée par des mesures affectant de manière moindre le commerce intracommunautaire. »
231 SIMON D., « Restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, août 2004 (mise à jour : janvier 2013)
232 CJCE, 13 déc. 2001, DaimlerChrysler, aff. C-324/99, Rec. I. 9897, point 32 ; CJCE, 12 nov. 1998, Commission c/ Allemagne, aff. C-102/96, Rec. I. 6871, point 21
233 DE GROVE-VALDEYRON N., op. cit. note 15
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Deux grands domaines ont été harmonisés, nous avons fait le choix de traiter ici des médicaments à usage humain (I) et des cosmétiques (II) du fait de leur nature qui peut être dangereuse et de leur destination à l'homme et à sa santé.
Construit à partir de la directive 65/65 du Conseil du 26 janvier 1965 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, le marché européen des médicaments fait aujourd'hui principalement l'objet d'un Code communautaire234 relatif aux médicaments à usage humain. Compte tenu de l'importance des questions santé publique et notamment de sécurité sanitaire attachées aux médicaments, le droit de l'UE a cherché à harmoniser ce secteur en trouvant un compromis entre libre circulation des marchandises et protection de la santé.
Définition du médicament à usage humain en droit de l'UE. Cette définition est importante car elle conditionne l'application des procédures d'autorisation de mise sur le marché. En effet, le régime des médicaments étant plus protecteur que celui des « produits frontières »235, la qualification de « médicament » par un Etat peut être considérée comme disproportionnée et constituer une mesure d'effet équivalent « alors que les produits litigieux sont librement fabriqués et commercialisés dans d'autres États. »236
L'article premier de la directive 2001/83/CE donne une définition alternative du médicament. Premièrement, est un médicament « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines. » On parlera ici de « médicament par présentation ». Par ailleurs, « La qualification de médicament doit résulter d'un faisceau d'indices concordants précisés par la jurisprudence postérieure (...) tels la forme pharmaceutique, le conditionnement, la réalisation de recherches scientifiques, l'utilisation de témoignages de médecins... ».237
234 Ce code est institué par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 elle-même complété ou modifiée par des directives et règlements ultérieurs.
235 Ces produits « présentent la particularité d'être à la limite entre les médicaments et d'autres secteurs », DE GROVE-VALDEYRON, « Médicament », Répertoire de droit communautaire, Dalloz 2007 (MAJ janvier 2013)
236 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22
237 Ibidem.
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Deuxièmement, est un médicament « toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques chez l'homme est également considérée comme médicament. »238 On parlera de « médicament par fonction ». Ici, la qualification relève « du juge national, qui doit statuer au cas par cas en fonction de l'ensemble des caractéristiques du produit ». Concernant le médicament, on trouve « sa composition, ses propriétés pharmacologiques, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation »239.
La mise sur le marché d`un médicament n'est pas libre car elle nécessite une autorisation préalable et la mise en place de processus de pharmacovigilance (A) après quoi l'exploitation du médicament sera possible mais dans le respect de contraintes légales (B).
L'autorisation de mise sur marché, ci-après AMM, est un contrôle a priori (1) qui sera renforcé a postériori par des mesures de surveillance et pharmacovigilance (2).
1 - L'autorisation de mise sur le marché : une contrainte ante-commercialisation
La question des AMM étant complexe, nous ferons donc le choix, par soucis de clarté, de présenter ces questions, en partie, sous forme schématique.
On distingue trois grandes phases de développement et commercialisation d'un médicament :
V' Le développement préclinique : expérimentations essentiellement menées sur l'animal permettant d'acquérir les premières connaissances sur les effets d'un médicament. Ce stade est indispensable avant tout essai sur l'homme.
V' Les essais cliniques : essais d'un médicament sur des patients.
V' L'Autorisation de mise sur le marché (AMM) : nationale ou communautaire. Elle comporte
trois critères d'octroi fondés sur la balance bénéfice/risque :
> Qualité du médicament : procédé de fabrication, nature des matières premières, etc.
> Efficacité du médicament : fondée sur les résultats des essais cliniques.
> Sécurité du médicament : fondée sur les deux premières étapes (effets indésirables, etc.)
238 Ibid.
239 CJCE, 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, aff. C-211/03, Rec. I. 5141
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Sauf exceptions (par exemple : médicaments préparés en officine ou utilisés à des fins compassionnelles ou en cours d'essais cliniques), la mise sur le marché d'un médicament dans un État membre est toujours soumise à la délivrance d'une AMM.
On distingue quatre procédures d'AMM délivrant deux types d'autorisations :
V' La procédure centralisée ou communautaire : elle délivre une AMM communautaire valable dans tous les États membres et délivrée par l'Agence européenne des médicaments.
V' La procédure de reconnaissance mutuelle : elle étend le champ d'application d'une AMM nationale déjà obtenue à tous les États membres de l'UE.
V' La procédure décentralisée : elle délivre une AMM valable dans tous les États membres.
V' La procédure nationale : elle ne s'applique qu'aux demandes de mise sur le marché limitées au territoire d'un État. L'AMM est délivré par l'Agence nationale de sécurité du médicament.
Afin d'aller à l'essentiel, nous ne traiterons pas de tous les détails de ces procédures (ça serait un sujet en soi) mais nous en ferons une présentation générale.
Procédure communautaire. Quel est le champ d'application prévu par le texte240 ?
V' La procédure est obligatoire pour :
> Les médicaments issus de certains procédés biotechnologiques
> Les médicaments désignés comme « orphelins »
> Certains médicaments à usage vétérinaire
> Les médicaments à usage humain contenant une nouvelle substance active dans les
domaines du cancer, du SIDA, du diabète ou des maladies neurodégénératives, virales ou
auto-immunes et autres dysfonctionnements immunitaires.
V' La procédure est facultative pour :
> Les médicaments contenant une nouvelle substance active241
> Les médicaments représentant une avancée thérapeutique, scientifique ou technique
majeure ou bien un intérêt communautaire pour les patients
> Les médicaments génériques242 d'un médicament de référence autorisé par l'UE
240 Annexe du Règlement 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, 31 mars 2004, JOUE, no L 136, 30 avr.
241 Mais ne figurant pas à l'annexe du règlement 726/2004 précité.
242 Art. 10-2, b de la directive 2004/27 : un médicament générique est « un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique que le
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La durée de la procédure ne peut dépasser deux cent dix jours à compter de la réception de la demande. L'AMM est valable cinq ans renouvelables. Une fois renouvelée, elle devient valable pour une durée illimitée, ce qui n'exclue pas de contrôles a posteriori.
L'AMM sera refusée lorsqu'il apparaît que le rapport bénéfice/risque n'est pas favorable (critère de sécurité), que l'effet thérapeutique du médicament est insuffisamment démontré, qu'il n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée (critère de qualité), ou que les renseignements et documents accompagnant la demande ne sont pas conformes aux dispositions de la présente directive.
Procédure de reconnaissance mutuelle et procédure décentralisée. Elles s'appliquent lorsque pour un même médicament, une demande d'AMM est déposée dans plusieurs États membres. La procédure de reconnaissance mutuelle s'appliquera si au moment de la demande, le médicament a déjà reçu une AMM dans un État membre. Dans le cas contraire, à savoir que le demandeur ne dispose pas encore d'AMM, la procédure décentralisée s'appliquera.
Procédure nationale. Comme le précise Mme DE GROVE-VALDEYRON, « Les conditions d'octroi, de refus, de modification, de suspension et de retrait ainsi que les conditions de durée et de renouvellement sont globalement identiques qu'il s'agisse d'AMM nationales ou communautaires »243. Nous ne traiterons donc pas de la procédure nationale.
En conclusion, si l'obligation d'obtenir une AMM constitue une limite à la liberté d'entreprendre en ce qu'elle soumet leurs demandeurs à des normes contraignantes, il n'en demeure pas moins qu'elle facilite au final la libre circulation des médicaments. En effet, les procédures que nous avons évoquées (en dehors de la procédure nationale) permettent l'obtention d'AMM qui s'étendent à l'ensemble de l'Union européenne, ce qui évite aux demandeurs d'utiliser chacune des procédures nationales.
Toutefois, même après la délivrance de l'AMM, la liberté d'entreprendre n'est pas totale.
médicament de référence et dont la bioéquivalence avec le médicament de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité »
243 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22
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2 - La surveillance et la pharmacovigilance : des contraintes durant la commercialisation
L'objectif ici est de détecter les effets indésirables du médicament après son AMM. L'intérêt de ces mesures réside dans le fait que « le profil de sécurité des médicaments ne peut être connu dans son intégralité qu'après la commercialisation des produits »244. Le règlement 726/2004 précité distingue la surveillance et la pharmacologie bien qu'en réalité, « les dispositions sont assez proches, à quelques nuances près, selon qu'il s'agit de la procédure décentralisée ou communautaire. »245 Les règles applicables en matière de surveillance et de pharmacovigilance que nous allons aborder sont contenues dans le règlement précité246 et contiennent des obligations à la charge des États membres, de leurs autorités compétentes et des titulaires des AMM, limitant ainsi la liberté d'entreprendre de ces derniers.
Autorités chargées de la surveillance. Si le médicament est fabriqué dans l'UE, il s'agira des autorités compétentes des États membres qui ont délivré l'autorisation ; s'il est importé d'un État tiers, il s'agira des autorités qui ont délivré l'autorisation d'importation. Elles sont chargées d'informer le comité des médicaments247 et la Commission de tous cas où le fabricant ou l'importateur ne remplit pas les obligations qui lui incombent. L'autorité compétente pourra dans le cadre de sa mission effectuer des inspections pour s'assurer que le titulaire de l'AMM satisfait ou non aux exigences de sécurité imposées par les textes.
Obligations du titulaire de l'AMM dans le cadre de la surveillance. Premièrement, il est tenu d'introduire toutes les modifications nécessaires pour que le médicament soit fabriqué et contrôlé selon des méthodes scientifiques généralement acceptées en tenant compte des méthodes de fabrication et des progrès techniques et scientifiques.
