1.3.3 Tolérance des plantes
aux fortes concentrations en ETMs dans le sol
La tolérance aux ETMs est l'aptitude
qu'ont certaines plantes à se développer dans un environnement
dont la teneur en ETMs est toxique pour d'autres plantes (Macnair, 1990). Cette
adaptation des métallophytes à des concentrations
élevées en ETMs est couplée au développement des
mécanismes de tolérance à ces conditions adverses
où les autres espèces des plantes ne survivent pas. La
tolérance aux ETMs a été observée chez les
nombreuses espèces poussant sur les sites métallifères.
Elle est acquise en réponse à des concentrations excessives des
ETMs dans les sols. En général, elle est spécifique
à un ETM, mais la multi tolérance a été aussi
fréquemment observée (Macnair, 1987)
Selon Baker et al. (1998), la tolérance
s'exprime par l'exclusion et la détoxication ou la tolérance
biochimique.
? L'exclusion est la restriction du
prélèvement racinaire ou la limitation du transport vers les
parties aériennes. Elle reposerait sur différents
mécanismes comme : l'immobilisation des éléments dans
la paroi cellulaire, la compléxation par les exsudats racinaires, le pH
à la membrane plasmique
? La détoxication est une
tolérance interne qui protège la plante contre
l'altération des
Cellules. Les métaux sont détoxiqués dans
le cytoplasme par chélation avec les acides organiques ou des
protéines et compartimentés avec passage dans la vacuole. Les
plantes peuvent produire une grande variété des composés
complexant en présence des concentrations excessives des ETMs (acides
aminés, acides citriques, acides maliques, phytochélatines...).
Les phytochélatines seraient essentiels dans la réduction de la
toxicité des ETMs dans le cytoplasme. Il s'agit des
métallothionéines, cadystines, phytochélatines,
ã-glutamyl métal binding peptid... Ces substances sont
synthétisées à partir du glutathion par une enzyme, la
ã-glutamyl cystéine dipeptide transpeptidase.
Le prélèvement des ETMs peut différer
selon les différents génotypes des plantes, en relation avec la
concentration du métal dans le sol. Trois grandes stratégies
existent (fig.1-3):
· Certaines plantes dites exclueuses
prélèvent très peu d'ETMs, même quand elles
sont exposées à des concentrations élevées dans le
sol. Ces plantes possèdent les barrières empêchant le
prélèvement. Mais quand les concentrations en ETMs deviennent
trop élevées, ces barrières perdent leur
efficacité, probablement à cause de l'action toxique des ETMs
· D'autres dites accumulatrices
présentent des fortes concentrations des ETMs même à des
très faibles concentrations des ETMs dans le sol. Ces plantes
présentent certains mécanismes de détoxification dans
leurs tissus, qui leur permettent d'accumuler les ETMs. Toutefois, lorsque la
concentration des ETMs augmente dans le sol, ces plantes n'augmentent plus leur
prélèvement à cause de la compétition entre ions
métalliques pour les sites de prélèvement.
· Les dernières dites
indicatrices ont des concentrations en ETMs dans leurs tissus
qui reflètent la concentration du métal dans les sols et qui
augmentent de façon linéaire avec elle.
Fig. 1-3 Réponse des
plantes à la présence des fortes concentrations des ETMs dans le
sol. (Adapté de Baker et Walker, 1989b)
Les mécanismes physiologiques et moléculaires de
la tolérance aux ETMs sont variés. Les principaux consistent
en :
· La chélation d'ions métalliques par des
ligands spécifiques de forte affinité
(métallothionéines et phytochélatines) et
séquestration dans la vacuole ;
· La biotransformation de l'ion métallique en une
forme moins toxique ;
· Les mécanismes de réparation
cellulaire ;
A ces mécanismes écophysiologiques, il faut
également ajouter des modifications de nature morphologique telles que
démontrées dans une étude comparative de 3 espèces
africaines du genre Silene (Baker et al, 1983).
Parmi les plantes accumulatrices, certaines le sont pour un
élément spécifique, et d'autres ont tendance à
accumuler plusieurs éléments. Citons le cas de certaines
espèces dites hyperaccumulatrices qui colonisent les
sites miniers et qui présentent des teneurs en ETMs de 1 à 25%
sur la base de la matière sèche (Schwartz, 1997).
Les plantes hyperaccumulatrices ont une production de biomasse faible car
elles utilisent leur énergie dans les mécanismes de
défense face à ces hautes concentrations des ETMs dans les tissus
(Prasad et Hagemeyer, 1999).
On notera cependant que ces plantes hyperaccumulatrices sont
très rares dans la nature (une seule espèce connue en 1998 dans
le monde pour le cadmium, 28 pour le cobalt, 37 pour le cuivre, 14 pour le
plomb, 9 pour le manganèse, 317 pour le nickel et 11pour le zinc) (Baker
et al., 1998 ; Reeves et Baker, 1998)
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