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La protection de la santé comme limite à  la liberté d'entreprendre

( Télécharger le fichier original )
par Thomas BERTRAND
Université Montesquieu Bordeaux 4 - Master 2 droit de la coopération économique et des affaires internationales 2012
  

Disponible en mode multipage

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HÀ N?I, JUIN 2013

UNIVERSITÉ BORDEAUX IV
MONTESQUIEU
FACULTÉ DE DROIT

 

UNIVERSITÉ NATIONALE DU
VI?T NAM, HÀ N?I
FACULTÉ DE DROIT

MÉMOIRE DE FIN D'ÉTUDES
Master multilatéral

« Droit de la coopération économique et des affaires internationales »
11ème Promotion (2012-2013)

Promotion Étienne de La Boétie

LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME LIMITE À
LA LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE

Par

M. Thomas BERTRAND

Co-directeurs

M. Xavier BIOY M. NGUYEN Toan Thang

Professeur de Droit Professeur de Droit

Université Toulouse I Capitole Université Nationale du Vi?t Nam

1

La Faculté de Droit de l'Université Nationale du Vietnam, Hanoi n'est pas responsable pour le contenu de ce mémoire.

Les opinions émises dans ce mémoire devront être considérées comme le résultat du travail personnel de son auteur et propre à lui seul.

Khoa Lu?t tr?c thu?c Ð?i h?c Qu?c gia Hà N?i không chi?u trách nhi?m v? n?i dung quy?n lu?n vãn này.

Các quan ði?m ðý?c th? hi?n trong lu?n vãn ph?i ðý?c coi là thành qu? lao ð?ng cá nhân và là quan ði?m riêng c?a tác gi?.

2

Remerciements

Je tiens à remercier sincèrement et particulièrement Monsieur le Professeur Xavier Bioy, instigateur de ce sujet et directeur de ce mémoire, pour ses précieux conseils et pour m'avoir guidé tout au long de la réalisation de ce travail.

Je tiens à remercier également Monsieur Christian Grellois, directeur de notre master, pour avoir rendu possible cette année universitaire à l'étranger, ainsi que Monsieur Olivier Kassi, coordinateur de notre master, pour son soutien et son aide.

Enfin, mes remerciements vont naturellement à mes parents, Noëlle, Richard et Virgile pour leur soutien et sans qui cette expérience universitaire et humaine au Vietnam, dans laquelle s'inscrit contextuellement ce mémoire, n'aurait pu avoir lieu.

3

SOMMAIRE

Prolégomènes - Les concepts de liberté d'entreprendre et protection de la santé Section 1 - La liberté d'entreprendre : un concept non défini par le droit

Section 2 - La protection de la santé : un concept évolutif

Première partie - La protection de la santé et les personnes : Une limitation fondée sur la qualité des personnes dans le cadre de leur participation aux activités économiques

Premier chapitre - La protection de la santé comme fondement des limites à l'exercice d'une profession : l'exigence de qualités inhérentes aux personnes

Second chapitre - La protection de la santé comme fondement des limites à la liberté d'entreprendre dans la cadre de la recherche : le problème de la qualité de personne humaine du sujet comme moyen de la recherche

Seconde partie - La protection de la santé et les biens : Une limitation fondée sur la nature et la destination des biens dans le cadre de leur commercialisation

Premier chapitre - La protection de la santé comme fondement des limites à la commercialisation de biens du fait de leur nature

Second chapitre - La limitation du commerce de biens dans le contexte de la libre circulation des marchandises : l'exemple des produits destinés à la santé des personnes

Conclusion générale Annexes

Bibliographie générale Table des matières

4

« Il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. » Friedrich Wilhelm NIETZSCHE, extrait de Ainsi parlait Zarathoustra

PROLÉGOMÈNES
LES CONCEPTS DE LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE ET PROTECTION DE LA SANTÉ

5

« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité.

La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique et sociale.

La santé de tous les peuples est une condition fondamentale de la paix du monde et de la sécurité ,
· elle dépend de la coopération la plus étroite des individus et des Etats.

Les résultats atteints par chaque Etat dans l'amélioration et la protection de la santé sont précieux pour tous.

L'inégalité des divers pays en ce qui concerne l'amélioration de la santé et la lutte contre les maladies, en particulier les maladies transmissibles, est un péril pour tous.

Le développement sain de l'enfant est d'une importance fondamentale ; l'aptitude à vivre en harmonie avec un milieu en pleine transformation est essentielle à ce développement. L'admission de tous les peuples au bénéfice des connaissances acquises par les sciences médicales, psychologiques et apparentées est essentielle pour atteindre le plus haut degré de santé.

Une opinion publique éclairée et une coopération active de la part du public sont d'une importance capitale pour l'amélioration de la santé des populations.

Les gouvernements ont la responsabilité de la santé de leurs peuples ,
· ils ne peuvent y faire face qu'en prenant les mesures sanitaires et sociales appropriées. » [Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé (extrait)]

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. » [Article IV de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789]

Parmi les grandes libertés conférées aux individus, on compte aujourd'hui la liberté d'entreprendre ; mais elle n'est pas définie par le droit. Que recouvre-t-elle ? (section 1). Sans être remise en question dans son principe, cette liberté trouve des limites tenant aux droits d'autrui ; parmi celles-ci, on trouve la protection de la santé, nous allons la définir (section 2).

Section 1. La liberté d'entreprendre : un concept non défini par le droit

6

« Considérant que la liberté d'entreprendre n'est ni générale, ni absolue ,
· qu'il est loisible au législateur d'y apporter des limitations exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée ,
· (...) »1

« Soit ! Mais quelle liberté serait donc générale et absolue ? Il n'y en a aucune. Je trouve surprenant que l'accent soit mis sur le fait que cette liberté n'est ni générale ni absolue - ce qui est généralement perçu comme une restriction à l'égard de la liberté d'entreprendre - alors que c'est le lot commun, me semble-t-il, de toutes les libertés. Il n'est donc pas question de revendiquer pour la liberté d'entreprendre, non plus que pour aucune autre, un caractère général et absolu qui ne serait ni possible ni souhaitable. »2

Voilà une réponse pleine de bon sens apportée par M. CARCASSONNE à ce célèbre considérant du Conseil Constitutionnel relatif à la portée de la liberté d'entreprendre. En effet, le concept juridique de la liberté, comme celui de l'égalité par exemple, est issu d'une valeur au sens de « ce qui est posé comme vrai, beau, bien, d'un point de vue personnel ou selon les critères d'une société et qui est donné comme un idéal à atteindre, comme quelque chose à défendre »3. Or en pratique, cet idéal, cet objectif, n'est pas en soi atteignable, mais le droit cherche à le rendre effectif en le conciliant avec d'autres idéaux, des principes d'intérêt général, et dans le respect des droits d'autrui. C'est ainsi que le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre tire, notamment, sa source de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 17894. C'est donc en puisant dans la source juridique de la liberté d'entreprendre que nous trouvons celle de ses limites.

Pour comprendre la portée de cette liberté (II) et tenter de la définir (III), il faut remonter à ses origines (I) sans oublier ses équivalents en droit de l'Union européenne (IV).

1 CC, 89-254 DC, 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations, Rec. Cons. const. 41

2 CARCASSONNE G., « La liberté d'entreprendre », L'entreprise et le droit constitutionnel - Colloque du CREDA, 26 mai 2010

3 Dictionnaire Larousse.fr, http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/valeur/80972

4 CC, 81-132 DC, 16 janvier 1982 : « (...) la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre (...) »

7

I - Genèse de la liberté d'entreprendre : un acquis de la Révolution française (1789-1799)

On ne peut envisager d'étudier les origines (A), objectifs et conséquences (B) de la liberté d'entreprendre sans évoquer son quasi alter ego, la liberté du commerce et de l'industrie.

A - Consécration juridique des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie

Première tentative. Il nous faut remonter sous l'Ancien Régime5 pour percevoir une tentative d'établissement de la liberté du commerce et de l'industrie avec l'édit de septembre 1774 établissant la liberté de circulation relative au commerce des grains et l'édit de février 1776 établissant la liberté « d'embrasser et d'exercer dans tout notre royaume et notamment dans notre bonne ville de Paris telle espèce de commerce et telle profession d'arts et métiers qui bon leur semblera, et même d'en réunir plusieurs ». Cependant, cet essai sera vite remis en question jusqu'en 1791.

La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 consacrera dans son article 4 la liberté individuelle, qui sera redécouvert en 1982 par le Conseil constitutionnel en tant que fondement de la liberté constitutionnelle d'entreprendre.

Décret d'Allarde. La loi des 2-17 mars 1791 dite « décret d'Allarde » (dans la terminologie de l'époque, les lois étaient qualifiées de décrets quand elles n'avaient pas reçu la sanction royale) consacra les principes de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté d'entreprendre, sans qu'ils furent toutefois mentionnés expressément. Ainsi son article 7 dispose qu'« à compter du 1er avril prochain, il sera libre à toute personne de faire négoce ou d'exercer telle activité, art ou métier qu'elle trouvera bon ; mais elle sera tenue de se pourvoir auparavant d'une patente, d'en acquitter le prix d'après les taux ci-après déterminés, et de se conformer aux règlements de police qui sont ou pourront être faits. »

Quelques mois plus tard, la loi « Le Chapelier » des 14-17 juin 1791 viendra conforter ces principes en abolissant les corporations et groupements. Elle fut abrogée par la loi du 21 mars 1884 sur les syndicats.

Quels étaient les objectifs de cette reconnaissance à l'époque ? Quelles en ont été les conséquences ?

5 GUIBAL M., « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, Dalloz, février 2003 (MAJ octobre 2010)

8

B - Objectifs et conséquences des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie

Selon M. GUIBAL, en 1789, la liberté du commerce et de l'industrie répondait à un double objectif : « D'une part, la puissance publique ne peut prendre en charge une activité qui pourrait être assumée par les citoyens. Si elle monopolisait cette activité à son profit, elle commettrait une infraction flagrante. Mais elle commettrait aussi une infraction en prenant en charge une partie de cette activité et en laissant les citoyens libres de prendre en charge l'autre partie concurremment avec elle, car la concurrence serait inégale, compte tenu des moyens exorbitants dont dispose la puissance publique. La seconde conséquence principale de la reconnaissance de la liberté du commerce et de l'industrie est l'interdiction faite à la puissance publique de fausser le libre jeu de la concurrence entre les citoyens - et les entreprises6 -. Elle ne doit pas intervenir par voie réglementaire, non seulement pour interdire certaines activités, non seulement pour favoriser certaines personnes au détriment d'autres, mais encore pour troubler la libre concurrence. »7

Plus largement, pour M. RIVÉRO8, « la liberté d'entreprendre n'interdit pas l'existence d'un secteur public, mais elle interdit la suppression du secteur privé. La proportion de chacun des deux secteurs peut varier d'une époque à l'autre, mais un certain équilibre doit subsister. Si le législateur porte atteinte gravement à cet équilibre, son action doit désormais être considérée comme inconstitutionnelle. »9

Aujourd'hui, on peut résumer ces objectifs et conséquences de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie avec la coexistence des secteurs public et privé, la fin des corporations, la libre concurrence et, en somme, avec la liberté des individus de créer une activité économique et d'accéder aux professions qui en découlent.

Maintenant que nous avons approché les origines, les objectifs et conséquences de ces libertés, intéressons-nous dès à présent à leur portée juridique.

6 Tout au long de notre démonstration, nous envisagerons le concept d'entreprise au sens d'entité de droit privé exerçant une activité économique (conception restrictive de la notion d'entreprise, notamment au regard de la définition large de l'entreprise en droit de l'UE qui inclut les entreprises publiques (CJCE, 23 avril 1991, Höfner).

7 Ibidem.

8 RIVÉRO J., « Ni lu, ni compris ? », AJDA 1982.209, cité par GUIBAL M., op. cit., note 5

9 GUIBAL M., op. cit., note 5

9

II - Portée juridique de la liberté d'entreprendre : une place importante dans la hiérarchie des normes

Comprendre la portée juridique de la liberté d'entreprendre ne peut se faire en ignorant son quasi alter égo. Il nous faudra pour cela étudier la valeur juridique de ces principes (A) avant de les confronter (B).

A - La valeur juridique des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie Valeur juridique de la liberté du commerce et de l'industrie

Principe général du droit. Tout d'abord, notons que la liberté du commerce et de l'industrie connait plusieurs apparitions expresses dans la loi10 et dans des arrêts du Conseil d'Etat11, qui se réfère plus souvent à ce principe qu'à celui de la liberté d'entreprendre (le Conseil Constitutionnel se référant quant à lui à la liberté d'entreprendre). Par ailleurs, la liberté du commerce et de l'industrie a été reconnue comme un principe général du droit12 (règle jurisprudentielle applicables sans texte), ce qui explique notamment que le Conseil d'Etat ne se réfère pas nécessairement au décret d'Allarde quand il évoque cette liberté.

Quelles sont les conséquences de cette qualification de principe général du droit ? La doctrine est partagée sur la valeur juridique des principes généraux du droit et donc sur leur place dans la hiérarchie des normes. Selon M. CHAPUS, ils ont une valeur infra-législative et supra-décrétale. Mais selon M. GENEVOIS, cette approche parait trop réductrice « alors que le droit comparé nous montre qu'il peut y avoir des principes constitutionnels non-écrits. »13 Ainsi l'auteur défend la thèse selon laquelle on peut aussi bien « faire dépendre la valeur juridique

10 Voir par exemple les articles 5 et 48 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

11 Voir par exemple, CE, 4 mars 1910, 29373, publié au recueil Lebon

12 CE Ass., 20 décembre 1935, Éts Vezia (Lebon T. 1212, RD publ. 1936. 119, concl. R. Latournerie) : « Le Conseil d'Etat admet que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie est applicable dans les colonies soumises à une législation autonome et dans lesquelles la loi de 1791 n'avait pas été promulguée » (V. LATOURNERIE, concl. RD publ. 1936. 127. - F. DREYFUS, op. cit., p. 227)) ;

CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac (à propos de la décision du maire d'une commune de soumettre à autorisation préalable l'activité de photographie dans les rues) ;

CE Ass., 13 mai 1983, Sté René Moline ;

CE, 13 mai 1994, Présid.de l'assemblée territoriale de la Polynésie française

13 GENEVOIS B., « Principes généraux du droit », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz

10

d'un principe général du droit du point de savoir s'il est le fruit de l'interprétation d'un texte ou procède d'une reconnaissance par le juge à partir de l'esprit général de la législation. Dans le premier cas, la valeur du principe est fonction du niveau dans la hiérarchie des normes du texte interprété. [...] Lorsqu'un principe ne peut, prima facie14, être rattaché à un texte constitutionnel ou conventionnel [...] il paraît logique de s'en tenir à l'affirmation de sa valeur infra-législative et supra-décrétale. Mais de tels principes sont toujours susceptibles de faire l'objet d'une promotion ultérieure, pour autant qu'ils viendraient à être pris en considération par le juge constitutionnel ou trouveraient un équivalent dans l'interprétation que reçoit le droit conventionnel. »15

Il semblerait ainsi que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie étant issu de la loi des 2-17 mars 1791 ait, en tant que principe général du droit, une valeur législative.

Liberté publique. Ensuite, la liberté du commerce et de l'industrie est une liberté publique placée par l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 sous la sauvegarde du législateur.16

Quelles sont les conséquences de cette qualification ? Cela signifie, en théorie, que le législateur est exclusivement compétent pour réglementer les garanties fondamentales de l'exercice de la liberté du commerce et de l'industrie, à savoir, étendre ou restreindre le domaine dans lequel elle s'exerce. Mais, comme le souligne M. GUIBAL, cela « n'implique évidemment pas une compétence exclusive du législateur pour réglementer directement toutes les formes de son exercice. Elle implique une exclusivité du législateur soit pour réglementer intégralement - si cela est techniquement possible - telle ou telle modalité d'exercice de la liberté, soit - ce qui est beaucoup plus fréquent pour des raisons techniques - pour fixer aux autorités administratives les limites à l'intérieur desquelles ces autorités auront compétence pour encadrer l'exercice de la liberté. »17 Ainsi, à titre d'illustration, on peut noter qu'en l'absence de loi, la subordination par le maire d'une commune de l'exercice d'une activité économique à la délivrance d'une autorisation préalable est contraire à la liberté du commerce

14 Expression latine signifiant « Au premier regard »

15 GENEVOIS B., op. cit. Note 12

16 CE Sect., 18 octobre 1960, Martial de Laboulaye ; CE Ass., 22 juin 1963, Syndicat du personnel soignant de la Guadeloupe, Rec. CE, p. 386 (le gouvernement ne peut porter atteinte au « libre accès à l'exercice par les citoyens de toute activité professionnelle n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale »)

17 GUIBAL M., op. cit., note 5

11

et de l'industrie.18 Il existe de nombreuses limitations réglementaires à la liberté du commerce et de l'industrie, mais elles ne sont possibles que par habilitation législative, la loi étant garante de cette liberté.19

Enfin, le Conseil Constitutionnel n'a pas reconnu de valeur constitutionnelle à la liberté du commerce et de l'industrie, ce qui n'est pas le cas de la liberté d'entreprendre.

Valeur juridique de la liberté d'entreprendre

Valeur constitutionnelle. Par une décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982 dite « Nationalisation », le Conseil Constitutionnel a reconnu comme principe à valeur constitutionnelle la liberté d'entreprendre. Le Conseil précisera dans cette même décision que « la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre. »

Le Conseil a toutefois précisé la même année, concernant la liberté de communiquer et la liberté d'entreprendre, que « ces libertés qui ne sont ni générales ni absolues ne peuvent exister que dans le cadre d'une réglementation instituée par la loi (...).20

Ainsi, « il est loisible au législateur d'y apporter [au principe de la liberté d'entreprendre] des limitations exigées par l'intérêt général à la condition que celles-ci n'aient pas pour conséquence d'en dénaturer la portée. »21

De même, le législateur peut apporter à cette liberté des limitations « liées à des exigences constitutionnelles »22 comme par exemple l'objectif constitutionnel du pluralisme23. Ainsi, cette liberté doit être conciliée avec les autres principes à valeur constitutionnelle, notamment

18 CE, 22 juin 1951, Daudignac

19 Outre la jurisprudence Laboulaye précitée ; CE, 22 mars 1991, Association Fédérale des Nouveaux Consommateurs et Société Tousalon

20 CC, 82-141 DC, 27 juillet 1982

21 CC, 89-254 DC, 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations

22 CC, 2000-433 DC, 27 juillet 2000

23 CC, 2000-433 DC, 27 juillet 2000

12

issus du Préambule de 1946, à condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivit.24

En résumé, le législateur peut apporter des limites à la liberté d'entreprendre si elles sont justifiées par des exigences constitutionnelles ou par l'intérêt général et à la condition de respecter le principe de proportionnalité au regard de l'objectif poursuivi.25 Ainsi on peut dire que la loi ne peut remettre en cause substantiellement la liberté d'entreprendre mais elle peut et doit la mettre en oeuvre.

Outre le contrôle de conformité des lois à la liberté d'entreprendre opéré par le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat a pu examiner la conformité d'actes administratifs à la liberté d'entreprendre26 ou à la protection de la santé.27 En effet, « lorsqu'il ne fait pas application de la théorie de l'écran législatif28 (...), le juge administratif opère un contrôle de constitutionnalité direct de l'acte administratif dans deux hypothèses : quand l'acte

24 CC, 2004-509 DC, 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la cohésion sociale : « pour poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de 1946, le droit pour chacun d'obtenir un emploi, il peut apporter à la liberté d'entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi»

25 CC, 2010-55 QPC, 18 octobre 2010 : « Il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. »

26 CE, 9 nov. 2007, req. no 257252 ; CE, 10 juin 2009, req. no 318066

27 CE, 2 juill. 2007, req. no 295685

28 « Le juge administratif français s'est traditionnellement refusé à opérer un contrôle de constitutionnalité des lois, qu'il s'agisse d'un contrôle direct ou dans le cadre de l'examen de la légalité d'un acte administratif. », « Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des actes administratifs, le juge ordinaire distingue deux hypothèses : soit aucune loi ne s'interpose entre la Constitution et l'acte administratif à analyser, soit cet acte administratif est fondé sur une loi qui fait écran entre cet acte et la Constitution. Contrôler la constitutionnalité de cet acte administratif reviendrait alors à contrôler indirectement la constitutionnalité de la loi, car l'acte administratif serait toujours conforme à la loi, même s'il n'est pas conforme à la Constitution. », VERPEAUX M., « Contrôle de constitutionnalité des actes administratifs », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, janvier 2011 (mise à jour : janvier 2012).

En résumé, le juge administratif, refuse d'effectuer un contrôle de constitutionnalité d'un acte administratif qui résulte directement de l'application d'une loi (l'acte est ici vu comme contenant des dispositions d'application de la loi se bornant à la réitérer) car cela reviendrait, selon la théorie de la loi-écran, à contrôler la constitutionnalité d'une loi, examen réservé au Conseil Constitutionnel.

13

administratif relève du pouvoir réglementaire autonome (Const., art. 37)29 ou quand l'acte ne constitue pas une stricte application de la loi. »30

Par ailleurs, il faut noter que les actes de gouvernement non détachables de la conduite des relations internationales de la France échappent à tout contrôle juridictionnel et peuvent donc faire échec à la liberté d'entreprendre.31

Liberté fondamentale. Enfin, il faut noter que la liberté d'entreprendre est une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative32 relatif au référé liberté33. Ainsi, les justiciables disposent d'un recours juridictionnel célère pour contester toute atteinte à la liberté fondamentale d'entreprendre.

Nous venons de la voir, la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie n'ont pas la même valeur juridique mais coexistent. Il est temps de confronter ces principes et d'en dégager les similitudes et les différences. De même, nous pouvons légitimement nous demander quel est l'intérêt de leur coexistence.

29 « Les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire. »

30 VERPEAUX M., op. cit. note 27

31 CE, 29 décembre 1997, Sté Héli-Union, req. no138310 : En l'espèce, un décret pris par le gouvernement et faisant appliquer une résolution de l'ONU interdisait aux citoyens la fourniture de tout avion ou tout composant d'avion à la Libye.

32 Article L. 521-2 du Code de justice administrative: "Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (...) aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale..."

33 CE, 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay, requête numéro 239840

14

B - Les rapports entre la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie

Généralement, la doctrine considère que la liberté du commerce et de l'industrie est un principe englobant la liberté d'entreprendre et la libre concurrence.34 Selon cette conception, la liberté d'entreprendre serait identique à la liberté du commerce et de l'industrie sans son versant concurrentiel.

Ensuite, une partie de la doctrine considère que la liberté d'entreprendre est l'appellation moderne de la liberté du commerce et de l'industrie.35 On peut se demander si cette conception ne relève pas, entre autres, d'une analyse liant la terminologie de ces principes (« commerce », « industrie », « entreprendre ») et le contexte historique, économique et politique dans lequel ils interviennent ou sont intervenus (abolition des corporations, industrialisation, libéralisme, valorisation de l'entreprenariat, etc.). Pour illustrer ces contextualisations, on peut souligner que ces principes sont parfois utilisés à des fins politiques. On peut par exemple évoquer la récente volonté de Mme PARISOT de « demander au gouvernement d'inscrire la "liberté d'entreprendre dans la Constitution" et de mettre "la compétitivité" au centre des débats, lors de l'ouverture de la conférence sociale avec les partenaires sociaux [du] lundi 9 juillet [2012]. »36

Par ailleurs, on peut se demander si ces deux principes n'auraient pas au final comme différence que leur valeur juridique. Affirmer cela ne signifie pas qu'il est inopportun de faire coexister juridiquement ces deux principes et qu'il faudrait ainsi abandonner l'un des deux. En effet, au-delà des problèmes d'intelligibilité du droit que peut poser cette coexistence, elle

34 « V. par exemple, Jean-Yves Chérot, Droit public économique, Economica, 2002, p. 44 ; Hubert-Gérald Hubrecht, Droit public économique, Dalloz, 1997, p. 86 ; Jean-Philippe Colson, Droit public économique, LGDJ, 1995, p. 48 ; Pierre Bon, La liberté d'entreprendre, in Dictionnaire constitutionnel, sous la dir. de Olivier Duhamel et Yves Meny, 1992, p. 582 ; contra Pierre Delvolvé, Droit public de l'économie, Dalloz, 1998, p. 105 et s. » Cité par JACQUINOT N. dans « La liberté d'entreprendre dans le cadre du référé-liberté : un cas à part ? », AJDA 2003 p. 658

35 RUET L., « Du principe de rivalité », Recueil Dalloz, 2002 p. 3086 : « Le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791, qui pose le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, rebaptisé aujourd'hui liberté d'entreprendre » ; CARCASSONNE G., op. cit. note 2 : « Ce n'est qu'à partir de la Révolution que, véritablement, ce qui s'appellera longtemps la liberté du commerce et de l'industrie (avant que de s'appeler la liberté d'entreprendre), sera proclamé de manière définitive. »

36 Le Monde.fr avec AFP. « Parisot veut inscrire la "liberté d'entreprendre" dans la Constitution ». http://www.lemonde.fr/ (page consultée le 16 mars 2013)

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peut présenter un intérêt contentieux. Nous disions précédemment que le Conseil d'Etat a pu examiner la conformité d'actes administratifs à la liberté d'entreprendre ; pourtant, « l'invocation par les parties et leurs conseillers de normes à valeur constitutionnelle et le recours à celles-ci par le juge administratif restent, malgré tout, exceptionnel »37. En effet, l'invocation de normes à valeur constitutionnelles est un moyen pouvant entrainer l'application par le juge administratif de la théorie de l'écran législatif. Pour éviter cela, deux alternatives s'ouvrent aux justiciables. Premièrement, ils peuvent invoquer les instruments internationaux, dont le contenu est souvent semblable aux normes constitutionnelles (notamment concernant les droits et libertés), pour demander au juge ordinaire d'effectuer un contrôle de conventionalité38 pour contrôler la conformité de la loi nationale avec les traités internationaux et le droit communautaire dérivé.39 Notons que « la mise en cause de la loi peut seulement être invoquée quand celle-ci est la base de l'acte administratif objet du recours. »40 Deuxièmement, et c'est là que se trouve l'intérêt de la coexistence de nos deux principes, les justiciables peuvent invoquer devant le juge administratif la liberté du commerce et de l'industrie issue de la loi des 2 et 17 mars 1791 pour contester un acte administratif et ainsi faire échec à la théorie de la loi-écran. En effet, si un justiciable invoque le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre pour contester un acte administratif qui résulte directement de l'application d'une loi, le juge administratif pourra leur opposer la théorie de la loi-écran dans la mesure où contrôler la constitutionnalité de cet acte reviendrait à contrôler celle de la loi qu'il se borne à réitérer. Cette analyse demeure toutefois très théorique.

Enfin, et c'est la conception que nous retiendrons, le Conseil d'Etat a récemment affirmé que la liberté du commerce et de l'industrie est une composante de la liberté fondamentale d'entreprendre41 (le terme « fondamentale » étant utilisé pour répondre au contexte de l'arrêt rendu qui était relatif au référé liberté de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative).

37 VERPEAUX M., op. cit. note 27

38 Contrôle rendu possible devant le juge judiciaire depuis Cass., ch. mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre et devant le juge administratif depuis CE Ass., 20 oct. 1989, req. no 108243, Nicolo

39 Concernant les règlements, CE 24 sept. 1990, req. no 58657 ; concernant les objectifs d'une directive restés non transposés, une fois expiré son délai de transposition, CE Ass., 28 févr. 1992, SA Rothmans International France et SA Philip Morris France, req. no 56776

40 VERPEAUX M., op. cit. note 27

41 CE, 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay, requête numéro 239840 : « (...) la délibération litigieuse ne saurait être regardée comme portant une atteinte grave à la liberté du commerce et de l'industrie qui est une composante de la liberté fondamentale d'entreprendre »

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A ce titre, le fait que cette affirmation émane du Conseil d'Etat, qui se réfère généralement à la liberté du commerce et de l'industrie (alors que le Conseil Constitutionnel se réfère quant à lui à la liberté d'entreprendre) ne peut que renforcer son autorité. En somme, si on voyait là (notamment) une « guerre terminologique » entre ces deux juridictions, le fait que le Conseil d'Etat vienne donner force supérieure à la liberté d'entreprendre sur la liberté du commerce et de l'industrie a, au minimum, une portée symbolique remarquable.

Au-delà de cette remarque, ce que nous avons expliqué précédemment sur l'utilité d'invoquer la liberté du commerce et de l'industrie devant les juridictions administratives plutôt que la liberté d'entreprendre au regard de la théorie de l'écran législatif peut aussi expliquer le choix par les juridictions (ou les justiciables) d'utiliser l'un ou l'autre de ces deux principes.

Par ailleurs, Mme JACQUINOT nous livre une analyse intéressante et pertinente de cet arrêt : « En effet, le Conseil d'Etat, en choisissant de faire de la liberté du commerce et de l'industrie une composante de la liberté d'entreprendre (...) et non l'inverse, a pris le contre-pied de la position généralement retenue. Il retient donc délibérément une conception de la liberté d'entreprendre qui laisse planer un doute sur ses composantes exactes mais qui ne peut être que très large, sauf à exclure la liberté de concurrence, puisque, traditionnellement, la liberté du commerce et de l'industrie était considérée comme incluant cette dernière. Pour l'instant, étant donné que la liberté du commerce et de l'industrie implique d'accéder librement aux activités économiques et donc aux professions qui en découlent, il est logique, dans cette perspective large, que la liberté d'entreprendre englobe plus généralement le libre exercice de toute activité professionnelle (...), reconnue plus récemment (...), et sans que le Conseil d'Etat ait besoin de faire explicitement mention de ce rattachement. »42

Ce dernier commentaire nous amène à nous interroger sur le contenu de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie, composante de cette première.

42 JACQUINOT N., « La liberté d'entreprendre dans le cadre du référé-liberté : un cas à part ? », AJDA 2003, p. 658

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III - Contenu polysémique de la liberté d'entreprendre

Nous l'avons dit, nous considérons dorénavant la liberté du commerce et de l'industrie comme composante de la liberté d'entreprendre. Ainsi nous nous permettront de confondre à certains moments ces deux termes. Avant d'évoquer le contenu de la liberté d'entreprendre et ainsi la définir (B), nous devons déterminer quels en sont les bénéficiaires (A).

A - Les bénéficiaires de la liberté d'entreprendre (conception restrictive)

Nous allons tenter de donner une définition des bénéficiaires de la liberté d'entreprendre. Notre définition n'a pas pour ambition d'être absolue mais de tenter de dégager la logique globale qui se trouve derrière la reconnaissance de cette liberté afin de la cerner. Nous pouvons dire, qu'en principe, cette liberté appartient aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique en leur nom et pour leur compte.

Premièrement, il s'agira donc des entreprises privées et des travailleurs indépendants. Concernant les entreprises, cette liberté s'exercera à travers leurs dirigeants de droit ou de fait. Par ailleurs, on doit exclure en principe les salariés des bénéficiaires de cette liberté à cause de leur lien de subordination vis-à-vis de leurs employeurs. Les salariés n'entreprennent pas une activité économique mais participent à son exercice.

Toutefois, au nom du « principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble l'article L. 120-2 du Code du travail43 »44, la Cour de cassation a pu déclarer illicite une clause de non-concurrence au motif qu'elle ne comportait aucune contrepartie financière au bénéfice de l'employé. On peut donner deux interprétations à cette décision. Premièrement, on peut rattacher le libre exercice d'une activité professionnelle des salariés à la liberté d'entreprendre et ainsi conclure qu'elle peut dans certains cas bénéficier à ces derniers. Deuxièmement, on peut distinguer le libre exercice d'une activité professionnelle des salariés du libre exercice d'une activité professionnelle des entreprises ou travailleurs indépendant. Le premier serait une notion autonome du droit du travail et le second serait une composante de la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini. Sans exclure la première interprétation, nous penchons plutôt vers la seconde. Enfin, s'il fallait retenir la première interprétation, il faudrait envisager que le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle

43 « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »

44 Cass. soc. 10 juill. 2002, N° 00-45.135

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tel qu'évoqué par la Cour de cassation puisse avoir un double contenu. Après la rupture d'un contrat de travail, il s'agirait d'une part, de la liberté d'être embauché dans nouvelle entreprise et d'autre part, de pouvoir créer une nouvelle activité économique. Dans le premier cas, on est dans une notion autonome du droit du travail et dans le second, on entre dans le cadre de la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini.

Deuxièmement, notre définition exclut les personnes publiques (et probablement les personnes privées agissant au nom et pour le compte des personnes publiques) et les activités d'intérêt général et donc, en principe, les services publics (service public hospitalier par exemple). M. GUIBAL précisera en ce sens qu' « Ici, la liberté des personnes privées ne semble pas s'arrêter là où commence la liberté des personnes publiques. En revanche, la liberté des personnes privées semble être un obstacle à la liberté des personnes publiques. Bref, la liberté du commerce et de l'industrie, individuelle ou collective, est bien une liberté publique, c'est-à-dire des droits et prérogatives accordés aux personnes privées. »45

Enfin, il faut noter que certains auteurs excluent les activités libérales de la liberté du commerce et de l'industrie. Par exemple, M. GENEVOIS considère qu'elles relèvent du libre exercice, par les membres des professions libérales, de leur activité : « Les professions libérales sont censées ne pas s'exercer comme un commerce. »46 On peut se référer en ce sens par exemple au principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins.47 Toutefois, outre le fait que nous nous référons à la notion de liberté d'entreprendre, cette exclusion semble avant tout relever d'une question terminologique. Nous préfèrerons donc nous référer à l'analyse de M. GUIBAL selon qui « Lorsqu'il s'agit de liberté du commerce et de l'industrie (...), les termes « commerce » et « industrie » ne doivent pas être pris au pied de la lettre, car cette liberté a un champ d'application beaucoup plus vaste et concerne la quasi-totalité des activités économiques. » En l'espèce, les professions d'avocat et de médecin libéral sont des activités économiques.

Evoquons dès à présent le contenu de cette liberté et tentons par la même de la définir.

45 GUIBAL M., op. cit., note 5

46 GENEVOIS B., op. cit. Note 12

47 CE, 20 avril 1988, Conseil national de l'ordre des Médecins ; article L. 257 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi no 71-525 du 3 juillet 1971

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B - Définition « stipulative » et composantes de la liberté d'entreprendre (conception large)

La liberté d'entreprendre, comme la liberté du commerce et de l'industrie, n'est pas définie par le droit. Ainsi nous donnerons notre propre définition de ce concept. A ce propos, selon

M. GUIBAL, « Le plus sage sera de s'en tenir, non pas à une définition de la liberté du commerce et de l'industrie qui n'est nulle part donnée, mais à l'idée que semblent s'en faire les juridictions, lorsqu'elles l'utilisent à la fois comme justificatif d'activités économiques et comme limite d'autres activités économiques. » C'est donc à travers le contenu, l'application et les limites de la liberté d'entreprendre que nous pouvons la définir. C'est pourquoi nous nous permettons de donner une définition large de ce principe, au-delà même de ce que nous en dit la jurisprudence, qui n'emploie pas toujours expressément les termes de liberté d'entreprendre ou de liberté du commerce et de l'industrie dans des situations analogues.

La doctrine a pu donner une définition intéressante de la liberté d'entreprendre qui serait la « liberté d'exercer une activité professionnelle, commerciale ou industrielle et donc d'accéder à ce type d'activité. »48 Cette définition comporte deux éléments : le libre exercice d'une activité économique privée et la libre création de cette activité ou son accès (accès à une profession, acquisition d'une société, etc.) Il serait réducteur de voir dans la liberté d'entreprendre uniquement la liberté de création d'une activité ou son accès car ces dernières ne peuvent être réelles que si elles s'accompagnent de la liberté d'exercer l'activité. En s'inspirant de cette dernière définition, nous définirons la liberté d'entreprendre comme la liberté conférée aux personnes privées d'exercer une activité économique et donc de la créer ou d'y accéder, de la gérer matériellement, de l'exploiter économiquement et d'y mettre un terme.

Concernant le contenu de la liberté d'entreprendre, M. CARCASSONNE nous dit que « c'est entreprendre, c'est exploiter, c'est aussi contracter (...), c'est aussi rechercher. »49 Globalement, la liberté d'entreprendre correspondrait à la vie de l'activité économique : création de l'activité ou son accès, exercice de l'activité et fin de l'activité. Nous définirons les composantes de cette liberté en donnant des exemples de limites à cette liberté.

48 FERRIER D., Libertés et droits fondamentaux sous la direction de R. Cabrillac, M-A Frison-Roche et T. Revet, Dalloz 2011 (17e édition), p. 770. Dans sa définition, l'auteur traite de la liberté du commerce et de l'industrie, dans laquelle il inclut la liberté d'entreprendre.

49 CARCASSONNE G., op. cit. note 2

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Créer ou accéder. Premièrement, la liberté d'entreprendre consiste à créer une activité économique ou à y accéder. Concrètement, l'entrepreneur pourra créer, acquérir ou organiser une entreprise, ce qui inclut par exemple le libre choix de la forme de l'entreprise (société anonyme, SARL, etc.) et le libre choix dans cette création de s'associer ou de ne pas s'associer (exemple : auto entrepreneur). De même, on peut parler de liberté d'établissement ou d'installation, ce qui implique le libre choix du lieu d'installation, y compris l'absence de lieu fixe (commerce ambulant), le libre choix du moment et de la durée de l'installation et la liberté de cumuler plusieurs activités économiques. M. GUIBAL précisera à ce sujet qu'« il n'en reste pas moins que la liberté d'installation est indiscutablement confortée par les diverses incitations que les personnes publiques mettent en place depuis de nombreuses années : aides financières, soutiens juridiques, avantages fonciers, exonérations fiscales, etc. »50

Enfin, le libre accès à une activité économique ne se résume pas aux professions mais peut s'étendre par exemple au libre accès aux contrats publics qui est fondé sur la liberté d'entreprendre.

Cette première composante de la liberté d'entreprendre connait des limites comme par exemple les conditions d'accès à certaines activité économique (capacité commerciale pour un commerçant, achat d'une charge pour un notaire, obtention d'un diplôme pour un médecin, etc.). De même, on peut relever l'obligation dans certains cas de déclaration d'existence qui consiste par exemple à se faire connaître des tiers en tant que commerçant, artisan ou professionnel libéral (inscription au Registre du commerce et des sociétés, inscription à un ordre professionnel, etc.). De même, certaines activités sont réservées à la puissance publique (création d'un crématorium,...) ou interdites (commerce de stupéfiants,...).

Exercer. Deuxièmement, la liberté d'entreprendre inclut la liberté d'exercer, gérer ou exploiter une activité économique. Il s'agira par exemple de définir la stratégie commerciale, choisir ses partenaires, collaborateurs51 ou encore se constituer une clientèle et l'étendre.52 De

50 GUIBAL M., op. cit., note 5

51 CC, 88-244 DC, 20 juill. 1988, Loi portant amnistie, « Considérant que les dispositions de l'article 15 risquent de mettre en cause la liberté d'entreprendre de l'employeur qui, responsable de l'entreprise, doit pouvoir, en conséquence, choisir ses collaborateurs ; que, dans certains cas, elles peuvent également affecter la liberté personnelle de l'employeur et des salariés de l'entreprise en leur imposant la fréquentation, sur les lieux de

travail, des auteurs d'actes dont ils ont été victimes ; » NB : l'article 15 précité est relatif à l'amnistie des
sanctions professionnelles et à la réintégration de certains salariés.

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même, il s`agira de pouvoir embaucher librement dans le cadre de cette activité. Plus largement sur ce dernier point, on parlera de liberté du travail. La liberté d'embaucher n'est pas sans limite, par exemple, l'employeur devra respecter le droit du travail et l'interdiction en droit de la discrimination. Concernant la discrimination, il faut se méfier du caractère péjoratif trop souvent conféré à ce terme. En effet, dans le cadre d'une embauche, l'employeur, peut tout à fait faire des discriminations sur l'expérience ou les compétences des candidats. La discrimination sera inacceptable lorsqu'elle consistera en une distinction ou préférence fondée sur un critère illégal ou illégitime comme l'origine ethnique, le sexe, la religion ou encore l'orientation sexuelle du candidat.

Plus précisément, cette liberté d'exercice est, selon M. GUIBAL, multiforme et « recouvre, en effet, une multitude de possibilités de choix variés : des méthodes de gestion, des procédés de fabrication, des matières premières, des produits à utiliser, des outils, des techniques de vente, des réseaux de distribution, des modalités de commercialisation, etc. Elle concerne tout à la fois la liberté de décision, la fixation du bénéfice, la possibilité de faire ou de ne pas faire crédit, d'accepter ou non d'être payé autrement qu'en espèces, de faire ou non de la publicité, la diversification des activités, la modernisation, l'informatisation, l'arrêt de la production, etc. La liste pourrait être prolongée sans peine. Toutes ces parcelles de libre arbitre, variables selon les secteurs et d'importance inégale selon les intéressés, sont évidemment intégrées à la liberté du commerce et de l'industrie. »53

Ensuite, cette liberté comprend la liberté contractuelle qui consiste en la liberté de contracter ou de ne pas contracter (vendre ou de ne pas vendre, etc.), de négocier des clauses du contrat (conditions de vente, prix, etc.) et de choisir son cocontractant (fournisseur, client, etc.). La question qui peut se poser ici est de savoir si la liberté contractuelle est une composante ou une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre. Notre conception large nous laisse à penser que la liberté contractuelle est à la fois une composante et une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre. Cette liberté peut être limité par exemple au regard de l'interdiction en principe du refus de vente vis-à-vis des consommateurs.

52 CC, 84-181 DC, 11 octobre 1984 : « Considérant que ceux-ci ne sauraient davantage soutenir que ces dispositions méconnaissent la liberté d'entreprendre alors qu'elles ne limitent en rien la création de nouveaux quotidiens ou l'expansion de la clientèle des quotidiens existants ; »

53 GUIBAL M., op. cit., note 5

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Ensuite, la liberté d'exercice consiste aussi dans la liberté de poursuivre ad personam l'activité entreprise (bien entendu, en dehors des cas de faillite, etc.). On peut trouver comme limites, par exemple, les nationalisations54 qui portent inévitablement atteinte au libre exercice. De même, quand un droit exclusif sur un objet de propriété intellectuelle tombe dans le domaine public, le détenteur perd son monopole d'exploitation au profit des tiers. La limite à la liberté d'entreprendre de ces tiers se trouve dans le respect de l'intégrité de l'oeuvre, imposé par le droit moral de l'auteur.

On inclut aussi dans le cadre de cette liberté d'exercer, la liberté de la recherche et de l'innovation. Nous envisageons ici la liberté de la recherche au sens de la liberté d'entreprendre, à savoir dans une optique économique et essentiellement dans le domaine de la recherche et développement. Au niveau de la recherche, on peut citer comme exemple le droit d'effectuer des recherches médicales sur les personnes. Quant à l'innovation, on peut se référer à la protection juridique des inventions biotechnologiques55 qui vise à définir une approche commune de l'attribution des brevets liés aux biotechnologies. Précisons toutefois que le droit d'effectuer des recherches sur un objet précis n'implique pas nécessairement la brevetabilité de ce dernier. Ainsi la question de la brevetabilité ne doit pas être confondue avec celle de la liberté de la recherche, bien que ces deux questions puissent être liées.

A ce sujet, Mme Gaumont-Prat éclaircit les liens entre brevet, recherche, innovation et liberté d'entreprendre : « Il importe de souligner le paradoxe inhérent au brevet pour comprendre le sens et la portée de la directive du 6 juill. 1998 sur la protection juridique des inventions biotechnologiques : ce sont des considérations tirées de l'intérêt général qui ont conduit le législateur à créer des monopoles au profit du breveté dans un système économique fondé sur la liberté d'entreprendre : le brevet constitue un facteur de développement technique et de progrès économique. »56

Il faut aussi noter que le droit de la propriété intellectuelle, en ce qu'il confère à un individu un monopole, un droit exclusif sur un objet de propriété intellectuelle (comme une invention),

54 Alinéa 9 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité. »

55 Voir en ce sens par exemple la directive n° 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques

56 GAUMONT-PRAT H., « Les tribulations en France de la directive n° 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques », Recueil Dalloz 2001 p. 2882

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n'est pas une composante de la liberté d'entreprendre mais une mise en oeuvre de cette dernière. En effet, la protection conférée par un brevet sur une invention permet à son titulaire de protéger l'exercice de son activité économique en ce qu'il est assuré d'avoir, en théorie, le temps d'amortir ses investissements grâce au monopole d'exploitation qui lui est conféré ; comme le permet, en l'absence de droits exclusifs, l'action en concurrence déloyale (notamment l'action en contrefaçon). Toutefois, en tant que modalité d'exercice de la liberté d'entreprendre et condition d'exercice du droit de propriété57, le droit de la propriété intellectuelle est aussi une limite à la liberté d'entreprendre des tiers au bénéficiaire de droits exclusifs.58 Ainsi la liberté d'entreprendre des uns peut constituer une limite à la liberté d'entreprendre des autres. On revient ainsi à l'un des fondements de la liberté d'entreprendre, l'article 4 de la DDHC de 1789, et aux relations qu'entretiennent la liberté d'entreprendre et le droit de propriété ; modalité et parfois condition d'exercice de cette dernière.59

Par ailleurs, on notera comme exemple de limite à la liberté de la recherche l'encadrement juridique de la recherche scientifique sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires. Ainsi, la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique interdit par principe la recherche dans ce domaine (sauf dérogations). Cette loi est d'ailleurs actuellement remise en question devant le parlement français.

Mettre fin. Troisièmement, nous affirmons qu'il existe, quelle que soit la valeur juridique qu'on lui donne, une liberté de mettre fin à une activité économique (cessation de l'activité), composante de la liberté d'entreprendre. Elle consisterait, à la fois en la liberté de détruire l'activité qui nous appartient et en la liberté d'en démissionner (l'activité continue d'exister).

57 CC, 90-283 DC, 08 janvier 1991 : « Considérant que les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d'application à des domaines nouveaux ; que parmi ces derniers figure le droit pour le propriétaire d'une marque de fabrique, de commerce ou de service, d'utiliser celle-ci et de la protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France ; »

58 « Les droits de propriété intellectuelle instituent des monopoles d'exploitation qui dérogent à la liberté du commerce et de l'industrie, M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d'auteur, Précis Dalloz, 2009, n° 62, p. 69., » cité par EDELMAN B., « L'oeuvre ne meurt jamais », Recueil Dalloz 2011 p. 1708

59 Par exemple, voir en ce sens : SCHOETTL J-E., « Le Conseil constitutionnel et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains », AJDA 2001 p. 18 : « Or, en soumettant systématiquement à autorisation administrative tout changement de destination d'un local commercial ou artisanal, la disposition critiquée, a jugé le Conseil, portait au droit de propriété et à la liberté d'entreprendre une atteinte hors de proportion avec l'objectif poursuivi (en ce sens, v. déc. n° 2000-433 DC du 30 juin 2000, « Sur les articles 65 et 66 de la loi »). »

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Pour comprendre les limites qui peuvent être apportées à cette liberté, il faut garder à l'esprit que les entreprises sont des petites sociétés (au sens de « groupe social formé de personnes qui se réunissent pour une activité ou des intérêts communs »60) que le droit cherche à protéger. En effet, l'entreprise est dans un monde économique avec des créanciers, des tiers et la chute d'une entreprise entraine des effets étendus. Ainsi par exemple, dans un objectif de protection de l'entreprise, ses membres et des tiers, la banqueroute, qui peut être analysée comme la faillite frauduleuse d'une entreprise, est une infraction pénalement réprimée par l'article L. 654, s. du Code de Commerce et constitue une limite à la liberté de mettre fin à une activité économique. Par ailleurs, le législateur a tenté de réglementer les parachutes dorés (indemnités de départ versées aux dirigeants d'entreprises)61, ce qui confirme que la liberté de de quitter une activité économique ou d'y mettre fin n'est pas absolue.

