Première partie :
Généralités
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1.1 Introduction
1.1.1 Contexte et justification
Le Niger est un pays sahélien, avec une superficie de
1.267 .000 km2 dont les 2/3 sont désertiques. La
population est estimée à 15.203.822 habitants (INS, 2010) avec
une forte proportion de ruraux (83 %) et un croît annuel de 3, 3 %. Un
PIB par habitant de 141800 F CFA (284 $ US) en 2006 le place parmi les pays les
plus pauvres de la planète (Cabinet du premier ministre, 2008).
Le pays exploite de l'uranium dont le dynamisme du
marché a permis d'augmenter substantiellement les revenus d'exportation
entre 1975 et 1982. Malheureusement à partir de 1983 une longue
récession fait chuter le taux de croissance à moins de 0,4 %,
à la suite de la dégradation du marché de l'uranium et de
la baisse des revenus d'exportation qui en étaient tirés. Cette
situation a engendré la morosité de l'économie qui devait
de nouveau se baser sur le secteur rural : l'agriculture, l'élevage, la
foresterie et la pêche très dépendants des aléas
climatiques. Ce secteur qui participe au PIB pour environ 42,8 %,
représentant 16 % du volume des exportations et pourvoyant 90 % de la
population active (CNEDD, 2004) se plongeait déjà dans une phase
de régression marquée par une diminution considérable des
ressources disponibles soumises au double poids d'une démographie
galopante et des conditions climatiques critiques entrainant la pauvreté
de la population.
Dans ce contexte de paupérisation où le poids de
la dette constitue une contrainte majeure et où les performances de
l'économie reposent essentiellement sur un secteur rural en
difficulté, la gestion de l'environnement, que l'on associe à la
sauvegarde du capital-ressources, devient économiquement une
priorité majeure : Le prélèvement excessif de bois
énergie combiné à l'extension de nouvelles terres de
cultures engendrerait au Niger une perte annuelle des superficies
forestières de l'ordre de 150.000 à 200.000 ha (Hamidil,
2004).
Dès lors d'importantes réflexions agronomiques
sont entamées dont spécifiquement l'engagement de Maradi sur la
lutte contre la désertification en 1984 et une étude
économique des filières bois énergie
réalisée la même année par le projet IDA/FAC/CCE qui
seront le point de départ de la conception de la Stratégie
Energie Domestique (SED).
Cependant la superficie du couvert forestier national n'est
pas connue avec exactitude : en 1984 le Projet Utilisation des Sols Forestiers
(PUSF) la située à 13 millions d'hectares ; par contre la FAO
(1996) in (Hamidil, 2004) a estimé que les ressources
forestières couvraient
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une superficie comprise entre 10 et 16 millions d'hectares en
1996, représentant 02 % du territoire dont 600.000 ha de forêts
classées, 4.400.000 ha de formations forestières
aménageables et 11.000.000 ha de terres forestières dites
marginales.
Le Projet d'Aménagement des Forêts Naturelles
(PAFN) note que les formations forestières couvrent 05 millions
d'hectares en 2006 et fournissent 87 % des besoins énergétiques
nationaux ainsi que 96,4 % de la consommation énergétique des
ménages.
Le Plan National de Lutte Contre la Désertification
(PNLCD) situait en 1991 la demande nationale en bois-énergie à
3,1 millions de tonnes, soit environ 12,916 millions de stères en l'an
2000 et environ 4,248 millions de tonnes, soit une projection de 17,7 millions
de stères en 2010 (CNEDD, 2003).
L'ampleur de la pauvreté estimée à 62,1 %
en 2005 (cabinet du premier ministre, 2008) pousse des populations de
plus en plus démunies à dégrader les ressources
forestières qui parfois sont la seule source de revenu monétaire
en zone rurale.
Le chiffre d'affaires annuel de la filière bois est
estimé à 3,75 milliards CFA pour la seule ville de Niamey dont
0,5 milliards à la production (Montagne et Hamadou, 2006). Vu les sommes
générées, les enjeux sont plus qu'importants d'où
un regard de l'Etat en vue de mieux répartir les bénéfices
liés à cette filière mais aussi et surtout de garantir une
gestion durable des écosystèmes forestiers en les
préservant d'une exploitation minière.
Aussi, pour inverser la tendance à la
dégradation des formations forestières l'Etat a initié
depuis les années 80 une politique de préservation de
l'environnement où les communautés villageoises sont
responsabilisées dans la gestion des ressources naturelles de leur
terroir. Cela marque la naissance des premières coopératives
forestières (Guesselbodi entre 19861987 grâce au PUSF) qui sont
des organisations inter villageoises qui s'appuient sur des plans
d'aménagement forestier légers pour valoriser les ressources
naturelles situées sur leur portion de territoire notamment le potentiel
ligneux producteur de bois énergie dont la demande croît à
un rythme exponentiel.
D'ailleurs le bilan entre l'offre et la demande de bois
énergie à l'échelle du pays était négatif
avec un déficit de 488.000 tonnes en 1989, passant à 1.648.000
tonnes en l'an 2000 et pourrait se situer autour de 3.024.000 tonnes à
l'horizon 2010 (Laouali, 1999).