Deuxièmement, il a l'obligation de fournir à l'Agence, à la Commission et aux États membres toute nouvelle information susceptible d'entraîner une modification des renseignements et des documents fournis. De même, il est tenu d'informer ces derniers de toute interdiction ou restriction imposée dans les pays où le médicament est mis sur le marché ainsi que toute autre information qui pourrait influencer l'évaluation bénéfice/risque du médicament.
244 Considérant n°2, Directive 2010/84/UE du Parlement Européen et du Conseil du 15 décembre 2010
245 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22
246 Chapitre 2, articles 16 et s. et Chapitre 3, articles 21 et s., Règlement CE 726/2004
247 Article 5, Règlement 726/2004 : Le comité des médicaments à usage humain relève de l'Agence européenne des médicaments. Il est chargé de préparer les avis de celle-ci sur toute question relative à l'évaluation des médicaments à usage humain.
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Pharmacovigilance. Les obligations de pharmacovigilance sont imposées, sous peine de sanction en cas d'irrespect, aux États membres et aux titulaires des AMM.
En premier lieu, les États membres mènent des politiques incitatives vis-à-vis des patients, médecins et autres professionnels de santé afin de les encourager à notifier tout effet indésirable d'un médicament mis sur le marché. Aussi, ils mettent en place un système de pharmacovigilance dont l'objet est de recueillir et d'évaluer toute information relatives à la surveillance des médicaments et notamment concernant leurs effets indésirables. Ces informations seront transmises aux autres États membres et à l'Agence européenne.
En second lieu, l'article 23 du règlement précité impose, de façon permanente et continue, au titulaire de l'AMM d'avoir à sa disposition une personne possédant les qualifications appropriées responsable en matière de pharmacovigilance. Il s'agit là d'une injonction limitant la liberté d'organisation des entreprises titulaires de l'AMM. Cette personne devra fournir des rapports aux autorités compétentes des États membres et à l'Agence européenne et devra répondre à leurs demandes d'information concernant l'évaluation du rapport bénéfice/risque du médicament. Aussi, cette personne devra établir et gérer un système garantissant que les informations sur tous les effets indésirables présumés signalés au personnel de l'entreprise et aux représentants médicaux sont rassemblées, évaluées et traitées de façon à être accessibles en un endroit unique dans la Communauté.
Retrait, suspension, modification de l'AMM. Comme le résume Mme DE GROVE-VALDEYRON, « Si un État estime, à la suite de l'évaluation des données de pharmacovigilance, qu'il faut suspendre, retirer ou modifier l'AMM, il en informe immédiatement l'Agence, les autres États et le titulaire de l'autorisation. »248
Suspension en cas d'urgence. L'article 20, al. 4 du règlement précité précise que lorsqu'une action d'urgence est indispensable pour protéger la santé humaine ou l'environnement, un État membre peut, de sa propre initiative ou à la demande de la Commission, suspendre l'utilisation sur son territoire d'un médicament autorisé. S'il agit de sa propre initiative, l'État devra informer la Commission et l'Agence des raisons de son action, au plus tard le jour ouvrable qui suit la suspension.
Outre ces dispositifs de surveillance, l'exploitation du médicament est strictement encadrée.
248 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22
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Classiquement, le schéma de commercialisation d`un médicament est le suivant : le fabricant vend son produit à un grossiste répartiteur qui approvisionne les pharmacies d'officine. Les pharmacies à usage intérieur (hôpitaux, cliniques, maisons de santé, etc.) sont quant à elles directement approvisionnées par les laboratoires pharmaceutiques.249
Tout d'abord, nous verrons comment, au nom de la protection de la santé, les conditions de commercialisation des médicaments sont encadrées (1). Ensuite, nous verrons que les brevets conférant un monopole d'exploitation du médicament peuvent, dans certains cas, être remis en cause au nom de la protection de la santé (2).
1 - Les conditions de commercialisation des médicaments à usage humain
Autorisation de fabrication et d'importation. Les articles 40 et s. contenus dans le Titre IV de la Directive 2001/83/CE prévoient que la fabrication d'un médicament soit soumise à la délivrance par les États membres d'une autorisation préalable, même s'il est fabriqué en vue d'une exportation. Cette autorisation est également requise pour les importations de médicaments en provenance de pays tiers dans un État membre.
Etiquetage et notice. Les articles 54 et s. contenus dans le Titre V de la Directive 2001/83 précitée imposent la mention de spécifications précises sur l'emballage extérieur du médicament ou, à défaut, sur son conditionnement primaire. On trouve par exemple la composition qualitative et quantitative en substances actives, le mode d'administration, la date de péremption, les précautions particulières de conservation, d'élimination des médicaments non utilisés et des déchets. Concernant la notice, elle doit comporter un certain nombre d'informations comme les indications thérapeutiques, les instructions habituelles et nécessaires pour une bonne utilisation, une description des effets indésirables observés lors de l'utilisation normale du médicament ou encore les informations nécessaires avant la prise du médicament.
Ces contraintes, de bon sens, obligent les acteurs économiques à se conformer à des normes restreignant leur liberté de définir les modalités de vente des biens qu'ils commercialisent.
249 « Comment s'organise la distribution des médicaments ? », www.leem.org
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Classification des médicaments. Les articles 70 et s. contenus dans le Titre VI de la directive précitée imposent aux autorités compétentes des Etats membres, lorsqu'elles délivrent une AMM, de préciser si le médicament est soumis ou non à une prescription médicale. De même, la directive prévoit les cas où un médicament doit être soumis à prescription médicale. C'est le cas par exemple lorsqu'ils sont susceptibles de présenter un danger s'ils sont utilisés sans surveillance médicale.
On voit bien que ces obligations limitent la commercialisation de certains médicaments à la délivrance d'une prescription médicale. Aussi, on peut noter que ces mesures remettent en cause l'autonomie du patient qui, pour sa sécurité, ne peut se procurer librement tous les médicaments qu'il souhaite. On peut aussi analyser ces contraintes sous l'angle de la lutte contre les dépendances qui peuvent résulter de la prise de certains médicaments comme par exemple le Lexomil fabriqué par le Laboratoire Roche250.
Distribution en gros. Les articles 76 et s. contenus dans le Titre VII de la directive précitée imposent aux Etats membres de soumettre la distribution en gros des médicaments à la possession d'une autorisation d'exercer l'activité de grossiste de médicaments, sauf dans les cas où le producteur possède déjà une autorisation de fabrication pour les médicaments concernés. En revanche, la possession d'une autorisation d'exercer l'activité de grossiste de médicaments ne dispense pas de l'obligation de posséder une autorisation de fabrication. La directive prévoit des exigences que doit satisfaire le titulaire de l'autorisation de distribution en gros. Il s'agira notamment de rendre les locaux accessibles aux agents chargés de leur inspection, de vérifier que les médicaments reçus n'ont pas été falsifiés ou encore de posséder un plan d'urgence qui permet le retrait d'un médicament.
Publicité. Les articles 86 et s. contenus dans le Titre VIII du règlement précité encadrent les règles de publicité des médicaments. La publicité est définie par le règlement comme « toute forme de démarchage d'information, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments; ». A titre d'exemple de limite à la liberté d'entreprendre, le règlement impose aux Etats membres d'interdire la publicité auprès du public à l'égard des médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur
250 Notice Lexomil Roche Comprimé-baguette, Mises en garde spéciales : « Risque de DEPENDANCE: ce traitement peut entraîner, surtout en cas d'utilisation prolongée, un état de dépendance physique et psychique. », http://www.roche.fr/content/dam/corporate/roche fr/doc/Lexomil10138443MAJ24-04-12.pdf
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prescription médicale, ou qui contiennent des psychotropes ou des stupéfiants. De même, il est interdit d'inclure dans la publicité auprès du public des éléments qui utilisent de manière abusive, effrayante ou trompeuse des représentations visuelles des altérations du corps humain dues à des maladies ou à l'action d'un médicament dans le corps humain ou encore d'éléments qui s'adressent principalement ou exclusivement aux enfants.
Voyons dès à présent, des situations dans lesquelles un monopole d'exploitation conféré par un brevet peut être remis en cause au nom de la protection de la santé.
2 - Les limitations du monopole d'exploitation d'un médicament conféré par un brevet
L'obtention d'un brevet confère à son titulaire un monopole d'exploitation économique d'un médicament opposable aux tiers. Le Code de la propriété intellectuelle (CPI), au nom de la protection de la santé vient apporter quelques tempéraments à ce monopole. Nous allons dans ce développement évoquer certains de ces tempéraments, qui portent indéniablement atteinte à la liberté d'entreprendre dont le brevet constitue une de ses nombreuses mises en oeuvre.
Limites du champ d'application des droits conférés par le brevet. L'article L. 613-5 du CPI dispose que les droits conférés par le brevet ne s'étendent pas, notamment, à la préparation de médicaments faite extemporanément251 et par unité dans les officines de pharmacie, sur ordonnance médicale, ainsi qu'aux actes concernant les médicaments ainsi préparés. Il est vrai que si le brevet confère à son titulaire un monopole d'exploitation, l'atteinte à sa liberté d'exploitation est ici infime. Mais il faut reconnaitre, qu'aussi infime soit-elle, elle n'est ici rendue possible que par l'objectif de protection de la santé.