A titre d'illustration générale, nous pouvons évoquer la décision n° 2001-455 DC du 12 janvier 2002 à travers laquelle le Conseil Constitutionnel a pu censurer au nom de la liberté d'entreprendre l'article 107 de la loi de modernisation sociale, qui opérait une modification de la définition du licenciement économique. Le Conseil a considéré que « le cumul des contraintes que cette définition fait ainsi peser sur la gestion de l'entreprise a pour effet de ne permettre à l'entreprise de licencier que si sa pérennité est en cause ; qu'en édictant ces dispositions, le législateur a porté à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement excessive au regard de l'objectif poursuivi du maintien de l'emploi ; ». Quelles composantes de la liberté d'entreprendre étaient mises en cause ? Premièrement, en suppriment l'adverbe « notamment » de la liste des situations économiques permettant de licencier et donc en limitant aux trois cas qu'il énonce les possibilités de licenciement économique, le législateur a écarté le motifs tiré de la simple cessation d'activité de l'entreprise (limite à la liberté de mettre fin). Deuxièmement, avec la notion de « difficultés sérieuses n'ayant pu être surmontées par tout autre moyen », le juge est conduit à « substituer son appréciation à celle du chef d'entreprise quant au choix entre les différentes solutions possibles »62 et ainsi

60 Dictionnaire Larousse. http://www.Larousse.fr/ (page consultée le 4 mars 2013)

61 Selon la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, l'octroi de parachutes dorés doit faire l'objet de conventions réglementées approuvées par le CA et l'AG des actionnaires et la loi du 21 août 2007 dite « TEPA » (en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat) qui dispose que ces conventions soient rendues publiques et fixent des critères de performance du bénéficiaire des parachutes dorés.

62 CC, 2001-455 DC, 12 janvier 2002

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contrôler les choix stratégiques de l'entreprise qui relèvent, en vertu de la liberté d'entreprendre, du pouvoir de gestion du seul chef d'entreprise (limite à la liberté d'exercer).

Liberté du commerce et de l'industrie et libre concurrence. Enfin, la liberté d'entreprendre inclut la liberté du commerce et de l'industrie et donc toutes les composantes de cette dernière, ce qui nous permet en théorie d'inclure la libre concurrence. Toutefois, si comme une partie de la doctrine l'affirme, la libre concurrence devait être exclue de la liberté d'entreprendre, elle devrait au minimum être considérée comme une mise en oeuvre de cette dernière. En effet, par exemple, l'abus de position dominante, qui est contraire à la libre concurrence, est une pratique ayant notamment comme effet de fermer ou de restreindre l'entrée du marché à de nouveaux concurrents et ainsi de porter atteinte à la liberté d'entreprendre de ces derniers. De même, la liberté de la concurrence consistera par exemple, du point de vu des individus, en la liberté de pouvoir attirer la clientèle de ses concurrents.

Par ailleurs, concernant les rapports entre la libre concurrence et l'interventionnisme public, la jurisprudence depuis 193063 est constante sur le principe de l'interdiction de création d'un service public dans l'économie. Toutefois depuis 2006, l'interventionnisme est autorisé en cas d'intérêt public local résultant notamment d'une carence de l'initiative privée.64 L'adverbe « notamment » offre ainsi une perspective interventionniste bien plus large aux personnes publiques. En cas d'intervention, la collectivité territoriale devra respecter la libre concurrence, sauf si cette intervention résulte du prolongement d'un service public existant65, de l'exploitation d'une dépendance du domaine public,66 ou d'un service « in house ».67

La liberté d'entreprendre permet donc en principe à toutes personnes privées d'entrer sur le marché. Aujourd'hui, notamment avec le marché intérieur, nous nous devons étendre notre étude de la liberté d'entreprendre à son équivalant en droit de l'Union européenne.

63 CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers

64 CE, 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, n°275531

65 CE, 18 décembre 1950, Delansorme : il s'agissait d'un parc de stationnement qui a été complété par une station-service ; CE, 1996, SARL La Roustane : une université a pu créer une librairie universitaire en soin sein.

66 CE, 5 mai 1944, Compagnie maritime de l'Afrique oriental ; CE, 29 janvier 1932, Société des autobus antibois

67 CE, 29 avril 1970, Société Unipain : En l'espèce, une caserne militaire avait décidé de créer un service de boulangerie pour nourrir ses militaires (satisfaction des besoins d'un service public existant).

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IV - Droit de l'Union européenne et liberté d'entreprendre

Avant d'étudier la place de la liberté d'entreprendre dans le marché intérieur (B), nous donnerons un aperçu général des droits et principes de l'UE rattachables à cette dernière (A).

A - Principes généraux et droits fondamentaux rattachables à la liberté d'entreprendre

Aperçu général. En droit de l'Union européenne, la liberté d'entreprendre « se confond avec le libre exercice d'une activité professionnelle (CJCE, 9 sept. 2004, Espagne et Finlande c/ Parlement et Conseil, aff. jointes C-184/02 et C-223/02, Rec. I. 7789) »68 qui est un principe général du droit communautaire.69 Parmi les expressions de cette liberté, on peut évoquer, selon M. MOLINIER, « la liberté de choix du partenaire économique, à laquelle une réglementation de l'Union ne peut porter atteinte (CJCE, 16 déc. 1993, Luxlait, aff. C-307/91, Rec. I. 6835). »70

De même, au-delà du libre exercice des activités professionnelles étudier la liberté d'entreprendre implique aussi de se référer à la liberté générale d'agir et à la liberté de concurrence71. Enfin, on peut lier cette liberté avec le droit fondamental du libre accès à un emploi.72

Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre dans ces articles 15 et 16 la liberté professionnelle et la liberté d'entreprise.73

68 MOLINIER J., « Principes généraux », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, mars 2011 (MAJ : juin 2012)

69 TPICE, 29 janv. 1998, Dubois et Fils c/ Conseil et Commission, aff. T-113/96, Rec. II. 125. ; TPICE, 11 sept. 2002, Pfizer Animal Health c/ Conseil, aff. T-13/99, Rec. II. 3305

70 MOLINIER J., op. cit. note 67

71 CJCE, 21 mai 1987, Rau c/ BALM, aff. jointes 133 à 136/85, Rec. 2289

72 CJCE, 15 oct. 1987, Unectef c/ Heylens, aff. 222/86, Rec. 4097

73 Art. 15 : « 1. Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée. 2. Tout citoyen de l'Union a la liberté de chercher un emploi, de travailler, de s'établir ou de fournir des services dans tout État membre. 3. Les ressortissants des pays tiers qui sont autorisés à travailler sur le territoire des États membres ont droit à des conditions de travail équivalentes à celles dont bénéficient les citoyens de l'Union. » ; article 16 : « La liberté d'entreprise est reconnue conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales. »

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Portée des droits et principes. Source non écrite du droit et énoncés par le juge de l'Union européenne dans le cadre de l'exercice de son pouvoir prétorien, les principes généraux sont pourvus d'un effet direct et sont donc « spécialement invocables [devant le juge] par les particuliers. »74

Naturellement, la Cour de Justice a précisé que les droits fondamentaux ou plus largement principes généraux qu'elle reconnait « n'apparaissent pas comme des prérogatives absolues mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société ».75 Ainsi, « des restrictions peuvent être apportées à leur exercice, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, compte tenu du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même de ces droits »76. A ce propos, l'article 52 al. 1 de la Charte des droits fondamentaux reprends en substance cette jurisprudence et dispose que « Toute limitation de l'exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection des droits et libertés d'autrui. ».

Enfin, selon M. MOLINIER, ces principes généraux ont une valeur supérieure aux dispositions de droit dérivé et la Cour de Justice leur reconnait « une valeur égale aux dispositions des traités institutifs. »77. Ainsi font partie du droit communautaire primaire, les « principes généraux dont font partie les droits fondamentaux. »78

Après ce bref paysage des droits et principes, nous devons étudier la place de la liberté d'entreprendre au sein du marché intérieur.

74 MOLINIER J., op. cit. note 67

75 CJCE, 14 mai 1974, Nold c/ Commission, aff. 4/73, Rec. 491

76 CJCE, 13 juill. 1989, Wachauf c/ Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft, aff. 5/88, Rec. 2609

77 Cf., « L'Union est une Union de droit dans laquelle ses institutions sont soumises au contrôle de la conformité de leurs actes, notamment avec le Traité FUE et les principes généraux du droit (dernièrement : CJUE, grande chambre, 29 juin 2010, E. et F., aff. C-550/09, non encore publié) », cité par MOLINIER J., op. cit. note 67

78 « Toutefois, cette primauté au plan du droit communautaire ne s'étendrait pas au droit primaire et, en particulier, aux principes généraux dont font partie les droits fondamentaux. » : CJCE, grande chambre, 3 sept. 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c/ Conseil et Commission, aff. C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. I. 6351, point 308 ; Les droit fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit communautaire : CJCE, 12 nov. 1969, Stauder c/ Ulm, aff. 29/69, Rec. 419

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B - La place de la liberté d'entreprendre au sein du marché intérieur

« S'agissant de la liberté d'entreprendre, le professeur L. IDOT écrit : "Etroitement liée au principe de libre circulation dans ses diverses composantes, la liberté d'entreprendre a néanmoins une portée encore plus large que celui-ci. La Cour de justice y rattache en particulier les deux piliers du droit privé que sont la propriété et la liberté contractuelle." »79

Concernant la propriété et la liberté contractuelle, nous ne nous y attarderons pas ici car le raisonnement est similaire à ce que nous avons dit précédemment concernant les liens entre la liberté d'entreprendre et la propriété ou la liberté contractuelle en droit français.

Libre circulation des marchandises. Avec l'instauration de l'union douanière80, qui s'étend à ensemble des échanges de marchandises, le droit de l'UE interdit entre les Etats membres les droits de douane à l'importation et à l'exportation ainsi que toutes taxes d'effet équivalant. Plus largement, le droit de l'UE tend à éliminer les entraves à la libre circulation des marchandises, qu'elles soient de nature pécuniaires (interdiction des taxes d'effet équivalent à des droits de douane81) ou non pécuniaires (interdiction des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives82). Ainsi le droit de l'UE permet collectivement une mise en oeuvre effective de la liberté d'entreprendre au sein du marché intérieur.

Libre circulation des personnes et des services. La liberté d'entreprendre s'applique aux entreprises et aux travailleurs indépendants que l'on distingue des travailleurs salariés. Le critère de distinction est la subordination des salariés. On peut ainsi se référer à la liberté d'établissement (articles 49 et s. TFUE) des personnes exerçant une activité indépendante ainsi que des entreprises. L'établissement peut consister d'une part dans l'accès aux activités indépendantes et leur exercice, ce qui suppose un déplacement de la personne dans un autre Etat. D'autre part, il vise la constitution et la gestion d'entreprise, ce qui ne nécessite pas de

79 Cité par GUYOMAR M., « Le contrôle de constitutionnalité d'un règlement transposant une directive communautaire », RFDA 2007 p. 384

80 Articles 28, 30 et 32 du Traité sur le Fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE ») ; article 33 TFUE relatif à la coopération douanière)

81 Article 28 TFUE. Elles sont définies par la jurisprudence : CJCE, 14 décembre 1962, Commission c/ Grand-Duché de Luxembourg et Royaume de Belgique ; CJCE, 1er juillet 1969, Commission c/ Italie

82 Fondement : article 34 et 35 TFUE ; définition : CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville, CJCE, 9 décembre 1997, Commission c/ France [« Guerre des fraises »], CJCE, 24 novembre 1993, Keck et Mithouard

déplacement et consiste en pratique en un établissement économique et financier. La notion d'établissement a été précisée par la jurisprudence « Gebhard » rendue par la CJCE le 30 novembre 1995 : elle consiste pour un résident communautaire en la possibilité de participer de façon stable et continue à la vie économique d'un autre Etat que son Etat d'origine.

Enfin, on peut se référer à la libre prestation de service.83 Elle consiste pour le prestataire à se livrer sur un autre Etat membre à l'exécution d'une prestation de service de façon temporaire. Cette activité temporaire peut être occasionnelle ou même régulière mais dans ce cas sans implantation permanente parce que sinon il s'agirait de l'exercice du droit d'établissement.

Toutefois, des limites peuvent être apportées aux libertés de circulation, notamment au nom de la protection de la santé, nous y reviendrons.

Après cet aperçu général de la notion de liberté d'entreprendre en droit interne et en droit de l'Union européenne, nous allons dès à présent nous interroger sur la notion de protection de la santé.

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83 Articles 56 et 57 du TFUE.

Section 2. La protection de la santé : un concept évolutif

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« Ce droit [à la protection de la santé] est reconnu depuis la Seconde guerre mondiale de façon quasi unanime par l'ensemble des instruments de protection des droits de l'homme, aussi bien au niveau international et régional que national84, voire même sous la forme d'une valeur à défendre dans les traités établissant les organisations économiques que sont notamment l'Organisation mondiale du commerce ou l'Union européenne. L'ensemble de ces normes n'oblige cependant pas dans les mêmes termes les débiteurs du droit consacré. »85

Ces considérations nous amènent à étudier, afin de cerner la notion de protection de la santé, sa portée et son contenu (II), ses aspects en droits de l'Union européenne (III) et avant tout, l'évolution du concept de santé (I).

I - Evolution du concept de santé (conception large)

Alors que la conception traditionnelle voyait dans la santé un bien individuel à préserver, la conception contemporaine y voit une richesse collective indispensable à la puissance d'une nation ; ce qui justifie l'intervention des Etats dans ce domaine.

Droit à la santé. Il a été proclamé dès 1948 par les Nations-Unies dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme dont l'article 25 dispose que « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de

84 « Sur le plan international, (...) art. 25 § 1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, art. 12 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (...) Charte de l'Organisation mondiale de la santé de 1946, art. 5 §e-IV de la Convention relative à la lutte contre les discriminations raciales, art. 24 § 1 de la Convention sur les droits de l'enfant.

Au niveau régional, (...) art. 16 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples de 1981, art. 10 du Protocole additionnel à la Convention interaméricaine des droits de l'homme traitant des droits économiques sociaux et culturels, art. 11 de la Charte sociale européenne, dans sa version révisée de 1996, art. 35 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Enfin, la plupart des constitutions nationales contenant une référence aux droits sociaux reconnaissent ce droit à la protection de la santé. », GRÜNDLER T., op. cit. note 91, p. 835

85 GRÜNDLER T., op. cit. note 91, p. 835

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veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. » Pour autant, rares sont les Etats où ce droit est effectif pour tous car il exige des moyens considérables et une réelle volonté politique.

Politique de santé. En France, le principe d'une véritable politique de santé est désormais acquis. Cette volonté s'inscrit dans la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, qui est la première loi de promotion de la santé publique depuis celle de 190286. Désormais, l'existence et la nécessité d'une telle politique sont clairement affirmées au niveau législatif. L'article L. 1411-1 du CSP souligne que « La nation définit sa politique de santé selon des propriétés pluriannuelles ». Ainsi, cette politique est de surcroit institutionnalisée, elle doit faire l'objet d'un débat parlementaire annuel et doit définir les objectifs et les priorités du système de santé. Cette loi met en relief le rôle central de l'État, maitre d'oeuvre de toutes ces politiques, et donne à l'échelon régional le soin de décliner les objectifs et les programmes fixés au niveau national.

A travers le droit à la santé des individus et la politique de santé des Etats, que recouvre la notion de santé ? Son évolution a permis un élargissement de son champ d'application (A) et a transformé les rapports qu'elle entretient avec les individus. (B).

A - Evolution de la notion de santé : vers un élargissement de son champ d'application

Selon l'Organisation Mondiale de la Santé, « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. »87 Cette définition large de la notion de santé appelle deux remarques.

Acte de santé. Aujourd'hui, la santé ne vise plus simplement l'acte thérapeutique (acte de soin stricto sensu). Ainsi, le patient attend que la médecine apaise sa souffrance et les demandes de prise en charge de la douleur physique et morale sont de plus en plus fréquentes. De même, de nombreux actes demandés par les patients ont pour objet d'atteindre un autre résultat que le soin (par exemple : les IVG, procréation médicalement assistée,...).

86 Loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique

87 Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 Etats. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948.

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Enfin, est apparue une médecine du bienêtre et du confort et la médecine moderne concerne de plus en plus des sujets biens portants. Elle est sollicité pour répondre à des désirs divers comme avoir un enfant, changer de sexe, modifier son apparence physique, etc.

Prévention et prédiction. La santé ne peut plus être abordée sous le seul aspect curatif. En effet, la prévention est devenue essentielle, ce qui suppose une véritable organisation de la gestion du risque ainsi que des actions en faveur de l'éducation à la santé (exemple : prévention contre les risques liés au tabac et à l'alcool).

De même, on a une nouvelle forme de médecine, en particulier grâce aux tests génétiques : la médecine prédictive. Ceci conduit à transformer la place de la médecine dans la société.

L'évolution de la notion de santé s'est aussi accompagnée d'une reconsidération de la place du patient.

B - Evolution de la place du patient : vers un modèle autonomiste

Depuis la loi du 4 mars 2002, la priorité est donnée à la prise en considération de la personne malade et de ses droits. En effet, s'est substitué à un « model paternaliste » centré sur le médecin, un « model autonomiste » où le malade est conscient et peut prendre des décisions et les comprendre. C'est ainsi que son consentement est requis avant toute intervention et qu'il a le droit à être informé.

Il est donc acteur de sa propre santé et n'hésite pas à intervenir individuellement dans le « colloque singulier » (relation singulière de l'individu avec son médecin, protégée par le secret professionnel) mais aussi collectivement par le biais d'associations.

Le droit a pris acte de cette évolution sociologique et s'adaptant à ce contexte, il a dû multiplier les règles juridiques en matière de santé et donner une place prépondérante au droit à la protection de la santé.

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II - Portée juridique et contenu de la protection de la santé

Il résulte de la conception contemporaine de la santé (cf. supra) de nouvelles obligations pour les institutions publiques. Ainsi, la protection de la santé a acquis une certaine valeur juridique (A) et a été doté d'une définition et d'un contenu larges (B).

A - Valeur juridique de la protection de la santé

La protection de la santé est un principe à valeur constitutionnelle88 issu de l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.89 Les pouvoirs publics ont pour charge d'assumer la protection de la santé, et non la santé, « tache évidemment impossible, même pour l'Etat-providence. »90

A l'instar du juge constitutionnel italien qui considère que le droit à la santé présente deux aspects (l'un individuel et subjectif en tant que droit fondamental individuel, l'autre collectif, social et objectif, la protection de la santé dans l'intérêt de la collectivité91), la jurisprudence française retient une conception duale du principe de protection de la santé.92

L'analyse de la jurisprudence française faite par Mme GRÜNDLER montre qu'à côté de sa dimension individuelle, la dimension collective de la protection de la santé est mieux garantie par le juge qui, « au terme de son opération de conciliation de droits, n'hésite pas à faire prévaloir la protection de la santé publique, composante de l'intérêt général, sur des intérêts particuliers. »93 Dans son aspect individuel, le droit à la protection de la santé est à la fois un droit-liberté interdisant aux pouvoirs publics d'agir contre la santé des individus et à la fois un

88 CC, 74-54 DC, 15 janv. 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse ; CC, 90-283 DC, 08 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, « Considérant que l'évolution qu'a connue le droit de propriété s'est également caractérisée par des limitations à son exercice exigées au nom de l'intérêt général ; que sont notamment visées de ce chef les mesures destinées à garantir à tous, conformément au onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, "la protection de la santé" ; »

89 « Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »

90 MOREAU J., « Le droit à la santé », AJDA 1998 p. 185

91 Cour constitutionnelle italienne, Sent. 118, 18 avr. 1996

92 GRÜNDLER T., op. cit. note 91, p. 835

93 Ibidem.

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droit-créance impliquant l'accès aux soins.94 Toutefois, Mme GRÜNDLER évoquera à ce sujet « une justiciabilité sans effectivité du droit individuel » de protection de la santé.95

Quant à l'aspect collectif, il renvoi notamment à l'interprétation du Conseil constitutionnel de l'alinéa 11 du Préambule de 1946.96 En effet, le Conseil évoque la protection de la santé « publique », terme qui élargit la portée de la protection de la santé à des perspectives collectives. Cela explique par exemple que le Conseil d`Etat a refusé de qualifier de liberté fondamentale (dans le cadre du référé liberté) le droit individuel à la protection de la santé invoqué par le requérant, retenant ainsi sa seule dimension collective.97

Au-delà de cette dualité que nous venons d'évoquer sommairement, nous retiendrons, comme pour la liberté d'entreprendre, une conception large de la protection de la santé.

Enfin, le principe de protection de la santé peut entrer en conflit avec d'autres normes juridiques, comme par exemple, la liberté d'entreprendre et le droit de propriété98, le droit de grève99, la liberté d'aller et venir100 ou encore la libre disposition du corps humain.101 Le juge devra alors concilier ces différents principes qui sont, bien évidemment, ni généraux, ni absolus.

Il est temps maintenant de tenter de définir le concept de protection de la santé.

94 Ibid.

95 Ibid.

96 CC, 90-283 DC, 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme

97 « CE, ord. 8 sept. 2005, Garde des Sceaux c/ Bunel. L'espèce concernait un détenu ayant subi un infarctus du myocarde, qui demandait au juge, d'une part, de suspendre la décision de placement dans une cellule partagée avec trois fumeurs et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de la Justice de l'affecter dans une cellule individuelle, afin de ne plus être soumis au tabagisme passif (M. Laudijois, Le droit à la santé n'est pas une liberté fondamentale, AJDA 2006. 376). », GRÜNDLER T., « Le juge et le droit à la protection de la santé », Revue de droit sanitaire et social 2010 p. 835

98 CC, 90-283 DC, 8 janvier 1991 (cons. 8, 9, 11, 14, 29 et 30) ; CC, 90-287 DC, 16 janvier 1991 (cons. 11, 21 et 22)

99 CC, 80-117 DC, 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires

100 CE, 17 octobre 1952, Chambre syndicale climatique de Briançon, dame Simon, Dominique et autres, Lebon p. 445, concl. Chardeau

101 CE Ass., 4 juillet 1958, Graff et Epx Reyes, Lebon p. 415 ; JCP 1959.II.11117, concl. M. Long

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B - Définition, composantes et bénéficiaires de la protection de la santé

Définition et composantes (accès, continuité prévention et sécurité). L'article L. 1110-1 du CSP définit la notion de protection de la santé en nous donnant ses quatre composantes : « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en oeuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. Les professionnels, les établissements et réseaux de santé, les organismes d'assurance maladie ou tous autres organismes participant à la prévention et aux soins, et les autorités sanitaires contribuent, avec les usagers, à développer la prévention, garantir l'égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire possible. »

Selon Mme FEUILLET, on peut dégager de cet article deux dimensions de la protection de la santé : « une curative (assurer les soins et leur continuité) et une préventive (assurer la prévention et la sécurité sanitaire). Ce deuxième aspect repose sur l'idée que "protéger, c'est préserver du danger." »102 Cette dimension préventive était d'ailleurs déjà évoquée par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi contre le tabagisme et l'alcoolisme.103 Toujours selon Mme FEUILLET, ces deux dimensions ne sont pas de même nature car « garantir l'accès ou la continuité des soins nécessite de reconnaître une prérogative directe au citoyen alors qu'assurer la prévention ou la sécurité sanitaire reste de l'ordre des objectifs généraux à atteindre. Ainsi, l'idée d'accès aux soins fait émerger celle d'une possibilité de revendiquer une prestation (des soins), c'est-à-dire un droit d'accéder aux soins. »104 Ainsi on rejoint la conception duale de la protection de la santé : collective et individuelle. On pourrait parler pour la première de protection de la santé publique et pour la seconde de droit à la protection de la santé.

Bénéficiaires. Qui bénéficie du droit à la protection de la santé ? L'alinéa 11 du Préambule de 1946 nous précise que cette protection est garantie « à tous ». On peut citer à titre d'exemple les salariés et les jeunes.

Il faut toutefois noter qu'il existe deux situations délicates concernant les titulaires de ce droit. Sans entrer dans les détails, citons à titre d'information le cas des étrangers et des enfants à naitre (à partir de quel stade de développement est-on en présence d'un être humain ?).

102 FEUILLET B., « L'accès aux soins, entre promesse et réalité », Revue de droit sanitaire et social 2008 p. 713

103 CC, 90-283 DC, 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme

104 FEUILLET B., op. cit. note 101, p. 713

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III - Droit de l'Union européenne et protection de la santé

Alors que les traités fondateurs de l'UE considéraient la santé simplement comme une préoccupation légitime des Etats, le Traité de Maastricht (1992) est venu consacrer la politique de la santé parmi les autres politiques communautaires.105 Puis, le Traité d'Amsterdam (1997) a renforcé la politique de santé de l'UE. Mais, la politique de santé reste complémentaire des politiques nationales106, notamment via le principe de subsidiarité.

Les politiques de l'UE en matière de santé sont très variées. On peut citer en exemple le développement de la libre circulation des patients, la liberté des soins médicaux dans l'Union, la mobilité des professionnels de santé ou encore la libre circulation des marchandises et notamment des produits de santé. Des programmes d'action107 sont aussi mis en oeuvre par l'Union et visent notamment les luttes contre la toxicomanie, l'obésité, le cancer et le SIDA. Dans le cadre de notre sujet, les rapports entre liberté d'entreprendre et protection de la santé se retrouveront essentiellement dans le domaine du marché intérieur via la libre circulation des marchandises (A) et la libre circulation des personnes et des services (B).

A - La protection de la santé face à la libre circulation des marchandises

Généralités. Comme nous l'avons dit, le droit de l'UE interdit les entraves de natures non pécuniaires à la liberté de circulation des marchandises. Toutefois, la protection de la santé publique peut constituer sous certaines conditions un motif de dérogation à ces règles. Nous y reviendrons. Aussi, Mme DE GROVE-VALDEYRON nous dit : « La Cour juge de manière constante qu'il appartient aux États membres, à défaut d'harmonisation complète, de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé et de la vie des personnes (...), tout en tenant compte des exigences de la libre circulation à l'intérieur de la Communauté. »108

Principe de précaution. La Cour de Justice a admis l'application du principe de précaution en matière de santé publique. Il consiste ici en la prise, par les Etats membres, de mesures restreignant les échanges commerciaux en cas d'incertitude scientifique quant à l'existence du danger qu'il s'agit de prévenir. La Cour a pu dire ainsi « que lorsque des incertitudes

105 Traité CE, art. 129, devenu art. 152

106 Traité CE, art. 152-1, al. 2, et 152-5

107 Voir par exemple le programme d'action 2008-2013 établit par la Décis. no 1350/2007 du Parlement européen et du Conseil, 23 oct. 2007, JOUE, no L 301, 20 nov.

108 DE GROVE-VALDEYRON N., « Santé publique », Répertoire de droit communautaire, Dalloz

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scientifiques subsistent quant à l'existence d'un risque pour la santé humaine, les institutions communautaires peuvent prendre les mesures de protection nécessaires sans attendre que la réalité et la gravité de ces allégations soient pleinement démontrées. »109 Ainsi, au nom de ce principe, les Etats membres peuvent refuser l'entrée d'une marchandise sur leur territoire.

Harmonisation. En cas d'harmonisation communautaire, les États gardent la possibilité d'adopter ou de maintenir des mesures plus strictes à condition « de démontrer le risque sanitaire et d'établir que les dispositions nationales assurent un niveau de protection de la santé publique plus élevé que la mesure d'harmonisation et qu'elles ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif » (respect de la proportionnalité).110

A titre d'illustrations de mesures d'harmonisation, « les médicaments, en tant que marchandises, sont soumis aux règles sur la liberté de circulation, mais leur nature particulière a justifié la mise en place d'une harmonisation dans un souci de protection de la santé publique. » Ainsi le droit de l'UE réglemente les autorisations de mise sur le marché de médicaments ainsi que les importations parallèles de médicaments. Par ailleurs, il existe des directives spécifiques relatives au sang humain, composants sanguins et tissus humains.

B - La protection de la santé face à la libre circulation des personnes

Synthétiquement, la protection de la santé pourra constituer un motif de restriction des libertés de circulation des travailleurs, d'établissement ou encore de prestation de services et plus généralement, limiter le libre exercice d'une activité économique.

De même, le libre séjour peut connaitre des limitations justifiées pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Par exemple, les maladies potentiellement épidémiques sont susceptibles de justifier une interdiction d`entrée sur le territoire d'un Etat membre ou un éloignement ou encore, sous conditions, la soumission du bénéficiaire du droit de séjour à un examen médical gratuit.

Maintenant que nous avons défini et contextualisé les principales notions attachées à notre sujet, il est temps de les confronter et de dégager les problématiques juridiques pouvant en découler.

109 CJCE, 5 mai 1998, Royaume-Uni c/ Commission, aff. C-180/96, Rec. I. 2265

110 DE GROVE-VALDEYRON N., op. cit. note 107

La protection de la santé comme limite à la liberté d'entreprendre

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L'intérêt de notre sujet se trouve dans la protection des droits d'autrui comme justification de limites apportées à une liberté constitutionnelle. En effet, c'est en remontant à la source du principe de la liberté d'entreprendre (art. 4 DDHC de 1789) que l'on comprend la justification de ses limites. On ne peut comprendre la liberté d'entreprendre sans entrevoir ses limites et parmi celles-ci, la protection de la santé occupe une place non-négligeable.

Notre démonstration n'a pas pour ambition de traiter exhaustivement des aspects liant la liberté d'entreprendre et la protection de la santé ; il faudrait un ouvrage entier pour approcher cette exhaustivité. Il s'agira concrètement de dresser un paysage global des domaines dans lesquels la protection de la santé justifie des limites la liberté d'entreprendre et comprendre quelle est la logique juridique qui amène à ces situations.

Notre longue introduction était nécessaire pour cerner la liberté d'entreprendre, principe non défini juridiquement, et la protection de la santé. Cela nous a permis de donner un cadre global à l'analyse qui va suivre quant à la confrontation de ces deux principes.

Dans un contexte mondial empreint de libéralisme économique et de libertés individuelles, il est essentiel de fixer des limites à la liberté d'entreprendre. C'est d'ailleurs « l'ultra-libéralisme », à savoir la liberté sans limite et indifférente des droits d'autrui, qui a tendance à causer le plus de tort au libéralisme. Ainsi, en limitant au nom de la protection de la santé la liberté d'entreprendre, on la moralise, on la légitime et ainsi on la renforce. Il ne s'agit pas de remettre en cause cette liberté dans son principe mais, pour la rendre effective, de la concilier avec les droits d'autrui et l'intérêt général. Par ailleurs, la liberté d'entreprendre des uns peu restreindre la liberté d'entreprendre des autres. C'est ainsi que le droit de la concurrence vient encadrer les activités économiques afin de trouver un équilibre entre les libertés de chacun. Ainsi la puissance publique vient fixer un cadre juridique à la liberté d'entreprendre permettant de passer d'une liberté formelle à une liberté réelle, pour tous les individus.

En tant que limite à la liberté d'entreprendre, la protection de la santé agit quasi systématiquement selon une logique préventive : prévenir le dommage, prévenir le risque. Ainsi, soumettre une profession médicale à l'obtention d'un diplôme, encadrer la recherche médicale sur les personnes, requérir une autorisation de mise sur le marché d'un médicament, interdire le commerce de stupéfiants, contrôler la qualité des aliments, limiter la publicité de

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l'alcool, etc., suit une logique préventive. Il n'est pas évident de trouver des limites à la liberté d'entreprendre fondées uniquement sur l'aspect curatif de la protection de la santé. La logique globale c'est donc la prévention.

Toutefois, la protection de la santé n'agit-elle pas sur des variables différentes dans les limitations qu'elle impose aux activités économiques ? Si on prend comme exemple la nécessité d'obtenir un diplôme pour exercer la profession de médecin, c'est bien la qualité de la personne qui est en jeu. De même, le fait pour un Etat membre de réserver à des ophtalmologues (qui sont des médecins contrairement aux opticiens) le droit d'effectuer sur leurs patients certains examens afin de garantir un niveau élevé de protection de la santé et ainsi limiter la liberté d'établissement des opticiens étrangers qui, dans leurs Etats sont autorisés à pratiquer lesdits examens se fonde encore une fois sur la qualité de la personne qui exerce l'activité de santé. Ensuite, concernant l'encadrement recherche médicale sur les personnes, cette fois-ci, c'est le sujet impliqué dans la recherche qui est la variable sur laquelle la protection de la santé agit.

Par ailleurs, qu'est-ce qui justifie une différence de traitement dans l'encadrement de la mise sur le marché d'un médicament et d'un cosmétique ? Les contraintes ne sont en effet pas les mêmes entre une autorisation de mise sur le marché pour les premiers et une simple déclaration préalable pour les seconds. N'est-ce pas la nature du bien ou encore sa destination qui vont conditionner son régime de commercialisation ?

Mais alors, si la protection de la santé agit à la fois sur la variable bien et à la fois sur la variable personne, les conséquences des limitations de la liberté d'entreprendre sont-elles fonction des variables utilisées ? On a vu que la liberté d'entreprendre peut être limitée dans tous les aspects de la vie de l'activité économique, de la création à la fin, en passant par l'exercice. Si on regarde la variable personne, si la personne ne satisfait pas aux exigences imposées par la protection de la santé, l'activité ne peut pas être exercée : pas de médecin sans diplôme, pas de déplacement dans un autre Etat membre sans équivalence professionnelle, etc. Si la personne, sujet dans la recherche n'est pas disponible, la recherche ne peut pas avoir lieu. Sans les personnes, l'ensemble de l'activité est remis en cause. Elle ne peut avoir lieu : pas de création, pas d'accès et donc pas d'exercice de l'activité.

Concernant la variable bien, si le bien ne satisfait pas aux exigences imposées par la protection de la santé, sa commercialisation n'est pas possible. Dans ce cas ce n'est pas l'ensemble de l'activité qui est mise en cause mais une de ses mises en oeuvre (la

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commercialisation) et dans cette mise en oeuvre, un bien. La nature du bien (produit dangereux, produit alimentaire, médicament, etc.) conditionnera le régime de commercialisation applicable (interdiction, déclaration préalable, contrôles de sécurité, autorisation de mise sur le marché, etc.). L'objectif est la sécurité sanitaire et donc la protection de la santé publique. Ces différents régimes de commercialisation conditionnent le degré de liberté d'entreprendre des acteurs économiques via les contraintes qu'il leur impose.

Dans le cas des personnes, l'activité n'existe pas encore. Ce sont les personnes qui créent les activités. Même si une profession préexiste à la volonté d'un individu d'y accéder (exemple : pharmacien), l'absence de qualification ne permet pas d'y accéder et donc de créer l'activité économique découlant de l'accès à cette profession.

Dans le cas des biens, l'activité existe déjà. C'est dans la mise en oeuvre, dans l'exercice de l'activité que les limites vont se poser. L'activité globale n'est pas remise en cause.

Plus généralement, que ça soit pour les personnes ou les biens, c'est la nature de l'activité en cause, sa complexité, les risque qu'elle peut présenter pour la santé des personnes qui impose que des diplômes, des qualifications, des autorisations de mise sur le marché, etc. soient requis. Pour les personnes, on devra combiner la nature de l'activité et la qualité de ces premières et dans cette qualité, parfois même leur comportement. Par exemple, même avec les qualifications requises, une personne devra obtenir une autorisation pour créer un laboratoire d'analyse de biologie médicale (article L. 6211-2 du Code de la santé publique).

Pour les biens en revanche, il semble que la nature des biens transcende la nature de l'activité. En effet, par exemple, l'article L. 5432-1 du Code de la santé publique interdit la fabrication et la vente de jouets dangereux. C'est bien plus la nature du bien que la nature de l'activité qui est en cause. Il ne faudra pas oublier de surcroit de se demander quelle est la destination du bien et qui en sont les destinataires. Ainsi par exemple, les médicaments ont pour destination le soin et pour destinataires soit les personnes humaines, soit les animaux.

Enfin, les personnes et les biens sont liés, il y a une continuité. Par exemple, un médicament légalement commercialisé pourra être prescrit par un médecin qui, dans le cadre de la pharmacovigilance, devra signaler tout effet secondaire observé sur un médicament, pouvant ainsi remettre en cause sa commercialisation. Globalement, la création de l'activité économique précède le commerce de biens. C'est pour cela qu'il sera méthodologiquement plus pertinent de traiter des personnes avant de traiter des biens.

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Ainsi suivant ces précédentes considérations, nous nous demanderons quelles sont les variables sur lesquelles la protection de la santé agit principalement pour limiter la liberté d'entreprendre ? Par quels procédés la protection de la santé vient limiter la liberté d'entreprendre ? Les conséquences des limitations de la liberté d'entreprendre sont-elles fonction des variables utilisées ? Plus généralement, comment, au nom de la protection de la santé, la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini, peut-elle être limitée ?

Nous verrons ainsi que la protection de la santé est la source de limites à la liberté d'entreprendre en étudiant dans une première partie les limites fondées sur la qualité des personnes dans le cadre des activités économiques et dans une seconde partie, les limites fondées sur la nature et la destination des biens dans le cadre de leur commercialisation.

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PREMIÈRE PARTIE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ ET LES PERSONNES
UNE LIMITATION FONDÉE SUR LA QUALITÉ DES PERSONNES DANS LE
CADRE DE LEUR PARTICIPATION AUX ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES

Dans le contexte des activités économiques des personnes privées, la protection de la santé justifie de nombreuses restrictions en touchant directement les personnes. Cette variable « personnes » se matérialise à travers l'étude de la qualité de ces dernières. Il pourra s'agir notamment de leur nationalité, leur capacité, leurs diplômes, leur casier judiciaire, leur qualité de professionnel de la santé ou plus largement, leur qualité de personne humaine. Aussi, la participation des personnes aux activités économiques sera ici envisagée sous deux aspects : soit la personne initie ou exerce l'activité économique, soit elle y participe en tant que moyen.

Ainsi, nous verrons en premier lieu que la protection de la santé exigera certaines qualités touchant directement les personnes exerçant certaines professions ou souhaitant y accéder (Chapitre 1er). En second lieu nous verrons que la protection de la sante posera des restrictions dans cadre de la recherche du fait de la qualité de personne humaine du sujet qui s'y prête (Chapitre 2nd).

PREMIER CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À
L'EXERCICE D'UNE PROFESSION :
L'EXIGENCE DE QUALITÉS INHÉRENTES AUX PERSONNES

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Mme ARMAOS, en introduisant la question des professions et activités réglementées, nous propose une typologie des limitations d'accès ou d'exercice de certaines professions111 : - Interdictions : elles touchent certaines activités réservées à la puissance publique et d'autres sont contraires à l'ordre public, à la santé et à la salubrité publique ou aux bonnes moeurs. Par ailleurs, des individus sont exclus de l'exercice de certaines activités.

- Incompatibilités : des activités sont incompatibles avec le commerce pour diverses raisons. - Activités réglementés : l'exercice de certaines professions ou activités dites réglementés requièrent des autorisations administratives, des licences ou des agréments et des diplômes.

Ces limitations peuvent être analysées sous l'angle des personnes ou des moyens que ces dernières utilisent pour exercer leurs activités économiques. Parmi ces moyens on trouve les biens et leur commercialisation ; c'est l'objet de notre Partie 2. Nous nous intéresserons donc dans cette Partie 1 aux limites qui sont attachées à la qualité des personnes. Il pourra notamment s'agir de leur statut juridique, de leurs compétences professionnelles ou encore et plus largement de leurs comportements.

Il ne faut pas toutefois confondre les obligations pesant sur la personne (inscription sur le registre du commerce et des sociétés, tenue d'une comptabilité, déclaration fiscale et paiement d'impôts, etc.) et les obligations inhérentes à la qualité de la personne (nationalité, capacité, détention d'un diplôme ou de compétences techniques) dont nous allons traiter.

En outre, lorsque l'activité en cause prend la forme d'une profession de santé, on peut présumer que les limitations qui sont apportées à son accès ou à son exercice sont justifiées par la protection de la santé.

Nous étudierons ainsi, sous le prisme de la protection de la santé, les limites apportées à la liberté d'entreprendre fondées sur les personnes dans un contexte de droit interne (section 1), puis dans un contexte de droit de l'Union européenne avec la liberté économique de circulation des personnes (section 2).

111 ARMAOS A., « Professions et activités réglementées », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, mai 2004

Section 1. Les limitations fondées directement sur les personnes dans le cadre des professions réglementées en droit interne (accès et exercice)

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Au nom de la protection de la santé, l'accès ou l'exercice de certaines professions (en somme la liberté d'entreprendre) peuvent être limités par des considérations inhérentes à la qualité des personnes. Nous analyserons dans une première partie ces limitations d'un point de vue général (I), puis nous concentrerons nos efforts en donnant une illustration globale de ces limitations dans le cadre de la profession de médecin exercée sous forme libérale (II).

I - Les limitations fondées sur la qualité ou le comportement des personnes (professionnels en général)

Certaines activités pouvant dans leur exercice porter atteinte à la santé publique sont soit réservées à certaines personnes en fonction de leurs statuts ou compétences (A) soit interdites à certaines personnes à la suite ou en prévention de leurs comportements (B).

A - La protection de la santé comme justification de conditions d'accès à une profession attachées au statut et aux compétences des personnes

Les limitations à la liberté d'entreprendre des personnes peuvent se fonder sur leur statut juridique (1) et sur leurs compétences (2). Il faut noter que la nécessité d'acquérir certaines compétences, parce qu'elle est substantiellement fondée sur le mérite des personnes, est moins restrictive la question du statut juridique, qui dépend bien moins de la volonté des personnes.

1 - Les conditions d'accès à une profession attachées au statut juridique des personnes

Le statut juridique des personnes peut être envisagé sous l'angle de leur nationalité, de leur capacité ou encore de leur qualité de personne de droit privée ou de droit public.

Nationalité. Des conditions de nationalité sont parfois opposées aux personnes pour justifier d'une interdiction d'accès, de création ou d'exercice d'une profession médicale. Généralement, les ressortissants d'un Etat membre de l'UE, d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen sont autorisés à exercer les professions médicales réglementées, sous condition de détenir un titre de formation équivalent à ceux délivrés en

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France. Il en va de même pour les ressortissants d'un Etat ayant ratifié un traité de réciprocité avec la France (voir en ce sens par exemple les articles L. 4111-1 et s. et L. 4221-1 et s. du CSP relatifs aux conditions d'accès aux professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou pharmacien). La protection de la santé est en l'espèce assurée parce que ces restrictions permettent de contrôler la qualité des praticiens exerçant en France. En effet par exemple, dans certains Etats, les exigences requises pour l'obtention d'un diplôme ouvrant accès à l'exercice de professions médicales n'offrent pas toujours le même gage de qualité que celles qui sont requises France.

En outre, des conditions de nationalité sont aussi imposées concernant des professions autres que médicales comme celles de débitant de tabac (article 5 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010) ou de débitant de boisson (art. L. 3332-3 CSP). Nous reviendrons plus en détails sur ces professions dans notre Partie 2.

Capacité. Généralement, le professionnel devra être majeur non protégé ou mineur émancipé pour exercer. C'est le cas par exemple des débitants de boissons (art. L. 3336-1 du CSP). Concernant les professions médicales toutefois, la durée des formations est telle que la question des mineurs ne se pose pas en pratique. A contrario, on comprend bien qu'au regard du principe de protection de la santé, le statut de majeur protégé puisse justifier des incapacités d'exercice d'une profession médicale

Qualité de personne publique ou privée. Certaines activités économiques faisant l'objet de monopoles publics sont en principe interdites aux personnes de droit privé. Ainsi la distinction opérée entre les personnes publiques et les personnes privées, l'une associée à l'intérêt général et l'autre aux intérêts particularistes, permet de réserver certaines activités économiques à l'une ou l'autre de ces catégories de personne. Nous verrons ici que la qualité de personne publique confère à cette dernière des droits exclusifs de création ou d'exploitation d'activités économiques. C'est ainsi que la qualité de la personne, publique ou privée, peut conditionner l'accès ou l'exercice à des activités économiques. La liberté d'entreprendre n'appartenant qu'aux personnes privées, il nous faudra ainsi analyser ces questions sous l'angle des activités réservées aux personnes publiques. Nous prendrons ici comme exemple le monopole communal de la création et la gestion de crématoriums.

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Autorisée depuis la fin du XIXe siècle, la crémation connait depuis quelques années un succès en constante augmentation. Ainsi, à titre d'illustration, si le nombre de crémations était estimé à 2100 en 1975, il était de 130 163 en 2006 et de 157 649 en 2010.112 Nous sommes ainsi face à une activité lucrative qui pourrait intéresser des entrepreneurs privés.

Toutefois, bien que la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire ait mis fin au monopole public du service extérieur des pompes funèbres (transport des corps avant et après mise en bière, organisation des obsèques, gestion et l'utilisation des chambres funéraires, fourniture des corbillards et des voitures de deuil, etc.), la création et la gestion de crématoriums sont a contrario aujourd'hui une compétence exclusive des communes et les établissements publics de coopération intercommunale (article L2223-40 CGCT). Ainsi, cette activité est un monopole communal, ce qui implique qu'une personne privée ne peut en principe la créer ou l'exercer. Cependant, la qualité de monopole public n'impose pas aux communes de gérer exclusivement les crématoriums en régie. Elles peuvent ainsi par exemple confier par un contrat de délégation de service public cette gestion à des personnes privées.113

Il n'en demeure pas moins que la qualité de personne privée de l'acteur économique restreint sa liberté d'entreprendre une activité de gestion d'un crématorium, qui est une activité économique. Ainsi, ladite gestion a été qualifiée de service public industriel et commercial par le ministère de l'Intérieur.114 De plus, le succès des délégations de service public en la matière, qui font peser le risque économique d'exploitation sur le délégataire, confirme qu'il s'agit bien d'activités économiques.

Globalement, qu'est-ce qui justifie ce monopole communal ? Nous estimons qu'il existe trois raisons d'intérêt général justifiant ce monopole. Premièrement, l'encadrement juridique de la mort d'un individu est une question sensible qui touche substantiellement à des questions de bonnes moeurs ou, plus généralement, de moralité publique. On peut ainsi comprendre que la personne publique cherche à masquer à travers le statut monopolistique public de cette activité son aspect lucratif. Deuxièmement, des considérations environnementales peuvent justifier ce monopole, qui permet aux personnes publiques de contrôler le nombre de

112 HEDIN B., « La gestion déléguée des crématoriums », AJ Collectivités territoriales 2011 p. 448 ; www.crémation-france-ffc.com, statistiques relatives à la crémation.

113 « La gestion de ces crématoriums (...) est à ce jour assumée à 30 % en régie, la gestion externalisée, principalement les contrats de délégation de service public, représentant 70 % des modes de gestion. », HEDIN B., « La gestion déléguée des crématoriums », AJ Collectivités territoriales 2011 p. 448

114 Circ. n° 97-00211 C du 12 déc. 1997

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crématoriums existant. En effet, la « prolifération de crématoriums pourrait créer un risque environnemental »115 (notamment au regard des pollutions engendrées par ces activités) ; c'est pour cela que l'article L2223-40 du CGCT soumet la création ou l'extension d'un crématorium à une autorisation administrative préalable qui ne peut être accordée qu'après une enquête publique et un avis de la commission départementale compétente en matière d'environnement, de risques sanitaires et technologiques. Troisièmement, ce monopole peut être justifié par des considérations d'hygiène publique, et donc de protection de la santé, appuyées par les différentes normes sanitaires encadrant la gestion des crématoriums. Ainsi, à la fois les considérations environnementales et hygiéniques nous permettent de considérer que ce monopole est en partie justifié par des considérations de protection de la santé publique.

Une fois les précédentes conditions remplies, la personne pourra être amenée à devoir justifier de certaines compétences.

2 - Les conditions d'accès à une profession attachées aux compétences des personnes

Principalement, certaines professions, pour être exercées, requièrent la détention d'un titre de formation, qui doit parfois être suivi de l'inscription à un ordre professionnel.

Titre de formation. Les personnes souhaitant exercer les professions et ainsi obtenir les titre de conseiller en génétique, de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme, de pharmacien, de préparateur en pharmacie, d'infirmier d'audioprothésiste, d'opticien-lunetier ou de diététicien (liste non-exhaustive) doivent être titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre de formation (brevet,...) prévus par les textes (notamment, CSP, quatrième partie : « professions de santé », art. L. 4011-1 et s.).