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Les besoins énormes des populations urbaines en bois
énergie combinés à la paupérisation des ruraux vont
davantage augmenter la pression sur les formations forestières dont la
part à la satisfaction du besoin global passe de 77 % en 1989 à
47 % en 2000 ; les projections étaient de l'ordre de 29 % en 2010 (
Laouali, 1999 ) donc toute chose égale par ailleurs environ 71 % de la
demande nationale en bois énergie devront être couverts sous autre
forme que par la biomasse traditionnelle.
Face aux insuffisances des coopératives
forestières et la demande vertigineuse de bois énergie surtout
dans les centres urbains qui ne pourrait être satisfaite autrement que
par la destruction des formations ligneuses, l'Etat Nigérien s'est
engagé dans une nouvelle politique forestière qui allie
production et prélèvement en concert avec les populations
riveraines des forêts pour une gestion durable des ressources naturelles.
C'est l'approche Stratégie Energie Domestique (SED) qui s'impose
d'ailleurs car toutes les études ont montré que le bois restera
le combustible le moins cher accessible simultanément pour les ruraux et
les citadins. La SED a été mise en oeuvre de 1989 à 1998
par le Projet Energie II (PED II). Elle est axée sur quatre fondements :
le Schéma Directeur d'Approvisionnement en bois des centres urbains
(SDA); la réforme de la législation sur le bois ; la Structure
Locale de Gestion (SLG) des forêts et des marchés ruraux de bois
énergie puis le renforcement du contrôle forestier et le suivi
administratif. Elle s'appuie sur des mesures techniques, réglementaires
et législatives dans l'optique d'organiser les ruraux et leur
transférer le pouvoir de gestion de leurs forêts d'une part (volet
Offre) et d'économiser le bois énergie voire le remplacer
à la longue par des substituts accessibles et acceptables (volet
Demande).
A partir de 1999 le Projet Aménagement des Forêts
Naturelles (PAFN) s'est approprié de cette stratégie à
travers une extension des types de formations mises sous aménagement en
incluant les doumeraies, les gommerais, la prise en compte de la composante
pastorale dans les aménagements et la simplification
méthodologique (inventaire et élaboration des quotas). Ainsi pour
l'approvisionnement de la ville de Niamey, plusieurs terroirs villageois
situés dans les communes de Kollo, Say et Téra ont fait l'objet
d'un plan d'aménagement forestier suivi de formations tant au niveau des
SLG, des commerçants-transporteurs de bois, des autorités
communales que des agents chargés du contrôle forestier.
A partir de 2007, à la faveur du processus de
décentralisation en cours depuis 2004, le Projet de Gestion
Forestière Communale et Communautaire (GESFORCOM) dont l'objectif est
d'accompagner les entités décentralisées dans la gestion
des ressources forestières, a initié une approche schéma
d'aménagement forestier à une échelle communale. Le
schéma est un
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document de planification élaboré par les
acteurs impliqués dans la gestion des ressources forestières sous
l'égide de l'administration communale. Il est un instrument de travail
qui comporte des mesures techniques, administratives, économiques,
fiscales et sociales visant l'exploitation durable des ressources
forestières en conformité avec le cadre juridique national. Il
définit les grands axes d'orientation et les actions à mettre en
oeuvre pour améliorer la gestion. Les acteurs de mise en oeuvre sont
identifiés et la responsabilité de chaque acteur y est
définie.
Les projets Energie II, PAFN (Projet Aménagement des
Forêts Naturelles) et très récemment GESFORCOM ont
effectivement, à travers la SED, mis l'accent sur l'amont de la
filière bois-énergie avec beaucoup de réalisations qui ont
été capitalisées ; cependant les questions qui se posent
vingt ans après la mise en oeuvre de cette stratégie sont
relatives à la filière avale alors même que la
durabilité des acquis commence à susciter des interrogations.
Le diagnostic effectué par Gesforcom en 2007 a conclu
que le contrôle forestier qui est la charnière centrale du
dispositif a connu un relâchement engendrant un dysfonctionnement de la
filière : 5 % des SLG seulement respectent les normes techniques dans la
commune de Torodi et les commerçants transporteurs de bois
énergie ne s'inscrivent plus dans l'esprit de la SED en approvisionnant
la ville de Niamey avec du bois vert ou du bois provenant des marchés
parallèles. Selon les même travaux, le flux de bois de la Commune
de Torodi vers Niamey est de 297 590 stères en 2007; Les statistiques
forestières au cours de la même période établissent
à 158 430 stères la quantité de bois taxée soit un
gap théorique de l'ordre de 140 000 stères (47%) de bois non
taxé qui proviendrait essentiellement des transports clandestins et
surtout des chargements hors gabarit des camions qui ont des taux de
remplissage rarement en dessous de 100 %, le surplus étant
exempté de paiement de la taxe. Ceci dénote des insuffisances du
contrôle.
Pour contribuer à la réflexion globale sur la
SED, un sujet intitulé : Mise en oeuvre de la Stratégie
Energie Domestique : Etat des lieux de la consommation des ménages en
énergies domestiques dans la ville de Niamey (Niger) a
été initié.
Ce document de mémoire traitera des acquis en aval
notamment la situation des énergies domestiques alternatives et des
équipements de cuisson à économie d'énergie selon
la structuration suivante : Généralités -
Présentation de la structure d'accueil et de la zone d'étude -
Méthodologie - Résultats et discussion puis les
recommandations.
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