2. Analyse des résultats
Ø Analyse des données issues de
l'enquête
L'analyse de ces données nous permet de tirer certaines
conclusions :
o Des questions 1et 2, nous déduisons que la
majorité des journalistes des radios communautaires ont accès aux
informations de la mairie et qu'ils arrivent à dénoncer les
malversations et fraudes des dirigeants locaux.
o Des questions 3 et 4, nous retenons que ces journalistes et
même la radio, reçoivent constamment des menaces. Parmi ces
journalistes, il y en a qui ont même déjà été
victimes de ces menaces. L'hypothèse n°1 est donc
vérifiée ;
o Des questions 5 et 6, nous apprenons que les journalistes
ont une connaissance de la décentralisation et qu'ils maitrisent
même ces textes.
o De la question n°7, une majorité des
journalistes de la radio Ilèma n'a pas reçu des formations dans
le domaine de la décentralisation. L'hypothèse n°2
est aussi vérifiée ;
o Des questions 8, 9 et 10, nous déduisons que la
majorité des radios communautaires n'ont pas initié des
émissions sur la décentralisation car, ils manquent de
partenaires et cela motive peu leurs journalistes à initier des
émissions. L'hypothèse n°3 est aussi
vérifiée ;
o De la question n°11 : les journalistes affirment
que les populations ne suivent pas avec intérêt les
émissions sur la décentralisation.
Ø Analyse des données issues des
entretiens
Les entretiens ont servi à recueillir les avis
des professionnels des médias communautaires, des journalistes de la
radio Ilèma et ceux d'autres radios communautaires. Cette analyse est
une synthèse.
Nous avons jugé utile de vous présenter
certaines déclarations qui nous ont semblé importantes.
Question : Comment voyez-vous votre
contribution à l'enracinement de la
décentralisation ?
Réponse
1 : (Journaliste de la radio Ilèma)
« Les radios communautaires sont
incontournables pour la réussite de la décentralisation. Elles
sont indispensables et nécessaires pour l'enracinement de ce processus.
Mieux que tout, elles sont un vecteur de communication et donc servent de
courroie de transmission. On ne peut aujourd'hui vouloir d'une bonne
décentralisation sans faire recours aux radios communautaires.
Par leur voix, les journalistes de ces radios
apportent l'information et sont écoutés par leurs auditeurs
locaux. Du moment qu'ils s'adressent directement à la communauté
dans les langues locales, ils sont alors les plus écoutés.
Vouloir donc de l'enracinement de la décentralisation sans passer par
la radio communautaire serait sans grand résultat. »
Réponse 2 : (Journaliste
de la radio Idadu Fm à Savè)
« La radio communautaire joue un grand
rôle pour la réussite de la décentralisation. Nous sommes
dans un monde rural et c'est grâce à la radio que la population
est informée et donc éveillée. Ceci dit, c'est à la
radio communautaire qu'il revient de faire comprendre à la population
rurale l'apport de la décentralisation pour le développement de
leur commune.
Nous devons, vu la place combien importante que nous occupons
dans l'univers médiatique béninois, être le canal par
lequel les autorités locales informent la communauté sur leur
gestion du bien public. Par notre voix, les populations pourront
dénoncer ce qui ne va pas dans la commune. Nous mêmes devons faire
preuve d'éthique et de moral pour situer les responsabilités de
chacun. Cela nous permettra de contribuer tous à l'édification de
nos cités.
Amener par exemple la population à comprendre que payer
l'impôt est un devoir du citoyen et donc celui qui paie son impôt
participe au développement de sa cité. C'est une lourde
tâche mais nous devons y arriver pour l'enracinement de la
décentralisation. »
Les radios communautaires doivent contribuer à
l'enracinement de la décentralisation dans nos communes. Ceci pour bien
des raisons valables puisqu'elles sont plus proches des populations rurales qui
sont les plus concernées quand on parle de décentralisation. Les
radios communautaires sont les compagnons de ces populations même quand
elles sont dans les champs ou au marché. Ceci est d'autant plus normal
car, elles interviennent directement dans les langues locales.
Cependant, dans les rédactions, la
réalité est toute autre. Il n'y a pas d'émissions sur la
décentralisation et donc on n'en parle même pas dans les
rédactions. Plusieurs raisons expliquent cet état de chose.
La première, ce sont les menaces constamment
reçues par les journalistes et la radio communautaire même. Il y a
des journalistes qui ont déjà subi ces menaces ainsi que des
radios qui ont déjà été une fois traduites devant
la justice. Ceci pour avoir fait des émissions qui sont
soupçonnées de règlement de compte ou d'abus de pouvoir
par les autorités locales.
Ces menaces qui pèsent sur les journalistes font que
ces derniers n'ont pas toujours l'audace de dénoncer ce qui va mal ou de
faire les investigations sur des sujets jugés tabous dans la commune.
D'autres ont même dû laisser des émissions
qu'ils faisaient car, ce n'étaient pas du goût des
autorités qui les menaçaient souvent. C'est le cas de
l'émission `'ça pas bon'' d'un
journaliste en langue locale de la radio Ilèma diffusée tous les
mercredis de 9 heures45minutes à 10 heures. Depuis quelques temps, ce
journaliste n'anime plus cette émission parce que les menaces devenaient
trop.
La seconde raison qui sous-tend cela est le manque de
formation de ces journalistes. La plupart de ces journalistes n'ont pas
reçu de formation dans le domaine de la décentralisation. Ce qui
fait qu'ils ne sont pas assez outillés voir pas du tout pour en parler.
Eux mêmes ne maitrisent pas les textes de la décentralisation et
donc ne peuvent pas en parler. Ils n'appréhendent pas encore si bien
leur rôle à l'enracinement de la décentralisation.
L'autre raison qui est évoquée, est le manque de
partenaires pour ces radios communautaires. Cela ne les encourage pas à
initier des émissions sur la décentralisation. A radio
Ilèma, plusieurs émissions initiées par les journalistes
et animateurs ne se poursuivent plus puisque ces journalistes n'ont pas des
partenaires qui les accompagnent souvent. Quand on fait une étude de
leur grille de programmes, on constate qu'il y a beaucoup d'espaces qui ne sont
plus pas utilisés. Quand par hasard, il y a des partenaires qui
viennent, on ressuscite certaines émissions mais ça ne durent
pas.
Cependant, la population a le droit d'avoir les informations
nécessaires sur la décentralisation. Même si cette
population ne s'intéresse pas trop à la question, elle reste et
demeure quand même l'acteur principal de ce processus. En tant que radio
communautaire qui sert cette communauté, la radio devrait être
leur porte-voix en matière d'information. Le fait qu'elle n'ait pas
beaucoup de moyens pour mieux se lancer dans ce processus ne doit pas
être un frein pour elle.
La radio Ilèma a été créée
avec l'aide de la population qui écoute ses émissions. Pour elle,
la radio leur appartient. Ceci dit, seule cette radio peut amener cette
population à se réveiller et à comprendre que la
décentralisation est un chemin qui peut conduire à la
démocratie, la bonne gouvernance, le
développement durable.
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