Exercer ces professions sans être titulaire des titres requis constitue un exercice illégal de la profession. A titre d'illustration, l'exercice illégal de la profession de médecin est puni pénalement de 30 000 euros d'amende et de deux ans d'emprisonnement. Des peines complémentaires peuvent être prononcées dont la plus sévère est l'interdiction définitive ou pour une durée de cinq ans au plus d'exercer une ou plusieurs professions médicales (art. L. 4161-5 CSP).

115 LAVROFF D. M., « Domaine de la commune (Biens affectés à l'usage du public) », Répertoire de droit immobilier, Dalloz, mars 2010

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De surcroit, le fait de faire usage sans droit de l'un des titres précités, même en l'absence d'exercice effectif, est pénalement sanctionné au regard de l'infraction d'usurpation de titres (notamment, articles L. 4162-1 CSP et 433-17 Code pénal).

Inscription à un ordre professionnel. Elle est obligatoire pour pourvoir exercer les professions (notamment) de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme ou de pharmacien (art. L. 4111-1 et L. 4221-1 CSP). Le fait d'exercer sans avoir rempli obligation constitue un exercice illégal de la profession.

Par ailleurs, d'autres conditions d'accès sont fondées, non pas sur des compétences mais sur des conditions physiques. Ainsi, pour certaines professions comme celle de débitant de tabac, le professionnel doit justifier de son aptitude physique par un certificat médical pour pourvoir exercer (article 5 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010).

Une fois les conditions d'accès remplies, d'autres limitations à la liberté d'entreprendre pourront être invoquées. Elles se fondent sur le comportement avéré ou prévisible d'une personne.

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B - La protection de la santé comme justification d'interdictions d'exercice d'une profession attachées au comportement des personnes

D'une part, il est interdit de cumuler certaines professions qui sont considérées comme incompatibles pour des raisons de moralité et des risques de voir certains professionnels privilégier l'économie sur la santé (1). D'autre part, dans leur vie ou, plus particulièrement, dans l'exercice de leur profession, certaines personnes adoptent des comportements susceptibles de conduire à des condamnations d'interdiction d`exercice d'une profession (2).

1 - Les interdictions d'exercice cumulatif de certaines professions du fait de leur incompatibilité et en prévention du comportement des professionnels : la question de l'indépendance des personnes et des professions

Selon M. GUIBAL, « ce système est justifié par la volonté de protéger l'indépendance et l'originalité des professions ou des situations que les textes considèrent comme incompatibles avec les activités commerciales ou industrielles. »116 L'interdiction de cumuler certaines activités touche à la fois certains fonctionnaires (par exemple : fonctionnaires publics, y compris les magistrats et les militaires) et certains libéraux (par exemple : dentistes, sages-femmes et médecins, architectes, pharmaciens d'officines, avocats). Ces interdictions peuvent être justifiées par la protection de la santé.

Ainsi, à titre d'illustration, l'exploitation d'une officine pharmaceutique est incompatible avec l'exercice d'une autre profession, notamment avec celle de médecin, vétérinaire, sage-femme, dentiste, même si l'intéressé est pourvu des diplômes correspondants (article L. 5125-2). Il s'agit ici d'éviter que la logique commerciale l'emporte sur la logique qualitative de soin et, en somme, de la protection de la santé. On comprend qu'il serait tentant pour un médecin de prescrire tel ou tel médicament en fonction des objectifs économiques qu'il aurait en vertu de son activité complémentaire d'exploitation d'une officine pharmaceutique.

Enfin, toujours à titre d'illustration, il est interdit de cumuler les activités d'exploitant d'officine pharmaceutique et de distributeur en gros de médicament au regard du rapprochement des articles L. 5125-1 et L. 5124-1 du CSP. Le Conseil d'Etat a considéré que cette interdiction ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'entreprendre au

116 GUIBAL M., « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, Dalloz, février 2003 (MAJ octobre 2010)

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regard de l'exigence constitutionnelle de protection de la santé publique117. Ainsi, le Conseil évoquera dans cette décision que cette incompatibilité avait pour objectif (entre autres) d'assurer « la prévention de conflits d'intérêts susceptibles d'altérer la neutralité et la qualité de la délivrance des médicaments au public. »

Par ailleurs, des condamnations sont susceptibles de comporter des interdictions d'exercice.

2 - Les interdictions d'exercice d'une profession résultant de condamnations disciplinaires ou pénales des professionnels

Ces condamnations peuvent émaner d'une juridiction disciplinaire (a) ou être prises en applications de dispositions pénales (b).

a - Les interdictions d'exercice prononcées par une juridiction disciplinaire ordinale

Les chambres disciplinaires de l'ordre des médecins (par exemple) peuvent prononcer des sanctions à l'encontre d'un médecin ayant failli à ses obligations professionnelles. L'article L. 4124-6 du CSP énonce l'éventail des peines disciplinaires que la chambre disciplinaire de première instance peut appliquer ; il pourra s'agir d'un avertissement, d'un blâme, d'une interdiction temporaire avec ou sans sursis ou permanente d'exercer partielle (interdiction par exemple d'une des différentes activités du praticien) ou totale et enfin, de la radiation du tableau de l'ordre. Il faut préciser que l'exercice de l'action disciplinaire ne fait pas obstacle notamment à une poursuite du ministère public, à une action civile en réparation d'un délit ou d'un quasi-délit, à une action disciplinaire devant l'administration dont dépend le praticien (article L. 4126-5 CSP). La protection de la santé et la défense de l'honneur des professions médicales est au coeur de ce dispositif dont nous donnerons une illustration de sa mise en oeuvre. Nous ferons toutefois le choix de ne pas traiter des conditions procédurales de mise en oeuvre de ce dispositif ainsi que du contrôle opéré par le Conseil d'Etat des décisions prises par les instances juridictionnelle ordinales.

Ainsi, à titre d'illustration, la Chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a prononcé la radiation d'un médecin pour avoir induite en erreur l'une de ses patientes quant à la gravité de sa maladie (cancer) et de l'avoir, de ce fait, détournée de soins appropriés et ce,

117 CE, 15 septembre 2010, décision n° 340570, 340571

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en violation entre autres des dispositions de l'article R. 4127-32 du CSP qui dispose que « Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents. »118 Comme nous le disions, cette décision a donc pour fondement à la fois la protection de la santé et la défense de l'honneur et de la réputation des professions médicales.

b - Les interdictions d'exercice prononcées par une juridiction en application de dispositions pénales

On s'éloigne ici de la protection de la santé qui ne sera que l'accessoire de préoccupations de moralité. Ainsi comme le rappelle M. GUIBAL, « ce qui est en cause ici, c'est bien la moralité des industriels et commerçants eux-mêmes, et non les risques que les activités commerciales ou industrielles pourraient faire courir à la moralité publique. »119 A titre d'illustration, certaines condamnations pénales (proxénétisme, escroquerie, etc.) conduisent à l'interdiction d'accéder aux professions de débitant de tabac ou de boissons alcoolisées (cf. Partie 2). Quelle est la place de la protection de la santé dans ces hypothèses ? Par exemple, on peut imaginer qu'une personne condamnée pour proxénétisme pourrait présenter plus de risque qu'un citoyen lambda d'avoir ou d'avoir eu des liens avec le trafic de drogue et serait ainsi susceptible d'utiliser un débit de boisson comme moyen d'activités illicites de ce type et ainsi participer à la commercialisation de choses dangereuses pour la santé des personnes. Nous ne nous étendrons pas sur ces interdictions du fait de leur principale justification morale, qui nous éloigne de notre sujet.

Suite à cette analyse générale, nous prendrons l'exemple de la médecine libérale pour montrer comment la protection de la santé peut justifier des limitations dans l'exercice de cette profession.

118 Chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, 22 avril 2010, Mme Inès R contre Mme Hélène O., sanction confirmée par le Conseil d'Etat dans une décision n° 339496 du 30 mai 2011.

119 GUIBAL M., « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, Dalloz, février 2003 (MAJ octobre 2010)

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II - Les limitations fondées sur la qualité de professionnel de la santé (médecins libéraux en particulier)

Ces limites seront envisagées sous l'angle de la qualité de professionnel de santé du médecin et des obligations d'intérêt général qui y sont associées.

Il serait tentant de penser que l'interdiction de pratiquer la médecine comme un commerce120 exclue du champ de la liberté d'entreprendre la médecine libérale. En effet, on pourrait considérer que par analogie avec la liberté du commerce et de l'industrie, la liberté d'entreprendre ne concernerait que les activités commerciales et industrielles. En réalité, comme nous l'évoquions dans notre définition de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie, il ne faut pas se limiter à une interprétation terminologique de ces principes visant à les limiter aux notions d' « entreprendre », de « commerce » et d' « industrie ». Ainsi au-delà des activités commerciales, la liberté d'entreprendre doit s'entendre comme étant attachée aux activités lucratives privées dont la médecine libérale fait partie. Mais que recouvre cette notion d'activité libérale ? Quelle forme prend-elle dans la profession de médecin ? Que recouvre le principe de la liberté d'entreprendre dans la médecine libérale ? Nous répondrons à ces questions en évoquant la place de la liberté d'entreprendre dans la médecine libérale (A) pour ensuite étudier les limites qui luis sont apportées (B).

A - La place particulière de la liberté d'entreprendre au sein de la médecine libérale

La directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles définit les professions libérales comme « toute profession exercée sur la base de qualifications professionnelles appropriées, à titre personnel, sous sa propre responsabilité et de façon professionnellement indépendante, en offrant des services intellectuels et conceptuels dans l'intérêt du client et du public. » Il s'agit donc en somme d'une activité professionnelle indépendante privée de prestations de services. Dès à présent, nous devons nous demander comment se définit la médecine sous forme d'activité libérale.

120 Article R. 4127-19 CSP

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L'actuel Président de la Confédération des syndicats médicaux français, M. CHASSANG, définit la médicine libérale au regard de ses différentes caractéristiques.121 L'auteur évoque ainsi trois caractéristiques principales attachées à la médecine libérale ; il s'agit de la liberté de choix du médecin par son patient (limitée par la notion de médecin traitant), la liberté de prescription et la liberté d'installation. L'auteur évoquera par la suite la fixation des honoraires par le médecin, le secret professionnel (qui concerne aussi la médecine hospitalière et toute forme de médecine et qui est mis en oeuvre pour protéger le patient) et le contrôle des médecins par eux-mêmes (limité par les caisses d'assurance maladie). De ces précédentes considérations l'auteur dégage enfin trois caractéristiques globales attachées à la médecine libérale qui sont la liberté de choix, la liberté d'entreprendre et l'indépendance professionnelle. Ainsi, nous ne traiterons de la médecine en hôpital, bien qu'elle puisse en partie s'exercer sous forme d'activité libérale. Quelle forme prend alors la liberté d'entreprendre lorsqu'elle est appliquée à la médecine libérale ?

La liberté d'entreprendre des médecins libéraux prend forme selon nous dans ce que le législateur nomme la « liberté d'exercice et l'indépendance professionnelle et morale des médecins » qui en est une mise en oeuvre ; elle est assurée selon le législateur conformément aux principes déontologiques fondamentaux (qui en sont ses composantes) qui sont le libre choix du médecin par le patient, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct des honoraires par le malade et la liberté d'installation du médecin122

Par ailleurs, le Conseil d'État, n'accorde au « principe de l'indépendance professionnelle et morale des médecins » qu'une valeur législative123, bien que M. GENEVOIS se demande, sans toutefois trancher la question, si cette décision n'a pas conféré une valeur de principe général du droit au principe précité.124 A ce titre, le Tribunal des conflits a consacré, en tant que principe général du droit « l'indépendance professionnelle dont bénéficie le médecin dans l'exercice de son art. »125 On peut s'interroger sur la pertinence de voir coexister deux principes qui semblent être identiques si ce n'est dans leur terminologie.

121 CHASSANG M., « Brèves réflexions sur l'avenir de la médecine libérale », Revue de droit sanitaire et social 2011 p. 7

122 Article L. 162-2 Code de la sécurité sociale

123 CE, 20 avril 1988 Conseil national de l'ordre des Médecins, Lebon 146

124 GENEVOIS B., « Principes généraux du droit », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz

125 Tribunal des Conflits, 14 févr. 2000, Ratinet, req. n° 02929, cité par GENEVOIS B., « Principes généraux du droit », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz

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Nonobstant ces précédentes considérations, on peut donner une illustration de la mise en oeuvre de ce principe. Ainsi, le principe de l'indépendance professionnelle des médecins, interdit à un directeur d'établissement de subordonner à une autorisation préalable d'un chef de service, l'accomplissement d'actes médicaux par un médecin exerçant au sein de son établissement.126

Il est temps d'étudier les limites opposables à la liberté d'entreprendre des médecins libéraux.

B - Les principales limites à la liberté d'entreprendre des médecins libéraux

La liberté d'entreprendre du médecin (ou le libre exercice de sa profession), trouve des limites à la fois dans le contrat médical qui le lie à son patient (1) et à la fois en vertu du principe de la permanence des soins (2).

1 - Les limitations intervenant directement dans le contrat médical

La cour de cassation a défini le colloque singulier liant en médecine libérale le médecin est son patient comme un contrat médical127. Il s'agit d'un contrat synallagmatique qui comporte pour le médecin l'obligation d'informer le malade, de le conseiller, de recueillir son consentement et de lui donner des soins. Pour le malade il comporte l'obligation de le renseigner sur ses antécédents et sur son état de santé. Il doit également lui verser des honoraires. Le médecin est dans ce cadre soumis en principe à une obligation de moyen et par exception à une obligation de résultat.128

Liberté de prescription. La liberté de prescription conférée aux médecins est un principe général du droit129 essentiel dans l'exercice de leur profession. Il confère aux médecins la liberté de prescrire à leurs patients des médicaments ou soins qui leur semblent les plus appropriées au regard du diagnostic médical qu'ils ont établi et de la balance bénéfices/risques

126 CE 2 oct. 2009, Joseph, req. no 309247)

127 Cass. Civ., 20 mai 1936, Dr Nicolas c/ Époux Mercier, DP 1936. 1. 88, concl. Matter, rapport Josserand, note E. P., S. 1937. 1. 321, note Breton, Gaz. Pal. 1936. 2. 41

128 Cass. Civ. 1re, 15 nov. 1988, Bull. civ. I, n° 319 : « Si le chirurgien-dentiste est tenu d'une simple obligation de moyens quant aux soins qu'il prodigue, il est tenu à une obligation de résultat comme fournisseur d'une prothèse, devant délivrer un appareil sans défaut »

129 CE 18 févr. 1998, Sect. locale du Pacifique Sud de l'ordre des médecins, Lebon T. 710 , RFDA 1999. 47, note Joyau

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au regard de l'acte thérapeutique.130 Cette liberté n'est toutefois pas sans limites Premièrement, la prescription de médicaments ne disposant pas d'autorisation de mise sur le marché est soumise à des conditions restrictives prévues les textes (autorisation de prescription pour certains établissements ou certains professionnels.131 Cette limitation est justifiée par des considérations de protection de la santé dans la mesure où un médicament n'ayant pas obtenu d'autorisation de mise sur le marché n'a pas été soumis à tous les contrôles préventifs de sécurité prévus par les textes. Deuxièmement, le médecin ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose.132 Le médecin ne doit pas de surcroit formuler des prescriptions susceptibles de faire courir au patient un risque injustifié.133 Troisièmement, les médecins sont tenus d'observer dans leurs actes de prescription la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins. Si l'objectif de cette obligation n'est à première que d'ordre économique, il est aussi en rapport avec des considérations de protection de la santé. En effet, le coût exorbitant de la sécurité sociale est de nature à remettre en cause ce système et donc par extension le principe de l'accès aux soins, essentiel en matière de protection de la santé. En outre, d'autres mesures viennent encadrer la liberté de prescription comme les références médicales opposables ou autres recommandations de bonnes pratiques édictées dans un objectif de maîtrise des dépenses médicales.

Il n'en demeure pas moins que ces limites ne remettent pas en cause substantiellement la liberté de prescription « qui reste tout de même assez grande et suffisamment fondamentale dans notre système de santé »134.

Fixation des honoraires. Partie intégrante du contrat médical, le médecin libéral a droit à des honoraires en contrepartie d'un acte réellement effectué (art. R. 4127-53 à R. 4127-55 CSP). La notion d'acte réellement effectué implique que le simple avis ou conseil dispensé à un patient par téléphone ou par correspondance ne peut donner lieu à aucun honoraire (art. R. 4127-53 CSP).

130 Article R. 4127-8 CSP

131 Article R. 5121-77 CSP

132 Article R. 4127-70 CSP

133 Article R. 4127-40 CSP

134 CHASSANG M., « Brèves réflexions sur l'avenir de la médecine libérale », Revue de droit sanitaire et social 2011 p. 7

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La créance d'honoraire est personnelle au médecin et son règlement (qui doit être effectué dès présentation de la créance) est à la charge de son patient (débiteur), qui ne peut exiger au préalable l'accomplissement des formalités nécessaires au remboursement.135 Toutefois, le droit aux honoraires, n'interdit pas au médecin de donner gratuitement ses soins (Article R. 4127-67 CSP).

Le principe général en matière d'honoraires est posé par l'article R. 4127-53 du CSP qui dispose, que « les honoraires du médecin doivent être déterminés avec tact et mesure, en tenant compte de la réglementation en vigueur, des actes dispensés ou de circonstances particulières. » Au regard de la complexité et de l'étendue de la réglementation en vigueur (notamment concernant l'établissement de différents secteurs auxquels les médecins sont liés et entre lesquels existent des degrés différents de contraintes dans la fixation d'honoraires), nous nous bornerons à n'évoquer que quelques limitations à la fixation des honoraires par le médecin libéral.

Ainsi par exemple, lorsqu'il est autorisé, le dépassement des honoraires réglementaires doit être déterminé avec tact et mesure (critère de proportionnalité), sous peine de réduction desdits honoraires.136 Toutefois, la notion de tact et mesure est incertaine et n'est pas définie par les textes, ce qui permet de la considérer comme un standard. A titre d'illustration, un rapport de la CNOM137 voyait dans cette notion la prise en compte de la notoriété du praticien, le temps passé et la complexité de l'acte, le service rendu et les possibilités financières du malade.

Enfin, toujours par exemple, parce que le détournement de clientèle est interdit (art. R. 412757 CSP), le médecin ne peut abaisser, dans un but de concurrence, le montant de ses honoraires (art. R. 4127-67 CSP). Limitant ainsi la fixation des honoraires et la libre concurrence pour des raisons de santé publique et de déontologie, cette mesure porte incontestablement atteinte à la liberté d'entreprendre.

Au-delà du contrat médical, le principe de la permanence des soins est aussi un fondement à la liberté d'entreprendre des médecins du fait de leur qualité de professionnel de santé.

135 PENNEAU J., « Médecine (professions médicales et auxiliaires médicales) », Répertoire de droit civil, août 2006 (dernière mise à jour : septembre 2012)

136 CA Versailles, 13 févr. 1987, D. 1987, somm. 417, obs. J. Penneau

137 CNOM, Le tact et la mesure dans la fixation des honoraires, 1998.

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2 - Les limitations imposées par le principe de la permanence des soins

La permanence des soins est un principe devant « permettre un accès aux soins de manière continue. Elle concerne donc l'ensemble des actes non programmés et, plus spécifiquement, ceux qui demandent à être réalisés en dehors des horaires habituels d'ouverture des cabinets de médecine libérale. »138 Concernant l'accès aux soins, Mme MAURY analyse que « le jeu de la libre installation et l'institution d'un secteur à honoraires libres dont bénéficient essentiellement les spécialistes se conjuguent pour créer des déserts médicaux en milieu rural et des concentrations de spécialistes onéreux en milieu urbain, surtout au sud. »139 On comprend ainsi les enjeux portés par le principe de la permanence des soins, que nous allons confronter au libre exercice de la profession de médecin libéral.

Liberté d'installation. Consacrée pour la première fois par la loi no 71-525 du 3 juillet 1971, la liberté d'installation peut être analysée comme un principe voisin de la liberté d'établissement issue du droit de l'UE. Ces deux libertés se différencient en ce que la première prend forme dans un contexte national alors que la seconde s'entend sur le territoire de l'UE et concerne les personnes en mouvement d'un Etat membre à l'autre. La liberté d'installation consiste principalement en la liberté du choix du lieu d'exercice de la profession libérale.

En qualité de principe déontologique fondamental, la liberté d'installation doit respecter les principes déontologiques directeurs de l'exercice de la profession et notamment « les règles concernant la confraternité, les règles relatives aux lieux d'exercice, celle interdisant l'exercice de la médecine foraine et de respecter les principes généraux du droit et de respecter les principes généraux du droit, notamment la clause de non-rétablissement figurant dans un contrat, et de remplir les conditions d'accès à l'exercice de la profession. »140 Ainsi par exemple, certaines dispositions ont pu restreindre la liberté d'installation des médecins en leur imposant de n'« avoir, en principe, qu'un seul cabinet ».141 D'autre part, toujours à titre d'illustration et concernant les règles relatives aux lieux d'exercice, l'art. R. 4127-85 du CSP dispose que « le lieu habituel d'exercice d'un médecin est celui de la résidence professionnelle

138 DEL SOL M., « Médecine libérale et permanence des soins de ville », Revue de droit sanitaire et social 2004 p. 261

139 MAURY S., « Réhabiliter les soins de proximité ? », Revue de droit sanitaire et social 2012 p. 84

140 PENNEAU J., Médecine (professions médicales et auxiliaires médicales), Répertoire de droit civil, août 2006 (dernière mise à jour : septembre 2012)

141 Article 63 du décret du 28 juin 1979 portant code de déontologie médicale (abrogé)

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au titre de laquelle il est inscrit sur le tableau du conseil départemental. » Ainsi, une fois le lieu habituel établit, ce n'est que par exception que le médecin pourra, sur autorisation du conseil départemental, exercer son activité sur un ou plusieurs sites distincts. C'est par exemple le cas en cas de carence ou une insuffisance de l'offre de soins dans le secteur géographique considéré ou encore lorsque les investigations et les soins qu'il entreprend nécessitent un environnement adapté, l'utilisation d'équipements particuliers, la mise en oeuvre de techniques spécifiques ou la coordination de différents intervenants (art. R. 4127-85 CSP).

Toutefois, les principales mesures prises en contradiction à la liberté d'installation ne sont généralement qu'incitatives, dépendent de a libre volonté du médecin et prennent souvent la forme d'aides financières. On pourra alors parler de libres autolimitations de la liberté d'installation par leurs bénéficiaires, qui ne sont pas ainsi de véritables limites à la liberté d'entreprendre.

Nous limiterons notre développement à l'évocation d'un dispositif légal incitatif récent : le contrat d'engagement de service public.142 Ce contrat, conclu sur la base du volontariat entre un étudiant de médecine (de la deuxième année d'études à la dernière année d'internat) et le CNG143, propose à l'étudiant de bénéficier d'une allocation mensuelle de 1200 € bruts en contrepartie d'un engagement de leur part d'exercer à titre libéral ou salarié dans une zone « sous-dotée » (ou « désert médical ») à la fin de leur formation. D'un minimum de deux années, cet engagement sera d'une durée équivalente à celle du versement de l'allocation. Malheureusement, pour des raisons multiple que nous ferons l'économie d'évoquer, ce dispositif ne connait aujourd'hui qu'un faible succès.144 De notre point de vue, l'un des freins au succès de cette mesure peut être lié à la difficulté de se constituer une clientèle. On peut comprendre qu'un médecin, lorsqu'il entre sur le marché économique après plus de dix années d'études, ne souhaite pas s'installer provisoirement dans un désert médical pour devoir se reconstituer une clientèle quand il retournera en ville à la fin de ses obligations de service public.

142 Article 46 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST »

143 Centre National de Gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière

144 Pour aller plus loin, voir ROUSSET G., « La lutte contre les « déserts médicaux » depuis la loi HPST : entre désillusions et espoirs nouveaux », Revue de droit sanitaire et social 2012 p. 1061

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Organisation de l'activité libérale. Dans l'exercice de ses fonctions et dans l'organisation de son activité économique, le médecin libéral pourra être sujet de manière volontaire ou contrainte à remplir des obligations d'intérêt générale notamment fondée sur le principe de la permanence des soins (accès et continuité). Le principe est posé par l'article R. 6315-4 du CSP qui dispose que les médecins participent à la permanence des soins sur la base du volontariat. Comment est mis en oeuvre le volontariat ? Principalement, les professionnels libéraux qui le souhaitent doivent soit se porter volontaires auprès du conseil départemental de l'Ordre afin d'être inscrits sur le tableau de permanence, soit accepter de répondre positivement à une demande du conseil tendant à compléter ledit tableau. Ce tableau établit la liste des médecins de garde qui se sont portés volontaire pour intervenir en dehors des horaires d'ouverture des cabinets médicaux ; on parle alors d'astreinte réalisée par le médecin. Naturellement, des incitations financières sont mises en place pour encourager les médecins à se porter volontaires.

Toutefois, le principe du volontariat n'est pas absolu. En effet, des réquisitions préfectorales sont prévues par l'article R. R6315-4 lorsque le tableau de permanence demeure incomplet permettant à l'autorité administrative de contraindre certains médecins à participer à la permanence des soins qui est une mission d'intérêt général. Mme DEL SOL nous dira qu' « il s'agit là d'une garantie d'effectivité de cette continuité qui suppose d'exercer une contrainte de puissance publique sur un certain nombre de médecins. »145

Maintenant que nous avons étudié les limites à l'accès ou à l'exercice d'une profession dans une approche de droit interne, il nous faut évoquer les spécificités du droit de l'Union européenne, qui pose le cadre de la libre circulation économique des personnes en mouvement d'un Etat membre à un autre dans le cadre de leurs activités économiques

145 DEL SOL M., « Médecine libérale et permanence des soins de ville », Revue de droit sanitaire et social 2004 p. 261

Section 2. Les limitations fondées directement sur les personnes dans le cadre de la libre circulation au sein de l'Union européenne (libres établissement et prestation de service)

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Dans le cadre de leurs activités économiques, la libre circulation confère aux ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne le droit d'exercer sans restriction une activité économique salariée ou non salariée sur le territoire d'un autre Etat membre. Ainsi, le droit de l'Union européenne interdit en principe toute entrave à cette liberté et toute discrimination. Toutefois, dans certaines situations, les Etats pourront limiter cette liberté notamment en invoquant des motifs de protection de la santé. Ces limitations pourront par ailleurs être appliquées de manière discriminatoires et imposer ainsi certaines restrictions aux ressortissants non-nationaux.

Nous analyserons ces questions sous l'angle des personnes et nous demanderons dans un premier temps ce que recouvre la libre circulation économique des personnes (I) pour étudier les limitations qui peuvent y être apportées dans un second temps (II)

I - La libre circulation économique des personnes en mouvement au sein de l'Union européenne : une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre

Après avoir défini les notions de liberté d'établissement et de prestation de service qui constituent la libre circulation économique des personnes (A), nous étudierons leur régime juridique (B).

A - Les notions de liberté d'établissement et de libre prestation de service

Si l'on analyse la libre circulation économique des personnes en tant que mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini, elle bénéficie aux entreprises et aux travailleurs indépendants que l'on distingue des travailleurs salariés. Si la libre circulation des travailleurs fait partie de la libre circulation des personnes146, elle ne sera pas examinée dans la mesure où elle n'est pas une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre du fait de la subordination des salariés à leurs employeurs.

146 Article 45 TFUE

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La première mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre dans le cadre de la libre circulation économique des personnes est la liberté d'établissement147 des entreprises et des travailleurs indépendants. Ce concept a été précisé par la Cour de Justice dans l'affaire Gebhard148 ; ainsi d'une part, l'établissement vise l'accès à une activité non salariée et son exercice sur le territoire d'un autre Etat membre, ce qui suppose un déplacement de la personne. D'autre part, l'établissement vise la constitution et la gestion d'une entreprise, la création d'agences, de succursales ou de filiales sur le territoire d'un autre Etat membre, ce qui ne nécessite pas de déplacement et consiste en pratique en un établissement économique et financier. In fine, la liberté d'établissement consiste pour un ressortissant de l'Union européenne en la possibilité de participer de façon stable et continue à la vie économique d'un autre Etat que son Etat d'origine. Ainsi, puisque nous analysons la libre circulation économique sous le prisme des limites fondées sur la qualité des personnes, nous ne traiterons que de la première partie de la définition donnée par la jurisprudence précitée.

La seconde mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre dans le cadre de la libre circulation économique des personnes est la libre prestation de service.149 Elle consiste pour le prestataire à exercer une activité économique à titre temporaire sur le territoire d'un autre Etat membre.150 Cette activité temporaire peut être occasionnelle ou même régulière et le prestataire peut se doter d'une infrastructure si elle est nécessaire aux fins de l'accomplissement de la prestation en cause. Toutefois l'implantation ne doit pas être permanente (stable et continue), c'est ce qui la distingue de l'exercice du droit d'établissement.

Maintenant que ces concepts ont été définis, nous allons étudier le régime qui leur est applicable.

147 Articles 49 et s. TFUE

148 CJCE, 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard/Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, affaire C55/94

149 Articles 56 et 57 TFUE

150 CJCE, 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard/Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, affaire C55/94

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B - Le régime global des libertés d'établissement et de prestation de service

De ces libertés découle naturellement une interdiction des entraves et des discriminations (1), mais pour les rendre plus effectives, l'Union européenne a ouvert des processus d'harmonisations et de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles (2).

1 - L'interdiction des entraves à la libre circulation et des discriminations tenant à la nationalité des personnes : le socle minimal de garantie d'effectivité des libertés

Dans le cadre de la libre prestation de service et du libre établissement, si les Etats sont libres de réglementer les activités économiques, le droit de l'Union européenne interdit toutefois les entraves à la libre circulation et les discriminations entre leurs ressortissants et ceux des autres Etats membres.

D'une part, concernant les entraves, cette notion a été défini par la Cour de Justice comme toute mesure qui, « même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les ressortissants communautaires, y compris ceux de l'État membre auteur de la mesure, des libertés fondamentales garanties par le traité. »151 Il s'agira par exemple de la nécessité d'obtenir une autorisation administrative pour pouvoir exercer une activité.

D'autre part, concernant les discriminations, la Cour de Justice interdit par extension les discriminations indirectes ; à savoir « toutes formes dissimulées de discriminations qui, bien que fondées sur des critères en apparence neutres, aboutissent en fait au même résultat »152 qu'une discrimination fondée sur la nationalité.

Outre ces interdictions, la diversification des réglementations des différents Etats a conduit l'Union européenne à prendre des mesures visant à faciliter l'effectivité des libertés.

2 - Harmonisations et reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles : vers une facilitation de l'effectivité de l'exercice des libertés

Afin de faciliter l'exercice effectif des libertés d'établissement et de prestation de service, des directives communautaires ont été adoptées notamment en vue de mettre en place une reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles des ressortissants des différents

151 CJCE, 31 mars 1993, Kraus, affaire C19/92

152 CJCE, 12 févr. 1974, Sotgiu, aff. 152/73

Etats membres (notamment des diplômes) et une harmonisation des conditions d'accès et d'exercice de certaines professions. La principale directive en la matière est la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

La directive met en place un régime général de reconnaissance des titres de formation en matière de liberté d'établissement. Tout d'abord, l'article 11 de la directive regroupe les qualifications professionnelles en cinq niveaux. Ensuite, l'article 13 prévoit que le ressortissant d'un Etat membre qui souhaite accéder à une profession dans un autre Etat membre et dont l'exercice est subordonné à la possession de qualifications professionnelles déterminées, doit pour cela être titulaire d'un titre de formation prescrit par son Etat pour accéder à cette même profession. Ce titre doit avoir été délivré par une autorité compétente dans son Etat et attester d'un niveau de qualification professionnelle au moins équivalent au niveau immédiatement inférieur à celui exigé dans l'État membre d'accueil.

Complémentairement, l'article 14 autorise les Etats membres mettent en place dans certaines situations des « mesures compensatoires » pour l'accès ou l'exercice d'une profession. L'Etat pourra ainsi imposer aux personnes d'accomplir un stage d'adaptation pendant trois ans au maximum ou les soumettre à une épreuve d'aptitude. Ainsi, même dans le régime général de reconnaissance, les Etats gardent une marge de manoeuvre pouvant aboutir à limiter la liberté d'établissement.

Outre ce régime général, certaines professions bénéficient quant à elles d'une reconnaissance automatique des qualifications professionnelles dans l'Union européenne sur la base de la coordination de conditions minimales de formation. L'article 21 de la directive pose ainsi le principe de reconnaissance mutuelle des professions d'architecte, de dentiste, d'infirmière, de médecin, de pharmacien, de sage-femme et de vétérinaires.

L'automaticité de la reconnaissance n'est pas absolue et la directive pose pour cela certaines conditions. Ainsi par exemple, concernant les médecins, la reconnaissance ne pourra se faire automatiquement s'il existe des différences importantes entre le titre de formation détenu par la personne et celui requis dans le pays d'accueil pour exercer la profession de médecin. L'Etat d'accueil pourra dans ce cas imposer aux médecins d'accomplir un stage d'adaptation pendant trois ans au maximum ou les soumettre à une épreuve d'aptitude ; ce qui constitue une possibilité de limiter la liberté d'établissement des personne.

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En outre, étudions dès à présent les limites qui sont apportées à ces libertés de circulation.

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II - Les limites à la libre circulation économique sous le prisme de la qualité des personnes

La libre circulation économique n'est, comme toute liberté, ni générale ni absolue. C'est Ainsi le droit l'Union européenne ouvre des situations dans lesquelles les libertés de circulations peuvent être limitées. Après avoir posé le cadre des justifications de ces limitations (A), nous donnerons en donnerons des illustrations jurisprudentielles (B).

A - Les justifications des limites à la libre circulation économique des personnes

Le droit de l'Union européenne oppose à la libre circulation économique des personnes quatre situations dans lesquelles les Etats membres pourront y justifier des restrictions. Les deux premières sont d'origine textuelle et les deux dernières sont d'origine jurisprudentielle.

Premièrement, certaines activités professionnelles qui participent à l'exercice de l'autorité publique peuvent être réservées aux nationaux.153 Il pourra s'agir par exemple des emplois dans l'administration publique154 ou de certaines professions indépendantes (comme les professions d'huissier ou de garde-chasse). Analysée sous le prisme des personnes, cette justification est fondée sur leur qualité d' « étrangers » à l'Etat dans lesquels ces activités sont exercées. Toutefois, les aspects d'une profession qui participent à l'exercice de l'autorité publique n'entrent pas dans le cadre de la liberté d'entreprendre car cette dernière ne s'applique qu'aux activités économiques privées. Ainsi, selon la théorie de la détachabilité, l'Etat ne peut réserver aux nationaux que les seuls aspects de l'activité qui participent directement à l'exercice de la puissance publique.

Deuxièmement, des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique invocables par les Etats membres peuvent justifier qu'ils appliquent des régimes spéciaux pour les ressortissants étrangers.155 Ainsi la protection de la santé publique peut constituer une justification de restrictions à la liberté d'entreprendre dans le cadre de la libre prestation de service ou de la liberté d'établissement. Toutefois, ces raisons ne sont pas invocables en cas

153 Article 51 TFUE

154 Article 45§4 TFUE

155 L'article 45§3 TFUE fait référence à ces raisons dans le cadre de la libre circulation des travailleurs.

Les articles 52§1 et 62 TFUE autorisent, dans le cadre des libertés d'établissement et de prestation de service, la mise en place d'un régime spécial pour les ressortissants étrangers justifié par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique

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d'harmonisation complète du secteur concerné. Analysée sous le prisme des personnes, cette justification est fondée sur leur qualité d' « étrangers », qui peut être combinée à leurs compétences. En effet, la qualité d' « étrangers » des personnes ne permet pas toujours de connaitre ou d'évaluer leurs compétences.

En résumé, dans les deux premières situations, c'est la qualité de ressortissants d'un autre Etat membre des personnes combinée à la nature des activités ou à des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique qui justifient ces interdictions.

Troisièmement, des raisons impérieuses d'intérêt général156 vont permettre de justifier des restrictions aux libertés de prestation de service et d'établissement. Ces raisons doivent s'appliquer de manière non-discriminatoire, être nécessaires à assurer l'objectif qu'elles poursuivent et être proportionnées au regard de cet objectif. Ainsi, a contrario des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique précédemment évoquées, ces restrictions doivent être indistinctement applicables aux nationaux et aux ressortissants d'un autre Etat membre.

Quatrièmement, une dernière raison d'intérêt général peut justifier des restrictions aux libertés d'établissement et de prestation de service ; il s'agit de l'abus de droit (utilisation abusive par des personnes de la libre prestation de service ou de la liberté d'établissement). Ainsi les Etats peuvent dans ce cas « prendre des mesures destinées à empêcher qu'à la faveur des facilités créées en vertu du traité, certains de ses ressortissants ne tentent de se soustraire abusivement à l'emprise de leur législation nationale. »157 Ici, c'est le comportement des personnes qui est en cause et qui va justifier les mesures restrictives des Etats membres.

Maintenant que nous avons dressé le tableau général des justifications à des mesures restrictives aux libertés économiques de circulation des personnes, nous allons donner quelques illustrations jurisprudentielles pour appuyer notre démonstration.

156 Elles sont l'équivalent, en matière de libre circulation des marchandises, des exigences impératives de la jurisprudence « Cassis de Dijon », que nous étudierons dans notre Partie 2

157 DE GROVE-VALDEYRON N., « Prestation de services », Répertoire de droit communautaire, déc. 2011

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B - L'illustration des limites à la liberté de circulation économique sous le prisme de la qualité des personnes

Notre objectif n'est pas d'établir un recueil des jurisprudences mais de donner quelques illustrations de limites à la liberté de circulation économique des personnes justifiées par la protection de la santé. Nous verrons ainsi que ces limites peuvent être fondées sur les compétences des personnes (1) mais aussi sur la nécessité de leur indépendance (2).

1 - La mise en cause de la compétence des personnes comme limite à leur liberté de circulation économique

Nous donnerons ici deux illustrations de justifications d'atteintes aux libertés économiques de circulation se fondant sur la compétence des personnes et la protection de la santé. La première illustration fera prévaloir la protection de la santé et la seconde, sans écarter la protection de la santé, fera prévaloir la liberté d'établissement.

Ophtalmologues et opticiens. Dans un arrêt du 1er février 2001158, la Cour de Justice a considéré que la législation belge qui interdisait aux opticiens (qui ne sont pas des médecins) de procéder à certains examens optiques sur leurs « patients » car ils étaient réservés aux seuls ophtalmologues était un moyen propre à garantir la réalisation d'un niveau élevé de protection de la santé non contraire au droit d'établissement.

La Cour précisera en outre que le simple fait qu'un Etat membre impose en l'espèce des règles moins strictes que la Belgique ne permet pas de considérer la législation belge comme disproportionnée dans la mesure où chaque Etat évalue « les risques pour la santé publique qui pourraient résulter de l'octroi aux opticiens de l'autorisation de procéder à certains examens de la vue. »

Ainsi, non seulement la protection de la santé est justification effective de limitation de la liberté d'entreprendre dans le cadre de la liberté d'établissement mais en plus, chaque Etat définit la notion de risque pour la santé publique.

Concours d'entrée à l'Ecole Nationale de la Santé Publique. Bien que rendue en matière de liberté de circulation des travailleurs, une décision de la Cour de Justice mérite ici d'être

158 CJCE, 1er février 2001, Mac Quen E.A., aff. C-108/96

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évoquée quant aux limites fondées sur la compétence des personnes qui peuvent ou non être opposées à la liberté de circulation.159

En l'espèce, une ressortissante portugaise a reçu en 1983 le titre d'administrateur hospitalier de l'École nationale de la santé publique de Lisbonne et, invoquant le droit communautaire sur la reconnaissance des diplômes, a demandé en 1993 son intégration dans le corps des directeurs d'hôpitaux de la fonction publique française. Or en France, pour pouvoir exercer les fonctions de directeurs d'hôpital, il faut être diplômé de l'Ecole Nationale de Santé Publique (ENSP) dont les modalités d'admission sont conditionnées par la réussite d'un concours d'entrée. Sa demande d'intégration a ainsi été rejetée par les autorités françaises. Ladite ressortissante a de ce fait saisi les juridictions administratives françaises qui ont saisi la CJ de questions préjudicielles.

La CJ va en l'espèce considérer que le titre délivré en fin de formation par l'ENSP est un « diplôme » au sens des dispositions communautaires de reconnaissance des titres de formation. La Cour va considérer ensuite que si l'obligation de réussir un concours pour accéder à un emploi dans la fonction publique ne peut être qualifiée d'entrave à la libre circulation, les modalités du concours d'admission à l'ENSP ne permettent pas de tenir compte des qualifications spécifiques en matière de gestion hospitalière. Ainsi, la Cour considérera qu' « imposer ce concours à des ressortissants d'États membres déjà qualifiés en matière de gestion hospitalière dans un autre État membre les prive de la possibilité de faire valoir leurs qualifications spécifiques dans cette matière et occasionne dès lors pour eux un désavantage qui est de nature à les dissuader d'exercer leur droit à la libre circulation. »

Ainsi, puisqu'en l'espèce les diplômes portugais et français sont considérés comme équivalents, la subordination de l'intégration en question à la réussite d'un concours tel que le concours d'admission à l'ENSP est contraire au droit communautaire.

La cour ne remet pas en cause le système du concours, qui est propre à s'assurer de recruter des professionnels de la santé suffisamment compétent et donc de protéger la santé publique, mais elle invite en pratique les Etats à prévoir des méthodes de recrutement permettant aux ressortissants communautaires de faire valoir leurs qualifications professionnelles.

Combinée à la protection de la santé, la compétence des personnes n'est pas le seul motif de limitations aux libertés économiques de circulation des personnes.

159 CJCE, 9 septembre 2003, Isabel Burbaud contre Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, aff. C-285/01

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2 - La mise en cause de l'indépendance des personnes comme limite à leur liberté économique de circulation

Monopole des pharmaciens. Dans un arrêt du 19 mai 2009160, la Cour de Justice a considéré que si la législation allemande qui imposait que les pharmacies soient exploitées par les seuls pharmaciens est une entrave à la libre circulation des personnes, elle est justifiée par un motif de protection de la santé. En effet, les médicaments, du fait de leur dangerosité, comportent des risques pour la santé publique justifiant la compétence exclusive des pharmaciens pour en assurer la délivrance. A ce titre, les Etats membres sont fondés à prendre des mesures assurant un approvisionnement en médicaments sûr et de qualité et ainsi à imposer que ces derniers soient vendus par des personnes « offrant toutes les garanties de compétence et d'indépendance à l'égard de pressions mercantilistes ».161 Ainsi la cour a considéré par exemple que les exploitants non-pharmaciens risquent d'inciter les pharmaciens « à écouler des médicaments dont le stockage n'est plus rentable ou (...) procéder à des réductions de frais de fonctionnement qui sont susceptibles d'affecter les modalités selon lesquelles les médicaments sont distribués au détail. »

Ainsi, combinée à la protection de la santé, l'indépendance des personnes est un critère pouvant fonder des limitations aux libertés économiques de circulation des personnes. Les Etats cherchent en effet à prévenir le comportement contraire à la santé que pourrait avoir certains professionnels.

Dans le cadre des libertés économiques de circulation des personnes, notre distinction opérée entre les biens et les personnes ne permet pas d'aborder l'exhaustivité des situations dans lesquelles la liberté d'entreprendre est limitée par la protection de la santé. Toutefois, si l'exhaustivité n'est pas notre objectif, nous tenions à souligner tout de même que les limitations à la libre prestation de service ou à la liberté d'établissement peuvent se fonder sur des motifs ne touchant pas à la qualité des personnes. C'est ainsi par exemple qu'a pu être évoqué comme motif de protection de la santé l'équilibre financier du système de sécurité

160 CJCE, 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes, aff. C-171/07 et C-172/07

161 SIBONY A.-L., DEFOSSEZ A., « Marché intérieur (marchandises, capitaux, établissement, services) », Revue trimestrielle de droit européen, 15 mars 2010

sociale.162 In fine, même sans toucher à la qualité de la personne, les limites aux libertés économiques de circulation touchent directement les personnes dans leurs déplacements.

En résumé, nous avons voulu montrer dans ce chapitre que pour limiter la liberté d'entreprendre, la protection de la santé agit sur la qualité des personnes en leur restreignant l'accès à une profession ou son exercice. Nous avons ainsi vu que le statut juridique des personnes, leurs compétences ou encore les condamnations résultant de leurs comportements sont des variables sur lesquelles le droit s'appui pour appliquer les restrictions économiques que nous avons évoqué. De même, lorsque la personne a la qualité de professionnel de santé, l'encadrement de son activité, qui est lucrative, sera encore plus contraignant du fait du lien direct qui est établit entre sa profession et la santé des individus. Enfin, nous avons aussi remarqué que la qualité d'étranger d'une personne est une variable justifiant une restriction à leur liberté économique de circulation au sein de l'Union européenne. La qualité de la personne était donc au centre de notre raisonnement.

En outre, il arrive qu'une personne participe à une activité économique sans en être à l'initiative mais en étant un acteur central dans cette activité. Nous en dirons plus dans notre Chapitre 2 qu'il est dorénavant temps d'aborder.

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162 CJCE, 28 avr. 1998, Kohll, aff. C-158/96

SECOND CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À LA
LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE DANS LA CADRE DE LA RECHERCHE :
LE PROBLÈME DE LA QUALITÉ DE PERSONNE HUMAINE DU SUJET COMME
MOYEN DE LA RECHERCHE

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La liberté de la recherche est-elle un corolaire de la liberté d'entreprendre ? Voici une question délicate à laquelle nous ne saurons ici définitivement répondre. Pour autant, les liens entre la liberté de la recherche et la liberté d'entreprendre sont évidents et nous allons dès à présent les aborder.

Tout d'abord, il nous faut rappeler une distinction au sein de la recherche qui est opérée entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Le principal critère de distinction est celui de la finalité de la recherche. Ainsi, en théorie, la recherche appliquée est entreprise avec une finalité économique. Toutefois, ce critère est parfois délicat à mettre en oeuvre car certaines recherches dites fondamentales peuvent, même si ce n'est pas la finalité première recherchée, être à terme valorisées économiquement.

Par ailleurs, si l'on aborde la recherche en tant qu'activité d'une entreprise, on parlera de recherche et développement. Il s'agira par exemple pour une entreprise de créer de nouveaux biens. On peut distinguer au sein de la recherche et développement trois types d'activités dont nous allons dès à présent donner les définitions proposées par l'Organisation de coopération et de développement économiques et reprises par le Département des études statistiques du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche de la République française.163

- La recherche fondamentale : « Elle consiste en des travaux expérimentaux ou théoriques (...) entrepris soit par pure curiosité scientifique (recherche fondamentale pure), soit pour apporter une contribution théorique à la résolution de problèmes techniques (recherche fondamentale orientée). »

163 Site internet du Département des études statistiques du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, « Méthodologie et définitions - Définition des activités de R&D », http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/res/res02/rap02ch3.pdf, page consultée le 6 mai 2013.

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- La recherche appliquée : « Elle est entreprise, soit pour discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale, soit pour trouver des solutions nouvelles permettant d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. Elle implique la prise en compte des connaissances existantes et leur approfondissement dans le but de résoudre des problèmes particuliers. (...) La recherche appliquée permet la mise en forme opérationnelle des idées. Les connaissances ou les informations tirées de la recherche appliquée sont généralement susceptibles d'être brevetées ou peuvent être conservées secrètes. »

- Le développement expérimental : « C'est l'ensemble des travaux systématiques fondés sur les connaissances obtenues par la recherche ou l'expérience pratique, effectués en vue de lancer la fabrication de nouveaux matériaux, produits ou dispositifs, d'établir de nouveaux procédés, systèmes et services ou d'améliorer considérablement ceux qui existent déjà. Il inclut la mise au point des prototypes et des installations pilotes. »

Ainsi à travers ces définitions, non seulement les liens entre économie et recherche sont évidents mais de surcroit, ces recherches sont initiées par une entreprise. N'est-ce donc pas là une mise en oeuvre de leur liberté d'entreprendre ?