Régime de la licence d'office. Non définie par le CPI, on peut trouver une définition intéressante de la licence d'office dans quelques projets de loi252 : « Les licences d'office sont des actes de la puissance publique : elles permettent de mettre sous licence accordée par l'Etat l'exploitation de brevets lorsque l'intérêt de la défense nationale, l'intérêt de l'économie
251 Extemporané : « Se dit d'un médicament qui doit être préparé juste avant son emploi, ou d'une biopsie faite et examinée histologiquement pendant le déroulement d'une intervention chirurgicale. », Larousse.fr
252 Voir en ce sens le Projet de loi relatif à la protection des inventions biotechnologiques, présenté au Sénat en session ordinaire de 2001-2002 en annexe du procès-verbal de la séance du 6 novembre 2001, http://www.senat.fr/leg/pjl01-055.html
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nationale ou l'intérêt de la santé publique le justifient. ». Mme SCHMIDT-SZALEWSK nous décrira cette démarche : « En un premier temps, l'autorité publique constate que les conditions légales sont réunies pour soustraire au breveté la faculté exclusive d'accorder une licence d'exploitation de son titre. En un second temps, elle examine les demandes particulières qui lui sont présentées par les candidats à la licence autoritaire. »253
L'article L. 613-16 du CPI dispose que « Si l'intérêt de la santé publique l'exige et à défaut d'accord amiable avec le titulaire du brevet, le ministre chargé de la propriété industrielle peut, sur la demande du ministre chargé de la santé publique, soumettre par arrêté au régime de la licence d'office, dans les conditions prévues à l'article L. 613-17, tout brevet délivré pour (...) un médicament, un dispositif médical, un dispositif médical de diagnostic in vitro, un produit thérapeutique annexe; (...). »
L'article précisera ensuite que les brevets de ces médicaments ne peuvent être soumis au régime de la licence d'office dans l'intérêt de la santé publique que lorsque ces médicaments « sont mis à la disposition du public en quantité ou qualité insuffisantes ou à des prix anormalement élevés, ou lorsque le brevet est exploité dans des conditions contraires à l'intérêt de la santé publique ou constitutives de pratiques déclarées anticoncurrentielles à la suite d'une décision administrative ou juridictionnelle devenue définitive. Lorsque la licence a pour but de remédier à une pratique déclarée anticoncurrentielle ou en cas d'urgence, le ministre chargé de la propriété industrielle n'est pas tenu de rechercher un accord amiable. »
Si ces dispositions portent une atteinte considérable au monopole d'exploitation conféré par un brevet et à la liberté d'entreprendre, « Le recours à ces dispositions, et plus encore son succès, est extrêmement rare. Il s'agit de dispositions «couperet» qui ont une vocation essentiellement dissuasive. »254
Après ce paysage général des atteintes à la liberté d'entreprendre contenues dans les règles encadrant la commercialisation des médicaments à usage humain, nous allons dès à présent évoquer le cas des produits cosmétiques.
253 SCHMIDT-SZALEWSK J., « Brevet d'invention », Répertoire de droit commercial, Dalloz, avril 2003 (MAJ janvier 2013).
254 Code de la propriété intellectuelle commenté, commentaire des articles L. 613-16 à L. 613-19-1, Dalloz.fr
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Il s'agira ici de concilier les impératifs de libre circulation des produits avec les impératifs de sécurité. Ainsi, lorsque des impératifs de sécurité fondés sur la protection de la santé et des consommateurs font obstacle à la libre circulation des cosmétiques, la liberté d'entreprendre est susceptible d'être limitée. En outre le contrôle de ces biens est allégé comparativement aux médicaments à usage humain car ces premiers sont moins dangereux et ne sont pas destinés aux soins stricto sensu. Leur utilisation n'étant pas justifiée par l'urgence thérapeutique, les consommateurs font dans ce cas un choix totalement libre.
Notion de sécurité. Selon les spécialistes du droit de la consommation, la notion de sécurité recouvre deux aspects255. D'une part, la sécurité se retrouve dans la conformité à un référentiel, à des normes préétablies. Ainsi, un produit cosmétique qui serait conforme aux normes de sécurité imposées par le droit de l'UE ou le droit national serait présumé remplir l'impératif de sécurité. D'autre part, la sécurité se retrouve dans l'absence de risque. On est ici dans une approche bien plus large que celle de la conformité et fondée sur le principe de précaution, comme le relève M. BLANC, qui précisera que « ce principe de précaution dans sa mise en oeuvre entre constamment en conflit avec la dynamique industrielle et au-delà avec la liberté d'entreprendre et de commercer. Le secteur des produits cosmétiques illustre de manière caractérisée ce conflit. »256
En droit interne, la sécurité des produits et services fait l'objet du titre II du Code de la consommation qui s'applique aux produits et services n'ayant pas fait l'objet de « dispositions législatives particulières ou à des règlements communautaires ayant pour objet la protection de la santé ou de la sécurité des consommateurs, sauf, en cas d'urgence, celles prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6.»257. En principe, il faudra ainsi, en matière de produits cosmétiques, se référer au Code de la santé publique258 et aux règlements communautaires259.
255 « G. Iacono, Contribution à une réflexion sur le thème de l'harmonisation ou/et de l'unification des concepts de sécurité et de qualité des produits dans l'Union européenne, in Vers un Code européen de la consommation, sous la dir. de F. Osman, colloque Lyon, 12-13 déc. 1997, p. 218. » Cité par BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques et sécurité des produits », Recueil Dalloz 2006 p. 1917
256 BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques et sécurité des produits », Recueil Dalloz 2006 p. 1917
257 Article L221-8 Code de la consommation
258 Article L5131-4 Code de la santé publique : « Les produits cosmétiques mis sur le marché ne doivent pas nuire à la santé humaine lorsqu'ils sont appliqués dans les conditions normales ou raisonnablement prévisibles
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Afin d'aller à l'essentiel, nous nous en remettrons principalement aux textes spécifiques du droit de l'UE en matière de fabrication et de commercialisation de produits cosmétiques, le Code de la santé publique reprenant en droit interne l'essentiel de ces dispositions.
La directive 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques260 est le texte fondateur en la matière. Cette directive s'inscrit dans démarche d'harmonisation totale des législations des États membres. Le règlement 1223/2009 précité261 « procède à une refonte de la directive 76/768/CEE en raison des nombreuses modifications qui lui ont été apportées et des modifications nouvelles qui s'imposaient. »262 Il vient ainsi poser un cadre juridique global à la fabrication et la commercialisation des produits cosmétiques.
Définition des produits cosmétiques. Le règlement 1223/2009 définit dans son article 2 les produits cosmétiques comme « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles; ». Il entend dans le même article la notion de substance comme « un élément chimique et ses composés à l'état naturel ou obtenus par un processus de fabrication, y compris tout additif nécessaire pour en préserver la stabilité et toute impureté résultant du processus mis en oeuvre, mais à l'exclusion de tout solvant qui peut être séparé sans affecter la stabilité de la substance ou modifier sa composition; ».
Les notions de sécurité et de cosmétique étant définies, il est temps d'étudier l'encadrement de l'exploitation des cosmétiques issu du règlement 1223/2009 (A), qui peut être soumise en droit interne à une déclaration préalable et à des processus de cosmétovigilance (B).
d'utilisation compte tenu, notamment, de la présentation du produit, des mentions portées sur l'étiquetage ainsi que de toutes autres informations destinées aux consommateurs. »
259 Règlement 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009
260 Modifiée, notamment, par les directives 79/661/CEE, 82/368/CEE, 83/574/CEE, 88/667/CEE, 89/679/CEE, 93/35/CEE et 2003/15/CE.
261 Applicable dès le 11 juillet 2013, sauf concernant certaines dispositions relatives aux substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction qui sont applicables depuis le 1er décembre 2010.
262 Union européenne. Le site web officiel de l'Union européenne. http://www.europa.eu/ (page consultée le 13 avril 2013)
163
L'article L5131-2 du CSP impose aux fabricants (et personnes assimilées) de produit cosmétiques d'effectuer une déclaration préalable auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. La contrainte est faible, comme l'atteinte à la liberté d'entreprendre, et nous sommes loin des procédures d'AMM pour les médicaments.
L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est l'autorité nationale avec laquelle les professionnels de santé communiqueront dans la mise en oeuvre du système de cosmétovigilance. Ainsi par exemple, « tout professionnel de santé ayant constaté un effet indésirable grave susceptible d'être dû à un produit cosmétique mentionné à l'article L. 5131-1 doit en faire la déclaration sans délai au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. ». La notion d'effet indésirable est définie par l'article L5131-9 CSP comme « une réaction nocive et non recherchée, se produisant dans les conditions normales d'emploi d'un produit cosmétique chez l'homme ou résultant d'un mésusage qui, soit justifierait une hospitalisation, soit entraînerait une incapacité fonctionnelle permanente ou temporaire, une invalidité, une mise en jeu du pronostic vital immédiat, un décès ou une anomalie ou une malformation congénitale. » Par la suite, des contraintes plus importantes seront imposées aux acteurs économiques par le droit de l'UE.
Les limitations posées ici à la liberté d'entreprendre des fabricants et distributeurs de produits cosmétiques ne remettent pas nécessaire en cause la libre circulation de ces derniers. En effet, comme le dit M. BLANC, « La directive [76/768] tente d'établir une sorte de compromis entre la nécessaire sauvegarde de la santé publique et les nécessités économiques. Mais on pourrait tout aussi bien souligner que, en imposant des conditions de sécurité dans leur composition et leur fabrication, la directive facilite la libre circulation des produits cosmétiques. »263
Ingrédients et compositions. Le règlement dresse une liste de substances interdites dans la composition des produits cosmétiques264 ou faisant l'objet de restrictions ou de conditions spécifiques d'utilisation265. Sont ainsi interdits, certains colorants, agents conservateurs ou
263 BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques et sécurité des produits », Recueil Dalloz 2006 p. 1917
264 Annexe II du règlement (CE) n° 1223/2009
265 Annexe III du règlement (CE) n° 1223/2009
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encore les substances reconnues comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. Cette liste constitue ainsi une limitation à la liberté d'entreprendre dans l'exercice de l'activité économique de fabrication et de distribution de produits cosmétiques.
Condition de commercialisation - étiquetage. En imposant des mentions obligatoires dans l'étiquetage des produits cosmétiques dans un objectif de protection des consommateurs et de leur santé, le règlement vient imposer des normes aux entreprises entachant ainsi l'exercice de leurs activités de commercialisation des produits cosmétiques. Ainsi doivent figurer par exemple les précautions d'emploi, y compris pour les cosmétiques à usage professionnel.
