4. LA TITRISATION
Dans sa définition étymologique, le terme
titrisation ou «
Securitization55 »
est un néologisme apparu en France à la fin des
années 1980 à la faveur de la loi n° 88-1201 du 23
décembre 1988 portant création des FFC.
Plusieurs types de créances peuvent faire l'objet de
titrisation56. Mais ce marché est principalement
composé « d'Asset Backed Securities »
(ou titrisation de prêts à la consommation-ABS), de
« Collateralized Debt Obligations » (ou
titrisation de prêts ou d'obligations d'entreprises-CDO), de
« Residencial Mortgage Backed Securities »
(ou titrisation de prêts immobiliers-RMBS).
La titrisation est une technique de «
l'ingénierie financière »57 qui
consiste à transformer une créance en titre58. Elle
est née aux Etats-Unis dans les années 1960 et avait pour but de
relancer le financement de l'immobilier résidentiel qui se trouvait
inadapté en raison, d'une part, du niveau élevé du taux
d'intérêt et, d'autre part, du plafonnement de la
rémunération des dépôts soumis à la
« règlementation Q
»59. Selon, les
professeurs Thierry GRANIER et Corynne JAFFEUX,60
le terme « titrisation » vient du mot titre
qui est une valeur mobilière, émise par des personnes morales,
publiques ou privées, et qui confèrent des droits
d'associés ou de créanciers identiques pour une série
donnée de telle sorte que ces titres, d'ailleurs négociables
suivant les modes du droit commercial61, sont susceptibles d'un
marché et d'une cotation collective, à savoir la cotation en
bourse.
Ainsi, la titrisation repose sur l'émission et la
gestion de titres. Ils représentent des droits des agents
économiques sur des objets réels ou financiers. En ce sens, ils
sont
55 HUTIN (H), Toute la finance, Eyrolles,
3ème édition, Paris 2008, P. 5.
56 De KERGOMMEAUX (x) ET Van GALLEBERT (C), « Les
nouvelles catégories d'actifs titrisés », Banque Magazine,
n°638, juillet-août 2002, PP. 29-36.
57 Cette expression est reconnue à Jean-Marc MOULIN
dans son ouvrage, Le droit de l'ingénierie financière,
3e Ed. Gualimo, Paris 2009.
58 GRANIER (T) et JAFFEUX (C), La titrisation, aspects
juridique et financier, 2ième édition, Economica,
P.9.
59 Idem. P. 13.
60 Ibid. P. 9.
61 Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des
sociétés commerciales et aux groupements d'intérêt
économique, J.O OHADA n°2 P. 528.
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Les mécanismes de gestion de la dette publique
intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
représentatifs de créances et de dettes et donc
un support essentiel de financement de l'économie62. Selon
Margarida ABREU, il existe des titres négociables
(très liquides) et des titres non négociables peu
liquides.63 Les titres négociables sont des titres qui
peuvent être cédés à un tiers sur un marché
secondaire. Il s'agit : des obligations et des actions64.
Les actions représentent des titres de
propriété sur une partie du capital social des
entreprises65 qui les ont émises. Elles constituent des
valeurs à revenu variable. Car les actionnaires reçoivent une
fraction des bénéfices des entreprises appelés
dividendes66, dont le montant dépend des résultats des
entreprises émettrices et des choix des dirigeants concernant leur
distribution.
Les obligations quant à elles, ne constituent pas des
titres de propriété, mais simplement des titres
représentatifs de créances à long terme. Le
souscripteur67 prête son argent à une entreprise
privée sous forme sociétaire, à une entreprise publique ou
à l'Etat qui émet un emprunt à long terme (7 à 15
ans en général) et devient ainsi son
créancier68. Aussi, en attendant le remboursement de son
prêt, prévu à une certaine échéance, il est
rémunéré par des intérêts
déterminés lors de l'émission obligataire
c'est-à-dire par les obligations. L'utilisation des obligations dans le
cadre de la titrisation de la DPI du Cameroun fait suite à deux raisons.
D'une part, au regard du caractère souverain de l'Etat69
camerounais est souverain, et d'autre part, compte tenu de la portée et
de l'implication des actions, nul ne peut être actionnaire d'un Etat.
62 Rapport non publié du secrétariat
d'Etat du MINFI sur la stratégie de traitement de la dette
intérieure du Cameroun, Mars 1992, P. 20.
63 PHILIP (L) (S. Dir.) « Finances des personnes morales
de droit public», Dictionnaire Encyclopédique Des Finances
publiques, éd. Economica, 1991, Tome 2, P. 1508.
64 Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des
sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique, op.cit., P. 531.
65 Idem.
66 Ibid.
GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des termes
juridiques, P. 263.
67 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, P. 675.
68 Ibid. P. 215.
69 Art. 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996,
op.cit.
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intérieure du Cameroun : le cas de la titrisation
Dans le lexique des termes juridiques70, la
titrisation est définie comme étant le processus de
« conversion en titres négociables des créances
de prêts détenus par un établissement de crédit ou
la caisse de dépôts et consignations au moyen de leur cession
à un fonds commun de créance71 ; qui émet, en
contrepartie, des parts représentatives desdites créances, ces
parts sont offertes aux investisseurs comme valeurs mobilières sur le
marché financier ».