Par exemple, dans le cadre de ses activités de recherche et développement, un laboratoire pharmaceutique souhaite élaborer un nouveau médicament. Pour cela, il effectue des recherches en amont en testant par exemple des molécules, puis en sélectionnant enfin les médicaments à tester. Ensuite, arrive la phase de développement préclinique au cours de laquelle diverses expérimentations seront effectuées comme par exemple sur les animaux. Enfin, et à ce moment-là il ne reste qu'environ dix candidats médicaments, arrive le développement clinique au cours duquel seront mis en oeuvre des essais cliniques sur des personnes humaines volontaires. Les essais cliniques visent à démontrer l'efficacité et la sécurité d'un nouveau médicament et sont obligatoires pour obtenir une autorisation de mise sur le marché d'un médicament164 (nous reviendrons dans notre Seconde partie sur les biens). On voit bien ici, que les essais de médicaments sur les personnes (recherche biomédicale) sont indispensables à la commercialisation de biens (liberté d'entreprendre).

164 Voir en ce sens, « Les grandes étapes de la vie d'un médicament », http://www.leem.org/content/les-grandes-tapes-de-fabrication-dun-m-dicament, page consultée le 6 mai 2013.

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C'est ainsi que la recherche est une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre quand elle a une finalité économique, notamment prédéterminée par l'entrepreneur. Nous ne traiterons donc pas ici de liberté de la recherche mais simplement de la recherche comme mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre.

Parce qu'elle touche les personnes humaines qu'elle met au coeur du processus de recherche et parce que nous avons fait le choix d'analyser les limites à la liberté d'entreprendre justifiées par la protection de la santé sous l'angle des personnes, nous traiterons ici de la recherche biomédicale ou impliquant la personne humaine.

Comme le disait Kant dans son ouvrage « Fondement de la métaphysique des moeurs », « Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. » Or il se trouve que dans le cadre de la recherche impliquant une personne humaine, cette dernière peut être, au moins partiellement, utilisée comme un moyen et non comme une fin. En effet, la finalité dans la recherche biomédicale est principalement le progrès scientifique. Lorsque les sujets sont impliqués dans la recherche dans un but thérapeutique, il est vrai que la finalité scientifique se complète par la finalité curative mais la personne demeure l'un des moyens de la recherche, à côté par exemple du médicament testé sur elle.

Or, lorsque la personne est utilisée comme un moyen, c'est sa dignité qui est en jeu. C'est ainsi que le droit cherche à créer un équilibre en les droits des personnes participant à une recherche et l'intérêt général incarné par le progrès scientifique. La personne a des droits, elle n'est pas un droit. C'est ainsi que la participation à une recherche biomédicale ne doit en principe n'apporter aucune contrepartie financière au sujet parce que la dignité de la personne humaine est hors commerce. En outre, la personne est ici certes considérable comme un moyen mais dans une finalité d'intérêt général et c'est ce dernier point qui nous pousse à nous demander si l'utilisation d'une personne comme moyen dans une finalité d'intérêt général est une cause de rachat de sa dignité. Cela nous semble insuffisant. Sans laisser totalement en suspend ces questions, nous remarquerons que l'éventualité d'une atteinte à la dignité de la personne peut être contredite à la fois par la finalité de la recherche (intérêt général), par le nécessaire recueil du consentement du sujet préalablement à la recherche, et par un encadrement juridique de cette dernière centré sur la protection des sujets, et tout cela, a fortiori lorsque la personne se prête à une recherche dans un but curatif.

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Ainsi, la personne est au coeur de la recherche biomédicale qui elle-même peut être une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre de celui qui l'initie. La personne, qui ne participe pas nécessairement pour son propre intérêt à la recherche, est dans tous les cas un acteur principal de la recherche. C'est pour toutes ces raisons que nous aborderons la recherche biomédicale dans le cadre de notre Partie 1 : la variable « personne » est au coeur de l'encadrement de la recherche biomédicale.

Les dispositions juridiques encadrant la recherche biomédicale sont contenues dans les articles L. 1121-1 et s. du Code de la Santé Publique. Par ailleurs, la Loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 est venue modifier substantiellement le régime encadrant la recherche impliquant les personnes notamment en élargissant la notion de « recherche biomédicale » par celle de « recherche impliquant la personne humaine ». Toutefois, la présente loi n'entrera en vigueur que dès la publication au Journal officiel de ses décrets d'application. Enfin, cette nouvelle loi ne remettant pas en cause la logique globale visant à trouver un compromis entre protection des personnes, morale et progrès scientifique, nous étudierons dans une première section le cadre général de la recherche biomédicale sur les personnes en montrant les limites qui sont apportées à la liberté d'entreprendre, puis nous présenterons les principaux aspects de la nouvelle réforme dans une seconde section.

Section 1. Le cadre général actuel de la recherche biomédicale : un compromis entre liberté d'entreprendre, progrès scientifique et protection du sujet

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Nous étudierons ici le cadre général de la recherche biomédicale et les limites qu'il apporte à la liberté d'entreprendre en adoptant une approche calquée sur la vie de l'activité de recherche en partant de son entreprise (I) jusqu'à sa fin (III), et en passant par son exercice (II).

I - Les conditions préalables à l'entreprise - limitée - de la recherche biomédicale

Avant d'entreprendre une recherche biomédicale, il faut d'abord que la démarche entre dans son champ d'application (A) dans le respect ensuite de certaines conditions (B). Nous souhaitons montrer à travers le présent contenu que ces conditions préalables à l'entreprise de la recherche biomédicale sont parsemées de limitations à la liberté d'entreprendre de la personne que le CSP nomme le promoteur ; nous reviendrons sur ce dernier.

A - La délimitation du champ d'application de la recherche biomédicale

Définir le champ d'application de la recherche biomédicale nécessite de se demander tout d'abord quel est son objet afin de la définir (1), et ensuite de se demander qui en sont les principaux acteurs (2).

1 - La définition de l'objet de la recherche biomédicale

Nous envisageons donc préalablement de nous demander ce que recouvre la notion de recherche biomédicale afin de délimiter son champ d'application Ainsi, l'article L. 11211 du CSP la définit comme la recherche organisée et pratiquée sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales. Nous avons donc un moyen principal (l'être humain) et une finalité (le progrès scientifique) dans la recherche biomédicale.

Plus particulièrement, il existe plusieurs catégories de recherches biomédicales. On peut citer par exemple celles portant sur un médicament ou celles portant sur un dispositif médical (art. R. 1121-1 CSP). Les premières sont entendues comme tout essai clinique d'un ou plusieurs médicaments visant à déterminer ou à confirmer leurs effets cliniques, pharmacologiques et les autres effets pharmacodynamiques ou à mettre en évidence tout effet indésirable, ou à en étudier l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'élimination, dans le but de s'assurer de

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leur innocuité ou de leur efficacité. Globalement, ces recherches s'inscrivent dans le cadre de l'élaboration d'un médicament en vue de sa mise sur le marché. Quant aux recherches biomédicales portant sur un dispositif médical, elles sont entendues comme tout essai clinique ou investigation clinique d'un ou plusieurs dispositifs médicaux visant à déterminer ou à confirmer leurs performances ou à mettre en évidence leurs effets indésirables et à évaluer si ceux-ci constituent des risques au regard des performances assignées au dispositif.

L'objet de la recherche biomédicale est ainsi plutôt large puisqu'il va concerner les recherches portant atteinte au corps humain, même de manière superficielle, qu'il s'agisse par exemple de la prise d'un médicament, de l'application d'une substance (cosmétique, etc.), de données recueillies sous une astreinte particulière (régimes alimentaires, épreuves d'efforts, etc.) ou encore de l'insertion d'un implant.

En outre, certaines recherches sont exclues du champ d'application de l'article L. 1121-1 et non constituent donc pas des recherches biomédicales. Il s'agira globalement des recherches qui n'altèrent pas l'intégrité physique des personnes qui s'y soumettent ou ne comportent que des risques et contraintes négligeables.

Premièrement, il s'agira des recherches visant à évaluer des soins courant autres que celles portant sur les médicaments (articles L. 1121-1, 2° et R. 1121-2), lorsque tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle mais que des modalités particulières de surveillance sont prévues par un protocole obligatoirement soumis à l'avis du Comité de protection des personnes compétent. En pratique, ces recherches visent à évaluer des actes, combinaisons d'actes ou stratégies médicales de prévention, de diagnostic ou de traitement qui sont de pratique courante, c'est à dire qui ne sont pas innovants ou considérés comme obsolètes (art. R. 1121-3 CSP).

Deuxièmement, il s'agira des « recherches non interventionnelles » ou observationnelles (articles L. 1121-1, 1° et R. 1121-2), c'est à dire des recherches dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle et sans aucune procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic ou de surveillance. En pratique dans ce cas, « des groupes de personnes sont soumis à observation pendant plusieurs années, sans qu'aucun geste médical ne soit pratiqué. »165

165 LEROYER A.-M., « Recherches sur la personne humaine - Autorisation - Protection - Examen caractéristiques génétiques », RTD Civ. 2012 p. 384

Ainsi, ce large champ d'application permettra d'appliquer à grand nombre de situations un régime protecteur pour les sujets et contraignant pour les acteurs de la recherche. En outre, nous venons de répondre à la question : « Quoi ? » ; il nous faut maintenant nous demander : « Qui ? ».

2 - La définition des principaux acteurs de la recherche biomédicale

Il existe principalement trois acteurs de la recherche biomédicale : le promoteur et l'investigateur décrits à l'art. L. 1121-1 du CSP (1) et le sujet impliqué dans la recherche (2).

a - Le promoteur et l'investigateur entreprenant et mettant en oeuvre la recherche

Promoteur. Obligatoirement établi dans l'Union européenne, le promoteur est la personne physique ou morale qui prend l'initiative de la recherche, qui en assure la gestion et le financement. En pratique, le promoteur pourra être un établissement public ou privé ayant une mission de soin (hôpital,...) ou un industriel (laboratoires pharmaceutiques,...).

C'est lui qui recueille l'avis du Comité compétent et l'autorisation de l'ANSM préalablement à toute entreprise de recherche ou en cas de modification substantielle de celle-ci. De surcroit, le promoteur est la personne responsable des éventuelles conséquences dommageables de la recherche biomédicale pour la personne qui s'y prête.

Ainsi, lorsqu'il est une personne privée, c'est lui qui est le bénéficiaire de la liberté d'entreprendre, qu'il met ici en oeuvre via l'entreprise de la recherche en tant que préalable au développement d'un produit, d'une technique, etc. qu'il valorisera économiquement par la suite (dépôt d'un brevet, commercialisation, etc.).

Investigateur. L'investigateur est la personne physique qui dirige et surveille la réalisation de la recherche sur un lieu. Il faut noter qu'en cas de pluralité des investigateurs, le promoteur devra désigner, parmi les investigateurs, un coordinateur. L'investigateur doit être un médecin justifiant d'une expérience appropriée. De plus, il doit se faire assister par des spécialistes dans certains domaines comme l'odontologie (médecine dentaire) ou la maïeutique (art de l'accouchement).

Parce qu'il agit pour le compte du promoteur, l'investigateur n'est donc pas un bénéficiaire de la liberté d'entreprendre telle que nous l'avons défini.

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En outre, la recherche biomédicale se réalise via une personne humaine ; qui est-elle ?

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b - Le sujet impliqué dans la recherche

Le sujet impliqué dans la recherche est en principe tout être humain consentant, qu'il s'agisse d'un volontaire « sain » ou d'un patient. Par exception, certaines personnes en situation de fragilité, de vulnérabilité ne pourront être impliquées dans la recherche que sous certaines conditions posées par les articles L. 1121-5 et s. du CSP.

Ainsi les femmes enceintes, les parturientes, les mères qui allaitent ou encore les personnes privées de liberté par une décision de justice et les personnes faisant l'objet de soins psychiatriques ne pourront être sollicitées pour se prêter à des recherches biomédicales que dans certaines conditions fondées notamment sur la balance bénéfice/risque.

De plus, les mineurs et les majeurs protégés ne peuvent être sollicités pour se prêter à des recherches biomédicales que si des recherches d'une efficacité comparable ne peuvent être effectuées sur une autre catégorie de la population et dans certaines conditions fondées sur la balance bénéfice/risque.

Enfin, l'article L. 1121-14 du CSP interdit les recherches biomédicales sur une personne décédée, en état de mort cérébrale, sans son consentement exprimé de son vivant ou par le témoignage de sa famille.

Ainsi, le sujet étant indispensable, l'exclusion de certaines personnes, bien que largement justifiée par la protection de la santé, limite toutefois les possibilités d'entreprendre une recherche.

Nous avons maintenant défini la recherche biomédicale et les acteurs qu'elle implique, mais qu'elles sont les conditions permettant de la mettre en oeuvre ? Il s'agit de répondre à la question : « Comment ? ».

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B - Les conditions restreignant l'entreprise de la recherche biomédicale

Entreprendre une recherche biomédicale suppose la réunion de conditions fondamentales (1) mais aussi le recueil d'avis et autorisation (2).

1 - La réunion de conditions fondamentales tenant à l'objet de la recherche

Parce que la personne humaine est au coeur du processus de recherche, cette dernière ne peut se faire sans le respect de certaines conditions élémentaires. Ainsi, l'article L. 1121-2 impose la réunion de cinq conditions pour que la recherche puisse avoir lieu.

Premièrement, la recherche doit se fonder sur le dernier état des connaissances scientifiques ou sur une expérimentation préclinique suffisante ; l'essai sur l'être humain arrive en bout de chaine (par exemple, le cas échéant, après expérimentation animale).

Deuxièmement, la recherche doit prendre en compte la balance bénéfice/risque. Ainsi, la recherche ne peut avoir lieu si le risque encouru par les sujets est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou pour l'intérêt de cette recherche.

Troisièmement, la recherche doit avoir pour finalité un progrès scientifique. Elle doit ainsi viser à étendre la connaissance scientifique de la personne humaine et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition.

Quatrièmement, la recherche ne peut avoir lieu si elle n'a pas été conçue de manière à minimiser la douleur, les désagréments, la peur ou tout autre inconvénient prévisible lié à la maladie ou à la recherche, en tenant compte particulièrement du degré de maturité pour les mineurs et de la capacité de compréhension pour les majeurs hors d'état d'exprimer leur consentement. Ainsi le CSP prévoit d'une part une protection générale du sujet, qui est d'autre part adaptée pragmatiquement à son degré de vulnérabilité.

Cinquièmement et enfin, le CSP synthétise les précédentes conditions en posant un principe général d'interdiction de la recherche biomédicale dans le cas où l'intérêt des sujets n'est pas considéré comme supérieur à la science et à l'intérêt de la société. Il s'agit de l'intérêt des sujets moyens de la recherche et non des personnes humaines en général : la finalité de la recherche, le progrès scientifique, devrait être bénéfique pour la santé de tous.

L'exigence de réunir ces conditions constitue typiquement une limitation de la liberté d'entreprendre du promoteur, et ce a fortiori parce que la finalité de la recherche est ici contrôlée.

Une fois ces conditions réunies, le promoteur doit recueillir avis et autorisation.

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2 - L'obtention d'un avis favorable et d'une autorisation administrative nécessaires à l'entreprise de la recherche

Conséquente limitation à la liberté d'entreprendre, la recherche biomédicale ne peut avoir lieu qu'après avis favorable du Comité de protection des personnes compétant (personne morale indépendante implantée au niveau régional) et autorisation administrative de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ci-après « ANSM » (articles L. 1121-4 et L. 1123-8 CSP). Le Comité émet un avis motivé sur la pertinence de la recherche et sur les conditions de protection des sujets. Il faut aussi noter que cette procédure de contrôle s'applique également lors de toute modification substantielle de la recherche en cours.

Par ailleurs et enfin, le lieu de la recherche fait l'objet, notamment lorsque il n'est pas le lieu d'exercice des professionnels de santé, d'une autorisation administrative préalable (art. L. 1121-13 CSP).

Noli me tangere !166 Puisque les recherches biomédicales nécessitent d'utiliser le corps humain du sujet ou d'y accéder, son consentement est requis préalablement à toute entreprise de recherche biomédicale. De même, un certain nombre d'informations devront lui être communiquées.

3 - Les obligations d'information et de recueil du consentement du sujet impliqué dans la recherche

Les obligations d'informer le sujet (a) et de recueillir son consentement (b) sont contenues dans les articles L. 1122-1 et s. du CSP.

a - L'obligation d'information préalable du sujet

Préalablement à la réalisation d'une recherche biomédicale et au recueil du consentement du sujet, l'investigateur, ou un médecin qui le représente, doit obligatoirement lui délivrer un certain nombre d'informations. Le caractère préalable de l'obligation est strictement interprété par le juge. Ainsi, à titre d'illustration, « une recherche biomédicale commence dès que le placebo est prescrit, sans même qu'il soit nécessaire de s'interroger sur le point de savoir s'il a

166 Formule latine signifiant « Ne me touches pas ! »

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été ou non ingéré. »167 Nous allons dès lors présenter la plupart des informations imposées par le CSP.

Tout d'abord, le sujet doit être informée sur les objectifs, la méthodologie et la durée de la recherche, et sur le bénéfice attendu, les contraintes et risques prévisibles y compris en cas d'arrêt de la recherche avant son terme.

Ensuite, le sujet doit être informé de l'avis donné par le Comité de Protection des Personnes compétent et de l'autorisation délivrée par l'autorité administrative compétente.

Aussi, l'information doit porter sur les modalités de prise en charge médicale prévues en fin de recherche, si une telle prise en charge est nécessaire, en cas d'arrêt prématuré de la recherche, et en cas d'exclusion de la recherche.

Enfin, si le sujet se prête à la recherche en tant que patient, il doit être informé des éventuelles alternatives médicales envisageables et de son droit d'avoir communication, au cours ou à l'issue de la recherche, des informations disponibles concernant sa santé.

L'obligation d'information perdure tout le long de la recherche. Sans constituer une limite à la liberté d'entreprendre, cette obligation d`information peut avoir un effet dissuasif sur le sujet et retarder ainsi l'entreprise de la recherche. A l'issue de l'expérience, la personne impliquée

a le droit d'être informée des résultats globaux obtenus.

Une fois informé, et toujours préalablement à la réalisation de la recherche, le sujet devra donner son consentement pour pouvoir être impliqué dans la recherche.

b - L'obligation de recueil préalable du consentement du sujet

Puisque le corps du sujet est atteint dans le processus de recherche, le recueil de son consentement préalablement à son implication dans la réalisation de la recherche est obligatoire et doit faire suite au respect de l'obligation d'information. C'est ainsi que son consentement doit être libre et éclairé et en principe donné par écrit.

Ensuite, la personne est informée de son droit de refuser de participer à la recherche et de retirer son consentement à tout moment sans encourir aucune responsabilité.

Par ailleurs, les mineurs et majeurs protégés reçoivent une information adaptée à leur capacité de compréhension, il ne peut être passé outre à leur refus.

167 Cour d'appel de Paris, 11e ch. corr., 1er mars 1996, D. 1999. 603, note Roujou de Boubée

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En outre, si dans l'intérêt de la santé du patient, la recherche biomédicale doit être réalisée dans une situation d'urgence ne permettant pas de recueillir son consentement, seul peut être sollicité celui des membres de sa famille ou celui de la « personne de confiance » (désignée par le patient) s'ils sont présents et sous certaines conditions. Toutefois, le sujet est informé dès que possible et son consentement lui est demandé pour la poursuite éventuelle de cette recherche.

Dès que les conditions préalables à l'entreprise de la recherche sont réunies, la recherche va pouvoir être réalisée mais cette étape demeure encadrée par le CSP, qui pose un certain nombre de contraintes visant les acteurs de la recherche biomédicale.

II - L'encadrement de la réalisation de la recherche biomédicale

Dans le cadre de la réalisation de la recherche biomédicale, la protection des sujets est notamment assurée par des mesures imposant des conditions minimales de sécurité (A). En outre, le CSP tend aussi à protéger le sujet, notamment contre lui-même, en imposant la gratuité de son implication dans la recherche (B).

A - Les conditions assurant la sécurité des sujets dans la réalisation de la recherche

Afin d'assurer la sécurité des sujets, le CSP impose le respect de certaines conditions humaines, matérielles et techniques (1), qui peuvent aussi prendre la forme de règles de vigilance, de sécurité et de bonnes pratiques (2).

1 - Les conditions humaines, matérielles et techniques de la réalisation de la recherche

Dans un but de protection des sujets, la recherche biomédicale doit, pour avoir lieu, être encadrée par des moyens humains, matériels et techniques qui lui sont adaptés (art. L. 112113 CSP). C'est ainsi que la recherche doit se dérouler sous la direction et sous la surveillance d'un médecin justifiant d'une expérience appropriée dans des conditions matérielles et techniques adaptées à l'essai et compatibles avec les impératifs de rigueur scientifique et de sécurité des personnes qui se prêtent à ces recherches (art. L. 1121-3 CSP).

Une fois ces conditions remplies, le promoteur et l'investigateur devront s'assurer, sous le contrôle de l'ANSM, du respect de règles de vigilance, de sécurité et de bonnes pratiques qui leur sont imposées dans le cadre de la réalisation de la recherche biomédicale.

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2 - Les règles de vigilance, de sécurité et de bonnes pratiques

A titre préventif et dans l'intérêt du sujet impliqué dans la recherche, le CSP prévoit diverses mesures visant au bon déroulement de la recherche et à anticiper le risque. L'ANSM sera dans ce cadre régulièrement mise à contribution.

Le respect des règles de bonnes pratiques. Afin que la recherche biomédicale se déroule dans les meilleures conditions, notamment de sécurité, l'ANSM fixe des règles de « bonnes pratiques cliniques » opposables aux acteurs de la recherche (art. L. 1121-3 CSP). Du fait de la technicité de ces règles et de leur grande diversité, nous aurons l'obligeance de ne pas les évoquer mais de simplement indiquer la Décision du 24 novembre 2006 qui les rassemble.168

Vigilance et sécurité pendant le déroulement de la recherche. Un système de vigilance et de sécurité est mis en oeuvre tout au long de la recherche et impose à la charge du promoteur et de l'investigateur de notifier tout événement ou effet indésirable à l'ANSM. Les sujets participant à la recherche doivent, le Comité compétent s'en assurera si nécessaire, être informées de ces effets indésirables et confirmer leur consentement (Article L. 1123-10 CSP). Il en sera principalement de même en cas de suspicion d'effet indésirable grave inattendu (articles R. 1123-46 et R. 1123-47 CSP). Ainsi, l'utilisation du terme « suspicion » montre bien que la prévention est au coeur de l'encadrement des recherches biomédicales.

De surcroit, en cas de survenance d'un danger pour le sujet, le promoteur et l'investigateur doivent prendre les mesures de sécurité urgentes appropriées tout en informant l'ANSM et le Comité de protection des personnes compétent (article L. 1123-10 CSP).

En outre, le sujet bénéficie au titre de son implication d'un examen médical préalable adapté à la recherche (art. L. 1121-11 CSP).

Analysé sous l'angle de la protection du sujet qui se prête à la recherche, l'encadrement de la réalisation de la recherche biomédicale oppose à ses acteurs le principe de gratuité de l'implication du sujet dans la recherche.

168 Décision [ANSM] du 24 novembre 2006 fixant les règles de bonnes pratiques cliniques pour les recherches biomédicales portant sur des médicaments à usage humain

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B - L'opposabilité du principe de gratuité de l'implication du sujet dans la recherche

Afin d'éviter tout enrichissement du sujet ou que sa participation à des recherches biomédicales « devienne une "profession" »169, diverses mesures contenues dans le CSP tendent à limiter ce type de dérives à la fois pour des motifs de moralité (la santé n'est pas vouée à être un commerce) et de protection de la santé. Nous n'irons pas pousser le vice jusqu'à nous demander s'il s'agirait là d'une limite à la liberté d'entreprendre des sujets souhaitant faire de leur implication dans la recherche une profession mais il s'agira de montrer que le législateur a pris conscience des dérives que pourrait engendrer la contrepartie financière d'une participation à la recherche.

Toutefois, pour que la recherche puisse avoir lieu, encore faut-il trouver des personnes volontaires, c'est ainsi que le législateur a tenté de trouver un équilibre entre la protection de la moralité publique et de la santé publique et l'intérêt scientifique pouvant résulter des recherches biomédicales. Ainsi ces dispositions vont dans une certaine mesure rendre plus difficile le recrutement de volontaires dans la recherche et ainsi restreindre l'exercice de cette activité pour les promoteurs.

Nous étudierons pour éluder ces questions le principe de gratuité de la participation à une recherche biomédicale et ses aménagements (1) ainsi que l'éventualité d'une interdiction de se prêter à plusieurs recherches simultanément (2).

1 - Le principe gratuité de la participation à une recherche biomédicale et ses aménagements

L'article L. 1121-11 du CSP oppose le principe de gratuité de la participation à une recherche biomédicale aux acteurs de la recherche en disposant qu'elle ne donne lieu à aucune contrepartie financière directe ou indirecte pour les personnes qui s'y prêtent.

Ce principe est absolu si le sujet impliqué dans la recherche est un mineur ou un majeur protégé ou plus largement hors d'état d'exprimer son consentement. Il en va de même concernant les personnes privées de liberté ou faisant l'objet de soins psychiatriques ou admises dans un établissement sanitaire et social à d'autres fins que la recherche.

169 CRISTOL D., « La révision de la loi « Huriet » par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique », Revue de droit sanitaire et social, 2004 p. 885

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Outre le cas des personnes que nous venons d'évoquer, le principe de gratuité a fait l'objet de certains aménagements. Ainsi est admis le remboursement des frais exposés par le sujet et, « le cas échéant », l'indemnité en compensation des contraintes subies par ce dernier (immobilisation prolongée, etc.) et versée par le promoteur. La précision « le cas échéant » semble suffisamment imprécise pour faire courir le risque d'une dérive tenant à ce que l'indemnité compensatoire soit versée systématiquement de telle sorte à ce qu'elle puisse être assimilée à une « rémunération déguisée ».170 Toutefois, afin de minimiser les risques tendant à ce que « la participation à des recherches devienne une "profession" et que des personnes ne disposant pas d'une protection sociale ne "se vendent" »171, le montant total des indemnités qu'une personne peut percevoir au cours d'une même année est limité à un maximum fixé par le ministre chargé de la santé.

Par ailleurs, afin d'assurer leur protection, le CSP interdit aux sujets qui ne sont pas affiliés ou bénéficiaires d'un régime de sécurité sociale de participer à une recherche biomédicale. Il s'agit en pratique d'éviter qu'en cas de dommage, le sujet ait à supporter les frais de soin en attendant que l'assurance du promoteur intervienne (ou, le cas échant, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux lorsque la responsabilité du promoteur n'est pas engagée).172 En effet, les charges liées à un dommage sont supportées « en fin de chaine » par le promoteur. A ce titre, l'organisme de sécurité sociale dispose contre le promoteur d'une action en paiement des prestations versées ou fournies.

Il s'agit donc, comme ce fut le cas dans la jurisprudence administrative relative à l'interdiction du lancer de nain173, de protéger les personnes contre elles-mêmes, mais dans ce cas, afin de protéger leur santé.

L'éventail des mesures prises pour assurer le principe de gratuité, et ainsi à ne pas faire de la participation à la recherche une cause d'enrichissement des sujets qui s'y prêtent, comprend aussi la possibilité de leur interdire la participation à plusieurs recherches simultanément.

170 Ididem.

171 Ibid.

172 Ibid.

173 CE, 27 octobre 1995, (deux espèces) Ville d'Aix-en-Provence et Commune de Morsang-sur-Orge

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2 - L'éventuelle interdiction de se prêter simultanément à plusieurs recherches

Avant 2004, l'interdiction de se prêter simultanément à plusieurs recherches était absolue concernant les recherches sans finalité thérapeutique directe ; c'est-à-dire qu'elle pesait sur les sujets « sains » se prêtant volontairement à une recherche biomédicale.

Toutefois, depuis la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, la décision d'interdiction de participer simultanément à plusieurs recherches est, pour chaque recherche biomédicale, laissée à la discrétion du Comité de protection des personnes compétent et de l'ANSM (art. L. 1121-12 CSP).

Par ailleurs, ces derniers pourront fixer, le cas échéant, une période d'exclusion au cours de laquelle le sujet impliqué dans une recherche ne peut participer à une autre recherche. La durée de cette période varie en fonction de la nature de la recherche (art. L. 1121-12 CSP).

Notons enfin que le sujet doit être informé par l'investigateur, ou un médecin qui le représente et préalablement à la réalisation de la recherche, de l'interdiction de participer simultanément à une autre recherche ou de la période d'exclusion (art. L. 1122-1 CSP).

Les dispositions précitées s'inscrivent dans le double objectif d'éviter un enrichissement des sujets et de protéger leur santé.

En outre, si une recherche biomédicale n'est pas vouée à durer indéfiniment, elle doit dans certaines situations se terminer de manière anticipée, notamment quand est en jeu la protection de la santé du sujet.

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III - La fin de la recherche avant son terme justifiée par la protection de la santé

Dans des situations propres à comporter un risque pour la santé des personnes, il devra être mis fin à la recherche (A). Par ailleurs, en cas de dommage subit par le sujet du fait de son implication dans la recherche, le CSP a prévu un régime de responsabilité qui lui est favorable face au promoteur (B).

Le régime de responsabilité sera étudié dans ce développement relatif à la fin de la recherche dans la mesure où le dommage subit devrait généralement mettre fin à la recherche ou conduire à une modification substantielle de celle-ci (qui sera donc considérée comme une nouvelle recherche, avec renouvellement des avis et autorisations précités).

A - Les décisions d'arrêt de la recherche fondées sur la protection de la santé

La décision d'arrêt de la recherche sera prise, selon les circonstances, par le promoteur et l'investigateur (1) ou par l'ANSM (2).

1 - Les décisions d'arrêt de la recherche prises par le promoteur et l'investigateur

Comme nous l'avons évoqué précédemment, le promoteur et l'investigateur doivent prendre des mesures de sécurité urgentes en cas de survenance d'un danger pour le sujet dans le cadre du déroulement de la recherche (art. L. 1123-10 CSP). A ce titre, ils pourront être amenés à devoir mettre fin à la recherche.

Enfin, notons que le promoteur doit aviser l'ANSM et le Comité de protection des personnes compétent que la recherche biomédicale est terminée et indiquer les raisons qui motivent l'arrêt de cette recherche quand celui-ci est anticipé (Article L. 1123-11 CSP).

Afin d'éviter tout acharnement du promoteur à vouloir continuer la recherche du fait des dépenses qu'il a engagé en ce sens, le CSP a également prévu la possibilité pour l'ANSM d'y mettre un terme.

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2 - Les décisions d'arrêt de la recherche prises par l'ANSM

L'article L. 1123-11 du CSP prévoit trois situations dans lesquelles l'ANSM peut soit demander que des modifications soient apportées aux modalités de réalisation de la recherche ou à tout document relatif à la recherche, soit suspendre ou interdire cette dernière. Dans ces situations, l'ANSM pourra faire écran à la libre entreprise de la recherche du promoteur.

Ainsi, l'ANSM pourra agir de la sorte en cas de risque pour la santé publique, en cas d'absence de réponse du promoteur si elle lui a demandé des informations complémentaires sur la recherche, ou encore si elle estime que les conditions dans lesquelles la recherche est mise en oeuvre ne correspondent plus aux conditions indiquées dans la demande d'autorisation administrative qui lui a été adressée par le promoteur ou ne respectent plus les dispositions du CSP.

Il faut par ailleurs noter que, sauf en cas de risque imminent, la décision de l'ANSM ne peut intervenir qu'après que le promoteur ait été mis à même de présenter ses observations.

A tout moment, en cas de dommage subit par le sujet du fait de son implication dans la recherche, ce dernier pourra engager la responsabilité du promoteur en bénéficiant d'un régime qui lui est favorable.

B - Un régime de responsabilité du promoteur favorable au sujet en cas de dommage

Le régime de responsabilité prévu par le CSP est favorable au sujet parce qu'il existe un risque d'atteinte à sa santé du fait de son implication dans la recherche. Il s'agira aussi de ne pas dissuader les sujets de participer à la recherche.

Ainsi, le promoteur est responsable pour faute présumée et doit assumer l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche biomédicale pour la personne qui s'y prête (art. L. 1121-10 CSP). Cette responsabilité pèse sur le promoteur notamment parce qu'il est à l'initiative de la recherche, qu'il en assure le bon déroulement et, pragmatiquement, parce qu'il est a priori solvable. Il faut bien comprendre en ce sens que, malgré les progrès scientifiques bénéfiques à tous qui pourraient résulter de la recherche, le promoteur, lorsqu'il est une personne privée, entreprend la recherche dans l'objectif d'avoir à terme un retour économique sur investissement. Ainsi, il n'était pas question de faire peser l'indemnisation

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sur les caisses de sécurité sociale, quand bien même la démarche devrait avoir des conséquences bénéfiques pour l'intérêt général.

Par ailleurs, le promoteur ne pourra se dégager de sa responsabilité que s'il apporte la preuve que le dommage n'est pas imputable à sa faute ou à celle de tout intervenant dans la recherche (en dehors du sujet). C'est donc une lourde responsabilité qui pèse sur lui d'autant plus qu'il ne peut opposer à l'engagement de sa responsabilité le fait d'un tiers ou le retrait volontaire de la personne qui avait initialement consenti à se prêter à la recherche.

Enfin, en cas de dommage, afin d'assurer une indemnisation effective de la victime, le CSP exige que le promoteur (sauf s'il s'agit de l'Etat) ait souscrit préalablement à la recherche, une assurance garantissant sa responsabilité civile et celle de tout intervenant.

Nous venons donc de présenter le cadre général de la recherche sur les personnes ; il ainsi temps d'analyser les principaux aspects de la réforme sous le prisme de la liberté d'entreprendre.

Section 2. La réforme relative à la recherche impliquant la personne humaine : quel compromis entre liberté d'entreprendre et protection des sujets ?

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La reforme relative à la recherche impliquant la personne humaine a été opéré par la Loi n° 2012-300 du 5 mars 2012, qui n'entrera en vigueur que dès la publication au Journal officiel de ses décrets d'application. De fait, nous manquons de recul sur cette réforme dont nous nous limiterons ainsi à présenter le champ d'application, qui est plus large que celui de la recherche biomédicale (I) pour ensuite nous demander comment cette réforme envisage le compromis qui doit être réalisé entre la protection des sujets et la liberté d'entreprendre (II).

I - Le champ d'application de la recherche impliquant la personne humaine : un élargissement comparativement à la recherche biomédicale

La recherche impliquant la personne humaine une notion englobant diverses catégories de recherches (A), qui peut prendre une forme particulière lorsque la finalité de la recherche n'est pas commerciale (B).

A - La notion englobante de recherche impliquant la personne humaine

La recherche impliquant la personne humaine est un concept englobant les principales catégories de recherches sur la personne (1) qui se décompose en différentes catégories de recherches en fonction des risques supposés et des contraintes encourus par les sujets (2).

1 - Une notion englobant les principales catégories de recherche sur la personne

La nouvelle réforme tend à donner un cadre unique à toute recherche sur les personnes et ainsi remplace la notion de « recherche biomédicale » par celle de « recherche impliquant la personne humaine ». C'est ainsi que le nouvel article L. 1121-1 du CSP désignera les recherches organisées et pratiquées sur l'être humain en vue du développement des connaissances biologiques ou médicales sous la dénomination de « recherches impliquant la personne humaine. »

M. THOUVENIN relève en l'espèce une contradiction dans cette définition. En effet, l'objet des recherches impliquant la personne humaine englobe tout type de recherche sur la personne et non seulement les recherches pratiquées sur la personne. Or le nouvel article L. 1121-1

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désigne les recherches impliquant la personne humaine comme toute recherche « organisée et pratiquée sur l'être humain », contredisant ainsi le caractère englobant de la nouvelle réforme.174

In fine, le nouveau champ d'application de la recherche sur les personnes humaines est bien plus large que celui de la recherche biomédicale. Mais cela n'est pas nécessairement synonyme d'un élargissement des contraintes pesant sur les acteurs de la recherche. Cela nous est confirmé par la nouvelle catégorisation des recherches faisant partie de la notion de « recherche impliquant la personne humaine » et fondée sur les risques et les contraintes encourus par les sujets impliqués.

En outre, quel est le contenu de la notion de recherche impliquant la personne humaine ?

2 - Une catégorisation des recherches impliquant la personne humaine fondée sur les risques supposés et les contraintes encourus par les sujets

La nouvelle réforme institut trois catégories de recherches impliquant la personne humaine fondées sur une graduation des risques encourus par les sujets impliqués afin d'appliquer à ces différentes catégories un régime juridique adapté (nouvel art. L. 1121-1 CSP).

Premièrement, les « recherches impliquant la personne humaine » comprennent des recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle. Pour être mises en oeuvre, ces recherches doivent avoir obtenu un avis favorable du Comité de protection des personnes compétent et une autorisation de l'ANSM.

Deuxièmement, les « recherches impliquant la personne humaine » comprennent les recherches interventionnelles qui ne portent pas sur des médicaments et ne comportent que des risques et des contraintes minimes.

Troisièmement et enfin, les « recherches impliquant la personne humaine » comprennent les recherches non interventionnelles dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits

174 THOUVENIN D., « La loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 : des recherches pratiquées sur la personne aux recherches avec la personne », Revue de droit sanitaire et social 2012 p. 787

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utilisés de manière habituelle, sans procédure supplémentaire ou inhabituelle de diagnostic, de traitement ou de surveillance.

Pour être mises en oeuvre, ces deux dernières catégories de recherches doivent avoir obtenu un avis favorable du Comité de protection des personnes compétent dont une copie doit être transmise à l'ANSM. Le Comité sera en outre chargé d'informer sans délai l'ANSM e tout problème de sécurité dont il a connaissance concernant la recherche en question.

La première catégorie correspondrait aux actuelles recherches biomédicales. Par élargissement, les deux autres catégories correspondraient aux recherches visant à évaluer des soins courant autres que celles portant sur les médicaments et aux recherches non interventionnelles ou observationnelles qui étaient excluent du champ d'application des recherches biomédicales. En outre, en cas de doute sérieux sur la qualification d'une recherche au regard ces trois catégories, le Comité de protection des personnes concerné devra saisir pour avis l'ANSM (nouvel art. L. 1121-4 CSP).

En outre, la recherche prend une forme particulière lorsque sa finalité est non commerciale.

B - L'exclusion du champ de la liberté d'entreprendre des recherches impliquant la personne humaine à finalité non commerciale

Comme nous le disions précédemment, la liberté d'entreprendre entre en jeu dans le cadre d'une recherche entreprise par une personne privée dans une finalité lucrative. C'est d'ailleurs cette finalité qui justifie certaines limites à la liberté d'entreprendre des entrepreneurs de la recherche. C'est ainsi que, pragmatiquement, la nouvelle réforme (nouvel art. L. 1121-16-1 CSP), distingue dans l'ensemble des recherches impliquant une personne humaine, celles qui ont une « finalité non commerciale ». Quels sont les critères d'identification de ces recherches ? (1) Quelles sont les conséquences de cette qualification ? (2).

1 - L'identification des recherches à finalité non commerciale

Le CSP pose trois critères cumulatifs permettant d'identifier les recherches à finalité non commerciale. Les deux premiers critères concernent la finalité des recherches et le troisième concerne la qualité des acteurs de la recherche.

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Ainsi premièrement, il s'agira des recherches « dont les résultats ne sont pas exploités à des fins lucratives » et « qui poursuivent un objectif de santé publique. » Ainsi, l'intérêt général est l'unique finalité de ces recherches.

Deuxièmement, il s'agira des recherches « dont le promoteur ou le ou les investigateurs sont indépendants à l'égard des entreprises qui fabriquent ou qui commercialisent les produits faisant l'objet de la recherche. » Tel sera par exemple le cas lorsqu'une personne publique est promoteur. Toutefois, on ne sait pas aujourd'hui si l'emploi par le code de la conjonction de coordination « ou » semble devoir être interprété de façon exclusive. C'est-à-dire selon cette hypothèse qu'il suffirait pour que la recherche soit qualifiée de non commerciale que seul l'un des acteurs précité réponde au critère d'indépendance. Il semblerait toutefois étonnant que cette conception exclusive soit retenu a contrario d'une interprétation inclusive et ce, au regard de l'objectif d'indépendance précité.

2 - Les particularités du régime des recherches à finalité non commerciale : la prise en charge financière de la recherche

Le manque d'informations fournies par le CSP à l'heure actuelle ne nous permet pas de prendre connaissance de l'ensemble de la particularité de ce régime. Nous nous en tiendrons donc à ces aspects financiers.

Ainsi, le caractère principal de ce régime tient dans la prise en charge, sous certaines conditions, par les caisses d'assurance maladie des produits faisant l'objet de recherches à finalité non commerciale. Toutefois, en cas de modification de la recherche en cours conduisant à une redéfinition de celle-ci remettant en cause sa qualification de recherche à finalité non commerciale, le promoteur sera tenu de reverser les sommes engagées pour les recherches concernées aux régimes d'assurance maladie. En outre, si le promoteur ne respecte pas l'obligation de reversement précitée, il se voit appliquer une pénalité dont le montant ne peut être supérieur à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par le promoteur constaté l'année précédente (nouvel art. L. 1121-16-1 CSP).

Maintenant que nous avons défini le champ d'application de la recherche impliquant la personne humaine, nous devons nous interroger sur son régime et les rapports qu'il peut avoir avec la liberté d'entreprendre.

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II - Le régime de la recherche impliquant la personne humaine : un nouveau compromis entre liberté d'entreprendre et protection des sujets fondé sur le degré de risques et de contraintes encourus par les sujets

Nous verrons tout d'abord que la réforme procède à un élargissement des sujets (A) puis qu'elle opère une graduation des obligations d'information et de recueil du consentement (B).

A - Un élargissement des sujets pouvant être impliqués dans une recherche

Nous évoquerons ici les principaux changements apportés par la réforme et impliquant un élargissement des sujets pouvant se prêter à une recherche.

Affiliation du sujet à un régime de sécurité social. Alors que cette affiliation était obligatoire pour les sujets participant à une recherche biomédicale, la nouvelle réforme vient tempérer cette obligation en fonction des catégories de recherches concernées.

Ainsi premièrement, cette affiliation n'est pas requise pour les personnes sollicitées pour se prêter à des recherches non interventionnelles (nouvel art. L. 1121-8-1 CSP). Cette disposition est justifiée par les faibles risques que comporte une recherche non interventionnelle. Cela permettra de faciliter le recrutement de sujets par les chercheurs. En outre, c'est ainsi que le promoteur n'est pas tenu pour cette catégorie de recherches de souscrire préalablement à une assurance garantissant sa responsabilité civile et celle de tout intervenant.

Deuxièmement, si le principe de l'obligation d`affiliation est maintenu concernant les recherches interventionnelles, la nouvelle réforme y apporte des exceptions. Ainsi, à titre dérogatoire, une personne non affiliée pourra participer à une recherche interventionnelle sur autorisation motivée du Comité de protection des personnes compétent. Cette autorisation doit toutefois être fondée, soit sur l'importance du bénéfice escompté pour ces personnes lorsqu'il est de nature à justifier le risque prévisible encouru, soit au regard du bénéfice escompté pour d'autres personnes se trouvant dans la même situation juridique, à condition que le risque prévisible soit nul et que les contraintes de la recherche soient minime (nouvel article L11218-1 CSP).

Si ces dispositions sont de nature à faire courir un risque de nature pécuniaire aux sujets, il n'en demeure pas moins que la condition imposée de respecter la balance bénéfice/risque

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impose que ces situations se présentent généralement lorsque la santé du sujet est telle que les aspects financiers doivent être placés au second plan.

Mineurs et majeurs protégés. Il faut noter que les dispositions visant à restreindre la participation des mineurs et des majeurs protégés (nouveaux articles L. 1121-7 et L. 1121-8 CSP) ne s'appliquent pas aux recherches non interventionnelles. Cela constitue un nouvel élargissement des personnes susceptibles de participer à une recherche.

Participation simultanées à plusieurs recherches. Les possibilités d'interdire au sujet impliqué dans une recherche de participer simultanément à une autre recherche, ou de fixer une période d'exclusion au cours de laquelle le sujet qui se prête à une recherche ne peut participer à une autre recherche ne sont pas applicables aux recherches non interventionnelles (nouvel art. L1121-12 CSP). Cela facilite encore une fois le recrutement par les chercheurs de sujets.

En outre, éléments fondamentaux dans la protection des sujets, les obligations d'information et de recueil du consentement de ces derniers n'ont pas la même portée suivant la recherche concernée.

B - Une graduation de la portée des obligations d'informations du sujet et de recueil de son consentement fondée sur le risque et la contrainte

En premier lieu, l'obligation d'information et son contenu restent quasiment inchangés dans le cadre des recherches interventionnelles.

A contrario, dans le cadre des recherches non interventionnelles, certaines informations ne sont pas requises du fait de la nature de ces recherches (par exemple, n'est pas requise l'information concernant des éventuelles alternatives médicales). De même, le CSP créé des situations au sein des recherches non interventionnelles dans lesquelles seule une « information préalable succincte » n'est exigée (nouvel art. L. 1122-1 CSP).

En second lieu, le CSP n'impose le recueil du consentement du sujet uniquement dans le cadre des recherches interventionnelles (nouvel art. L. 1122-1-1 CSP). Il doit dans ce cas être libre, éclairé et exprès, c'est-à-dire qu'il faut recueillir l'expression explicite de la volonté de la personne.

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A contrario, les personnes impliquées dans une recherche non interventionnelle ne disposent que d'un droit d'opposition. Ainsi, leur accord préalable n'est pas requis et c'est donc à elles de prendre l'initiative de leur refus.

Cette graduation est critiquable dans la mesure où la recherche n'est pas toujours ou uniquement dans l'intérêt de la personne : sa volonté devrait ainsi être recueillie de manière univoque. Toutefois, nous noterons que le recueil du consentement est une procédure plutôt lourde pour ceux qui entreprennent la recherche et que ces assouplissement, a fortiori lorsqu'ils sont mis en oeuvre dans le cadre d'une recherche ne comportant que des risques infimes, faciliterons l'entreprise de la recherche.

En outre, la réforme semble consacrer un régime particulier pour les recherches impliquant la personne humaine dont la finalité n'est pas commerciale.

Ainsi, comme nous venons de le voir, si la nouvelle réforme ne remet pas sensiblement en cause la protection du sujet concernant la recherche interventionnelle (actuellement nommé « recherche biomédicale »), elle tend à assouplir les conditions de réalisation de la recherche non interventionnelle. Globalement, cette loi tend au final à simplifier les démarches des chercheurs tout en apportant des garanties de protection aux sujets qui sont fonction des risques que ces derniers encourent lorsqu'ils se prêtent à une recherche.

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

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La liberté d'entreprendre, comme toute liberté, n'est définitivement pas absolue. C'est ainsi qu'une personne souhaitant exercer certaines activités susceptibles dans leur exercice de porter atteinte à la santé doit répondre de certaines qualités et adopter un bon comportement. D'autant plus que ces exigences seront renforcées lorsque la personne souhaite exercer une activité directement en lien avec la santé.

Ces qualités sont de surcroit inhérentes à la personne qui souhaite exercer l'activité. C'est ainsi par exemple que les diplômes sont totalement hors commerce. De même, la nationalité ou encore la capacité ne se marchandent pas. Il en va de même si la personne a été condamnée à une interdiction d'exercice : cette condamnation est indétachable de la personne.

En outre, dans certaines situations il arrive que la personne réponde aux qualités exigées pour accéder à une profession dans l'Etat de sa nationalité. Dans un contexte de mondialisation et de circulation massive des personnes, notamment pour des motifs économiques, familiaux, politiques, etc., il n'est pas rare que les personnes souhaitent exercer leurs activités dans un Etat tiers. Toutefois, chaque Etat a sa conception de la santé et ses mécanismes de protection. Il arrive ainsi que la personne se voit opposer par son Etat d'accueil de nouvelles restrictions à l'accès à une profession qu'elle exerçait pourtant dans son Etat d'origine. Fondées sur la qualité professionnelle de la personne, ces restrictions prennent aussi en compte sa qualité d'étranger à l'Etat d'accueil. C'est ainsi que le droit de l'Union européenne a créé des mécanismes visant à conférer à la liberté économique de circulation des personnes une application réelle et non que formelle.