Surveillance du marché. Le règlement impose dans son article 4, pour chaque produit mis en circulation sur le marché, la désignation (selon des modalités prévues par le règlement) d'une « personne responsable » établie dans la Communauté. Cette dernière est garante de la conformité des produits. En cas de non-conformité d'un produit, elle pourra prendre des mesures de mise en conformité du produit, le retirer du marché ou le rappeler dans l'entreprise de fabrication dans tous les États membres où le produit est disponible. A défaut, les autorités nationales compétentes peuvent prendre les mesures correctrices nécessaires.
Par ailleurs, selon l'article 27 du règlement, les principes de précaution et de prévention sont applicables à la commercialisation des produits cosmétiques. Ainsi, si un produit, conforme aux exigences du règlement, présente ou pourrait présenter un risque grave pour la santé humaine, l'autorité nationale compétente prend toutes les mesures provisoires nécessaires pour retirer, rappeler ou restreindre la disponibilité de ce produit sur le marché.
Expérimentation animale. L'article 18 du règlement interdit l'expérimentation animale sur des produits cosmétiques finis et les ingrédients ou combinaisons d'ingrédients. Le même règlement préconise des méthodes alternatives d'expérimentation dont certaines sont rendues obligatoires quand elles sont validées et adoptées au niveau communautaire. De même, est interdite la mise sur le marché de produits dont la formulation finale a fait l'objet d'une expérimentation animale ou contenant des ingrédients ou combinaisons d'ingrédients, qui ont fait l'objet d'une expérimentation animale. Le règlement, au nom de la protection de la santé et de l'éthique vient limiter la liberté de la recherche dans le cadre de la recherche et développement ainsi que la liberté de commercialisation et plus largement, la liberté d'entreprendre.
165
L'étude de la variable « bien » sur laquelle agit la protection de la santé pour limiter la liberté d'entreprendre nous a appris qu'elle est sujet à une certaine diversité. En effet, nous avons vu qu'il est essentiel pour appréhender l'action protectrice de la santé dans un contexte économique de s'interroger sur la nature du bien ou sa destination. Nous avons ainsi appréhendé des biens d'une nature substantiellement dangereuse, des biens dont la provenance d'un corps humain justifiait un traitement juridique particulier, des biens dont la nature était susceptible de provoquer des dépendances chez le consommateur, et, enfin, des biens dont la destination est le soin, lato sensu, des personnes humaines. Cette diversité de natures des biens a pu justifier différents procédés d'encadrement juridique de leur circulation allant de la mise hors du commerce, à l'autorisation préalable, en passant par des contrôles durant leur commercialisation ou même de simples déclarations administratives préalables.
Mais au-delà de la nature ou de la destination du bien, nous avons vu que le degré de contrainte juridique pouvait varier en fonction de l'utilisation du bien, et même à titre préventif. Ainsi, certains biens subissent des interdictions du fait de leur dangerosité vérifiée dans des conditions normales d'utilisation. En outre, des logiques préventives ont pu apporter des limitations opposables à des biens parce qu'ils pouvaient présenter un risque pour la santé en cas d'excès de consommation. Le comportement des individus face à certains biens n'est donc pas étranger à ces différentes mesures.
Dans ces différentes illustrations, nous avons de même pu observer que la logique économique n'entre pas nécessairement dans le processus de mise en oeuvre des limitations de circulation des biens. Dès que la santé est en jeu, qu'importe les pertes, les restrictions sont en principe mises en oeuvre. Ces politiques ont pu toutefois conduire à certains excès de la part des décideurs publics, notamment au regard du sévère encadrement de la publicité sur les boissons alcoolisées.
Nous conclurons en affirmant que cette étude nous a donné le sentiment que la protection de la santé est probablement l'un des principes les plus efficaces permettant de justifier des restrictions au commerce de bien, que l'on soit dans un contexte national ou dans un contexte européen.
166
Confronter deux principes à valeur constitutionnelle, l'un non défini par le droit et l'autre évolutif dans le temps (élargissement de la notion de santé) et l'espace (définition de la santé différente selon les Etats) fut une tâche ardue et délicate.
Face au chaos pouvant émaner de cette confrontation, il nous a fallu chercher et trouver des repères, une méthode pour tenter d'apporter un peu de lumière dans les ténèbres.
C'est ainsi que nous avons imaginé saisir la liberté d'entreprendre par analogie avec la vie d'une activité économique. La même méthode est d'ailleurs applicable concernant différents objets. Ainsi on peut analyser la vie de la société de sa naissance à sa disparition. De même, on peut étudier la vie d'un objet de propriété intellectuelle (invention, signe distinctif, oeuvre, belles-lettres, beaux-arts,...) en nous demandant dans quel contexte il a pris naissance, il va circuler ou disparaitre. Ce contexte peut être géographique, juridique, économique, sociologique, etc.
Si l'on revient à notre sujet, le contexte peut par exemple être européen (procédure européenne d'autorisation de mise sur le marché,...) ou national (monopole de vente au détail de produit du tabac,...). De même, économiquement, il s'inscrit dans l'économie de marché et la libre concurrence. Aussi, sociologiquement, il peut s'inscrire en prenant acte du rapport que les individus ont avec la consommation de produits addictifs, etc. Cette méthode nous a permis, de comprendre dans quel contexte la liberté d'entreprendre s'exerçait et ainsi pouvait être limitée.
Ensuite, nous avons combiné ces contexte (en particulier celui de la vie de l'activité économique - création, exercice, fin) avec des questions méthodologiques classiques : « qui ? », « quoi ? », « comment ? », « quand ? », « où ? » et « pourquoi ? ». Ces questions nous ont permis à la fois de comprendre la liberté d'entreprendre et à la fois d'appréhender ses limitations ; car, comme nous le disions, nous pouvons définir la liberté d'entreprendre à travers l'étude de ses limitations.
Nous allons ci-dessous en donner une illustration générale en posant ces différentes questions. Nous allons montrer quels aspects de la liberté d'entreprendre sont concernés et quelles sont les limitations qui peuvent y être apportées.
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- Qui ? : les personnes entreprenant l'activité ou moyens de l'activité, et leurs qualités.
y' Qui entreprend ? Une personne de droit privé.
y' Quelles sont les limites directement attachées à cette personne ? La personne doit
jouir de la capacité juridique et détenir un diplôme.
- Quoi ? : l'activité et sa nature ou l'objet, moyen, de l'activité (le bien et sa nature)
y' Qu'est-ce qui est entrepris ? Une activité économique, de santé ; la commercialisation
d'un bien.
y' Quelles sont les activités qui peuvent présenter un danger? Les activités de soin, de
commercialisation de produits du tabac, de médicament à usage humain.
- Comment ? : un procédé juridique.
y' Comment entreprendre ? Effectuer un investissement économique de base.
y' Quels sont les procédés contraignants ? L'obligation d'obtenir une autorisation
administrative préalable.
- Quand ? : une variable temporelle.
y' Quand puis-je exercer mon activité ? Principe de liberté d'organisation.
y' Quelles sont les contraintes temporelles ? Fermeture obligatoire du commerce de
boissons alcoolisées à partir de 22h00 (tranquillité publique, sécurité publique).
- Où ? : une variable spatiale.
y' Où puis-je exercer mon activité ? Deux analyses sont possibles : une spatialité dans
un contexte national ou une spatialité dans un contexte international ou régional.
y' Quelles sont les contraintes spatiales ? Interdiction d'ouvrir un sex shop à proximité
d'un établissement d'enseignement (moralité publique). Interdiction de
commercialiser des produits du tabac en dehors des lieus prévus par la loi. Ou encore,
autorisation de séjourner délivrée par l'Etat d'accueil.
- Pourquoi ? Le mobile.
y' Pourquoi entreprendre ? L'activité est lucrative, la prise de responsabilité, etc. La
liberté d'entreprendre ne concerne que les activités économiques.
y' Pourquoi limiter l'entreprise privée ? Protection de la santé, lutte contre les
dépendances, prévention, précaution, sécurité sanitaire.
Nous avons ainsi pu établir une typologie des limitations et tous ces critères se combinent. Ainsi, au fur et à mesure que d'autres critères entrent dans la danse, la valse des limitations devient plus coercitive. Le critère fondamental semble être celui de la nature de l'activité ou du bien (« Quoi ? »), qui va justifier le degré de limitation pesant sur les personnes
168
directement et sur la question : « comment entreprendre ? ». Arrivent ensuite les limitations complémentaires et accessoires : les limites spatio-temporelles. Il ne faut pas oublier que poser le critère de la nature comme fondamental signifie que, plus l'activité présente un danger pour les personnes, plus elle sera limitée : c'est ainsi la protection des personnes sur lesquelles l'activité produira des effets qui fonde, à travers le critère de la nature de l'activité, les limitations à la liberté d'entreprendre.
Toutefois, il n'aurait pas été méthodologiquement pertinent de réaliser notre démonstration en nous focalisant formellement sur la nature de l'activité. Il était en effet hors de question de réaliser un plan descriptif du type : I. Médecine, II. Tabac, III. Alcool, IV. Médicaments, V. Stupéfiants, etc. Il s'agissait plutôt, de traiter de la nature de l'activité à l'intérieure des variables « sujet » (qui fait l'objet d'une mesure contraignante ?) et « objet » (qu'est-ce qui fait l'objet d'une mesure contraignante ?) car cette première transcende nos variables.
La variable « personne » (ou « sujet »), c'est l'aptitude que va avoir un sujet de droit à exercer une activité économique. Cette variable doit être traitée comme une question distincte de la variable « bien » (ou « objet »), car il se peut qu'un bien ou plus largement une activité économique, bien qu'autorisé ne soit pas commercialisable ou exerçable par n'importe qui.
Notre distinction « personne » et « bien » nous a permis d'observer les diverses conséquences des limites à la liberté d'entreprendre justifiées par la protection de la santé. Le bien, son créateur peut le modifier, en revanche changer de nationalité, détenir un diplôme, c'est moins évident.
Enfin, cette distinction nous a permis d'approcher, non pas l'exhaustivité, mais une part substantielle des questions relatives aux limitations de la liberté d'entreprendre lorsque celle-ci est confrontée à la protection de la santé. Toutefois, certaines pistes mériteraient d'être explorées dans la mesure où elles ne touchent pas nécessairement directement les biens ou les personnes. Il pourra par exemple s'agir d'une étude des limitations affectant les prestations de service (sous un angle différent de celui de la circulation des personnes, que nous avons déjà étudié en première partie) ou affectant les relations contractuelles.
