Les commémorations du 11 novembre en Belgique francophone pendant l'entre-deux-guerres. Les cas de Bruxelles, Liège et Mons( Télécharger le fichier original )par Emeline WYNANTS Université de Liège - Master en histoire 2012 |
2.9.3.2.1.3.2 1935 et le souvenir britannique.La présence britannique lors des cérémonies commémoratives est une spécificité montoise.688(*) 1935 marque une fois de plus une célébration particulière pour les deux nations. En effet, à l'occasion du jubilé d'argent du roi George V et de la reine Mary - souverains britanniques-, les Anciens Combattants de Mons organisent une fête solennelle tout à fait particulière. Le but était de remettre au roi une urne en argent - représentant le Beffroi de Mons- contenant de la terre prélevée sur les tombes des Soldats Britanniques dans la région, et ce en suivant un cérémonial très précis. Notons, tout d'abord, que la cérémonie n'a pas lieu à proprement parler le jour de l'Armistice puisqu'elle a lieu les 2 et 3 novembre 1935. Cette cérémonie se découpe donc en plusieurs temps : le 2 novembre correspond à la partie religieuse de cette célébration intitulée « Le Souvenir Britannique ». D'abord, une messe de requiem est célébrée à la collégiale Sainte-Waudru suivie d'un office au temple protestant. La reconnaissance envers les Britanniques est si importante aux yeux de la population montoise que cet événement a droit à une triple page de comptes rendus, avec de nombreux détails tels que la présence d'un catafalque recouvert de voile noir, orné d'une croix d'or et retenu par quatre cierges au pied de l'autel de la collégiale. 689(*) Suite à cette partie religieuse, les participants se rendent au cimetière de Mons pour procéder au prélèvement de la terre sacrée690(*). Ce prélèvement fut organisé comme suit : au pied de l'immense Croix du Sacrifice, dix enfants - garçons et filles- tiennent chacun une urne de cuivre constituée par une douille d'obus anglais. Après un discours prononcé par l'aide de camp du roi, discours qui rappelait les premiers jours de guerre et le courage des soldats britanniques, l'on procède à une minute de silence au son des clairons militaires. S'avancent, alors, les présidents ou représentants mandatés des Associations Patriotiques et d'Anciens Combattants, chacun ayant pour mission de remplir l'une des dix urnes à l'aide d'une cuillère en argent. Ensuite, le contenu des dix urnes fut déversé dans une plus grande urne enveloppée du drapeau tricolore. L'honneur fut laissé à un Ancien Combattant de la porter jusqu'à l'hôtel de ville où attendait, en reproduction, un Beffroi d'argent dans la salle de la Toison d'Or. 691(*)Ce Beffroi d'argent est l'urne destinée au Roi George V. Le lendemain, à 13h, un cortège se forme autour du monument élevé à la mémoire des Montois morts pour la Patrie. Les urnes contenant la terre692(*), posées devant le monument, seront fleuries par les diverses associations patriotiques au son du Dernier Adieu et du Last Post . A 13h30, le cortège se met en branle et prend la direction de la Grand'Place. A 14h20, le comte de Flandre prend place à la tribune. Débute, alors, la partie principale de la cérémonie. Le colonel Demart- président du comité du souvenir britannique- prend la parole pour remercier le frère du Roi d'honorer la cérémonie de sa présence. Il rappelle ensuite les hauts faits britanniques dans la région avant d'expliquer le choix de la reproduction du Beffroi. Ce dernier a été témoin des quatre années d'horreur, il accompagna la marche des libérateurs. Il symbolise la liberté et les vertus des aïeux, les Anciens Combattants ont pensé que sa réplique en argent pourrait devenir l'intermédiaire, auprès des souverains britanniques, de leurs sentiments. Retentissent alors la Marche Funèbre de Chopin et le bourdon du Beffroi qui signalent le scellement du Beffroi d'argent. Cette urne reçoit la bénédiction du curé de la collégiale Sainte-Waudru- et du pasteur anglican. Le ministre de la défense nationale, Albert Devèze intervient alors pour exprimer toute sa gratitude envers l'armée britannique en passant en revue les faits d'armes dont la région de Mons s'est illustrée. Le dernier discours est celui de l'ambassadeur d'Angleterre à Bruxelles. Dans ce dernier, il remercie intensément la Belgique pour ce gage de reconnaissance. Outre la reconnaissance, il parle aussi de la transmission du souvenir par ces mots : « Le souvenir de ce sang versé nous unit et nous unira toujours, et ce modèle, rappelant toute cette jeunesse anglaise tombée sur le champ d'honneur, jeunesse dont vous avez été à la fois les hôtes hospitaliers et les valeureux camarades d'armes, en revêt un caractère particulièrement précieux. La terre que contiennent ces urnes, terre pieusement recueillie sur les tombes de nos morts par les mains d'une génération ignorante des horreurs de la guerre est aussi sacrée pour nous que pour vous-mêmes ».693(*) Après cette série de discours, les hymnes nationaux belges et anglais retentissent et le cortège passe solennellement devant l'urne sacrée avant de se diriger au Square du Château. C'est à cet endroit que se trouve le Beffroi, au pied duquel un coffrage a été aménagé pour accueillir le reste de la terre sacrée. Ce transfert de terre se fait au son du Garde à vous, Ouvrez le ban, Dernier Adieu et Mort d'Aase d'Edvard Grieg. Lorsque la musique se tait, le coffrage est scellé, garni de fleurs. Les drapeaux s'inclinent pour une minute de silence. Les hymnes nationaux sonnent encore une fois et le cortège retourne à la Grand'Place où les invités de marque sont conviés à un banquet.694(*) * 688 Idée propagée par le discours d'un membre du comité du souvenir britannique, le 2 novembre 1935, à l'INR. UMONS,Fonds Licope, 3.D. n°5, transcription de l'intervention radiophonique d'un membre du comité du souvenir britannique, le 2 novembre 1935, à l'INR. * 689UMONS,Fonds Licope, 3. E. n°7, Brochure de la cérémonie du Souvenir Britannique, 2 novembre 1935. * 690 Cette terre n'est pas prélevée qu'au cimetière de Mons, le Comité du Souvenir Britannique s'est aussi rendu aux Wartons puisqu'il s'agit du lieu où la mort frappa le premier Soldat Britannique. UMONS,Fonds Licope, 3. E. n°7, Brochure de la cérémonie du Souvenir Britannique, 2 novembre 1935. * 691ARCHIVES DE L'ETAT À MONS, Archives de la ville de Mons, section contemporaine, n°334 : programme des cérémonies en l'honneur du jubilé de mariage des souverains britanniques * 692 Une urne par commune où des soldats britanniques sont tombés. Information issue de La Province, 4 novembre 1935, p.2. * 693La Province, 2-3 novembre 1935, p.1-2 (éditions du soir). * 694La Province, 4 novembre 1935, p.2. |
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