Par ailleurs, dans d'autres situations, il arrive qu'une personne soit indispensable à une activité économique dans laquelle elle ne tire aucun bénéfice pécuniaire. C'est le cas de la recherche biomédicale : elle ne pourrait avoir lieu sans la personne qui s'y prête. Sa qualité de personne humaine, son état de santé, son statut juridique sont tant de qualités sur lesquelles la protection de la santé fonde des interdictions à la liberté des promoteurs qui entreprennent la recherche.

Pourtant, dans certains cas, la qualité des personnes est insuffisante pour comprendre comment la protection de la santé vient limiter la liberté d'entreprendre. Il est donc temps d'aborder notre seconde partie.

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SECONDE PARTIE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ ET LES BIENS
UNE LIMITATION FONDÉE SUR LA NATURE ET LA DESTINATION DES BIENS
DANS LE CADRE DE LEUR COMMERCIALISATION

Dans le contexte des activités économiques des personnes privées, la protection de la santé justifie de nombreuses restrictions en touchant directement les biens. Cette variable « biens » se matérialise à travers l'étude de la nature et de la destination de ces dernières. Il pourra s'agir notamment de produits substantiellement dangereux, d'éléments et produits du corps humain, de biens de nature à créer des dépendances, ou encore de produits destinés à la santé des hommes. Le régime de commercialisation appliqué à ces biens variera en fonction de leur nature ou de leur destination et pourra justifier divers procédés des plus dirigistes au plus libéraux (autorisation de mise sur le marché, mise hors du commerce, etc.).

Ainsi, nous verrons en premier lieu que la protection de la santé est un fondement des limites à la commercialisation de biens du fait de leur nature (Chapitre 1er). En second lieu nous verrons que la protection de la sante est un fondement des limites à la libre circulation des produits destinés à la santé des personnes (Chapitre 2nd). Mais avant cela, nous présenterons en avants propos des concepts fondamentaux nécessaires à l'appréhension de notre démonstration (sécurité sanitaire, prévention et précaution) ainsi que les principales institutions de sécurité sanitaire.

AVANTS PROPOS

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Avant d'entrer dans le vif du sujet nous définirions sommairement les concepts de sécurité sanitaire, de prévention et de précaution qui aideront à la compréhension de notre seconde partie (I). Ensuite, dans le cadre de la sécurité sanitaire et notamment de la surveillance, veille ou vigilance, nous dresserons un paysage des principales institutions en la matière (II).

I - Les concepts de sécurité sanitaire, de prévention et de précaution

Concept de sécurité sanitaire. Notion récente datant du début des années 90, elle est fondée sur le précepte primum non nocere (avant soigner, il ne faut pas nuire). Selon la définition donnée par M. TABUTEAU, la sécurité sanitaire est « la sécurité des personnes contre les risques thérapeutiques de toute nature, risques liés aux choix thérapeutiques, aux actes de prévention, de diagnostic ou de soins, à l'usage de biens et produits de santé comme aux interventions et décisions des autorités sanitaires, »175 Cette définition a par la suite été élargie par le même auteur qui considère que « la notion s'est progressivement détachée du risque sanitaire « induit » et s'est imposée pour l'ensemble des risques sanitaires, auxquels l'homme est confronté dans le système de santé mais également en matière d'alimentation ou d'environnement. »176

Concepts de précaution et de prévention. Les principes de précaution et de prévention concernent respectivement la gestion des risques potentiels et des risques avérés et s'adressent à tous ceux qui dans l'incertitude doivent prendre des décisions : les autorités publiques. Ainsi, en l'absence même de toute certitude, les autorités publiques doivent pouvoir prendre des mesures provisoires et proportionnées visant à prévenir un risque de dommage aux conséquences graves et irréversibles. Elles doivent prendre une solution qui présente le meilleur rapport bénéfices/risques.177

Le principe de précaution est issu du droit de l'environnement et a pu être défini ainsi dans la Déclaration de Rio de 1992 : « En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus

175 TABUTEAU D., « La sécurité sanitaire », Ed. Berger-Levrault, 1994, p. 11

176 TABUTEAU D., « Sécurité sanitaire et droit de la santé », Revue de droit sanitaire et social, 2007 p. 823

177 Articles L.1110-5, L.1211-6 et L.1333-1 CSP

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tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement. »178 Ce principe sera par la suite consacré dans le traité de Maastricht en 1992 et dans la législation française avec la loi Barnier du 2 février 1995. Par ailleurs, on notera que le principe de précaution est un principe général du droit de l'UE.179

Enfin, dans son article 191, le TFUE donne un fondement aux principes de prévention et de précaution. On peut différencier ces deux principes en affirmant que l'action de prévention implique que l'on ait connaissance de l'existence, des conséquences et de la survenance d'un risque, alors que l'action en précaution se réfère à l'existence d'un risque dont on présume l'étendue des conséquences, et dont on ignore la réalité de la survenance.

Après cette présentation sommaire de ces trois concepts, nous allons dresser le paysage des principales institutions de sécurité sanitaire en France en évoquant aussi l'Agence européenne des médicaments.

II - Les principales institutions de sécurité sanitaire

Forme préventive par excellence de la protection de santé publique, la sécurité sanitaire repose en partie sur la capacité des autorités publiques à prévenir le risque, le surveiller, l'évaluer lorsqu'il se présente et agir en fonction des circonstances. Ainsi les autorités publiques ont mis progressivement en place un dispositif de veille et d'évaluation des risques sanitaires. Ces dispositifs ont été renforcés avec le constat de disfonctionnements dans le système de prévention et en réponse à de graves crises sanitaires survenues dans les années 90 comme celles du sang contaminé, de la vache folle ou encore de l'amiante. C'est dans ce cadre que la loi no 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme est intervenue, transformant ainsi l'édifice institutionnel antérieur.

Souvent mises en place en réaction à de graves crises sanitaires, les institutions nationales de sécurité sanitaires prennent la forme d'agences incarnant l'action étatique et dotées d'une forte capacité d'expertise ainsi que d'un pouvoir de police sanitaire exercé au nom de l'État et

178 Principe n°15, Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement des 3-14 juin 1992.

179 TPICE, 26 nov. 2002, Artegodan E.A. c/ Commission, aff. jointes T-74/00 et autres, Rec. II. 4945 ; TPICE, 28 janv. 2003, Laboratoires Servier c/ Commission, aff. T-147/00, Rec. II. 85

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qui doit leur garantir une certaine autonomie. Nous nous bornerons ici à dresser le paysage institutionnel français global en matière de sécurité sanitaire afin de montrer dans quel contexte interviennent les politiques de sécurité sanitaires.

L'Institut de Veille Sanitaire. Etablissement Public Administratif, il est l'organe de la veille

épidémiologique. Ses missions sont réparties autour de quatre pôles :

- La surveillance et l'observation permanente de l'état de santé de la population (ex : progression

de l'épidémie de grippe etc.)

- Veille et vigilance sanitaire

- L'alerte sanitaire

- Gestion des situations de crises sanitaires.

L'Agence Nationale de Sécurité du Médicament. Anciennement, Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), elle détient de larges compétences recouvrant notamment les essais, la fabrication, le conditionnement, la mise sur le marché, l'exploitation et l'exportation de l'ensemble des produits sanitaires destinés à l'homme (médicament, organes ou tissus, lentilles, produits cosmétiques, aliments diététiques, etc.). Pour remplir ses missions elle dispose de différents pouvoirs comme l'évaluation, l'inspection, le contrôle et la police sanitaire exercé au nom de l'État (qui sera d'ailleurs toujours responsable). A ce titre, elle assure la délivrance des autorisations de mise sur le marché et elle a également un pouvoir de suspension ou d'interdiction des produits ou activités en cas de danger. Enfin, pouvoir d'injonction afin que les industriels retirent un produit voir à sa destruction.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES). Elle est présentée comme mettant en oeuvre une « expertise scientifique indépendante et pluraliste ». Son objectif premier est la sécurité humaine dans les trois domaines qu'elle couvre (alimentation, environnement et travail). Elle est en charge de : - Evaluation des risques et de fournir une information aux pouvoirs publics.

- Contribution par son expertise à l'élaboration des textes.

- La mise en oeuvre des mesures de gestion des risques (ex : vache folle). Elle assure des missions de veille, d'alerte et de vigilance. En cas de risque grave pour la santé, elle va pouvoir faire des recommandations aux pouvoirs publics.

101

L'autorité de sureté nucléaire. C'est une Autorité Administrative Indépendante qui assure au nom de l'État le contrôle de la sécurité nucléaire et de la radioprotection.

- Information des citoyens.

- Elle a pour se faire un champ de contrôle étendu et diversifié : elle couvre toutes les activités comportant un risque d'exposition aux rayonnements ionisants émanant d'une source naturelle ou artificielle (installations nucléaires, médicales, activités de recherche, industrielles et les transports de déchet, de matières nucléaires).

- Veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire. Associée à la gestion de situations d'urgence.

L'État reste donc maitre des institutions de santé, il est partout.

Agence européenne des médicaments. Dans l'Union européenne, nous nous restreindrons à évoquer l'Agence européenne des médicaments car elle tiendra une place importante dans nos prochains développements.

Créée en 1995 et organe de l'Union européenne l'Agence a pour mission « la protection et la promotion de la santé publique et animale à travers l'évaluation et la supervision des médicaments à usage humain et vétérinaire. »180 La principale mise en oeuvre de sa mission est l'évaluation des demandes d'autorisation de mise sur le marché de médicaments ainsi que le suivi de ces derniers après obtention de ladite autorisation via notamment un réseau de pharmacovigilance. Elle est dotée d'un Comité des médicaments à usage humain qui est chargé de préparer les avis de celle-ci sur toute question relative à l'évaluation desdits médicaments.

Suite à ces avants propos, il est temps d'entrer dans le vif de notre sujet.

180 Union européenne. Le site web officiel de l'Union européenne. http://www.europa.eu/ (page consultée le 16 avril 2013)

PREMIER CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À LA
COMMERCIALISATION DE BIENS DU FAIT DE LEUR NATURE

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On peut analyser les limitations à la liberté d'entreprendre dans le commerce de biens et au-delà en allant des procédés les plus dirigistes vers les plus libéraux. Nous dresserons ici un paysage général de ce dégradé de limitations en matière de santé publique. La plupart des points évoquées ci-dessous seront approfondis dans nos développements futurs.

Interdictions. C'est le régime le plus contraignant, les interdictions sont généralement absolues. Ainsi, par exemple, est interdit le commerce et la fabrication d'agents microbiologiques ou autres agents biologiques et toxines biologiques s'ils ne sont pas destinés à des fins pacifiques (article L2341-1 du Code de la défense), d'absinthe (article 347 du Code général des impôts, repris par l'article L3322-4 CSP) et de jouets ou amusettes dangereux (article L5231-1 CSP). Enfin, l'interdiction peut être relative par exemple quand elle désigne une catégorie de personnes. Ainsi, la vente de produits du tabac est interdite aux mineurs de moins de dix-huit ans (article L3511-2-1 CSP).

Autorisation administrative, licence ou agrément préalables. C'est le régime de contrainte intermédiaire, l'administration peut refuser une autorisation, une licence ou un agrément. Sont par exemple soumises à autorisation administratives préalables l'exploitation des eaux minérales naturelles (article L1322-1 CSP), l'ouverture des établissements de préparation et de vente en gros de produits pharmaceutiques (article L5124-1 et s. CSP) et la mise sur le marché de certains médicaments (article L5121-8 CSP). Enfin, est par exemple soumise à une licence préalable la vente de boissons alcoolisées (article L3331-1 CSP).

Déclaration préalable d'activité. C'est le régime le moins contraignant, il suffit simplement pour l'entrepreneur d'informer l'autorité administrative compétente. Ainsi, doivent faire par exemple l'objet d'une déclaration préalable l'ouverture et l'exploitation d'une entreprise de cosmétiques (article L5131-2 CSP) et l'ouverture d'un café, cabaret ou débit de boissons à consommer sur place et y vendre de l'alcool (article L3332-3 CSP).

Note bene. Nous mettrons à disposition en annexe un tableau des principales activités réglementés (annexe n°1).

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Ainsi, des procédés les plus dirigistes vers les plus libéraux, nous traiterons dans une section 1 des interdictions de commercialisation résultant de la dangerosité des biens ou de leur provenance d'un corps humain ; puis nous analyserons dans une section 2 les contrôles de commercialisation fondés sur les dépendances que peuvent créer certains biens.

Nota bene. Faute de pouvoir réaliser une étude exhaustive, nous regrettons de ne pas traiter des contrôles de commercialisation des eaux minérales et des aliments.

Section 1. L'interdiction de commercialisation fondée sur la dangerosité du bien pour la santé ou sur sa provenance d'un corps humain

L'interdiction de commercialisation d'un bien renvoi à première vue à celle des choses hors du commerce juridique, c'est-à-dire, selon le Code civil, à des choses qui ne peuvent pas faire l'objet d'une convention (article 1128), être vendues (article 1598), prêtées (article 1878), et dont la propriété ne peut s'acquérir par prescription (article 2226).

Toutefois, M. LOISEAU précise sur la typologie des choses hors du commerce qu' « une chose peut être écartée des opérations proprement commerciales sans échapper nécessairement à toute circulation juridique. »181 C'est ainsi que l'auteur précité opère une distinction entre les choses hors du commerce juridique et les choses hors du marché. Selon lui, cette distinction « se déduit du sens donné au mot commercium, qui ne désigne pas seulement les opérations commerciales stricto sensu mais vise le commerce juridique lato sensu, c'est-à-dire l'ensemble des actes juridiques dont une chose peut être l'objet. »182 L'auteur en tire comme conclusion que « si une chose hors du commerce est nécessairement hors du marché, à l'inverse une chose hors du marché n'est pas forcément hors du commerce si elle peut faire l'objet de conventions à titre gratuit »183.

Nous reprendrons dans nos développements cette distinction en nous intéressant d'une part aux biens mis hors du commerce juridique au nom de la protection de la santé (I) et, d'autre part, aux biens qui, s'ils ne peuvent eux aussi être commercialisables, ne sont pas totalement indisponibles ; ils sont alors hors du marché au nom de la protection de la santé (II).

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181 LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ. 2000 p. 47

182 Ibidem.

183 Ibid.

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I - La mise hors du commerce juridique des choses substantiellement caractérisées par leur dangerosité pour la sécurité et la santé des personnes

Nous allons traiter ici des produits présentant un danger pour la sécurité ou la santé des personnes et notamment des consommateurs. Il nous faudra ainsi souvent combiner le Code de la santé publique et le Code de la consommation. Nous allons nous interroger tout d'abord sur les principaux fondements des interdictions des produits dangereux (A), puis nous établirons un inventaire illustratif d'interdictions des produits dangereux fondées sur la protection de la santé (B).

A - Les principaux fondements de la mise hors du commerce des produits dangereux

Avant d'évoquer les principaux fondements des décisions administratives d'interdiction de choses dangereuses (3) et l'obligation générale de sécurité à la charge du professionnel (2), nous traiterons en avants propos du cas particulier des produits falsifiés (1).

1 - La falsification d'un produit comme source de dangerosité du bien

Concernant le droit de la consommation, il faut évoquer en avant-propos le cas particulier de l'interdiction des produits falsifiés. En fait, le Code de la consommation interdit dans ses articles L. 213-3 et s. la falsification des denrées alimentaires (destinées à l'homme ou à l'animal), des boissons (alcoolisées ou non) et des produits agricoles ou naturels destinés à être vendus ainsi que leur exposition ou leur mise en vente ou leur détention. De même les articles précités interdisent les « produits, objets ou appareils propres à effectuer la falsification » ainsi que leur commercialisation. Enfin, ces articles ajoutent que « Si la substance falsifiée ou corrompue est nuisible à la santé de l'homme ou de l'animal, l'emprisonnement sera de quatre ans et l'amende de 75 000 euros. » On voit très bien ici, qu'avec la protection du consommateur, la protection de la santé vient servir de base à ces dispositions.

Quels sont les éléments constitutifs de cette infraction ? Au niveau matériel, la falsification consiste en la fabrication d'un produit dans des conditions non conformes à la réglementation en vigueur. Au niveau de l'élément moral, l'auteur doit avoir eu connaissance de la falsification du produit, qui doit être destiné à la vente. Ainsi le consommateur altère lui-même le produit en vue de le consommer, il n'est pas concerné par ces dispositions.

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On notera enfin que des dispositions spécifiques encadrent l'interdiction de la falsification de médicament à usage humain.184

A titre d'illustration, la Cour de cassation a pu condamner sur ce fondement la falsification d'un vin d'appellation d'origine contrôlée qui avait été enrichis par du sucre afin d'augmenter son titre alcoométrique, en violation de la réglementation applicable à ce vin pour la récolte incriminée.185 La même solution a été donnée quant à l'incorporation de douelles ou de copeaux de chêne dans les cuves pour donner au vin en question un goût boisé.186

In fine, si les produits falsifiés sont effectivement des biens interdits de commercialisation, il n'est pas évident qu'ils appartiennent en soi à la catégorie des biens hors commerce. En effet, c'est d'avantage les conditions et méthodes de fabrication du bien qui constituent l'élément déclencheur et non la nature du bien en soi. Il n'en demeure pas moins qu'étant interdits de commercialisation notamment pour des motifs de santé publique, les produits falsifiés ont toutes leur place dans notre développement sur les produits dangereux si tant est que nous n'en traitons qu'en avant-propos et non au coeur de notre développement pour les raisons que nous venons d'évoquer.

2 - L'obligation générale de sécurité à la charge du professionnel

Premièrement, l'article L. 221-1 du code de la consommation dispose que « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. ». Cet article pose ainsi une obligation générale de sécurité attendue du professionnel et il s'agira d'un régime de responsabilité sans faute. Si la lettre de la loi n'évoque pas en soi une interdiction de commercialisation de produits dangereux, son application amène au même résultat. On peut retrouver d'ailleurs l'esprit de cette loi dans l'article 1er (abrogé) de la loi n°78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs de produits et de services

184 Ordonnance n° 2012-1427 du 19 décembre 2012 relative au renforcement de la sécurité de la chaîne d'approvisionnement des médicaments, à l'encadrement de la vente de médicaments sur internet et à la lutte contre la falsification de médicaments

185 Crim. 17 déc. 1997: Bull. crim. no 433; RTD com. 1998. 698, obs. Bouloc

186 Crim. 6 févr. 2001: Bull. crim. no 37; JCP 2001. IV. 1661; Dr. pénal 2001. Comm. 37, obs. J.-H. Robert.

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qui dispose : « Les produits, objets ou appareils dont une ou plusieurs caractéristiques présentent, dans des conditions normales d'utilisation, un danger pour la santé ou la sécurité des consommateurs sont interdits ou réglementés dans les conditions fixées ci-après. »

A titre d'illustration, la jurisprudence a considéré comme responsable sans faute un laboratoire fabriquant le médicament Distilbène (défectueux en l'espèce) qui, inhalé par une femme enceinte, a provoqué l'apparition d'une tumeur cancéreuse chez l'enfant exposé in utero.187

3 - Le pouvoir d'interdiction de commercialisation de l'administration

Code de la consommation. Tout d'abord, l'article L. 221-3 du code de la consommation prévoit en effet la possibilité d'interdire, par décret en Conseil d'Etat, la fabrication, la vente, l'offre à titre gratuit, etc. de produits qui sui sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à la santé des personnes.

Code du travail. De même, évoquons l'article L. 231-7 du code du travail qui dispose que « Dans l'intérêt de l'hygiène et de la sécurité du travail, peuvent être limitées, réglementées ou interdites la fabrication, la mise en vente, la vente, l'importation, la cession à quelque titre que ce soit ainsi que l'emploi des substances et préparations dangereuses pour les travailleurs. »

Code de la santé publique. Enfin, les dispositions d'interdiction contenues dans le code de la santé publique sont assez diverses et on peut noter par exemple l'article L. 5132-8 qui soumet la commercialisation et la détention des plantes, substances ou préparations classées comme vénéneuses à des conditions définies par décrets en Conseil d'Etat (les articles R. 5132-84, R. 5132-87 rendent possible une interdiction de ces produits par arrêté du ministre chargé de la santé).

Dès à présent, nous allons dresser un inventaire non exhaustif d'illustrations de choses qui sont interdites au nom de la protection de la santé publique.

187 TGI Nanterre, 24 mai 2002: D. 2002. IR 1885; RTD civ. 2002. 527, obs. Jourdain

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B - Inventaire indicatif des produits dangereux mis hors du commerce

Nous opérerons une division entre les choses non consomptibles (1) et les choses consomptibles (2) afin de faciliter la lecture de cet inventaire. Au-delà de cette facilité, la distinction peut présenter un intérêt dans la mesure où les produits consomptibles présentent généralement la particularité de pouvoir être source de dépendance. En effet, le danger se présente souvent à partir d'une certaine fréquence de consommation des produits en question. Du côté des choses non consomptibles, l'attitude de l'individu dans l'utilisation du bien influe moins sur sa dangerosité.

1 - Les produits dangereux non consomptibles : une dangerosité dans des conditions normales d'utilisation

Textile et vêtements. Un décret du 24 septembre 1990 interdit « la fabrication, l'importation, l'exportation, la détention en vue de la vente, la vente et la distribution à titre gratuit de textiles ou de vêtements traités à l'oxyde de triaziridinylphosphine ou au polybromobiphényle. » Au contact de la peau, les vêtements traités ainsi présentent un danger pour la santé des personnes quelle que soit leur attitude face à ces biens, leur interdiction est donc absolue.

Protection de la santé des nourrissons et des enfants. Le code de la santé publique, dans ses articles L. 5231-1 et s., interdit la fabrication et la distribution de jouets ou d'amusettes, contenant les substances vénéneuses ou dangereuses, des biberons à tube, des tétines et sucettes ne répondant pas aux conditions établies par un décret en Conseil d'État.

De plus, sans interdire la vente ou l'utilisation de téléphones mobiles aux enfants de moins de quatorze ans (ce qui serait difficilement mis en oeuvre), l'article L. 5231-3 interdit toute publicité ayant pour but de promouvoir la vente, la mise à disposition, l'utilisation ou l'usage d'un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans.

Enfin, l'article L. 5231-4 confère au ministre de la santé le droit d'interdire par arrêté la distribution d'objets contenant un équipement radioélectrique dont l'usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans afin de limiter l'exposition excessive des enfants.

La fragilité des nourrissons et des enfants et le faible degré de responsabilité (au sens courant du terme, non juridique) que l'on peut leur imputé dans leurs attitudes font que, dans des conditions normales d'utilisation par des nourrissons et des enfants, ces biens présentent un danger, sans que l'on puisse l'imputer substantielle à leur attitude face auxdits biens.

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2 - Les produits dangereux consomptibles : une dangerosité dans l'excès de consommation

Boissons interdites. Premièrement, l'art. L. 3322-3 CSP interdit en France, sauf en vue de l'exportation à l'étranger, la fabrication, la détention et la commercialisation ou l'offre à titre gratuit des boissons apéritives à base de vin titrant plus de 18 degrés d'alcool acquis, des spiritueux anisés titrant plus de 45 degrés d'alcool et des bitters, amers, goudrons, gentianes et tous produits similaires d'une teneur en sucre inférieure à 200 grammes par litre et titrant plus de 30 degrés d'alcool.

Deuxièmement, interdites initialement par la loi du 16 mars 1915188, la fabrication et la vente d'absinthe et des liqueurs similaires (dont les caractères sont déterminés par décret) sont aujourd'hui prohibées par l'article 347 du code général des impôts, reproduit par l'art. L. 3322-4 CSP. Ainsi, le Décret n°88-1024 du 2 novembre 1988189, modifié par le Décret n° 2010-256 du 11 mars 2010190, nous donne une définition des liqueurs similaires à l'absinthe, il s'agit des « boissons alcoolisées produites à partir des espèces d'Artemisia présentant une quantité de thuyone supérieure à 35 mg / kg. » C'est ainsi qu'en deçà de ces seuils, des liqueurs similaires à l'absinthe pourront être fabriquées en France ou importées. Par ailleurs, lors de la session plénière du 13 mars 2013, le Parlement européen a rejeté une première tentative de définition européenne de l'absinthe (la Commission européenne devrait prochainement présenter une nouvelle proposition de définition).

Enfin, évoquons le cas intéressant d'une boisson (non alcoolisée) dénommée « Security Feel Better » mise sur le marché depuis 1996 (proposée dans la grande distribution depuis 2005) et présenté par le fabriquant au public comme ayant pour effet diminuer instantanément le degré d'imprégnation alcoolique, créant un sentiment erroné de sécurité au volant. Par un arrêté du 24 février 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a, pour une durée d'un an, suspendu la mise sur le marché et ordonné le retrait de ladite boisson en ce qu'elle induirait chez le consommateur « des comportements dangereux et des risques pour la santé :

188 Loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que de la circulation de l'absinthe et des liqueurs similaires

189 Décret n°88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe

190 Décret n° 2010-256 du 11 mars 2010 modifiant le décret n° 88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe

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incertitude du taux réel d'alcool, sentiment de fausse sécurité, incitation à la consommation d'alcool avant la conduite qui va à l'encontre de la politique de prévention de la sécurité routière actuellement menée ; »191 Mais le Conseil d'Etat192 a jugé que, si le produit en question présentait un danger grave et immédiat en matière de santé, l'arrêté constitue une mesure excessive et disproportionnée au regard des risques que présentent sa commercialisation. Le Conseil d'Etat fonde son raisonnement sur le fait que le produit, « compte tenu de sa composition, n'est pas par lui-même dangereux » mais que c'est la présentation faite au public qui pouvait constituer un danger, et qu'ainsi, permettait la prise de mesures proportionnées tel qu'imposer la diffusion de mises en garde ou de précautions d'emploi à la charge du fabriquant. Ce qui est intéressant dans ce cas c'est que ce n'est pas la nature du produit qui présente un danger pour la santé mais ses conditions d'utilisation et en d'autres termes, les raisons pour lesquelles et le contexte dans lequel ce produit est consommé. Ainsi, si l'atteinte à la liberté d'entreprendre a en l'espèce été considérée par le juge comme excessive au regard de l'objectif de protection de la santé, des atteintes proportionnées auraient pu être envisagées. Cela démontre que le champ des mesures restrictives à la liberté d'entreprendre prises en application de la protection de la santé sur des biens est étendu de la nature dangereuse du bien à ses conditions d'utilisation, en l'absence même de toute nature dangereuse du bien. C'est ainsi, sous l'influence de la présentation des effets du produit par le fabriquant, c'est le consommateur qui fait la dangerosité du produit pour la santé et non l'inverse.

Certains produits du tabac à usage oral. L'art. L. 3511-2 du CSP interdit la fabrication, la vente, la distribution ou l'offre à titre gratuit des produits destinés à usage oral (à l'exception de ceux qui sont destinés à être fumés ou chiqués) constitués totalement ou partiellement de tabac, sous forme de poudre, de particules fines ou toutes combinaisons de ces formes, notamment ceux qui sont présentés en sachets-portions ou en sachets poreux, ou sous une forme évoquant une denrée comestible.

Les produits dits « poppers ». Le cas des produits dits poppers est intéressant, notamment au regard du contentieux dont leur interdiction a pu faire objet. Tout d'abord, définissons ce qu'est un produit dit « poppers ». Un auteur nous dit que « Poppers » est la désignation

191 Arrêté du 24 février 2006 portant suspension de la mise sur le marché de la boisson « Security Feel Better »

192 CE, 7 février 2007, décision n° 292615

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courante d'un liquide vendu en flacons dans les sex-shops, boîtes de nuit et sur internet, sous diverses dénominations et qualifications, dont les utilisateurs inhalent par le nez l'effluve aux vertus euphorisantes (usage en discothèque et rave party) et aphrodisiaques. »193 De plus, le même auteur nous explique que « le poppers peut provoquer nausées, vomissements, hypotension, tachycardie, irritations, convulsions ou encore troubles sanguins sérieux. Associé à l'alcool, des médicaments, d'autres stimulants sexuels ou des drogues, le poppers a pu provoquer des comas, voire des décès. Dans certaines discothèques, le poppers serait diffusé à l'insu des clients en guise de désodorisant. »194

Quel est le droit applicable en matière de fabrication et de commercialisation du poppers ? Tout d'abord, l'auteur précité nous informe qu'un décret du 26 mars 1990 avait interdit les poppers à base de certaines composantes, en somme, il s'agissait d'une interdiction relative de fabrication et commercialisation. C'est ainsi que les fabricants de poppers ont continué à commercialiser ce produit sous d'autres formes et avec d'autres composantes, respectant ainsi le décret précité.

Ensuite, un décret du 20 novembre 2007195 pris notamment en application de l'article L. 2213 du code de la consommation est venu modifier le décret de 1990 et interdire les produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques (poppers). Il faut noter que l'article L. 221-3 précité dispose que des décrets en Conseil d'Etat « fixent, en tant que de besoin, par produits ou catégories de produits, les conditions dans lesquelles la fabrication, l'importation, l'exportation, l'offre, la vente, la distribution à titre gratuit, la détention, l'étiquetage, le conditionnement, la circulation des produits ou le mode d'utilisation de ces produits sont interdits ou réglementés ; ». Toutefois, le Conseil d'Etat196 est venu annuler de décret en considérant que s'il était établit que le poppers présentait un risque sanitaire grave, son interdiction était « excessive et disproportionnée eu égard au risque » qui n'était établit qu'en cas « d'usages anormaux », à savoir haute dose ou en association avec d'autres produits. Cette fois-ci la liberté d'entreprendre a prévalu sur la police de la sécurité des consommateurs et sur la protection de leur santé.

193 MARKUS J.-P., « Police de la sécurité des consommateurs : l'interdiction des produits dits « poppers » est illégale », AJDA 2009 p. 1668

194 Ibidem.

195 Décret n°2007-1636 du 20 novembre 2007 relatif aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques, hétérocycliques ou leurs isomères destinés au consommateur et ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché.

196 CE, 15 mai 2009, décision n° 312449

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Enfin, en réponse à cette décision juridictionnelle, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, par arrêté du 29 juin 2011197, revient à la charge et interdit encore une fois le poppers. Cette fois-ci, le texte est fondé sur le code de la santé publique et notamment sur l'article L. 5132-8 que nous avons évoqué précédemment. A ce jour, le poppers demeure interdit en France.

Stupéfiants. Les stupéfiants font partie de la catégorie des substances vénéneuses et sont encadrés par le code de la santé publique dans ses articles L. 5132-7, L. 5132-8, L. 3421-1 et L. 3421-4. Ainsi l'article L. 342-1 dispose que « L'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3750 euros d'amende. » Toutefois, les dispositions principales encadrant l'interdiction des stupéfiants sont contenues dans le code pénal. Ainsi les articles 222-34 et s. du code précité disposent que sont interdites l'importation, l'exportation, la production, la fabrication, le transport, la détention, l'offre, la cession, l'acquisition et l'emploi illicites de stupéfiants, même en vue de la consommation personnelle d'une personne.

Le terme illicite est très important car il est possible de se procurer légalement des stupéfiants pour des raisons médicales. A ce propos, l'article R5132-29 CSP interdit la prescription et la délivrance « des substances classées comme stupéfiants lorsqu'elles ne sont pas contenues dans une spécialité pharmaceutique ou une préparation. » Mais, afin d'éviter toute dérive, l'article 222-37 al. 2 du code pénal interdit le fait de faciliter « l'usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d'ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant. » Ainsi les stupéfiants sont des choses dangereuses généralement hors commerce mais dans certains cas à commercialité limitée.

Moins restrictive que la mise hors du commerce juridique, la mise hors du marché a pu être décidée au nom de la protection de la santé pour certaines choses. Il s'agit notamment des éléments et produits du corps humain.

197 Arrêté du 29 juin 2011 portant application d'une partie de la réglementation des stupéfiants aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères

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II - La mise hors du marché des éléments et produits du corps humain : l'éviction d`un risque pour la santé des personnes

On peut définir une chose hors du marché (en s'inspirant des propos de M. LOISEAU198) comme une chose soustraite aux rapports marchands mais qui n'échappe pas de façon générale au commerce juridique. Au niveau de la protection de la santé publique, les éléments et produits détachés du corps humain sont un bon exemple de choses hors du marché ; à la différence du corps humain qui, en soit, est frappé d'extracommercialité « en raison de son assimilation impérieuse à la personne. »199

Au-delà d'être des choses, ces produits seraient selon M. LOISEAU des biens « si l'on en croit la loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux qui, après avoir défini le produit comme tout bien meuble (art. 1386-3 c. civ.), traite de son application aux éléments et produits du corps humain (art. 1386-12, c. civ.). »200 On peut à ce propos définir les biens comme toute chose qu'il est utile, généralement économiquement, et possible de s'approprier.

Malgré tout, la distinction chose/bien n'est pas au coeur de notre sujet. Le plus important pour rattacher ce thème à notre sujet étant de noter que l'art. L. 1211-1 dispose que « La cession et l'utilisation des éléments et produits du corps humain sont régies par les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code civil et par les dispositions du présent livre. » En utilisant le terme de « cession » ; le CSP reconnait ainsi que les éléments et produits sont dans le commerce juridique, bien qu'ils soient hors marché.

Après avoir fait l'inventaire général des éléments et produits du corps humain (A), nous traiterons des principes généraux régissant le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain contenus dans les articles L. 1211-1 à L. 1211-9 du CSP (B).

198 LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ. 2000 p. 47

199 Ibidem.

200 Ibid.

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A - La détermination des éléments et produits du corps humain

Il s'agira ainsi essentiellement du sang (articles L. 1220-1 - L. 1224-3 CSP), des organes (articles L. 1231-1 A - L. 1235-7 CSP) et des tissus, cellules et gamètes (articles L. 1241-1 - L. 1245-8 CSP).

Toutefois, en sont par exemple exclus sur le fondement de l'article L. 1211-8 les cheveux, les ongles, les poils et les dents (article R. 1211-49) qui peuvent être vendus.201 Ainsi ces derniers biens ne sont pas frappés d'extracommercialité. Cela s'explique avant tout parce que les enjeux de santé publique sont faibles concernant ces biens.

Evoquons dès à présent les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des produits du corps humain.

B - Les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain

Consentement. L'article L. 1211-2 impose avant tout prélèvement d'éléments du corps humain ou collecte de ses produits de requérir le consentement du donneur, qui est révocable à tout moment. Cette condition préalable est fondée sur la protection de la personne qui ne peut se voir imposer le prélèvement ou la collecte de produits issus de son corps.

Interdiction de la publicité, gratuité et anonymat. Premièrement, l'article. L. 1211-3 interdit la publicité en faveur d'un don d'éléments ou de produits du corps humain au profit d'une personne déterminée ou au profit d'un établissement ou organisme déterminé sans toutefois faire obstacle à l'information du public en faveur du don d'éléments et produits du corps humain. Ensuite, l'article L. 1211-5 dispose que « Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. » Enfin, l'article L. 1211-4 impose la gratuité de ces dons et prélèvements.

Il s'agit de mesures visant à éviter toute tentation de faire du commerce marchand des éléments et produits du corps. La logique marchande pourrait en effet inciter les personnes à mettre entre parenthèses les risques pouvant émaner de dons et prélèvements répétés, fréquents, non surveillés, etc. et en somme la protection de leur santé, au profit des gains

201 Décret n°95-904 du 4 août 1995 relatif aux produits du corps humain non soumis aux dispositions du titre Ier du livre VI du code de la santé publique

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économiques que pourrait constituer la contrepartie ces dons et prélèvements. Le trafic d'organe étant une réalité, le droit, au nom de la protection de la santé et des bonnes moeurs cherche en effet à le combattre. Ce sentiment est conforté par le fait que la gratuité n'est imposée que dans les relations entre donneur et receveur. Une fois le prélèvement ou la collecte réalisée, « les produits s'insèrent en revanche dans le circuit économique. »202 Ainsi la gratuité vise la protection de la santé du donneur afin de ne pas l'inciter à commercialiser des produits ou éléments de son corps ; d'autant plus que le don est encadré par le droit dans le respect des normes de sécurité sanitaire en vigueur (notamment concernant les tests de dépistage des maladies transmissibles (art. L. 1211-6 CSP), renforcé par la mise en place d'un système de vigilance (art. L. 1211-7).

Proportionnalité. L'article L. 1211-6 dispose que « les éléments et produits du corps humain ne peuvent être utilisés à des fins thérapeutiques si le risque mesurable en l'état des connaissances scientifiques et médicales couru par le receveur potentiel est supérieur à l'avantage escompté pour celui-ci. » On s'en doutait mais rappelons-le : l'encadrement des dons et prélèvement protège ainsi la santé des donneurs et celle des receveurs.

Ainsi, en résumé, afin d'éviter toute dérive commerciale (qui serait contraire aux bonnes moeurs et pourrait avoir pour conséquence de créer des risques pour la santé des donneurs), le code de la santé publique encadre strictement le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain qui sont des choses, voir des biens, hors du commerce marchand.

Nous venons de le voir, lorsque une chose est substantiellement caractérisée par sa dangerosité pour la sécurité et la santé des consommateurs ou lorsqu'elle est définie comme un élément ou produit du corps humain, elle pourra subir un régime d'interdiction de commercialisation. En outre, au-delà de leur potentielle dangerosité, certains biens se caractérisent par les risques de dépendance qu'ils peuvent susciter chez le consommateur au détriment de leur santé. Généralement, on leur appliquera un régime de commercialisation strictement contrôlé par les autorités publiques.

202 LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ. 2000 p. 47

Section 2. Le contrôle de commercialisation fondé sur les dépendances que peuvent créer certains biens : l'exemple du tabac et des boissons alcoolisées

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La lutte contre les dépendances occupe une place importante dans les politiques de protection de la santé publique. Elle prend forme dans la prise de conscience des pouvoirs publics que la consommation de certains produits est susceptible de créer une dépendance pour l'individu. Globalement, ces biens ne sont pas substantiellement caractérisés par leur dangerosité, qui est principalement potentielle. En réalité, c'est la façon de consommer ces biens qui peut être à l'origine de graves problèmes de santé publique. Ainsi une consommation régulière ou excessive de ces produits est susceptible de nuire à moyen ou long terme à la santé des consommateurs. De plus, si l'on prend en considération leur caractère addictif, on comprend pourquoi des politiques de lutte contre les dépendances visant à limiter la consommation de ces produits sont mises en place. Ainsi, diverses mesures sont adoptées par les pouvoirs publics comme le contrôle de la fabrication ou de l'importation du bien, le contrôle de la commercialisation sa commercialisation au consommateur final, la publication et la promotion de messages de prévention à caractère sanitaire, etc.

Les biens concernés par ces politiques sont principalement l'alcool, le tabac et les stupéfiants. En outre, on peut aussi trouver par exemple les jeux-vidéos ou les jeux laissant une trop grande place au hasard. Nous concernant, nous traiterons ici exclusivement de l'alcool et du tabac car il s'agit des activités les plus réglementés, outre les stupéfiants qui sont quant à eux interdits comme nous l'avons vu précédemment.

A titre d'illustration de politiques de prévention, le code de la santé publique met à la charge de l'Etat l'organisation et la coordination de la politique de prévention contre l'alcoolisme (art. L. 3311-1 du CSP). Dans le cadre de cette politique, l'Etat peut organiser des campagnes d'information, qui doivent comporter des messages de prévention et d'éducation (art. L. 33113 du CSP). Sans porter atteinte à la liberté d'entreprendre des fabricants et distributeurs de boissons alcoolisés, ces campagnes peuvent avoir pour effet d'influer négativement sur les ventes de ces produits. De ce fait, dans un contexte de libre concurrence le code de la santé publique interdit, dans le cadre de ces campagnes et des messages de prévention et d'éducation, toute discrimination entre les différents produits (art. L. 3311-3 du CSP). Par exemple, « le fait qu'une campagne, destinée à alerter les conducteurs sur la diminution de l'acuité visuelle liée à une consommation d'alcool, comporte un message illustré par des

symboles susceptibles d'évoquer le vin ne suffit pas à établir qu'elle présente un caractère discriminatoire entre les différents produits alcoolisés. »203

En outre, nous concentrerons nos efforts sur l'analyse des politiques de lutte contre les dépendances à l'alcool et au tabac sous le prisme des limitations à la liberté d'entreprendre qu'elles comportent. Cependant, du fait de la grande diversité des dispositions applicables en la matière, nous ne traiterons pas des dispositions pénales contenues dans le CSP et des dispositions issues du droit de l'UE. Nous verrons ainsi que les politiques de lutte contre les dépendances ont conduit à des restrictions encadrant en premier lieu la création d'un commerce de tabac et de boissons alcoolisées (I) et en second lieu la commercialisation desdits produits (II).

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203 CE 11 juin 2003, Conféd. des caves coopératives de France et a.: Lebon T. 997.

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I - Les restrictions entourant la création d'un commerce de tabac et de boissons alcoolisées

Du fait de la complexité et de la grande diversité des dispositions juridiques encadrant la création d'un commerce de tabac ou de boissons alcoolisées et parce que l'objet de notre démarche n'est pas de décrire intégralement le circuit de commercialisation des produits du tabac et de l'alcool, nous nous bornerons à évoquer les principales dispositions applicables en la matière afin de montrer qu'il s'agit de secteurs économiques dans lesquels la politique et le droit, fondés en l'espèce sur la protection de la santé, jouent un rôle important ayant pour conséquence de limiter substantiellement la liberté d'entreprendre.

Les degrés de limitations de la liberté d'entreprendre diffèrent qu'il s'agisse d'un commerce de tabac ou d'un commerce de boissons alcoolisées. Nous verrons ainsi qu'alors que la vente au détail des tabacs manufacturés est sujette à un monopole étatique restreignant de fait la création d'un commerce adéquat (A), la création d'un commerce de boissons alcoolisées est quant à elle sujette à strict contrôle administratif (B).

A - Le monopole étatique de la vente au détail des tabacs manufacturés : une relative remise en cause de la liberté d'entreprendre

Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous allons présenter le contexte dans lequel intervient la création d'un commerce de tabacs manufacturés.

Tout d'abord, il faut noter que la vente au détail de tabacs manufacturés est un monopole de l'Etat confié à l'administration des douanes et droits indirects exercé par l'intermédiaire des débitants de tabac. Mais que recouvre la notion de tabacs manufacturés ? Il s'agit des produits destinés à être fumés, prisés ou mâchés, même s'ils ne sont que partiellement constitués de tabac ainsi que les cigarettes et produits à fumer, même s'ils ne contiennent pas de tabac, à la seule exclusion des produits qui sont destinés à un usage médicamenteux (art. 564 du CGI).

Ensuite, il faut noter que l'État français ne détient pas de monopole dans la fabrication du tabac mais seulement concernant la vente au détail des tabacs manufacturés204. Ainsi, l'article 565 du CGI dispose que « l'importation, l'introduction et la commercialisation en gros en France métropolitaine des tabacs manufacturés peuvent être effectuées par toute personne

204 Décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés

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physique ou morale qui s'établit en qualité de fournisseur en vue d'exercer cette activité dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. » De même, l'article précité nous donne la même solution concernant la fabrication de tabacs manufacturés.

Toutefois, l'article 571 du CGI impose aux fournisseurs de produits du tabac de déclarer administrativement chacun de leurs établissements. Notons aussi que les fournisseurs sont tenus de livrer des tabacs aux seuls débitants (article 570 CGI). On voit ainsi que la liberté d'entreprendre des fabricants ou importateurs est principalement limitée dans le choix de leurs cocontractants.

Par ailleurs et enfin, l'art. L. 3511-1 du CSP impose aux fabricants et importateurs de produits du tabac de soumettre au ministre de la santé « une liste de tous les ingrédients et de leurs quantités utilisés dans la fabrication des produits du tabac, par marque et type, dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la santé. » Cette mesure n'est pas véritablement attentatoire à la liberté d'entreprendre des fabricants ou importateurs.

Note bene. A titre complémentaire nous mettrons à disposition en annexe une présentation de l'industrie du tabac (annexe n° 2).

Suite à cette contextualisation, nous allons prendre l'hypothèse d'un entrepreneur qui souhaite exercer la profession de débitant de tabac. Notre objectif sera de montrer, dans leur globalité, les principales étapes nécessaire à la création de cette activité économique et de rendre ainsi compte des limites qui y sont attachées. Ainsi nous verrons tout d'abord que les conditions préalables nécessaires à l'exercice de la profession de débitant de tabac sont inhérentes à la qualité de la personne en question (1) qui devra par la suite conclure un contrat de gérance avec l'Etat (2) pour enfin implanter son commerce dans un lieu qui n'est pas libre (3).

1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de tabac inhérentes à la qualité de la personne

Les conditions que nous allons évoquer sont inhérentes à la qualité de la personne qui souhaite créer le commerce. S'il est vrai qu'elles sont mises en place du fait de la nature des biens à commercialiser, ces conditions auraient pu figurer dans notre Partie 1 relative aux personnes. Nous avons fait le choix d'en traiter ici à la fois pour des questions d'intelligibilité de notre travail et à la fois parce qu'elles ne représentent pas une part substantielle des limitations à l'exercice de la profession en cause. Aussi restrictives soient ces limitations, il

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n'en demeure pas moins qu'elles ne touchent pas, si en prend la France comme référentiel, un nombre important de situations. En effet, ces conditions sont généralement remplies par les personnes concernées.

L'article 5 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 établit une liste de conditions cumulatives à remplir obligatoirement pour gérer ou exploiter un débit de tabac (a, b et c).

a - Nationalité de la personne

Pour exercer la profession de débitant de tabac, la personne concernée doit être de nationalité française ou ressortissante d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération Suisse.

b - Compatibilité et capacité de la personne

Tout d'abord, la personne doit être majeure mais ne pas être sous tutelle ou curatelle et jouir de ses droits civiques dans l'Etat dont elle est ressortissante.

Ensuite, la personne doit présenter des garanties d'honorabilité et de probité (casier judiciaire n°2 vierge). Il s'agit d'une éventualité d'incapacité d'exercice justifiée par des questions de moralité publique dans un contexte de moralisation des professions.

Aussi, la personne doit justifier de son aptitude physique par un certificat médical établit par un médecin agréé par l'agence régionale de santé (les associés minoritaires d'une société en nom collectif sont exemptés de cette obligation).

Enfin, la personne ne peut pas être gérant d'un autre débit de tabac, ni suppléant d'un débitant en exercice, ni associé dans une société en nom collectif exploitant un autre débit de tabac.

c - Formation de la personne

La personne doit suivre une formation professionnelle initiale (avant signature du contrat de gérance) et continue (dans les six mois précédant le renouvellement du contrat de gérance).

En outre, d'autres obligations sont imposées à la personne, notamment, quant au statut juridique de son entreprise (art. 3 du décret n° 2010-720) et concernant son local commercial et son fonds de commerce (art. 4 du décret n° 2010-720). Mais nous ne nous y attarderons pas et évoquerons dès à présent le contrat de gérance, symbole du monopole étatique.

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2 - La conclusion indispensable d'un contrat de gérance avec l'Etat

La vente au détail des tabacs manufacturés étant un monopole de l'Etat, lesdits produits ne peuvent être vendus que dans un débit de tabac. La gestion du débit de tabac est confiée à des acteurs économiques privés par un contrat de gérance conclu entre ces derniers et l'Etat (administration des douanes et des droits indirects). Le contrat, établit selon un modèle fixé par arrêté du ministre chargé du budget, est d'une durée légale de trois ans et est renouvelable par tacite reconduction par périodes de trois ans (article 2 du décret n° 2010-720).

En cas de non-respect de ses obligations contractuelles (au titre de la vente au détail des tabacs ainsi qu'au titre des missions de service public qui peuvent lui être confiées) ou du décret précité, l'exploitant du débit de tabac peut être sanctionné par la résiliation unilatérale ou le non-renouvellement de son contrat de gérance (article 2 du décret n° 2010-720).

Ce contrat de gérance illustre très bien un degré important de limitation de la liberté d'entreprendre dans un contexte monopolistique public.