« Certes ce cadavre est beau, mais il va falloir l'enterrer. »
Proverbe africain
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Annexe n°1
Tableau des principales activités réglementées
ACTIVITÉ |
TEXTES APPLICABLES |
CONDITIONS |
SANCTIONS |
Agent immobilier |
L. no 70-9 du 2 janvier 1970, art. 3 et 9 (JO 4 janv.) |
Art. 3 et 9 |
Art. 16 et s. |
Agence de voyages |
L. no 92-645 du 13 juillet 1992 (JO 14 juill.) |
Art. 4 |
Art. 29 |
Agent privé de recherches |
L. no 83-629 du 12 juillet 1983, in C. pr. pén. Dalloz |
Art. 20 et s. |
Art. 31 |
Architecte |
L. no 77-2 du 3 janvier 1977 (JO 5 janv.) |
Art. 10 et 11 |
Art. 40 |
Auto-école |
Code de la route |
Art. L. 212-1 et s., R. 212-1 et s. |
Art. L. 212-4 |
Avocat |
Loi no 71-1130 du 31 décembre 1972 modifiée par Loi no 90-1259 du 31 décembre 1990 (JO 5 janv. 1991) |
Art. 12 et 54 |
Art. 72 et s. |
Banquier |
Loi no 84-46 du 24 janvier 1984 (JO 25 janv.) partiellement codifiée dans le C. mon. fin. |
Art. L. 511-9 |
C. mon. fin., art. L. 571-3 |
Casino |
Loi du 15 juin 1907 (DP 1907.4.162) |
Art. 2 |
Art. 5 |
Chirurgien-dentiste |
C. santé publ. |
Art. L. 4141-3 |
Art. L. 4141-2 |
Commissionnaire aux |
C. com., art. L. 820-5 |
||
Démarchage en vue d'opérations sur le marché à terme |
C. mon. fin. |
Art. L. 342-7 |
Art. L. 351-1 |
Fabrication et commerce d'armes |
Décr. no 95-589 du 6 mai 1995 (in C. pén. Dalloz) |
Art. 6 et s. |
L du 24 mai 1834, art. 2 |
Hébergement collectif |
L. no 73-548 du 27 juin 1973 (J0 28 juin) |
Art. 1er |
Art. 4 |
Infirmier |
C. santé publ. |
Art. L. 4311-2 et s. |
Art. L. 4314-4 et s. |
Art. L. 811-2 et s. |
C. pén., art. 433- 17 |
||
Masseur-kinésithérapeute |
C. santé publ. |
Art. L. 4321-2 |
Art. L 4323-4 et s. |
Médecin |
C. santé publ. |
Art. L. 4131-1 |
Art. L. 4323-4 |
Orthophoniste |
C. santé publ. |
Art. L. 4341-2 et s. |
Art. L. 4344-3 et s. |
Pédicure-podologue |
C. santé publ. |
Art. L. 4322-2 |
Art. L. 4323-4 et s. |
Pharmacie |
C. santé publ. |
Art. L. 4222-1 |
Art. L. 4223-1 |
Sage-femme |
C. santé publ. |
Art. L. 4111-1 |
Art. L. 4161-3 |
Transport sanitaire terrestre de personnes |
Décr. no 87-965 du 30 novembre (JO 1er déc.) |
Art. 1er |
Art. 16 |
Vétérinaire |
Code rural |
Art. L. 241-1 |
Art. L. 243-1 et s. |
Source : ARMAOS A., « Professions et activités réglementées », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz mai 2004
Annexe n°2 L'industrie du tabac |
170
Peut-on faire de la publicité pour le tabac en France ?
Depuis 1991, la loi Evin interdit toute forme de publicité et de promotion directe et indirecte en faveur du tabac. Toutefois, les industriels du tabac contournent cette interdiction en élaborant des stratégies marketing plus discrètes mais non moins efficaces.
Ils continuent d'alimenter les représentations positives de la cigarette en y associant les valeurs de « liberté », de « séduction » ou encore de « transgression ».
Pourquoi l'industrie du tabac fait-elle de la prévention ?
L'industrie du tabac mène des campagnes de prévention du tabagisme en direction des jeunes dans certains pays : programme « Think. Don't smoke » (« Réfléchissez, ne fumez pas ») orchestré par Altria ex-Philippe Morris, campagne « Be cool, be yourself » (« Sois cool, sois toi-même ») lancée par British American Tobacco et Japan Tobacco International. Des études ont démontré que ce type de messages n'avait aucun impact ou pouvait même être contreproductif, en renforçant l'attrait du tabac pour les jeunes. D'autre part, des documents internes de certains cigarettiers montrent que les véritables objectifs de ces campagnes sont moins louables : il s'agit en fait d'un exercice de relations publiques visant à améliorer l'image d'une industrie qui a beaucoup à se faire pardonner.
Quels sont les principaux fabricants de tabac ?
L'industrie du tabac regroupe des compagnies internationales qui sont parmi les plus
puissantes du monde. Six principaux fabricants de tabac se partagent 99 % du marché des
cigarettes :
- Philip Morris, renommé Altria (Marlboro, Philip Morris, Chesterfield, L & M) ;
- Altadis (Gauloises, News, Royale, Gitanes, Fortuna). Altadis est un groupe franco-
espagnol issu de la fusion de la Seita avec Tabacalera ;
- British American Tobacco (Winfield, Peter Stuyvesant, Lucky Strike) ;
- Japan Tobacco International (Camel,Winston) ;
- Imperial Tobacco (JPS, Route 66) ;
- Gallaher (Benson & Hedges).
171
Comment la distribution des cigarettes est-elle organisée ?
Altadis détient un quasi-monopole de la distribution des produits du tabac ainsi que la quasi-totalité de la distribution des cigarettes en France. La vente au détail est confiée à l'administration des Douanes et Droits indirects, qui dépend du ministère des Finances. Elle est chargée de l'implantation et de la gestion d'un réseau de 30 000 buralistes.
« La nicotine est toxicomanogène. Ce que nous faisons donc, c'est vendre de la nicotine, une drogue toxicomanogène. » (Addison Yeaman, de la société Brown et Williamson, 17 juillet 1963)
Quel est le chiffre d'affaires de l'industrie du tabac ?
En 2006, 55,8 milliards de cigarettes ont été vendues en France (contre 80,5 milliards en 2002), ce qui représente un chiffre d'affaires de 13,3 milliards d'euros (contre 13, 5 milliards en 2002).
Quels sont les liens entre l'industrie du tabac et l'État français ?
L'État français a longtemps siégé au conseil d'administration de la Seita, qui détenait le monopole national de fabrication et de distribution des produits du tabac. La Seita a été privatisée en 1995 et l'État a cédé sa participation au capital de la société en octobre 2000.
Que reproche-t-on à l'industrie du tabac ?
Des procès lancés aux États-Unis contre des fabricants de tabac dans les années 1990 ont permis de découvrir des millions de documents internes et confidentiels révélant les comportements délinquants de l'industrie du tabac. Ces documents ont dévoilé les stratégies des industriels du tabac pour contrer les politiques de santé publique. Ils ont en effet délibérément caché qu'ils savaient depuis les années 1960 que la cigarette était nocive, que la nicotine engendrait une dépendance physique importante et qu'ils jouaient sur la teneur en nicotine des cigarettes pour en augmenter les effets.
172
L'industrie du tabac organise-t-elle la contrebande de cigarettes ?
Il est désormais clairement établi que les industriels du tabac ont facilité plus ou moins directement la contrebande de cigarettes dans de nombreux pays. Cette contrebande va à l'encontre des efforts de santé publique et prive les États de revenus fiscaux. Des actions en justice contre la plupart des cigarettiers ont été lancées, notamment par l'Union européenne.
Est-il vrai que l'industrie a « acheté » des acteurs, des chercheurs, des hommes politiques ?
D'après les documents internes de l'industrie, on sait que certains cigarettiers ont payé des acteurs pour fumer dans les films où ils jouaient. Par exemple, Sylvester Stallone a accepté d'être payé par Brown et Williamson pour fumer dans des films comme Rambo et Rocky IV. Dans une lettre du 28 avril 1983 signée de sa main, on peut lire : « Comme convenu, je garantis que j'utiliserai les produits du tabac de Brown et Williamson dans au moins 5 de mes films. J'ai bien compris que Brown et Williamson me versera un droit de 500 000 dollars. » On sait également que certains cigarettiers ont mis en oeuvre des stratégies pour saper l'action de l'Organisation mondiale de la santé : paiement d'experts, organisation de campagnes de communication pour semer le doute dans la communauté scientifique, modification de résultats d'études, etc. Enfin, dans certains pays (Allemagne, États-Unis, etc.), des partis politiques sont financés par l'industrie du tabac, pratique qui influe directement ou indirectement sur les stratégies nationales et internationales de prévention du tabagisme.
Source : République française - Service d'Information du Gouvernement (S.I.G.), service du Premier ministre. Site d'information sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics. http://www.tabac.gouv.fr/
Annexe n°3
Le cycle du médicament
173
Source : Les entreprises du médicament. http://www.leem.org/
174
Surveillance des médicaments
Détecter les effets indésirables avant l'autorisation de mise sur le marché
Détecter les effets indésirables avant l'autorisation de mise sur le marché
175
Source : Les entreprises du médicament. http://www.leem.org/
176
Nous regrettons l'absence dans cette bibliographie d'ouvrages généraux (nous n'en citerons qu'un) ou spéciaux et de thèses. Cela n'a pas été matériellement possible du fait du déroulement du Master 2 et de la rédaction de ce mémoire à Hanoï au Vietnam.