Selon le décret n° 94/611/PM du 30 décembre
1994 portant règlementation de l'émission et de la gestion des
EPN, trois types de valeurs mobilières, appelées effets publics
négociables peuvent être émises72 en
échange des titres de créances sur l'Etat ou qui
bénéfice de sa garantie. Il s'agit des Obligations du
Trésor à Coupon Zéro (OTZ)73, des Obligations
Ordinaires du Trésor (2OT)74 et des Bons du Trésor
(BOT)75. L'émission de chacune de ces valeurs obéit
à un régime juridique bien déterminé.
Les OTZ sont émises pour les dettes de l'Etat à
l'égard de ses créanciers autres que les établissements de
crédits et d'assurance sur la base d'un procès verbal
confirmé par un cabiné d'audit. Elles sont émises pour une
durée de 2 à 12 ans sauf pour les créances d'un montant
inférieur ou égal à dix millions de francs CFA dont la
maturité oscille entre 2 et 5 ans76 pour un taux
d'intérêt annuel de 3% payable en même temps que le capital
à échéance. Les 2OT sont émises pour les dettes de
l'Etat à l'égard des établissements de crédit et
d'assurance dans les mêmes conditions que les OTZ. Elles ont une
maturité de 12 ans. Le taux d'intérêt servi est celui du
marché ou du moins ne peut être supérieur à celui du
marché. Les intérêts des 20T
70 GUILLIEN (R), VINCENT (J) et les autres, Lexique des
termes juridiques, P. 709.
71 Ibid. P. 337.
72 Art3 du décret n° 94/611/PM portant
règlementation de l'émission et de la gestion des effets publics
négociables du 30 décembre 1994, op.cit.
73 Titre remboursable en un seul versement qui
donne lieu au paiement périodique d'intérêts pendant sa
durée de vie il est vendu en dessous de sa valeur nominale son rendement
étant intégralement payé à
l'échéance. La différence entre le prix d'émission
et la valeur faciale ou de remboursement tient compte du taux tient compte du
taux d'intérêt du marché au moment de l'émission et
du délai restant à couvrir jusqu'a l'échéance. La
prime par rapport à la valeur faciale ou de remboursement est d'autant
plus importante que l'échéance est longue et le taux
d'intérêt élevé. Cf. CAA : Dette publique et
publiquement garantie du Cameroun, portefeuille au 31 décembre 2010, et
analyse de la viabilité. P. 84.
74 Art 8 du décret n° 94/611/PM op.cit.
75 Idem Art 12.
76 Ibid. Chapitre II.
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sont payables semestriellement à terme échu et
le principal est payable en même temps que la dernière
échéance des intérêts77.
Les BOT sont émis au profit des agents
économiques, notamment les investisseurs institutionnels, les
entreprises et les ménages. Ils bénéficient d'un
régime juridique distinct de celui des OTZ et des 2OT. En effet, les BOT
destinés aux investisseurs institutionnels78
présentent quelques spécificités par rapport à ceux
destinés aux agents économiques autres que les
établissements de crédit, les compagnies d'assurance et les
caisses de compensation. Les bons destinés aux investisseurs
institutionnels ont une valeur faciale qui est le multiple de dix millions
(10.000.000) avec un plafond fixé à cinq cent millions
(500.000.000) de francs CFA susceptibles d'être modifié par
arrêté du Ministre en charge des finances (MINFI) qui fixe
également les taux d'intérêt rémunérant ce
type de bons sur proposition du Comité de gestion des effets publics
négociables79. Ces intérêts sont payables
semestriellement à terme échu et le principal en une seule fois
à leur maturité80.
Les bons du Trésor destinés aux agents
économiques autres que les établissements de crédit, les
compagnies d'assurance et les caisses de compensation peuvent s'obtenir
auprès des guichets du Trésor et des intermédiaires
financiers agréés encore appelés spécialistes en
valeur du Trésor (SVT). La valeur faciale est le multiple de cinquante
mille (50.000) francs CFA et les taux d'intérêt sont par
contingent d'émission par arrêté du MINFI81. La
durée des BOT varie de trois à dix ans. La gestion et le paiement
des effets publics négociables (EPN) sont garantis par l'Etat.
Ces titres peuvent être librement négociés
sur les marchés monétaires et financiers82. Le
placement des effets publics négociables se fait par le truchement des
agents du trésor public et les intermédiaires financiers
agréés83.
77 Chapitre III.
78 Art 13.
79 Chapitre V.
80 Art. 13.
81 En d'autres termes, c'est le MINFI qui
détermine le taux d'intérêt de rémunération
des BOT.
82 Art 2.
83 Art 6-1 de la loi n° 99/015 du 20 décembre 1999
portant création et organisation d'un marché financier.
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Pour la Caisse Autonome d'Amortissement
(CAA)84, la titrisation telle
qu'appliquée au Cameroun en matière de gestion de la DPI
consiste, à « échanger les créances que
détiennent les opérateurs économiques contre les titres
négociables sur le marché. »
Au sortir de ces différentes définitions, le
thème qui est "Les mécanismes de gestion de la dette
publique intérieure du Cameroun, le cas de la titrisation"
doit se comprendre : l'ensemble des stratégies
de traitement des arriérés et d'emprunts de l'Etat du Cameroun
par le biais de la titrisation.
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