Outre ce contrat de gérance, au-delà d'un seuil de chiffre d'affaire réalisé sur les ventes de tabacs manufacturés, les débitants seront tenus à droit de licence. Ce dernier est exigible à la livraison des tabacs manufacturés et liquidé par les fournisseurs au plus tard le 25 de chaque mois, sur la base d'une déclaration des quantités livrées au débitant au cours du mois précédent transmise à l'administration. Sans entrer dans les détails de ce droit à licence, évoquons dès à présent les restrictions relatives à la localisation du lieu de vente du tabac.

3 - Les restrictions relatives à la localisation du lieu de vente du tabac

En principe la vente de tabac s'effectue au moyen d'un débit de tabac (a) mais elle peut en outre s'effectuer, sous conditions, par revente en dehors dudit débit (b).

a - Conditions d'implantation d'un débit de tabac

Il existe deux catégories de débits de tabac : les débits de tabac ordinaires (permanents ou saisonniers) et spéciaux (article 1 du décret n° 2010-720). Nous allons présenter ces différents débits de tabac ainsi que les principales conditions d'implantation qui y sont attachées.

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Débits de tabac ordinaires permanents. Il s'agit des débits qui ont pour fonction de vendre au détail des tabacs manufacturés dans tous les lieux autres que ceux réservés aux débits de tabac spéciaux (article 7 du décret n° 2010-720). Il s'agit donc des débits de principe.

Ils sont ouverts toute l'année, sauf pendant les périodes de fermeture facultatives décidées par le débitant : deux journées hebdomadaires consécutives ou non, les jours fériés, et les congés annuels du débitant (article 30 du décret n° 2010-720).

L'implantation d'un nouveau débit de tabac dans un lieu déterminé fait l'objet d'une procédure qui peut être déclenchée soit à l'initiative de l'administration, soit à la demande d'une personne intéressée (article 8 du décret n° 2010-720).

Il faut préciser que cette implantation est interdite dans les galeries marchandes (en principe), dans les centres commerciaux (hormis ceux constitués exclusivement de commerces de proximité desservant principalement ou en totalité les résidents d'une commune ou de l'un de ses quartiers), dans le périmètre d'implantation des débits de tabac fermés provisoirement et en zone protégée conformément aux dispositions des articles L. 3335-1 et L. 3511-2-2 du code de la santé publique sur lesquelles nous reviendrons (article 11 du décret n° 2010-720).

Il existe deux procédures d'implantation, nous les présenterons sommairement :

- L'implantation par transfert . elle consiste en une autorisation administrative conférant au débitant le droit d'exercer dans un autre lieu son activité de vente au détail de tabacs. Le nouveau débit doit être implanté à l'intérieur du département ou, sous certaines conditions, dans un département limitrophe (article 14 du décret n° 2010-720).

- L'implantation par appel à candidature . cette procédure ne peut être déclenchée que lorsque l'implantation par transfert n'a pas abouti. Le directeur régional des douanes et droits indirects retiendra la candidature qui lui paraît présenter les meilleures garanties et les meilleures perspectives d'activité du débit de tabac (article 18 du décret n° 2010-720).

En outre, l'attribution de la gérance du débit de tabac peut se faire par présentation d'un successeur par le gérant en exercice ou par permutation entre conjoints, concubins ou partenaires d'un pacte civil de solidarité (articles 20 et 21 du décret n° 2010-720).

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Débits de tabac ordinaires saisonniers. Ces derniers ont pour fonction de vendre au détail des tabacs manufacturés dans les lieux d'affluence touristique tels que les stations balnéaires ou de montagne (article 31 du décret n° 2010-720).

Leur implantation est décidée par le directeur régional des douanes et droits indirects après avis des organisations représentant dans le département concerné la profession des débitants de tabac (article 31 du décret n° 2010-720).

L'attribution de la gérance d'un débit de tabac saisonnier s'effectue par voie d'appel à candidatures ou présentation d'un successeur par le gérant en exercice ou par permutation.

Un débit de tabac saisonnier ne peut être ouvert que durant la période d'affluence touristique et pour une période annuelle d'au moins trois mois n'excédant pas une durée fixée en fonction des situations prévues par l'article 32 du décret n° 2010-720.

Débits de tabac spéciaux. Il s'agit des débits se situant sur le domaine public concédé du secteur des transports (comprenant le réseau ferré, le réseau aéroportuaire, les aires de repos du réseau autoroutier non librement accessibles aux riverains dudit réseau, et le réseau portuaire fluvial et maritime) ou sur le domaine public autre que celui du secteur des transports, concédé ou géré en régie. En outre, ces débits peuvent également être implantés dans des enceintes qui ne sont pas librement accessibles au public (art. 38 du décret précité).

L'attribution de la gérance d'un débit de tabac spécial ne peut être attribuée qu'au titulaire exclusif d'un contrat de concession d'occupation d'un emplacement du domaine public ou au responsable du domaine public géré en régie ainsi qu'au titulaire exclusif d'un droit d'exercice d'une activité commerciale dans une enceinte non librement accessible au public (article 39 du décret n° 2010-720).

Le débit de tabac n'est pas le seul lieu où les acteurs économiques sont autorisés à commercialiser des produits du tabac. En effet, la revente est autorisée aux articles 45 et s. du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010.

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b - Revente et revendeurs de tabac en dehors d'un débit de tabac

Voyons quelles sont les conditions posées par le décret précité en matière de revente de tabac. Premièrement, la qualité de revendeur ne peut être attribuée qu'à trois types d'établissements : - Les débits de boissons à consommer sur place titulaires d'une licence de 3e ou 4e catégorie

effectivement exploitée, ou restaurants titulaires d'une licence restaurant proprement dite,

- Les stations-service implantée sur le réseau autoroutier, les liaisons assurant la continuité du réseau autoroutier, les voies express ou les voies rapides en milieu urbain telles que définies par le code de la voirie routière ou, pour les départements de Corse, toute station-service,

- Les établissements militaires, pénitentiaires ou accueillant une population dont la liberté d'aller et venir est restreinte, à l'exclusion des établissements de santé habilités à recevoir des personnes hospitalisées sous contrainte.

Deuxièmement, les revendeurs ne peuvent s'approvisionner en tabacs manufacturés qu'uniquement auprès du débit de tabac ordinaire permanent le plus proche de son établissement que l'on nomme « débit de rattachement ».

Troisièmement, « les revendeurs ne sont autorisés à vendre des tabacs qu'aux seuls clients et usagers de leur établissement, au titre d'un service complémentaire à l'activité principale de cet établissement, ainsi qu'à leur personnel. » Ils sont de même « tenus de proposer à la clientèle, aux usagers et au personnel de leur établissement des tabacs manufacturés d'au moins trois fabricants de leur choix. Ils ne peuvent passer un contrat d'exclusivité avec un fabricant ou un fournisseur de tabacs manufacturés. »

Le décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 prévoit par ailleurs d'autres mesures contraignantes encadrant la rémunération du débitant ou encore le remplacement et la succession du gérant du débit de tabac. A défaut d'avoir abordé ces derniers éléments, l'essentiel à retenir est que le régime monopolistique est en somme le plus contraignant pour les acteurs économiques. Nous allons dès à présent étudier la question des restrictions à la création d'un commerce de boissons alcoolisées.

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B - Le contrôle administratif de la création d'un commerce de boissons alcoolisées : une mise en oeuvre difficile de la liberté d'entreprendre

L'hypothèse que nous allons étudier ici est celle d'un entrepreneur qui souhaite ouvrir (au sens de créer) un débit de boissons. Nous allons donc montrer dans leur globalité les principales étapes nécessaire à la création de cette activité économique.

Ainsi nous ne traiterons que de l'ouverture (création) et non des hypothèses de mutation (changement de propriétaire ou de gérant), de translation (changement de lieu du débit de boissons sur la même commune), et de transfert (changement de lieu du débit de boissons à l'intérieur d'un même département), prévues par le CSP. De même, nous ne traiterons pas des différentes formes de sociétés pouvant gérer un commerce de boissons alcoolisées, de l'enregistrement au Registre du commerce et des sociétés, etc.

L'idée directrice de notre démarche est de montrer qu'il s'agit là d'une activité économique dont l'accès est strictement encadré par le droit et limitée du fait de sa nature (la commercialisation de boissons alcoolisées), qui est susceptible de porter atteinte à la santé des personnes.

En outre, nous relèverons simplement, concernant les fabriquant et importateurs de boissons alcooliques du troisième, du quatrième ou du cinquième groupe, que l'article L. 3322-1 du CSP impose à leur charge d'effectuer une déclaration administrative préalable à la mise en vente ou l'offre gratuite desdites boissons. La déclaration doit indiquer le nom et l'adresse du fabricant ou importateur, le nom de la boisson, sa composition et l'usage, apéritif ou digestif, auquel elle est destinée.

Dès à présent, nous nous pencherons sur les limitations à la liberté d'entreprendre des personnes souhaitant exercer l'activité de débitant de boisson. Nous verrons successivement les conditions préalables à l'exercice de la profession inhérentes à la qualité de la personne (1), la nécessité d'obtenir une licence (2) et le choix du lieu du débit de boissons (3).

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1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de boisson inhérentes à la qualité de la personne

Nous appliquerons à ce « 1 - » la même remarque que celle faite concernant les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de tabac inhérentes à la qualité de la personne concernant le choix de traiter de ces éléments dans notre Partie 2. Ces limites tiennent à la nationalité de la personne (a), à sa capacité (b) et à sa formation (c).

a - Nationalité de la personne

L'art. L. 3332-3 du CSP interdit l'exercice de la profession de débitant de boissons aux personnes qui n'ont pas la nationalité français ou la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Toutefois, les ressortissants d'Etats ayant conclu un traité de réciprocité avec la France peuvent exercer ladite profession (Algérie, Andorre, République centrafricaine, Congo Brazzaville, États-Unis, Gabon, Mali, Monaco, Sénégal, Suisse et Togo).

En outre, ces conditions de nationalité ne s'appliquent pas aux licences restaurant.

b - Compatibilité et capacité de la personne

Premièrement, seuls les majeurs qui ne sont pas sous tutelle et les mineurs émancipés peuvent exercer la profession de débitant de boissons (art. L. 3336-1 du CSP).

De même, sauf exception applicable aux mineurs de plus de seize ans, il est interdit d'employer ou de recevoir en stage des mineurs dans les débits de boissons à consommer sur place, à l'exception du conjoint du débitant et de ses parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement (art. L. 3336-4 du CSP).

Deuxièmement, les personnes qui ont été condamnées à certaines peines notamment pour crime de droit commun ou proxénétisme (interdiction définitive), ou pour vol, escroquerie, abus de confiance (l'incapacité peut être levée au bout de 5 ans) ne peuvent exercer la profession de débitant de boisson à consommer sur place (art. L. 3336-2 du CSP) Il s'agit ici d'assainir les professions commerciales afin de protéger la moralité publique.

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e - Formation de la personne donnant lieu à un permis d'exploitation

Les articles L. 3331-4 et L. 3332-1-1 prévoient l'obligation pour toute personne déclarant l'ouverture d'un débit de boissons à consommer sur place ou d'un établissement pourvu de la "petite licence restaurant" ou de la "licence restaurant" ou qui souhaite dans son commerce (autre qu'un débit de boissons à consommer sur place) vendre des boissons alcooliques entre 22 heures et 8 heures, l'obligation de suivre une formation spécifique (axée notamment sur la prévention et la lutte contre l'alcoolisme, la protection des mineurs et la répression de l'ivresse publique). Cette formation donne lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation valable dix années (renouvelable pour une durée de validité de dix années sous condition de participer à une formation de mise à jour des connaissances).

Ces conditions, bien que sévères en soi, touchent globalement peu de personnes si on prend la France comme contexte. Elles ne sont qu'un préalable, l'obtention d'une licence étant au coeur des limitations à l'ouverture d'un commerce de boissons alcoolisées.

2 - L'obtention obligatoire d'une licence d'exploitation

Quiconque souhaite ouvrir un établissement qui vend des boissons alcoolisées sur place ou à emporter doit détenir au préalable une licence spécifique. Par exception, les débits de boisson temporaires (foires expositions, fêtes publiques et enceintes sportives) ne sont pas soumis à licence mais à autorisation administrative du maire de la commune.

Nous étudierons successivement les différents types de boissons, d'établissements et de licences (a) et les conditions d'exploitation ou d'obtention de ces dernières (b).

a - Les différents types de boissons, d'établissements et de licences

Classification des boissons. L'art. L. 3321-1 du CSP répartit en cinq groupes les boissons en vue de la réglementation qui leur sera applicable.

- 1. Boissons sans alcool : eaux minérales ou gazéifiées, jus de fruits ou de légumes non fermentés ou ne comportant pas, à la suite d'un début de fermentation, de traces d'alcool supérieures à 1,2 degré, limonades, sirops, infusions, lait, café, thé, chocolat;

- 2. Boissons fermentées non distillées : vin, bière, cidre, poiré, hydromel, auxquelles sont joints les vins doux naturels bénéficiant du régime fiscal des vins, ainsi que les crèmes de cassis et les jus de fruits ou de légumes fermentés comportant de 1,2 à 3 degrés d'alcool;

- 3.

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Vins doux naturels autres que ceux appartenant au groupe 2, vins de liqueur, apéritifs à base de vin et liqueurs de fraises, framboises, cassis ou cerises, ne titrant pas plus de 18 degrés d'alcool pur;

- 4. Rhums, tafias, alcools provenant de la distillation des vins, cidres, poirés ou fruits, et ne supportant aucune addition d'essence ainsi que liqueurs édulcorées au moyen de sucre, de glucose ou de miel à raison de 400 grammes minimum par litre pour les liqueurs anisées et de 200 grammes minimum par litre pour les autres liqueurs et ne contenant pas plus d'un demi-gramme d'essence par litre;

- 5. Toutes les autres boissons alcooliques.

La classification des boissons est liée à la typologie des licences et établissements.

Typologie des licences et des établissements. Nous allons dès à présent présenter les trois groupements de licences existant.

Débit de boissons à consommer sur place. Premièrement, l'article L. 3331-1 du CSP prévoit trois licences différentes pour les débits de boissons à consommer sur place (la licence de 1e catégorie a été supprimée à compter du 1er juin 2011) :

- La licence de 2e catégorie dite « licence de boissons fermentées » autorisant la vente pour consommer sur place des boissons des deux premiers groupes.

- La licence de 3e catégorie dite « licence restreinte » autorisant la vente pour consommer sur place des boissons des trois premiers groupes.

- La licence de 4e catégorie dite « grande licence » ou « licence de plein exercice » autorisant la vente pour consommer sur place de toutes les boissons dont la consommation à l'intérieur demeure autorisée, y compris celles du quatrième et du cinquième groupe.

Restaurant. Deuxièmement, l'art. L. 3331-2 du CSP prévoit deux licences différentes pour les restaurants qui ne sont pas titulaires d'une licence de débit de boissons à consommer sur place mais qui souhaitent vendre des boissons alcooliques, exclusivement, à l'occasion des principaux repas et comme accessoire de la nourriture (dans le cas contraire les licences de l'art. L. 3331-1 du CSP sont requises) :

- La « petite licence restaurant » autorisant la vente pour consommer sur place de boissons du deuxième groupe.

- La « licence restaurant » autorisant la vente pour consommer sur place toutes les boissons dont la consommation est autorisée.

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Débit de boissons à emporter. Troisièmement, l'article L. 3331-3 du CSP dispose que si les établissements titulaires d'une licence à consommer sur place ou d'une licence restaurant peuvent vendre pour emporter les boissons correspondant à la catégorie de leur licence, les autres débits de boisson à emporter doivent être pourvus d'une des deux licences spécifiées :

- La « petite licence à emporter » autorisant la vente pour emporter des boissons du deuxième groupe.

- La « licence à emporter » autorisant la vente pour emporter de toutes les boissons dont la vente est autorisée.

Notons enfin que la vente à distance est considérée comme une vente à emporter (art. L. 3331-4 CSP). Ainsi quiconque souhaite vendre des boissons alcoolisées sur internet doit détenir l'une des deux licences évoquées ci-dessus.

La détention d`une licence n'est cependant pas suffisante pour exploiter un débit de boissons.

b. Les conditions d'exploitation ou d'obtention de la licence

Permis d'exploitation. Tout d'abord, est obligatoire pour obtenir ou exploiter une licence la détention d'un permis d'exploitation au sens des articles L. 3331-4 et L. 3332-1-1 du CSP.

Déclaration administrative préalable. Ensuite, les articles L. 3332-3 et L. 3332-4-1 du CSP imposent avant toute ouverture d'un café, d'un cabaret ou d'un débit de boissons à consommer sur place, dans lequel de l'alcool sera vendu, d'effectuer une déclaration administrative préalable à la mairie (ou à la préfecture de police à Paris) au moins quinze jours avant l'ouverture de l'établissement.

Fermeture administrative. Enfin et en outre, l'art. L. 3332-15 du CSP prévoit, à la suite d'infractions aux lois et règlements encadrant les débits de boisson ou les restaurants prévus au même code, la possibilité pour le représentant de l'État dans le département (ou le préfet de police à Paris) d'ordonner sur motivations et après avertissement préalable (sauf cas exceptionnels), la fermeture desdits établissements pour une durée n'excédant pas six mois.

La fermeture peut aussi être prononcée dans des conditions similaires pour une durée n'excédant pas deux mois en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques. La durée de fermeture pourra être réduite lorsque l'exploitant s'engage à

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suivre la formation spécifique visée à l'article L. 3332-1-1 du CSP, ou prolongée (jusqu'à six mois) si elle est motivée par des certains actes criminels ou délictueux.

Les difficultés ne s'arrêtent pas là puisque d'autres mesures viennent encadrer l'obtention d'une licence. Très sommairement, la licence peut soit être créée (nouveau débit de boisson), soit être achetée ou transférée dans le respect de la réglementation. Toutefois, l'article L. 3332-2 interdit l'ouverture d'un nouvel établissement de 4e catégorie et ainsi, interdit la création d'une licence 4 (qui ne peut donc qu'être achetée ou transférée). Enfin, la licence est susceptible d'expirer en cas de non utilisation pendant trois ans (art. L. 3333-1 du CSP).

Nous n'irons pas plus loin dans ces développements mais nous allons dès à présent étudier les restrictions relatives à la localisation du débit.

3 - Les restrictions relatives à la localisation du débit

Concernant ces restrictions spatiales, le CSP va soit imposer des restrictions légales (a), soit laisser le choix au représentant de l'Etat dans le département (b).

a - Les limitations légales du nombre de débits de boissons imposées par le CSP

L'art. L. 3332-1 du CSP interdit l'ouverture d'un débit de boisson de 2e ou 3e catégorie dans les communes où le total des débits de boissons atteint ou dépasse la proportion d'un débit pour 450 habitants. Il est donc impossible d'obtenir une licence pour l'ouverture d'un établissement situé dans une commune où le nombre de débits a atteint la limite précitée.

De même, sans que le CSP parle expressément de zone protégée, son article L. 3335-4 interdit la vente et la distribution de boissons alcoolisées au sein des établissements d'activités physiques et sportives. Toutefois, des dérogations peuvent être accordées par arrêté des ministres chargés du tourisme et de la santé pour des installations situées dans des hôtels classés de tourisme ou des restaurants. Il s'agit en tous cas d'une interdiction légale.

b - La création de zones protégées par le représentant de l'Etat dans le département

Les articles L. 3335-1 et s. du CSP confèrent la possibilité au représentant de l'Etat dans le département de créer des zones protégées dans lesquelles un débit de boissons à consommer sur place ne peut être établit. La zone devra se situer autour des édifices et établissements limitativement énumérés par le code.

Il s'agit des édifices consacrés à un culte, des cimetières, des établissements de santé, maisons de retraite et tous établissements publics ou privés de prévention, de cure et de soins comportant hospitalisation ainsi que les dispensaires départementaux, des établissements d'instruction publique et établissements scolaires privés ainsi que tous établissements de formation ou de loisirs de la jeunesse, des stades, piscines, terrains de sport publics ou privés, des établissements pénitentiaires, des casernes, camps, arsenaux et tous bâtiments occupés par le personnel des armées de terre, de mer et de l'air et des bâtiments affectés au fonctionnement des entreprises publiques de transport.

Il s'agit bien évidemment de limitations à la liberté d'entreprendre concernant le lieu d'établissement du débit de boisson et donc de commercialisation des biens en question. C'est ici la nature de l'activité qui est en cause : le commerce de biens susceptibles de créer des dépendances présentant un danger pour la santé et la sécurité des personnes.

La jurisprudence a d'ailleurs précisé que les facultés constituent des établissements protégés205. On imagine, sans préjuger des risques pour la santé des usagers des établissements d'enseignement supérieur, qu'une mesure d'interdiction en ce sens aurait pour conséquence de voir s'envoler l'opportunité de créer des activités a priori plutôt lucrative. Enfin et naturellement, un préfet ne peut créer des établissements protégés qui ne figureraient pas dans la liste précitée.206

Une fois le commerce ouvert légalement, le commerçant va pouvoir vendre du tabac ou des boissons alcoolisées mais cette activité fait toutefois l'objet de nombreuses limitations légales.

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205 Crim. 4 nov. 1971: Bull. crim. no 299

206 Montpellier, 30 oct. 1951: Gaz. Pal. 1952. 1. 117

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II - Les restrictions entourant la commercialisation du tabac et des boissons alcoolisées

Nous allons prendre comme hypothèses celle d'un commerçant ayant ouvert légalement un commerce de vente de tabac ou de boissons alcoolisées ou celle d'un fabriquant souhaitant distribuer les produits précités. La commercialisation de ces produits est encadrée par des conditions légales plus ou moins contraignantes (A) qui trouverons leur paroxysme dans l'encadrement de la promotion publicitaire desdits produits (B).

A - Les conditions de commercialisation du tabac et des boissons alcoolisées

Etudions dès à présent les obligations légales mises à la charge du fabricant (1) et du commerçant (2).

1 - Les obligations à la charge du fabricant

Une fois le produit fabriqué (a), il sera conditionné par le fabriquant (b) qui en déterminera librement le prix de vente (c).

a - Les obligations en matière de composition du bien

Tabac. Premièrement, l'art. L. 3511-2 du CSP interdit les cigarettes aromatisées dont la teneur en ingrédients donnant une saveur sucrée ou acidulée dépasse des seuils fixés par décret. Ce contrôle de la composition du bien vise à contrer la stratégie commerciale de certains fabricants visant à attirer un public jeune ou féminin vers leurs produits.

Deuxièmement, l'art. L. 3511-6 du CSP prévoit que les teneurs maximales en goudron, en nicotine et en monoxyde de carbone des cigarettes soient fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé.

Boissons alcoolisées. L'art. L. 3322-11 du CSP prévoit la détermination par décret en Conseil d'Etat l'encadrement de la composition de certaines boissons alcoolisées et notamment la teneur maximal en produits actifs de certaines substance contenues dans lesdites boissons.

In fine, pour le tabac, comme pour les boissons alcoolisées, le fabricant n'est donc pas libre dans le choix des composants de ses produits, ce qui constitue une limitation à sa liberté d'entreprendre.

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b - Les obligations en matière de conditionnement du bien

Tabac. Les modalités de conditionnement du bien sont fixées aux articles L. 3511-6 et L. 3511-2 du CSP. Premièrement, chaque paquet de cigarettes doit porter mention de la composition intégrale du produit (exception faite, le cas échéant, des filtres), de la teneur moyenne en goudron, en nicotine et en monoxyde de carbone dont les modalités d'inscription et les méthodes de mesure sont fixées par arrêté du ministre en charge de la santé.

De même, toutes les unités de conditionnement du tabac et des produits du tabac (papier à cigarette inclut) doivent porter un message de caractère sanitaire (par exemple : « Fumer tue ») dans des conditions fixées par arrêté du ministre en charge de la santé. La jurisprudence a pu à ce titre condamner un fabriquant qui avait modifié l'avertissement sanitaire en question en ajoutant « selon la loi n°... » à la mention « nuit gravement à la santé ».207

Enfin, il est interdit d'inclure, sur l'emballage d'un produit du tabac, des indications selon lesquelles ledit produit serait moins nocif qu'un autre. C'est ainsi par exemple, qu'est prohibée l'utilisation de la mention « light » sur des paquets de cigarettes. Le législateur entend ainsi éviter de donner « bonne conscience » au consommateur.

Deuxièmement, sont interdites la distribution ou l'offre à titre gratuit de paquets de moins de vingt cigarettes ou de plus de vingt cigarettes qui ne sont pas composés d'un nombre de cigarettes multiple de cinq ainsi que des contenants de moins de trente grammes de tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes. Il s'agit ici, concernant le seuil minimum, de rendre plus effectives les mesures prohibitives visant à surtaxer les produits du tabac.

Boissons alcoolisées. L'art. L. 3322-2 prévoit l'obligation de mentionner sur l'étiquette des boissons du 3e, 4e et 5e groupe, aux côtés de leur dénomination, le nom et l'adresse du fabricant ou de l'importateur, ainsi que le qualificatif de digestif ou celui d'apéritif.

De même, l'article précité interdit d'inscrire sur l'étiquette des indications tendant à présenter la boisson comme possédant une valeur hygiénique ou médicale.

Enfin, et la mesure est moins contraignante que celle imposées en matière de tabac, le même article impose sur toutes les unités de conditionnement des boissons alcoolisées la mention d'un message à caractère sanitaire préconisant l'absence de consommation d'alcool par les femmes enceintes. On est loin des messages du type « Boire nuit gravement à la santé » ou « Boire tue ».

207 Crim. 15 févr. 2000, D. 2000. AJ 238

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c - La théorique libre fixation du prix de vente

L'article 572 du CGI dispose que « le prix de détail de chaque produit, exprimé aux 1 000 unités ou aux 1 000 grammes est (...) librement déterminé par les fabricants et les fournisseurs agréés. » Toutefois, l'exorbitance des taxes affectées aux produits du tabac nous laisse à considérer que le prix est en pratique fixé substantiellement par l'Etat ; la marge de manoeuvre des fabricants est donc très faible. Cette haute taxation a pour effet involontaire de dissuader le fabricant d'augmenter ses prix. De plus, le même article précise que ce prix doit être unique pour l'ensemble du territoire, ce qui limite la liberté contractuelle des fabricants dans leurs relations avec leurs clients.

Une fois ces obligations respectées, les produits sont livrés directement ou indirectement au commerçant. Quelles sont les obligations de ce dernier ?

2 - Les obligations à la charge du commerçant

Il s'agit globalement de répondre aux questions suivantes : où, comment et à qui peut-on commercialiser les produits du tabac et de l'alcool ? Nous avons déjà en partie répondu à ces questions concernant la création d'un commerce de tabac ou de boissons alcoolisées. Ici, nous allons nous interroger sur les obligations du commerçant tenant au mode et au lieu de commercialisation des produits (a) et à la détermination du prix de vente et à la vente à crédit (b). Enfin, nous montrerons que la qualité de l'acheteur des produits en question est susceptible de justifier des interdictions de commercialisation (c).

a - Les obligations tenant au mode et au lieu de commercialisation des produits

Outre évidemment les règles relatives notamment à l'ouverture d'un débit de boisson ou de tabac que l'on a déjà étudié, certains modes de commercialisation, parfois associés à des critères spatiaux-temporaires, sont frappés d'interdictions.

Interdictions de modes de commercialisation associées à des critères spatiaux-temporaires

Premièrement, les articles L. 3511-2 et L. 3322-8 du CSP interdisent respectivement la vente de produits du tabac et la délivrance de boissons alcooliques au moyen de distributeurs automatiques. Ces interdictions constituent une limite absolue à la liberté de choix du mode de commercialisation d'un produit et, le cas échéant, à la liberté de choix du lieu de commercialisation (par exemple, installation d'un distributeur dans la rue).

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Deuxièmement, l'article 568 ter du CGI interdit la commercialisation à distance de produits du tabac manufacturés. Est ainsi notamment interdit le commerce électronique du tabac.

Troisièmement, l'art. L. 3322-9 du CSP interdit la vente de boissons alcooliques réfrigérées dans les points de vente de carburant (limite tenant au lieu et au mode de commercialisation). De même, l'article précité interdit la vente de boissons alcooliques à emporter, entre dix-huit heures et huit heures, dans les points de vente de carburant (limite tenant au lieu et à l'horaire de commercialisation). Ces limitations, outre la protection de la santé, sont essentiellement fondées sur un motif de sécurité routière.

Quatrièmement, l'art. L. 3322-6 interdit la vente au détail par un marchand ambulant de boissons des quatrième et cinquième groupes. Il s'agit là d'une limite à la liberté d'entreprendre dans le choix du lieu, et dans ce cas précis, de l'absence de lieu fixe, pour l'exercice de l'activité économique.

Les obligations en matière de présentation du bien

Tabac. L'article 46 du décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 interdit aux revendeurs de produits du tabac d'exposer dans leur établissement les tabacs à la vue de leur clientèle, de leurs usagers et de leur personnel. De plus, ils ne peuvent modifier la composition ou la présentation des tabacs manufacturés qu'ils revendent.

Boissons alcoolisées. L'article L. 3323-1 du CSP impose dans tous les débits de boissons, la mise en place à la vue du public d'un étalage des boissons non alcoolisées mises en vente dans l'établissement. Cet étalage doit être séparé de celui des boissons alcoolisées et doit être installé en évidence dans les lieux où sont servis les consommateurs. Ainsi, la loi impose aux débitants des modalités d'organisation de leur commerce vis-à-vis de la présentation de leurs produits, qui n'est donc pas totalement libre.

Les limites en matière de choix des produits à vendre

L'article 46 du décret n° 2010-720 impose aux revendeurs de proposer à la clientèle, aux usagers et au personnel de leur établissement des tabacs manufacturés d'au moins trois fabricants de leur choix. En somme, ils ne peuvent passer un contrat d'exclusivité avec un fabricant ou un fournisseur de tabacs manufacturés.

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b - Les obligations tenant à la détermination du prix de vente et à la vente à crédit

Tabac. L'art. L. 3511-3 interdit la distribution gratuite ou la vente du tabac à un prix inférieur à celui mentionné à l'article 572 du code général des impôts qui dispose d'ailleurs que le prix est unique pour l'ensemble du territoire comme nous l'avons évoqué ci-dessus et qu'il est homologué dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.

Boissons alcoolisées. L'art. L. 3322-9 du CSP interdit de vendre au détail à crédit des boissons des 3e, 4e et 5e groupes à consommer sur place ou à emporter et des boissons du 2e groupe à consommer sur place. De plus, l'article précité interdit (sauf dans le cadre de fêtes et foires traditionnelles autorisées ou de dégustations en vue de la vente) d'offrir gratuitement à volonté des boissons alcooliques dans un but commercial ou de les vendre à titre principal contre une somme forfaitaire. Enfin, l'article 3323-1 du CSP impose au débitant qui propose des boissons alcoolisées à prix réduit pendant une période restreinte d'également proposer à prix réduit les boissons non alcoolisées tels que par exemple les jus de légumes ou l'eau minérale (l'article précité établit une liste de ces boissons).

c - Les interdictions de commercialisation tenant à la qualité de l'acheteur

Interdictions tenant à la qualité de personne extérieure à l'établissement de l'acheteur. L'article 46 du décret n° 2010-720 prévoit que les revendeurs ne sont autorisés à vendre des tabacs qu'aux seuls clients et usagers de leur établissement, au titre d'un service complémentaire à l'activité principale de cet établissement, ainsi qu'à leur personnel. Ainsi, en théorie, le client ne peut entrer dans ce type d'établissement dans le seul but d'acheter du tabac. Cette activité commerciale est obligatoirement l'accessoire de l'activité principale du commerçant. Ces restrictions sont une conséquence du monopole étatique de la vente au détail du tabac, qui nous permet d'analyser l'autorisation de la revente comme une tolérance.

Interdictions tenant à la qualité de mineur de l'acheteur. Tout d'abord, les articles L. 3511-2-1 et L. 3342-1 du CSP interdisent respectivement la vente ou l'offre à titre gratuit de produits du tabac et de boissons alcoolisées à des mineurs.

Ensuite, l'art. L. 3342-3 du CSP interdit dans les débits de boisson l'entrée de mineurs de moins de seize ans s'ils ne sont pas accompagnés de leur père, mère, tuteur ou toute autre personne de plus de dix-huit ans en ayant la charge ou la surveillance. Naturellement et

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toutefois, les mineurs de plus de treize ans, même non accompagnés, peuvent entrer dans les débits de boissons ne vendant pas d'alcool (assortis de l'ex licence de première catégorie). On voit très bien ici que la protection des mineurs, sous couvert de protection de la santé, est motif d'interdiction absolue de commercialisation du tabac et des boissons alcoolisées.

B - Les limitations à la publicité ou propagande en faveur du tabac et des boissons alcoolisées

Nous l'avons montré précédemment, la commercialisation du tabac est bien plus restreinte que celle des boissons alcoolisées. L'étude des règles encadrant la publicité desdits produits nous démontre encore une fois la véracité de cette affirmation. Nous passons ainsi d'un régime d'interdiction de principe de la publicité ou propagande en faveur du tabac (1), à un régime strictement encadré concernant la publicité de l'alcool, qui n'est autorisée que dans des situations limitativement énumérée par le législateur (2).

1 - L'interdiction de principe de la publicité ou propagande en faveur du tabac

Principe. L'art. L. 3511-3 du CSP pose le principe de l'interdiction de la propagande ou de la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac et des produits du tabac. Il s'agit là d'un principe qui va limiter les activités économiques à la fois des publicitaires, des fabriquant et des commerçants de tabac.

A ce sujet, le Conseil constitutionnel a considéré que l'encadrement de la publicité du tabac, fondé sur des exigences de protection de la santé, « ne porte pas à la liberté d'entreprendre une atteinte qui serait contraire à la Constitution. »208 En l'espèce, les auteurs de la saisine avaient opposé à l'encadrement de la publicité la liberté d'entreprendre « au motif que son exercice implique le pouvoir de soumettre les produits du tabac aux lois du marché et de la concurrence » et « que cela suppose une information du consommateur et une possibilité de diffusion des produits. »

Par ailleurs, la Cour de cassation considère que la protection de la santé est un motif légitime de restriction de la publicité commerciale en tant que forme de liberté d'expression protégée par l'article 10§1, Conv. EDH.209 On notera complémentairement que dans un contexte économique, la publicité « commerciale » ne peut être analysée qu'en tant que forme de la liberté d'expression mais aussi en tant que mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre, car la

208 CC, 90-283 DC, 08 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme

209 Crim. 19 nov. 1997, D. 1998. JR 59

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publicité fait partie intégrante de la stratégie commerciale des acteurs économiques. Ainsi dans ce cas, la liberté d'expression protégée par la Conv. EDH peut constituer un moyen juridique de niveau européen de défense de la liberté d'entreprendre des acteurs économiques. Mais que recouvre la notion de publicité ou propagande ?

Définition. Premièrement, la jurisprudence définit la publicité ou propagande illicite en faveur du tabac comme « toute diffusion d'écrit, d'image ou de photographie participant à la promotion du tabac ou des produits du tabac pour inciter à l'achat » et quel qu'en soit l'auteur.210 La jurisprudence précisera par la suite qu' « il est indifférent que certaines des inscriptions figurent à l'intérieur des paquets, la publicité illicite ne visant pas seulement l'incitation au premier achat, mais aussi l'incitation à consommer toujours plus une fois le paquet acheté et ouvert. »211

Deuxièmement, selon l'article 3511-4 du CSP, la publicité ou propagande indirecte en faveur du tabac est celle qui d'une part est faite en faveur d'un organisme, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre que le tabac et qui d'autre rappelle par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une marque, d'un emblème publicitaire ou un autre signe distinctif, le tabac ou un produit du tabac.

On a donc une définition très large de la publicité ou propagande en faveur du tabac, ce qui ouvre de larges possibilités d'interdictions. Toutefois, certaines exceptions permettent dans certains cas d'admettre ce type de publicité ou propagande.

Exceptions. L'article précité autorise ainsi la publicité ou propagande sur les enseignes des débits de tabac et les affichettes disposées à l'intérieur de ces établissements, non visibles de l'extérieur, à condition que ces enseignes ou ces affichettes soient conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel212. L'arrêté prévoit l'obligation d'inscrire sur les affichettes un message à caractère sanitaire (« Faites-vous aider pour arrêter de fumer, téléphonez au... »). De plus, il interdit sur les affichettes d'autres mentions que la dénomination du produit, sa composition, ses caractéristiques et conditions de vente (à l'exception du prix), le nom et l'adresse du fabricant (et, le cas échéant, du distributeur), ou d'autre représentation graphique ou photographique que celle du produit, de son emballage et

210 Crim. 21 févr. 1996, Bull. crim. no 86

211 Crim. 3 nov. 2010, pourvoi no 09-88.599

212 Arrêté du 31 décembre 1992 fixant les caractéristiques des affichettes relatives à la publicité en faveur du tabac dans les débits de tabac, version consolidée au 14 avril 2006

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de l'emblème de la marque. La restriction est très sévère malgré le fait que ces publicités ne soient autorisées que dans les débits de tabac, c'est à dire généralement qu'à la vue des fumeurs. Ainsi comme nous l'évoquions, la publicité illicite ne vise pas seulement l'incitation au premier achat.

De même, la publicité ou propagande est autorisée dans les publications et communications en ligne éditées par les organisations professionnelles de producteurs, fabricants et distributeurs des produits du tabac et à destination de leurs adhérents. C'est également le cas pour certaines publications professionnelles spécialisées (cf. art. précité)

Enfin, la publicité ou propagande à disposition du public est autorisée lorsqu'elle émane de personnes établies dans un pays n'appartenant pas à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen et à condition qu'elle soit en ligne et qu'elle ne soit pas principalement destinée au marché communautaire (cf. art. précité).

Ainsi, même dans les rares hypothèses d'autorisation de la publicité ou propagande, un strict contrôle sera opéré. Les restrictions sont a contrario moins lourdes concernant la publicité ou propagande en faveur des boissons alcoolisées.

2 - L'exhaustivité des situations autorisant la publicité ou propagande en faveur des boissons alcoolisées

Principe. Sans poser explicitement un principe d'interdiction de la propagande ou de la publicité directe ou indirecte en faveur des boissons alcooliques (dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites), l'art. L. 3323-2 du CSP énumère une liste exhaustive de huit situations dans lesquelles elle est autorisée. Au sein de ladite liste, nous évoquerons à titre d'illustration l'autorisation de la publicité dans la presse écrite (à l'exclusion des publications destinées à la jeunesse) par voie de radiodiffusion sonore (pour les catégories de radios et dans les tranches horaires déterminées par décret en Conseil d'État), sous forme d'affiches et d'enseignes à l'intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé et en faveur des musées, universités, confréries ou stages d'initiation oenologique à caractère traditionnel.

Au sujet de cette liste exhaustive, un arrêt récent du Conseil d'Etat a particulièrement attiré notre attention.213 Ainsi, les juges ont considéré qu'impliquerait une violation de l'art. L.

213 CE, 11 juill. 2012, SARL Media Place Partners: req. no 351253

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3323-2 du CSP, la diffusion d'un programme thématique intégralement consacré au vin et à la viticulture, visant à en présenter les mérites et les attraits, au motif que les services de télévision ne sont pas compris dans les autorisations prévues par l'article précité. A première vue, considérant les dispositions de l'article précité, cette décision nous semble logique juridiquement. En revanche, il est fort à parier qu'il s'agisse en l'espèce d'une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression protégée par la Conv. EDH. En effet et de plus, si la protection de la santé est un objectif d'une importance primordiale, il n'en demeure pas moins qu'il serait douteux de croire qu'une telle émission aurait un impact si négatif sur la santé des consommateurs qu'elle justifierait son interdiction ; a fortiori en France, où la culture du vin est importante et dont le prestige est reconnu dans le monde entier. Enfin, la mesure serait bien plus proportionnée au regard de l'objectif de protection de la santé publique, si elle se contentait d'imposer dans ce type de diffusion, l'inclusion de messages à caractère préventif. D'ailleurs, que recouvre la notion de publicité ou propagande ?

Définition. Premièrement, la jurisprudence a défini la publicité ou propagande illicite en faveur des boissons alcooliques comme « tout acte ayant pour effet, quelle qu'en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique sans satisfaire aux exigences de l'article L. 3323-4 du même code. »214 Il faudra alors s'interroger sur le contenu de cet article pour se rendre compte du degré de limitation contenu dans cette définition qui semble plus restrictive que celle donnée pour la publicité du tabac (promotion du tabac pour inciter à l'achat) dans la mesure où il suffit simplement que la publicité rappelle une boisson alcoolique.

Deuxièmement, selon l'art. L. 3323-3, la publicité ou propagande indirecte en faveur des boissons alcooliques est celle qui d'une part est en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique et qui, d'autre part, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique.

Ainsi, vu la liste exhaustive contenue dans le CSP, les situations dans lesquelles la publicité des boissons alcoolisées est autorisée sont plus nombreuses que celles autorisant la publicité du tabac. C'est semble-t-il pour cette raison que la définition de la publicité de l'alcool que nous venons d'évoquer est bien plus large que celle du tabac. En effet, face à un principe d'interdiction, ce qui est sensiblement le cas concernant la publicité des boissons alcoolisées,

214 Crim. 3 nov. 2004: Bull. crim. no 268

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plus la définition de la publicité est large, plus les contraintes qui y sont attachées sont élevées. En outre, que nous dit l'art. L. 3323-4 sur le contenu autorisé dans ces publicités ?

Contenu de la publicité. L'art. L. 3323-4 limite la publicité ou propagande en faveur des boissons alcooliques à l'indication du degré volumique d'alcool, l'origine, la dénomination, la composition du produit, le nom et l'adresse du fabricant, les agents et les dépositaires, ainsi que le mode d'élaboration, les modalités de vente et le mode de consommation du produit. De même, cette publicité doit être assortie d'un message à caractère sanitaire précisant que « l'abus d'alcool est dangereux pour la santé. » Cet article constitue une restriction sévère au contenu autorisé dans la publicité desdits produits et a fait l'objet d'une riche jurisprudence. Ainsi nous donnerons quelques illustrations relatives à la publicité du whisky. Tout d'abord, « une illustration publiée dans la presse écrite représentant le conditionnement d'une bouteille de whisky avec, à côté, deux livres aux reliures anciennes (sur lesquels est posée une paire de lunettes rondes cerclées d'une monture métallique, un ruban défait ainsi qu'une enveloppe ouverte), cet ensemble étant accompagné de la mention "le présent n'est rien sans l'héritage du passé", constitue une publicité illicite, dans la mesure où ces éléments ne se rapportent pas aux seules mentions autorisées par la loi. »215 De même, « constitue une publicité illicite une affiche publicitaire dont l'image et le slogan font expressément référence à la virilité de l'Écossais, en relation avec l'alcool, éléments qui ne se rattachent pas à l'une des informations limitativement énumérées par l'art. L. 3323-4 CSP. »216 Les marges de manoeuvre des publicitaires sont ainsi très limitées. Mais le degré de limitation atteint son paroxysme en matière de protection des mineurs.

Protection des mineurs. L'art. L. 3323-5 interdit de « remettre, distribuer ou envoyer à des mineurs des prospectus, buvards, protège-cahiers ou objets quelconques nommant une boisson alcoolique, ou en vantant les mérites ou portant la marque ou le nom du fabricant d'une telle boisson. » La jurisprudence précisera que « la seule remise à un mineur d'un objet quelconque nommant une boisson alcoolique caractérise le délit de l'art. L. 20 [CSP, art. L. 3323-5], sans qu'il soit nécessaire que ledit objet ait été, en outre, donné au mineur à titre définitif »217 Une

215 Civ. 2e, 28 juin 1995, D. 1995. IR 182

216 Crim. 29 nov. 2005, Bull. crim. no 312; AJ pénal 2006. 123, obs. Saas

217 Crim. 28 nov. 1973, D. 1974. 170

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fois de plus, la protection des mineurs constitue l'un des domaines contenant les plus hautes restrictions dans la politique de protection de la santé.

Ainsi, comme nous venons de le voir, la lutte contre les dépendances est source de multiples limites à la liberté d'entreprendre, qui peuvent atteindre des degrés de restriction très élevés. En outre, la lutte contre les dépendances ne concerne pas uniquement les produits du tabac et de l'alcool, qui en sont les figures emblématiques. Ainsi par exemple, la lutte contre les dépendances a pu justifier des limitations à la liberté d'entreprendre dans le secteur des jeux-vidéos, notamment pour prévenir les risques de crises épileptiques.

Plus généralement nous avons donc vu que la protection de la santé pouvait justifier des interdictions de commercialisation de biens ou des strictes conditions de commercialisation de ces derniers allant du monopole à un encadrement comportant des contraintes de divers degrés. Ces mesures constituent de nombreuses limitations à la liberté d'entreprendre mais sont toujours justifiées par la protection de la santé. Pour autant, les quatre catégories de biens que nous avons pris en exemple (choses dangereuses, éléments et produits du corps humain, tabac et alcool) n'avaient pas la même valeur économique marchande ou potentielle. Nous n'avons pas pu constater à ce titre de corrélation entre le degré d'interdiction de commercialisation de ces biens et leur valeur marchande hypothétique. C'est une bonne nouvelle car cela montre que la protection de la santé est dans sa globalité désintéressée de toute logique économique. On peut nuancer ce propos en rappelant que le coût de la sécurité sociale pèse considérablement dans les finances publiques et qu'ainsi par exemple, outre le principe budgétaire de non affectation des ressources publiques, les hautes taxations sur le tabac sont bienvenues concernant le coût engendré par la multiplication des maladies liées à la consommation du tabac.

Enfin, si les principales limites que nous avons analysées résultaient de mesures législatives, il ne faut pas pour autant oublier le pouvoir conféré aux autorités administratives de prendre des actes administratifs fondés sur la protection de l'ordre public. On peut d'ailleurs se référer à l'analyse de M. GUIBAL selon qui « les conditions de la légalité de ces décisions ne se jugent pas par rapport à la liberté qui est en cause ou bien par rapport à un but d'intérêt économique,

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mais par rapport aux justifications qui doivent fonder n'importe quelle mesure de police. »218 En effet, « elles ne sont pas prises par des autorités d'interventionnisme économique, mais par des autorités de police ». C'est ainsi qu'un maire a pu légalement prendre un arrêté temporaire de fermeture d'un commerce de boissons alcoolisées à certaines heures de la nuit pour des motifs de sécurité et de tranquillité publique.219 Une solution similaire, dans un contexte différent, pourrait être retenue pour des motifs de salubrité publique, qui sont liés à la protection de la santé.

Par ailleurs, l'étude, sous le prisme de la liberté d'entreprendre et de la protection de la santé, de la commercialisation des biens ne peut se faire que dans un contexte national. En effet, sous l'impulsion du droit de l'Union européenne, les biens sont amenés à circuler d'un Etat membre à l'autre, et si le principe est la libre circulation, il peut être nuancé pour des motifs de protection de la santé. De ce constat apparaitrons de nouvelles limitations à la liberté d'entreprendre.

218 GUIBAL M., op. cit., note 5

219 CE, 21 janv. 1994, Cne de Dannemarie-les-Lys, req. no 120.043, D. 1994, somm. 112, obs. D. Maillard Desgrées du Loû

SECOND CHAPITRE
LA LIMITATION DU COMMERCE DE BIENS DANS LE CONTEXTE DE LA
LIBRE CIRCULATION DES MARCHANDISES :
L'EXEMPLE DES PRODUITS DESTINÉS À LA SANTÉ DES PERSONNES

144

145

Le marché intérieur, mis en oeuvre par la libre circulation des marchandises, est, au même titre qu'un acquis social pour un salarié, un acquis économique pour une entreprise ou un professionnel. La libre circulation est devenue la référence, le principe fondamental en matière de commerce de biens au sein du marché intérieur. De ce constat, sans pour autant confondre liberté d'entreprendre et libre circulation des marchandises, toute atteinte à la libre circulation est susceptible de constituer une limite au libre exercice d'une activité économique, composante de la liberté d'entreprendre. Ainsi, lorsqu'un Etat prend une mesure protectrice de la santé ayant pour effet de restreindre la libre circulation des marchandises, il limite le champ spatial d'application de la liberté d'entreprendre des acteurs économiques.