DOCTRINE
1. Ouvrage général
CABRILLAC R., FRISON-ROCHE M.-A., REVET T. (sous la direction de), Libertés et droits fondamentaux, Dalloz 2011 (17e édition)
2. Articles
ARMAOS A., « Professions et activités réglementées », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz mai 2004
BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques et sécurité des produits », Recueil Dalloz, 2006 p. 1917
CARCASSONNE G., « La liberté d'entreprendre », L'entreprise et le droit constitutionnel - Colloque du CREDA, 26 mai 2010
CHASSANG M., « Brèves réflexions sur l'avenir de la médecine libérale », Revue de droit sanitaire et social (ci-après « RDSS »), 2011 p. 7
CRISTOL D., « La révision de la loi « Huriet » par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique », RDSS, 2004 p. 885
DE GROVE-VALDEYRON N., « Santé publique », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, août 2008 (mise à jour : janvier 2013)
DE GROVE-VALDEYRON N., « Prestation de services », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, décembre 2011 (mise à jour : mars 2012)
DE GROVE-VALDEYRON, « Médicament », Répertoire de droit communautaire, Dalloz 2007 (mise à jour : janvier 2013)
DEL SOL M., « Médecine libérale et permanence des soins de ville », RDSS, 2004 p. 261 FEUILLET B., « L'accès aux soins, entre promesse et réalité », RDSS, 2008 p. 713
GAUMONT-PRAT H., « Les tribulations en France de la directive n° 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques », Recueil Dalloz, 2001 p. 2882
GENEVOIS B., « Principes généraux du droit », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, mars 2010 (mise à jour : janvier 2013)
GRÜNDLER T., « Le juge et le droit à la protection de la santé », RDSS, 2010 p. 835
GUIBAL M., « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, Dalloz, février 2003 (mise à jour : octobre 2010)
GUYOMAR M., « Le contrôle de constitutionnalité d'un règlement transposant une directive communautaire », RFDA, 2007 p. 384
HEDIN B., « La gestion déléguée des crématoriums », AJ Collectivités territoriales, 2011 p. 448
JACQUINOT N., « La liberté d'entreprendre dans le cadre du référé-liberté : un cas à part ? », AJDA, 2003 p. 658
LAVROFF D. M., « Domaine de la commune (Biens affectés à l'usage du public) », Répertoire de droit immobilier, Dalloz, mars 2010
LEROYER A.-M., « Recherches sur la personne humaine - Autorisation - Protection - Examen caractéristiques génétiques », RTD Civ., 2012 p. 384
LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ., 2000 p. 47
MARKUS J.-P., « Police de la sécurité des consommateurs : l'interdiction des produits dits « poppers » est illégale », AJDA, 2009 p. 1668
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MAURY S., « Réhabiliter les soins de proximité ? », RDSS, 2012 p. 84
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MOLINIER J., « Principes généraux », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, mars 2011 (mise à jour : juin 2012)
MOREAU J., « Le droit à la santé », AJDA, 1998 p. 185
PENNEAU J., « Médecine (professions médicales et auxiliaires médicales) », Répertoire de droit civil, août 2006 (mise à jour : septembre 2012)
ROUSSET G., « La lutte contre les « déserts médicaux » depuis la loi HPST : entre désillusions et espoirs nouveaux », RDSS, 2012 p. 1061
RUET L., « Du principe de rivalité », Recueil Dalloz, 2002 p. 3086
RIVÉRO J., « Ni lu, ni compris ? », AJDA 1982.209, cité par GUIBAL M., « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, Dalloz, février 2003 (mise à jour : octobre 2010)
SCHMIDT-SZALEWSK J., « Brevet d'invention », Répertoire de droit commercial, Dalloz, avril 2003 (mise à jour : janvier 2013).
SCHOETTL J-E., « Le Conseil constitutionnel et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains », AJDA, 2001 p. 18
SIBONY A.-L., DEFOSSEZ A., « Marché intérieur (marchandises, capitaux, établissement, services) », Revue trimestrielle de droit européen, 15 mars 2010
SIMON D., « Restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, août 2004 (mise à jour : janvier 2013)
TABUTEAU D., « Sécurité sanitaire et droit de la santé », RDSS, 2007 p. 823
THOUVENIN D., « La loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 : des recherches pratiquées sur la personne aux recherches avec la personne », RDSS social, 2012 p. 787
VERPEAUX M., « Contrôle de constitutionnalité des actes administratifs », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, janvier 2011 (mise à jour : janvier 2012)
179
JURISPRUDENCE
1. Cour de justice de l'Union européenne (institution)
Jurisprudence de la Cour de justice (juridiction)
CJCE, 14 décembre 1962, Commission c/ Luxembourg et Belgique
CJCE, 1er juillet 1969, Commission c/ Italie
CJCE, 12 nov. 1969, Stauder c/ Ulm, aff. 29/69, Rec. 419
CJCE, 12 févr. 1974, Sotgiu, aff. 152/73
CJCE, 14 mai 1974, Nold c/ Commission, aff. 4/73, Rec. 491
CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville
CJCE, 20 février 1979, Rewe c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein [Cassis de Dijon]
CJCE, 5 février 1981, Koninklijle Kassfabriek Eyssen, 53/80, Rec. 1981, p. 409
CJCE, 15 juillet 1982, Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Affaire 40/82
CJCE, 21 mai 1987, Rau c/ BALM, aff. jointes 133 à 136/85, Rec. 2289 CJCE, 15 oct. 1987, Unectef c/ Heylens, aff. 222/86, Rec. 4097
CJCE, 13 juill. 1989, Wachauf c/ Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft, aff. 5/88, Rec. 2609
CJCE, 23 avril 1991, Höfner
CJCE, 31 mars 1993, Kraus, affaire C19/92
CJCE, 16 déc. 1993, Luxlait, aff. C-307/91, Rec. I. 6835
CJCE, 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard/Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, affaire C55/94
CJCE, 9 décembre 1997, Commission c/ France [« Guerre des fraises »] CJCE, 24 novembre 1993, Keck et Mithouard
CJCE, 28 avr. 1998, Kohll, aff. C-158/96
CJCE, 5 mai 1998, Royaume-Uni c/ Commission, aff. C-180/96, Rec. I. 2265
180
CJCE, 1er février 2001, Mac Quen E.A., aff. C-108/96
CJCE, 13 déc. 2001, DaimlerChrysler, aff. C-324/99, Rec. I. 9897, point 32
CJCE, 12 nov. 1998, Commission c/ Allemagne, aff. C-102/96, Rec. I. 6871, point 21 CJCE, 8 janv. 2002, Van den Bor, aff. C-428/99, Rec. I. 127, point 40
CJCE, 9 septembre 2003, Isabel Burbaud contre Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, aff. C-285/01
CJCE, 9 sept. 2004, Espagne et Finlande c/ Parlement et Conseil, aff. jointes C-184/02 et C223/02, Rec. I. 7789
CJCE, 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, aff. C-211/03, Rec. I. 5141
CJCE, 28 septembre 2006, Procédure pénale contre Jan-Erik Anders Ahokainen et Mati Leppik, (question préjudicielle), Affaire C-434/04
CJCE, grande chambre, 3 sept. 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c/ Conseil et Commission, aff. C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. I. 6351, point 308
CJCE, 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes, aff. C-171/07 et C-172/07
Jurisprudence du Tribunal de première instance
TPICE, 29 janv. 1998, Dubois et Fils c/ Conseil et Commission, aff. T-113/96, Rec. II. 125. TPICE, 11 sept. 2002, Pfizer Animal Health c/ Conseil, aff. T-13/99, Rec. II. 3305
TPICE, 26 nov. 2002, Artegodan E.A. c/ Commission, aff. jointes T-74/00 et autres, Rec. II. TPICE, 28 janv. 2003, Laboratoires Servier c/ Commission, aff. T-147/00, Rec. II. 85
2. Jurisprudence constitutionnelle française
CC, 74-54 DC, 15 janv. 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse
CC, 80-117 DC, 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires
CC, 81-132 DC, 16 janvier 1982, « Nationalisation »
CC, 82-141 DC, 27 juillet 1982
CC, 84-181 DC, 11 octobre 1984
181
CC, 88-244 DC, 20 juill. 1988
CC, 89-254 DC, 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations, Rec. Cons. const. 41
CC, 90-283 DC, 08 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme
CC, 90-287 DC, 16 janvier 1991
CC, 2000-433 DC, 27 juillet 2000
CC, 2001-455 DC, 12 janvier 2002
CC, 2004-509 DC, 13 janvier 2005
CC, 2010-55 QPC, 18 octobre 2010
3. Jurisprudence administrative française
CE, 4 mars 1910, 29373, publié au recueil Lebon
CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers
CE, 29 janvier 1932, Société des autobus antibois
CE Ass., 20 décembre 1935, Éts Vezia, Lebon T. 1212, RD publ. 1936. 119, concl. R. Latournerie
CE, 5 mai 1944, Compagnie maritime de l'Afrique oriental
CE, 18 décembre 1950, Delansorme CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac
CE, 17 octobre 1952, Chambre syndicale climatique de Briançon, dame Simon, Dominique et autres, Lebon p. 445, concl. Chardeau
CE Ass., 4 juillet 1958, Graff et Epx Reyes, Lebon p. 415 ; JCP 1959.II.11117, concl. M. Long
CE Sect., 18 octobre 1960, Martial de Laboulaye
CE Ass., 22 juin 1963, Syndicat du personnel soignant de la Guadeloupe, Rec. CE, p. 386 CE, 29 avril 1970, Société Unipain
CE Ass., 13 mai 1983, Sté René Moline ;
182
CE, 20 avril 1988 Conseil national de l'ordre des Médecins, Lebon 146
CE, Ass., 20 oct. 1989, req. no 108243, Nicolo
CE 24 sept. 1990, req. no 58657
CE, 22 mars 1991, Association Fédérale des Nouveaux Consommateurs et Société Tousalon
CE Ass., 28 févr. 1992, SA Rothmans International France et SA Philip Morris France, req.
no 56776
CE, 21 janv. 1994, Cne de Dannemarie-les-Lys, req. no 120.043, D. 1994, somm. 112, obs. D. Maillard Desgrées du Loû
CE, 13 mai 1994, Présid. de l'assemblée territoriale de la Polynésie française
CE, 27 octobre 1995, (deux espèces) Ville d'Aix-en-Provence et Commune de Morsang-sur-Orge
CE, 1996, SARL La Roustane
CE, 29 décembre 1997, Sté Héli-Union, req. no 138310
CE 18 févr. 1998, Sect. locale du Pacifique Sud de l'ordre des médecins, Lebon T. 710 , RFDA 1999. 47, note Joyau
CE, 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay, requête numéro 239840
CE 11 juin 2003, Conféd. des caves coopératives de France et a.: Lebon T. 997.
CE, 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, n°275531
CE, 7 février 2007, décision n° 292615
CE, 2 juill. 2007, req. no 295685
CE, 9 nov. 2007, req. no 257252
CE, 15 mai 2009, décision n° 312449
CE, 10 juin 2009, req. no 318066
CE 2 oct. 2009, Joseph, req. no 309247)
CE, 15 septembre 2010, décision n° 340570, 340571
CE, 11 juill. 2012, SARL Media Place Partners: req. n°351253
183
4. Jurisprudence civile française
Cass. Civ., 20 mai 1936, Dr Nicolas c/ Époux Mercier, DP 1936. 1. 88, concl. Matter, rapport Josserand, note E. P., S. 1937. 1. 321, note Breton, Gaz. Pal. 1936. 2. 41
Cass., ch. mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre
CA Versailles, 13 févr. 1987, D. 1987, somm. 417, obs. J. Penneau
Cass. Civ. 1re, 15 nov. 1988, Bull. civ. I, n° 319
Civ. 2e, 28 juin 1995, D. 1995. IR 182
TGI Nanterre, 24 mai 2002: D. 2002. IR 1885; RTD civ. 2002. 527, obs. Jourdain
Cass. soc. 10 juill. 2002, N° 00-45.135
5. Jurisprudence pénale française
Crim. 4 nov. 1971: Bull. crim. no 299
Crim. 28 nov. 1973, D. 1974. 170
Crim. 21 févr. 1996, Bull. crim. no 86
Cour d'appel de Paris, 11e ch. corr., 1er mars 1996, D. 1999. 603, note Roujou de Boubée
Crim. 19 nov. 1997, D. 1998. IR 59
Crim. 17 déc. 1997: Bull. crim. no 433; RTD com. 1998. 698, obs. Bouloc
Crim. 15 févr. 2000, D. 2000. AJ 238
Crim. 6 févr. 2001: Bull. crim. no 37; JCP 2001. IV. 1661; Dr. pénal 2001. Comm. 37, obs. J.-
H. Robert.
Crim. 3 nov. 2004: Bull. crim. no 268
Crim. 29 nov. 2005, Bull. crim. no 312; AJ pénal 2006. 123, obs. Saas Crim. 3 nov. 2010, pourvoi no 09-88.599
6. Jurisprudence ordinale française
Chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, 22 avril 2010, Mme Inès R contre
Mme Hélène O.
184
LÉGISLATION
1. Droit international
Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé du 22 juillet 1946 Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948
Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement des 3-14 juin 1992
2. Droit de l'Union européenne
Droit primaire
Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne du 13 décembre 2007
Droit dérivé
Règlement 726/2004/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments
Règlement 1223/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques
Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques
Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain
Directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain
Directive 2010/84/UE du Parlement Européen et du Conseil du 15 décembre 2010, modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain
185
3. Droit français
Constitution
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946
Constitution du 4 octobre 1958
Codes
Code de commerce
Code de la consommation
Code de la propriété intellectuelle
Code de la santé publique
Code de la sécurité sociale
Code général des impôts
Lois
Loi des 2-17 mars 1791 dite « Décret d'Allarde »
Loi des 14-17 juin 1791 dite « Le Chapelier »
Loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique
Loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que de la circulation de l'absinthe et des liqueurs similaires
Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.
Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique
Loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat
Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST »
186
Règlements
Décret n°88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe
Décret n°95-904 du 4 août 1995 relatif aux produits du corps humain non soumis aux dispositions du titre Ter du livre VT du code de la santé publique
Décret n°2007-1636 du 20 novembre 2007 relatif aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques, hétérocycliques ou leurs isomères destinés au consommateur et ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché.
Décret n° 2010-256 du 11 mars 2010 modifiant le décret n° 88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe
Décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés
Arrêté du 31 décembre 1992 fixant les caractéristiques des affichettes relatives à la publicité en faveur du tabac dans les débits de tabac, version consolidée au 14 avril 2006
Arrêté du 24 février 2006 portant suspension de la mise sur le marché de la boisson « Security Feel Better »
Arrêté du 29 juin 2011 portant application d'une partie de la réglementation des stupéfiants aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères
Décision de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
Décision [ANSM] du 24 novembre 2006 fixant les règles de bonnes pratiques cliniques pour les recherches biomédicales portant sur des médicaments à usage humain
187
SITES INTERNET
Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Le site web officiel de l'ANSM. http://ansm.sante.fr/
Bureau des études statistiques sur la recherche. http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/
Dictionnaire Larousse.fr. http://www.larousse.fr/
Les entreprises du médicament. http://www.leem.org/
Ministère de la Santé et des Solidarités. Le site de référence sur l'encadrement de la recherche biomédicale. http://www.recherche-biomedicale.sante.gouv.fr/index.htm
Quotidien Le Monde. http://lemonde.fr
République française - Service d'Information du Gouvernement (S.I.G.), service du Premier ministre. Site d'information sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics. http://www.tabac.gouv.fr/
Union européenne. Le site web officiel de l'Union européenne. http://www.europa.eu/
188
SOMMAIRE 3
PROLÉGOMÈNES
LES CONCEPTS DE LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE ET PROTECTION DE LA SANTÉ
SECTION 1. LA LIBERTE D'ENTREPRENDRE : UN CONCEPT NON DEFINI PAR LE DROIT 6
I - Genèse de la liberté d'entreprendre : un acquis de la Révolution française (1789-1799) 7
A - Consécration juridique des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie 7
B - Objectifs et conséquences des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie 8
II - Portée juridique de la liberté d'entreprendre : une place importante dans la hiérarchie
des normes 9
A - La valeur juridique des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie 9
B - Les rapports entre la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie ... 14
III - Contenu polysémique de la liberté d'entreprendre 17
A - Les bénéficiaires de la liberté d'entreprendre (conception restrictive) 17
B - Définition « stipulative » et composantes de la liberté d'entreprendre (conception large) 19
IV - Droit de l'Union européenne et liberté d'entreprendre 26
A - Principes généraux et droits fondamentaux rattachables à la liberté d'entreprendre 26
B - La place de la liberté d'entreprendre au sein du marché intérieur 28
SECTION 2. LA PROTECTION DE LA SANTE : UN CONCEPT EVOLUTIF 30
I - Evolution du concept de santé (conception large) 30
A - Evolution de la notion de santé : vers un élargissement de son champ d'application 31
B - Evolution de la place du patient : vers un modèle autonomiste 32
II - Portée juridique et contenu de la protection de la santé 33
A - Valeur juridique de la protection de la santé 33
B - Définition, composantes et bénéficiaires de la protection de la santé 35
III - Droit de l'Union européenne et protection de la santé 36
A - La protection de la santé face à la libre circulation des marchandises 36
B - La protection de la santé face à la libre circulation des personnes 37
LA PROTECTION DE LA SANTE COMME LIMITE A LA LIBERTE D'ENTREPRENDRE 38
189
PREMIÈRE PARTIE
LA PROTECTION DE LA
SANTÉ ET LES PERSONNES
UNE LIMITATION FONDÉE SUR LA
QUALITÉ DES PERSONNES DANS LE CADRE DE
LEUR PARTICIPATION AUX
ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES
PREMIER CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES
LIMITES À L'EXERCICE
D'UNE PROFESSION : L'EXIGENCE DE QUALITÉS
INHÉRENTES AUX PERSONNES
professions réglementées en droit interne (accès et exercice) 44
I - Les limitations fondées sur la qualité ou le comportement des personnes (professionnels en
général) 44
A - La protection de la santé comme justification de conditions d'accès à une profession
attachées au statut et aux compétences des personnes 44
1 - Les conditions d'accès à une profession attachées au statut juridique des personnes 44
2 - Les conditions d'accès à une profession attachées aux compétences des personnes . 47
B - La protection de la santé comme justification d'interdictions d'exercice d'une
profession attachées au comportement des personnes 49
1 - Les interdictions d'exercice cumulatif de certaines professions du fait de leur incompatibilité et en prévention du comportement des professionnels : la question de
l'indépendance des personnes et des professions 49
2 - Les interdictions d'exercice d'une profession résultant de condamnations
disciplinaires ou pénales des professionnels 50
a - Les interdictions d'exercice prononcées par une juridiction disciplinaire ordinale
50
b - Les interdictions d'exercice prononcées par une juridiction en application de
dispositions pénales 51
II - Les limitations fondées sur la qualité de professionnel de la santé (médecins libéraux en
particulier) 52
A - La place particulière de la liberté d'entreprendre au sein de la médecine libérale 52
B - Les principales limites à la liberté d'entreprendre des médecins libéraux 54
1 - Les limitations intervenant directement dans le contrat médical 54
2 - Les limitations imposées par le principe de la permanence des soins 57
190
circulation au sein de l'Union européenne (établissement et prestation de service) 60
I - La libre circulation économique des personnes en mouvement au sein de l'Union
européenne : une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre 60
A - Les notions de liberté d'établissement et de libre prestation de service 60
B - Le régime global des libertés d'établissement et de prestation de service 62
1 - L'interdiction des entraves à la libre circulation et des discriminations tenant à la
nationalité des personnes : le socle minimal de garantie d'effectivité des libertés 62
2 - Harmonisations et reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles : vers
une facilitation de l'effectivité de l'exercice des libertés 62
II - Les limites à la libre circulation économique sous le prisme de la qualité des personnes 64
A - Les justifications des limites à la libre circulation économique des personnes 64
B - L'illustration des limites à la liberté de circulation économique sous le prisme de la