Par ailleurs, si l'harmonisation communautaire de certains secteurs économiques impose entre autres des contraintes normatives aux entreprises dans l'exercice de leurs activités économiques, elle permet, in fine, de faciliter la libre circulation des marchandises. En effet, les normes contraignantes deviennent les mêmes d'un Etat membre à l'autre, et même si l'adaptation des entreprises à ces normes peut rendre plus difficile dans un premier temps l'exercice de leurs activités économiques, elles facilitent dans un second temps l'extension du champ spatial de leurs activités dans toute l'Union européenne. Ainsi, les entreprises n'auront plus à se soucier d'adapter leurs normes en fonction de l'Etat dans lequel elles exportent.

Nous verrons donc en premier lieu que la libre circulation des marchandises a pu être restreinte par des exigences de protection de la santé qui vont ainsi limiter la liberté d'entreprendre des acteurs économiques (section 1). En second lieu, nous verrons que les règlementations issues de procédés d'harmonisations communautaires encadrant le commerce de biens de santé destinés à l'homme imposent des contraintes aux acteurs économiques ayant pour effet de limiter leur liberté d'entreprendre (section 2).

Nota bene. Nous ne traiterons pas, avec regrets, des importations parallèles de médicaments et des règles spécifiques applicables aux autorisations de mise sur le marché de médicaments génériques, la démonstration en deviendrait trop longue.

Section 1. La protection de la santé comme motif effectif de dérogation à la libre circulation des marchandises

Comme nous le disions précédemment, l'Union européenne interdit les mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation de marchandises.220 Cette notion de mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives a été définie par la jurisprudence de la Cour de Justice, il s'agit de « toute réglementation commerciale des Etats membres susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intracommunautaire. »221 La Cour précisera que cette entrave peut résulter d'une action ou d'une inaction d'un Etat.222

Cette règle a toutefois été assouplie par la jurisprudence Cassis de Dijon de la Cour de Justice223 ainsi que par l'article 36 TFUE et l'application du principe de précaution. Ainsi, les Etats membres, sous certaines conditions, ont la possibilité d'édicter des mesures dérogeant au principe de libre circulation des marchandises. De plus, ces mesures peuvent porter sur un objectif de protection de la santé. Nous verrons ainsi quels sont les fondements jurisprudentiels et textuels de ces dérogations (I) et nous en donnerons quelque illustrations en nous référant à la jurisprudence de la Cour de Justice (II).

I - Les fondements des dérogations générales à l'interdiction de mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives

D'une part, nous évoquerons les exigences impératives d'intérêt général (A) et d'autre part, nous évoquerons les dérogations issues de l'article 36 TFUE et le principe de précaution(B).

A - Les exigences impératives d'intérêt général issues de la jurisprudence de la Cour de Justice

Dans sa jurisprudence Cassis de Dijon, la Cour de Justice énonce qu'en l'absence de réglementation commune sur la commercialisation et la production d'un bien, chaque Etat membre est compétent pour réglementer ces éléments sur son territoire. La Cour précise que le champ d'application d'une telle réglementation ne peut être étendu des produits nationaux

220 Cf. supra : Prolégomènes, section 1, IV, B.

221 CJCE, 11 juillet, 1974, Dassonville

222 CJCE, 9 décembre 1997, Commission c/ France [« Guerre des fraises »]

223 CJCE, 20 février 1979, Rewe c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein [Cassis de Dijon]

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aux produits importés d'autres Etats membres qu'en considération d'une exigence impérative d'intérêt général tenant notamment à l'efficacité des contrôles fiscaux, la protection de la santé publique, la loyauté des transactions commerciales et la défense des consommateurs. A défaut d'une exigence impérative, tout produit ou toute marchandise légalement produit et commercialisé dans un Etat membre doit pouvoir être introduit dans tout autre Etat membre ; c'est le principe de reconnaissance mutuelle. Derrière ce principe, l'idée sous-jacente est la confiance mutuelle entre Etats membres : à partir du moment où un produit est légalement commercialisé dans un Etat membre (il a donc passé les contrôles), il ne peut pas faire l'objet d'un autre contrôle dans un autre Etat membre. Avec ce principe, on présume que toutes les normes et contrôles ayant lieu dans l'Union européenne sont équivalents. C'est une révolution car il ne serait plus nécessaire d'établir de règlementations communes dans ce contexte.

Ainsi, au nom de la protection de la santé, les Etats membres peuvent individuellement restreindre la libre circulation des marchandises en imposant leurs règlementations nationales aux entreprises des Etats tiers, relativisant ainsi leur liberté d'entreprendre. A titre d'illustration, prenons comme exemple une entreprise qui commercialise des produits dans un Etat en respectant la réglementation nationale. Si cette entreprise, au nom de sa liberté d'entreprendre et de la libre circulation des marchandises, souhaite exporter ses produits vers un autre Etat membre mais que ce dernier pratique une réglementation plus contraignante, elle devra s'y soumettre. Le respect d'une réglementation différente de celle de son Etat d'origine peut avoir des conséquences économiques si lourdes pour l'entreprise qu'elle pourrait renoncer à exporter ses produits ; ce qui, dans le cadre du marché intérieur et donc de la libre circulation des marchandises, limite l'exercice de son activité économique. Il faut bien garder à l'esprit que dans le cadre du marché intérieur, la libre circulation est aujourd'hui le principe et l'invocation d`exigences impératives l'exception.

Quelles sont les conditions pour que les Etats puissent invoquer les exigences impératives ? Tout d'abord, l'Etat doit apporter la preuve que sa réglementation poursuit un objectif légitime (comme par exemple la protection de la santé) et qu'il y a un défaut d'harmonisation communautaire complète.

Ensuite, il faut que la mesure soit indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés (interdiction des discriminations).

Enfin, il faut que la mesure respecte le principe de proportionnalité, qui se caractérise par trois éléments. Premièrement, la nécessité : il faut qu'il y ait une relation étroite de cause à effet

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entre la réglementation protectrice et l'intérêt général que l'Etat veut protéger. Deuxièmement, la proportionnalité au sens strict : les atteintes à la libre circulation ne doivent pas être excessives. Troisièmement, la substitution ou entrave minimale : une mesure nationale doit toujours être la moins nocive possible pour atteindre la protection recherchée.

En complément des exigences impératives, le Traité apporte un deuxième fondement aux dérogations à l'interdiction des mesures d'effet équivalant.

B - L'article 36 du TFUE et le principe de précaution

Article 36 TFUE. Parmi les raisons invocables pour justifier des dérogations à la liberté de circulation, on trouve dans l'article 36 TFUE la « protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux ».

Ainsi, selon le même raisonnement que nous avons évoqué concernant les exigences impératives, l'article 36 permet de porter atteinte au libre exercice d'une activité économique.

Pour mettre en oeuvre ces dérogations, les Etats devront respecter les exigences posées par l'article 36 TFUE et la jurisprudence de la Cour.

Premièrement, l'article 36 TFUE impose que la mesure ne constitue pas une « discrimination arbitraire », c'est-à-dire qu'elle ne doit pas s'appliquer qu'aux produits importés ou exportés. De même, la mesure ne doit pas constituer une « restriction déguisée dans le commerce entre les Etats membres ». Par exemple, constitue une restriction déguisée le contrôle systématique qui avait été opéré par le Royaume-Unis sur les dindes de noël importées depuis la France alors que le but réel était de ralentir l'importation de ces dindes au moment des fêtes.224

Deuxièmement, la jurisprudence impose que la mesure intervienne en l'absence d'harmonisation communautaire complète et respecte le principe de proportionnalité.225

Ainsi, l'article 36 ouvre une voie complémentaire permettant la mise en place par les Etats de restriction à la libre circulation des marchandises fondées sur la protection de la santé. La

224 CJCE, 15 juillet 1982, Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Affaire 40/82

225 CJCE, 20 février 1979, Rewe c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein [Cassis de Dijon]

148

jurisprudence de la Cour de Justice a de même accepté des dérogations à la libre circulation des marchandises en appliquant le principe de précaution à l'objectif de protection de la santé.

Principe de précaution. En 1998, la Cour de Justice a fait application pour la première fois du principe de précaution en matière de protection de la santé en affirmant « que lorsque des incertitudes scientifiques subsistent quant à l'existence d'un risque pour la santé humaine, les institutions communautaires peuvent prendre les mesures de protection nécessaires sans attendre que la réalité et la gravité de ces allégations soient pleinement démontrées »226 Par la suite, la Cour a reconnu aux Etats membres la faculté d'appliquer le principe de précaution en matière de protection de la santé.227

Ce principe va permettre aux institutions européennes et aux Etats membres de prendre des mesures restreignant les échanges en cas d'incertitude scientifique quant à l'existence d'un danger qu'il s'agit de prévenir, et pouvant entrainer des limites à la liberté d'entreprendre.

Ainsi par exemple, dans la jurisprudence précitée de 1998 dite « National Farmers' Union », la Cour de Justice a rendu un arrêt à propos de la décision d'embargo de la Commission sur les exportations de viande bovine en provenance du Royaume-Uni et en direction des autres Etats membres. La Commission avait légalement justifié sa décision par un motif de protection de la santé publique appuyé par l'application du principe de précaution.

Toutefois, le principe de précaution pourrait être invoqué de manière abusive par les Etats, ainsi « c'est au juge communautaire qu'il appartient de trouver un équilibre entre le respect des préoccupations légitimes des États membres en matière de santé publique et la sanction d'abus éventuels que l'évocation du principe de précaution pourrait engendrer. »228

Nous allons voir ici quelques illustrations de mise en oeuvre de ces dérogations dans la jurisprudence de la Cour. Donnons dès à présent des exemples de dérogations issues de la jurisprudence de la Cour.

226 CJCE, 5 mai 1998, Royaume Unis c/ Commission, aff. C-157/96, « National Farmers' Union »

227 CJCE, 8 janv. 2002, Van den Bor, aff. C-428/99, Rec. I. 127, point 40

228 DE GROVE-VALDEYRON N., « Santé publique », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, Août 2008 (MAJ janvier 2013)

149

II - Mises en oeuvre jurisprudentielles des dérogations fondées sur la protection de la santé : une effectivité remarquable de ce motif dans un contexte libéral

Rappelons-le, les Etats membres peuvent avoir recours à la protection de la santé lorsque leur législation est susceptible de constituer une mesure d'effet équivalent.

Cette raison est souvent invoquée dans le cas d'interdictions de mise sur le marché et d'utilisation de produits contenant certaines substances (comme des additifs) même si elles sont autorisées dans d'autres Etats membres. Par exemple, la Cour a admis que la législation néerlandaise qui interdisait un antibiotique dans la fabrication de certains fromages, alors même que ce traitement été autorisé dans d'autres Etats membres était justifiée par des motifs de protection de la santé conformément à l'article 36 du Traité.229

Par ailleurs, la Cour s'est prononcée sur une loi finlandaise qui exigeait une autorisation préalable pour pouvoir importer de l'esprit de vin (boisson avec un taux d'alcool supérieur à 80°). La question était de savoir si l'autorisation préalable était ou non conforme au Traité. Selon le gouvernement finlandais, cette loi répondait à des objectifs de santé et d'ordre public visés par l'article 36. Plus précisément, elle avait pour objectif d'orienter la consommation d'alcool de façon à éviter des effets préjudiciables à la santé des personnes et à la société. La cour décidera qu'il appartient à la juridiction nationale d'apprécier si l'obligation de cette autorisation préalable est bien de nature à combattre les abus liés à la consommation de ce produit ou si des mesures moins restrictives pourraient avoir un effet similaire. La mesure est-elle proportionnée à l'objectif poursuivi ?230 En somme la mesure entre dans le cadre des dérogations admises mais il faudra vérifier le critère de proportionnalité.

229 CJCE, 5 février 1981, Koninklijle Kassfabriek Eyssen, 53/80, Rec. 1981, p. 409 : « Pour ces raisons , il y a lieu de répondre à la question posée que les dispositions du Traité CEE relatives à la libre circulation des marchandises ne font pas obstacle , au stade actuel de la réglementation communautaire concernant les agents conservateurs dans les denrées destinées à l ' alimentation humaine , a des mesures nationales d 'un Etat membre qui , pour des raisons de protection de la sante , conformément à l'article 36 du Traite, interdisent l'addition de Nisine au fromage fondu produit ou importé, même si elles limitent une telle interdiction aux seuls produits destinés à être vendus sur le marché intérieur dudit Etat. »

230 CJCE, 28 septembre 2006, Procédure pénale contre Jan-Erik Anders Ahokainen et Mati Leppik, (question préjudicielle), Affaire C-434/04 : « Les articles 28 CE et 30 CE ne s'opposent pas à un régime, tel que celui prévu par la loi n° 1143/1994 sur l'alcool [alkoholilaki (1143/1994)], subordonnant l'importation d'alcool éthylique non dénaturé ayant un degré alcoolique supérieur à 80 degrés à une autorisation préalable, sauf s'il apparaît que, dans les circonstances de droit et de fait qui caractérisent la situation dans l'État membre concerné,

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Plus généralement, M. SIMON nous donne d'autres exemples de limitations, ainsi « la Cour de justice a admis par exemple que les exigences de protection de la santé publique étaient de nature à justifier l'interdiction de certains produits (...), des restrictions dans la mise sur le marché et la distribution des médicaments ou concernant la publicité pour les produits pharmaceutiques (...), des réglementations relatives à la fabrication et à la conservation des produits laitiers (...), ou encore des restrictions à l'importation de volailles en cas d'épizooties (...). »231

Finalement, en résumé, les Etats membres peuvent déroger à l'interdiction des mesures d'effet équivalent à des restrictions quantitatives (en se fondant sur la jurisprudence Cassis de Dijon, l'article 36 TFUE et le principe de précaution) qu'en l'absence d'harmonisation complète. En cas d'harmonisation, les mesures nationales doivent être analysées au regard des dispositions de cette mesure d'harmonisation.232 Mais, « les États se voient cependant reconnaître la possibilité d'adopter ou de maintenir des mesures plus strictes que celles adoptées au niveau communautaire. (...) Il appartient aux autorités nationales de démontrer le risque sanitaire et d'établir que les dispositions nationales assurent un niveau de protection de la santé publique plus élevé que la mesure d'harmonisation et qu'elles ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (C. NOIVILLE et N. DE SADELEER, La gestion des risques économiques et sanitaires à l'épreuve des chiffres. Le droit entre enjeux scientifiques et politiques, RD Union européenne 2001/2, p. 389 à 450). »233

Au-delà de cette possibilité offerte aux Etats membres, nous allons dès à présent évoquer deux exemples significatifs d'harmonisations communautaires.

la protection de la santé et de l'ordre publics contre les méfaits de l'alcool peut être assurée par des mesures affectant de manière moindre le commerce intracommunautaire. »

231 SIMON D., « Restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, août 2004 (mise à jour : janvier 2013)

232 CJCE, 13 déc. 2001, DaimlerChrysler, aff. C-324/99, Rec. I. 9897, point 32 ; CJCE, 12 nov. 1998, Commission c/ Allemagne, aff. C-102/96, Rec. I. 6871, point 21

233 DE GROVE-VALDEYRON N., op. cit. note 15

Section 2. Les limites à la liberté d'entreprendre issues de règlementations harmonisées encadrant le commerce des produits de santé destinés à l'homme

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Deux grands domaines ont été harmonisés, nous avons fait le choix de traiter ici des médicaments à usage humain (I) et des cosmétiques (II) du fait de leur nature qui peut être dangereuse et de leur destination à l'homme et à sa santé.

I - Les médicaments à usage humain : un contrôle fondé sur leur nature et leur destination

Construit à partir de la directive 65/65 du Conseil du 26 janvier 1965 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux spécialités pharmaceutiques, le marché européen des médicaments fait aujourd'hui principalement l'objet d'un Code communautaire234 relatif aux médicaments à usage humain. Compte tenu de l'importance des questions santé publique et notamment de sécurité sanitaire attachées aux médicaments, le droit de l'UE a cherché à harmoniser ce secteur en trouvant un compromis entre libre circulation des marchandises et protection de la santé.

Définition du médicament à usage humain en droit de l'UE. Cette définition est importante car elle conditionne l'application des procédures d'autorisation de mise sur le marché. En effet, le régime des médicaments étant plus protecteur que celui des « produits frontières »235, la qualification de « médicament » par un Etat peut être considérée comme disproportionnée et constituer une mesure d'effet équivalent « alors que les produits litigieux sont librement fabriqués et commercialisés dans d'autres États. »236

L'article premier de la directive 2001/83/CE donne une définition alternative du médicament. Premièrement, est un médicament « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines. » On parlera ici de « médicament par présentation ». Par ailleurs, « La qualification de médicament doit résulter d'un faisceau d'indices concordants précisés par la jurisprudence postérieure (...) tels la forme pharmaceutique, le conditionnement, la réalisation de recherches scientifiques, l'utilisation de témoignages de médecins... ».237

234 Ce code est institué par la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 elle-même complété ou modifiée par des directives et règlements ultérieurs.

235 Ces produits « présentent la particularité d'être à la limite entre les médicaments et d'autres secteurs », DE GROVE-VALDEYRON, « Médicament », Répertoire de droit communautaire, Dalloz 2007 (MAJ janvier 2013)

236 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22

237 Ibidem.

152

Deuxièmement, est un médicament « toute substance ou composition pouvant être administrée à l'homme en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques chez l'homme est également considérée comme médicament. »238 On parlera de « médicament par fonction ». Ici, la qualification relève « du juge national, qui doit statuer au cas par cas en fonction de l'ensemble des caractéristiques du produit ». Concernant le médicament, on trouve « sa composition, ses propriétés pharmacologiques, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation »239.

La mise sur le marché d`un médicament n'est pas libre car elle nécessite une autorisation préalable et la mise en place de processus de pharmacovigilance (A) après quoi l'exploitation du médicament sera possible mais dans le respect de contraintes légales (B).

A - La nécessité d'une autorisation de mise sur le marché et la pharmacovigilance : des contraintes de commercialisation élevées

L'autorisation de mise sur marché, ci-après AMM, est un contrôle a priori (1) qui sera renforcé a postériori par des mesures de surveillance et pharmacovigilance (2).

1 - L'autorisation de mise sur le marché : une contrainte ante-commercialisation

La question des AMM étant complexe, nous ferons donc le choix, par soucis de clarté, de présenter ces questions, en partie, sous forme schématique.

On distingue trois grandes phases de développement et commercialisation d'un médicament :

V' Le développement préclinique : expérimentations essentiellement menées sur l'animal permettant d'acquérir les premières connaissances sur les effets d'un médicament. Ce stade est indispensable avant tout essai sur l'homme.

V' Les essais cliniques : essais d'un médicament sur des patients.

V' L'Autorisation de mise sur le marché (AMM) : nationale ou communautaire. Elle comporte

trois critères d'octroi fondés sur la balance bénéfice/risque :

> Qualité du médicament : procédé de fabrication, nature des matières premières, etc.

> Efficacité du médicament : fondée sur les résultats des essais cliniques.

> Sécurité du médicament : fondée sur les deux premières étapes (effets indésirables, etc.)

238 Ibid.

239 CJCE, 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, aff. C-211/03, Rec. I. 5141

153

Sauf exceptions (par exemple : médicaments préparés en officine ou utilisés à des fins compassionnelles ou en cours d'essais cliniques), la mise sur le marché d'un médicament dans un État membre est toujours soumise à la délivrance d'une AMM.

On distingue quatre procédures d'AMM délivrant deux types d'autorisations :

V' La procédure centralisée ou communautaire : elle délivre une AMM communautaire valable dans tous les États membres et délivrée par l'Agence européenne des médicaments.

V' La procédure de reconnaissance mutuelle : elle étend le champ d'application d'une AMM nationale déjà obtenue à tous les États membres de l'UE.

V' La procédure décentralisée : elle délivre une AMM valable dans tous les États membres.

V' La procédure nationale : elle ne s'applique qu'aux demandes de mise sur le marché limitées au territoire d'un État. L'AMM est délivré par l'Agence nationale de sécurité du médicament.

Afin d'aller à l'essentiel, nous ne traiterons pas de tous les détails de ces procédures (ça serait un sujet en soi) mais nous en ferons une présentation générale.

Procédure communautaire. Quel est le champ d'application prévu par le texte240 ?

V' La procédure est obligatoire pour :

> Les médicaments issus de certains procédés biotechnologiques

> Les médicaments désignés comme « orphelins »

> Certains médicaments à usage vétérinaire

> Les médicaments à usage humain contenant une nouvelle substance active dans les

domaines du cancer, du SIDA, du diabète ou des maladies neurodégénératives, virales ou

auto-immunes et autres dysfonctionnements immunitaires.

V' La procédure est facultative pour :

> Les médicaments contenant une nouvelle substance active241

> Les médicaments représentant une avancée thérapeutique, scientifique ou technique

majeure ou bien un intérêt communautaire pour les patients

> Les médicaments génériques242 d'un médicament de référence autorisé par l'UE

240 Annexe du Règlement 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, 31 mars 2004, JOUE, no L 136, 30 avr.

241 Mais ne figurant pas à l'annexe du règlement 726/2004 précité.

242 Art. 10-2, b de la directive 2004/27 : un médicament générique est « un médicament qui a la même composition qualitative et quantitative en substances actives et la même forme pharmaceutique que le

154

La durée de la procédure ne peut dépasser deux cent dix jours à compter de la réception de la demande. L'AMM est valable cinq ans renouvelables. Une fois renouvelée, elle devient valable pour une durée illimitée, ce qui n'exclue pas de contrôles a posteriori.

L'AMM sera refusée lorsqu'il apparaît que le rapport bénéfice/risque n'est pas favorable (critère de sécurité), que l'effet thérapeutique du médicament est insuffisamment démontré, qu'il n'a pas la composition qualitative et quantitative déclarée (critère de qualité), ou que les renseignements et documents accompagnant la demande ne sont pas conformes aux dispositions de la présente directive.

Procédure de reconnaissance mutuelle et procédure décentralisée. Elles s'appliquent lorsque pour un même médicament, une demande d'AMM est déposée dans plusieurs États membres. La procédure de reconnaissance mutuelle s'appliquera si au moment de la demande, le médicament a déjà reçu une AMM dans un État membre. Dans le cas contraire, à savoir que le demandeur ne dispose pas encore d'AMM, la procédure décentralisée s'appliquera.

Procédure nationale. Comme le précise Mme DE GROVE-VALDEYRON, « Les conditions d'octroi, de refus, de modification, de suspension et de retrait ainsi que les conditions de durée et de renouvellement sont globalement identiques qu'il s'agisse d'AMM nationales ou communautaires »243. Nous ne traiterons donc pas de la procédure nationale.

En conclusion, si l'obligation d'obtenir une AMM constitue une limite à la liberté d'entreprendre en ce qu'elle soumet leurs demandeurs à des normes contraignantes, il n'en demeure pas moins qu'elle facilite au final la libre circulation des médicaments. En effet, les procédures que nous avons évoquées (en dehors de la procédure nationale) permettent l'obtention d'AMM qui s'étendent à l'ensemble de l'Union européenne, ce qui évite aux demandeurs d'utiliser chacune des procédures nationales.

Toutefois, même après la délivrance de l'AMM, la liberté d'entreprendre n'est pas totale.

médicament de référence et dont la bioéquivalence avec le médicament de référence a été démontrée par des études appropriées de biodisponibilité »

243 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22

155

2 - La surveillance et la pharmacovigilance : des contraintes durant la commercialisation

L'objectif ici est de détecter les effets indésirables du médicament après son AMM. L'intérêt de ces mesures réside dans le fait que « le profil de sécurité des médicaments ne peut être connu dans son intégralité qu'après la commercialisation des produits »244. Le règlement 726/2004 précité distingue la surveillance et la pharmacologie bien qu'en réalité, « les dispositions sont assez proches, à quelques nuances près, selon qu'il s'agit de la procédure décentralisée ou communautaire. »245 Les règles applicables en matière de surveillance et de pharmacovigilance que nous allons aborder sont contenues dans le règlement précité246 et contiennent des obligations à la charge des États membres, de leurs autorités compétentes et des titulaires des AMM, limitant ainsi la liberté d'entreprendre de ces derniers.

Autorités chargées de la surveillance. Si le médicament est fabriqué dans l'UE, il s'agira des autorités compétentes des États membres qui ont délivré l'autorisation ; s'il est importé d'un État tiers, il s'agira des autorités qui ont délivré l'autorisation d'importation. Elles sont chargées d'informer le comité des médicaments247 et la Commission de tous cas où le fabricant ou l'importateur ne remplit pas les obligations qui lui incombent. L'autorité compétente pourra dans le cadre de sa mission effectuer des inspections pour s'assurer que le titulaire de l'AMM satisfait ou non aux exigences de sécurité imposées par les textes.

Obligations du titulaire de l'AMM dans le cadre de la surveillance. Premièrement, il est tenu d'introduire toutes les modifications nécessaires pour que le médicament soit fabriqué et contrôlé selon des méthodes scientifiques généralement acceptées en tenant compte des méthodes de fabrication et des progrès techniques et scientifiques.

Deuxièmement, il a l'obligation de fournir à l'Agence, à la Commission et aux États membres toute nouvelle information susceptible d'entraîner une modification des renseignements et des documents fournis. De même, il est tenu d'informer ces derniers de toute interdiction ou restriction imposée dans les pays où le médicament est mis sur le marché ainsi que toute autre information qui pourrait influencer l'évaluation bénéfice/risque du médicament.

244 Considérant n°2, Directive 2010/84/UE du Parlement Européen et du Conseil du 15 décembre 2010

245 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22

246 Chapitre 2, articles 16 et s. et Chapitre 3, articles 21 et s., Règlement CE 726/2004

247 Article 5, Règlement 726/2004 : Le comité des médicaments à usage humain relève de l'Agence européenne des médicaments. Il est chargé de préparer les avis de celle-ci sur toute question relative à l'évaluation des médicaments à usage humain.

156

Pharmacovigilance. Les obligations de pharmacovigilance sont imposées, sous peine de sanction en cas d'irrespect, aux États membres et aux titulaires des AMM.

En premier lieu, les États membres mènent des politiques incitatives vis-à-vis des patients, médecins et autres professionnels de santé afin de les encourager à notifier tout effet indésirable d'un médicament mis sur le marché. Aussi, ils mettent en place un système de pharmacovigilance dont l'objet est de recueillir et d'évaluer toute information relatives à la surveillance des médicaments et notamment concernant leurs effets indésirables. Ces informations seront transmises aux autres États membres et à l'Agence européenne.

En second lieu, l'article 23 du règlement précité impose, de façon permanente et continue, au titulaire de l'AMM d'avoir à sa disposition une personne possédant les qualifications appropriées responsable en matière de pharmacovigilance. Il s'agit là d'une injonction limitant la liberté d'organisation des entreprises titulaires de l'AMM. Cette personne devra fournir des rapports aux autorités compétentes des États membres et à l'Agence européenne et devra répondre à leurs demandes d'information concernant l'évaluation du rapport bénéfice/risque du médicament. Aussi, cette personne devra établir et gérer un système garantissant que les informations sur tous les effets indésirables présumés signalés au personnel de l'entreprise et aux représentants médicaux sont rassemblées, évaluées et traitées de façon à être accessibles en un endroit unique dans la Communauté.

Retrait, suspension, modification de l'AMM. Comme le résume Mme DE GROVE-VALDEYRON, « Si un État estime, à la suite de l'évaluation des données de pharmacovigilance, qu'il faut suspendre, retirer ou modifier l'AMM, il en informe immédiatement l'Agence, les autres États et le titulaire de l'autorisation. »248

Suspension en cas d'urgence. L'article 20, al. 4 du règlement précité précise que lorsqu'une action d'urgence est indispensable pour protéger la santé humaine ou l'environnement, un État membre peut, de sa propre initiative ou à la demande de la Commission, suspendre l'utilisation sur son territoire d'un médicament autorisé. S'il agit de sa propre initiative, l'État devra informer la Commission et l'Agence des raisons de son action, au plus tard le jour ouvrable qui suit la suspension.

Outre ces dispositifs de surveillance, l'exploitation du médicament est strictement encadrée.

248 DE GROVE-VALDEYRON, op. cit. note 22

157

B - L'exploitation économique du médicament après obtention de l'autorisation de mise sur le marché : un encadrement exigeant

Classiquement, le schéma de commercialisation d`un médicament est le suivant : le fabricant vend son produit à un grossiste répartiteur qui approvisionne les pharmacies d'officine. Les pharmacies à usage intérieur (hôpitaux, cliniques, maisons de santé, etc.) sont quant à elles directement approvisionnées par les laboratoires pharmaceutiques.249

Tout d'abord, nous verrons comment, au nom de la protection de la santé, les conditions de commercialisation des médicaments sont encadrées (1). Ensuite, nous verrons que les brevets conférant un monopole d'exploitation du médicament peuvent, dans certains cas, être remis en cause au nom de la protection de la santé (2).

1 - Les conditions de commercialisation des médicaments à usage humain

Autorisation de fabrication et d'importation. Les articles 40 et s. contenus dans le Titre IV de la Directive 2001/83/CE prévoient que la fabrication d'un médicament soit soumise à la délivrance par les États membres d'une autorisation préalable, même s'il est fabriqué en vue d'une exportation. Cette autorisation est également requise pour les importations de médicaments en provenance de pays tiers dans un État membre.

Etiquetage et notice. Les articles 54 et s. contenus dans le Titre V de la Directive 2001/83 précitée imposent la mention de spécifications précises sur l'emballage extérieur du médicament ou, à défaut, sur son conditionnement primaire. On trouve par exemple la composition qualitative et quantitative en substances actives, le mode d'administration, la date de péremption, les précautions particulières de conservation, d'élimination des médicaments non utilisés et des déchets. Concernant la notice, elle doit comporter un certain nombre d'informations comme les indications thérapeutiques, les instructions habituelles et nécessaires pour une bonne utilisation, une description des effets indésirables observés lors de l'utilisation normale du médicament ou encore les informations nécessaires avant la prise du médicament.

Ces contraintes, de bon sens, obligent les acteurs économiques à se conformer à des normes restreignant leur liberté de définir les modalités de vente des biens qu'ils commercialisent.

249 « Comment s'organise la distribution des médicaments ? », www.leem.org

158

Classification des médicaments. Les articles 70 et s. contenus dans le Titre VI de la directive précitée imposent aux autorités compétentes des Etats membres, lorsqu'elles délivrent une AMM, de préciser si le médicament est soumis ou non à une prescription médicale. De même, la directive prévoit les cas où un médicament doit être soumis à prescription médicale. C'est le cas par exemple lorsqu'ils sont susceptibles de présenter un danger s'ils sont utilisés sans surveillance médicale.

On voit bien que ces obligations limitent la commercialisation de certains médicaments à la délivrance d'une prescription médicale. Aussi, on peut noter que ces mesures remettent en cause l'autonomie du patient qui, pour sa sécurité, ne peut se procurer librement tous les médicaments qu'il souhaite. On peut aussi analyser ces contraintes sous l'angle de la lutte contre les dépendances qui peuvent résulter de la prise de certains médicaments comme par exemple le Lexomil fabriqué par le Laboratoire Roche250.

Distribution en gros. Les articles 76 et s. contenus dans le Titre VII de la directive précitée imposent aux Etats membres de soumettre la distribution en gros des médicaments à la possession d'une autorisation d'exercer l'activité de grossiste de médicaments, sauf dans les cas où le producteur possède déjà une autorisation de fabrication pour les médicaments concernés. En revanche, la possession d'une autorisation d'exercer l'activité de grossiste de médicaments ne dispense pas de l'obligation de posséder une autorisation de fabrication. La directive prévoit des exigences que doit satisfaire le titulaire de l'autorisation de distribution en gros. Il s'agira notamment de rendre les locaux accessibles aux agents chargés de leur inspection, de vérifier que les médicaments reçus n'ont pas été falsifiés ou encore de posséder un plan d'urgence qui permet le retrait d'un médicament.

Publicité. Les articles 86 et s. contenus dans le Titre VIII du règlement précité encadrent les règles de publicité des médicaments. La publicité est définie par le règlement comme « toute forme de démarchage d'information, de prospection ou d'incitation qui vise à promouvoir la prescription, la délivrance, la vente ou la consommation de médicaments; ». A titre d'exemple de limite à la liberté d'entreprendre, le règlement impose aux Etats membres d'interdire la publicité auprès du public à l'égard des médicaments qui ne peuvent être délivrés que sur

250 Notice Lexomil Roche Comprimé-baguette, Mises en garde spéciales : « Risque de DEPENDANCE: ce traitement peut entraîner, surtout en cas d'utilisation prolongée, un état de dépendance physique et psychique. », http://www.roche.fr/content/dam/corporate/roche fr/doc/Lexomil10138443MAJ24-04-12.pdf

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prescription médicale, ou qui contiennent des psychotropes ou des stupéfiants. De même, il est interdit d'inclure dans la publicité auprès du public des éléments qui utilisent de manière abusive, effrayante ou trompeuse des représentations visuelles des altérations du corps humain dues à des maladies ou à l'action d'un médicament dans le corps humain ou encore d'éléments qui s'adressent principalement ou exclusivement aux enfants.

Voyons dès à présent, des situations dans lesquelles un monopole d'exploitation conféré par un brevet peut être remis en cause au nom de la protection de la santé.

2 - Les limitations du monopole d'exploitation d'un médicament conféré par un brevet

L'obtention d'un brevet confère à son titulaire un monopole d'exploitation économique d'un médicament opposable aux tiers. Le Code de la propriété intellectuelle (CPI), au nom de la protection de la santé vient apporter quelques tempéraments à ce monopole. Nous allons dans ce développement évoquer certains de ces tempéraments, qui portent indéniablement atteinte à la liberté d'entreprendre dont le brevet constitue une de ses nombreuses mises en oeuvre.

Limites du champ d'application des droits conférés par le brevet. L'article L. 613-5 du CPI dispose que les droits conférés par le brevet ne s'étendent pas, notamment, à la préparation de médicaments faite extemporanément251 et par unité dans les officines de pharmacie, sur ordonnance médicale, ainsi qu'aux actes concernant les médicaments ainsi préparés. Il est vrai que si le brevet confère à son titulaire un monopole d'exploitation, l'atteinte à sa liberté d'exploitation est ici infime. Mais il faut reconnaitre, qu'aussi infime soit-elle, elle n'est ici rendue possible que par l'objectif de protection de la santé.

Régime de la licence d'office. Non définie par le CPI, on peut trouver une définition intéressante de la licence d'office dans quelques projets de loi252 : « Les licences d'office sont des actes de la puissance publique : elles permettent de mettre sous licence accordée par l'Etat l'exploitation de brevets lorsque l'intérêt de la défense nationale, l'intérêt de l'économie

251 Extemporané : « Se dit d'un médicament qui doit être préparé juste avant son emploi, ou d'une biopsie faite et examinée histologiquement pendant le déroulement d'une intervention chirurgicale. », Larousse.fr

252 Voir en ce sens le Projet de loi relatif à la protection des inventions biotechnologiques, présenté au Sénat en session ordinaire de 2001-2002 en annexe du procès-verbal de la séance du 6 novembre 2001, http://www.senat.fr/leg/pjl01-055.html

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nationale ou l'intérêt de la santé publique le justifient. ». Mme SCHMIDT-SZALEWSK nous décrira cette démarche : « En un premier temps, l'autorité publique constate que les conditions légales sont réunies pour soustraire au breveté la faculté exclusive d'accorder une licence d'exploitation de son titre. En un second temps, elle examine les demandes particulières qui lui sont présentées par les candidats à la licence autoritaire. »253

L'article L. 613-16 du CPI dispose que « Si l'intérêt de la santé publique l'exige et à défaut d'accord amiable avec le titulaire du brevet, le ministre chargé de la propriété industrielle peut, sur la demande du ministre chargé de la santé publique, soumettre par arrêté au régime de la licence d'office, dans les conditions prévues à l'article L. 613-17, tout brevet délivré pour (...) un médicament, un dispositif médical, un dispositif médical de diagnostic in vitro, un produit thérapeutique annexe; (...). »

L'article précisera ensuite que les brevets de ces médicaments ne peuvent être soumis au régime de la licence d'office dans l'intérêt de la santé publique que lorsque ces médicaments « sont mis à la disposition du public en quantité ou qualité insuffisantes ou à des prix anormalement élevés, ou lorsque le brevet est exploité dans des conditions contraires à l'intérêt de la santé publique ou constitutives de pratiques déclarées anticoncurrentielles à la suite d'une décision administrative ou juridictionnelle devenue définitive. Lorsque la licence a pour but de remédier à une pratique déclarée anticoncurrentielle ou en cas d'urgence, le ministre chargé de la propriété industrielle n'est pas tenu de rechercher un accord amiable. »

Si ces dispositions portent une atteinte considérable au monopole d'exploitation conféré par un brevet et à la liberté d'entreprendre, « Le recours à ces dispositions, et plus encore son succès, est extrêmement rare. Il s'agit de dispositions «couperet» qui ont une vocation essentiellement dissuasive. »254

Après ce paysage général des atteintes à la liberté d'entreprendre contenues dans les règles encadrant la commercialisation des médicaments à usage humain, nous allons dès à présent évoquer le cas des produits cosmétiques.

253 SCHMIDT-SZALEWSK J., « Brevet d'invention », Répertoire de droit commercial, Dalloz, avril 2003 (MAJ janvier 2013).

254 Code de la propriété intellectuelle commenté, commentaire des articles L. 613-16 à L. 613-19-1, Dalloz.fr

161

II - Le principe de sécurité et la libre circulation des produits cosmétiques : un contrôle allégé du fait d'une relative dangerosité et d'une destination esthétique

Il s'agira ici de concilier les impératifs de libre circulation des produits avec les impératifs de sécurité. Ainsi, lorsque des impératifs de sécurité fondés sur la protection de la santé et des consommateurs font obstacle à la libre circulation des cosmétiques, la liberté d'entreprendre est susceptible d'être limitée. En outre le contrôle de ces biens est allégé comparativement aux médicaments à usage humain car ces premiers sont moins dangereux et ne sont pas destinés aux soins stricto sensu. Leur utilisation n'étant pas justifiée par l'urgence thérapeutique, les consommateurs font dans ce cas un choix totalement libre.

Notion de sécurité. Selon les spécialistes du droit de la consommation, la notion de sécurité recouvre deux aspects255. D'une part, la sécurité se retrouve dans la conformité à un référentiel, à des normes préétablies. Ainsi, un produit cosmétique qui serait conforme aux normes de sécurité imposées par le droit de l'UE ou le droit national serait présumé remplir l'impératif de sécurité. D'autre part, la sécurité se retrouve dans l'absence de risque. On est ici dans une approche bien plus large que celle de la conformité et fondée sur le principe de précaution, comme le relève M. BLANC, qui précisera que « ce principe de précaution dans sa mise en oeuvre entre constamment en conflit avec la dynamique industrielle et au-delà avec la liberté d'entreprendre et de commercer. Le secteur des produits cosmétiques illustre de manière caractérisée ce conflit. »256

En droit interne, la sécurité des produits et services fait l'objet du titre II du Code de la consommation qui s'applique aux produits et services n'ayant pas fait l'objet de « dispositions législatives particulières ou à des règlements communautaires ayant pour objet la protection de la santé ou de la sécurité des consommateurs, sauf, en cas d'urgence, celles prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6.»257. En principe, il faudra ainsi, en matière de produits cosmétiques, se référer au Code de la santé publique258 et aux règlements communautaires259.

255 « G. Iacono, Contribution à une réflexion sur le thème de l'harmonisation ou/et de l'unification des concepts de sécurité et de qualité des produits dans l'Union européenne, in Vers un Code européen de la consommation, sous la dir. de F. Osman, colloque Lyon, 12-13 déc. 1997, p. 218. » Cité par BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques et sécurité des produits », Recueil Dalloz 2006 p. 1917

256 BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques et sécurité des produits », Recueil Dalloz 2006 p. 1917

257 Article L221-8 Code de la consommation

258 Article L5131-4 Code de la santé publique : « Les produits cosmétiques mis sur le marché ne doivent pas nuire à la santé humaine lorsqu'ils sont appliqués dans les conditions normales ou raisonnablement prévisibles

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Afin d'aller à l'essentiel, nous nous en remettrons principalement aux textes spécifiques du droit de l'UE en matière de fabrication et de commercialisation de produits cosmétiques, le Code de la santé publique reprenant en droit interne l'essentiel de ces dispositions.

La directive 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux produits cosmétiques260 est le texte fondateur en la matière. Cette directive s'inscrit dans démarche d'harmonisation totale des législations des États membres. Le règlement 1223/2009 précité261 « procède à une refonte de la directive 76/768/CEE en raison des nombreuses modifications qui lui ont été apportées et des modifications nouvelles qui s'imposaient. »262 Il vient ainsi poser un cadre juridique global à la fabrication et la commercialisation des produits cosmétiques.

Définition des produits cosmétiques. Le règlement 1223/2009 définit dans son article 2 les produits cosmétiques comme « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d'en modifier l'aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles; ». Il entend dans le même article la notion de substance comme « un élément chimique et ses composés à l'état naturel ou obtenus par un processus de fabrication, y compris tout additif nécessaire pour en préserver la stabilité et toute impureté résultant du processus mis en oeuvre, mais à l'exclusion de tout solvant qui peut être séparé sans affecter la stabilité de la substance ou modifier sa composition; ».

Les notions de sécurité et de cosmétique étant définies, il est temps d'étudier l'encadrement de l'exploitation des cosmétiques issu du règlement 1223/2009 (A), qui peut être soumise en droit interne à une déclaration préalable et à des processus de cosmétovigilance (B).

d'utilisation compte tenu, notamment, de la présentation du produit, des mentions portées sur l'étiquetage ainsi que de toutes autres informations destinées aux consommateurs. »

259 Règlement 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009

260 Modifiée, notamment, par les directives 79/661/CEE, 82/368/CEE, 83/574/CEE, 88/667/CEE, 89/679/CEE, 93/35/CEE et 2003/15/CE.

261 Applicable dès le 11 juillet 2013, sauf concernant certaines dispositions relatives aux substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction qui sont applicables depuis le 1er décembre 2010.

262 Union européenne. Le site web officiel de l'Union européenne. http://www.europa.eu/ (page consultée le 13 avril 2013)

163

A - L'exigence d'une déclaration préalable et la cosmétovigilance en France

L'article L5131-2 du CSP impose aux fabricants (et personnes assimilées) de produit cosmétiques d'effectuer une déclaration préalable auprès de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. La contrainte est faible, comme l'atteinte à la liberté d'entreprendre, et nous sommes loin des procédures d'AMM pour les médicaments.

L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé est l'autorité nationale avec laquelle les professionnels de santé communiqueront dans la mise en oeuvre du système de cosmétovigilance. Ainsi par exemple, « tout professionnel de santé ayant constaté un effet indésirable grave susceptible d'être dû à un produit cosmétique mentionné à l'article L. 5131-1 doit en faire la déclaration sans délai au directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. ». La notion d'effet indésirable est définie par l'article L5131-9 CSP comme « une réaction nocive et non recherchée, se produisant dans les conditions normales d'emploi d'un produit cosmétique chez l'homme ou résultant d'un mésusage qui, soit justifierait une hospitalisation, soit entraînerait une incapacité fonctionnelle permanente ou temporaire, une invalidité, une mise en jeu du pronostic vital immédiat, un décès ou une anomalie ou une malformation congénitale. » Par la suite, des contraintes plus importantes seront imposées aux acteurs économiques par le droit de l'UE.

B - L'encadrement de l'exploitation économique du cosmétique par l'Union européenne

Les limitations posées ici à la liberté d'entreprendre des fabricants et distributeurs de produits cosmétiques ne remettent pas nécessaire en cause la libre circulation de ces derniers. En effet, comme le dit M. BLANC, « La directive [76/768] tente d'établir une sorte de compromis entre la nécessaire sauvegarde de la santé publique et les nécessités économiques. Mais on pourrait tout aussi bien souligner que, en imposant des conditions de sécurité dans leur composition et leur fabrication, la directive facilite la libre circulation des produits cosmétiques. »263

Ingrédients et compositions. Le règlement dresse une liste de substances interdites dans la composition des produits cosmétiques264 ou faisant l'objet de restrictions ou de conditions spécifiques d'utilisation265. Sont ainsi interdits, certains colorants, agents conservateurs ou

263 BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques et sécurité des produits », Recueil Dalloz 2006 p. 1917

264 Annexe II du règlement (CE) n° 1223/2009

265 Annexe III du règlement (CE) n° 1223/2009

164

encore les substances reconnues comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction. Cette liste constitue ainsi une limitation à la liberté d'entreprendre dans l'exercice de l'activité économique de fabrication et de distribution de produits cosmétiques.

Condition de commercialisation - étiquetage. En imposant des mentions obligatoires dans l'étiquetage des produits cosmétiques dans un objectif de protection des consommateurs et de leur santé, le règlement vient imposer des normes aux entreprises entachant ainsi l'exercice de leurs activités de commercialisation des produits cosmétiques. Ainsi doivent figurer par exemple les précautions d'emploi, y compris pour les cosmétiques à usage professionnel.

Surveillance du marché. Le règlement impose dans son article 4, pour chaque produit mis en circulation sur le marché, la désignation (selon des modalités prévues par le règlement) d'une « personne responsable » établie dans la Communauté. Cette dernière est garante de la conformité des produits. En cas de non-conformité d'un produit, elle pourra prendre des mesures de mise en conformité du produit, le retirer du marché ou le rappeler dans l'entreprise de fabrication dans tous les États membres où le produit est disponible. A défaut, les autorités nationales compétentes peuvent prendre les mesures correctrices nécessaires.

Par ailleurs, selon l'article 27 du règlement, les principes de précaution et de prévention sont applicables à la commercialisation des produits cosmétiques. Ainsi, si un produit, conforme aux exigences du règlement, présente ou pourrait présenter un risque grave pour la santé humaine, l'autorité nationale compétente prend toutes les mesures provisoires nécessaires pour retirer, rappeler ou restreindre la disponibilité de ce produit sur le marché.

Expérimentation animale. L'article 18 du règlement interdit l'expérimentation animale sur des produits cosmétiques finis et les ingrédients ou combinaisons d'ingrédients. Le même règlement préconise des méthodes alternatives d'expérimentation dont certaines sont rendues obligatoires quand elles sont validées et adoptées au niveau communautaire. De même, est interdite la mise sur le marché de produits dont la formulation finale a fait l'objet d'une expérimentation animale ou contenant des ingrédients ou combinaisons d'ingrédients, qui ont fait l'objet d'une expérimentation animale. Le règlement, au nom de la protection de la santé et de l'éthique vient limiter la liberté de la recherche dans le cadre de la recherche et développement ainsi que la liberté de commercialisation et plus largement, la liberté d'entreprendre.

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE

165

L'étude de la variable « bien » sur laquelle agit la protection de la santé pour limiter la liberté d'entreprendre nous a appris qu'elle est sujet à une certaine diversité. En effet, nous avons vu qu'il est essentiel pour appréhender l'action protectrice de la santé dans un contexte économique de s'interroger sur la nature du bien ou sa destination. Nous avons ainsi appréhendé des biens d'une nature substantiellement dangereuse, des biens dont la provenance d'un corps humain justifiait un traitement juridique particulier, des biens dont la nature était susceptible de provoquer des dépendances chez le consommateur, et, enfin, des biens dont la destination est le soin, lato sensu, des personnes humaines. Cette diversité de natures des biens a pu justifier différents procédés d'encadrement juridique de leur circulation allant de la mise hors du commerce, à l'autorisation préalable, en passant par des contrôles durant leur commercialisation ou même de simples déclarations administratives préalables.

Mais au-delà de la nature ou de la destination du bien, nous avons vu que le degré de contrainte juridique pouvait varier en fonction de l'utilisation du bien, et même à titre préventif. Ainsi, certains biens subissent des interdictions du fait de leur dangerosité vérifiée dans des conditions normales d'utilisation. En outre, des logiques préventives ont pu apporter des limitations opposables à des biens parce qu'ils pouvaient présenter un risque pour la santé en cas d'excès de consommation. Le comportement des individus face à certains biens n'est donc pas étranger à ces différentes mesures.