qualité des personnes 66
1 - La mise en cause de la compétence des personnes comme limite à leur liberté de
circulation économique 66
2 - La mise en cause de l'indépendance des personnes comme limite à leur liberté
économique de circulation 68
SECOND CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA
SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À LA
LIBERTÉ
D'ENTREPRENDRE DANS LA CADRE DE LA RECHERCHE : LE
PROBLÈME DE LA
QUALITÉ DE PERSONNE HUMAINE DU SUJET COMME
MOYEN DE LA RECHERCHE
d'entreprendre, progrès scientifique et protection du sujet 74
I - Les conditions préalables à l'entreprise - limitée - de la recherche biomédicale 74
A - La délimitation du champ d'application de la recherche biomédicale 74
1 - La définition de l'objet de la recherche biomédicale 74
2 - La définition des principaux acteurs de la recherche biomédicale 76
a - Le promoteur et l'investigateur entreprenant et mettant en oeuvre la recherche 76
b - Le sujet impliqué dans la recherche 77
B - Les conditions restreignant l'entreprise de la recherche biomédicale 78
1 - La réunion de conditions fondamentales tenant à l'objet de la recherche 78
2 - L'obtention d'un avis favorable et d'une autorisation administrative nécessaires à
l'entreprise de la recherche 79
191
3 - Les obligations d'information et de recueil du consentement du sujet impliqué dans
la recherche 79
a - L'obligation d'information préalable du sujet 79
b - L'obligation de recueil préalable du consentement du sujet 80
II - L'encadrement de la réalisation de la recherche biomédicale 81
A - Les conditions assurant la sécurité des sujets dans la réalisation de la recherche 81
1 - Les conditions humaines, matérielles et techniques de la réalisation de la recherche 81
2 - Les règles de vigilance, de sécurité et de bonnes pratiques 82
B - L'opposabilité du principe de gratuité de l'implication du sujet dans la recherche 83
1 - Le principe gratuité de la participation à une recherche biomédicale et ses
aménagements 83
2 - L'éventuelle interdiction de se prêter simultanément à plusieurs recherches 85
III - La fin de la recherche avant son terme justifiée par la protection de la santé 86
A - Les décisions d'arrêt de la recherche fondées sur la protection de la santé 86
1 - Les décisions d'arrêt de la recherche prises par le promoteur et l'investigateur 86
2 - Les décisions d'arrêt de la recherche prises par l'ANSM 87
B - Un régime de responsabilité du promoteur favorable au sujet en cas de dommage 87
compromis entre liberté d'entreprendre et protection des sujets ? 89
I - Le champ d'application de la recherche impliquant la personne humaine : un élargissement
comparativement à la recherche biomédicale 89
A - La notion englobante de recherche impliquant la personne humaine 89
1 - Une notion englobant les principales catégories de recherche sur la personne 89
2 - Une catégorisation des recherches impliquant la personne humaine fondée sur les
risques supposés et les contraintes encourus par les sujets 90
B - L'exclusion du champ de la liberté d'entreprendre des recherches impliquant la
personne humaine à finalité non commerciale 91
1 - L'identification des recherches à finalité non commerciale 91
2 - Les particularités du régime des recherches à finalité non commerciale : la prise en
charge financière de la recherche 92
II - Le régime de la recherche impliquant la personne humaine : un nouveau compromis entre liberté d'entreprendre et protection des sujets fondé sur le degré de risques et de contraintes
encourus par les sujets 93
A - Un élargissement des sujets pouvant être impliqués dans une recherche 93
B - Une graduation de la portée des obligations d'informations du sujet et de recueil de son
consentement fondée sur le risque et la contrainte 94
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 96
192
SECONDE PARTIE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ
ET LES BIENS
UNE LIMITATION FONDÉE SUR LA NATURE ET LA
DESTINATION DES BIENS DANS
LE CADRE DE LEUR COMMERCIALISATION
AVANTS PROPOS 98
I - Les concepts de sécurité sanitaire, de prévention et de précaution 98
II - Les principales institutions de sécurité sanitaire 99
PREMIER CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES
LIMITES À LA
COMMERCIALISATION DE BIENS DU FAIT DE LEUR
NATURE
santé ou sur sa provenance d'un corps humain 104
I - La mise hors du commerce juridique des choses substantiellement caractérisées par leur
dangerosité pour la sécurité et la santé des personnes 105
A - Les principaux fondements de la mise hors du commerce des produits dangereux 105
1 - La falsification d'un produit comme source de dangerosité du bien 105
2 - L'obligation générale de sécurité à la charge du professionnel 106
3 - Le pouvoir d'interdiction de commercialisation de l'administration 107
B - Inventaire indicatif des produits dangereux mis hors du commerce 108
1 - Les produits dangereux non consomptibles : une dangerosité dans des conditions
normales d'utilisation 108
2 - Les produits dangereux consomptibles : une dangerosité dans l'excès de
consommation 109
II - La mise hors du marché des éléments et produits du corps humain : l'éviction d`un risque
pour la santé des personnes 113
A - La détermination des éléments et produits du corps humain 114
B - Les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des éléments et produits du
corps humain 114
Section 2. Le contrôle de
commercialisation fondé sur les dépendances que peuvent
créer
certains biens : l'exemple du tabac et des boissons
alcoolisées 116
I - Les restrictions entourant la
création d'un commerce de tabac et de boissons alcoolisées
118
193
A - Le monopole étatique de la vente au détail des tabacs manufacturés : une relative
remise en cause de la liberté d'entreprendre 118
1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de tabac inhérentes
à la qualité de la personne 119
a - Nationalité de la personne 120
b - Compatibilité et capacité de la personne 120
c - Formation de la personne 120
2 - La conclusion indispensable d'un contrat de gérance avec l'Etat 121
3 - Les restrictions relatives à la localisation du lieu de vente du tabac 121
a - Conditions d'implantation d'un débit de tabac 121
b - Revente et revendeurs de tabac en dehors d'un débit de tabac 124
B - Le contrôle administratif de la création d'un commerce de boissons alcoolisées : une
mise en oeuvre difficile de la liberté d'entreprendre 125
1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de boisson
inhérentes à la qualité de la personne 126
a - Nationalité de la personne 126
b - Compatibilité et capacité de la personne 126
c - Formation de la personne donnant lieu à un permis d'exploitation 127
2 - L'obtention obligatoire d'une licence d'exploitation 127
a - Les différents types de boissons, d'établissements et de licences 127
b. Les conditions d'exploitation ou d'obtention de la licence 129
3 - Les restrictions relatives à la localisation du débit 130
a - Les limitations légales du nombre de débits de boissons imposées par le CSP 130
b - La création de zones protégées par le représentant de l'Etat dans le département
130
II - Les restrictions entourant la commercialisation du tabac et des boissons alcoolisées 132
A - Les conditions de commercialisation du tabac et des boissons alcoolisées 132
1 - Les obligations à la charge du fabricant 132
a - Les obligations en matière de composition du bien 132
b - Les obligations en matière de conditionnement du bien 133
c - La théorique libre fixation du prix de vente 134
2 - Les obligations à la charge du commerçant 134
a - Les obligations tenant au mode et au lieu de commercialisation des produits 134
b - Les obligations tenant à la détermination du prix de vente et à la vente à crédit 136
c - Les interdictions de commercialisation tenant à la qualité de l'acheteur 136
B - Les limitations à la publicité ou propagande en faveur du tabac et des boissons
alcoolisées 137
194
1 - L'interdiction de principe de la publicité ou propagande en faveur du tabac 137
2 - L'exhaustivité des situations autorisant la publicité ou propagande en faveur des
boissons alcoolisées 139
SECOND CHAPITRE
LA LIMITATION DU COMMERCE DE
BIENS DANS LE CONTEXTE DE LA LIBRE
CIRCULATION DES MARCHANDISES
:
L'EXEMPLE DES PRODUITS DESTINÉS À LA SANTÉ DES
PERSONNES
des marchandises 145
I - Les fondements des dérogations générales à l'interdiction de mesures d'effet équivalent à
des restrictions quantitatives 145
A - Les exigences impératives d'intérêt général issues de la jurisprudence de la Cour de
Justice 145
B - L'article 36 du TFUE et le principe de précaution 147
II - Mises en oeuvre jurisprudentielles des dérogations fondées sur la protection de la santé :
une effectivité remarquable de ce motif dans un contexte
libéral 149
Section 2. Les limites à la
liberté d'entreprendre issues de règlementations
harmonisées
encadrant le commerce des produits de santé destinés à l'homme 151
I - Les médicaments à usage humain : un contrôle fondé sur leur nature et leur destination 151
A - La nécessité d'une autorisation de mise sur le marché et la pharmacovigilance : des
contraintes de commercialisation élevées 152
1 - L'autorisation de mise sur le marché : une contrainte ante-commercialisation 152
2 - La surveillance et la pharmacovigilance : des contraintes durant la commercialisation
155
B - L'exploitation économique du médicament après obtention de l'autorisation de mise
sur le marché : un encadrement exigeant 157
1 - Les conditions de commercialisation des médicaments à usage humain 157
2 - Les limitations du monopole d'exploitation d'un médicament conféré par un brevet
159
II - Le principe de sécurité et la libre circulation des produits cosmétiques : un contrôle allégé
du fait d'une relative dangerosité et d'une destination esthétique 161
A - L'exigence d'une déclaration préalable et la cosmétovigilance en France 163
B - L'encadrement de l'exploitation économique du cosmétique par l'Union européenne
163
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 165
195
CONCLUSION GÉNÉRALE 166
ANNEXES 169
ANNEXE N°1 TABLEAU DES PRINCIPALES ACTIVITES REGLEMENTEES 169
ANNEXE N°2 L'INDUSTRIE DU TABAC 170
ANNEXE N°3 LE CYCLE DU MEDICAMENT 173
ANNEXE N°4 SURVEILLANCE DES MEDICAMENTS 174
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 176
DOCTRINE 176
JURISPRUDENCE 179
LÉGISLATION 184
SITES INTERNET 187
TABLE DES MATIÈRES 188