Dans ces différentes illustrations, nous avons de même pu observer que la logique économique n'entre pas nécessairement dans le processus de mise en oeuvre des limitations de circulation des biens. Dès que la santé est en jeu, qu'importe les pertes, les restrictions sont en principe mises en oeuvre. Ces politiques ont pu toutefois conduire à certains excès de la part des décideurs publics, notamment au regard du sévère encadrement de la publicité sur les boissons alcoolisées.

Nous conclurons en affirmant que cette étude nous a donné le sentiment que la protection de la santé est probablement l'un des principes les plus efficaces permettant de justifier des restrictions au commerce de bien, que l'on soit dans un contexte national ou dans un contexte européen.

166

CONCLUSION GÉNÉRALE

Confronter deux principes à valeur constitutionnelle, l'un non défini par le droit et l'autre évolutif dans le temps (élargissement de la notion de santé) et l'espace (définition de la santé différente selon les Etats) fut une tâche ardue et délicate.

Face au chaos pouvant émaner de cette confrontation, il nous a fallu chercher et trouver des repères, une méthode pour tenter d'apporter un peu de lumière dans les ténèbres.

C'est ainsi que nous avons imaginé saisir la liberté d'entreprendre par analogie avec la vie d'une activité économique. La même méthode est d'ailleurs applicable concernant différents objets. Ainsi on peut analyser la vie de la société de sa naissance à sa disparition. De même, on peut étudier la vie d'un objet de propriété intellectuelle (invention, signe distinctif, oeuvre, belles-lettres, beaux-arts,...) en nous demandant dans quel contexte il a pris naissance, il va circuler ou disparaitre. Ce contexte peut être géographique, juridique, économique, sociologique, etc.

Si l'on revient à notre sujet, le contexte peut par exemple être européen (procédure européenne d'autorisation de mise sur le marché,...) ou national (monopole de vente au détail de produit du tabac,...). De même, économiquement, il s'inscrit dans l'économie de marché et la libre concurrence. Aussi, sociologiquement, il peut s'inscrire en prenant acte du rapport que les individus ont avec la consommation de produits addictifs, etc. Cette méthode nous a permis, de comprendre dans quel contexte la liberté d'entreprendre s'exerçait et ainsi pouvait être limitée.

Ensuite, nous avons combiné ces contexte (en particulier celui de la vie de l'activité économique - création, exercice, fin) avec des questions méthodologiques classiques : « qui ? », « quoi ? », « comment ? », « quand ? », « où ? » et « pourquoi ? ». Ces questions nous ont permis à la fois de comprendre la liberté d'entreprendre et à la fois d'appréhender ses limitations ; car, comme nous le disions, nous pouvons définir la liberté d'entreprendre à travers l'étude de ses limitations.

Nous allons ci-dessous en donner une illustration générale en posant ces différentes questions. Nous allons montrer quels aspects de la liberté d'entreprendre sont concernés et quelles sont les limitations qui peuvent y être apportées.

167

- Qui ? : les personnes entreprenant l'activité ou moyens de l'activité, et leurs qualités.

y' Qui entreprend ? Une personne de droit privé.

y' Quelles sont les limites directement attachées à cette personne ? La personne doit

jouir de la capacité juridique et détenir un diplôme.

- Quoi ? : l'activité et sa nature ou l'objet, moyen, de l'activité (le bien et sa nature)

y' Qu'est-ce qui est entrepris ? Une activité économique, de santé ; la commercialisation

d'un bien.

y' Quelles sont les activités qui peuvent présenter un danger? Les activités de soin, de

commercialisation de produits du tabac, de médicament à usage humain.

- Comment ? : un procédé juridique.

y' Comment entreprendre ? Effectuer un investissement économique de base.

y' Quels sont les procédés contraignants ? L'obligation d'obtenir une autorisation

administrative préalable.

- Quand ? : une variable temporelle.

y' Quand puis-je exercer mon activité ? Principe de liberté d'organisation.

y' Quelles sont les contraintes temporelles ? Fermeture obligatoire du commerce de

boissons alcoolisées à partir de 22h00 (tranquillité publique, sécurité publique).

- Où ? : une variable spatiale.

y' Où puis-je exercer mon activité ? Deux analyses sont possibles : une spatialité dans

un contexte national ou une spatialité dans un contexte international ou régional.

y' Quelles sont les contraintes spatiales ? Interdiction d'ouvrir un sex shop à proximité

d'un établissement d'enseignement (moralité publique). Interdiction de

commercialiser des produits du tabac en dehors des lieus prévus par la loi. Ou encore,

autorisation de séjourner délivrée par l'Etat d'accueil.

- Pourquoi ? Le mobile.

y' Pourquoi entreprendre ? L'activité est lucrative, la prise de responsabilité, etc. La

liberté d'entreprendre ne concerne que les activités économiques.

y' Pourquoi limiter l'entreprise privée ? Protection de la santé, lutte contre les

dépendances, prévention, précaution, sécurité sanitaire.

Nous avons ainsi pu établir une typologie des limitations et tous ces critères se combinent. Ainsi, au fur et à mesure que d'autres critères entrent dans la danse, la valse des limitations devient plus coercitive. Le critère fondamental semble être celui de la nature de l'activité ou du bien (« Quoi ? »), qui va justifier le degré de limitation pesant sur les personnes

168

directement et sur la question : « comment entreprendre ? ». Arrivent ensuite les limitations complémentaires et accessoires : les limites spatio-temporelles. Il ne faut pas oublier que poser le critère de la nature comme fondamental signifie que, plus l'activité présente un danger pour les personnes, plus elle sera limitée : c'est ainsi la protection des personnes sur lesquelles l'activité produira des effets qui fonde, à travers le critère de la nature de l'activité, les limitations à la liberté d'entreprendre.

Toutefois, il n'aurait pas été méthodologiquement pertinent de réaliser notre démonstration en nous focalisant formellement sur la nature de l'activité. Il était en effet hors de question de réaliser un plan descriptif du type : I. Médecine, II. Tabac, III. Alcool, IV. Médicaments, V. Stupéfiants, etc. Il s'agissait plutôt, de traiter de la nature de l'activité à l'intérieure des variables « sujet » (qui fait l'objet d'une mesure contraignante ?) et « objet » (qu'est-ce qui fait l'objet d'une mesure contraignante ?) car cette première transcende nos variables.

La variable « personne » (ou « sujet »), c'est l'aptitude que va avoir un sujet de droit à exercer une activité économique. Cette variable doit être traitée comme une question distincte de la variable « bien » (ou « objet »), car il se peut qu'un bien ou plus largement une activité économique, bien qu'autorisé ne soit pas commercialisable ou exerçable par n'importe qui.

Notre distinction « personne » et « bien » nous a permis d'observer les diverses conséquences des limites à la liberté d'entreprendre justifiées par la protection de la santé. Le bien, son créateur peut le modifier, en revanche changer de nationalité, détenir un diplôme, c'est moins évident.

Enfin, cette distinction nous a permis d'approcher, non pas l'exhaustivité, mais une part substantielle des questions relatives aux limitations de la liberté d'entreprendre lorsque celle-ci est confrontée à la protection de la santé. Toutefois, certaines pistes mériteraient d'être explorées dans la mesure où elles ne touchent pas nécessairement directement les biens ou les personnes. Il pourra par exemple s'agir d'une étude des limitations affectant les prestations de service (sous un angle différent de celui de la circulation des personnes, que nous avons déjà étudié en première partie) ou affectant les relations contractuelles.

« Certes ce cadavre est beau, mais il va falloir l'enterrer. »

Proverbe africain

169

ANNEXES

Annexe n°1

Tableau des principales activités réglementées

ACTIVITÉ

TEXTES APPLICABLES

CONDITIONS

SANCTIONS

Agent immobilier

L. no 70-9 du 2 janvier 1970, art. 3 et 9 (JO

4 janv.)

Art. 3 et 9

Art. 16 et s.

Agence de voyages

L. no 92-645 du 13 juillet 1992 (JO 14 juill.)

Art. 4

Art. 29

Agent privé de recherches

L. no 83-629 du 12 juillet 1983, in C. pr. pén. Dalloz

Art. 20 et s.

Art. 31

Architecte

L. no 77-2 du 3 janvier 1977 (JO 5 janv.)

Art. 10 et 11

Art. 40

Auto-école

Code de la route

Art. L. 212-1 et s.,

R. 212-1 et s.

Art. L. 212-4

Avocat

Loi no 71-1130 du 31 décembre 1972 modifiée par Loi no 90-1259 du 31 décembre 1990 (JO

5 janv. 1991)

Art. 12 et 54

Art. 72 et s.

Banquier

Loi no 84-46 du 24 janvier 1984 (JO 25 janv.) partiellement codifiée dans le C. mon. fin.

Art. L. 511-9

C. mon. fin., art. L. 571-3

Casino

Loi du 15 juin 1907 (DP 1907.4.162)

Art. 2

Art. 5

Chirurgien-dentiste

C. santé publ.

Art. L. 4141-3

Art. L. 4141-2

Commissionnaire aux

comptes

C. com.

Diplôme

C. com., art. L. 820-5

Démarchage en vue

d'opérations sur le marché à terme

C. mon. fin.

Art. L. 342-7

Art. L. 351-1

Fabrication et commerce

d'armes

Décr. no 95-589 du 6 mai 1995 (in C. pén. Dalloz)

Art. 6 et s.

L du 24 mai

1834, art. 2

Hébergement collectif

L. no 73-548 du 27 juin 1973 (J0 28 juin)

Art. 1er

Art. 4

Infirmier

C. santé publ.

Art. L. 4311-2 et s.

Art. L. 4314-4 et s.

Mandataire et administrateur judiciaire

C. com

Art. L. 811-2 et s.

C. pén., art. 433-

17

Masseur-kinésithérapeute

C. santé publ.

Art. L. 4321-2

Art. L 4323-4 et s.

Médecin

C. santé publ.

Art. L. 4131-1

Art. L. 4323-4

Orthophoniste

C. santé publ.

Art. L. 4341-2 et s.

Art. L. 4344-3

et s.

Pédicure-podologue

C. santé publ.

Art. L. 4322-2

Art. L. 4323-4 et s.

Pharmacie

C. santé publ.

Art. L. 4222-1

Art. L. 4223-1

Sage-femme

C. santé publ.

Art. L. 4111-1

Art. L. 4161-3

Transport sanitaire terrestre de personnes

Décr. no 87-965 du 30 novembre (JO 1er déc.)

Art. 1er

Art. 16

Vétérinaire

Code rural

Art. L. 241-1

Art. L. 243-1 et s.

Source : ARMAOS A., « Professions et activités réglementées », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz mai 2004

Annexe n°2

L'industrie du tabac

170

Peut-on faire de la publicité pour le tabac en France ?

Depuis 1991, la loi Evin interdit toute forme de publicité et de promotion directe et indirecte en faveur du tabac. Toutefois, les industriels du tabac contournent cette interdiction en élaborant des stratégies marketing plus discrètes mais non moins efficaces.

Ils continuent d'alimenter les représentations positives de la cigarette en y associant les valeurs de « liberté », de « séduction » ou encore de « transgression ».

Pourquoi l'industrie du tabac fait-elle de la prévention ?

L'industrie du tabac mène des campagnes de prévention du tabagisme en direction des jeunes dans certains pays : programme « Think. Don't smoke » (« Réfléchissez, ne fumez pas ») orchestré par Altria ex-Philippe Morris, campagne « Be cool, be yourself » (« Sois cool, sois toi-même ») lancée par British American Tobacco et Japan Tobacco International. Des études ont démontré que ce type de messages n'avait aucun impact ou pouvait même être contreproductif, en renforçant l'attrait du tabac pour les jeunes. D'autre part, des documents internes de certains cigarettiers montrent que les véritables objectifs de ces campagnes sont moins louables : il s'agit en fait d'un exercice de relations publiques visant à améliorer l'image d'une industrie qui a beaucoup à se faire pardonner.

Quels sont les principaux fabricants de tabac ?

L'industrie du tabac regroupe des compagnies internationales qui sont parmi les plus

puissantes du monde. Six principaux fabricants de tabac se partagent 99 % du marché des

cigarettes :

- Philip Morris, renommé Altria (Marlboro, Philip Morris, Chesterfield, L & M) ;

- Altadis (Gauloises, News, Royale, Gitanes, Fortuna). Altadis est un groupe franco-

espagnol issu de la fusion de la Seita avec Tabacalera ;

- British American Tobacco (Winfield, Peter Stuyvesant, Lucky Strike) ;

- Japan Tobacco International (Camel,Winston) ;

- Imperial Tobacco (JPS, Route 66) ;

- Gallaher (Benson & Hedges).

171

Comment la distribution des cigarettes est-elle organisée ?

Altadis détient un quasi-monopole de la distribution des produits du tabac ainsi que la quasi-totalité de la distribution des cigarettes en France. La vente au détail est confiée à l'administration des Douanes et Droits indirects, qui dépend du ministère des Finances. Elle est chargée de l'implantation et de la gestion d'un réseau de 30 000 buralistes.

« La nicotine est toxicomanogène. Ce que nous faisons donc, c'est vendre de la nicotine, une drogue toxicomanogène. » (Addison Yeaman, de la société Brown et Williamson, 17 juillet 1963)

Quel est le chiffre d'affaires de l'industrie du tabac ?

En 2006, 55,8 milliards de cigarettes ont été vendues en France (contre 80,5 milliards en 2002), ce qui représente un chiffre d'affaires de 13,3 milliards d'euros (contre 13, 5 milliards en 2002).

Quels sont les liens entre l'industrie du tabac et l'État français ?

L'État français a longtemps siégé au conseil d'administration de la Seita, qui détenait le monopole national de fabrication et de distribution des produits du tabac. La Seita a été privatisée en 1995 et l'État a cédé sa participation au capital de la société en octobre 2000.

Que reproche-t-on à l'industrie du tabac ?

Des procès lancés aux États-Unis contre des fabricants de tabac dans les années 1990 ont permis de découvrir des millions de documents internes et confidentiels révélant les comportements délinquants de l'industrie du tabac. Ces documents ont dévoilé les stratégies des industriels du tabac pour contrer les politiques de santé publique. Ils ont en effet délibérément caché qu'ils savaient depuis les années 1960 que la cigarette était nocive, que la nicotine engendrait une dépendance physique importante et qu'ils jouaient sur la teneur en nicotine des cigarettes pour en augmenter les effets.

172

L'industrie du tabac organise-t-elle la contrebande de cigarettes ?

Il est désormais clairement établi que les industriels du tabac ont facilité plus ou moins directement la contrebande de cigarettes dans de nombreux pays. Cette contrebande va à l'encontre des efforts de santé publique et prive les États de revenus fiscaux. Des actions en justice contre la plupart des cigarettiers ont été lancées, notamment par l'Union européenne.

Est-il vrai que l'industrie a « acheté » des acteurs, des chercheurs, des hommes politiques ?

D'après les documents internes de l'industrie, on sait que certains cigarettiers ont payé des acteurs pour fumer dans les films où ils jouaient. Par exemple, Sylvester Stallone a accepté d'être payé par Brown et Williamson pour fumer dans des films comme Rambo et Rocky IV. Dans une lettre du 28 avril 1983 signée de sa main, on peut lire : « Comme convenu, je garantis que j'utiliserai les produits du tabac de Brown et Williamson dans au moins 5 de mes films. J'ai bien compris que Brown et Williamson me versera un droit de 500 000 dollars. » On sait également que certains cigarettiers ont mis en oeuvre des stratégies pour saper l'action de l'Organisation mondiale de la santé : paiement d'experts, organisation de campagnes de communication pour semer le doute dans la communauté scientifique, modification de résultats d'études, etc. Enfin, dans certains pays (Allemagne, États-Unis, etc.), des partis politiques sont financés par l'industrie du tabac, pratique qui influe directement ou indirectement sur les stratégies nationales et internationales de prévention du tabagisme.

Source : République française - Service d'Information du Gouvernement (S.I.G.), service du Premier ministre. Site d'information sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics. http://www.tabac.gouv.fr/

Annexe n°3

Le cycle du médicament

173

Source : Les entreprises du médicament. http://www.leem.org/

174

Annexe n°4

Surveillance des médicaments

Détecter les effets indésirables avant l'autorisation de mise sur le marché

Détecter les effets indésirables avant l'autorisation de mise sur le marché

175

Source : Les entreprises du médicament. http://www.leem.org/

176

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE

Nous regrettons l'absence dans cette bibliographie d'ouvrages généraux (nous n'en citerons qu'un) ou spéciaux et de thèses. Cela n'a pas été matériellement possible du fait du déroulement du Master 2 et de la rédaction de ce mémoire à Hanoï au Vietnam.

DOCTRINE

1. Ouvrage général

CABRILLAC R., FRISON-ROCHE M.-A., REVET T. (sous la direction de), Libertés et droits fondamentaux, Dalloz 2011 (17e édition)

2. Articles

ARMAOS A., « Professions et activités réglementées », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz mai 2004

BLANC G., « Distribution des produits cosmétiques et sécurité des produits », Recueil Dalloz, 2006 p. 1917

CARCASSONNE G., « La liberté d'entreprendre », L'entreprise et le droit constitutionnel - Colloque du CREDA, 26 mai 2010

CHASSANG M., « Brèves réflexions sur l'avenir de la médecine libérale », Revue de droit sanitaire et social (ci-après « RDSS »), 2011 p. 7

CRISTOL D., « La révision de la loi « Huriet » par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique », RDSS, 2004 p. 885

DE GROVE-VALDEYRON N., « Santé publique », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, août 2008 (mise à jour : janvier 2013)

DE GROVE-VALDEYRON N., « Prestation de services », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, décembre 2011 (mise à jour : mars 2012)

DE GROVE-VALDEYRON, « Médicament », Répertoire de droit communautaire, Dalloz 2007 (mise à jour : janvier 2013)

DEL SOL M., « Médecine libérale et permanence des soins de ville », RDSS, 2004 p. 261 FEUILLET B., « L'accès aux soins, entre promesse et réalité », RDSS, 2008 p. 713

GAUMONT-PRAT H., « Les tribulations en France de la directive n° 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques », Recueil Dalloz, 2001 p. 2882

GENEVOIS B., « Principes généraux du droit », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, mars 2010 (mise à jour : janvier 2013)

GRÜNDLER T., « Le juge et le droit à la protection de la santé », RDSS, 2010 p. 835

GUIBAL M., « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, Dalloz, février 2003 (mise à jour : octobre 2010)

GUYOMAR M., « Le contrôle de constitutionnalité d'un règlement transposant une directive communautaire », RFDA, 2007 p. 384

HEDIN B., « La gestion déléguée des crématoriums », AJ Collectivités territoriales, 2011 p. 448

JACQUINOT N., « La liberté d'entreprendre dans le cadre du référé-liberté : un cas à part ? », AJDA, 2003 p. 658

LAVROFF D. M., « Domaine de la commune (Biens affectés à l'usage du public) », Répertoire de droit immobilier, Dalloz, mars 2010

LEROYER A.-M., « Recherches sur la personne humaine - Autorisation - Protection - Examen caractéristiques génétiques », RTD Civ., 2012 p. 384

LOISEAU G., « Typologie des choses hors du commerce », RTD Civ., 2000 p. 47

MARKUS J.-P., « Police de la sécurité des consommateurs : l'interdiction des produits dits « poppers » est illégale », AJDA, 2009 p. 1668

177

MAURY S., « Réhabiliter les soins de proximité ? », RDSS, 2012 p. 84

178

MOLINIER J., « Principes généraux », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, mars 2011 (mise à jour : juin 2012)

MOREAU J., « Le droit à la santé », AJDA, 1998 p. 185

PENNEAU J., « Médecine (professions médicales et auxiliaires médicales) », Répertoire de droit civil, août 2006 (mise à jour : septembre 2012)

ROUSSET G., « La lutte contre les « déserts médicaux » depuis la loi HPST : entre désillusions et espoirs nouveaux », RDSS, 2012 p. 1061

RUET L., « Du principe de rivalité », Recueil Dalloz, 2002 p. 3086

RIVÉRO J., « Ni lu, ni compris ? », AJDA 1982.209, cité par GUIBAL M., « Commerce et industrie », Répertoire de droit commercial, Dalloz, février 2003 (mise à jour : octobre 2010)

SCHMIDT-SZALEWSK J., « Brevet d'invention », Répertoire de droit commercial, Dalloz, avril 2003 (mise à jour : janvier 2013).

SCHOETTL J-E., « Le Conseil constitutionnel et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains », AJDA, 2001 p. 18

SIBONY A.-L., DEFOSSEZ A., « Marché intérieur (marchandises, capitaux, établissement, services) », Revue trimestrielle de droit européen, 15 mars 2010

SIMON D., « Restrictions quantitatives et mesures d'effet équivalent », Répertoire de droit communautaire, Dalloz, août 2004 (mise à jour : janvier 2013)

TABUTEAU D., « Sécurité sanitaire et droit de la santé », RDSS, 2007 p. 823

THOUVENIN D., « La loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 : des recherches pratiquées sur la personne aux recherches avec la personne », RDSS social, 2012 p. 787

VERPEAUX M., « Contrôle de constitutionnalité des actes administratifs », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, janvier 2011 (mise à jour : janvier 2012)

179

JURISPRUDENCE

1. Cour de justice de l'Union européenne (institution)

Jurisprudence de la Cour de justice (juridiction)

CJCE, 14 décembre 1962, Commission c/ Luxembourg et Belgique

CJCE, 1er juillet 1969, Commission c/ Italie

CJCE, 12 nov. 1969, Stauder c/ Ulm, aff. 29/69, Rec. 419

CJCE, 12 févr. 1974, Sotgiu, aff. 152/73

CJCE, 14 mai 1974, Nold c/ Commission, aff. 4/73, Rec. 491

CJCE, 11 juillet 1974, Dassonville

CJCE, 20 février 1979, Rewe c/ Bundesmonopolverwaltung für Branntwein [Cassis de Dijon]

CJCE, 5 février 1981, Koninklijle Kassfabriek Eyssen, 53/80, Rec. 1981, p. 409

CJCE, 15 juillet 1982, Commission des Communautés européennes contre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Affaire 40/82

CJCE, 21 mai 1987, Rau c/ BALM, aff. jointes 133 à 136/85, Rec. 2289 CJCE, 15 oct. 1987, Unectef c/ Heylens, aff. 222/86, Rec. 4097

CJCE, 13 juill. 1989, Wachauf c/ Bundesamt für Ernährung und Forstwirtschaft, aff. 5/88, Rec. 2609

CJCE, 23 avril 1991, Höfner

CJCE, 31 mars 1993, Kraus, affaire C19/92

CJCE, 16 déc. 1993, Luxlait, aff. C-307/91, Rec. I. 6835

CJCE, 30 novembre 1995, Reinhard Gebhard/Consiglio dell'Ordine degli Avvocati e Procuratori di Milano, affaire C55/94

CJCE, 9 décembre 1997, Commission c/ France [« Guerre des fraises »] CJCE, 24 novembre 1993, Keck et Mithouard

CJCE, 28 avr. 1998, Kohll, aff. C-158/96

CJCE, 5 mai 1998, Royaume-Uni c/ Commission, aff. C-180/96, Rec. I. 2265

180

CJCE, 1er février 2001, Mac Quen E.A., aff. C-108/96

CJCE, 13 déc. 2001, DaimlerChrysler, aff. C-324/99, Rec. I. 9897, point 32

CJCE, 12 nov. 1998, Commission c/ Allemagne, aff. C-102/96, Rec. I. 6871, point 21 CJCE, 8 janv. 2002, Van den Bor, aff. C-428/99, Rec. I. 127, point 40

CJCE, 9 septembre 2003, Isabel Burbaud contre Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, aff. C-285/01

CJCE, 9 sept. 2004, Espagne et Finlande c/ Parlement et Conseil, aff. jointes C-184/02 et C223/02, Rec. I. 7789

CJCE, 9 juin 2005, HLH Warenvertrieb et Orthica, aff. C-211/03, Rec. I. 5141

CJCE, 28 septembre 2006, Procédure pénale contre Jan-Erik Anders Ahokainen et Mati Leppik, (question préjudicielle), Affaire C-434/04

CJCE, grande chambre, 3 sept. 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation c/ Conseil et Commission, aff. C-402/05 P et C-415/05 P, Rec. I. 6351, point 308

CJCE, 19 mai 2009, Apothekerkammer des Saarlandes, aff. C-171/07 et C-172/07

Jurisprudence du Tribunal de première instance

TPICE, 29 janv. 1998, Dubois et Fils c/ Conseil et Commission, aff. T-113/96, Rec. II. 125. TPICE, 11 sept. 2002, Pfizer Animal Health c/ Conseil, aff. T-13/99, Rec. II. 3305

TPICE, 26 nov. 2002, Artegodan E.A. c/ Commission, aff. jointes T-74/00 et autres, Rec. II. TPICE, 28 janv. 2003, Laboratoires Servier c/ Commission, aff. T-147/00, Rec. II. 85

2. Jurisprudence constitutionnelle française

CC, 74-54 DC, 15 janv. 1975, Loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse

CC, 80-117 DC, 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires

CC, 81-132 DC, 16 janvier 1982, « Nationalisation »

CC, 82-141 DC, 27 juillet 1982

CC, 84-181 DC, 11 octobre 1984

181

CC, 88-244 DC, 20 juill. 1988

CC, 89-254 DC, 4 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités d'application des privatisations, Rec. Cons. const. 41

CC, 90-283 DC, 08 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme

CC, 90-287 DC, 16 janvier 1991

CC, 2000-433 DC, 27 juillet 2000

CC, 2001-455 DC, 12 janvier 2002

CC, 2004-509 DC, 13 janvier 2005

CC, 2010-55 QPC, 18 octobre 2010

3. Jurisprudence administrative française

CE, 4 mars 1910, 29373, publié au recueil Lebon

CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers

CE, 29 janvier 1932, Société des autobus antibois

CE Ass., 20 décembre 1935, Éts Vezia, Lebon T. 1212, RD publ. 1936. 119, concl. R. Latournerie

CE, 5 mai 1944, Compagnie maritime de l'Afrique oriental

CE, 18 décembre 1950, Delansorme CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac

CE, 17 octobre 1952, Chambre syndicale climatique de Briançon, dame Simon, Dominique et autres, Lebon p. 445, concl. Chardeau

CE Ass., 4 juillet 1958, Graff et Epx Reyes, Lebon p. 415 ; JCP 1959.II.11117, concl. M. Long

CE Sect., 18 octobre 1960, Martial de Laboulaye

CE Ass., 22 juin 1963, Syndicat du personnel soignant de la Guadeloupe, Rec. CE, p. 386 CE, 29 avril 1970, Société Unipain

CE Ass., 13 mai 1983, Sté René Moline ;

182

CE, 20 avril 1988 Conseil national de l'ordre des Médecins, Lebon 146

CE, Ass., 20 oct. 1989, req. no 108243, Nicolo

CE 24 sept. 1990, req. no 58657

CE, 22 mars 1991, Association Fédérale des Nouveaux Consommateurs et Société Tousalon

CE Ass., 28 févr. 1992, SA Rothmans International France et SA Philip Morris France, req.

no 56776

CE, 21 janv. 1994, Cne de Dannemarie-les-Lys, req. no 120.043, D. 1994, somm. 112, obs. D. Maillard Desgrées du Loû

CE, 13 mai 1994, Présid. de l'assemblée territoriale de la Polynésie française

CE, 27 octobre 1995, (deux espèces) Ville d'Aix-en-Provence et Commune de Morsang-sur-Orge

CE, 1996, SARL La Roustane

CE, 29 décembre 1997, Sté Héli-Union, req. no 138310

CE 18 févr. 1998, Sect. locale du Pacifique Sud de l'ordre des médecins, Lebon T. 710 , RFDA 1999. 47, note Joyau

CE, 12 novembre 2001, Commune de Montreuil-Bellay, requête numéro 239840

CE 11 juin 2003, Conféd. des caves coopératives de France et a.: Lebon T. 997.

CE, 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, n°275531

CE, 7 février 2007, décision n° 292615

CE, 2 juill. 2007, req. no 295685

CE, 9 nov. 2007, req. no 257252

CE, 15 mai 2009, décision n° 312449

CE, 10 juin 2009, req. no 318066

CE 2 oct. 2009, Joseph, req. no 309247)

CE, 15 septembre 2010, décision n° 340570, 340571

CE, 11 juill. 2012, SARL Media Place Partners: req. n°351253

183

4. Jurisprudence civile française

Cass. Civ., 20 mai 1936, Dr Nicolas c/ Époux Mercier, DP 1936. 1. 88, concl. Matter, rapport Josserand, note E. P., S. 1937. 1. 321, note Breton, Gaz. Pal. 1936. 2. 41

Cass., ch. mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre

CA Versailles, 13 févr. 1987, D. 1987, somm. 417, obs. J. Penneau

Cass. Civ. 1re, 15 nov. 1988, Bull. civ. I, n° 319

Civ. 2e, 28 juin 1995, D. 1995. IR 182

TGI Nanterre, 24 mai 2002: D. 2002. IR 1885; RTD civ. 2002. 527, obs. Jourdain

Cass. soc. 10 juill. 2002, N° 00-45.135

5. Jurisprudence pénale française

Crim. 4 nov. 1971: Bull. crim. no 299

Crim. 28 nov. 1973, D. 1974. 170

Crim. 21 févr. 1996, Bull. crim. no 86

Cour d'appel de Paris, 11e ch. corr., 1er mars 1996, D. 1999. 603, note Roujou de Boubée

Crim. 19 nov. 1997, D. 1998. IR 59

Crim. 17 déc. 1997: Bull. crim. no 433; RTD com. 1998. 698, obs. Bouloc

Crim. 15 févr. 2000, D. 2000. AJ 238

Crim. 6 févr. 2001: Bull. crim. no 37; JCP 2001. IV. 1661; Dr. pénal 2001. Comm. 37, obs. J.-

H. Robert.

Crim. 3 nov. 2004: Bull. crim. no 268

Crim. 29 nov. 2005, Bull. crim. no 312; AJ pénal 2006. 123, obs. Saas Crim. 3 nov. 2010, pourvoi no 09-88.599

6. Jurisprudence ordinale française

Chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, 22 avril 2010, Mme Inès R contre

Mme Hélène O.

184

LÉGISLATION

1. Droit international

Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé du 22 juillet 1946 Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948

Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement des 3-14 juin 1992

2. Droit de l'Union européenne

Droit primaire

Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne du 13 décembre 2007

Droit dérivé

Règlement 726/2004/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l'autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments

Règlement 1223/2009/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009, relatif aux produits cosmétiques

Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998, relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques

Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain

Directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, modifiant la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain

Directive 2010/84/UE du Parlement Européen et du Conseil du 15 décembre 2010, modifiant, en ce qui concerne la pharmacovigilance, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain

185

3. Droit français

Constitution

Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

Constitution du 4 octobre 1958

Codes

Code de commerce

Code de la consommation

Code de la propriété intellectuelle

Code de la santé publique

Code de la sécurité sociale

Code général des impôts

Lois

Loi des 2-17 mars 1791 dite « Décret d'Allarde »

Loi des 14-17 juin 1791 dite « Le Chapelier »

Loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique

Loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de la fabrication, de la vente en gros et au détail, ainsi que de la circulation de l'absinthe et des liqueurs similaires

Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions.

Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique

Loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat

Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « HPST »

186

Règlements

Décret n°88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe

Décret n°95-904 du 4 août 1995 relatif aux produits du corps humain non soumis aux dispositions du titre Ter du livre VT du code de la santé publique

Décret n°2007-1636 du 20 novembre 2007 relatif aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques, hétérocycliques ou leurs isomères destinés au consommateur et ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché.

Décret n° 2010-256 du 11 mars 2010 modifiant le décret n° 88-1024 du 2 novembre 1988 portant application de la loi du 16 mars 1915 relative à l'interdiction de l'absinthe et des liqueurs similaires, fixant les caractères des liqueurs similaires de l'absinthe

Décret n° 2010-720 du 28 juin 2010 relatif à l'exercice du monopole de la vente au détail des tabacs manufacturés

Arrêté du 31 décembre 1992 fixant les caractéristiques des affichettes relatives à la publicité en faveur du tabac dans les débits de tabac, version consolidée au 14 avril 2006

Arrêté du 24 février 2006 portant suspension de la mise sur le marché de la boisson « Security Feel Better »

Arrêté du 29 juin 2011 portant application d'une partie de la réglementation des stupéfiants aux produits contenant des nitrites d'alkyle aliphatiques, cycliques ou hétérocycliques et leurs isomères

Décision de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Décision [ANSM] du 24 novembre 2006 fixant les règles de bonnes pratiques cliniques pour les recherches biomédicales portant sur des médicaments à usage humain

187

SITES INTERNET

Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Le site web officiel de l'ANSM. http://ansm.sante.fr/

Bureau des études statistiques sur la recherche. http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/

Dictionnaire Larousse.fr. http://www.larousse.fr/

Les entreprises du médicament. http://www.leem.org/

Ministère de la Santé et des Solidarités. Le site de référence sur l'encadrement de la recherche biomédicale. http://www.recherche-biomedicale.sante.gouv.fr/index.htm

Quotidien Le Monde. http://lemonde.fr

République française - Service d'Information du Gouvernement (S.I.G.), service du Premier ministre. Site d'information sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics. http://www.tabac.gouv.fr/

Union européenne. Le site web officiel de l'Union européenne. http://www.europa.eu/

188

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 3

PROLÉGOMÈNES

LES CONCEPTS DE LIBERTÉ D'ENTREPRENDRE ET PROTECTION DE LA SANTÉ

SECTION 1. LA LIBERTE D'ENTREPRENDRE : UN CONCEPT NON DEFINI PAR LE DROIT 6

I - Genèse de la liberté d'entreprendre : un acquis de la Révolution française (1789-1799) 7

A - Consécration juridique des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie 7

B - Objectifs et conséquences des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie 8

II - Portée juridique de la liberté d'entreprendre : une place importante dans la hiérarchie

des normes 9

A - La valeur juridique des libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie 9

B - Les rapports entre la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie ... 14

III - Contenu polysémique de la liberté d'entreprendre 17

A - Les bénéficiaires de la liberté d'entreprendre (conception restrictive) 17

B - Définition « stipulative » et composantes de la liberté d'entreprendre (conception large) 19

IV - Droit de l'Union européenne et liberté d'entreprendre 26

A - Principes généraux et droits fondamentaux rattachables à la liberté d'entreprendre 26

B - La place de la liberté d'entreprendre au sein du marché intérieur 28

SECTION 2. LA PROTECTION DE LA SANTE : UN CONCEPT EVOLUTIF 30

I - Evolution du concept de santé (conception large) 30

A - Evolution de la notion de santé : vers un élargissement de son champ d'application 31

B - Evolution de la place du patient : vers un modèle autonomiste 32

II - Portée juridique et contenu de la protection de la santé 33

A - Valeur juridique de la protection de la santé 33

B - Définition, composantes et bénéficiaires de la protection de la santé 35

III - Droit de l'Union européenne et protection de la santé 36

A - La protection de la santé face à la libre circulation des marchandises 36

B - La protection de la santé face à la libre circulation des personnes 37

LA PROTECTION DE LA SANTE COMME LIMITE A LA LIBERTE D'ENTREPRENDRE 38

189

PREMIÈRE PARTIE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ ET LES PERSONNES
UNE LIMITATION FONDÉE SUR LA QUALITÉ DES PERSONNES DANS LE CADRE DE
LEUR PARTICIPATION AUX ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES

PREMIER CHAPITRE

LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À L'EXERCICE
D'UNE PROFESSION : L'EXIGENCE DE QUALITÉS INHÉRENTES AUX PERSONNES

Section 1. Les limitations fondées directement sur les personnes dans le cadre des

professions réglementées en droit interne (accès et exercice) 44

I - Les limitations fondées sur la qualité ou le comportement des personnes (professionnels en

général) 44

A - La protection de la santé comme justification de conditions d'accès à une profession

attachées au statut et aux compétences des personnes 44

1 - Les conditions d'accès à une profession attachées au statut juridique des personnes 44

2 - Les conditions d'accès à une profession attachées aux compétences des personnes . 47

B - La protection de la santé comme justification d'interdictions d'exercice d'une

profession attachées au comportement des personnes 49

1 - Les interdictions d'exercice cumulatif de certaines professions du fait de leur incompatibilité et en prévention du comportement des professionnels : la question de

l'indépendance des personnes et des professions 49

2 - Les interdictions d'exercice d'une profession résultant de condamnations

disciplinaires ou pénales des professionnels 50

a - Les interdictions d'exercice prononcées par une juridiction disciplinaire ordinale

50

b - Les interdictions d'exercice prononcées par une juridiction en application de

dispositions pénales 51

II - Les limitations fondées sur la qualité de professionnel de la santé (médecins libéraux en

particulier) 52

A - La place particulière de la liberté d'entreprendre au sein de la médecine libérale 52

B - Les principales limites à la liberté d'entreprendre des médecins libéraux 54

1 - Les limitations intervenant directement dans le contrat médical 54

2 - Les limitations imposées par le principe de la permanence des soins 57

190

Section 2. Les limitations fondées directement sur les personnes dans le cadre de la libre

circulation au sein de l'Union européenne (établissement et prestation de service) 60

I - La libre circulation économique des personnes en mouvement au sein de l'Union

européenne : une mise en oeuvre de la liberté d'entreprendre 60

A - Les notions de liberté d'établissement et de libre prestation de service 60

B - Le régime global des libertés d'établissement et de prestation de service 62

1 - L'interdiction des entraves à la libre circulation et des discriminations tenant à la

nationalité des personnes : le socle minimal de garantie d'effectivité des libertés 62

2 - Harmonisations et reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles : vers

une facilitation de l'effectivité de l'exercice des libertés 62

II - Les limites à la libre circulation économique sous le prisme de la qualité des personnes 64

A - Les justifications des limites à la libre circulation économique des personnes 64

B - L'illustration des limites à la liberté de circulation économique sous le prisme de la

qualité des personnes 66

1 - La mise en cause de la compétence des personnes comme limite à leur liberté de

circulation économique 66

2 - La mise en cause de l'indépendance des personnes comme limite à leur liberté

économique de circulation 68

SECOND CHAPITRE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À LA LIBERTÉ
D'ENTREPRENDRE DANS LA CADRE DE LA RECHERCHE : LE PROBLÈME DE LA
QUALITÉ DE PERSONNE HUMAINE DU SUJET COMME MOYEN DE LA RECHERCHE

Section 1. Le cadre général actuel de la recherche biomédicale : un compromis entre liberté

d'entreprendre, progrès scientifique et protection du sujet 74

I - Les conditions préalables à l'entreprise - limitée - de la recherche biomédicale 74

A - La délimitation du champ d'application de la recherche biomédicale 74

1 - La définition de l'objet de la recherche biomédicale 74

2 - La définition des principaux acteurs de la recherche biomédicale 76

a - Le promoteur et l'investigateur entreprenant et mettant en oeuvre la recherche 76

b - Le sujet impliqué dans la recherche 77

B - Les conditions restreignant l'entreprise de la recherche biomédicale 78

1 - La réunion de conditions fondamentales tenant à l'objet de la recherche 78

2 - L'obtention d'un avis favorable et d'une autorisation administrative nécessaires à

l'entreprise de la recherche 79

191

3 - Les obligations d'information et de recueil du consentement du sujet impliqué dans

la recherche 79

a - L'obligation d'information préalable du sujet 79

b - L'obligation de recueil préalable du consentement du sujet 80

II - L'encadrement de la réalisation de la recherche biomédicale 81

A - Les conditions assurant la sécurité des sujets dans la réalisation de la recherche 81

1 - Les conditions humaines, matérielles et techniques de la réalisation de la recherche 81

2 - Les règles de vigilance, de sécurité et de bonnes pratiques 82

B - L'opposabilité du principe de gratuité de l'implication du sujet dans la recherche 83

1 - Le principe gratuité de la participation à une recherche biomédicale et ses

aménagements 83

2 - L'éventuelle interdiction de se prêter simultanément à plusieurs recherches 85

III - La fin de la recherche avant son terme justifiée par la protection de la santé 86

A - Les décisions d'arrêt de la recherche fondées sur la protection de la santé 86

1 - Les décisions d'arrêt de la recherche prises par le promoteur et l'investigateur 86

2 - Les décisions d'arrêt de la recherche prises par l'ANSM 87

B - Un régime de responsabilité du promoteur favorable au sujet en cas de dommage 87

Section 2. La réforme relative à la recherche impliquant la personne humaine : quel

compromis entre liberté d'entreprendre et protection des sujets ? 89

I - Le champ d'application de la recherche impliquant la personne humaine : un élargissement

comparativement à la recherche biomédicale 89

A - La notion englobante de recherche impliquant la personne humaine 89

1 - Une notion englobant les principales catégories de recherche sur la personne 89

2 - Une catégorisation des recherches impliquant la personne humaine fondée sur les

risques supposés et les contraintes encourus par les sujets 90

B - L'exclusion du champ de la liberté d'entreprendre des recherches impliquant la

personne humaine à finalité non commerciale 91

1 - L'identification des recherches à finalité non commerciale 91

2 - Les particularités du régime des recherches à finalité non commerciale : la prise en

charge financière de la recherche 92

II - Le régime de la recherche impliquant la personne humaine : un nouveau compromis entre liberté d'entreprendre et protection des sujets fondé sur le degré de risques et de contraintes

encourus par les sujets 93

A - Un élargissement des sujets pouvant être impliqués dans une recherche 93

B - Une graduation de la portée des obligations d'informations du sujet et de recueil de son

consentement fondée sur le risque et la contrainte 94

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE 96

192

SECONDE PARTIE
LA PROTECTION DE LA SANTÉ ET LES BIENS
UNE LIMITATION FONDÉE SUR LA NATURE ET LA DESTINATION DES BIENS DANS
LE CADRE DE LEUR COMMERCIALISATION

AVANTS PROPOS 98

I - Les concepts de sécurité sanitaire, de prévention et de précaution 98

II - Les principales institutions de sécurité sanitaire 99

PREMIER CHAPITRE

LA PROTECTION DE LA SANTÉ COMME FONDEMENT DES LIMITES À LA
COMMERCIALISATION DE BIENS DU FAIT DE LEUR NATURE

Section 1. L'interdiction de commercialisation fondée sur la dangerosité du bien pour la

santé ou sur sa provenance d'un corps humain 104

I - La mise hors du commerce juridique des choses substantiellement caractérisées par leur

dangerosité pour la sécurité et la santé des personnes 105

A - Les principaux fondements de la mise hors du commerce des produits dangereux 105

1 - La falsification d'un produit comme source de dangerosité du bien 105

2 - L'obligation générale de sécurité à la charge du professionnel 106

3 - Le pouvoir d'interdiction de commercialisation de l'administration 107

B - Inventaire indicatif des produits dangereux mis hors du commerce 108

1 - Les produits dangereux non consomptibles : une dangerosité dans des conditions

normales d'utilisation 108

2 - Les produits dangereux consomptibles : une dangerosité dans l'excès de

consommation 109

II - La mise hors du marché des éléments et produits du corps humain : l'éviction d`un risque

pour la santé des personnes 113

A - La détermination des éléments et produits du corps humain 114

B - Les principes généraux applicables au don et à l'utilisation des éléments et produits du

corps humain 114
Section 2. Le contrôle de commercialisation fondé sur les dépendances que peuvent créer

certains biens : l'exemple du tabac et des boissons alcoolisées 116
I - Les restrictions entourant la création d'un commerce de tabac et de boissons alcoolisées

118

193

A - Le monopole étatique de la vente au détail des tabacs manufacturés : une relative

remise en cause de la liberté d'entreprendre 118

1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de tabac inhérentes

à la qualité de la personne 119

a - Nationalité de la personne 120

b - Compatibilité et capacité de la personne 120

c - Formation de la personne 120

2 - La conclusion indispensable d'un contrat de gérance avec l'Etat 121

3 - Les restrictions relatives à la localisation du lieu de vente du tabac 121

a - Conditions d'implantation d'un débit de tabac 121

b - Revente et revendeurs de tabac en dehors d'un débit de tabac 124

B - Le contrôle administratif de la création d'un commerce de boissons alcoolisées : une

mise en oeuvre difficile de la liberté d'entreprendre 125

1 - Les conditions préalables à l'exercice de la profession de débitant de boisson

inhérentes à la qualité de la personne 126

a - Nationalité de la personne 126

b - Compatibilité et capacité de la personne 126

c - Formation de la personne donnant lieu à un permis d'exploitation 127

2 - L'obtention obligatoire d'une licence d'exploitation 127

a - Les différents types de boissons, d'établissements et de licences 127

b. Les conditions d'exploitation ou d'obtention de la licence 129

3 - Les restrictions relatives à la localisation du débit 130

a - Les limitations légales du nombre de débits de boissons imposées par le CSP 130

b - La création de zones protégées par le représentant de l'Etat dans le département

130

II - Les restrictions entourant la commercialisation du tabac et des boissons alcoolisées 132

A - Les conditions de commercialisation du tabac et des boissons alcoolisées 132

1 - Les obligations à la charge du fabricant 132

a - Les obligations en matière de composition du bien 132

b - Les obligations en matière de conditionnement du bien 133

c - La théorique libre fixation du prix de vente 134

2 - Les obligations à la charge du commerçant 134

a - Les obligations tenant au mode et au lieu de commercialisation des produits 134

b - Les obligations tenant à la détermination du prix de vente et à la vente à crédit 136

c - Les interdictions de commercialisation tenant à la qualité de l'acheteur 136

B - Les limitations à la publicité ou propagande en faveur du tabac et des boissons

alcoolisées 137

194

1 - L'interdiction de principe de la publicité ou propagande en faveur du tabac 137

2 - L'exhaustivité des situations autorisant la publicité ou propagande en faveur des

boissons alcoolisées 139

SECOND CHAPITRE
LA LIMITATION DU COMMERCE DE BIENS DANS LE CONTEXTE DE LA LIBRE
CIRCULATION DES MARCHANDISES :
L'EXEMPLE DES PRODUITS DESTINÉS À LA SANTÉ DES PERSONNES

Section 1. La protection de la santé comme motif effectif de dérogation à la libre circulation

des marchandises 145

I - Les fondements des dérogations générales à l'interdiction de mesures d'effet équivalent à

des restrictions quantitatives 145

A - Les exigences impératives d'intérêt général issues de la jurisprudence de la Cour de

Justice 145

B - L'article 36 du TFUE et le principe de précaution 147

II - Mises en oeuvre jurisprudentielles des dérogations fondées sur la protection de la santé :

une effectivité remarquable de ce motif dans un contexte libéral 149
Section 2. Les limites à la liberté d'entreprendre issues de règlementations harmonisées

encadrant le commerce des produits de santé destinés à l'homme 151

I - Les médicaments à usage humain : un contrôle fondé sur leur nature et leur destination 151

A - La nécessité d'une autorisation de mise sur le marché et la pharmacovigilance : des

contraintes de commercialisation élevées 152

1 - L'autorisation de mise sur le marché : une contrainte ante-commercialisation 152

2 - La surveillance et la pharmacovigilance : des contraintes durant la commercialisation

155

B - L'exploitation économique du médicament après obtention de l'autorisation de mise

sur le marché : un encadrement exigeant 157

1 - Les conditions de commercialisation des médicaments à usage humain 157

2 - Les limitations du monopole d'exploitation d'un médicament conféré par un brevet

159

II - Le principe de sécurité et la libre circulation des produits cosmétiques : un contrôle allégé

du fait d'une relative dangerosité et d'une destination esthétique 161

A - L'exigence d'une déclaration préalable et la cosmétovigilance en France 163

B - L'encadrement de l'exploitation économique du cosmétique par l'Union européenne

163

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE 165

195

CONCLUSION GÉNÉRALE 166

ANNEXES 169

ANNEXE N°1 TABLEAU DES PRINCIPALES ACTIVITES REGLEMENTEES 169

ANNEXE N°2 L'INDUSTRIE DU TABAC 170

ANNEXE N°3 LE CYCLE DU MEDICAMENT 173

ANNEXE N°4 SURVEILLANCE DES MEDICAMENTS 174

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE 176

DOCTRINE 176

JURISPRUDENCE 179

LÉGISLATION 184

SITES INTERNET 187

TABLE DES MATIÈRES 188






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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand